COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 29 juin 2011
La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'examen, ouvert à la presse, sur le rapport de M. Pierre-Christophe Baguet, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la régulation du système de distribution de la presse (n° 3399).
L'ordre du jour appelle maintenant l'examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la régulation du système de distribution de la presse. L'examen de ce texte en séance publique est inscrit à l'ordre du jour du 5 juillet prochain, dans l'après-midi.
Nous avons organisé la semaine dernière une table ronde réunissant le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et les deux entreprises de messagerie concernées. Notre rapporteur, Pierre-Christophe Baguet, a en outre procédé à des auditions ouvertes à l'ensemble des membres de notre Commission.
La proposition qui nous est soumise a pour objet de réformer la gouvernance de notre système coopératif de distribution de la presse vendue au numéro.
Cette réforme est l'aboutissement d'un long travail de concertation qui a été mené, depuis 2008 et les États généraux de la presse écrite, entre les pouvoirs publics et l'ensemble des acteurs de la profession. Il en résulte un texte équilibré et, surtout, consensuel. Ainsi, tous les acteurs – éditeurs, diffuseurs de presse et même Syndicat du Livre – adhèrent à cette proposition. Rare dans ce secteur, ce consensus est motivé par l'urgence de mener à bien la réforme et de prendre les mesures aptes à remettre à flots un système qui n'a guère évolué depuis la Libération.
Concurrence des nouveaux médias, désaffection pour le métier de kiosquier, réduction des budgets publicitaires depuis la crise, érosion du lectorat, etc. : la crise de la presse est non seulement conjoncturelle mais aussi structurelle. Presstalis, qui représente 80 % du marché, accuse cette année une perte de 20 millions d'euros. Les responsables du secteur le disent eux-mêmes, l'alternative est claire : moderniser le système dès maintenant pour préserver son organisation coopérative ou ne rien faire et le voir s'écrouler à brève échéance, la distribution de la presse devenant ainsi une activité de marché comme une autre tandis que l'on ira, comme dans certains pays, acheter ses journaux au supermarché.
Sorte d'exception française, la spécificité de notre système de distribution de la presse mérite vraiment d'être défendue.
À la Libération, le Gouvernement a nationalisé Hachette, qui détenait avant guerre un monopole dans la distribution des journaux et pouvait ainsi agir en censeur de fait. Pour refonder le système sur des bases démocratiques, garantissant à tout éditeur le droit d'être distribué sans discrimination d'orientation politique ou de tirage, la célèbre loi « Bichet » du 2 avril 1947 a affirmé le principe de la liberté de la distribution et a prévu, pour les éditeurs qui ne choisissent pas de distribuer eux-mêmes leurs publications, l'obligation d'adhérer à des coopératives de messagerie de presse pour assurer le transport de leurs titres à longue distance. C'est ce que l'on appelle le « niveau 1 » de la distribution. Les grossistes locaux – les dépositaires – constituent le « niveau 2 » et les 30 000 points de vente existants – les diffuseurs – le « niveau 3 ». La loi garantit le droit pour tout titre d'être distribué, en soumettant toute la chaîne de la distribution à une stricte obligation de neutralité.
Ces principes fondamentaux sont toujours valables et font partie de notre vie démocratique, notamment pour ce qui concerne la presse d'information politique et générale.
Pour veiller à leur mise en oeuvre et exercer un contrôle sur le caractère coopératif et sur l'équilibre financier des messageries, la loi « Bichet » a institué un Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). De l'avis général, il ne s'est investi qu'assez tardivement dans la régulation de la distribution, c'est-à-dire dans la production de normes professionnelles et dans le règlement des différends. Il est vrai que la loi ne lui confiait pas explicitement cette compétence.
Il faut néanmoins saluer le travail qu'il a accompli depuis quelques années en ouvrant plusieurs chantiers de modernisation de la distribution de la presse, grâce notamment à ses groupes de travail sur la rémunération des agents de la vente, sur les règles d'assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux diffuseurs, ou encore sur le réseau des dépositaires. Surtout, il a essayé de se structurer en véritable régulateur, en créant en son sein une commission du réseau, une commission de règlement des différends et une commission des normes professionnelles.
La portée de ce remarquable travail trouve toutefois une limite dans la faiblesse des moyens juridiques du CSMP : outre que son statut est flou, il ne dispose d'aucun pouvoir réglementaire et ses actes sont donc dépourvus de toute force exécutoire. Dès lors, aucun acteur du système n'est tenu de suivre ses recommandations ou ses arbitrages. On ne peut ainsi pas miser sur l'actuel CSMP pour engager une réforme du secteur qui soit à la hauteur de ses difficultés.
Un exemple : on sait que le droit absolu de tout titre – notre pays en compte pas moins de 4 000 ! – à être diffusé a pour conséquence l'engorgement des linéaires et le découragement des diffuseurs. Lorsqu'il s'agit de la presse d'information politique et générale, nécessaire à l'éclairage du citoyen, cela n'est qu'un moindre mal ; mais il est regrettable, voire critiquable, que l'encombrement du linéaire soit le fait de publications moins stratégiques pour la vie démocratique. Or on sait, par des expérimentations, qu'avec un assortiment mieux adapté aux demandes de la clientèle et un plafonnement des quantités livrées qui limite les taux d'invendus, les conditions de travail des diffuseurs s'améliorent et les ventes repartent à la hausse. Hélas, les moyens juridiques actuels du CSMP ne lui permettent pas d'engager la réforme des règles d'assortiment des titres et de plafonnement des quantités qu'il a élaborées.
C'est à cette insuffisance que propose de remédier cette proposition de loi d'origine sénatoriale.
La première orientation fondamentale qui la sous-tend est de préserver les principes de la loi « Bichet », donc le caractère coopératif et impartial de notre système de distribution de la presse. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs considéré comme « objectif à valeur constitutionnelle » l'accès effectif du public à des quotidiens d'information politique et générale de tendances et de caractères différents. La proposition va tout à fait dans ce sens, en ne modifiant pas le titre I de la loi « Bichet », qui énonce ces principes, mais uniquement les titres II et III, qui traitent du CSMP et de diverses mesures d'application. L'objectif est donc bien de conserver à l'ensemble du système de distribution de la presse son caractère coopératif et solidaire.
Une fois le maintien de ces principes acquis, il reste à savoir comment les faire vivre, c'est-à-dire quelle architecture institutionnelle retenir pour la régulation du secteur. L'économie générale du texte procède d'une synthèse entre deux schémas envisageables. Le premier repose sur l'autorégulation du secteur en confiant aux acteurs eux-mêmes l'essentiel des responsabilités ; c'est le modèle du CSMP actuel, qui présente l'avantage de faire une large part aux acteurs de la profession. Revers de la médaille : on ne saurait conférer un pouvoir réglementaire à une instance professionnelle dont les membres ne sont pas impartiaux et la gouvernance de ce modèle d'autorégulation est nécessairement faible. Le second modèle consiste à confier l'essentiel du pouvoir à une autorité administrative indépendante, comme le recommandait M. Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence, dans un rapport sur la réforme du CSMP.
Le présent texte place le curseur à mi-chemin de ces deux modèles. Il propose de rénover le CSMP pour en faire une véritable instance professionnelle, en supprimant les sièges des administrations centrales – les ministères disposaient de six sièges… – ou les entreprises de transport. Ce CSMP rénové sera chargé de réguler le secteur, par exemple, de fixer les rémunérations des agents de la vente, d'établir des normes professionnelles, de contrôler l'équilibre financier et le caractère coopératif des messageries, de mener une procédure obligatoire de conciliation précontentieuse en cas de différend entre deux acteurs.
Pour que l'action du CSMP soit plus efficace, le texte institue une autorité administrative indépendante, l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), composée de trois magistrats, qui sera chargée de donner force exécutoire aux décisions du conseil supérieur. On aurait pu craindre que ce dernier soit ainsi mis sous tutelle, comme certains collègues l'on dit : il n'en est rien, car il aura toujours l'initiative de ses décisions et l'ARDP n'interviendra qu'en aval.
Au total, ce texte ouvre la voie à une réforme salutaire, consensuelle et fidèle aux principes de la loi « Bichet ».
Parce qu'il nous est parvenu assez tardivement du Sénat, nous avons dû l'examiner avec rapidité. Mais vitesse ne veut pas dire précipitation et nous avons notamment pu procéder à des auditions, auxquelles a participé notre collègue Marcel Rogemont.
Il s'agit en effet d'un texte équilibré et qui a fait l'objet d'un consensus, ce qui n'est pas si fréquent dans le secteur de la presse.
Les modifications ne portent pas sur les principes fondamentaux gouvernant le système de distribution de la presse depuis l'après guerre, fixés par le titre Ier de la loi « Bichet », mais simplement sur le titre II, relatif à la gouvernance du système de la distribution, ainsi que sur le titre III.
Il s'agit en fait de moderniser le mode de régulation du système en le rendant plus fonctionnel, plus réactif, et en le faisant davantage reposer sur la transparence et sur l'objectivité.
Il est ainsi proposé de réformer le Conseil supérieur des messageries de presse, sujet sur lequel l'approche consensuelle a largement prévalu au Sénat.
Cette proposition donnera au secteur de la distribution de la presse les moyens de mieux faire face à une situation objectivement très difficile, en lui offrant des outils supplémentaires pour sauver un système coopératif malmené par les évolutions économiques.
L'organisation bicéphale qui est proposée permettra de mettre fin aux blocages récurrents auxquels est confronté le secteur en donnant plus de légitimité aux décisions prises par le CSMP, qui ne dispose aujourd'hui que d'un pouvoir d'avis ou de recommandation, dépourvu de force exécutoire et de valeur normative à défaut d'indication législative contraire, d'où l'objet de la présente réforme. Le renforcement du rôle du conseil supérieur et la création de l'Autorité de régulation permettront en outre de régler plus rapidement, par la conciliation et non par le contentieux, les litiges opposant les différents acteurs du secteur. L'ARDP assurera un contrôle efficace des mesures normatives prises par le CSMP. Il s'agit ni plus ni moins de mettre en oeuvre les réformes urgentes préconisées par les États généraux de la presse écrite.
Au-delà de ce texte éminemment technique, nous portons des ambitions plus vastes pour revaloriser ce secteur, notamment le métier des diffuseurs de presse (marchands de journaux, kiosquiers, etc.) – ce à quoi procède d'ailleurs indirectement l'article 6.
Nous nous intéressons aussi beaucoup à l'avenir des aides octroyées par l'État à la distribution de la presse. Nous serons amenés, lors du débat budgétaire, à examiner la répartition des crédits entre l'aide au transport postal, qui représente cette année pas moins de 268 millions d'euros, et l'aide au portage qui a fait la preuve de son attractivité mais en faveur de laquelle ne sont mobilisés que 68 millions. Peut-être convient-il de rendre de nouveaux arbitrages, d'autant que l'aide au portage est limitée dans le temps et doit normalement prendre fin cette année. La fin de ce dispositif, qui a permis un développement considérable du portage, jusque-là plutôt embryonnaire dans notre pays, risquerait de lui porter préjudice ainsi qu'aux emplois qui y sont liés.
Au total, les commissaires du groupe UMP se prononceront en faveur de cette proposition de loi.
Je remercie le rapporteur de m'avoir associé aux auditions.
Je regrette toutefois que ce soit à nouveau sous la forme d'une proposition de loi que l'on aborde un sujet d'une telle importance, quand bien même ce texte émane en fait du Gouvernement. Outre que nous avons été contraints de travailler dans l'urgence, nous avons ainsi été privés d'une étude d'impact qui nous aurait été fort utile.
Ce texte ne marque pas une révolution mais une évolution de la loi « Bichet », en améliorant sans doute le mécanisme de décision. Mais fallait-il, pour rendre plus effectives les recommandations du CSMP, créer une nouvelle autorité indépendante ? C'est déjà ce qui nous a été proposé à l'occasion de l'examen de la proposition relative au patrimoine monumental de l'État. Comment ne pas s'en étonner alors que le Président de la République et le Gouvernement avaient annoncé leur intention de supprimer tous ces « machins », au motif qu'ils nuisaient à la lecture des décisions qu'il appartient à l'autorité politique de prendre ? Même si le système de décision du CSMP peut apparaître défaillant, on aurait pu s'orienter vers une autre formule que celle qui nous est proposée.
Était-il par ailleurs indispensable de porter un coup de canif au système coopératif ? Cela ne peut que nous inciter à la vigilance.
Il est vrai qu'il est nécessaire de remettre à plat le système de distribution, d'autant que les difficultés de Presstalis sont préoccupantes, qui pourraient l'amener à vendre MediaKiosk et à fragiliser ainsi la distribution de la presse.
Député de province, je mesure à quel point la mutualisation de la presse régionale et nationale profite à cette dernière. C'est un sujet sur lequel nous devrions nous pencher davantage.
S'agissant enfin du portage, il est vrai que l'on a besoin d'une visibilité pluriannuelle pour que la profession puisse s'organiser. Nous y reviendrons sans doute à l'occasion du débat budgétaire.
Je souhaite la bienvenue aux présidents de commission de la nouvelle Chambre des députés d'Haïti (applaudissements).
Tous les acteurs du secteur de la presse nous disent leur inquiétude face à l'avenir. Dès 2008, les États généraux ont témoigné de cet état de crise. Nul ne conteste donc la nécessité de réformes, d'ambitions et de moyens.
Baisse des ventes, diminution des ressources publicitaires, concurrence des gratuits, bouleversements induits par les médias électroniques : la situation est en effet préoccupante. La baisse des ventes a de sérieuses conséquences sur l'ensemble de la chaîne de distribution ; la concurrence entre coopératives menace le système. Au niveau 1, celui des sociétés coopératives, Presstalis est en difficulté ; au niveau 2, les dépositaires régionaux souffrent financièrement ; au niveau 3, les diffuseurs rencontrent également de graves difficultés économiques.
Face à cela, la réforme était nécessaire. Mais quelle réforme ? Certes, notre rapporteur affirme que l'article 1er préserve les principes de la loi « Bichet », mais d'autres articles commencent à les remettre en cause – c'est le « coup de canif » dont vient de parler Marcel Rogemont.
Lors des États généraux, le Président de la République avait préconisé la disparition du CSMP, qui a finalement été maintenu à la suite de l'intervention très forte des éditeurs. Toutefois, à leur demande comme à celle des présidents de tous les syndicats professionnels de la presse, un compromis a été trouvé pour que le rôle du conseil supérieur soit modifié. Au lieu de s'engager dans cette voie, la proposition qui nous arrive du Sénat le place sous le contrôle d'une nouvelle autorité indépendante. À quoi bon, alors qu'il aurait suffi de doter le conseil supérieur de nouveaux pouvoirs ?
Je m'interroge aussi sur la possibilité ouverte aux éditeurs de presse, à l'alinéa 26 de l'article 4, de contourner le système coopératif en s'adressant directement à des entreprises privées : ces dernières, qui n'auront à leur charge aucune mission de service public, n'exerceront que les activités rentables, pour lesquelles elles seront en mesure de proposer aux éditeurs des tarifs plus intéressants.
L'alinéa 25 du même article permet de distinguer la tarification de la presse générale et politique de celle du reste de la presse. Cela ne revient-il pas à développer un système à deux vitesses, avec d'un côté la presse rentable, que les éditeurs auront intérêt à produire et les vendeurs à vendre, de l'autre une presse subventionnée et coûteuse, la presse d'information politique et générale, dont la diffusion risque de se trouver rapidement en péril ?
En renforçant la concurrence entre messageries, dont les effets délétères se font déjà sentir, cette proposition ne résout pas les problèmes de fond. C'est en fonction des améliorations qui lui seront apportées lors de ce débat que nous déterminerons notre vote, qui serait négatif si elle demeure en l'état.
Les entreprises locales qui assurent la distribution de la presse auprès de marchands de journaux dans les bourgs-centre et les villages du milieu rural m'ont fait part de leurs inquiétudes quant au renforcement du pouvoir des grands éditeurs de presse qu'entraînerait la présente proposition de loi, allant ainsi à l'encontre des conclusions du rapport de Bruno Lasserre. Que peut-on aujourd'hui leur répondre ?
Il y a, nous dit-on, consensus sur la nécessité de modifier et de clarifier la gouvernance. Mais les choses sont en fait beaucoup plus compliquées.
Les États généraux de la presse se sont achevés il y a maintenant deux ans. Or, nous disions déjà alors tout ce que nous disons aujourd'hui : « le portage a de l'avenir, mais comment faire ? », « Presstalis va mal, mais comment faire ? », « il faut revaloriser les diffuseurs de presse, mais comment faire ? ». Certes, un certain nombre de choses ont été faites, qui ont parfois constitué des aubaines pour les éditeurs. Ainsi, on a soutenu le portage, mais il ne s'est pas véritablement développé en conséquence et, si j'aime, j'admire et je lis tous les matins la presse régionale, force est de constater qu'elle a été l'unique utilisatrice de ces aides… Si l'on veut passer avec la presse une convention pour les trois années à venir, ce que j'appelle de mes voeux, il faut dire à nos amis que les droits s'accompagnent de devoirs et non poursuivre comme si de rien n'était ce que l'on fait depuis trente ans.
Un mot enfin de la méthode. J'ai cru comprendre qu'il était nécessaire d'aller vite, donc de voter ce texte conforme, et que, pour ce motif, nos amendements, pour intéressants qu'ils soient, n'avaient aucune chance d'aboutir. Nous signifier ainsi que cette proposition est « à prendre ou à laisser » ne me paraît guère conforme à l'intérêt que, tous ici, nous affirmons porter à la presse.
S'il y a consensus entre nous, c'est incontestablement autour de la nécessité d'aider la presse écrite dont la situation est difficile. De ce point de vue, de très nombreux sujets méritent notre attention : relations entre la presse écrite et l'Agence France Presse (AFP), et entre la presse écrite et Apple, qui veut lui imposer une taxation à hauteur de 30 %, problèmes de fiscalité, notamment de TVA sur la presse numérique, volonté d'éviter la précarisation de ceux qui font la presse, en premier lieu de ceux qui écrivent dans les journaux.
Michel Françaix vient de le souligner, le consensus est bien moins évident quant à la méthode. Nous sommes en effet saisis d'une proposition de loi qui nous vient du Sénat, ce qui nous amène à légiférer, comme d'ailleurs sur la question du patrimoine monumental de l'État, sans aucune étude d'impact, ne serait-ce que sur la question de l'encombrement des linéaires sur laquelle les kiosquiers nous interpellent régulièrement.
Qui plus est, ces deux propositions ont en commun une sorte de fuite en avant qui conduit à créer d'un côté un Haut conseil du patrimoine, de l'autre l'ARDP.
Enfin sous couvert de la nécessité d'adopter ce texte conforme dès cette fin de session, ce premier « coup de canif » porté à la loi « Bichet », n'annonce-t-il pas sa fin prochaine ?
Nous sommes très attachés à la loi « Bichet », qui a eu pour objet, dès l'origine, de protéger la liberté de la diffusion de la presse.
Nous partageons le constat que le secteur de la distribution est aujourd'hui exposé à des déséquilibres majeurs. Dans le circuit de distribution, les diffuseurs – marchands de journaux et petits kiosquiers – connaissent des difficultés et apparaissent comme les parents pauvres de la régulation. Les messageries connaissent des difficultés financières considérables, qui les empêchent de rester fidèles à la logique de mutualisation des coûts et à cette solidarité coopérative pour laquelle elles avaient été créées et que nous souhaitons maintenir.
En protégeant les réseaux de distribution, notre objectif commun est de créer les conditions d'amélioration d'un secteur clé de notre vie démocratique. C'est pourquoi nous proposons de rénover et de renforcer le rôle du CSMP, afin de le professionnaliser. Mais pourquoi l'adosser à une autorité de régulation indépendante au prétexte d'écarter un risque de conflit d'intérêts ? Très réservés vis-à-vis de cette mesure, nous présenterons des amendements destinés à renforcer le rôle du CSMP sans porter atteinte aux principes fondamentaux de la loi « Bichet ».
En dépit de quelques réserves, je considère que ce texte apporte de réelles avancées, attendues par l'ensemble de la profession – éditeurs, messageries, distributeurs et diffuseurs.
On ne peut que se réjouir en particulier du renforcement du rôle du CSMP, enfin doté d'un véritable statut juridique et dont les décisions de portée générale seront rendues exécutoires par l'ARDP. L'évolution de sa composition va également dans le bon sens : on peut espérer que la représentation des diffuseurs permettra de mieux comprendre les enjeux et les difficultés auxquelles sont confrontées toutes les parties prenantes de la distribution de la presse. Il est également heureux que le conseil supérieur recueille l'avis de tous les acteurs concernés afin de définir les bonnes pratiques professionnelles en matière de distribution.
Certaines dispositions du texte nous inquiètent toutefois car elles pourraient remettre en question l'esprit de la loi « Bichet » de 1947. C'est notamment le cas de l'alinéa 26 de l'article 4, relatif à la distribution indépendante du système coopératif. J'espère donc que l'adoption de nos amendements permettra d'améliorer encore cette proposition de loi.
Le constat de la situation de la distribution de la presse et de la vente au numéro dans notre pays est à l'évidence largement partagé : chacun souhaite que les choses évoluent.
Marcel Rogemont a eu raison de qualifier cette proposition non pas de révolution mais d'évolution, évolution qui me paraît d'autant plus nécessaire que nous connaissons les difficultés de ce secteur.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la priorité qui pourrait être accordée à la presse d'information politique et générale, dont nous sommes tous persuadés qu'elle est éminemment nécessaire à la vie de notre démocratie. Il me paraît donc légitime de lui réserver un traitement un peu particulier.
Nous reviendrons lors de l'examen des articles sur les « coups de canif » qui seraient portés à la loi « Bichet ». Je souligne simplement qu'il existe déjà des dérogations pour les entreprises commerciales que ce texte permettra précisément de mieux contrôler, afin d'aller ainsi vers cet équilibre entre les droits et devoirs que Michel Françaix a appelé de ses voeux.
Nous en venons à l'examen des articles.
Article 1er: Modification de l'intitulé du titre II de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947
La Commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 : Création de deux instances chargées de réguler le système coopératif de distribution de la presse
La Commission est saisie de l'amendement AC 4 de Mme Marie-George Buffet, visant à supprimer l'article.
La mission du CSMP ne doit pas être d'organiser la concurrence entre les acteurs de la distribution et de la vente mais au contraire de veiller à leur coopération solidaire. Cet amendement vise donc à éviter qu'il ne soit placé sous la tutelle de l'ARDP.
Je suis bien évidemment défavorable à la suppression de cet article essentiel : renoncer à la création de l'ARDP remettrait en cause tout l'équilibre du dispositif, qui repose sur cette gouvernance bicéphale. Il m'avait pourtant semblé que nous étions tous d'accord sur la nécessité de faire évoluer le système. J'ajoute que le CSMP n'est en rien mis sous tutelle de l'autorité de régulation puisqu'il aura toujours l'initiative. Qui plus est, cette autorité sera légère puisqu'elle ne sera composée que de trois magistrats : on est loin de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou du Conseil supérieur de l'audiovisuel…
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Composition du Conseil supérieur des messageries de presse
La Commission examine l'amendement AC 5 de Mme Marie-George Buffet.
Les compétences dévolues au commissaire du Gouvernement nous paraissent insuffisantes pour permettre à l'État, garant de l'intérêt général, de demeurer force de proposition. C'est pourquoi nous souhaitons rétablir la présence de l'État au sein du conseil supérieur.
La présence du ministre des affaires étrangères au CSMP vous paraît-elle vraiment indispensable ?
La réforme de la composition du conseil supérieur est destinée à renforcer le rôle des professionnels. Il a paru légitime d'en exclure les représentants des entreprises de transport, dont la présence n'est plus justifiée aujourd'hui comme elle a pu l'être en 1947. Le commissaire du Gouvernement représentera désormais l'État et jouera un rôle de contrôle. Il disposera même d'une sorte de droit de veto puisqu'il pourra demander une nouvelle délibération en cas de désaccord. Il pourra également faire inscrire toute question à l'ordre du jour.
Enfin, l'intérêt de l'intervention de l'ARDP est de donner force exécutoire aux décisions du CSMP. Tout cela est très complémentaire et très équilibré.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AC 6 de Mme Marie-George Buffet.
Nous proposons de revenir à trois représentants des salariés, conformément à la loi « Bichet », au lieu de deux comme cela nous est proposé dans ce texte.
C'est également une question d'équilibre : dès lors que l'on passe de 27 membres à 20, il ne paraît pas anormal que l'effort soit partagé et que le nombre des représentants des salariés diminue à due proportion, tout en demeurant à 10 % du total des membres. Je rappelle que la nouvelle composition permettra d'accueillir des représentants des dépositaires de presse, alors que le niveau 2 n'était jusqu'ici pas représenté au CSMP, ce qui était quelque peu surprenant.
Les deux représentants du personnel, qui seront présents à chaque séance, pourront faire rapport à l'ensemble des agents de la filière.
Je suis donc défavorable à cet amendement
Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de faire évoluer les choses et nous savons que cela nécessitera l'adhésion du personnel. Est-il dès lors opportun de réduire le nombre de ses représentants ? Ne donne-t-on pas de la sorte raison à ceux qui pensent que la loi « Bichet » sera à terme abrogée comme à ceux qui considèrent que ce texte est fait pour les patrons de presse ? Ne risque-t-on pas de multiplier les conflits, en contradiction avec l'objectif de ce texte ?
Des progrès considérables ont été enregistrés avec les imprimeries, ne faisons donc pas avec la distribution les mêmes bêtises que jadis avec ces dernières !
Deux ou trois, cela ne change pas grand-chose et il me paraîtrait inélégant de profiter de ce texte pour réduire la représentation du personnel.
Il n'y a là nulle inélégance. Pourquoi vous montrer plus royaliste que le roi ? Le délégué général du Syndicat du Livre lui-même n'a rien trouvé à redire à la diminution du nombre de ses propres représentants ! Pour une fois qu'il y a consensus entre le syndicat, les éditeurs, les diffuseurs, les dépositaires, je ne vois pas l'intérêt de cet amendement, dont l'adoption risquerait en outre de perturber gravement le calendrier.
Vous avez écrit, monsieur le rapporteur, que « la loi "Bichet" s'apparente à une colonne du temple de notre République ». Une telle envolée s'accommode-t-elle de la petite mesquinerie qui consiste à réduire le nombre des représentants du personnel, que la presse ne manquera pas de pointer dès demain ?
Nous avons reçu hier le délégué général du Syndicat du Livre, qui n'a vu nulle matière à contestation dans cette réduction du nombre de ses représentants.
Je suis heureux que notre rapporteur défende avec tant de détermination le Syndicat du Livre…
Plus sérieusement, quel est exactement le cadre de ce débat ? Sommes-nous ici de bons soldats supposés nous aligner derrière le texte immuable du Sénat ou disposons-nous de la possibilité d'imprimer la marque de l'Assemblée nationale sur cette proposition ? Nous n'avons pas bénéficié d'une étude d'impact et, alors que nous intervenons dans un secteur sensible, co-régulé, nous devons attendre la séance publique pour connaître la position du Gouvernement. Mesurons bien toutes les conséquences de ce que nous sommes en train de faire dans la précipitation et qui risque d'être demain dommageable à la distribution de la presse.
Ces propos ne me semblent pas adaptés au présent amendement, dont je vois d'autant moins l'intérêt que cette disposition fait l'objet d'un consensus.
La Commission rejette l'amendement AC 6.
Puis elle adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Missions et compétences respectives du Conseil supérieur des messageries de presse et de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse
La Commission est saisie de l'amendement AC 7 de Mme Marie-George Buffet, visant à supprimer l'article.
On veut en effet nous faire adopter ce texte dans la précipitation mais cela ne nous empêche pas de voir que cet article porte atteinte au système coopératif et solidaire ; c'est pourquoi nous demandons sa suppression.
Vous nous proposez une fois encore de supprimer une disposition qui est au coeur de cette réforme et de la vider de son sens ; je ne puis donc qu'être hostile à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques AC 1 de M. Marcel Rogemont et AC 8 de Mme Marie-George Buffet.
Le canif entre les dents, la majorité est prête à s'attaquer aux fondations de la loi « Bichet », en l'occurrence au dispositif coopératif, que l'on pourrait pourtant considérer comme une autre colonne du temple…
Autant il paraît utile de rendre exécutoires les recommandations du CSMP, autant j'ai du mal à comprendre l'intérêt de la disposition qui nous est proposée à l'alinéa 26 puisque rien n'empêche la presse quotidienne régionale (PQR) de distribuer la presse quotidienne nationale (PQN), ce qu'elle fait déjà.
Certes, le système coopératif présente des inconvénients. Ainsi, il suffit qu'un magazine soit proposé à un tarif très faible pour qu'il soit distribué partout aux frais des autres. C'est aussi probablement en raison de la loi « Bichet » qu'Hachette est aujourd'hui leader dans ce secteur. Mais il ne faudrait pas que cela nous fasse oublier les très grands avantages de ce dispositif.
Voilà un domaine dans lequel il aurait été utile que nous conduisions des réflexions plus approfondies.
Nous proposons également de supprimer cet alinéa qui permet aux éditeurs de presse de contourner le système coopératif en s'adressant directement à des entreprises privées. Ces dernières n'accepteront bien évidemment d'exercer que des activités rentables et laisseront toutes les autres à la charge du dispositif coopératif, au risque que la situation financière des coopératives, déjà précaire, s'en trouve encore fragilisée.
Ce système dérogatoire existe déjà mais il n'est pas encadré. C'est ce qu'il nous est proposé de faire. Afin de préserver l'esprit coopératif, sur proposition du sénateur socialiste et rapporteur au Sénat, David Assouline, il a été ajouté à cet alinéa que le CSMP – c'est-à-dire les professionnels eux-mêmes – définit les conditions d'une distribution non exclusive par les messageries de presse « dans le respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques des sociétés coopératives des messageries de presse ». Cet amendement a été adopté avec le soutien du groupe UMP et du Gouvernement et la deuxième colonne du temple a ainsi été érigée. Il garantit la protection que nous appelons, vous et moi, de nos voeux afin de préserver le système coopératif mis en exergue par l'article premier de la loi « Bichet », auquel il n'est en rien porté atteinte. Il n'y aura donc pas des sociétés qui d'un côté distribueront leurs titres les plus rentables par des réseaux commerciaux et qui de l'autre mettront leurs titres les moins rentables à la charge des sociétés coopératives, qui se trouveraient ainsi dans une situation économique difficile.
Les efforts doivent par ailleurs être partagés et je rejoins Michel Françaix et Michel Herbillon sur le fait que, dès lors que l'État aide le portage, on est en droit d'exiger, pour parvenir à une meilleure distribution de la presse, une mutualisation de la presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne nationale, d'autant que l'on compte, je le rappelle, 30 000 points de presse pour la seconde et 60 000 pour la première.
Enfin, aux termes de la proposition, toute initiative nouvelle devra d'abord être soumise à l'avis du CSMP. Un diffuseur ou un éditeur de presse ne pourra donc aller négocier lui-même, en s'affranchissant des contrats de groupage et des règlements intérieurs des messageries. On est donc bien dans le cadre d'un contrôle des professionnels par les professionnels.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements
Contrairement à ce que vous venez de dire, le CSMP ne se saisira pas systématiquement des initiatives que chacun pourra prendre à l'intérieur du cadre général de la diffusion par les messageries de presse qui est défini à cet alinéa.
Par ailleurs, je me réjouis que l'amendement de notre collègue socialiste du Sénat ait permis de passer du sabre au canif, mais il n'en demeure pas moins que ce texte porte atteinte au système coopératif.
Comme Patrick Bloche, j'aurais aimé que nous ne soyons pas obligés de travailler de façon un peu précipitée. Cela étant, je m'étonne que Marcel Rogemont défende des amendements qui remettent en cause les fondements mêmes d'un texte dont il n'est peut-être pas inutile de rappeler que le groupe socialiste du Sénat l'a voté… Faudra-t-il, pour faire aboutir cette proposition, créer une autorité de régulation entre les différents courants du parti socialiste ?
Cet alinéa ne constitue pas le fondement, avec lequel nous sommes d'accord, d'un texte qui vise à faire en sorte que la profession, mieux organisée, assume des décisions collectives.
Les nouvelles dispositions de notre Règlement empêchent de plus en plus l'opposition de s'exprimer dans l'hémicycle et voilà qu'on nous dénie également le droit de nous exprimer en commission, au motif que nous freinerions l'adoption de ce texte. Je ne vois pas non plus pourquoi il nous serait interdit de débattre au motif que nos collègues sénateur socialistes ont voté le texte.
Nous ne sommes pas dans une chambre d'enregistrement et je demande que le débat puisse se tenir !
Le débat se tient : vous et vos collègues avez la possibilité de vous exprimer librement devant notre Commission, comme vous l'avez eue lors de la table ronde que nous avons organisée la semaine dernière…
Peut-être notre collègue Marcel Rogemont, qui s'est beaucoup impliqué dans la préparation de ce débat et qui m'a accompagné lors de la quasi-totalité des auditions, sera-t-il totalement rassuré par le fait que, en application de l'amendement adopté au Sénat à l'initiative de David Assouline, si un éditeur n'est pas content de la stratégie adoptée par un autre, il pourra désormais saisir la commission du CSMP compétente en matière de différends. On a de la sorte une garantie supplémentaire que les principes de solidarité coopérative seront respectés.
La Commission rejette les amendements identiques AC 1 et AC 8.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 2 de M. Marcel Rogemont.
Par cet amendement de repli, nous proposons que le CSMP soit appelé à traiter chaque cas de dérogation, c'est-à-dire de distribution non exclusive ou de distribution directe. Cela ne me semble guère éloigné de ce que vous venez de prôner, monsieur le rapporteur…
Vous proposez de statuer au cas par cas, ce qui me semble toujours pouvoir être source d'arbitraire. Pour ma part, je préfère que l'on définisse un cadre général, en ouvrant la possibilité de saisir la commission des différends.
Je rappelle en outre que l'on compte dans notre pays 30 000 diffuseurs de presse, 150 dépositaires, deux messageries coopératives : je ne voudrais pas que le CSMP, qui a principalement vocation à développer le secteur et à tracer des orientations générales, consacre la majeure partie de son temps à examiner, cas par cas, les dérogations.
Pour ces raisons, je considère qu'il faut s'en tenir à la rédaction de l'alinéa 26 telle que le Sénat l'a amendée.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 3 de M. Marcel Rogemont.
J'indique à notre collègue Michel Herbillon, au cas où il souhaiterait adhérer au parti socialiste, qu'il n'y a plus de courant au sein de ce dernier…
Parce que nous y voyons une limitation de la souveraineté des sociétés coopératives de messageries de presse, nous proposons de supprimer l'alinéa 67 de l'article 4, qui prévoit que le CSMP formule un avis sur l'évolution de leurs conditions tarifaires.
En faisant en sorte que l'autorité de régulation donne son avis, le texte offre des garanties afin d'éviter toute possibilité d'entente entre les deux grandes messageries. Cet amendement me semble donc inutile. Il risque en outre de nuire à l'équilibre général de la proposition. Cette dernière mentionne en effet non pas l'établissement mais l'évolution des tarifs et ne prévoit qu'un avis, qui apparaît néanmoins comme protecteur.
Mais comment s'assurer que les coopératives ne seront pas cantonnées à la distribution des titres les moins rentables ?
Le système actuel ne fonctionne pas si mal que cela : je n'ai pas connaissance d'interrogation des professionnels sur ces questions tarifaires et le CSMP fait son travail. Pourquoi vouloir le mettre sous la tutelle de l'ARDP ?
C'est un sujet très complexe sur lequel nous nous apprêtons à mal légiférer. Avec cette proposition, on va incontestablement limiter la souveraineté des sociétés coopératives, donc remettre une nouvelle fois en cause la loi « Bichet ».
Monsieur le rapporteur, l'adoption de cet amendement ne remettrait nullement en cause l'équilibre général de ce texte. En vous y opposant, vous confirmez que notre assemblée aura regardé passer le train de cette proposition, en laissant aux seuls sénateurs le soin de légiférer dans ce domaine.
Ce n'est pas parce que l'autorité de régulation émettra un simple avis que la souveraineté du CSMP s'en trouvera limitée !
Au-delà de l'avis, elle pourra procéder à des auditions : il s'agit donc bien d'un pouvoir de régulation.
Pour l'instant, le CSMP fixe ses propres tarifs. C'est sur ces tarifs que l'ARDP donnera un avis, qui protégera contre d'éventuelles ententes illicites. Nous légiférons donc pour l'avenir, dans un secteur en pleine évolution. Recueillir cet avis me paraît raisonnable et même prudent.
L'autorité de régulation nous est présentée comme étant destinée à rendre exécutoires les recommandations du conseil supérieur. Pourquoi donner à l'ARDP la capacité de rendre un avis après que le CSMP aura rendu le sien ?
C'est le monde à l'envers ! Cet alinéa ne figurait pas dans la proposition initiale du président Jacques Legendre : il y a été ajouté à l'initiative du rapporteur socialiste, David Assouline. En fait, monsieur Bloche, en rejetant les amendements du groupe socialiste à l'Assemblée, nous protégeons le travail que le groupe socialiste du Sénat a accompli afin de répondre à la demande des professionnels d'être protégés contre les dérives et les ententes illicites. Pourquoi revenir sur cette disposition sage et protectrice, votée par la majorité après qu'elle a reçu le soutien du ministre de la culture ?
Lors d'un récent débat sur une autre proposition de loi émanant du Sénat, sur le prix unique du livre numérique, nous avons constaté un complet désaccord entre les sénateurs et les députés de la majorité. On voit là que les avis peuvent diverger d'une chambre à l'autre, surtout sur des points de détail.
Dès lors que nous avions approuvé l'équilibre général du texte, nous pensions que le rapporteur aurait pu faire un geste d'ouverture envers nous, en particulier sur cet aspect du texte. Nous sommes déçus !
Je veux bien faire un geste d'ouverture, mais pas en revenant sur des dispositions de bon sens, comme celles qui ont été adoptées, à l'initiative du rapporteur du Sénat, aux alinéas 26 et 67. J'en vois d'autant moins l'intérêt que la distribution de la presse et la vente au numéro connaissent une situation de crise !
Il s'agit de dispositions complexes et techniques et il n'en est que plus regrettable de nous priver de la possibilité de faire évoluer ce texte à l'occasion de la navette. Serait-il vraiment préjudiciable, au lieu de le faire passer aux forceps, que nous nous donnions le temps de la réflexion jusqu'à la rentrée ?
Vous avez vous-même déploré que l'on n'ait encore rien fait, deux ans après la tenue des États généraux. Or, ce texte répond à une demande presque unanime des États généraux et il a été largement mûri par toute la profession. Pourquoi en retarder l'adoption ?
La Commission rejette l'amendement AC 3.
Puis elle adopte l'article 4 sans modification.
Article 5 : Abrogation du titre III de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947
La Commission adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 : Abrogation de l'article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987
La Commission adopte l'article 6 sans modification.
Article 7 : Gage financier
La Commission maintient la suppression de l'article 7.
Elle adopte enfin l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
Il y a en effet deux ans que nous attendons des décisions. Était-il dès lors indispensable de se précipiter pour gagner quelques semaines ?
L'enjeu de cette proposition est de rendre notre système de distribution de la presse plus efficace, ce à quoi nous sommes favorables. Mais pourquoi y avoir ajouté des dispositions secondaires ? C'est ce qui a motivé l'abstention des commissaires du groupe SRC.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
Amendement n° AC 1 présenté par M. Marcel Rogemont, M. Michel Françaix, M. Patrick Bloche, Mme Monique Boulestin et les commissaires SRC des affaires culturelles et de l'éducation
Article 4
Supprimer l'alinéa 26.
Amendement n° AC 2 présenté par M. Marcel Rogemont, M. Michel Françaix, M. Patrick Bloche, Mme Monique Boulestin et les commissaires SRC des affaires culturelles et de l'éducation
Article 4
Rédiger ainsi l'alinéa 26 : « Le Conseil supérieur des messageries de presse statue au cas par cas pour toute demande de dérogation en vue d'une distribution indépendante du système coopératif. ».
Amendement n° AC 3 présenté par M. Marcel Rogemont, M. Michel Françaix, M. Patrick Bloche, Mme Monique Boulestin et les commissaires SRC des affaires culturelles et de l'éducation
Article 4
Supprimer l'alinéa 67.
Amendement n° AC 4 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello
Article 2
Supprimer cet article.
Amendement n° AC 5 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello
Article 3
À l'alinéa 1, après le mot : « comprend », insérer les mots : « un représentant du ministre chargé du commerce, un représentant du ministre des affaires étrangères, un représentant du Premier ministre, un représentant du ministre des transports, un représentant du ministre chargé des postes, télégraphes et téléphones, un représentant du ministre chargé de l'information. Il comprend aussi »
Amendement n° AC 6 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello
Article 3
À l'alinéa 8, substituer au chiffre : « Deux », le chiffre : « Trois ».
Amendement n° AC 7 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello
Article 4
Supprimer cet article.
Amendement n° AC 8 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello
Article 4
Supprimer l'alinéa 26.
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation poursuit ensuite l'examen, ouvert à la presse, sur le rapport de M. Éric Berdoati, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au patrimoine monumental (n° 3117).
Chapitre Ier Utilisation du patrimoine monumental de l'État
Article 1erA : Conservation et mise en valeur du patrimoine culturel – patrimoine mondial
Je m'interroge sur la portée effective de cet article à caractère purement déclaratif. Ne faudrait-il pas transcrire ces dispositions dans le code de l'urbanisme pour leur donner leur plein effet juridique ?
En faisant figurer pour la première fois dans la loi la référence au patrimoine mondial de l'humanité, cet article constitue une avancée incontestable. Cela étant, il faut prendre garde à ne pas, au détour d'un texte, surcharger le code de l'urbanisme de dispositions dont on ne maîtriserait pas les implications pour chaque territoire.
J'approuve votre analyse, monsieur le rapporteur, même si toutes les dispositions qui touchent à la protection et à la valorisation du patrimoine ont nécessairement des répercussions sur l'urbanisme. En effet, à quoi servirait le code du patrimoine s'il n'était le recueil privilégié de ces dispositions ?
La Commission adopte cet article sans modification.
Après l'article 1er A
La Commission est saisie de l'amendement AC 51 de Mme Marie-Hélène Amiable, portant article additionnel après l'article 1er A.
Cet amendement vise à consacrer dans le code général de la propriété des personnes publiques le principe d'inaliénabilité des monuments classés ou inscrits, appartenant à l'État ou aux collectivités territoriales, et pose qu'ils ne peuvent faire l'objet ni d'une procédure de déclassement ni d'un bail emphytéotique administratif.
Il s'agit de faire barrage à des décisions comme la cession du logis Saint-Pierre du Mont Saint-Michel, classé monument historique en 1938 et cédé par France Domaine au motif qu'il n'était pas affecté à l'usage direct du public ni à l'exercice d'un service public, ou comme celle qui menace l'Hôtel de la Marine, lequel risque de faire l'objet d'un bail emphytéotique de 99 ans.
Sous couleur d'encadrer les transferts, en exigeant notamment l'accord du Haut conseil du patrimoine, cette proposition de loi consacre surtout la possibilité d'aliéner les monuments historiques. Son article 10 inverse ainsi la procédure normale, puisque ce sera le projet de revente qui motivera la procédure de déclassement.
L'adoption de cet amendement conditionne le vote de cette proposition par notre groupe.
Le sort qui semble promis à l'Hôtel de la Marine suffit à nous convaincre de la nécessité d'un tel amendement.
Les deux exemples que vous avez cités, madame Amiable, illustrent précisément l'intérêt de la décision que nous allons prendre aujourd'hui. En effet, la possibilité de saisir une instance telle que le Haut conseil du patrimoine aurait évité de telles situations, même si le texte du Sénat n'est pas tout à fait conforme à ce que nous pourrions souhaiter. En conséquence, soit nous votons tel quel ce texte, qui a au moins le mérite de créer une haute autorité, soit nous attendons afin d'élaborer un texte plus abouti, mais il ne faudra pas entre-temps se plaindre de l'absence d'une instance de régulation.
Je rappelle que la loi de 1913 permet d'assurer la conservation des monuments historiques, que la propriété en soit publique ou privée. En effet, tous ces monuments ne relèvent pas du patrimoine public et, quand ils en relèvent, ils n'ont pas nécessairement vocation à y rester pourvu que leur cession soit entourée de garanties suffisantes – ce qui est précisément l'objectif de cette proposition de loi, grâce à l'institution du Haut conseil notamment. Celui-ci aura en effet à se prononcer sur tout acte de déclassement en vue de la vente par l'État ou de la revente par une collectivité publique d'un monument historique.
Quant aux baux emphytéotiques administratifs, ils peuvent constituer une solution intéressante pour mettre en valeur certains monuments ou pour les affecter à un nouvel usage, tous n'ayant pas une vocation culturelle.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Si c'est un vote conforme à celui du Sénat que vous voulez, monsieur le rapporteur, il faut nous le dire tout de suite ! Ce serait tout à fait regrettable et contraire au principe de coproduction législative bruyamment défendu à l'orée de la législature par le président de l'époque du groupe majoritaire. Comment parler de coproduction législative quand le Gouvernement fait passer par l'intermédiaire du Sénat des dispositifs que l'Assemblée n'aurait qu'à approuver ?
L'inscription dans la loi du principe d'inaliénabilité des biens nationaux présente à mes yeux l'avantage d'aller à rebours d'une conception en vogue, qui fait d'abord du patrimoine une source de profit. C'est en fonction de son intérêt pour les générations futures, et non de sa rentabilité immédiate, qu'on doit décider de maintenir tel ou tel monument dans le patrimoine national.
Je ne vois pas en quoi la création d'une instance à caractère purement consultatif pourrait empêcher la vente ou le transfert des monuments historiques. Le ministre pouvant toujours passer outre à l'avis du Haut conseil, celui-ci est dans l'incapacité de jouer le rôle de garde-fou qu'assurerait l'inscription dans la loi du principe d'inaliénabilité.
Je trouve votre attitude quelque peu schizophrénique : étant donné le calendrier des travaux parlementaires, ne pas adopter ce texte tel quel reviendrait à prolonger pour quelques années encore une situation dont nous nous accordons tous à dire qu'elle n'est pas satisfaisante. S'il est vrai que le Haut conseil émet un avis simple, la publicité entourant celui-ci et l'autorité dont jouira cette instance en raison de ses compétences scientifiques et techniques rendront politiquement malaisé pour le ministre de passer outre si l'avis est défavorable. Le cas inverse, celui d'un veto ministériel à un transfert qui aurait recueilli l'aval du Haut conseil, me semble beaucoup plus probable.
Alors que nous pouvions fort bien en rester à la loi de 2004, cette proposition facilite le bradage de notre patrimoine, d'autant que le ministre n'est pas tenu de soumettre ses décisions à l'avis du Haut conseil.
La portée du texte dont nous débattons est plus large que celle de la loi de 2004, qui concerne uniquement le patrimoine du ministère de la culture. Autre apport de la proposition de loi : chaque transfert devra servir un projet culturel, sur lequel le Haut conseil aura à se prononcer et qui sera formalisé par une convention.
Étant donné que le texte ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect du cahier des charges, la collectivité publique qui bénéficiera de la dévolution pourra faire ce qu'elle voudra. C'est pourquoi j'insiste pour que l'État puisse le cas échéant récupérer le monument.
Nous partageons tous l'attachement au patrimoine culturel de notre pays et le souhait de poser des barrières suffisantes pour éviter qu'il ne soit bradé. Sur ce point, le rôle dévolu au Haut conseil et la possibilité d'un veto ministériel sont propres à calmer toute inquiétude. De toute façon, l'intérêt d'une collectivité locale n'est pas de brader son patrimoine, mais de le mettre en valeur au bénéfice de ses habitants. Au pis, si le risque évoqué par M. Rogemont se concrétisait, l'attachement de nos concitoyens au patrimoine est tel que cela susciterait immédiatement une levée de boucliers, comme celle à laquelle nous avons assisté à propos de l'Hôtel de la Marine.
Une collectivité locale pourra arguer des restrictions budgétaires pour réaliser une juteuse spéculation immobilière en vendant son patrimoine.
On doit d'autant plus s'inquiéter du devenir de notre patrimoine, dans l'état où se trouvent les finances des collectivités territoriales, que la revente est prévue par la proposition de loi elle-même.
Pourquoi proposer ainsi dans l'urgence des solutions qui ne sont pas de nature à régler les problèmes urgents, telles que la création d'un organisme à caractère consultatif ? Il est vrai par ailleurs que beaucoup de collectivités territoriales n'ont plus les moyens de préserver le patrimoine. Ainsi la mairie de Toulouse ne peut pas racheter la prison Saint-Michel au prix que demande l'État et qui est prohibitif pour tout autre que des promoteurs immobiliers.
Je rappelle que l'État ne pourra pas transférer un bien à une collectivité contre son gré, et je ne peux pas imaginer qu'une collectivité locale se lancera dans un projet coûteux en faisant abstraction d'une situation financière difficile ou incertaine. Cependant, si l'impossibilité d'entretenir un monument historique la contraint un jour à le vendre, cela ne signifie pas la disparition de ce patrimoine, les biens appartenant à l'État n'étant pas nécessairement les mieux entretenus. Vendre un patrimoine peut même être un moyen d'assurer sa renaissance. Enfin, l'article 7 pose que l'État pourra demander la restitution du bien à titre gratuit.
Monsieur Rogemont, toute personne ayant intérêt à agir pourra saisir le tribunal administratif en cas de non-respect de la convention, le droit administratif s'appliquant dans ce cas.
L'État le pourra en tout état de cause.
Pour toutes ces raisons, je maintiens mon avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Article 1er : Création, composition et missions du Haut conseil du patrimoine
La Commission examine l'amendement de suppression AC 19 de M. Lionel Tardy.
Aboutir à une proposition de loi équilibrée n'exigeait pas la création de ce Haut conseil du patrimoine, nouveau comité consultatif qu'on veut ajouter aux 697 déjà répertoriés par le « jaune » budgétaire consacré à la liste des commissions et instances consultatives ou délibératives. Au prix de quelques modifications mineures, il aurait été possible de confier ses attributions à la Commission nationale des monuments historiques, instituée en 2007.
De plus, aux termes de l'article 16 de la loi de simplification du droit, promulguée le 17 mai dernier, il est désormais possible, au lieu de consulter un comité, d'ouvrir une consultation sur Internet. Beaucoup de comités consultatifs vont donc perdre de leur intérêt et de leur justification.
Pourquoi enfin s'entêter à inscrire ces comités dans la loi alors qu'ils pourraient être créés par décret ?
Je propose donc la suppression de la création du Haut conseil du patrimoine.
Autant alors revenir à la législation de 2004 !
Je comprends que l'institution d'un nouvel organisme doive être précédée d'une réflexion. Refuser la création de nouveaux organismes plaît aussi à l'opinion. Mais les frais de fonctionnement de ce HCP ne seront comparables ni à ceux du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), ni à ceux de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).
Alors que la Commission nationale des monuments historiques se prononce sur l'opportunité de soumettre certains monuments au régime des monuments inscrits ou classés, qui comporte des obligations relatives à la protection et à la conservation de notre patrimoine, la création du HCP répond à un autre objectif : l'élaboration de critères permettant d'apprécier si un monument doit rester propriété de l'État ou peut être transféré à une collectivité territoriale. Elle vise également à identifier les monuments historiques susceptibles d'être l'objet d'une utilisation culturelle.
Le champ d'intervention du HCP est donc nouveau et spécifique. D'où mon avis défavorable.
Quel que soit notre bord, nous sommes tous amenés, depuis ces dernières années, à nous plaindre du développement disproportionné de hauts conseils, commissions nationales et autres instances de régulation. Nos collègues Dosière et Vanneste ont élaboré un rapport recommandant des regroupements. Ils proposent même de regrouper l'ARCEP, le CSA et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) ! Réduire le nombre des instances de régulation est pertinent. Chers collègues de la majorité, nous pouvons nous rejoindre dans le souci d'un État plus économe, qui ne dépense pas inutilement son argent.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison : le budget du HCP ne sera pas celui du CSA. Mais ses missions ne seront pas non plus les mêmes. Pour les remplir, il sera néanmoins cause d'une dépense supplémentaire : il lui faudra un secrétariat permanent pour traiter les dossiers et préparer les réunions. Pour combiner la préoccupation de notre collègue Lionel Tardy avec celle du rapporteur de ne pas dénaturer la proposition de loi et de conserver au Gouvernement l'assistance d'un conseil, nous pourrions peut-être, au lieu de céder à la facilité qui consiste à créer une nouvelle institution, travailler ensemble à l'élargissement des missions de la Commission nationale des monuments historiques.
Il existe déjà des organismes qui donnent des avis et préparent les décisions relatives aux monuments historiques. Plutôt que d'imaginer un nouveau « machin », mieux vaut, en effet, accroître quelque peu les compétences de la Commission nationale des monuments historiques.
L'attribution des fonctions du futur Haut conseil du patrimoine à la Commission nationale des monuments historiques me satisferait.
D'autre part, les comités de ce type ne doivent pas être créés par la loi : lorsque tel est le cas, seule une autre loi permet de les supprimer lorsqu'ils sont devenus inutiles ! Les instituer par décret offre plus de souplesse.
Si je constate le caractère globalement convergent des interventions, je n'ai pas l'impression que nos collègues qui souhaitent le rapprochement de certaines hautes autorités aient été favorables à la fusion des compétences qui a abouti par exemple à l'institution du Défenseur des droits !
Le rôle de la Commission nationale des monuments historiques est de se prononcer sur l'opportunité de soumettre certains monuments au régime des monuments inscrits ou classés, régime qui comporte des obligations en matière de protection et de conservation. Telle ne sera pas la fonction du Haut conseil. Il ne faut pas confondre protection des monuments historiques et propriété. La proposition de loi repose sur ce distinguo. Le HCP aura à se prononcer sur les transferts de propriété. L'analyse qu'il va avoir à mener à cette fin est très différente de celle qui est conduite pour classer un bien et réclame d'autres compétences.
L'élargissement des compétences de la Commission nationale supposerait aussi une concertation avec ses membres ; ils ne sont pas demandeurs !
La décision d'adopter conforme ou non le texte issu du Sénat me semble enfin devoir être commandée beaucoup plus par les garanties offertes en matière de respect des projets culturels que par le jugement que l'on porte sur la pertinence de ce Haut conseil, qui me semble avérée.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 1 de Mme Muriel Marland-Militello.
Alors que, selon son intitulé, la proposition de loi est « relative au patrimoine monumental de l'État », aucun de ses articles ne mentionne un « Haut conseil du patrimoine monumental ». De ce fait, on peut se demander si ce Haut conseil n'aura pas aussi en charge le patrimoine culturel immatériel. Par cet amendement, je souhaite donc préciser le champ d'action du Haut conseil.
La précision proposée par notre collègue est indispensable. Le patrimoine culturel immatériel recouvre en effet la transmission de savoir-faire et de gestes professionnels qui y sont liés ; il ne s'agit plus du tout de patrimoine monumental. Les commissaires du groupe SRC soutiennent l'amendement.
Avis défavorable. Le Haut conseil aura à se prononcer sur le patrimoine, et non seulement sur la partie monumentale de celui-ci. Un patrimoine n'est pas toujours un monument !
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 7 de Mme Muriel Marland-Militello.
Les deux critères essentiels dégagés dans le rapport de René Rémond pour la détermination du caractère transférable des monuments – leur appartenance à la mémoire de la nation ainsi que leur notoriété internationale et leur rayonnement – doivent être inscrits dans la loi. Les autres critères pourront en revanche être fixés par la voie réglementaire.
Le diable est dans les détails. Être précis oblige à être exhaustif et exclusif. Or la commission Rémond ne s'était pas contentée de deux critères : à l'appartenance à la mémoire de la nation et à une notoriété internationale et un rayonnement faisant du monument un élément de patrimoine européen, voire universel, elle avait ajouté la mobilisation d'importants moyens financiers, une acquisition récente du bien ou encore la nécessité d'une gestion à très long terme du fait de la nature du site ou d'une conservation particulièrement délicate. Mieux vaut s'en tenir aux termes génériques proposés que de se limiter à deux critères qui deviendraient exclusifs et ne permettraient plus d'englober certains biens patrimoniaux. Avis défavorable.
Aux termes de l'amendement, les deux critères proposés par l'amendement sont fondamentaux, mais ne sont ni exhaustifs, ni exclusifs.
Monsieur le rapporteur, auriez-vous prévu de donner un avis défavorable à l'ensemble des amendements ? Si, au nom de l'urgence, l'objectif est l'adoption d'un texte conforme à celui du Sénat, la discussion au fond n'a plus aucun intérêt. Les amendements déposés par notre collègue Muriel Marland-Militello n'altèrent en rien l'économie du texte !
Notre collègue propose que le Haut conseil du patrimoine établisse la liste des biens transférables « notamment en fonction de leur appartenance à la mémoire de la nation ou de leur notoriété internationale et de leur rayonnement »…
mais si l'appartenance à la mémoire de la nation peut être juridiquement qualifiée, comment arriver à la même précision s'agissant des notions de notoriété internationale ou de rayonnement d'un bien ? Une telle rédaction sera source de difficulté en cas de contentieux. Il ne s'agit pas de ma part d'une opposition systématique. Pour guider la rédaction des décrets d'application, les termes actuels de l'article 1er me paraissent plus opérants que ceux proposés par l'amendement. Telle est la raison de mon avis défavorable.
Monsieur Bloche, mes avis sur les amendements sont en effet tous défavorables. Bien sûr, une ouverture est possible. Elle suppose cependant un renvoi de l'adoption du texte après l'élection présidentielle, au plus tôt. Or, si le Haut conseil du patrimoine avait existé, il n'aurait pas été nécessaire de créer une commission, présidée par le président Giscard d'Estaing, pour régler la situation de l'Hôtel de la Marine. Et d'autres cas de ce type peuvent se présenter ! Ma position n'est pas celle d'une obstruction systématique aux amendements de mes collègues. J'ai beaucoup de respect pour eux ! Elle relève d'une démarche stratégique : si nous considérons que nous avons besoin tout de suite de l'outil que constitue le HCP, adoptons le texte, quitte à ce qu'il soit de nouveau mis sur le métier dans quelque temps. Nous pouvons prévoir une « clause de revoyure ». Inversement, si nous considérons que cet outil n'est pas immédiatement nécessaire, il n'est pas indispensable d'adopter ce texte maintenant.
Si pour nous, comme pour nos collègues UMP, le sujet est bel et bien fondamental, y a-t-il vraiment urgence ? Pourquoi adopter la proposition de loi en l'état pour la retravailler plus tard, alors que vous êtes vous-même convaincu qu'un examen approfondi serait nécessaire ? La patrie n'est pas en danger. Aujourd'hui, les ventes de biens patrimoniaux sont sous le contrôle d'un ministre, ainsi que de conseils composés de sages. Nous ne vous faisons pas un mauvais procès, monsieur le rapporteur, mais il me semble que nous sommes en train de nous fourvoyer.
La position de chacun dépendra de sa conviction sur la nécessité de disposer rapidement de l'outil que constitue le Haut conseil. Madame Amiable, c'est plus France Domaine qui a piloté l'opération du Mont Saint-Michel que le ministère de la culture. Outre la création du HCP, la présente proposition de loi a le mérite de rendre au ministère de la culture des prérogatives et des pouvoirs. Notre Commission doit prendre en compte cet argument.
Si nous pensons que, en créant le HCP et en réintégrant le ministère de la culture au sein du dispositif, ce texte apporte des garanties et des avancées, il faut l'adopter conforme maintenant.
En cette fin de législature, même certains ministres ont des difficultés pour faire inscrire à l'ordre du jour du Parlement des textes qu'ils veulent faire adopter. Pour l'adoption de cette proposition de loi, essentielle comme notre rapporteur l'a rappelé, nous disposons d'un créneau. Même si nous n'avons pas tous les mêmes positions sur l'Hôtel de la Marine, nous voulons que les procédures permettant de protéger et de mettre en valeur le patrimoine soient gravées dans le marbre. Je vous propose donc de préserver la possibilité d'examiner ce texte en séance publique la semaine prochaine mais, afin de l'améliorer, je propose au rapporteur d'élaborer des amendements que nous examinerons lors de la réunion que la Commission tiendra en application de l'article 88 du Règlement.
Nous pouvons défendre cette position tant auprès du Gouvernement que du Sénat. Il s'agit du travail normal de notre Commission.
Je voudrais aussi rendre hommage à notre rapporteur, qui a accepté de rapporter un texte qui, comme je l'ai rappelé au ministre chargé des relations avec le Parlement, a été inscrit un peu à la hussarde.
Nous devons pouvoir améliorer cette proposition de loi et envisager une navette avec le Sénat, en espérant qu'un créneau d'examen supplémentaire se présentera avant la fin de la législature.
Madame la présidente, je pense me faire l'interprète de l'ensemble des membres de la Commission en vous remerciant de votre proposition. Elle paraît extrêmement sage. Il nous faut aussi rendre hommage à notre rapporteur. Pour son premier rapport, il a dû travailler dans des conditions extrêmement difficiles, qui auraient rebuté même des parlementaires plus aguerris.
Monsieur le rapporteur, je voudrais en particulier que nous profitions de la réunion que nous tiendrons mardi en application de l'article 88 pour nous assurer que les garde-fous posés sont suffisants pour éviter que le patrimoine puisse être bradé. Ce souci nous est vraiment commun, quel que soit notre bord.
Nous devons aussi traiter des dons et legs. Des dons consentis à l'État ne l'ont bien évidemment pas été à telle ou telle collectivité territoriale.
Je vous propose donc d'adopter conforme la proposition de loi et de reprendre mardi notre réflexion sur ce texte, lors de la réunion que nous tiendrons en application de l'article 88 – avant l'examen en séance publique mardi soir.
Bien sûr. Aucun délai n'est opposable au rapporteur. Pour les amendements de membres de la Commission, le terme est fixé à vendredi, dix-sept heures, mais nous allons vérifier s'il est possible de le faire repousser à lundi, même heure.
L'amendement AC 7 ainsi que l'ensemble des amendements restant en discussion sont retirés par leurs auteurs.
La Commission adopte alors l'article 1er sans modification.
Article 2 : Prescriptions culturelles du Haut conseil du patrimoine
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 2 bis : Classement d'ensembles mobiliers et servitude de maintien in situ.
La Commission adopte l'article sans modification.
Chapitre II Centre des monuments nationaux
Article 3 : Système de péréquation du centre des monuments nationaux.
La Commission adopte l'article sans modification.
Chapitre III Transferts de propriété des monuments classés ou inscrits de l'Etat aux collectivités territoriales
Article 4 : Définition du caractère transférable des monuments historiques
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 5 : Conditions de transfert aux collectivités
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 6 : Procédure de transfert aux collectivités
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 7 : Convention de transfert à titre gratuit
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 8 : Transferts de personnels
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 9 : Suivi du transfert et obligation d'information
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 10 : (articles L. 2141-4 et L.3211-14-1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Conditions de revente d'un monument transféré gratuitement
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 11 : Principe de non rétroactivité
La Commission adopte l'article sans modification.
Chapitre IV Dispositions diverses
Article 12 A : Investissements en matière de restauration du patrimoine monumental
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 12 B : Transfert à la commission régionale du patrimoine et des sites des compétences de la commission départementale des objets mobiliers.
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 12 C : Dispositions de coordination
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 12 : Entrée en vigueur
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 13 : Décret d'application
La Commission adopte l'article sans modification.
La Commission adopte alors la proposition de loi sans modification.
La séance est levée à douze heures trente.