Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 27 mai 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation de l'Assemblée populaire nationale de la République algérienne démocratique et populaire, conduite par son président, M. Abdelaziz Ziari. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Moscovici, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Monsieur le Premier ministre, nous sommes dans la dernière ligne droite avant les élections européennes du 7 juin. Mais votre campagne, comme celle de votre parti, est transparente. Elle est axée sur l'éloge à outrance du Président de la République, Nicolas Sarkozy, et sur le bilan flatteur que vous dressez de la présidence française de l'Union européenne du deuxième semestre 2008.

Plusieurs députés du groupe UMP. À juste titre !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Or, à examiner le bilan réel de cette présidence (Protestations sur les bancs du groupe UMP), on ne peut que s'inquiéter du projet que vous proposez pour l'avenir de l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

La réalité, qui vous déplaît, c'est que l'expérience de la présidence de l'Union nous a appris que vous ne vouliez pas d'une Europe sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

En six mois à la tête de l'Union, il n'y a eu aucune décision ni aucune proposition dans les domaines sociaux clefs comme la défense des services publics. Vous ne cessez de prétendre que vous voulez une Europe qui protège, une Europe plus sociale, mais votre programme n'est autre que celui du PPE, le parti conservateur européen, qui prêche la libéralisation de l'énergie, des transports, des services. En clair, vous voulez poursuivre la libéralisation à outrance dans ces domaines sensibles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Vous ne voulez pas non plus d'une Europe qui change.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Si vous en vouliez, vous n'auriez pas approuvé à l'unanimité la reconduction de M. Barroso, le président de la Commission le plus apathique, le plus libéral, le plus suiviste que l'Union européenne ait jamais connu !

Debut de section - PermalienPhoto de André Wojciechowski

C'est d'une Europe socialiste que nous ne voulons pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Quand on veut le changement, on ne soutient pas un président de la Commission ultralibéral et incapable de mettre en oeuvre un plan de relance européen !

Ma question est donc simple, monsieur le Premier ministre. Allez-vous approuver la proposition de résolution préparée par notre groupe, (Exclamations et rires sur certains bancs du groupe UMP) impliquant la mise en oeuvre d'une directive-cadre – je vois que cela vous fait sourire – sur les services publics, ou allez-vous promouvoir la même Europe libérale et faible que vous construisez avec les conservateurs européens ? Quant à nous, nous combattons cette Europe-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

Debut de section - PermalienAlain Joyandet, secrétaire d'état chargé de la coopération et de la francophonie

Monsieur le député Moscovici, je suis quelque peu étonné par votre ton, puisqu'il y a quelques mois encore, tout le monde saluait – sur tous les bancs – l'efficacité et les résultats de la présidence française de l'Union européenne, (« Non ! C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC), et ce en France comme à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) J'en suis l'un des témoins au quotidien.

À l'occasion de cette présidence française de l'Union européenne, il ne vous a pas échappé, monsieur le député, que les réponses à la crise sont venues de la France.

Plusieurs députés du groupe SRC. Qui êtes-vous, monsieur ?

Debut de section - PermalienAlain Joyandet, secrétaire d'état chargé de la coopération et de la francophonie

Les solutions proposées par le Président de la République ont, petit à petit, été reprises par l'ensemble des pays européens.

Vous m'interrogez sur l'Europe sociale. Qu'est-ce que l'Europe sociale ? Pour nous, c'est l'Europe qui protège ; c'est l'Europe qui nous permet de sauver nos emplois industriels ; c'est l'Europe qui nous permet d'élaborer des politiques publiques pour sauver la filière automobile, par exemple. Notre première action sociale, monsieur le député, consiste à préserver les emplois pour les Français. (« Et le taux de chômage ? » sur les bancs du groupe SRC.) L'Europe qui protège, c'est l'Europe qui permet aux États de conserver la maîtrise de la fixation du SMIC ou de la couverture sociale – je n'imagine pas que vous souhaitiez voir l'Europe le faire à notre place.

De nombreuses mesures ont été prises, que nous n'avons pas le temps d'énumérer. Je pense par exemple à la protection des travailleurs qui se trouvent dans des conditions difficiles…

Debut de section - PermalienAlain Joyandet, secrétaire d'état chargé de la coopération et de la francophonie

… ou encore à la protection des intérimaires.

Debut de section - PermalienAlain Joyandet, secrétaire d'état chargé de la coopération et de la francophonie

Toutes ces mesures ont été prises pendant la présidence française de l'Union européenne.

Il y eut une autre présidence française au deuxième semestre de l'an 2000, alors que vous étiez aux responsabilités. J'ai cherché votre bilan social, et je le cherche encore : vous êtes quelque peu disqualifié pour parler d'Europe sociale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, la loi du 15 mai 1985 sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation prévoyait deux catégories de mesures : l'apposition d'une mention « Mort en déportation » sur les actes d'état civil et la fixation de règles quant au lieu et à la date du décès.

L'objectif était double : d'une part, régler la situation juridique des personnes disparues dans les camps de concentration et pour lesquelles aucun acte ou jugement n'est encore intervenu et, d'autre part, mettre en évidence la réalité historique des circonstances du décès de l'ensemble des victimes de la déportation. D'après l'article 2 de cette loi, le ministre des anciens combattants était chargé de prendre, après enquête, la décision de faire approuver la mention « Mort en déportation ».

Cette mesure, vingt-quatre ans plus tard, n'a été appliquée que pour un peu moins de la moitié des cas concernés. En effet, selon les chiffres du ministère, arrêtés au 20 mai 2009, la mention « Mort en déportation » ne figure que sur 54 503 actes d'état civil, alors que 115 500 personnes étaient concernées. Cette situation n'est pas acceptable.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures allez-vous mettre en oeuvre pour que le dispositif prévu par la loi du 15 mai 1985 soit entièrement appliqué et que l'hommage que les personnes disparues en déportation méritent, leur soit enfin rendu ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants

La question que vous posez, monsieur le député, est extrêmement importante. Certains, ici – c'est votre cas pour votre famille –, sont personnellement concernés par ce drame, mais c'est nous tous, même si nous ne sommes pas familialement touchés, qui devons nous engager pour pouvoir enfin aller jusqu'au bout de ces régularisations et, ce qui est encore plus important, rendre à toutes ces personnes déportées et disparues l'hommage que nous leur devons.

Ainsi que vous l'avez souligné, la loi de 1985 a posé d'emblée un certain nombre de difficultés d'application. Je pense notamment – c'est un exemple important – à ces personnes déportées venues d'Europe de l'est et pour lesquelles des problèmes d'archives, parfois difficiles à obtenir ou inexploitables, se sont posés. Néanmoins, ce n'est pas une raison pour ne pas accélérer le rythme de ces régularisations.

Vous avez rappelé les chiffres ; nous sommes aujourd'hui mobilisés pour que ces 115 000 dossiers qui ne sont pas encore traités puissent l'être rapidement. Ainsi, très concrètement, la garde des sceaux a adressé, le 29 octobre dernier, une circulaire aux parquets afin qu'il y ait une réponse uniforme dans le traitement judiciaire de ces dossiers. La régularisation est une chose, mais elle va permettre davantage encore l'hommage.

Il existe, certes, les journées nationales, comme la journée de la déportation, la journée de la mémoire de la Shoah et d'autres temps forts. Cependant c'est tous les jours que nous devons, avec notamment le travail de la Fondation pour la mémoire de la déportation, les universitaires, l'éducation nationale, passer ce message aux jeunes générations. Une société qui n'a pas de mémoire n'a pas d'avenir, ne l'oublions jamais ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Monsieur le Premier ministre, on l'a vu hier et on le verra le 13 juin, le monde du travail refuse de payer les conséquences d'une crise dont il n'est pas responsable et qui le frappe de plein fouet.

Comme Nicolas Sarkozy, vous prétendez vouloir «moraliser » le capitalisme, ce qui est une vraie gageure pour vous ! Demain, vous pouvez franchir un pas décisif, puisque trois propositions de loi des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine viendront en débat.

Nous proposons l'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits, versent des dividendes ou bénéficient de fonds publics. Allez-vous dire oui ou non ?

Nous proposons l'attribution de droits nouveaux aux salariés, l'augmentation des salaires, le SMIC à 1 600 euros, la suppression des stocks options et du bouclier fiscal pour les riches, la création d'un pôle public du crédit. Votre majorité UMP votera-t-elle pour ou contre ?

Un député du groupe UMP. Contre !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Par ailleurs, notre résolution propose que la France s'oppose à Bruxelles, qui veut soumettre les services sociaux d'intérêt général aux règles de la concurrence, au nom du traité de Lisbonne. Au passage, personne n'est dupe de votre manoeuvre de report de la discussion, au lendemain du scrutin du 7 juin, d'un texte présenté en commun par des députés UMP et PS !

Nos propositions sont très concrètes et elles ont le mérite de la clarté. Hic Rhodus, hic salta !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Demain, ce sera l'occasion de montrer ce dont vous êtes capables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Monsieur le président Bocquet, ce n'est pas avec de vieilles recettes recyclées que l'on s'attaque à la crise économique du XXIe siècle ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Depuis le début de cette crise, le Gouvernement et le Président de la République se sont efforcés d'y répondre progressivement en montant en puissance et en appelant à une riposte internationale.

Il s'agit d'abord d'une crise financière : il fallait donc s'attaquer aux racines du mal et vous ne pouvez pas nier que c'est le message de la France qui a porté en la matière. Depuis le mois de septembre et son discours aux Nations unies, le Président de la République, Nicolas Sarkozy plaide pour une refonte du capitalisme mondial, pour un capitalisme d'entrepreneurs, pour un système financier plus régulé. J'observe, monsieur Bocquet, que nous commençons à obtenir des résultats (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

…puisque c'est grâce à l'action de la France qu'ont été organisées les réunions du G 20, d'abord à Washington, puis à Londres. C'est grâce à ces réunions qu'ont été engagées des réformes importantes en la matière.

Vous le voyez, monsieur Bocquet, sur ces dossiers comme sur beaucoup d'autres, il y a ceux qui parlent et ceux qui agissent (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.).

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Il y a aussi ceux qui ne répondent pas aux questions !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Force est de constater que, depuis le début de cette crise, le Gouvernement s'attaque aux racines du mal…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

À question précise, nous aurions aimé avoir une réponse précise !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Au quotidien, il cherche à mettre en oeuvre des mesures qui préservent l'emploi et destinées à ceux qui sont les plus fragiles et les plus touchés par la crise. C'est ce que nous faisons au quotidien et c'est ce que le Gouvernement continuera à faire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Sermier

Ma question s'adresse à M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Le Président de la République, accompagné par vous-même, monsieur le ministre, et d'une importante délégation, dont notre collègue Guy Teissier, président de la commission de la défense, a inauguré hier une base permanente interarmes à Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis. Il s'agit de la première implantation militaire française à l'étranger en dehors de la zone traditionnelle en Afrique.

En se dotant d'une telle base militaire dans le Golfe, la France marque plus que jamais son engagement à participer au maintien de la paix dans le monde. L'actualité nous montre chaque jour combien cette valeur fondamentale de notre République est encore menacée et doit être préservée partout, y compris au-delà de nos frontières. Il en va du rôle de la France dans le monde.

La France marque ses ambitions dans cette région, particulièrement sensible, où l'Iran suscite les plus grandes craintes chez ses voisins arabes de la rive sud. Elle concrétise aussi son intérêt pour une région où transite 40 % de la production pétrolière du monde.

Cette base militaire est la traduction sur le terrain de la confiance qui lie les Émirats arabes unis et la France depuis la signature du premier accord de défense en 1995. Cette implantation militaire illustre la responsabilité de notre pays.

Pouvez-vous informer la représentation nationale des conditions dans lesquelles cette base militaire fonctionnera et nous indiquer quels accords de défense ont été pris ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Monsieur le député, vous avez raison de rappeler la relation étroite et forte qui lie notre pays aux Émirats arabes unis. Elle s'était d'ailleurs exprimée dans un accord de défense signé à l'époque avec l'accord du Président de la République, François Mitterrand, et du Premier ministre, Édouard Balladur. Ce sont ce type d'accords qui nous lient le plus.

Nous avons une relation stratégique importante avec les Émirats arabes unis, qui dépasse largement le seul cadre de la défense. Nous avons un accord qui nous permet de développer le magnifique projet du Louvre Abu Dhabi en matière culturelle, un projet avec la Sorbonne Abu Dhabi en matière d'éducation, et des accords économiques permettant des investissements conjoints du fonds structurel d'investissement et des fonds souverains abu-dhabiens.

L'accord de défense que j'ai signé hier renouvelle notre engagement pour la sécurité et la stabilité de la région, et garantit en même temps le dispositif juridique pour nos forces qui seront présentes.

Dans cette base militaire, il y aura, à terme, près de 500 militaires des trois armes qui assureront la coopération militaire et permettront de la développer. Au-delà de cette coopération, un tel accord signifie l'engagement de la France dans cette région stratégique et névralgique de la zone. Il s'agit de faire en sorte que nous participions à la sécurité et à la stabilité de cette région et que la France y retrouve toute sa place et toute son influence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Avant de poser ma question, je voudrais dire à M. Joyandet qu'il a largement travesti la vérité sur le rôle de la présidence française de l'Union européenne en 2000.

Dans quelques jours, monsieur le Premier ministre, se tiendront les élections au Parlement européen. Les sondages nous font craindre une participation faible, voire très faible. Outre le mode de scrutin, dont chacun s'accorde à dire, les Radicaux de gauche les premiers, qu'il rend cette élection proprement irréelle, les analystes et la plupart d'entre nous constatent que la distance qui existe entre les enjeux européens et nos concitoyens naît d'abord de la perception que l'Union européenne impose, contraint, condamne bien plus qu'elle n'aide ou ne régule.

Les Radicaux font partie du grand nombre d'élus qui, sur ces bancs, s'emploient à combattre, preuves à l'appui, cette vision manichéenne des choses mais, la semaine dernière, en évoquant les accords Kouchner-Vatican dans sa réponse à M. Bataille, le Gouvernement s'est réfugié derrière l'Europe, lui imputant cette attaque en règle contre le principe constitutionnel de laïcité. Le Gouvernement a en effet indiqué que ce texte était pris en application de la convention sur la reconnaissance des diplômes faite à Lisbonne le 11 avril 1997.

C'est simplement faux. La convention de Lisbonne prévoit des équivalences entre les diplômes européens et précise les modalités de certification mais elle n'a en aucun cas pour objet d'autoriser un État étranger à délivrer des diplômes sur le territoire d'un autre État signataire. C'est pourtant ce que prévoit l'accord signé avec le Vatican par votre gouvernement.

Je vous demande donc de rétablir la vérité devant la représentation nationale et, ce faisant, de ne pas imputer à l'Europe et à l'idée européenne une attaque contre le principe de laïcité qui n'est que la vôtre et que vous devez avoir le courage de signer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, il n'y a qu'un seul pouvoir en France, le pouvoir républicain, et il y a un principe fondateur de la République qui s'appelle le principe de laïcité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.) Je tiens à vous rassurer : l'État français a le monopole de la collation des grades et des diplômes sur le territoire national et il va le garder. Il n'y aura pas d'atteinte à ce monopole comme il n'y aura pas d'atteinte au principe de laïcité.

L'accord signé par la France avec le Vatican que vous avez mentionné a été pris dans le cadre du processus de Bologne, processus bien plus large que celui de l'Union européenne puisqu'il rassemble quarante-six États, qui se sont réunis le mois dernier à Louvain pour travailler à la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur.

Nous souhaitons, dans le cadre de cet espace, encourager la mobilité des étudiants dans tous les pays concernés.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Notre objectif, c'est que 20 % des étudiants de tous les pays membres de ce processus puissent avoir fait un séjour d'études à l'étranger d'ici à 2020.

Pour favoriser cette mobilité, il faut reconnaître les niveaux des diplômes délivrés dans chacun des États membres, et cet accord avec le Vatican est dans la ligne de ceux que nous avons signés avec le Portugal, l'Espagne ou la Pologne et de ceux que nous signerons bientôt avec la Roumanie et la République tchèque.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Il faut aider les étudiants à se mouvoir dans l'espace du processus de Bologne. Ce n'est pas une atteinte au principe de laïcité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Madame la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, vous avez présenté ce matin le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Ce texte, extrêmement important, était attendu.

En 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, a fait adopter la LOPSI I. Ce texte a constitué une rupture fondamentale dans la politique de sécurité de notre pays. L'efficacité s'est alors substituée à la naïveté, (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) avec des résultats exceptionnels : moins 15 % de crimes et délits. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) contre 17 % d'augmentation durant la période précédente ; deux millions de victimes épargnées ; et un taux d'élucidation en augmentation de 50 %.

Néanmoins – nous le savons, madame la ministre – la lutte contre la délinquance participe d'une véritable guerre de mouvement qui doit s'adapter aux évolutions et aux nouvelles formes de violence et de délinquance. C'est pourquoi ce texte prévoit notamment des avancées extrêmement intéressantes en matière de police scientifique et technique ou encore de vidéoprotection.

Ce projet de loi, attendu aussi bien par les policiers que par les gendarmes, sera débattu au mois de juillet dans cet hémicycle. C'est important. La sécurité est la première des libertés. Nos concitoyens exigent une sécurité permanente.

Madame la ministre, quels sont les objectifs poursuivis par ce texte et les moyens consacrés à notre politique de sécurité ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le député, il est vrai que, depuis 2002, notamment grâce à la LOPSI I, la délinquance a baissé considérablement dans notre pays, contrairement à la tendance des années précédentes. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Tous les chiffres aujourd'hui le prouvent.

La LOPSI II aura pour finalité de donner aux forces de sécurité les moyens nécessaires pour continuer à faire baisser la délinquance, à s'adapter aux nouvelles formes de cette dernière, à dissuader la délinquance et, par là même, à améliorer la prévention, donc la protection de nos concitoyens.

Pour atteindre ce triple objectif, les moyens seront de plusieurs ordres. Il s'agira tout d'abord de moyens financiers : 2,5 milliards d'euros seront ajoutés au budget normal des forces de police, de gendarmerie et de protection civile, sur les cinq années à venir et selon une annualisation, puisque cette loi est annualisée.

Ensuite, il s'agira de moyens technologiques, notamment le développement de la police technique et scientifique pour améliorer encore notre taux d'élucidation – qui s'est déjà considérablement amélioré – mais également le développement de la vidéoprotection, parallèlement au renforcement de la garantie des libertés individuelles, et la lutte contre les nouvelles formes de la cybercriminalité, en particulier contre la pédopornographie sur Internet ; vous avez vu ce matin les résultats obtenus.

Ce seront enfin des moyens juridiques, qui nous permettront de renforcer l'efficacité des sanctions à l'égard des grands délinquants, notamment en matière de sécurité routière ou de violence dans les stades. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Huguette Bello

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Vue du continent, l'insularité est un handicap. Considérés sous l'angle des seules statistiques des finances publiques, les outre-mer sont réputés coûter très cher.

Deux événement de l'actualité récente pourraient corriger ces représentations, même si elles ont la vie dure : le premier concerne le Grenelle de la mer lancé en février ; le second, plus confidentiel, porte sur les demandes d'extension maritime que les États ont pu déposer jusqu'au 13 mai dernier aux Nations unies en vue d'élargir leur souveraineté en mer.

Dans les deux cas, l'importance et la singularité de l'espace maritime de la France sont mises en avant. En effet, au lieu d'être classée, si l'on se limitait aux frontières hexagonales, au quarante cinquième rang mondial, entre la Corée du Sud et la Libye, la France occupe la deuxième place, derrière les États-Unis, lorsque l'on intègre les outre-mer.

En même temps qu'il confère à la France une responsabilité particulière pour lutter contre les fléaux qui le menacent, cet immense espace maritime est un atout de taille. Outre la zone économique exclusive où leurs droits souverains sont automatiquement reconnus, les États, depuis l'adoption en 1982 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer, peuvent aussi revendiquer des droits sur les ressources du sol et du sous-sol de la haute mer, c'est-à-dire sur les ressources minières, énergétiques et biologiques dont regorgent les fonds marins.

Ma question est double. Pouvez-vous nous éclairer sur les aspects principaux des demandes d'extension du plateau continental que la France vient de déposer aux Nations unies ? Comment se traduira concrètement votre affirmation selon laquelle « le Grenelle de la mer doit être fondé sur l'outre-mer » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.

Debut de section - PermalienDominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports

Madame Bello, je vous prie d'abord d'excuser M. Borloo, qui se trouve cet après-midi au Sénat.

La place de l'outre-mer dans le Grenelle de la mer est essentielle. Nous avons veillé à ce que, dans tous les groupes de travail, des représentants ultramarins de toutes les collectivités soient présents. Des missions travaillent actuellement sur ce Grenelle de la mer, notamment dans votre département de La Réunion. Enfin, avec Michèle Alliot-Marie et Yves Jégo, en liaison avec les états généraux de l'outre-mer, des sessions régionales du Grenelle de la mer auront lieu dans chacune de nos collectivités ultramarines. Vous serez donc au coeur de ce débat.

Cela est bien légitime car, comme vous l'avez rappelé, nous sommes, grâce à l'outre-mer, la deuxième puissance maritime du monde, ce qui nous donne des droits particuliers. Ainsi nous avons émis des demandes très précises d'extension du plateau continental de la métropole et de nos territoires d'outre-mer afin d'obtenir deux millions de kilomètres carrés supplémentaires. Cela concerne les îles d'Amsterdam et de Crozet, La Réunion, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie mais également – les parlementaires le savent – des demandes spécifiques pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et les Glorieuses.

Dans le cadre du Grenelle de la mer, comme dans celui du Grenelle de l'environnement – Yves Jégo le sait bien –, l'outre-mer est une chance extraordinaire. Nous avons la plus belle biodiversité, de magnifiques massifs coralliens, aussi bien à Mayotte qu'en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie. Cela nous offre également toutes les richesses du tourisme, de la mer et de l'aquaculture. C'est une chance extraordinaire pour la France et, ce faisant, pour l'Europe, car nous pouvons mettre cette biodiversité au service de nos voisins européens.

Madame la députée, vous jouerez, avec tous vos collègues d'outre-mer, un rôle essentiel dans le Grenelle de la mer. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Caillaud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Caillaud

Ma question s'adresse à madame la secrétaire d'État chargée de la famille.

Madame la secrétaire d'État, les unes des médias, presse écrite et télévision, sont trop souvent consacrées aux disparitions d'enfants. Récemment, le conflit familial autour de la petite Élise et, plus dramatiquement, l'affaire d'Estelle Mouzin ou celle de Maddie Mac Can, cette petite Britannique disparue en vacances au Portugal, sont quelques tristes exemples de ce phénomène qui touche toute l'Europe.

Les derniers chiffres officiels mettent en évidence, dans notre pays, une augmentation inquiétante des disparitions, des fugues et des enlèvements parentaux pour l'année 2008 : sur 907 dossiers, soixante-douze concernent des disparitions inquiétantes et 286 des enlèvements parentaux.

Sensibles à ces drames familiaux, dès 1977, la Fondation pour l'enfance, présidée par Mme Giscard d'Estaing, puis SOS Enfants Disparus et 1'INAVEM – l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation –, ont initié, avec succès, des procédures qui, améliorées au fil du temps, font que la majorité des enfants arrachés à leur famille en France est fort heureusement retrouvée en moins d'une semaine.

Votre secrétariat d'État, pour lutter encore plus efficacement contre ce phénomène de disparition d'enfants, a engagé, depuis 2002, une politique de coopération avec nos partenaires au sein de l'Union européenne. Les difficultés se trouvent en effet démultipliées quand la disparition met en cause deux ou trois pays de culture et de droit différents. Vous vous êtes engagée personnellement dans la recherche de solutions qui répondent à l'attente des familles pour améliorer les chances de retrouver plus vite encore ces enfants et leur redonner des conditions normales d'existence.

Lundi 25 mai s'est tenue la Journée internationale des enfants disparus et, dans ce cadre, de nouvelles dispositions ont été proposées pour enrayer ce phénomène. Madame la secrétaire d'État, quels sont les résultats de cette journée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille

Monsieur Dominique Caillaud, vous m'interpellez sur un sujet douloureux. Dans notre pays, ce sont près de 40 000 enfants qui sont concernés. Lorsqu'il s'agit de fugues, vous l'avez rappelé, nous les retrouvons généralement en moins d'une semaine. Mais il peut s'agir aussi d'enlèvements parentaux ou de disparitions. Ce sujet nécessite la mobilisation de tous : la mobilisation des associations et des administrations ; en un mot : une mobilisation nationale. C'est pourquoi je me suis rendue, avec Brice Hortefeux, à la Fondation pour l'enfance, présidée par Mme Giscard d'Estaing, qui s'est beaucoup investie au service des enfants disparus. Nous avons mis en place un dispositif à la fois nécessaire et important en signant une convention avec cette fondation et l'Institut national d'aide aux victimes et de la médiation pour mettre en oeuvre le numéro d'appel européen : le 116 000. Mais cette convention nécessite la mobilisation de l'ensemble de nos services, notamment ceux de Michèle Alliot-Marie et de Rachida Dati, co-signataires de ladite convention. Ce sont ainsi tous les services du Gouvernement qui se mobilisent au services des parents pour les aider à faire face au problème des enfants disparus.

Cette mobilisation nationale s'inscrit dans une mobilisation européenne : le 116 000 est maintenant en vigueur dans presque dix pays de l'Union européenne, preuve que l'ensemble des pays s'organise pour protéger nos concitoyens. Parce que l'Europe doit protéger les familles, et aussi les enfants, qui constituent l'avenir de nos territoires et de nos pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez réuni, ce matin, les représentants des parents d'élèves et des chefs d'établissement pour leur présenter, une fois encore, vos mesures contre la violence scolaire. Mais, vous le savez bien, le premier rempart à la violence scolaire, c'est d'abord des enseignants formés (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) qui permettent à leurs élèves de bâtir un vrai parcours de réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La formation des enseignants est d'autant plus indispensable que les élèves ont changé : le métier d'enseignant ne se résume plus à la simple transmission des savoirs.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Démago !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Le constat que je viens de faire, les membres de la mission d'information sur la réforme des lycées l'ont entendu pendant des mois, au cours de leurs auditions des représentants des acteurs des lycées et lors de leurs déplacements dans les établissements scolaires. Il faut mieux préparer les enseignants à leur futur métier en développant l'alternance entre la pratique et la formation théorique : voilà ce que préconisent les députés socialistes dans leur contribution à cette mission d'information en proposant d'instituer une formation en alternance dans le cadre d'un pré-recrutement des enseignants. Mais, monsieur le ministre, c'est aussi ce qui est proposé dans le livre Lettre à tous ceux qui aiment l'école, que vous avez publié en 2002 ! Alors pourquoi avez-vous supprimé les IUFM ?

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Il était certes nécessaire de les réformer, mais certainement pas de les supprimer sans les remplacer. Pourquoi avez-vous supprimé les stages rémunérés pour les jeunes enseignants – même si vous avez dû repousser l'application de cette mesure pour tenter d'éteindre le feu ?

Vous le savez bien, monsieur le ministre, ce fossé entre vos déclarations et vos actes est à l'origine de la défiance à votre égard. Or rien ne se fera sans la confiance des enseignants.

Ma question est simple : quand le ministre de l'éducation nationale d'aujourd'hui respectera-t-il les engagements pris par Xavier Darcos hier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Monsieur Yves Durand, je vous remercie de suivre si attentivement mes diverses publications et ma longue carrière. (Sourires.) Vous pourrez au moins reconnaître une chose à ma carrière : elle a toujours visé à essayer de comprendre ce qui se passe à l'éducation nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est précisément parce que je souhaite que les enseignants soient formés de la manière la plus concrète possible que je veux faire la part des choses : non, les enseignants ne sont pas faits pour être des policiers ou pour s'occuper de la sécurité ; oui, il faut mettre en place des dispositifs qui leur permettent de travailler en sécurité. Sur ce point, je ne changerai pas d'avis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

On supprime des enseignants et on crée des policiers !

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Oui, il faut que les enseignants soient formés. Qui le conteste ou le discute ? Non seulement ils vont l'être, mais mieux qu'auparavant puisqu'ils auront une année de plus de formation générale, mais aussi de formation spécialisée car ils pourront intégrer des masters professionnalisés qui les prépareront directement à leur métier. Enfin, lorsqu'ils passeront leur concours à bac + 5, après leur master, ils seront mis en alternance, comme vous le souhaitez, monsieur Durand. Ils partageront alors leur temps de service entre l'enseignement et la formation. Ils ne seront pas dans des lieux où ils entendront seulement parler de l'école, mais dans l'école elle-même, dans les classes.

Vous le voyez, il me semble qu'il y a une très grande continuité entre ce que j'ai toujours dit et ce que chacun est en droit de souhaiter : des enseignants mieux formés et plus près du terrain. Mais ne soyons pas angéliques : pour que ces enseignants mieux formés, y compris par l'alternance, puissent travailler sereinement, il faut que les écoles soient pacifiées. Pour y parvenir, il faut se donner les moyens de sanctuariser l'école : c'est ce que ce gouvernement va faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Trassy-Paillogues

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, dans le monde rural et dans la France entière, l'enseignement public agricole est une composante essentielle et irremplaçable de l'éducation de nos enfants, et de l'accès à une formation professionnelle de qualité dans toute une palette de métiers allant de la ferme à l'industrie agroalimentaire et à la recherche.

Ces derniers temps me sont remontées des inquiétudes venant d'un établissement prestigieux du Pays de Caux, connu et reconnu pour ses performances et ses excellents résultats aux examens : le lycée agricole d'Yvetot, visité en son temps, le 29 mai 2007, et apprécié par M. le Président de la République (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) et par Mme Christine Lagarde, alors ministre de l'agriculture.

Ces inquiétudes portent sur l'accueil, en septembre prochain, de 122 élèves de seconde, et sur des complications qui existeraient en ce qui concerne les inscriptions proprement dites. C'est un dossier, monsieur le ministre, que vous connaissez bien et dont vous vous occupez, parmi beaucoup d'autres.

J'aimerais savoir à quel résultat vous êtes arrivé pour que cet établissement continue de fonctionner à la satisfaction de tous. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Merci à vous, monsieur Trassy-Paillogues, de rappeler l'importance et la qualité de l'enseignement agricole dans toute sa diversité. Cela est vrai de l'enseignement public à Yvetot, mais aussi pour beaucoup d'autres lycées. Cela est vrai de tous les autres secteurs de cet enseignement dont j'ai la responsabilité : public, privé temps plein, maisons familiales et rurales, lycées et grandes écoles, soit 950 établissements au total.

La prochaine rentrée scolaire sera marquée par la mise en place du bac professionnel en trois ans, et par l'accélération de la réforme de l'offre de formation.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je veux dire la vérité : nous prenons bien sûr notre part à l'effort national de maîtrise de la dépense publique, ce qui peut créer des difficultés. À cet égard, je tiens à remercier tous les agents qui prennent leur part à cet effort.

Afin de bien préparer la prochaine rentrée, à Yvetot comme ailleurs, le Premier ministre m'a autorisé à mobiliser, au profit de l'enseignement agricole public, 132 postes équivalent temps plein – ce qui correspond à environ 180 postes d'enseignant –, et un volant de 90 000 heures supplémentaires, en augmentation de 25 %.

Aussi ai-je demandé aux directeurs régionaux de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, d'examiner avec un maximum de bienveillance les demandes de dérogations pour l'inscription en seconde et en première, comme vous l'avez souhaité, monsieur le député.

Grâce aux mesures prises par le Premier ministre, en réponse à mon souhait, je peux dire que nous préparons, à Yvetot comme ailleurs, la prochaine rentrée scolaire dans de meilleures conditions. (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, deux lycéens sur cinq sont scolarisés dans l'enseignement professionnel, dont 20 % dans l'enseignement agricole. Malgré l'importance de ses effectifs, cet enseignement se trouve dans une situation catastrophique.

De nombreux rapports ont pourtant mis en évidence ses performances, l'excellence de ses résultats, et son rôle éminent dans la vitalité des territoires ruraux. Dans l'un de ceux-ci, Mme Férat, sénatrice issue des rangs de la majorité, a souligné à quel point elle sentait « ses interlocuteurs au bord de l'épuisement si ce n'est du renoncement. » En effet, aux suppressions drastiques de postes en 2009 s'ajoutent maintenant les suppressions de classes de quatrième, la réforme des bacs professionnels et les menaces de fusion entre établissements.

Dans ce contexte sinistré, vous venez de mettre en place un véritable plan de liquidation pour la rentrée 2009…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

…avec la suppression de postes d'agent contractuel, et la diminution de 4 % de la dotation globale horaire.

Dans ma circonscription, pour le seul établissement Beauregard, lycée agricole public de Villefranche de Rouergue, cela équivaudra à la suppression de la classe de quatrième et de deux postes et demi d'agent contractuel, à la fermeture programmée de cinq classes, alimentant un risque de fusion.

La solution des heures supplémentaires ne saurait, en aucun cas, être une réponse pérenne au fonctionnement des établissements publics.

Cet enseignement est fondamental pour nos jeunes, le renouvellement de nos agriculteurs, et nos territoires ruraux, particulièrement dans ce contexte de crise.

Monsieur le ministre, pouvez-vous m'indiquer si vous compter donner aux lycées agricoles publics les moyens matériels et humains pour accomplir leur mission, ou laisserez-vous le soin à votre successeur de donner le coup de grâce à cet d'enseignement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Madame la député, votre intervention comporte un élément juste et un autre qui ne l'est pas.

Ce qui est juste, c'est l'hommage que vous rendez – comme l'a fait M. Trassy-Paillogues et comme je le fais moi-même – à la qualité de l'enseignement agricole, qu'il soit public ou privé. Ce qui n'est vraiment pas juste, c'est de parler de liquidation. Faites attention aux mots que vous utilisez !

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Comment pouvez-vous parler de liquidation, alors que le budget proposé par le Gouvernement au Parlement qui l'a soutenu et amélioré – grâce à Mme Férat, à laquelle je rends hommage, des moyens supplémentaires ont pu être dégagés au cours de la discussion de la loi de finances – augmente de 0,63 % ?

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Le budget ne diminue pas ! Nous maintenons ces moyens et, madame la députée, nous accentuons l'effort sur les assistants d'éducation, sur les centres de formation d'apprentis, sur la formation continue des enseignants.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Pour la prochaine rentrée, j'ai indiqué, en réponse à votre collègue M. Trassy-Paillogues, que le Premier ministre m'avait permis de dégager des moyens supplémentaires : 132 postes équivalent temps plein et des heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Voilà comment nous pensons pouvoir préparer sérieusement la prochaine rentrée scolaire et assurer la continuité de la réussite de l'enseignement agricole, public comme privé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Monsieur le ministre de la défense, la Cour d'appel de Paris a rejeté, vendredi dernier, les demandes d'indemnisation de douze anciens militaires atteints de maladies mortelles causées par les essais nucléaires de la France au Sahara et en Polynésie. Ces soldats ont participé à certains des deux cent dix essais nucléaires effectués entre 1960 et 1966 au Sahara algérien, ainsi qu'en Polynésie à partir de 1967.

Pendant trop longtemps, notre pays s'est abrité derrière le secret défense pour masquer son évidente responsabilité dans ce drame humain qui a concerné plus de 150 000 travailleurs civils et militaires. La France, au lieu de reconnaître cette catastrophe sanitaire et d'en tirer les enseignements en termes de soins et d'indemnisations, l'a niée. Elle a, par voie de conséquence, contribué à alimenter les peurs et ainsi renforcé les oppositions au nucléaire.

Aujourd'hui même, vous avez présenté en Conseil des ministres un projet de loi afin de réparer les conséquences sanitaires de ces essais. C'est une grande avancée à mettre à l'actif du Président de la République et du Premier ministre. Je salue également le travail de nos collègues, MM. Colombier, Ménard et Favennec. Une enveloppe de 10 millions d'euros est affichée sur le budget du ministère de la défense. Cependant, le président de l'Association des vétérans des essais nucléaires craint qu'un grand nombre de victimes, et notamment celles concernées par la Cour d'appel de Paris, soient exclues de cette loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Je souhaite par conséquent savoir, en premier lieu, si les sommes prévues seront suffisantes à l'indemnisation de ces victimes. Tous les militaires et tous les civils touchés seront-ils bien indemnisés ? J'aimerais également avoir des précisions sur les conditions de transparence des procédures de reconnaissance des victimes, ainsi que sur la question de l'indépendance du cabinet travaillant sur la situation sanitaire. Enfin, face à la spécificité de la prise en charge des victimes, ne pourrait-on pas envisager, monsieur le ministre, la création d'une structure d'indemnisation indépendante, comme ce fut le cas dans le cadre de la gestion du dossier de l'amiante ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Permettez-moi d'abord, monsieur le député, de dire un mot sur le projet de loi que j'ai eu l'honneur de présenter ce matin en conseil des ministres. Je crois comme vous qu'il était temps que la France mette en place un régime d'indemnisation pour les personnes ayant été exposées à des retombées radiologiques à la suite d'essais nucléaires.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

La Grande-Bretagne et les États-Unis l'ont fait ; il était temps que la France le fasse à son tour, treize ans après la fin des essais nucléaires.

Le projet de loi prévoit la reconnaissance d'une présomption de responsabilité pour les maladies liées à des retombées radiologiques déclarées par des personnes présentes sur les lieux. Cette présomption inversera la charge de la preuve : le requérant n'aura plus, désormais, à l'établir trente ou quarante ans après ; c'est l'État qui, le cas échéant, devra contester le lien entre les essais et la maladie.

Par ailleurs, une commission d'indemnisation, présidée par un magistrat et composée de médecins et de scientifiques, présentera au ministre une proposition d'indemnisation et de réparation totale du préjudice.

Vous m'avez également interrogé sur le fait de savoir si les personnes déboutées par la justice à l'issue de procédures longues, souvent aléatoires et parfois injustes, pourraient de nouveau déposer un dossier : la réponse est oui ; elles le pourront au même titre que les personnes qui le feront dans le cadre de la nouvelle procédure.

Enfin, les 10 millions d'euros inscrits dans le budget de mon ministère seront-ils suffisants ? Probablement pas ; mais il ne s'agit que d'une provision pour la fin de l'année 2009. Les textes n'entreront en vigueur que lorsque le Parlement les aura votés, à savoir au cours du dernier trimestre de cette année ; d'autres dotations seront alors inscrites. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, s'il est un domaine dans lequel votre collègue de l'intérieur n'osera pas se vanter de son bilan, c'est bien celui de la violence et de la délinquance en milieu scolaire. Chaque semaine nous apporte en effet son lot de faits divers, et nous ne pouvons pas tolérer que les enseignants, non plus que les élèves, vivent dans un tel climat d'insécurité et de peur.

Après vingt lois sur la sécurité, et suite au plan médiatique que vous déployez depuis plusieurs jours, vous devez présenter votre troisième plan de lutte contre la violence en milieu scolaire, plan qui, en définitive, souligne l'échec des deux premiers. La création de brigades de police spécialisées est évoquée. Vous parlez aussi de généraliser la mise en place de portiques ou de fouilles aux entrées des établissements. Cela ne peut être la seule solution, et n'empêchera de toute façon pas les violences, ni aux abords des enceintes scolaires ni en leur sein.

La prévention de cette violence, comme la possibilité de la sanctionner le plus tôt possible, passe en réalité par une présence humaine renforcée et permanente. Et c'est là que le bât blesse. Depuis 2002, vous et vos prédécesseurs avez supprimé 24 000 postes de surveillant et 20 000 postes d'aide éducateur. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Aujourd'hui, vous refusez encore les moyens demandés par la communauté éducative. Aux brigades spécialisées ou aux descentes ponctuelles et médiatisées dans les établissements scolaires, nous préférerions la création d'un vrai corps de surveillants des établissements scolaires. Ces personnels formés et chevronnés renforceraient la présence d'adultes dans les établissements et seraient un véritable soutien pour les enseignants et les personnels, aujourd'hui trop souvent exposés à cette violence.

Ma question, monsieur le ministre, est donc très simple : allez-vous entendre notre proposition de créer ce corps de surveillants des établissements scolaires ? Qu'allez-vous choisir, entre une action de prévention et d'encadrement permanente, et des mesures d'affichage ponctuelles et souvent inefficaces ? Entre l'action et la communication, que choisirez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Raisonnons, monsieur Dussopt. Lorsque Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, avait décidé de s'attaquer à l'insécurité routière, a-t-il organisé des colloques pour cela ? A-t-il créé des postes ? S'est-il penché sur la psychologie des délinquants routiers ?

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Ou bien a-t-il, tout simplement, pris les décisions qui s'imposaient, à savoir installer des radars, prévoir des permis à points et des pénalités importantes pour les contrevenants ? Désolé de vous le dire, mais c'est bien en ces termes que les questions se posent au seuil de nos établissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Il s'agit par ailleurs d'empêcher des armes, avec lesquelles on agresse aujourd'hui des professeurs, de pénétrer dans les établissements. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez bien tort, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, de faire tout ce bruit ; car d'autres incidents se produiront. (Mêmes mouvements.) Je vous rappellerai alors que votre délicatesse a souffert de ce que j'ai voulu empêcher les armes d'entrer à l'école.

La question se résume-t-elle, comme vous le prétendez, aux moyens et au nombre de personnes présentes dans les établissements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Dégraisser le mammouth, voilà e que vous voulez !

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Au reste, les chiffres que vous avez cités sont faux. Puis-je vous rappeler que, contrairement à ce que vous avez dit, le nombre de maîtres d'internat et surveillants d'externat est passé, entre 2002 et 2009, de 50 000 à 53 000, et celui de conseillers principaux d'éducation de 10 000 à 12 000 (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC), alors que le nombre d'élèves diminuait ? Ces augmentations de postes n'ont rien changé. Je propose donc des solutions simples et pragmatiques ; je souhaite protéger les élèves et les professeurs. Les actions éducatives sont évidemment nécessaires, mais je ne veux pas que les armes entrent à l'école :…

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

…l'empêcher est mon devoir, et je suis fier de le remplir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

De la part d'un ministre de l'éducation nationale, ces propos sont lamentables !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, un devoir de mathématiques donné récemment à des élèves de 5e, âgés d'une douzaine d'années, comportait l'énoncé suivant : « A l'Assemblée nationale, qui se compose de 577 députés, on trouve des députés malhonnêtes et des députés honnêtes. On sait qu'au moins un des députés est honnête. Si l'on prend, au hasard, deux députés, au moins un des deux est malhonnête. Quel est le nombre de députés honnêtes ? » La réponse est celle-ci : un seul ; les 576 autres sont malhonnêtes.

Plusieurs députés du groupe de l'UMP. Scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Ce texte, qui figure sur le site Internet La toile francophone, se trouverait également, dans une rédaction légèrement différente, dans l'ouvrage intitulé Le livre qui rend fou, publié aux éditions Dunod.

Monsieur le ministre, le travail qui consiste à exiger de jeunes élèves qu'ils distinguent entre les députés honnêtes et les députés malhonnêtes correspond-il à l'image qu'il convient de se faire de la représentation nationale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Il conviendrait que l'attention et la vigilance des personnels placés sous votre autorité soient spécialement attirées sur le contenu de certains exercices incompatibles avec l'instruction civique donnée à nos enfants, notamment avec la connaissance de nos institutions et des personnes qui les incarnent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC, et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Monsieur le député, nous connaissons cette affaire. J'en avais, du reste, alerté le président de votre assemblée, auprès de qui je me suis excusé. Il s'agit d'un incident : un professeur isolé a utilisé un site assez farfelu et donné cet exercice à des élèves. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je ne l'excuse pas ; c'est scandaleux, mais c'est un incident.

Nous avons évidemment pris contact avec ce professeur, qui a été reçu et qui sera sanctionné (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Je ne veux pas entrer dans le détail, mais ce professeur a beaucoup de difficultés personnelles. En tout état de cause, je tiens à vous dire que je partage votre indignation, comme tout le monde, et que cet incident doit être considéré comme clos.

Vous soulevez, par ailleurs, la question de l'image que l'école doit donner de la représentation nationale et, d'une manière générale, du fonctionnement des institutions.

Comme vous le savez, les nouveaux programmes ont remis au goût du jour, en particulier à l'école primaire, une bonne connaissance des institutions, du fonctionnement de la République et – puisque la période est propice à ce rappel – de l'Union européenne, ainsi que des symboles de la République. C'est tout à fait nécessaire.

Que cet incident regrettable et scandaleux, qui a, du reste, déjà fait l'objet d'une enquête administrative, ne cache pas le travail quotidien de nos professeurs, qui sont de vrais républicains, qui défendent les institutions et ont pour la représentation nationale un véritable respect. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gilbert Mathon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Mathon

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Le jour même où l'UNEDIC annonce 639 000 chômeurs de plus en 2009, la direction de Goodyear a décidé, à l'issue du comité central d'entreprise, un plan social de 820 licenciements au sein de la division « Fabrication de pneus tourisme » de l'usine d'Amiens. Elle envisage, en outre, de vendre la division agraire, qui compte 500 salariés, dont l'emploi est par conséquent également menacé.

Après Continental, cette nouvelle catastrophe industrielle pour la Picardie est la conséquence directe de la politique de l'Europe libérale menée par la droite européenne, qui a fait le choix de la déréglementation, du dumping social et fiscal et de l'absence de politique industrielle d'envergure.

La décision de Goodyear apparaît comme un règlement de compte, après le refus des salariés d'accepter une nouvelle organisation du travail en 4x8. Un réaménagement des rythmes de travail n'est pas la garantie de la survie de l'entreprise ; les 1 000 employés de Continental en ont fait la douloureuse expérience.

Alors que cette entreprise n'a fait l'objet d'aucun investissement depuis quinze ans, c'est un mauvais procès que l'on fait au site d'Amiens, en s'abritant derrière des réalités économiques. Pourtant, les salariés amiénois ont, depuis longtemps, consenti des sacrifices, en ce qui concerne tant leurs rémunérations que leurs conditions de travail, lesquelles se sont dégradées au fil des années, souvent au prix de leur santé.

Après Continental, Creyssensac, Valeo et maintenant Goodyear, qu'attend le Gouvernement pour réagir et réclamer le soutien des fonds européens, notamment d'une partie du Fonds d'ajustement à la mondialisation de l'Union européenne, comme l'a fait le gouvernement socialiste espagnol pour venir en aide au secteur automobile, confronté à des licenciements massifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Monsieur le député, l'annonce par l'entreprise Goodyear-Dunlop de la suppression de 820 emplois à Amiens est d'abord directement liée à la conjoncture économique. Je cite un chiffre : au premier trimestre, le marché du pneu a baissé de 40 %. Cette usine n'est donc pas la seule concernée ; vous avez d'ailleurs évoqué ce qui est arrivé aux sites européens de Continental.

La situation conjoncturelle est donc très difficile. Toutefois vous n'avez donné qu'une explication partielle de ce qui s'est passé. Je rappelle, en effet, que, après dix-huit mois de négociations entre l'entreprise et les salariés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Il n'y a pas eu de négociations. Vous mentez !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

…72 % d'entre eux se sont prononcés, par un vote qui a eu lieu en juin dernier, en faveur d'une nouvelle organisation du temps de travail…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

…laquelle était liée à un investissement de 52 millions d'euros sur trois ans, qui aurait permis de pérenniser le site d'Amiens-nord. Or, à la suite de ce vote, un syndicat – majoritaire, c'est vrai – a refusé que cet accord soit mis en oeuvre.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Il s'agit de la CGT. On ne peut que le déplorer, d'autant que les salariés du site d'Amiens-sud ont fait un autre choix, qui a permis la pérennisation de ce site.

Aujourd'hui, le Gouvernement, qui est évidemment aux côtés des salariés de Goodyear, se battra pour obtenir la reprise de l'activité agricole, que vous avez évoquée, ainsi qu'un plan de sauvegarde de l'emploi digne et à la hauteur de ce que les salariés sont en droit d'exiger. Telle est la mission que nous avons confiée au commissaire à la réindustrialisation, qui travaillera avec les différents partenaires locaux. Nous ne laisserons personne au bord du chemin. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Situation de l'entreprise Goodyear à Amiens

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale (no 1630).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, alors que nous arrivons au terme de ce débat sur la réforme de notre règlement – un débat long et animé –…

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

…je voudrais, au nom de l'ensemble des parlementaires du Nouveau Centre, formuler d'abord un regret, celui de ne pas avoir vu, comme par le passé, la modification de notre règlement, qui est notre règle de vie commune, faire l'objet d'un consensus partagé par l'ensemble des groupes de notre assemblée…

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

…d'autant plus que la modification de notre règlement intervient au moment où le rôle du Parlement vient d'être renforcé, notamment dans ses fonctions d'initiative et de contrôle.

Comme vous le savez tous, cette réforme fait suite à une révision constitutionnelle qui, je le souligne, a été votée par l'ensemble des députés – y compris ceux du Nouveau Centre, qui ont contribué à son adoption. Le règlement a fait l'objet d'un débat légitime et nourri qui avait, en réalité, déjà été largement ouvert lors de la discussion par notre assemblée du projet de loi organique.

Pour le Nouveau Centre, ce débat constituait un enjeu capital, celui de permettre au pluralisme de trouver son expression au sein de notre assemblée, afin que le débat parlementaire ne s'enferme pas dans un face-à-face exclusif entre le principal groupe de la majorité et le principal groupe de l'opposition.

La reconnaissance du pluralisme a toujours été le combat des centristes, un combat passant par la reconnaissance de droits spécifiques aux groupes dits minoritaires, puisque c'est l'un des éléments essentiels de la vitalité du débat démocratique. Cette reconnaissance figure depuis un an dans la Constitution, où nous l'y avons inscrite au moyen de la loi organique. Aussi, l'enjeu de nos débats a d'abord été de formaliser, au sein de notre règlement, cette reconnaissance du pluralisme en ce qui concerne le temps programmé d'expression législative, le pouvoir d'initiative de chacun des groupes, mais également l'exercice des nouvelles fonctions de contrôle désormais exercées par le Parlement.

Je tiens à rendre hommage à votre action, monsieur le président, vous qui, dans le texte initial de votre proposition de résolution, avez choisi d'emprunter les voies du consensus, notamment en ce qui concerne les droits de l'opposition et ceux des groupes minoritaires, mais également ceux, naturellement légitimes, du groupe majoritaire de la majorité, afin de pouvoir continuer à mettre en oeuvre les réformes voulues par les Français. Je redis, d'ailleurs, que je regrette de ne pas voir toutes les propositions de Bernard Accoyer reprises dans le texte final.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Au cours de ce débat, chacun a pris ses responsabilités. Le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, que je tiens à saluer, a pris les siennes en faisant évoluer le débat. Il en est de même du président du groupe majoritaire et de l'ensemble des présidents de groupe qui ont fait le choix du dialogue. Faire ce choix, ce n'est pas renoncer à nos convictions, mais rechercher ensemble les voies de la convergence et du vivre ensemble.

Ce choix a permis des avancées que nous attendions. Le temps de parole des présidents de groupe, s'il demeure limité, sera doublé et porté à deux heures lorsque le temps total de discussion d'un texte dépassera quarante heures. Chacun des groupes de l'opposition et des groupes minoritaires disposera à présent d'un droit de tirage pour la création de commissions d'enquête et il nous sera désormais possible d'obtenir, de droit, la constitution d'une commission spéciale.

Je retiens également que le pouvoir d'initiative de nos groupes ne sera plus concentré sur une seule journée par an, mais pourra, ainsi que vous en avez pris l'engagement, intervenir à intervalles plus réguliers.

Le temps législatif programmé, qui a constitué l'un des points durs de notre débat, constitue sans doute une modernisation souhaitable du travail parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Cependant, mes chers collègues, face aux craintes qui se sont exprimées et que nous avons, pour certaines, partagées, je dis qu'il faudra nous appliquer à nous-mêmes le principe de l'évaluation. Le temps programmé ne doit pas se révéler comme un temps contraint, alors qu'il a vocation à être un temps organisé.

C'est en formant ce voeu et compte tenu des avancées que j'ai évoquées, dans le prolongement de notre soutien à la révision constitutionnelle et parce que nous avons obtenu des garanties sur le fonctionnement des groupes, que les députés du Nouveau Centre voteront la réforme du règlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Mes chers collègues, voici un débat où nous sommes entre nous, c'est-à-dire entre parlementaires – ce qui ne nous empêche pas d'accueillir Roger Karoutchi avec plaisir. Ce débat dure depuis dix-huit mois, puisque, dès les prémices de la réforme constitutionnelle, pointaient les lois organiques et la réforme du règlement intérieur. Au départ, ce débat a semblé prendre la bonne direction. On a même pu lire, dans les journaux, des tribunes proclamant qu'il fallait jouer le jeu de la modernisation de la structure parlementaire. Malheureusement, les difficultés politiques rencontrées par certains groupes de l'Assemblée – ceux de l'opposition, notamment – nous ont fait revenir à un débat plus restreint. Si ce débat a perdu de son ampleur, nous avons eu à coeur de le mener à bien, même si nous devions le faire seuls. Nous pouvons en être fiers, mes chers collègues de l'UMP et du Nouveau Centre. Même si, parfois, nous avons ressenti l'absence, dans ce débat, d'une opposition qui joue pleinement son rôle parlementaire, plutôt que de se cantonner dans une position partisane – mais c'est son droit (« Quel culot ! » sur les bancs du groupe SRC) –, nous avons accompli un progrès considérable en matière de travail parlementaire.

Je voudrais remercier ceux qui ont porté le débat face à un exécutif qui, par nature, n'est pas forcément bien disposé à l'égard de la chose parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

D'ailleurs, les exécutifs précédents – je veux parler de ceux qui étaient au pouvoir alors que nous étions dans l'opposition – nous ont montré à quel point leur vision du travail parlementaire était restrictive.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

En tout cas, toutes les lois n'étaient pas votées en urgence !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je veux dire au président de l'Assemblée, qui a eu à subir quelques secousses – je veux parler des chants et des cris auxquels nous avons eu droit dans l'hémicycle –, que nous lui sommes reconnaissants d'avoir tenu notre assemblée avec la force et la stabilité qui sont siennes. Je veux également rendre hommage au rapporteur, notre ami Jean-Luc Warsmann, qui a rendu au nom de la commission des lois un rapport remarquable.

Toutefois, je réserve l'essentiel de nos remerciements au président du groupe UMP, qui a été l'objet de toutes les attaques. Sans l'énergie qu'a déployée Jean-François Copé dans une bataille où nous étions seuls en face de l'exécutif… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

…l'opposition se contentant, comme elle le fait encore actuellement, de manifester sa présence par des cris d'orfraie, nous n'aurions peut-être pas réussi à mettre en place un système aussi bon que celui que nous nous apprêtons à voter.

Qui peut se vanter, en dehors de l'UMP et du Nouveau Centre, d'avoir donné à l'opposition un temps de parole au moins équivalent à celui de la majorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

…mais aussi un droit de tirage supérieur à celui de la majorité, des commissions d'enquête sans contrôle – ce qui n'a jamais existé dans les gouvernements précédents –, la possibilité d'évaluer à parité toutes les décisions qui vont être prises par l'exécutif dans le cadre de la loi et de l'action gouvernementale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Qui peut se vanter d'avoir fait exister davantage le Parlement, par l'intermédiaire de la loi que nous allons voter et qui sera notre règlement intérieur ? Qui peut dire, depuis le début de la Ve République, qu'il a autant promu la capacité et l'honneur du Parlement ?

Oui, monsieur le président, mes chers collègues, je crois moi aussi que, « un député, ça compte énormément » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et j'aimerais que les députés qui se trouvent sur les bancs opposés aux nôtres en prennent parfois conscience !

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous allons voter sans ambiguïté pour ce règlement intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin public sur le vote de l'ensemble de la proposition de résolution.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le président, mes chers collègues, avec ce vote se termine la phase parlementaire de la révision de juillet dernier.

En apparence, dans quelques instants, les votes des uns et des autres sembleront cohérents : vous étiez favorables à la révision et vous allez voter pour la modification du règlement de notre Assemblée ; nous y étions opposés et nous allons voter contre. Pourtant, dans la réalité, ce scrutin va faire une victime : le débat démocratique au sein de cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

C'est d'ailleurs un paradoxe. En effet, il y a un an, nous partagions un diagnostic : il ne pouvait y avoir de réforme significative de la Constitution sans renforcement de grande ampleur du Parlement, à la fois dans ses missions législatives et dans sa fonction de contrôle de l'exécutif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Pour notre part, nous avions vu, dans cette perspective, davantage qu'une modification des institutions et des textes. Il s'agissait, ni plus ni moins, d'instaurer une nouvelle pratique du pouvoir laissant plus de place à la délibération collective, afin de redonner force et vigueur à l'espérance démocratique. Telle fut la perspective dans laquelle nous nous sommes inscrits, depuis la révision jusqu'à cette résolution, en passant par le projet de loi organique.

Pourtant, avec constance, vous avez refusé nos amendements, ce qui, pour une part, était logique : nous ne partageons pas la même lecture de la fonction parlementaire. En matière institutionnelle, les projets présidentiels présentés en 2002 par Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal étaient différents. Votre candidat souhaitait « rééquilibrer la Ve République » ; la nôtre dénonçait la « présidentialisation croissante du régime » et militait pour « une république nouvelle ». Les Français ayant choisi, il était normal que vous soyez en mesure de concrétiser la lecture de Nicolas Sarkozy. Cependant, vous avez aussi rejeté une partie de nos amendements qui n'avaient d'autre ambition que d'améliorer le fonctionnement interne de notre assemblée. Ce fut singulièrement le cas lors de ce débat.

Le règlement d'une assemblée comme la nôtre ne saurait se résumer à la somme, plus ou moins bien agencée, de dispositions parcellaires. Ce n'est pas un dispositif qui viendrait combler les lacunes du droit parlementaire. Ce n'est pas non plus un instrument qui tendrait à se substituer aux usages ou aux coutumes tenant lieu de précédents, parfois codifiés par des auteurs célèbres.

Le règlement, mes chers collègues, est un élément essentiel de la vie parlementaire. Le doyen Vedel avait même l'habitude de dire que le règlement « donne sa physionomie vivante au régime représentatif ». De fait, c'est la charte acceptée par tous et qui fonde l'unité collective. C'est une référence durable qui ne doit être modifiée que dans l'intérêt de l'institution. Elle n'a pas pour vocation de refléter le succès d'une majorité.

Le règlement ne peut mépriser certains au profit de quelques autres, détenteurs d'un pouvoir par essence éphémère. Il ne lui revient pas d'être oppressif. Pourtant, par votre choix, demain, celui-ci le sera. La dureté des faits viendra contredire la promesse de vos mots. Vous êtes en train d'ajouter l'autoritarisme au parlementarisme rationalisé et au fait majoritaire.

À nos yeux, vous avez fait de ce règlement – le « vous » s'adressant en l'espèce au président du groupe UMP – un arsenal où vous comptez venir vous fournir pour mener à bien vos prochains combats. Il semble que vous ayez oublié ce que répétait Philippe Séguin quand il présidait cette assemblée : « La démocratie ne se résume pas à la loi de la majorité : elle s'exprime surtout dans le respect des droits de la minorité ».

À ce propos, je voudrais, au nom du groupe SRC, saluer le président de notre assemblée, Bernard Accoyer, pour la façon dont il a dirigé nos débats. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous regrettons simplement que le groupe auquel vous appartenez – « le groupe le plus important qui n'est pas de l'opposition », puisque vous avez refusé de vous définir comme « la majorité » dans le règlement de l'Assemblée – ne vous ait pas suivi. Ce groupe a une marque de fabrique, qui est aussi celle de Nicolas Sarkozy : l'excès de pouvoir, devenue la règle et non l'exception. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Mois après mois, nous constatons que le dévoiement progressif de nos institutions résulte d'un plan délibéré, mené de manière méthodique, et non d'une suite d'escarmouches lancées au hasard.

Demain, notre travail d'opposants sera rendu plus ardu dans cette enceinte, puisque vous allez tenter d'étouffer notre voix. Pourtant, n'en doutez pas, les obstacles que vous dressez sur notre chemin n'entameront pas notre volonté de le poursuivre, avec une vigueur renouvelée par l'adversité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Je me serais volontiers passé du douloureux honneur de vous livrer la dernière explication de vote relevant de feu notre actuel règlement. Nous voici en effet parvenus à l'issue de la réforme qui va conditionner notre travail parlementaire durant les deux ans et demi qui nous séparent de la fin de la mandature. Comme hier, je fais ici le voeu que, au terme de ce délai, le sort des urnes nous permette de réviser à nouveau ce règlement, puisque la réforme que vous vous apprêtez à voter dénature le travail parlementaire et la fonction de député de la République.

Pour justifier la réforme constitutionnelle et celle qui nous occupe aujourd'hui, vous n'avez cessé de vous abriter derrière l'argument fallacieux de l'augmentation des droits de l'opposition. Grands princes, vous entérinez ce qui était jusqu'alors une pratique de fait : la présidence de la commission des finances par un député de l'opposition. Vos largesses vont même jusqu'à attribuer la moitié des questions au Gouvernement aux députés membres d'un groupe d'opposition. Fort bien.

Mais, là où nos points de vue divergent, c'est sur la nature de la fonction parlementaire. En effet, celle-ci est double : si notre assemblée est évidemment une institution de contrôle du pouvoir exécutif, elle a aussi pour mission de fabriquer la loi. Et ce n'est qu'à la condition expresse du respect plein et entier de cette fonction-là que la séparation des pouvoirs restera une réalité et non un beau principe hérité de nos illustres prédécesseurs.

Nous croyons que la démocratie se définit par l'existence d'expressions politiques diverses, et c'est au nom du respect de ce pluralisme que nous avons déposé une série d'amendements. Nous avons défendu la voix des partis minoritaires, qu'ils soient dans l'opposition ou dans la majorité, en proposant la représentation de tous les groupes politiques dans les instances de l'Assemblée nationale. Nous avons défendu au nom de ce même principe la possible constitution d'un groupe politique à partir de quinze membres ; grâce aux débats qui ont pu se tenir, notre proposition a été retenue et nous nous en félicitons.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Nous avons défendu la liberté de parole de tous les députés qui, en ces temps de censure et de répression, se trouve menacée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Dans notre hémicycle, cette dérive a pris la forme du « temps de parole programmé » : en réduisant de manière systématique à la fois le temps de parole et le nombre d'orateurs, la commission a porté atteinte au droit d'expression des élus du peuple, ce que même le Sénat, censé incarner la pondération, s'est refusé à faire. En réduisant les délais entre le dépôt et l'examen des textes de loi, la commission s'est aussi attaquée à la capacité de réaction des députés, en particulier de ceux appartenant aux oppositions. Elle a voulu renforcer le bipartisme de notre Assemblée.

Au bout du compte, il en va de la qualité de nos débats en commission comme en séance publique. Perdant leur portée universelle, ils se réduiront à des querelles de spécialistes, voire de techniciens, ce que nous n'avons pas à être.

Et nous ne sommes pas dupes, monsieur le président, malgré tous les efforts que vous avez pu faire – et, à notre tour, nous vous en remercions –, tout ceci vise à précipiter le débat parlementaire pour que la contestation citoyenne ne puisse émerger. On l'a vu dernièrement avec la loi HADOPI ou celle sur l'hôpital et, avant celles-ci, avec la loi sur le CPE : quand on permet au débat d'éclore, le risque de contestation existe, ce que vous ne pouvez tolérer. Pourtant, nous sommes là pour éclairer l'opinion et la relayer ; nous sommes là aussi pour que l'opinion publique puisse s'approprier des débats sur des lois qui vont façonner ses pratiques quotidiennes.

S'il est vrai que prendre le temps du débat revient à accepter le risque de la contradiction, cela signifie également légiférer moins mais mieux, perspective qui ne saurait évidemment satisfaire un exécutif en quête de chiffres et de lois chocs. Mais nous refusons la conception que vous vous faites du travail parlementaire au nom d'une gestion « efficace » et « rentable » de la politique.

La modification d'un règlement n'a de sens que si elle améliore le fonctionnement du corps qu'elle régit. Messieurs les députés de la majorité, nous aurions pu réformer le règlement dans un sens qui favorise le débat et la recherche du consensus. Malgré tous nos efforts, hier encore en fin d'après-midi, à propos des deux articles-clefs que sont les articles 26 et 31, ce n'est pas le choix que vous avez fait. C'est pourquoi le groupe de la gauche démocrate et républicaine votera contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de résolution.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 538

Nombre de suffrages exprimés 530

Majorité absolue 266

Pour l'adoption 312

Contre 218

(La proposition de résolution est adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Conformément à l'article 61 de la Constitution, la résolution va être transmise au Conseil constitutionnel. Il nous appartiendra ensuite d'en faire l'instrument de travail de notre assemblée.

Je vous remercie tous pour votre participation à ce débat.

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Frédéric Poisson et de plusieurs de ses collègues pour faciliter le maintien et la création d'emplois (no 1664).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Lundi soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, mes chers collègues, le bouclier social de notre pays, dont le droit du travail constitue une pièce maîtresse, est un facteur de soutien de la consommation ; il constitue l'une des armatures de notre cohésion sociale.

Votre gouvernement nous laissera demain un pays déclassé et affaibli.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Si nous ne protégeons pas, tant qu'il en est encore temps, cette armature de droit, ce pays sera livré au désordre, sans repères ni cadres pour se reconstruire.

Car ce sont bien les fondements même du droit du travail que vous décidez aujourd'hui d'attaquer. Ces fondements, ce sont les liens entre l'employeur et le salarié – deux personnes, ou plutôt une personne et une entreprise, liées par un contrat. Ce projet de loi dénature ce rapport : nous glissons très sûrement vers la simple utilisation de la capacité de travail.

Nous revenons de nombreuses décennies en arrière, quand les petits paysans pauvres allaient se louer – on disait chez mon grand père « se gager » – là où il y avait du travail.

L'employeur n'est plus une personne, et même plus une entreprise – qui disposerait d'une culture d'entreprise, qui aurait une image, auxquelles le salarié pourrait se référer, sinon s'identifier. L'employeur devient un groupement de personnes anonymes, et le salarié une marchandise immatérielle que l'on peut prêter, et demain louer, selon les besoins et les intérêts du moment.

Quelle est en effet la pièce maîtresse, l'« innovation », selon les signataires de cette proposition ? Ce n'est bien sûr pas directement le prêt de salarié : ce serait trop clair, trop immédiatement choquant ; non, c'est la révision des règles régissant le groupement d'entrepreneurs.

Celui-ci se justifie, c'est vrai, quand il réunit deux petites entreprises proches, et qui se sentent engagées par cette réunion. Pour cela, trois règles ont été mises en place : nul ne peut appartenir à deux groupements ; les entreprises concernées ne peuvent dépasser le seuil de 300 salariés ; leur responsabilité est conjointe. Reconnaissons la sagesse de ces règles.

Vous les dissolvez au contraire. Les conséquences ne sont pas difficiles à imaginer ; c'est d'ailleurs pour moi une interrogation constante depuis les deux années que court cette législature : ceux qui votent et, plus encore, ceux qui conçoivent ces lois imaginent-ils un seul instant leurs conséquences sur la vie des Français qu'elles concernent ?

Nous lisons qu'il s'agit d'un « encouragement à la mobilité » : mais savez-vous ce qu'est la mobilité quand ce n'est pas un projet de vie choisi, quand, dans un couple, les deux conjoints travaillent, ont des enfants scolarisés et viennent d'acheter un appartement ? Savez-vous ce qu'est la mobilité pour une femme ayant des responsabilités familiales ? Immanquablement et j'oserai dire comme d'habitude, ce projet de loi pénalisera d'abord les femmes et le travail des femmes.

Votre projet de loi ne met aucune limite géographique à cette mobilité. Salarié à Limoges, vous deviendrez travailleur à gages à Dunkerque.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Elle aggrave la perte de sens dont souffrent si fort le monde du travail et le monde tout court ; car, s'il est concevable qu'une petite entreprise ne puisse se payer seule un comptable, comment imaginer qu'une entreprise de plusieurs centaines de personnes ne puisse trouver en interne les ressources qui lui manquent ponctuellement ? Comment accepter, partager, assumer quelque chose que l'on ne comprend pas, tout simplement parce que ce n'est pas compréhensible ?

La gravité inhérente à cette proposition de loi, sa cruauté interne, est bien rendue par l'expression « prêt de salarié ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Le président Pierre Méhaignerie l'a si bien perçu qu'il proposait pudiquement de le cacher derrière celui de « contrat de détachement ». Mais c'est bien d'un prêt qu'il s'agit. C'est bien ce mot que le bon sens utilise – ce mot qu'il interdit pour les brosses à dents et déconseille pour les voitures – que l'on va utiliser maintenant pour les salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

C'est même l'État, et donc nous, aujourd'hui, qui nous mêlons de l'organiser et de le généraliser.

La même logique préside à la promotion du télétravail. Certes, il ne faut pas méconnaître celui-ci. Il peut constituer une solution pour des travailleurs ayant des difficultés à se mobiliser ; il participe de l'aménagement du territoire. Certes, encadré, contrôlé et, mieux encore, choisi, il ne faut pas le bannir du champ de l'emploi.

Mais il constitue lui aussi un élément de rupture de lien avec le patron et la structure que constitue l'entreprise, donc avec les règles de celle-ci, ses protections, ses échanges, ses informations.

J'ai évoqué le temps de nos grands-pères. Je suis sûre que vous aurez plaisir à savoir que ma grand-mère, au début du siècle dernier, était une femme d'avant-garde : elle faisait déjà du télétravail. Elle faisait de la broderie pour les bourgeoises du chef-lieu – la nuit, le jour, à la pièce, sans protection d'aucune sorte. En sommes-nous si loin aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Le télétravail n'a rien à voir avec cela ! Ce n'est même pas obligatoirement du travail à domicile.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Le télétravail, c'est le travail à distance, vous le savez bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

C'est vrai qu'avec la broderie, elle travaille sur la toile ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur, je trouve votre remarque particulièrement déplacée et irrespectueuse des gens qui travaillent à leur domicile, souvent difficilement et dans la solitude.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ne vous laissez pas impressionner par les perturbateurs de l'UMP, madame Delaunay !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Reconnaissons-le, monsieur Poisson, votre proposition de loi est innovante, mais avec un siècle de retard, et elle remet au coeur de nos ambitions les salariés que l'on gage et le travail à la tâche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

C'est avec détermination que, pour toutes ces raisons, nous ne la voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l'heure où est examinée cette proposition de loi visant à faciliter le maintien et la création d'emplois, je tiens à saluer, devant la représentation nationale, la collégialité de cette initiative parlementaire. En cette période de crise, il est indispensable de mettre nos énergies en commun, afin de répondre aux difficultés des Français par des mesures de bon sens et directement en lien avec les attentes des salariés et des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Je remercie notre rapporteur, Jean-Frédéric Poisson, pour son initiative et son ouverture, mais aussi pour sa capacité à réunir différents projets, en présentant un texte sans précédent en faveur de l'emploi, le premier depuis l'instauration de la coproduction législative.

Je souhaite évoquer le titre IV consacré à la promotion du télétravail. Le 15 octobre 2008, Bernard Gérard, Pierre Morel-A-L'Huissier et moi-même déposions la proposition de loi n° 1194 visant à promouvoir le télétravail en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Cette proposition de loi a été le fruit d'une très précieuse collaboration avec l'Association française du télétravail et des téléactivités, implantée dans le Nord, en particulier avec son vice-président, Serge Le Roux, et avec Me François Taquet, à qui nous exprimons toute notre reconnaissance.

Nos rencontres sur le terrain, ainsi que les nombreuses auditions que nous avons pu mener dans le cadre de la mission que nous a confiée notre président de groupe, Jean-François Copé, nous ont permis de mesurer le retard de la France en matière de télétravail. En effet, alors que le télétravail a fait l'objet d'un accord-cadre européen le 16 juillet 2002 signé par tous les partenaires sociaux, lui-même transposé par l'accord national interprofessionnel du 17 juillet 2005, aucune disposition du code du travail ne fait référence, à ce jour, à ce mode d'exécution du travail. Aujourd'hui, en France, seuls 7 % des salariés sont des télétravailleurs, alors que la moyenne communautaire s'élève à 13 %.

Le télétravail est pourtant une aubaine pour notre économie : s'il permet des gains de productivité considérables pour les entreprises et les administrations, il est également un gisement d'emplois non négligeable, il facilite l'accès au marché du travail des handicapés et des personnes éloignées d'un lieu de travail potentiel – je pense particulièrement aux habitants des zones rurales.

Cette innovation assouplit la relation de travail traditionnelle que nous connaissons, en introduisant une plus grande liberté d'organisation pour le salarié et son employeur, sous réserve, toutefois, qu'ils puissent accéder au haut débit.

Je tiens également à évoquer les vertus environnementales du télétravail et son entière compatibilité avec l'ambitieuse démarche de développement durable entreprise par le Gouvernement depuis 2007. Il est en effet un moyen de réduire significativement les émissions de dioxyde de carbone, par la suppression de milliers de trajets quotidiens entre le domicile et le travail. À ce sujet, j'avais déposé, avec mon excellent collègue du Nord Bernard Gérard, un amendement qui a été adopté à l'unanimité lors de l'examen du projet de loi sur le Grenelle de l'environnement.

Je souhaite ici vous rendre hommage, madame la secrétaire d'État, pour votre action continue en faveur du télétravail, d'abord au secrétariat d'État à l'écologie, puis au secrétariat d'État à l'économie numérique, aujourd'hui chargé du plan numérique 2012 dans lequel le télétravail figure en bonne place.

Enfin, en cette période de crise économique, je tiens à rappeler l'impact du télétravail sur le pouvoir d'achat : alors que l'éloignement du lieu de travail est, en moyenne, de vingt-cinq kilomètres, un salarié acceptant d'effectuer 25 % de son temps en télétravail réalisera une économie de 100 euros par mois sur ses frais de déplacements ou de garde d'enfant.

Vous le voyez, mes chers collègues, la France ne peut plus rester en dehors du télétravail. L'État a un rôle à jouer dans son développement, notamment en incitant les entreprises à franchir le pas du travail à domicile. C'est pourquoi Bernard Gérard et moi-même vous demanderons, au cours de ce débat, de bien vouloir adopter l'amendement que nous avons déposé afin de compléter le dispositif, amendement qui préconise la création d'un crédit d'impôt pour les entreprises qui utiliseront le télétravail.

Le dynamisme de notre économie confère au télétravail un potentiel de développement important, source de milliers d'emplois. C'est pour cette raison que nous nous sommes attelés à le promouvoir, afin de rattraper notre retard et de ne pas priver plus longtemps la France d'un outil moderne, facteur de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à faciliter le maintien et la création d'emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Avec 70 000 à 80 000 demandeurs d'emploi supplémentaires chaque mois depuis le début de l'année 2009, il est vrai qu'il y a urgence, d'autant que, malheureusement, les perspectives réalistes prévoient un million de chômeurs supplémentaires sur un an.

En fait, deux des mesures annoncées peuvent sembler aller dans le bon sens : le rétablissement de l'allocation équivalent retraite, même si celui-ci ne pouvait bénéficier qu'à très peu de seniors et qu'il a été retiré de ce texte au motif qu'il tombait sous le couperet de l'article 40 de la Constitution, et les 1 000 euros de crédit d'impôt pour le soutien à l'emploi des jeunes de moins de vingt-six ans.

Pour le reste, les mesures censées développer les groupements d'employeurs, promouvoir le télétravail ou généraliser le prêt de main-d'oeuvre participent toutes de la même logique d'externalisation de main-d'oeuvre, qu'elle soit géographique ou juridique. En effet, comment peut-on prétendre favoriser le maintien ou la création d'emplois avec un texte confus, annonçant différentes mesures qui – vous en conviendrez – ne sont nullement de nature à s'attaquer au problème du chômage de masse que nous connaissons ?

C'est d'un véritable plan pour l'emploi que nous avions besoin. Au lieu de cela, les mesures proposées vont engendrer une complexification évidente du droit du travail et, une fois de plus, un détricotage du droit fondamental pour les salariés.

À ce titre, les modifications apportées aux groupements d'employeurs sont édifiantes. Je tiens à rappeler que le groupe socialiste est favorable à la philosophie qui guidait leur mise en place dès 1985 : ce dispositif initial permettait à des PME de mettre en commun leurs moyens pour recruter un cadre qu'elles ne pouvaient financer de manière isolée ou pour employer une personne en CDI qui enchaînerait des emplois saisonniers, notamment dans le domaine agricole.

Aujourd'hui, toutes les garanties vont être abolies au profit d'une totale libéralisation pour les entreprises : suppression du seuil de 300 salariés, possibilité d'adhérer à autant de groupements d'employeurs qu'on le souhaite, sans limite, et suppression du principe de solidarité entre les entreprises adhérentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

À quoi va-t-on assister ? On peut imaginer la constitution de groupements d'employeurs qui regrouperaient plusieurs milliers de salariés, voire plusieurs dizaines de milliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Ces groupements pourraient être assimilés à des hypermarchés de main-d'oeuvre par branche ou sur un même territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Cette évolution sera favorisée par la suppression, dès le 1er janvier 2010, du préalable d'un accord dans l'entreprise. Ainsi, chaque entreprise ne sera responsable que des heures de travail effectuées en son sein, sans aucune garantie d'ensemble pour le salarié en matière de droit du travail, ce qui laisse la porte ouverte à tous les excès et à tous les abus au détriment des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

De plus, en raison de la suppression du principe de solidarité interentreprise, le salarié ne bénéficiera plus d'aucune protection collective en cas de difficultés, de licenciement ou de dépôt de bilan d'une des entreprises. Cet élément constitue une régression en matière de droit du travail.

Avec l'article 4, qui permettra aux collectivités territoriales d'adhérer à un groupement d'employeurs, vous favorisez, une fois encore, l'externalisation et – pourquoi pas ? – la privatisation de missions dévolues à des fonctionnaires territoriaux. Ainsi, vous portez atteinte aux fondements des services publics qui constituent pourtant autant de remparts et de protections indispensables pour nos concitoyens. Ce que vous nous proposez n'est absolument pas adapté à la crise économique sans précédent que nous traversons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, enfin, l'on se préoccupe du télétravail dans notre pays.

Madame la secrétaire d'État, je voudrais vous remercier pour les propos que vous avez tenus lundi soir et qui prouvent que vous avez bien compris la problématique. Il était temps que l'on prenne en compte ce mouvement irrépressible qui tend à réduire la présence des salariés dans l'entreprise et à favoriser l'activité mobile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Trois millions de chômeurs au télétravail !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Quand le télétravail sortira-t-il, en France, de la clandestinité ? Il y aurait 7 % de télétravailleurs déclarés en France : en réalité ils sont sans doute plus nombreux. Auteur d'un rapport sur ce sujet à la demande du Gouvernement, j'ai eu l'occasion d'étudier différentes entreprises en France, au Canada, aux États-Unis, en Suède. Il est vrai que, par rapport à la moyenne européenne, qui est de 13 %, et à celle des États-Unis, nous sommes très en retard. Il y a plusieurs explications à cela : le retard dans les équipements, dans les réseaux, le minitel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Mais notre retard est également dû à une inculture ou à une résistance au changement des habitudes dans un pays quelque peu sclérosé, comme le Président de la République a l'habitude de le dire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Plusieurs rapports ont été publiés sur le sujet : le rapport Breton, commandé par M. Balladur ; celui du Forum des droits sur l'internet en 2003 ; le mien en 2006. Puis sont venus le plan Besson et votre implication personnelle dans cette problématique, madame la secrétaire d'État.

Mais je ne voudrais pas oublier l'UMP, qui a organisé, il y a quelques semaines, des ateliers du travail qui ont réuni tous les acteurs qui comptent dans le domaine du télétravail.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

En 2002, l'Europe a travaillé sur un accord-cadre européen avec les partenaires sociaux. Il ne s'agissait pas d'une directive, mais bien d'un accord avec les partenaires sociaux. Il a fallu attendre trois ans – jusqu'en 2005, c'est-à-dire le dernier délai – pour transposer cet accord-cadre dans un accord national interprofessionnel que certains syndicats – pas tous – ont signé.

Je voudrais également me réjouir de la création de plusieurs organisations – l'association nationale pour le développement du télétravail et de la téléformation en 1994, l'association française du télétravail et des téléactivités en 1997 – et saluer l'oeuvre de Gérard Vallet, de Philippe Planterose, de Serge Le Roux, de Mme Turbé-Suetens et du professeur Rey, autant de spécialistes qui, depuis dix à quinze ans, n'ont eu de cesse de demander que l'on tienne compte du télétravail.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Nous nous sommes tous heurtés à la force des habitudes et aux problèmes du management des salariés qui travaillent en dehors de l'entreprise. J'ai pu me rendre compte, lors des auditions que j'ai organisées, que, pour certains – notamment pour la CGT –, le terme télétravail était un gros mot. On m'a recommandé de ne surtout pas parler du télétravail. Un accord-cadre a été élaboré, m'a-t-on dit, on ne veut pas aller au-delà de l'ANI. À un certain moment, tout a été bloqué par les syndicats : c'est que qui dit télétravail dit TIC et nouvelle forme de management ; ce personnel n'est plus présent dans l'entreprise et, à ce titre, est moins malléable, moins utilisable…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous exploitez toujours dans le même sens, vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Je ne sais pas si la loi fera le printemps du télétravail, mais il a fallu saisir la représentation parlementaire – mes collègues Decool et Bernard ont apporté leur contribution à cette démarche – pour ouvrir le débat sur ce point. Cela dit, je ne sais pas si cela règlera tous les problèmes, si le petit livre rouge du code du travail sera suffisant pour faire sortir le télétravail de sa clandestinité. Celui-ci fait l'objet d'une disposition du Grenelle de l'environnement – c'est important –, mais il faut également tenir compte du statut de la fonction publique.

Trois ou quatre dispositions sont aujourd'hui prévues sur le télétravail, madame la secrétaire d'État, et je voudrais que nous soyons au plus près de l'ANI. Un énorme travail a été fait par les partenaires sociaux. Ne réécrivons pas tout ! Je pense à la définition, au contrat spécifique, au volontariat, à la réversibilité synallagmatique. Collons à ce qui a déjà été fait, à l'ANI.

Connaissant bien le sujet, je voudrais attirer votre attention sur les nécessités de l'accompagnement. S'agissant de l'éducation nationale, toutes les formations doivent inclure la problématique des TIC et de leur usage. Dans le plan de relance, vous avez prévu 750 millions d'euros de plus pour les réseaux, et c'est une bonne chose. Je pense aussi à l'aide à l'équipement, aux avantages fiscaux ou sociaux, à la problématique des territoires ruraux, au handicap, aux personnes âgées, aux femmes au foyer. Il faut dire à Pôle emploi que le télétravail existe et qu'on peut le promouvoir.

Aujourd'hui, madame la secrétaire d'État, nous ouvrons le débat et je voudrais qu'il soit le plus large possible pour que nous abordions tous les volets du télétravail, y compris celui figurant dans l'amendement de Frédéric Lefebvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Nous avons enfin la possibilité d'en parler devant la représentation parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais très simplement revenir sur les objectifs annoncés par cette proposition de loi en les comparant avec la réalité des propositions contenues dans le texte, texte d'initiative élyséenne – nous ne sommes pas dupes ! – auquel notre collègue Jean-Frédéric Poisson a prêté son nom.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

La gravité de la situation économique et sociale – des milliers de chômeurs tous les mois, 6 millions de travailleurs précaires, un taux de chômage des jeunes Français bien supérieur à la moyenne européenne : 23 % contre 15 % – doit effectivement amener des réponses immédiates.

Si le Gouvernement a su tout mettre en oeuvre pour sauver les banques, nous aurions aimé qu'il fasse de même pour les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Sauver les banques, c'est bien ; sauver les Français c'est encore mieux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

C'est d'autant plus vrai que la proposition de loi discutée ce soir n'est pas la première à traiter de la crise et que le groupe SRC a déjà tenté, en vain bien sûr, de faire prendre conscience au Gouvernement des erreurs à réparer pour en limiter les effets.

Je n'évoquerai pas le bouclier fiscal devant vous. Je sais que son inefficacité avérée et l'obstination viscérale à le maintenir dont fait preuve le Président de la République commencent à provoquer des crises d'urticaire chez certains membres de la majorité. J'en viens donc à la proposition de notre collègue Poisson.

Les rares aspects positifs du texte – prorogation de l'allocation équivalent retraite et contrat de professionnalisation – n'apportent aucune nouveauté, si ce n'est qu'ils marquent un retour sur des situations que cette majorité avait modifiées à son arrivée au pouvoir. N'est-ce pas la preuve que nos appels à la raison étaient pertinents et qu'il convient de donner à l'opposition la place qui lui revient de droit dans les débats de notre assemblée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Les points centraux du texte sont le développement des groupements d'employeurs et l'encouragement à la mobilité professionnelle. Là encore, comment être en accord avec cela ?

Les groupements d'employeurs, qu'avait créés la gauche, sont totalement dénaturés et dérégulés. La suppression du seuil de 300 salariés pour la participation aux groupements, qui n'a rien à voir avec ce que la loi Aubry avait permis, puisqu'elle autorisait des dépassements de seuil en encadrant ceux-ci, et le relèvement du nombre de groupements auxquels une entreprise peut participer vont avoir un effet désastreux sur la qualité de l'emploi et vont modifier le lien entre le salarié et l'employeur, qui ne sera pas un lien de partenariat, terme cher à M. Poisson, mais bien un lien de subordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

De même, le prêt de main-d'oeuvre va déstabiliser complètement les rapports salariés-employeurs, et certainement pas au bénéfice des premiers.

La mise en avant des groupements d'entreprises et du prêt de main-d'oeuvre va avant tout permettre aux entreprises de bénéficier de plus de flexibilité en faisant peser de grands risques sur les salariés en termes de protection.

Quant au télétravail, auquel les socialistes n'ont jamais été opposés, puisqu'il permet, entre autres, une limitation des transports et la possibilité d'envisager le travail de manière plus émancipatrice, plusieurs questions doivent être posées quant à la vision que vous en avez.

Ainsi, nous attendons, de votre part, quelques garanties. En cas d'accident chez elle – par exemple une chute entraînant une fracture –, comment une personne pratiquant le télétravail pourra-t-elle justifier qu'il s'agit d'un accident du travail ?

En ce qui concerne les droits de la femme, une femme travaillant en télétravail chez elle partira-t-elle à armes égales pour l'obtention d'une place en crèche familiale ou son statut professionnel sera-t-il un handicap lors de la constitution des listes d'attente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Quand la loi HADOPI sera appliquée, une personne embauchée en télétravail verra-t-elle sa ligne coupée si son enfant a été pris en train de télécharger illégalement de la musique ? Quelle sera, dans cette situation, la hiérarchie législative ?

Enfin, comment pourra-t-on justifier des heures supplémentaires dans le cadre du télétravail ?

Mes chers collègues, si l'objectif de cette proposition était de permettre l'extériorisation de la main-d'oeuvre et la mise en place d'une flexibilité pour l'entreprise, le contrat est rempli.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Mais si, comme on nous l'a affirmé, le but de ses auteurs est d'apporter une aide supplémentaire aux salariés pour le maintien de l'emploi, alors il est temps d'amender largement ce texte pour lui donner une tournure plus acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

La majorité ne pourra continuer longtemps ce jeu dangereux qui consiste à communiquer sur les méfaits de la crise, sur le besoin de moraliser le capitalisme, de réguler les rapports sociaux, tout en poursuivant la rédaction de lois comme celle-ci qui renforcent ce système et qui font du salarié un simple objet économique et une variable d'ajustement dans un système que, de toute façon, vous continuez à soutenir. La schizophrénie a des limites. J'espère que le grand soir de la prise de conscience est arrivé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Dell'Agnola

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de dire combien cette proposition de loi de Jean-Frédéric Poisson, Jean-Paul Anciaux, Jean-Pierre Decool et leurs collègues est opportune. Opportune, car rien ne doit être négligé aujourd'hui pour créer et préserver des emplois. Opportune, car elle clarifie des modèles, des pratiques, en leur donnant un cadre juridique solide. Opportune, car elle assure et consolide les droits pour les salariés. Enfin, cette proposition de loi est innovante car, dans un monde en crise, elle éclaire des chemins nouveaux et donne un statut sécurisant à l'employeur comme à l'employé.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Dell'Agnola

Tout en saluant les propositions sur le télétravail, le soutien à la professionnalisation, à l'extension de la mise à disposition du personnel, je voudrais évoquer principalement les groupements d'employeurs.

Les groupements d'employeurs, c'est la mise en réseau des entreprises, pour partager des ressources humaines, pour créer et pérenniser des emplois. Ces groupements d'employeurs existent depuis une vingtaine d'années. À l'origine, en 1985, ils étaient surtout présents dans le monde agricole, mais ils ont ensuite été étendus au bâtiment et aux travaux publics, à l'artisanat et à l'industrie – sans doute insuffisamment, tant il est vrai qu'il faut lever des réserves.

Même si les avantages sont évidents – souplesse, réponse adaptée à la fluctuation des besoins en personnel, prise en charge des formalités administratives par les groupements d'employeurs, diversification des compétences des salariés, missions de conseil en développement et de ressources humaines offertes par ces mêmes groupements –, il reste des réticences en raison de la responsabilité solidaire des entreprises adhérentes pour sécuriser le fonctionnement économique, le paiement des salaires et des charges sociales, et de la nécessité de discrétion des salariés dans un secteur concurrentiel.

Les groupements existent. Il faut les faire évoluer, garantir les droits pour qu'ils puissent donner leur pleine mesure. Tel est l'objet de cette proposition de loi. En Europe, deux pays ont déjà expérimenté ce concept : la Belgique, qui a légiféré en créant un système combinant le groupement d'employeurs à la française et la forme de groupement d'entreprises pour l'insertion et la qualification des personnes en difficulté – les GEIQ –, et l'Allemagne. Le Canada a aussi lancé des mesures en faveur des groupements d'employeurs.

En France, il existe 4 000 groupements de ce type. La référence est sans doute Vénétis, créé en 1997 dans le Morbihan, qui compte aujourd'hui un peu plus de 200 entreprises adhérentes et une centaine de salariés.

En Île-de-France, le dispositif reste encore peu répandu : 500 emplois pour une quinzaine de groupements d'employeurs. En tant que président du comité de bassin d'emploi du Sud Val-de-Marnais, autour du pôle d'Orly-Rungis, j'attends beaucoup de ce dispositif. Je vous rappelle que le pôle Orly-Rungis, c'est 70 000 emplois de natures très diverses. Le marché d'intérêt national de Rungis, l'aéroport de Paris, le secteur logistique, les activités de nettoyage, l'hôtellerie, les commerces, des secteurs entiers ont déjà été prospectés.

Il faut souligner le succès du groupement d'employeurs des territoires de l'Est parisien – GETEP –, et plus particulièrement du groupement départemental du Val-de-Marne créé en 2007 à Nogent-sur-Marne.

Grâce à cette proposition de loi le groupement d'employeurs apporte à l'entreprise une solution souple et innovante. Il donne un statut, une expérience au salarié, et pérennise son emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Avec le nouveau règlement, on aurait déjà fini !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Bernier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en la période de crise que nous connaissons, on ne peut que saluer l'initiative de cette proposition de loi issue du groupe UMP, et plus particulièrement de son rapporteur Jean-Frédéric Poisson.

Ce texte répond en effet à un impératif à un moment où l'emploi est gravement menacé,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Bernier

…où des pans entiers de notre industrie et de nos entreprises de services souffrent, envisageant plans de licenciement, chômage partiel ou restructurations.

Je ne ferai pas la même analyse que Catherine Lemorton, car le Gouvernement a su réagir avec rapidité et efficacité en annonçant, en septembre 2008, la garantie de l'État pour l'ensemble du système bancaire et, dès octobre, les premières mesures de soutien à l'économie. Puis, il y eut le plan de relance, la mise en place du Fonds d'investissement social et le plan d'urgence pour l'emploi des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Bernier

Grâce à ces mesures rapides et ciblées, notre pays résiste mieux à la crise que ses voisins. Mais l'ampleur et la gravité de cette crise font que l'emploi est particulièrement touché. C'est pourquoi nous nous devons de poursuivre nos efforts de réforme.

Les mesures contenues dans cette proposition de loi vont dans le bon sens. Elles apportent en effet de la souplesse et du pragmatisme, qualités dont notre système économique a bien besoin, et qui inspirent assurément l'extension des groupements d'employeurs. Ce dispositif existe depuis 1985 et est très employé dans le secteur agricole, pour lequel il a été créé. Permettez à un élu d'une circonscription rurale de dire combien ces groupements ont répondu et répondent à un réel besoin. Il faut de la fluidité de manière à répondre aux demandes saisonnières, aux chantiers, aux commandes. Ces groupements permettent d'offrir des emplois à temps complet là où, sinon, il n'y aurait que des emplois partiels et précaires. Mais le système actuel est trop contraignant. C'est pourquoi les cinq premiers articles de la proposition de loi proposent des assouplissements au système.

Ce sont également la souplesse et le pragmatisme qui inspirent l'extension de la mise à disposition du personnel. Le détachement et la mise à disposition sont fréquemment pratiqués dans le secteur public, mais cette extension permettrait à des entreprises ayant un personnel qualifié temporairement en surnombre de le prêter à d'autres entreprises, tout en gardant la possibilité de le réintégrer quand la reprise sera effective. Ne nous privons pas d'étendre au secteur privé les pratiques du secteur public qui apportent de la fluidité. De telles occasions ne sont pas si fréquentes.

Le troisième domaine d'intervention de cette proposition de loi concerne un domaine d'avenir, le télétravail. Notre code du travail ne reconnaît pas encore cette pratique, source d'emplois non négligeable chez beaucoup de nos partenaires européens. En France, elle devrait représenter un gisement d'emplois à prendre en considération, puisqu'elle ne concerne pour l'instant que 7 % des salariés français.

Non seulement le télétravail peut permettre de réaliser des économies d'énergie, ce que nous recherchons tous, mais il peut faire l'objet d'une demande de la part de catégories bien spécifiques, comme les handicapés ou les pères ou les mères de famille, qui, bien sûr, ne doivent pas être stigmatisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Bernier

Le télétravail, susceptible d'intéresser nombre d'entreprises, puisqu'il permet de réduire les coûts, notamment ceux des locaux professionnels, fait ainsi l'objet d'une demande sociale, à laquelle il convient de répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Bernier

La proposition de loi s'y emploie, tout en garantissant les droits et les garanties des télétravailleurs.

J'ai cependant cosigné plusieurs amendements visant à aménager cette pratique et à la favoriser. Je soutiens notamment ceux de notre collègue Pierre Morel-A-L'Huissier, qui, sur ce sujet, a rédigé en 2006 un rapport remarqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Bernier

La rédaction initiale de l'article 12, retoquée puis reprise par un amendement gouvernemental – ce dont nous ne pouvons que vous féliciter, madame la secrétaire d'État –, vise à rétablir pour un an le dispositif d'allocation équivalent retraite. Ce dispositif, supprimé au 1er janvier pour les nouveaux entrants, permettait aux chômeurs en fin de droit, seniors de moins de soixante ans, mais ayant déjà suffisamment cotisé pour la retraite, de bénéficier d'une allocation payée par l'État.

Le contexte étant particulièrement dur pour les seniors au chômage, il convient de soutenir ceux qui ne retrouvent pas d'emploi et qui n'ont pas commencé à travailler suffisamment jeunes pour bénéficier d'un départ anticipé à taux plein. Cette disposition nous permet d'être réactifs et, tout en nous adaptant à la situation économique difficile que nous connaissons, de soutenir ceux qui, sans avoir démérité, sont en difficulté.

C'est donc avec une réelle satisfaction que je voterai cette proposition de loi, convaincu qu'elle apporte à notre pays, des dispositifs qui, même s'ils ne résoudront pas le problème du chômage,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Bernier

…nous permettront de lutter contre lui, ce qui est notre but à tous, quel que soit le groupe auquel nous appartenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la presse nous apprend que l'UNEDIC vient de réviser ses prévisions. Le chômage a augmenté de 22 % en un an et l'assurance chômage, qui était bénéficiaire de 4,5 milliards d'euros en 2008, prévoit pour cette année un déficit de 1,3 milliard.

Comment le Gouvernement et sa majorité réagissent-ils à cette situation ? Prévoient-ils un grand plan de soutien à l'économie et à l'emploi ? Non. Nous voyons seulement arriver en discussion une proposition de loi présentée par notre estimable collègue Jean-Frédéric Poisson, portant diverses dispositions en matière de droit du travail. À un problème économique majeur, le Gouvernement répond une fois de plus par la déréglementation.

Pourquoi avoir choisi le véhicule d'une proposition de loi ? Tout simplement pour contourner le Conseil d'État et échapper à l'obligation qui incombe désormais à l'exécutif de consulter préalablement les partenaires sociaux lorsqu'il envisage de modifier la législation du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Au passage, on aura remarqué que, contrairement à l'UMP, qui, le 30 avril, a traité nos propositions avec mépris, nous participons activement au débat. Nous avançons des mesures pour soutenir le pouvoir d'achat et l'économie afin de favoriser l'emploi, alors que vous accentuez la précarisation des salariés pour accompagner la montée du chômage.

Les auteurs de cette proposition de loi ont inventé l'imposture à tiroirs. En effet, ce texte ne résulte pas de l'initiative d'un député isolé. L'UMP l'a inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée et le porte-parole de ce mouvement s'en sert comme d'un véhicule pour déposer des amendements provocateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est ce que pensent tous les membres de votre groupe, monsieur Lefebvre !

Au vu de la rédaction initiale de l'article 12, on pouvait croire que la majorité voulait rétablir l'allocation équivalent retraite, qu'elle avait abrogée en décembre 2007, plongeant dans la précarité des dizaines de milliers de demandeurs d'emploi, qui, bien qu'ayant cotisé plus de cent soixante trimestres, attendaient de pouvoir bénéficier de leur retraite. En réalité, non seulement ce texte ne rétablissait l'AER que pour 2009, mais l'article 40 de la Constitution semble avoir eu raison de cette intention. Nous verrons quelle sera la position du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Sous couvert d'étendre la formule des groupements d'employeurs, qui bénéficie d'une bonne image et, tant qu'elle est utilisée par de petites, voire de très petites entreprises, correspond à un besoin, vous la dévoyez en éliminant toutes les conditions protectrices prévues jusque-là. Sous un habillage séduisant, vous ouvrez le recours au prêt de main-d'oeuvre afin d'organiser un intérim au rabais entre des entreprises qui se partageront les bénéfices du dumping social.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous prétendez généraliser les dispositions de l'accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En réalité, alors qu'il aurait suffi que le Gouvernement prenne un arrêté de généralisation, vous ne conservez, dans la loi, qu'une partie de cet accord, omettant notamment – est-ce un hasard ? – le volet sur la protection de la vie privée et les garanties relatives aux conditions de travail.

Au fond, cette proposition de loi entre en parfaite cohérence avec une série de mesures qui par étapes, très habilement, détricote progressivement depuis deux ans le code du travail. Vous voulez installer l'idée que le contrat de travail serait un contrat commercial comme un autre, passé entre un client et un fournisseur, alors que, du fait du lien de subordination entre employé et employeur, leur relation n'est pas équilibrée. C'est pourquoi, d'ailleurs, les dispositions du code du travail, qui sont d'ordre public, protègent le salarié contre la pression de l'employeur et contre la tentation de renoncer à ses droits, par crainte de perdre son emploi ou de voir sa rémunération remise en cause.

L'argument du volontariat constitue l'imposture majeure de votre démarche. Vous prétendez offrir des possibilités aux salariés, mais il n'est pas vrai que, dans l'entreprise, ils choisissent d'effectuer des heures supplémentaires, même défiscalisées, ou de bénéficier de l'intéressement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour que ce soit possible, d'ailleurs, il faut que l'entreprise dégage un excédent.

Il n'est pas vrai non plus qu'ils choisissent de travailler le dimanche, quand leur patron le leur demande, surtout en période de crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il n'est pas vrai, enfin, qu'un retraité potentiel choisisse de travailler jusqu'à soixante-dix ans si son patron le lui propose et si la pension attendue ne lui permet pas de vivre décemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous avez fait fort, pendant l'été 2008, en faisant voter la loi sur la démocratie sociale et la réforme du temps de travail. De ce fait, par un accord d'entreprise, qui l'emporte désormais sur l'accord de branche, les salariés peuvent fixer des contingents d'heures supplémentaires au-delà de la durée légale et renoncer au repos compensateur, c'est-à-dire à la protection de leur santé.

Ainsi, vous détruisez progressivement les frontières du salariat pour transformer chaque salarié en travailleur indépendant, commercialisant sa force de travail sur un marché concurrentiel, un travailleur sans droits qui n'a que le devoir de faire ce qu'on lui demande – autant dire, un esclave moderne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

M. Mallot m'a mis en cause à l'instant, prétendant que j'avais déposé un amendement provocateur, auquel, hier, pendant les questions d'actualité, Mme Delaunay a bien voulu donner un large de publicité. Il s'agit pourtant d'une proposition…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…bien modeste, et, pour la bonne tenue de nos travaux, je veux fournir quelques explications au sujet de cet amendement que j'aurai l'occasion de retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur Lefebvre, je vous invite à rester dans le cadre d'un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Je suis parlementaire depuis deux ans et j'ai eu l'occasion à de nombreuses reprises – une dizaine de fois, je crois – de faire adopter des amendements à l'unanimité. Pour une fois, j'ai fait l'unanimité contre moi. Car cet amendement, qui ne vise qu'à protéger les salariés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…a été interprété, voire pris en otage, sur le plan politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

De quelle complaisance vous faites preuve, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

De nombreux malades m'ont écrit, ainsi que des médecins du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ne faites pas comme Mme de Panafieu : gardez leurs lettres !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Je serai bref, monsieur le président, mais mon intervention nous fera gagner du temps. En outre, elle ne pourra qu'intéresser Mme Delaunay, qui a fait référence à sa pratique de la médecine, ce que je respecte particulièrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Au titre du nouveau règlement de l'Assemblée, cette intervention devrait être décomptée du temps de parole de M. Lefebvre !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Je l'ai dit : beaucoup de médecins m'ont écrit, le professeur Debré pourra en témoigner. C'est un vrai sujet de société que de savoir si des travailleurs en congé de maladie peuvent, s'ils le souhaitent, faire du télétravail.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Aujourd'hui, on constate une double injustice. Certaines personnes sont exploitées, dans la mesure où on les oblige à faire du télétravail sans qu'elles reçoivent une rémunération en contrepartie.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ce n'est pas un rappel au règlement, monsieur le président ! C'est scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Je reçois des témoignages de femmes enceintes… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…que l'on oblige à travailler. Il existe donc une zone de non-droit. Par ailleurs, certains Français sont immobilisés chez eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il dispose d'un droit de tirage sur les rappels au règlement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Je rappelle que 27 % des arrêts de travail et des congés de maladie…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Si je ne peux pas parler, j'y reviendrai tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Monsieur le président, si certains députés abusent des rappels au règlement – on l'a constaté ces dernières semaines –, ce n'est pas à la droite de l'hémicycle.

La secrétaire d'État ici présente, en répondant à Mme Delaunay,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous n'avez pas à utiliser un rappel au règlement pour répondre à Mme Delaunay !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…a souhaité qu'un rapport soit publié rapidement. Je souhaite qu'elle s'exprime plus longuement sur ce point. Je suis en effet rapporteur du budget de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Et je voudrais que ce rapport soit publié à l'automne.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Par ailleurs, au lieu qu'il soit rédigé dans tel ou tel ministère, il serait bon qu'il émane du Centre d'analyse stratégique…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…qui possède une réelle hauteur de vue sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Christian Eckert, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le président, mon rappel au règlement portera uniquement sur le déroulement de nos travaux. M. Lefebvre devrait savoir que vous seul, en tant que président de la séance, pouvez vérifier la pertinence des rappels au règlement.

Après avoir déposé un amendement qui a fait grand bruit, il vient de nous annoncer qu'il va le retirer. Mais il aura tout le loisir de défendre sa position ou de nous expliquer qu'il a fait l'unanimité contre lui quand cet amendement sera appelé. Pour l'heure, ce n'est pas le problème.

Il n'est pas conforme au règlement de s'expliquer plusieurs minutes, comme il vient de le faire, pour répondre à une question d'actualité posée hier au Gouvernement ou à une intervention qui a eu lieu cet après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

J'ai été mis en cause par quelqu'un de votre groupe !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous n'avez pas la parole, monsieur Lefebvre. Sur le plan du déroulement de nos travaux, ce qui vient de se passer n'est conforme ni à nos usages ni à notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

La délégation m'ayant été accordée par le président de mon groupe, je vous demande une suspension de séance de dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suspension, qui est de droit, sera de cinq minutes.

Rappels au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est reprise.

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je voudrais répondre à la fois à M. Lefebvre, puisqu'il m'a posé une question, et à l'ensemble des orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.

Monsieur Lefebvre, je vous donne acte du retrait de votre amendement qui, nous en sommes tous d'accord, je crois, troublait la discussion. Nous partageons l'objectif de développer le télétravail, mais il me semble que cela se fera plus sereinement dans le cadre de cette discussion, une fois les choses redevenues plus claires suite au retrait de votre amendement.

Comme je l'ai dit hier, je m'engage à ce qu'un travail soit mené dans le cadre du Centre d'analyse stratégique, pour comparer, à l'échelle européenne, les conditions dans lesquelles le télétravail est mis en oeuvre…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

…notamment pour examiner quelles conditions sont prévues pour s'assurer que le télétravail n'est pas utilisé à de mauvaises fins ou pour détourner les congés de maladie et les congés de maternité.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Actuellement, le médecin du travail peut, dans le cadre de ses prérogatives légales, proposer des aménagements de poste, parmi lesquels le statut de télétravailleur à l'occasion du retour à l'emploi. C'est probablement une des pistes qui devront être étudiées, puisque c'est déjà une possibilité. Elle sera intégrée à la réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Beaucoup de malades attendent qu'on trouve une solution !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Et des millions de chômeurs veulent du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Dans quel délai sera menée cette réflexion ? Avons-nous des assurances ?

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

J'ai bien entendu le souhait qu'un tel travail puisse être réalisé avant l'automne, et je le comprends, afin de pouvoir l'intégrer dans les discussions qui auront lieu à propos du projet de loi de finances. Bien entendu, nous ferons en sorte que ce soit fait rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Que c'est difficile à dire tout cela, madame la secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

J'ai dit exactement la même chose hier dans cet hémicycle, mais peut-être n'y étiez-vous pas ? Je vous invite à relire mes propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous avez tellement de mal à le dire ! Vous allez vous étouffer, tellement c'est indigeste !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Madame la secrétaire d'État a la parole. Poursuivez, madame, ne répondez pas aux invectives.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Monsieur le président, je suis scandalisée par les apostrophes que m'adressent certains membres de l'Assemblée qui, manifestement, n'ont pas écouté ma réponse hier et qui souhaitent, aujourd'hui, en détourner le sens.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

J'en viens à ma réponse aux orateurs inscrits dans la discussion générale.

Les interventions ont montré combien le télétravail est un enjeu important. Sur un tel sujet, on aurait pu craindre des débats très techniques ; ils sont finalement très animés et même passionnés.

Je me félicite qu'on en reconnaisse l'importance, car il y va de l'organisation du travail dans les entreprises, de la qualité de vie des salariés et du développement durable, comme je l'ai dit en prélude à la discussion générale.

Dans son rapport de 2006, Pierre Morel-A-L'Huissier évoquait « un enjeu de la modernisation de l'économie française ». La formule est bien choisie.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Les partenaires sociaux ont également signé un accord interprofessionnel sur ce sujet. Les travaux du rapporteur, Jean-Frédéric Poisson, visent non à le remplacer mais à en consacrer les résultats et, comme M. Rochebloine, je me réjouis de cette reconnaissance institutionnelle.

À tout seigneur tout honneur, c'est d'abord au rapporteur que je répondrai. Il a souligné que les groupements d'employeurs permettent de lutter contre le temps partiel subi. Il s'agit d'un véritable instrument de sécurisation des parcours professionnels. Son intervention contenait d'ailleurs déjà la réponse à bien des questions qui ont été soulevées par la suite. Rendre plus sûr, sur le plan juridique, le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif, c'est aussi concourir à cette sécurisation en facilitant la mobilité des salariés. Mieux vaut être mis à disposition d'une autre entreprise que d'être mis au chômage. C'est l'esprit de cette proposition de loi, je le comprends bien.

Monsieur Decool, disons-le tout net : vous avez de la suite dans les idées. Avec Pierre Morel-A-L'Huissier, vous avez été l'un des premiers à déposer une proposition sur le télétravail. Rendons à César ce qui est à César : je salue votre ténacité. Vous avez également été l'un des seuls à mentionner l'aménagement du territoire. C'est pourtant un aspect très important : le télétravail peut et doit y concourir, et les collectivités locales auront un rôle à jouer pour le promouvoir. Les télécentres que certaines d'entre elles mettent à disposition sont un instrument extrêmement efficace pour développer le télétravail, notamment dans les zones les moins denses. Une expérience menée dans le département du Cantal a montré que l'accompagnement et la formation des télétravailleurs étaient très importants, et ceci d'autant plus que l'accession au statut de télétravailleur indépendant grâce à la microentreprise et au statut d'autoentrepreneur mis en place par M. Novelli est créatrice d'emplois. C'est donc l'intérêt des collectivités territoriales que de l'accompagner.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, je partage votre souci de ne pas adopter de dispositions qui seraient contraires à celles de l'accord national interprofessionnel de 2005. C'est bien le moins. Ce que nous souhaitons, c'est que soient adoptées des dispositions très concrètes sur des points essentiels, en laissant tout l'espace nécessaire à la négociation collective.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

C'est également à juste titre que vous insistez sur l'importance de la formation aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, dans le cadre de la formation initiale ou de la formation continue. Cet aspect fait actuellement l'objet de travaux.

Je reviens sur l'intervention qu'a faite M. Vidalies lundi. En rester au statu quo, ne toucher à rien, c'est peut-être sympathique, mais, dans ces conditions, on en restera à l'effectif actuel de 30 000 salariés dans les groupements d'employeurs. Je n'ai pas entendu de propositions de la part de M. Vidalies.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce n'est pas l'objet d'une exception d'irrecevabilité !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Certes, mais cela n'interdit pas de proposer. « La force proposante », est-ce que je n'ai pas entendu cela quelque part ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce n'est pas exactement M. Vidalies qui a dit cela !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Monsieur Rochebloine, effectivement, les groupements d'employeurs étaient initialement réservés au secteur agricole, où ils représentent 12 000 équivalents temps plein, et les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification permettent aussi de mettre le pied à l'étrier à certains jeunes. L'objet de cette proposition est de passer à la vitesse supérieure et nous pouvons tous y adhérer.

Monsieur Gérard, vous avez indiqué que les différents axes de ce texte avaient pour point commun de privilégier les nouvelles formes d'emploi. « Sortir du cadre », telle était la formule employée par Thomas Chaudron dans le rapport sur les tiers employeurs qu'il a remis au ministre du travail et qui inspire dans une large mesure ce texte, qui vise à trouver de nouvelles solutions.

Madame Bouillé, vous souhaitez qu'un accord collectif organise le prêt de main-d'oeuvre. Justement, un accord a été signé le 7 mai dernier dans la branche la plus importante, la métallurgie, qui représente 2 millions de salariés, par quatre syndicats sur cinq. L'accord national interprofessionnel sur le marché du travail de juin 2008 qui a été signé également par quatre syndicats sur cinq tendait également à promouvoir la mobilité dans les entreprises de plus de 300 salariés. La proposition qui vous est soumise en tient compte.

Jean-Paul Anciaux a dit avec raison que le contrat de professionnalisation est un investissement pour l'avenir. C'est bien pourquoi nous avons décidé d'investir plus fortement dès cette année pour l'emploi des jeunes. Un décret en cours d'élaboration permettra d'apporter un soutien plus affirmé à tous ceux qui s'engageront dans cette voie dans les douze mois qui viennent.

Madame Delaunay, vous soutenez que « le groupement d'employeurs devient un groupement de personnes anonymes et le salarié une marchandise ».

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Vous évoquez le système de groupement d'employeurs créé en 1985 par vos amis ; n'est-ce pas un désaveu ?

Vous assénez par surcroît quelques contrevérités. Comment pouvez-vous affirmer qu'il n'existe aucune limite à la mobilité géographique alors que le texte ne traite pas cette question et renvoie donc aux dispositions précédentes et alors que la jurisprudence offre déjà des garanties très précises en requérant l'accord du salarié pour toute modification du contrat de travail ?

Enfin, il semble que dans les références familiales que vous nous avez données, vous mélangiez le télétravail qui utilise les technologies de l'information et le travail à domicile qui ne lui est pas forcément assimilable et qui relève d'autres dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Pas forcément ! Que faites-vous du travail à distance ?

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

M. Gremetz…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'est pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Mais il est dignement représenté par M. Muzeau !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

…propose d'améliorer l'indemnisation des salariés licenciés pour motifs économiques et de tout faire pour éviter ces licenciements. Or c'est déjà le cas avec l'activité partielle qui assure 90 % à 95 % du salaire net même lorsque les carnets de commandes sont de moins en moins pourvus, mais aussi avec la convention de reclassement personnalisé qui assure, elle aussi, 90 % de l'ancien salaire net à tous les licenciés économiques dans les entreprises de moins de mille salariés.

Madame Pinville, comme vous, le Gouvernement est attaché au développement de l'emploi dans les PME et le groupement d'employeurs est une bonne réponse.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Je ne comprends ni votre critique sur la suppression du seuil de 300 salariés, qui permettra le développement de cette formule, ni votre affirmation selon laquelle les droits des salariés seraient amoindris puisqu'ils restent identiques à ceux de tous les salariés.

Je ne comprends pas votre méfiance, madame Lemorton, à l'égard de la flexibilité. Nous en avons besoin en même temps que de la sécurité. C'est le sens du terme « flexsécurité ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Vos collègues socialistes des autres pays européens ont adopté en 2007 des principes communs en la matière. Soyons donc un peu réceptifs aux idées nouvelles.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Laissez-moi souligner l'intérêt, monsieur Dell'Agnola, de l'exemple que vous avez choisi pour illustrer le système des groupements d'employeurs dans votre région.

Je dirai comme vous, monsieur Bernier, que le cadre légal que nous proposons permettra aux parents qui le souhaitent ainsi qu'à ceux qui doivent s'occuper d'un parent malade ou âgé de choisir le télétravail. C'est bien tout l'objet de la présente proposition et tout l'esprit dans lequel il est débattu : celui du choix.

Monsieur Mallot, vous mettez en avant la consultation des partenaires sociaux ; or, à propos du prêt de main-d'oeuvre, un accord vient justement d'être signé par quatre syndicats sur cinq dans la branche la plus importante – la métallurgie. En ce qui concerne le télétravail, ce texte fait référence à un accord datant lui-même de 2005 et qui avait recueilli le consensus des partenaires sociaux. Aussi le travail de concertation semble-t-il avoir été bien mené.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Mesdames et messieurs les députés, pour conclure, je soulignerai que la promotion du télétravail permettra un apport des nouvelles technologies à l'amélioration de la qualité de vie, de l'organisation de tous et, je le crois, du développement durable.

L'accès au haut débit, dans le cadre du plan de relance numérique, va dans le même sens, répondant au souhait de M. Decool. C'est pourquoi, afin d'amplifier le rôle incitatif joué par le présent texte, je proposerai, dans le cadre de la poursuite du plan de relance numérique et dans la logique de ce que je viens d'affirmer, l'attribution de crédits pour le développement de réseaux de télécentres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Je souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, sur les trois dispositions principales de l'amendement de M. Lefebvre.

D'abord, il convient de demeurer très prudent quand il s'agit de modifier les modalités du congé maternité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Je me permets de le rappeler, madame la secrétaire d'État, d'autant que vous serez bientôt concernée.

Ensuite, la formule du mi-temps thérapeutique permet déjà, dans une large mesure, d'aménager des reprises de travail partiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Il est vrai que, n'étant pas codifié, le télétravail ne figure pas parmi les modalités du mi-temps thérapeutique. Aussi, en combinant le télétravail que nous sommes en train de codifier et la réalité du mi-temps thérapeutique, il existe certainement un moyen de satisfaire l'intention de notre collègue Lefebvre.

Enfin, je sais bien, chers collègues de l'opposition, que le lien de subordination est une réalité…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Je ne suis pas sûr de l'avoir jamais ignoré, madame Lemorton.

Il convient de faire attention à toute disposition de nature à conduire un salarié à contraindre son employeur à accepter ses conditions. Je peux comprendre l'utilité d'un tel dispositif visant à contrecarrer un certain nombre d'abus dont le rapport permettra d'établir la réalité. Il convient toutefois de ne pas ouvrir de brèches dans les fondements de l'organisation de notre droit social. C'est pourquoi, madame la secrétaire d'État, j'attends avec intérêt la publication dudit rapport à la rentrée.

Pour ce qui est de la discussion générale, j'évoquerai l'intention du présent texte puis son contenu que nous aurons l'occasion d'aborder en détail au moment de l'examen des articles.

Je rappelle, sous le contrôle de mes collègues cosignataires de la proposition, que nous n'avons jamais eu l'ambition d'innover,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

…de dessiner de grands plans de relance macro-je-ne-sais-quoi car, franchement, si l'un d'entre vous en avait un sous la main qui fonctionne, qu'il le fasse vite savoir : nous en aurions bien besoin. Notre ambition n'est autre que de nous montrer pragmatiques.

À partir de ce que nous constatons sur le terrain – probablement le même que celui que vous fréquentez, mes chers collègues de l'opposition –, il nous est apparu que certains dispositifs ne demandaient qu'à mieux fonctionner et qu'il s'agissait donc de les sécuriser pour parer aux problèmes posés par la jurisprudence de la cassation sociale ou criminelle – jurisprudence qu'il faut clarifier.

Ensuite, j'entends mal qu'on nous reproche de ne pas avoir attendu l'initiative gouvernementale d'élargir l'accord national interprofessionnel sur le télétravail. Vous devez choisir votre camp, chers collègues de l'opposition : soit nous faisons en sorte que tous les salariés en bénéficient, soit nous n'agissons pas. Le Gouvernement n'en ayant pas pris l'initiative, elle revenait légitimement au Parlement.

De la même manière, vous nous reprochez la reprise de dispositifs abandonnés. Or les parlementaires peuvent bien estimer que des solutions écartées mais potentiellement bonnes doivent être remises en vigueur. Le Parlement, ici, joue son rôle.

Nous sommes confrontés à trois difficultés qui marquent le contexte du droit social et dont nous devons donc tenir compte.

La première est l'accroissement des relations de travail à caractère tripartite, je m'en suis expliqué au cours de la discussion générale. On ne peut ignorer que le travail temporaire, le partage salarial, les services à la personne,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

…les groupements d'employeurs accroissent la réalité des relations tripartites de travail et font souvent l'objet de négociations collectives entre les partenaires sociaux, comme c'est d'ailleurs le cas en ce moment même. Nous étions, monsieur Gille, orateurs respectifs de chacun de nos groupes il y a un peu plus d'un an lorsque nous examinions le texte sur la modernisation du marché du travail, alors qu'il s'agissait de confier la négociation collective du portage aux fédérations de travail temporaire.

On ne peut ignorer l'accroissement des relations de travail tripartites : il participe d'une évolution des relations du travail. La signature d'accords collectifs serait certes nécessaire, mais quand ils n'existent pas, que faire ? Baisser les bras et attendre ou alors reprendre l'initiative ? Nous avons, pour notre part, choisi cette dernière solution.

Ensuite, il serait intéressant, monsieur le président de la commission des affaires sociales, de lancer un débat en commission sur le fait de savoir comment il convient de considérer la transposition des accords nationaux interprofessionnels. Nous devrons nous entendre sur ce point et nous en débattrons, cher collègue Morel-A-L'Huissier, au cours de l'examen de l'article concernant le télétravail. Un accord national interprofessionnel comporte des éléments de règlement, des éléments législatifs, des éléments qui résultent du rapport de force habituel dans une négociation sociale. On ne peut pas envisager, ce ne serait pas raisonnable, d'intégrer purement et simplement des éléments d'un ANI dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Mais si, monsieur Muzeau, lorsque j'étais rapporteur du texte sur la représentativité syndicale, j'ai dit exactement la même chose à la tribune !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je parlais du Gouvernement ! Relisez donc Fillon !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

J'insiste sur l'impossibilité de transposer certains éléments d'un ANI dans la loi. Il faut donc s'entendre sur ce qu'on transpose : la lettre ou bien l'esprit ? J'espère que nous en débattrons un jour.

Je veux bien, monsieur Mallot, qu'on parle de l'imposture du volontariat,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

…mais, là encore, je le rappelais à M. Vidalies, il va falloir que vous choisissiez votre camp car, qu'il s'agisse des deux accords nationaux interprofessionnels qui nous intéressent aujourd'hui ou de nombreux autres – je pense à notre collègue Cherpion qui rapportera le texte sur la formation professionnelle –, tous comportent des dispositions visant à garantir le volontariat des salariés.

Dès lors, si vous ne l'acceptez pas, alors même qu'il s'agit d'une des « matières premières » des syndicats et des employeurs pour la signature des accords sociaux, quand considérez-vous qu'il s'agit d'une imposture ? Quand le législateur l'affirme ou bien les partenaires sociaux ? Le volontariat fait partie de l'évolution des relations de travail. Les syndicats l'ont compris et je regrette que ce ne soit pas votre cas. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Encore faudrait-il apporter des garanties !

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'observe que Mme la secrétaire d'État, que je remercie pour ses observations, a longuement répondu à M. Lefebvre qui pourtant n'est pas intervenu au cours de la discussion générale. Il a, pour s'exprimer, utilisé le subterfuge du rappel au règlement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…qui d'ailleurs aurait été pris en compte dans le temps global imparti à l'UMP, dans le cadre d'un temps programmé, procédure qui peut-être s'appliquera un jour.

À l'inverse, madame la secrétaire d'État, vous n'avez pas répondu à au moins trois questions de Mme Lemorton à propos du télétravail, s'agissant de la garde d'enfants, des accidents du travail ou de la prise en compte des heures supplémentaires en cas de télétravail, notamment pour les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans le cadre de ce rappel au règlement, j'observe comme tout le monde que l'UMP a fait le choix d'utiliser l'amendement provocateur de M. Lefebvre pour créer un rideau de fumée nous conduisant à ne plus guère parler que de télétravail, puisque camouflant les autres dispositions du texte, notamment sur le dévoiement des groupements d'employeurs, sur le dumping social qui accompagne le prêt de main-d'oeuvre étendu ou,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…enfin, sur le contournement du statut de la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour conclure, Alain Vidalies qui s'est exprimé lundi et ne peut être présent parmi nous aujourd'hui,…

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Ce n'est pas un rappel au règlement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

… n'a pu faire de propositions dans le cadre d'une motion d'irrecevabilité, dont ce n'est d'ailleurs pas l'objet. En revanche, il a déposé, le 30 avril dernier, une proposition de loi aux dispositions très précises dont l'UMP n'a pas souhaité débattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Christian Eckert.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, je souhaite revenir sur les propos que vient de tenir notre collègue Jean Mallot pour dire notre surprise. On semble limiter le texte au télétravail et à M. Lefebvre, comme s'il n'y avait dans cet hémicycle que M. Lefebvre. Sur la forme comme sur le fond, cela est révélateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Toujours est-il que je souhaite vous inviter, mes chers collègues, à mesurer le décalage entre ce texte et l'attente de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Mesurez-vous le gouffre entre le besoin d'emplois et les mesurettes – j'ose employer le terme – sur lesquelles vous focalisez le travail parlementaire ?

Mesurez-vous l'abîme entre des centaines de milliers d'emplois détruits par la crise – destruction aggravée par votre loi TEPA –, et les quelques emplois que votre proposition de loi pourrait consolider ou préserver,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…encore que beaucoup, ici, restent sceptiques ?

Mesurez-vous enfin, madame la secrétaire d'État, les vices cachés d'un texte aux allures inoffensives, que notre collègue Lefebvre a pimenté par ses provocations devenues, hélas, aussi coutumières que révélatrices de votre politique de destruction systématique du droit du travail ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Une proposition de loi visant à « faciliter le maintien et la création d'emploi », au moment même où disparaissent chaque jour 3 000 emplois, aurait justifié un autre souffle, une autre dimension.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ces questions auraient mérité un autre traitement en commission – c'est la raison de cette motion de renvoi, que je vous suggère d'adopter si vous souhaitez, comme moi, redonner du sens au travail parlementaire et le placer à la hauteur des attentes de ceux qui nous ont élus.

Le 30 avril dernier, le groupe SRC vous a forcés à examiner des propositions de loi d'une autre envergure, mais vous avez balayé avec mépris un panel de suggestions claires et efficaces que je rappellerai ici. Vous ne cessez de claironner que les députés de gauche ne seraient là que pour démolir vos propositions sans en formuler eux-mêmes. C'est un mensonge scandaleux !

Ainsi, le 30 avril dernier, vous auriez pu soutenir tout ou partie des propositions de notre groupe. La proposition de loi de notre excellent collègue Alain Vidalies, par exemple, aurait permis de lier les exonérations de charges aux accords de branche et d'entreprise, et de mettre un terme au scandale des exonérations fiscales et sociales des millions d'heures supplémentaires, qui coûtent près de cinq milliards d'euros par an à nos budgets et se substituent à des centaines de milliers d'emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous auriez aussi pu garantir l'indemnisation, le reclassement et la reconversion des chômeurs, et prolonger l'indemnisation des plus vulnérables d'entre eux.

Notre excellent collègue Pierre-Alain Muet vous a présenté une autre proposition de loi qui vous aurait permis de supprimer – même temporairement, si vous y tenez tant – le bouclier fiscal, d'encadrer la rémunération des dirigeants d'entreprise et de limiter les attributions d'actions, de stock-options ou d'autres types de rémunérations variables.

En effet, chers collègues, les Français ne sont pas naïfs ! Certes, ils savent que la crise actuelle n'est pas une spécificité française, mais ils n'oublient pas pour autant qu'elle provient d'un modèle libéral que l'actuel Président de la République et ce gouvernement plaçaient en 2007 sur le piédestal de la référence suprême. Souvenons-nous des couplets admiratifs du candidat Nicolas Sarkozy sur les prêts hypothécaires – comprenez les subprimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Souvenons-nous des yeux larmoyants de Mme Lagarde, lorgnant sur la place financière paradisiaque de Londres – plaque tournante de la grande finance internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous avez donc refusé nos propositions. Aujourd'hui, vous proposez des mesurettes censées améliorer l'emploi, mais visant surtout à déstructurer les relations entre employeurs et salariés.

Venons-en donc à votre texte, pour en démontrer tout à la fois l'inefficacité et les effets redoutablement pervers, non sans rappeler que le simple constat de l'absence d'études d'impact, de concertation et de mesures d'appréciation chiffrée justifie à lui seul le renvoi en commission.

Le titre Ier traite en cinq articles des groupements d'employeurs. Il est utile de rappeler que le groupe SRC approuve la notion de groupement d'employeurs, et que c'est un gouvernement de gauche qui a créé ces structures. Les limites imposées à l'époque – et successivement élargies par la suite, dans une certaine mesure – ont été fixées pour se protéger de tout dévoiement de l'esprit d'origine, pour sécuriser les salariés et garantir le caractère mutualiste de ces structures. Autoriser toutes les structures, au-delà du seuil de 300 salariés, à adhérer à autant de groupements qu'il est possible – et non plus dans la limite de deux groupements – ouvre la porte à tous les excès. Ainsi, pour ne pas se lier à un contrat de travail et pour échapper aux conventions collectives, des entreprises mal intentionnées pourraient élaborer des montages que l'on n'ose imaginer.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

De surcroît, la déresponsabilisation et la fin de la solidarité des entreprises adhérentes sont organisées à l'article 3.

L'article 4 ouvre la voie à l'externalisation des services des collectivités locales. Démanteler ou contourner le statut de la fonction publique territoriale est désormais rendu possible par cet article, qui ne peut que nous choquer.

L'article 5, qui suggère que les maisons de l'emploi pourraient appuyer la notion de groupement d'employeurs, ferait sourire si la question n'était aussi grave. Les maisons de l'emploi sont débordées par l'afflux des chômeurs et, à l'évidence, n'auront pas les moyens de vos ambitions, pourtant déjà maigres.

Le titre II est tout aussi effrayant. Vous y organisez le prêt de main-d'oeuvre sous l'intitulé fallacieux de « Encouragement à la mobilité professionnelle ». Ainsi, l'article 6 valide le fait que le salarié est désormais traité comme une marchandise, que l'on peut vendre sans bénéfice.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous avouez même, en page 6 de l'exposé des motifs, que ce qui est présenté comme un prêt peut constituer une source d'économie pour l'entreprise qui emprunte. L'aveu est clair : trouver de la main-d'oeuvre moins chère est votre leitmotiv, et peu importe les moyens mis en oeuvre pour y parvenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Allez donc dire cela aux salariés qui n'ont plus d'emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Les amendements censés reprendre l'accord UIMM ne sont que partiels, et ces lacunes trahissent votre partialité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Nous y reviendrons, si vous ne votez pas cette motion de renvoi en commission.

Le titre III visait à répondre à une demande que nous aurions pu soutenir mais fait, semble-t-il, l'objet d'une concurrence entre vous – entre les députés et le Gouvernement. Il va de soi que vous auriez pu le faire évaluer par la commission.

S'agissant du crédit d'impôt pour les entreprises de moins de cinquante salariés sur les contrats de professionnalisation, nous y aurions naturellement été favorables mais, en l'occurrence, compte tenu du droit de préemption du Gouvernement – j'y reviendrai – cet article devrait, si j'ai bien compris nos débats en commission, être supprimé.

L'article 8 bis, introduit par amendement, aurait mérité un travail en commission. Il propose d'indemniser les stages dès lors que leur durée sera supérieure à deux mois. La discussion nous apprendra s'il s'agit d'une durée strictement supérieure ou supérieure ou égale à deux mois – pardonnez les réminiscences du professeur de mathématiques. Faudra-t-il être stagiaire pendant deux mois et un jour ou deux mois seulement ? Il me semble que ce point mérite discussion. Il y a plus grave : quelle concertation avez-vous menée sur cette disposition ? Qui concernera-t-elle ? Avez-vous consulté l'Association des départements de France, qui nous a fait savoir, en tant qu'organisme accueillant de nombreux stagiaires, en particulier dans le cadre de la formation des travailleurs sociaux, que le poids de cette mesure échoira pour l'essentiel aux départements ? L'ADF en évalue le coût à 45 millions d'euros par an. Une fois de plus, vous décidez, puis vous faites payer les collectivités territoriales sans concertation ni évaluation. Je vous suggère donc d'inventer un article 40 bis de la Constitution qui, de même que l'article 40 interdit aux parlementaires de déposer des amendements qui aggravent la dépense publique, interdirait au Gouvernement de présenter des propositions qui aggravent les dépenses des collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je suis certain qu'avec une telle disposition, qui pourrait être constitutionnelle, l'article 8 bis que vous venez d'introduire aurait à coup sûr été retoqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Les collectivités territoriales sont visiblement assez grandes pour augmenter leurs dépenses toutes seules !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Le titre IV a trait au télétravail, et semblait pétri de bonnes intentions. Le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…qui nous a quittés, semble-t-il – ce qui explique sans doute pourquoi il a tenu à s'exprimer tout à l'heure – en a montré toute la perversité. Nous attendons de pied ferme qu'il ose venir défendre son amendement. Travailler plus, travailler « comme des malades » – voilà qui est proprement scandaleux, et qui révèle une fois de plus votre philosophie profonde.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

À cette occasion, je citerai plusieurs réactions à cet amendement. La première d'entre elles ne vient pas de l'extrême gauche, mais de M. Claude Goasguen, membre de l'UMP : « cet amendement n'est pas du tout cohérent, ni important, ni utile », dit-il.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

L'ancienne porte-parole de ce même parti, Mme Chantal Brunel, s'est quant à elle inquiétée des dérives et des fraudes potentielles d'une mesure qui donne l'impression de détricoter un acquis social. « On pourrait même ouvrir des salles de télétravail dans les maternités et les centres anticancéreux », a raillé le villepiniste Jean-Pierre Grand.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Un responsable anonyme, parlementaire du groupe UMP, est catégorique : « Franchement, c'est une grosse connerie, ça va nous faire perdre des milliers de voix aux élections européennes du 7 juin ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le seul sondage qui importe, c'est celui du 7 juin !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Et voici la cerise sur le gâteau, chers collègues : votre président de groupe, lui, a courageusement déclaré : « Je n'ai pas encore d'opinion ». C'était hier ; peut-être le président Copé s'est-il fait une opinion depuis…

Voilà pour les réactions politiques. J'en viens aux réactions syndicales. La CFDT estime qu'il s'agit d'une diversion ; FO est scandalisée ; Maryse Dumas, de la CGT, juge également que cela fait partie d'une diversion ; Solidaires considère que cette affaire n'a aucune chance d'aller très loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Enfin, le « repaire gauchiste » bien connu de M. Poisson, la CFTC, a jugé la proposition de Frédéric Lefebvre inadmissible.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

C'est donc un amendement qui fait presque l'unanimité contre lui, à l'exception du président Copé qui n'a pas d'opinion. Il s'agit donc bien de la manoeuvre qu'a signalée notre excellent collègue M. Mallot, consistant à élever un rideau de fumée pour faire diversion sur les autres aspects du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je n'interviendrai donc pas sur le télétravail – cela a déjà été fait largement. J'aurais souhaité, madame la secrétaire d'État, que siège à vos côtés le ministre des affaires sociales, s'agissant d'un texte sur l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

J'ai beaucoup de respect pour vous, et je salue votre présence et votre sourire…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Les femmes aussi ont un cerveau !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…mais il me semble que sur un texte ayant trait à la création et au maintien de l'emploi, la présence du ministre des affaires sociales ou du secrétaire d'État chargé de l'emploi aurait sans doute été utile. Il va de soi que je ne voudrais pas être irrespectueux à votre égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Quoi qu'il en soit, s'agissant du télétravail, je n'évoquerai qu'un seul élément, déjà largement présenté par Mme Delaunay : l'absence de protection de la vie privée dans la loi ou encore la perte du lien entre salariés et entreprises sont autant de sujets que vous passez sous silence, sans doute parce qu'ils vous gênent.

J'en viens à l'article 10 qui, une fois de plus, aurait pu faire sourire si le sujet n'était pas aussi grave. Je rappelle qu'il suggère à Pôle emploi de s'intéresser à la question. Vous chargez ainsi un peu plus le paquebot Pôle emploi, déjà transformé en boat people. Vous auriez tout intérêt à renforcer son équipage…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

C'est méprisant pour les salariés de Pôle emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ce n'est en rien méprisant : nous avons rencontré les salariés de Pôle emploi, chère collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je tiens à rappeler que vous auriez fait oeuvre plus utile en suggérant de renforcer les moyens de Pôle emploi, car ces salariés sont aujourd'hui surchargés…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…par l'afflux des demandeurs d'emploi – ce que tout le monde regrette.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ils travaillent aujourd'hui dans des conditions extrêmement difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

L'article 11 ne mange pas de pain : il prévoit un rapport sur le télétravail en lien avec les services publics. Ce qui détruira quelques arbres de plus, pour un rapport qui rejoindra les précédents…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Cela n'est en rien révolutionnaire.

L'article 12 était presque bien ! S'il avait prolongé l'AER, ne serait-ce que d'une seule année, nous l'aurions voté. Cela étant, je rappelle, et vous l'avez reconnu il y a quelques instants, monsieur le rapporteur, que l'article 12 rétablissait l'AER, dont personne ici ne conteste la pertinence, et que vous aviez supprimée. Sur ce point, vous vouliez réparer une erreur, mais voilà que le Gouvernement exerce son droit de préemption en invoquant l'article 40. Au Gouvernement les lauriers pour éteindre un incendie qu'il a lui-même allumé ! Sont concernés 60 000 seniors. Sans commentaire ; silence dans les rangs. Les parlementaires doivent se charger des tâches ingrates. J'avoue que vous le faites avec, parfois, beaucoup de courage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Le Gouvernement, lui, se réserve les mesures prétendument positives. Je le répète, vous ne faites que réparer une injustice que vous avez vous-même créée !

Avant de conclure, permettez-moi, si toutefois le débat vous intéresse, d'évoquer ces questions avec un regard européen. Élu d'une région frontalière avec la Belgique et le Luxembourg, j'ai vu, dans ma commune, des Français employés par une société intérimaire luxembourgeoise et travaillant en France avec des contrats hebdomadaires renouvelés à l'envi et dans des conditions inacceptables. Imaginer des prêts de main-d'oeuvre de salariés d'un pays à l'autre ou des groupements d'employeurs internationaux entre des pays éloignés, aux conditions sociales fort différentes, relève-t-il du cauchemar ? Quelles garanties seraient accordées ? Quel type de protection sociale ? Cette question aurait mérité que nous nous penchions sur elle dans le cadre d'un travail en commission. Cela étant, je ne désespère pas que nous puissions tout de même l'évoquer.

Concernant toujours la « circulation » de la main-d'oeuvre, le grand marché unique de la main-d'oeuvre, voici un exemple significatif. Aux Chantiers navals de Saint-Nazaire, de la main-d'oeuvre venue de l'est de l'Europe est facturée à 2,88 euros de l'heure ! Là encore, notre commission aurait pu utilement travailler sur ce type de distorsion qui, indépendamment de conditions de concurrence absolument inacceptables, crée des situations sociales et humaines dramatiques.

Vous le voyez, mes chers collègues, vous avez toutes les raisons de renvoyer ce texte en commission. Il ne répond en rien à la crise, il ne crée pas d'emplois et il contient tous les supports pour transformer certains groupements d'employeurs en associations de malfaiteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ce texte marchandise les salariés, casse le droit du travail et autorise tous les abus.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Aussi, malgré votre sympathie naturelle, monsieur le rapporteur, malgré votre courtoisie et votre engouement pour le travail, un renvoi en commission est nécessaire, au moins pour revoir votre copie, qui est mauvaise ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Monsieur Eckert, je vous remercie des mots aimables qui ont quasiment conclu votre motion de renvoi en commission. Je suis en effet d'accord avec ces propos mais pas avec les derniers. Allez savoir pourquoi ! Je laisserai le soin au président Méhaignerie de répondre sur le fond, à propos du renvoi du texte en commission.

J'appelle votre attention sur un seul point, que Jean-Jacques Urvoas connaît bien mieux que moi : il s'agit de l'article 40. Je l'ai déjà dit en commission, mais je souhaite le répéter ici, devant l'ensemble de nos collègues, l'article 40 a conduit la commission des finances à déclarer irrecevables deux des articles de la proposition de loi initiale.

Le premier article portait sur la prolongation du dispositif de prêt de main-d'oeuvre dans les pôles de compétitivité. Il existe une loi, qui n'est pas codifiée, et qui porte sur le prêt de main-d'oeuvre dans les pôles de compétitivité. Nous souhaitions prolonger dans le temps ce dispositif. Mais l'article 40 a été fort justement invoqué par le président de la commission des finances. Je lui ai donné acte de sa décision que je comprends parfaitement.

Le deuxième article rejeté par la commission des finances, également à juste titre – et j'ai confirmé que je comprenais parfaitement la décision de Didier Migaud –, concernait le dispositif de l'allocation équivalent retraite. Seul le Gouvernement pouvait donc déposer un amendement identique, ou du moins similaire, pour rétablir le dispositif de l'AER. Faute de quoi il n'y avait plus aucune possibilité pour les parlementaires de réintroduire dans la proposition de loi cet article rejeté au titre de la recevabilité financière.

Cela pose question. Nous avons eu des échanges sur ce sujet en commission et nous pourrions, là aussi, travailler utilement. J'en ai fait part au bureau de la commission des finances et à son président. Lorsque l'article 40 de la Constitution est invoqué pour rejeter un article au nom de son irrecevabilité financière, la seule solution consiste à prévoir, avant que le texte ne soit débattu devant la commission saisie au fond, que le Gouvernement puisse dire s'il accepte ou non la dépense afférente à cet article. En cas de réponse positive, la commission pourrait discuter de la disposition dans le détail sans qu'il soit nécessaire de recourir au système actuel pour contourner l'irrecevabilité – rejet de l'article, nouveau dépôt par le Gouvernement dans des termes identiques.

Je plaide pour qu'une procédure écrite permette au Gouvernement de signifier au président de la commission saisie au fond et au président de la commission des finances que tel ou tel article d'une proposition de loi, qui engage une dépense publique, sera couvert par l'engagement du Gouvernement, afin que le débat en commission puisse avoir lieu au fond. Comme vous, monsieur Eckert, je regrette que nous n'ayons pas pu débattre au fond du rétablissement de l'AER pour l'année 2009.

Cela étant, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'automne prochain nous donnera l'occasion de reconsidérer la prolongation du dispositif en 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

En réponse à la motion de renvoi en commission, je souhaite porter à la connaissance de l'Assemblée quelques informations.

D'abord, la commission des affaires culturelles s'est réunie deux fois pour examiner cette proposition. La première séance a d'ailleurs été l'occasion d'échanges particulièrement riches entre les commissaires sur des questions importantes pour l'emploi de demain, telle celle des groupements d'employeurs, du télétravail ou du prêt de main-d'oeuvre, dont l'actualité nous montre l'intérêt.

Ensuite, le rapporteur a procédé à plus d'une douzaine d'auditions des partenaires sociaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…et de divers représentants des professions intéressées.

Au total, la commission a examiné quatre-vingt-dix-huit amendements…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…et en a adopté dix-huit, lesquels ont permis d'enrichir le texte proposé.

Je rappelle enfin que cette proposition a été déposée sur le bureau de l'Assemblée dès le 8 avril. Ce sont donc plus de six semaines qui se sont écoulées depuis, ce qui a permis aux uns et aux autres de préparer ce débat dans les meilleures conditions, conformément à l'objectif de révision constitutionnelle. J'ai d'ailleurs constaté qu'il y avait eu beaucoup d'orateurs dans la discussion générale.

En conséquence, il ne me semble pas opportun de reprendre à ce stade le travail en commission. Il est préférable au contraire d'examiner au plus vite le détail du texte qui vous est soumis, avec la discussion des amendements.

Sur le fond, j'ajoute, en m'adressant à l'excellent professeur de mathématiques qu'est Christian Eckert, qu'examiner un texte n'oblige pas à une caricature qui m'a parue très idéologique. Je vous ai écouté, monsieur Eckert. J'ai, comme vous tous, une opinion, mais parler de marchandisation lorsqu'il s'agit de mettre en place la convention de détachement me paraît vraiment relever de la caricature. Car, en réalité, c'est un moyen parmi d'autres de sécuriser les parcours professionnels.

Par ailleurs, le développement du télétravail, je vous l'assure, est parfaitement accepté sur le terrain ; il est même demandé. En outre, c'est un élément de politique d'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je souhaite vraiment que nous ne cédions pas à la caricature, afin de faire un travail de qualité. C'est la raison pour laquelle je souhaite, mes chers collègues, que vous n'adoptiez pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Interpellée par M. Mallot, et suite aux questions très précises posées par Mme Lemorton, je souhaite apporter quelques éléments de réponse.

S'agissant de la garde d'enfants, ce que demandent les crèches, c'est un bulletin de paie, pas le contrat de travail. Il est d'ailleurs possible, dans certains cas de relations contractuelles normales, comme un CDI, de ne pas avoir de contrat de travail. Or le bulletin de salaire ne précise pas la qualité de télétravailleur. C'est heureux, je vous l'accorde, car ce n'est pas parce qu'on télétravaille qu'on est forcément en position de garder des enfants, surtout de jeunes enfants.

Cela étant, il ne faut pas oublier que le terme de « télétravail » ne recouvre pas forcément le travail à distance : il y a aussi le travail dans les télécentres. En réalité, le télétravail ne recouvre pas la notion de travail à domicile, d'autant qu'il intègre le travail dans les télécentres, que je souhaite développer largement par ailleurs.

S'agissant des heures supplémentaires, je ne suis pas d'accord avec vous.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

L'ensemble de la réglementation relative aux heures supplémentaires ne sera pas modifié par la proposition de loi. Au contraire, il est plus facile de vérifier la durée du temps de travail dans le cadre du télétravail que dans nombre de cas de relations contractuelles normales lorsqu'il n'y a pas de pointage. Le télétravail, lui, est organisé autour d'une connexion Internet. Par le biais des mails, on sait quels sont les horaires auxquels la personne a télétravaillé. Par ailleurs, il existe des dispositifs qui permettent en quelque sorte de « pointer » en matière de télétravail. Ils ont été développés technologiquement et leur fonctionnement est assez simple.

Concernant les accidents du travail, la question est liée à celle des heures supplémentaires, puisqu'il s'agit de savoir quels sont les horaires pendant lesquels le télétravailleur travaille véritablement. La règle est qu'il s'agit d'un accident du travail lorsque celui-ci survient par le fait ou à l'occasion du travail. La jurisprudence a précisé cette notion et elle ne sera pas différente pour le télétravailleur, compte tenu de son encadrement très précis. Il me semble que vous avez une fausse idée de ce qu'est le télétravail. Ce n'est pas un travail sans encadrement : il y a des horaires, très contrôlés, presque plus facilement que dans le cadre de certaines relations de travail habituelles, parce que le télétravail est, pour l'essentiel, organisé autour d'une connexion.

J'en viens à cette dernière, car vous avez soulevé la question du lien avec la HADOPI. Il est précisé que la ligne utilisée par le télétravailleur ne doit pas être utilisée à titre privé. En général, c'est une connexion différente, qui est financée par l'entreprise et qui n'a pas vocation à être utilisée en dehors des horaires de télétravail ou pour un autre objet.

Telles sont les précisions que je tenais à apporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Christian Eckert a eu raison de considérer que le débat en commission s'est avéré très insuffisant. J'ai moi-même regretté de ne pouvoir participer à la séance de lundi soir, la conférence des présidents ayant précipitamment décidé que le débat aurait lieu lundi et non mardi, comme prévu. Malheureusement, les conditions de travail ne s'améliorent pas au sein de cet hémicycle…

Vu de l'extérieur, j'ai eu le sentiment que le débat évoluait très rapidement et bien au-delà même de la proposition de loi. Lorsqu'on revient ici, après quelques jours d'absence, on constate que ce dont on parle en réalité, ce n'est pas tant de télétravail, de groupements d'employeurs, de pôles emploi, de maisons de l'emploi ou de prêts de main-d'oeuvre, termes qui ne font à aucun moment apparaître les mots de salarié, de travailleur, d'ouvrier ou d'employé.

Ce sont des concepts mais, derrière, il y a des personnes qui doivent pouvoir en bénéficier.

Les gens qui pourraient en bénéficier, j'en ai rencontré lundi, de plusieurs catégories, et, peut-être pour être plus concret ici, j'ai évoqué avec eux les perspectives que laissait entrevoir cette proposition de loi.

J'ai d'abord rencontré, le matin, des sous-traitants de l'industrie sidérurgique, d'Arcelor Mittal. Les uns ont déjà licencié et les autres préparent l'entrée de certains de leurs salariés en chômage partiel. Je leur ai demandé si le télétravail, la mobilité professionnelle ou d'autres concepts que vous avez évoqués présentaient pour eux quelques perspectives. Non, m'ont-ils répondu, et notre problème immédiat est tout autre : le Gouvernement a prêté des sommes considérables aux banques mais les banques ne nous en prêtent pas alors que nous aurions besoin de trésorerie pour conserver des salariés le temps que l'économie redémarre.

Ils m'ont expliqué également que les grandes entreprises, qui, elles, font encore des bénéfices, qui en ont fait l'année dernière – Arcelor Mittal, par exemple – ne payaient pas dans les délais et que les petites entreprises étaient confrontées à des situations dramatiques de trésorerie.

Voilà ce que l'on m'a dit, du côté des employeurs et non des salariés. C'est dire que les employeurs eux-mêmes n'attendent rien de cette proposition de loi.

Lundi dernier, j'ai rencontré aussi des auto-entrepreneurs. Selon la presse, le Président de la République a déclaré qu'on en était à 150 000 créations d'auto-entreprises. Il y a dans ma ville un marché qui accueille environ 200 commerçants tous les samedis, et on refuse à peu près cinquante auto-entrepreneurs. Ils ne demanderaient qu'à exposer mais, malheureusement, on ne peut plus les accueillir. Ils sont trop nombreux à se recycler dans le commerce.

J'en arrive à ma troisième rencontre de la journée. Des gens qui travaillent à La Poste sont venus me voir pour se plaindre de leurs conditions de travail. La direction de La Poste a en effet inventé une nouvelle formule, qui s'appelle les lundis bleus. Cela consiste tout simplement à demander à certains facteurs de rester à la maison le lundi, certains de leurs collègues faisant deux tournées au lieu d'une. Elle estime que c'est suffisant et que les courriers les moins urgents peuvent arriver deux ou trois jours plus tard. Compétitivité, productivité !

Je leur ai demandé combien ils gagnaient pour essayer de comprendre pourquoi il y avait tant de problèmes de pouvoir d'achat, de ralentissement économique et de récession. Les facteurs qui sont fonctionnaires gagnent 1 250 ou 1 300 euros nets mais ceux qui sont en CDD de droit privé – cela représente la moitié des effectifs – gagnent au plus 1 100 euros nets.

Ces trois exemples m'ont permis de me rendre compte que, dans votre proposition de loi, qui s'adresse aux employeurs – à une minorité d'ailleurs puisque l'on part de 35 000 emplois déjà créés et que l'on est à peu près dans le même ordre de grandeur en dépit de l'extension que vous proposez –, il n'y a pas la moindre suggestion pour relancer la demande. Or l'on sait très bien que, dans une société où la demande est défaillante, il ne peut pas y avoir de consommation.

Pour l'instant, la consommation reste correcte, grâce au chômage partiel et à quelques formules qui permettent de repousser la catastrophe, mais la catastrophe va arriver, vous le savez très bien. Dans l'année qui vient, on aura 600 000 à 900 000 chômeurs supplémentaires.

Si c'est le cas, il y aura un ralentissement économique majeur et les mesures que vous proposez ne seront pas opérationnelles parce qu'il n'y aura pas de boulot. Elles le seront sans doute dans le futur quand la reprise sera arrivée, mais elles ne serviront qu'à payer des gens moins cher, pas à donner du boulot à ceux qui n'en ont pas.

Les débats que nous avons ici sont, vous le voyez, très éloignés de la réalité de nos concitoyens, qui attendent des mesures concrètes leur permettant de redémarrer.

Je regrette aussi que nos débats soient pollués, volontairement sans doute, par l'intervention d'un membre de la majorité, qui, on l'a dit tout à l'heure, représente l'Élysée. Je suis moins optimiste que certains de mes collègues qui pensent que c'est un rideau de fumée. Certes, vous voulez cacher tout le reste, mais c'est plus qu'un rideau de fumée, c'est une première salve. Aujourd'hui, on parle du télétravail pour les bien-portants. Certains en parlent pour les malades et vous verrez que, très bientôt, on en reparlera pour les malades et pour les femmes qui sont en congé de maternité. On peut encore faire mieux que Rachida Dati ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

De manière assez pompeuse, monsieur le rapporteur, vous intitulez votre proposition de loi « Faciliter le maintien et la création d'emplois ». Si c'était vrai,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…je pense qu'il y aurait l'unanimité sur ces bancs car, même si nous avions quelques aménagements à proposer, il faudrait être fou pour ne pas soutenir une démarche qui vise à répondre à l'attente de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Malheureusement, comme l'a dit excellemment M. Eckert il y a quelques instants, la situation est tout autre. On annonce que près de 700 000 demandeurs d'emploi s'inscriraient à l'ANPE en 2009, en plus des quelques millions dont certains sont indemnisés et d'autres pas. Quel impact auront les propositions que vous formulez face aux milliers de licenciements, 3 000 par jour depuis des mois ? On est à des années lumière de l'urgence sociale, de l'urgence pour l'emploi.

On parle de Mittal, de Caterpillar, de Renault, de PSA, d'entreprises célèbres et d'autres qui le sont moins. On peut ainsi parler aussi de l'entreprise Carreman, dans le Tarn, qui m'a envoyé un courrier, comme à certains d'entre vous probablement, pour nous alerter, nous, les parlementaires. Des emplois sont supprimés et elle est obligée de proposer un reclassement à ses salariés. Ces derniers ont reçu un courrier dans lequel on leur offrait des postes en Inde avec des salaires de 69 euros pour quarante-huit heures de travail par semaine, six jours sur sept. On est là dans le cynisme le plus total. Imaginez la détresse des salariés quand ils lisent de tels courriers et les drames auxquels ils sont confrontés. On est encore une fois à des années lumière de ce qu'il faudrait faire.

Vous êtes d'ailleurs honnête, monsieur Poisson, et c'est votre habitude. Vous annoncez la couleur dès le début de la discussion de votre proposition de loi en expliquant qu'elle ne vise pas à diminuer ou à encadrer davantage les aides données aux entreprises ni à durcir les réglementations en vigueur mais qu'elle tend à assouplir et à sécuriser des dispositifs existants déjà utilisés par les entreprises.

Votre ambition n'est que celle-là. Il s'agit de répondre à quelques jurisprudences gênant des employeurs qui se sont mis à la faute sur le prêt de main-d'oeuvre, illicite dans les conditions où ils l'ont opéré, et pas simplement pas maladresse ou par méconnaissance des textes. Certains prêts ont été faits sciemment sur des bases illégales, et une jurisprudence s'est construite. Le texte que vous déposez vise à l'effacer,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…à sécuriser de nouvelles actions visant au partage des salariés pour éviter ces problématiques.

Vos propositions ne sont pas en rapport avec la réalité sociale et l'urgence qu'il y a à apporter une réponse économique, pour l'emploi. Nous ne pourrons donc les suivre. Par contre, je souscris pleinement à ce qui a été dit précédemment et je voterai évidemment cette motion.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

À la demande du Gouvernement, la discussion des articles 9 à 11 et des amendements portant articles additionnels après l'article 11 est réservée jusqu'après les articles portant articles additionnels après l'article 13.

La réserve est de droit.

La parole est à M. Christian Eckert.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je m'étonne que l'on réserve les articles concernant le télétravail et j'aimerais demander au Gouvernement quelle en est la raison. J'ai cru comprendre qu'il y avait un problème de disponibilité des uns et des autres mais pourquoi cette réserve ?

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

C'est un problème d'organisation. Je peux être là jusqu'à vingt heures et je reviens après vingt-trois heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Christian Eckert, premier orateur inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

En répondant à la motion de renvoi en commission, monsieur le président de la commission, vous avez parlé de deux réunions de commission sur ce texte. La seconde a duré quinze minutes, le temps d'examiner le panel d'amendements au titre de l'article 88. Je vous accorde que la première réunion a été plutôt sérieuse et active mais n'évoquez pas la seconde, lundi, à vingt et une heures quinze. Mon train arrivait à vingt et une heures trente et, quand j'ai rejoint l'Assemblée, la réunion était terminée.

Selon vous, j'aurais fait dans la caricature. J'ai cru comprendre que, parfois, en commission des affaires sociales, vous preniez des positions qui n'étaient pas forcément conformes à l'esprit de certains textes, et c'est normal, c'est la liberté de chacun. Nous, nous sommes très inquiets sur les dérives possibles concernant les groupements d'employeurs.

L'évolution des contrats de travail, qui, de plus en plus, évoquent des relations tripartites, nous préoccupe. Le contrat de travail est une relation entre l'employeur et son salarié, encadrée par ce qu'un de nos collègues a appelé tout à l'heure le petit livre rouge du code du travail. Une telle expression mérite d'être répétée aux salariés. Franchement, quel mépris !

En tout cas, le code du travail encadre les relations entre l'employeur et le salarié et l'intervention d'un employeur intermédiaire perturbe à l'évidence cette relation. Qu'elle puisse s'organiser, j'en conviens, et le groupe socialiste est favorable aux groupements d'employeurs. L'un de nos collègues évoquait l'utilité de tels groupements, notamment dans le monde agricole. Nous sommes pour ce type d'opérations. C'est la raison pour laquelle nous les avions mises en place et il n'y a pas d'ambiguïté sur ce point.

En revanche comment justifier qu'une entreprise de plus de 300 salariés puisse avoir recours à un groupement d'employeurs, alors qu'elle a, à l'évidence, la surface nécessaire pour assumer seule l'embauche de ses salariés ? Je n'ai pas entendu jusqu'à présent, notamment dans le monde rural où près de la moitié des salariés sont concernés par les groupements d'employeurs, je n'ai pas entendu ces derniers se plaindre du verrou de 300 salariés.

Par contre, de très grosses entreprises de plusieurs milliers de salariés, par le truchement des groupements d'employeurs et en recourant aux conventions collectives que vous souhaitez mettre en place, pourront trouver le moyen d'échapper au respect de leurs propres conventions.

Nous risquons donc d'avoir en quelque sorte des salariés à deux vitesses : par exemple, le salarié de Renault qui bénéficie de la convention de Renault et celui qui travaille chez Renault par l'intermédiaire d'un groupement d'employeurs mais couvert par une autre convention collective, peut-être moins favorable.

C'est cette possible dérive que nous stigmatisons et nullement le principe des groupements d'employeurs, même si nous savons – et vous l'avez reconnu vous-mêmes – que cela ne concernera au mieux que quelques milliers de salariés supplémentaires ; il est question de quelque 25 000 pour l'instant. Si ce n'est pas à négliger, cela n'est toutefois pas à la hauteur des attentes.

Toujours en réponse à M. Pierre Méhaignerie, je rappelle que la loi fait obligation au Gouvernement de consulter les organisations syndicales sur les projets de loi concernant les relations sociales. Vous vous affranchissez de cette disposition en déposant une proposition de loi ; vous allez d'ailleurs faire de même sur le travail dominical. Comme nous l'avions dénoncé au moment du vote de la loi sur les relations sociales, les propositions de loi vous permettent ainsi d'échapper à l'obligation de concertation, ce qui est scandaleux.

Nous reviendrons, en présentant nos amendements, sur les questions plus techniques que comporte cet article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'article 1er abroge l'article L. 1 253-4 du code du travail qui dispose qu'« une personne physique ou morale ne peut être membre que de deux groupements ». Il est difficile de s'exprimer sur cet article sans évoquer l'article 2 qui supprime le plafond de 300 salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il y a bien un lien !

Les groupements d'employeurs ont été créés par une loi de 1985. Les socialistes ont toujours été favorables à ce dispositif dans la mesure où il s'adresse à des entreprises de petite taille, voire de très petite taille, pour leur permettre, en se regroupant, d'avoir à leur disposition des salariés à temps plein, alors qu'elles ne pourraient bénéficier de leurs services en leur propre sein.

L'article 2 change complètement la logique de ce dispositif en l'ouvrant à des entreprises de très grande taille qui pourront appartenir à une multitude de groupements d'employeurs, créant ainsi une situation dans laquelle tout repère disparaît. Les seuils pour la présence de délégués du personnel ou la création de comités d'entreprise, par exemple, pourront être facilement contournés ; il suffira d'externaliser un certain nombre de salariés.

Notre collègue Christian Exckert vient de rappeler que la consultation des partenaires sociaux est passée à la trappe en raison du recours à une proposition de loi. Or un autre élément s'impose à présent dans l'organisation de nos travaux législatifs, depuis la révision constitutionnelle, que nous n'avons pas votée. En effet, il faudra désormais élaborer des études d'impact à chaque fois qu'une modification législative sera proposée. Je pense qu'aujourd'hui, personne – et c'est regrettable – n'est en mesure de jauger l'impact de cet article 1er qui permettra à des entreprises d'appartenir à une multitude de groupements d'employeurs. Nous ne pouvons pas aller loin dans nos débats sans en avoir une idée.

Tout à l'heure, en réponse à Christian Eckert, le rapporteur a dit, en aparté, que cela ne concernerait, au bout du compte, que peu de monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il faudrait savoir : ou bien le nombre de salariés concernés par les groupements d'employeurs n'augmentera pas considérablement et alors je ne vois pas pourquoi le titre de la proposition de loi indique qu'il s'agit de « faciliter le maintien et la création d'emplois » ni en quoi elle serait à la hauteur des aspirations de notre société face à la crise que nous connaissons ; ou bien cette proposition aura bien pour effet de créer de nombreux emplois et alors son impact doit être décrit, sinon nous ne pouvons pas en débattre sérieusement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous avez voté la révision constitutionnelle : il faut en assumer les conséquences.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous défendrons un amendement de suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, peut-être ne l'avez-vous pas remarqué, parce que vous êtes confinés dans des salons dorés, entourés d'amis fortunés, mais le pays tremble depuis plusieurs mois, le pays souffre. Tous les jours, on annonce des disparitions d'emplois, représentant autant de Français qui vont vivre dans l'angoisse.

Face à cette situation, dans laquelle vous portez une grande part de culpabilité,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…je rappelle que, il y a quelques mois encore, le Président de la République vantait les subprimes et Mme Lagarde regardait Londres avec des yeux d'amour.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Non, je ne changerai pas de disque ! Le malheur est sur le pays, et c'est vous qui l'avez amené. Tant que subsisteront ces profondes injustices, ces salaires indécents et immoraux, ces profits insoutenables, dont vous soutenez les bénéficiaires, je continuerai avec le même disque, car je suis du côté de la justice et non du côté du profit indécent et immoral. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Face à l'ampleur du drame, vous n'avez rien trouvé de mieux que le sparadrap, les « mesurettes ». Cet article 1er, qui remet en cause la finalité judicieuse des groupements d'employeurs, en est le parfait exemple.

Il faut stopper ces patrons délinquants qui se jetteront comme des fauves sur l'aubaine que vous leur offrez pour se repaître de cette manne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Tout cela procède de votre volonté.

Monsieur le rapporteur, vous appartenez à une majorité qui, depuis des mois, détricote, maille après maille, le contrat de travail pour, espérez-vous, le faire disparaître.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

À cet égard, j'ai une question très précise à poser.

Avec votre système, des salariés qui travaillent dans la même entreprise n'auront pas le même patron et donc pas les mêmes droits, comme cela vient d'être souligné par notre excellent collègue Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ne confondez pas le groupement d'employeurs légitimement créé par Martine Aubry et l'horreur que vous voulez commettre !

Je pense au drame de l'amiante. Un salarié ayant travaillé dans une entreprise figurant sur la liste des entreprises amiantées peut bénéficier d'un système de retraite anticipée : l'ACAATA. Son collègue, membre d'une entreprise d'intérim, ayant travaillé dans les mêmes conditions, parfois dans des conditions pires, parce qu'on lui laissait le sale boulot, ne peut quant à lui en bénéficier. C'est une injustice flagrante que dénoncent toutes les associations de victimes, auxquelles le Gouvernement est resté sourd jusqu'à présent.

La même situation se reproduira désormais. Dans une même entreprise, certains auront les maigres droits que vous leur aurez laissés, tandis que les autres se verront refuser ce à quoi il peuvent légitimement aspirer.

Tel est l'esprit qui vous anime : la volonté de privilégier vos amis, la haute finance, les riches, et de laisser les autres dans la misère. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Il faut replacer cette proposition de loi dans le contexte plus global de la législation de ces deux dernières années. En effet, cette proposition de loi, et en particulier l'extension des groupements d'employeurs, me paraît être une pierre de plus dans l'édifice que vous avez commencé à construire il y a deux ans.

En juillet 2008, une loi sur la représentativité syndicale et le temps de travail était adoptée. C'est avec cette loi que vous avez commencé à inverser la hiérarchie des normes : non plus l'accord de branche ou l'accord d'entreprise, mais le rapport du salarié à son employeur, un lien de subordination dans un colloque singulier, fermé et secret.

Après l'élargissement des groupements d'employeurs, le système pourra être utilisé pour précariser davantage les salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…mais je pense que l'avenir nous donnera raison.

Que le système soit beaucoup utilisé, cela ne fait pas de doute, mais il faudra voir auprès des salariés comment cela se passera au jour le jour.

Je m'arrête un instant sur l'exposé des motifs de la proposition de loi pour souligner combien votre politique de l'emploi est plutôt curieuse. Il indique : « Les auteurs de cette proposition ont travaillé avec trois intentions constamment présentes à l'esprit. » Trois sont citées.

« Faciliter la vie des acteurs de l'emploi au quotidien. » On voit bien quels acteurs en bénéficieront !

« Clarifier – en les codifiant ou en les précisant – des pratiques actuelles aujourd'hui vécues dans une forme d'insécurité juridique qui peut être un véritable frein à la création ou au maintien de l'emploi. » J'entends la vertu de cet exposé des motifs mais comme, parallèlement, vous avez mis en place les heures supplémentaires dans le cadre de la loi TEPA, il y a deux ans, et comme nous savons que celles-ci n'ont pas permis de créer des emplois – on estime aujourd'hui à 100 000 le nombre d'emplois à temps plein qui n'ont pas été créés –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Cela ne visait pas à créer de l'emploi mais à améliorer le pouvoir d'achat !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…ce que vous proposez est quelque peu paradoxal et ubuesque.

Enfin : « Assurer les droits de salariés. » À cet égard un parallèle avec les heures supplémentaires s'impose de nouveau. Si nous réalisions aujourd'hui une étude d'impact dans les entreprises – je l'ai proposé en commission sur la proposition de loi du groupe GDR dont nous discuterons demain matin –, certaines entreprises – je ne citerai pas de noms dans l'hémicycle – ont mis à profit le dispositif des heures supplémentaires pour diviser le salaire de base en deux parties : une partie fixe et une autre variable, en transformant la partie variable en heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Ils ont utilisé le dispositif, M. Poisson ! Aucune étude d'impact n'avait été réalisée, et je ne peux que le regretter.

Et puis vous expliquez que les groupements d'employeurs permettent d'offrir des emplois pérennes en les mutualisant. J'entends cet argument dans le cadre des groupements tels qu'ils étaient prévus en 1985, à savoir pour des artisans ou des exploitations agricoles, mais ce que vous proposez s'inscrit dans une optique différente. Votre argument est que, en période de crise, il faut mettre en place un dispositif transitoire pour éviter de perdre des emplois et « offrir des emplois pérennes ». Mais si vous utilisez une telle formulation, cela veut bien dire que ce dispositif sera utilisé sur le très long terme, dans un contexte de précarisation que nous dénonçons par avance, et qui prévaudra sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Mais « pérennes », est le contraire de « précaires », madame Lemorton !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

En outre, pour rebondir sur les propos de mon collègueChristian Eckert, je souligne qu'il est tout de même curieux de faire sauter le verrou de 300 salariés, actuellement le seuil d'effectif maximal des entreprises autorisées à constituer un groupement d'employeurs ou à y adhérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Ce n'est pas à l'article 1er mais à l'article 2, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Vous citez des exemples d'emplois susceptibles d'être maintenus, pérennisés ou créés, mais votre définition des emplois concernés ne correspond pas au secteur des artisans ou des exploitations agricoles. Pour moi, c'est un faux argument.

Vous soutenez que les groupements d'employeurs correspondraient particulièrement aux besoins en développement des « PME déjà importantes », mais qu'est-ce qu'une PME déjà importante ? Si elle emploie 500 salariés, cela commence à être très important. À vous lire, on croirait que des PME de 400 ou 500 salariés auraient besoin d'adhérer à des groupements d'employeurs pour bénéficier de fonctions telles que DRH – je n'ai jamais vu un DRH venir quatre heures par semaine dans une entreprise de cette taille –, directeur juridique, responsable qualité, commerciaux export, directeurs financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Le seul fait de citer vos exemples d'emplois à pourvoir montre bien que vous dévoyez la notion de groupements d'employeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Regardez Copé : en tant qu'avocat, il ne travaille que le vendredi ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Quelques mots seulement, qui me permettront aussi de répondre aux propos que Mme le secrétaire d'État a tenus.

L'article 1er, ainsi que l'article 2 dont il est indissociable, change complètement la nature des groupements d'employeurs en dépersonnalisant et en complexifiant le rapport entre le salarié et son entreprise. Cela étant, je défends l'ancienne forme des groupements d'entreprises qui avait été mise en place par la gauche parce que l'appartenance limitée à deux groupements et la taille restreinte des entreprises concernées leur conféraient alors une autre nature. C'est dans ces deux critères que se situe le facteur de changement de nature.

À l'époque, il s'agissait d'une union d'entrepreneurs, plus précisément d'une union formée entre de petits entrepreneurs qui étaient solidaires et qui s'engageaient ; désormais il s'agira d'un groupement, sans aucune limitation de nombre ni de taille. Le salarié ne saura plus qui est son employeur, et pourra se retrouver à travailler aux côtés de quelqu'un qui appartiendra à un autre ensemble. Cela va beaucoup complexifier les rapports au sein de l'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Un dernier mot : vous m'avez reproché, monsieur le rapporteur, d'utiliser le terme « télétravail » pour du travail à domicile, mais c'est pourtant juste étymologiquement et c'est du bon français. À l'inverse, toutes les formes de télétravail ne sont pas du travail à domicile, vous l'avez dit vous-même. Il serait important de préciser quel est le télétravail concerné par votre texte en l'appelant, par exemple, un « e-travail ». En tout cas, il faudrait changer le terme employé pour mieux en préciser le contenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Nous avons déjà indiqué que nous ne sommes pas opposés au principe des groupements d'employeurs. Nous en avons créés en 1985, sous forme d'expérimentations, et ils se sont développés dans le milieu agricole et dans le milieu artisanal, essentiellement entre de petites entreprises ; et puis des évolutions ont permis d'en monter le seuil maximal.

Dans l'état actuel de la législation, je n'arrive pas à voir quel serait l'intérêt pour une entreprise d'appartenir à un grand nombre de groupements d'employeurs. Quel serait l'intérêt d'une petite entreprise d'adhérer à une multitude de groupements ? Pourtant, ce sera possible puisqu'il n'y aura plus de nombre limite. Si je n'en vois pas l'intérêt, j'en perçois les motifs coupables : il pourrait s'agir d'une entreprise virtuelle,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

…située au centre du dispositif, et éclatant sa main-d'oeuvre pour multiplier les formes d'utilisation du temps partiel. Il pourrait aussi s'agir de créer une forme d'entreprise de services pour les autres entreprises. Nous en arrivons au coeur du sujet : une entreprise servirait de vivier aux autres. On irait vers l'organisation d'une forme d'intérim gratuit entre entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Je vais y venir, monsieur le rapporteur.

L'article 2 permettra cette forme d'organisation avec de grandes entreprises. Le péril en sera d'autant plus grand, et je crains que ce soit l'objectif que vous recherchez. Vous avez d'ailleurs insisté sur un thème qui vous est cher : le développement et la généralisation du tiers-employeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Il s'agit toujours de la même logique : sortir d'une contractualisation stable, alors que le groupement d'employeurs à petite échelle aboutit à déprécariser le salarié susceptible d'être en difficulté. Je voudrais que vous me rassuriez sur ce point, mais je pense que la levée de tous les encadrements, qui sera effectuée au fil des articles, rendra possible la création de groupements d'employeurs qui constitueront une forme d'entreprise virtuelle et éclatée. Une telle évolution substituera à la logique de contractualisation du salarié avec son employeur une logique d'échange entre entreprises. Cette dernière logique est au coeur de votre texte : ce sera le prêt de main-d'oeuvre généralisé, fût-il gratuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous en venons aux amendements à l'article 1er.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 8 et 56 , tendant à supprimer cet article.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 8 .

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

L'article 1er propose de supprimer la règle d'appartenance d'une même personne physique ou morale à deux groupements d'employeurs au maximum. Cette proposition de suppression est étonnante. J'ai eu beau lire le rapport, je n'ai pas découvert quelles étaient les études d'impact ou les évaluations qui justifiaient une telle suppression. Je lis : « En tout état de cause, l'utilité d'une telle disposition [celle qui va être supprimée] n'est pas avérée et c'est pourquoi il est proposé de la supprimer. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il y a un règlement, monsieur le rapporteur, et vous savez bien que je ne peux pas parler pendant dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Si l'utilité de la disposition en vigueur n'est pas avérée, en quoi sa suppression le serait-elle ?

Dans le rapport, il n'est nulle part expliqué l'utilité de la suppression de cette disposition. Votre seul argument susceptible de traduire une inquiétude quant à la législation actuelle, le voici : « Tout au plus une telle dérogation [permise par le dispositif en vigueur] peut-elle susciter la tentation, si le besoin est avéré, de créer au sein d'une même entreprise plusieurs établissements dans le seul but d'une adhésion à différents groupements », ce qui permettrait de détourner l'objet des textes actuels. Cependant cela n'a pas de sens. Si on se met à légiférer ainsi, pour voir, comme quand, aux cartes, on abat son jeu, la démarche ne me paraît pas sérieuse.

De plus, il y a un vrai danger : la suppression de la disposition actuelle vise à encourager l'appartenance à un nombre de groupements d'employeurs supérieur à ce qui est autorisé aujourd'hui pour favoriser un morcellement et du travail et de la qualité de l'emploi. Les conséquences en seront davantage de précarité et de difficultés pour les salariés, y compris dans leur vie de tous les jours, et, bien évidemment, la vie familiale en pâtira.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Liebgott, pour défendre l'amendement n° 56 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

J'ai pu constater que l'ambiance est très différente hors de l'Assemblée nationale et en son sein : ici, certains ont l'impression d'être en train de faire la révolution pour l'emploi, alors qu'à l'extérieur, les gens constatent, jour après jour, la disparition de leur emploi. Ce n'est pas du tout le même type d'environnement. Quand on revient ici, on en arrive donc à se poser la question : mais que se passe-t-il ?

Dans notre pays, il y a de très nombreuses entreprises et, jusqu'à présent, c'était relativement simple : par pragmatisme, les entrepreneurs pouvaient se regrouper avec d'autres entreprises quand la nécessité l'imposait pour assurer le secrétariat, une fonction informatique ou encore une expertise particulière. Et puis, tout à coup, on passe au tout ou rien. On était dans le pragmatique, c'est-à-dire dans la reconnaissance de la nécessité de s'adapter quelquefois à des situations particulières – des orateurs ont évoqué l'agriculture et des activités saisonnières – ; et maintenant l'on nous dit que tout est possible, que tous les champs sont ouverts.

On en arrive à ce que nous connaissons de pire aujourd'hui, aux conséquences du libéralisme le plus total : tout est possible, il n'y a plus de frein, vous pouvez adhérer à n'importe quel groupement, vous pouvez réunir des personnes de n'importe quel secteur qui exercent n'importe quelle fonction et qui travaillent à n'importe quel endroit, et les gérer avec une nouvelle convention collective, l'essentiel étant que ce genre d'initiative soit autorisé. On en revient au coeur de la formule de Guizot : « Enrichissez-vous », formule réactualisée par le Président de la République – même s'il se fait quelquefois plus discret aujourd'hui sur le sujet – : « Travailler plus pour gagner plus ».

Au-delà de ces injonctions, il faut se demander quelles sont vos intentions.

À travers la demande de suppression de cet article, c'est la question que je vous pose, madame le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur : que recherchez-vous véritablement avec cet article ? Avez-vous étudié en détail le nombre d'emplois que vous escomptez ainsi créer ? Je suppose que si cette proposition de loi vient en séance, c'est parce qu'elle correspond à un objectif en termes d'emploi.

Vous savez que, jusqu'à présent, les groupements d'employeurs en ont peu créés – peut-être 35 000 –, et je suppose que vous avez examiné avec beaucoup de précision diverses situations dans le monde du travail, dans certaines régions – je pense aux pôles de compétitivité –, ce qui devrait vous permettre de nous dire combien d'emplois vous allez créer. Je ne vous demande pas, bien sûr, un chiffre précis ; nous le saurons dans un an ou deux.

Pour notre part, nous pensons qu'il n'y aura pas de création d'emplois, mais des transferts d'emplois stables vers des emplois précaires. Des salariés régis par des conventions collectives relativement intéressantes, fruits de négociations menées au fil des ans, seront dorénavant soumis à de nouvelles conventions moins favorables. L'effet quantitatif sera quasiment nul, mais il y aura une dégradation de la situation des salariés. Puisque vous voulez que nous adoptions ce texte, dites-nous tout de même combien vous prévoyez de créations d'emplois suite à l'adoption de cette proposition de loi ?

Autre question toute aussi importante : dites-nous quels sont les avantages salariaux que les nouveaux salariés de ces groupements vont en tirer ? Il devrait en effet s'agir, selon nous, d'améliorer le sort des salariés de notre pays, pas de le dégrader. Quels sont donc les éléments que vous comptez mettre en place pour améliorer, dans le cadre des groupements, les conventions collectives actuelles ?

Une fois que vous aurez répondu à ces deux questions, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, nous comprendrons peut-être mieux pourquoi vous tenez tant à continuer à déréguler alors que vous l'avez déjà amplement fait toutes ces dernières années.

Pour conclure la présentation de cet amendement, je relève qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil : dans cette assemblée, on déréglemente depuis sept ans. Ainsi, alors que, il y a un an ou deux, on réformait le code du travail, je souligne, avec humour car cela n'est vraiment pas très sérieux, que le code Dalloz était déjà publié au moment où nous en discutions encore ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

La commission a rejeté ces amendements de suppression, à la surprise générale comme je le constate (Sourires). Je tiens tout de même à apporter quelques précisions, non pas une fois pour toutes parce que je serai sans doute obligé d'y revenir,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

M. Gille me sollicitera sans doute encore.

Premièrement, mes chers collègues, je vous rappelle que, aux termes de la Constitution – que vous ayez voté ou non sa réforme, elle s'applique à nous tous –, les études d'impact ne sont pas obligatoires pour les propositions de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

, rapporteur. Chère madame Génisson, nous avons quand même fait figurer certains éléments dans ce rapport, en utilisant les moyens du bord, serais-je tenté de dire. Je regrette – et je l'ai déjà indiqué lundi soir – que les commissions ne disposent pas de suffisamment de moyens d'investigation. Il faudra y réfléchir et, pour ce qui me concerne, je fais confiance au président de la commission des affaires sociales pour régler ce problème.

Deuxièmement personne ne conteste le potentiel d'emplois que peut représenter l'utilisation plus fréquente et plus élargie du groupement d'employeurs. Sur ce point, je vous renvoie au rapport, cité très aimablement par M. Muzeau et que vous avez presque tous sous les yeux. Je ne vais pas vous en faire la lecture, mais je vous invite à consulter les pages 14 et suivantes.

Troisièmement monsieur Liebgott, je n'ai pas comme vous un talent d'économiste mais, très franchement, je ne suis pas capable de dire combien d'emplois peuvent être créés par quelque mesure que ce soit. Je ne sais pas le chiffrer. D'ailleurs, mes chers collègues, je crains que personne ne le puisse. Dans ce genre d'exercice, les experts se sont succédé pour affirmer que telle ou telle politique structurelle créerait tant ou tant d'emplois. On connaît le discours !

Merci, monsieur Muzeau, d'avoir signalé l'honnêteté du rapporteur et des auteurs de la proposition de loi. Très franchement, je ne sais pas combien d'emplois seront créés. Je constate que tous ceux qui connaissent le sujet, s'y investissent et qui ont besoin de cet outil, croient au potentiel créateur d'emploi de cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Enfin, monsieur le président, nous discutons bien de l'article 1 et non pas de l'article 2, n'est-ce pas ? Nous parlons de la suppression de l'article mentionné, et non pas du seuil de 300 salariés sur lequel je reviendrai plus tard.

Cela étant, je me permets de demander à nos collègues de se reporter aux dispositions du code du travail relatives aux obligations des groupements d'employeurs.

Les articles 1253-1 et suivants précisent en effet le régime de convention collective auquel sont soumis les salariés des groupements d'employeurs. Est-ce que l'article qui vous est proposé amende ou supprime l'article 1253-1 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Non ! Le suivant pas davantage, monsieur Gille ; je serai très heureux de vous le démontrer.

L'article 1253-10 précise – au cas où on aurait oublié de lire l'article 1253-1 – que les salariés « bénéficient de la convention collective dans le champ d'application de laquelle le groupement a été constitué. » C'est clair. Est-ce que l'article 1er de la proposition de loi modifie cet article 1253-10 ? Non.

Pour le cas où subsisteraient des hésitations sur le régime auquel les salariés des groupements sont soumis dans l'entreprise où ils travaillent, il existe encore un article 1253-12 qui indique que le régime auquel les salariés du groupement sont soumis en ce qui concerne les conditions de travail est celui de l'entreprise qui les accueille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Est-ce que l'article 1er de la proposition de loi modifie l'article 1253-12 ? Non.

Pour le cas où il vous resterait un doute sur la protection des salariés, je vous renvoie à l'article 1253-17 qui indique que, dans le cas où le groupement a plusieurs activités et pourrait être amené à choisir entre plusieurs conventions collectives possibles, il doit déclarer celle à laquelle il s'affilie pour déterminer son propre régime.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Est-ce que l'article 1er qui vous est proposé modifie cet article 1253-17 ? Non.

Ainsi, mes chers collègues, toute crainte que cet article amoindrisse les garanties dont bénéficient les salariés des groupements est nulle et non avenue. Voilà pourquoi je demande à l'Assemblée de rejeter ces amendements.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Défavorable. Nous adhérons aux excellents arguments développés par le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Je voudrais essayer d'apporter un début de réponse à nos collègues, notamment à M. Gille, qui s'interrogent sur l'intérêt d'appartenir à de nombreux groupements d'employeurs. Pour une entreprise, ce n'est pas le but. Cependant, s'en tenir à deux groupements étant un peu restrictif, nous avons préféré ne pas limiter le nombre de groupements. Pourquoi ?

Il existe une interaction entre les articles 1er et 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

La plupart des entreprises de plus de 300 salariés peuvent avoir plusieurs sites d'exploitation sur le territoire national. Vous avez cité Renault, mais des sociétés de location de voitures ou des entreprises de transport aérien comme Air France ont aussi des salariés répartis sur tout le territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Il est dans l'intérêt des salariés que ces entreprises puissent adhérer à plusieurs groupements.

Élevons un peu le débat, après vos propos sur les employeurs délinquants et les associations de malfaiteurs, ce qui n'était pas très sérieux. Pensons plutôt aux salariés.

Imaginez un salarié de Toulouse qui peut, par l'intermédiaire d'un groupement, travailler chez Air France et dans une petite entreprise. Il se retrouve en CDI à travailler sur ce site. Un salarié de Strasbourg va travailler aussi en partie chez Air France et dans une autre entreprise. Ces petites entreprises n'ont pas seulement besoin de manutentionnaires, mais aussi de personnels qualifiés. Cela peut-être très intéressant de trouver un commercial à temps partiel dans une entreprise comme Air France, avec un autre temps partiel dans une petite entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il ne sera plus question seulement des petites entreprises, c'est ça le problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Mais si ! M. Eckert s'est déclaré favorables aux groupements agricoles, mais les agriculteurs ont des activités saisonnières, c'est-à-dire les mêmes besoins au même moment. Dans ces conditions, il est difficile de créer des CDI à l'année, donc « déprécariser » l'emploi.

Le but recherché est de faire un maillage entre des entreprises qui ont des activités saisonnières à différentes périodes de l'année. Actuellement, il existe deux régimes : agricole et général. Les groupements qui sont à cheval sur les deux régimes permettent de créer ces maillages et de constituer des CDI.

Votre inquiétude n'est pas justifiée : appartenir à une « foultitude » de groupements n'a aucun intérêt ; pouvoir appartenir à deux, trois, quatre ou cinq groupements présente un intérêt.

Prenons encore le cas d'entreprises équidistantes de trois villes. Par le biais d'un groupement, les salariés peuvent limiter leurs déplacements, en travaillant pour plusieurs entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

En entrant dans le débat, M. Poisson a lui-même reconnu qu'il existait une difficulté : les trois premiers articles font système. C'est pour cette raison que nous ne raisonnons pas tout à fait de la même manière.

Notre collègue Jean-Charles Taugourdeau raisonne sur les groupements d'employeurs tels qu'ils existent, et ses exemples correspondent à des entreprises ou groupements d'employeurs relativement modestes.

Avec les trois articles ensemble, comme j'ai eu l'occasion de le souligner en défendant la question préalable, on passe du stade artisanal au stade industriel. Telle est la question posée. Nous pensons que ce passage, orchestré par les trois premiers articles, particulièrement l'article 3, change la nature du groupement d'employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

L'article 2 traite la question de l'articulation des conventions collectives à partir du moment où il y a un accord de branche ou un accord interprofessionnel, mais n'anticipons pas.

Pour le moment, et malgré les efforts de M. Taugourdeau, vous ne nous expliquez pas vraiment le but de cette disposition. Notre inquiétude demeure parce que votre seule explication consiste à dire qu'il faut généraliser et que l'on verra bien le résultat. Et le rapporteur de nous expliquer qu'il est impossible de faire des études d'impact. C'est bien ce que nous vous reprochons : vous vous engagez dans une véritable aventure ! Vous jouez aux apprentis sorciers, car les trois articles qui viennent font système.

M. Taugourdeau a apporté un début de réponse – il s'agirait de faciliter –, mais en raisonnant sur des cas d'entreprises petites ou moyennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Pour ma part, je vous soumets une proposition simple : pourquoi ne pas procéder, comme toujours en matière de législation sur les groupements d'employeurs, c'est-à-dire par paliers ? Sommes-nous obligés de passer de deux à l'infini ?

Pourquoi ne pas recourir à une forme d'expérimentation, comme dans le cas des entreprises pouvant appartenir à un groupement d'employeurs ? Nous sommes passés de dix, à cent, à trois cents, puis à trois cents avec une exception possible, et bientôt nous allons passer à l'infini.

Pour ce qui est du nombre de groupements, on aurait pu élever progressivement le seuil et observer le résultat. Cela aurait permis à M. Poisson de réaliser des études d'impact régulières, de mesurer, et de sécuriser le dispositif car, encore une fois, et sans faire de procès d'intention, je vous préviens que vous engagez une mécanique infernale qui ne sera pas contrôlée. À la limite, je veux bien croire que telle n'est pas votre intention, mais je pense que vous jouez avec le feu : certains chercheront à exploiter au maximum ce genre de dispositif.

(Les amendements identiques nos 8 et 56 ne sont pas adoptés.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.

La parole est à M. Christian Eckert.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Comme Jean-Patrick Gille l'a extrêmement bien expliqué, les articles 1er, 2 et 3 sont en quelque sorte liés, et c'est leur conjonction qui suscite notre vive inquiétude.

Monsieur Taugourdeau, j'ai apprécié votre courtoisie. J'avoue avoir hésité à employer l'expression « associations de malfaiteurs ». Nous sommes d'accord : il n'y a pas que des patrons voyous ; 90 ou 95 % des chefs d'entreprise travaillent, traversent des difficultés, cherchent la croissance, et entretiennent souvent des relations sociales tout à fait positives.

Cependant, il faut veiller à ce que des textes parfois mal appréhendés – on peut commettre des erreurs, même à 577 ! – ne fournissent pas l'occasion de mettre en place des systèmes permettant de contourner la législation. Cela est vrai pour l'article 2 qui traite des conventions collectives.

Dans la législation antérieure, il était possible d'aller au-delà du seuil de 300 salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Bien sûr, mais c'était dérogatoire et obligeait à la négociation d'un accord avec les partenaires sociaux. Vous faites aussi sauter ce verrou en généralisant le dispositif à toutes les entreprises.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, les grandes entreprises et leurs différents sites, mais l'argument ne me convainc pas : votre proposition de loi perd de vue l'esprit initial du dispositif, à savoir la mutualisation des moyens. J'invite donc notre assemblée à la plus grand vigilance.

Si votre texte prévoyait que, lorsque les conventions collectives ou les accords de branche diffèrent au sein d'un même groupement d'employeurs, c'est la convention ou l'accord le plus favorable qui s'applique, nous l'aurions approuvé. Nous aurions d'ailleurs pu l'amender en ce sens. Mais vous n'invoquez d'autres dispositions que celle qui prévoit de laisser au groupement d'employeurs le choix de la convention collective. Nous avons déjà eu ce débat sur d'autres textes ; et c'est bien tout le danger des mesures proposées, lesquelles s'appliqueront à des salariés qui, ayant des statuts et des employeurs différents, dépendront d'un nouvel employeur collectif. Toute la difficulté est donc de concilier le respect des salariés et l'efficience du système.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean Mallot, qui s'efforcera d'être concis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le règlement actuel étant toujours en vigueur, monsieur le président, je profiterai des cinq minutes prévues pour m'exprimer sur l'article : nous verrons ce qu'il en est avec le nouveau règlement, s'il s'applique un jour, puisque le Conseil constitutionnel doit d'abord l'examiner.

L'article 2 est assurément lié à l'article 1er : nous ne ferons pas à l'auteur de cette proposition de loi l'injure de lui reprocher un manque de cohérence ; c'est d'ailleurs bien ce qui nous inquiète.

Je veux clarifier la portée des dispositions prévues, qui, on le sait, concernent environ 30 000 emplois.

Après que nous lui eûmes fait part de nos regrets quant à l'absence d'étude d'impact, M. le rapporteur a appelé notre attention sur les pages 14 et 15 de son rapport, selon lesquelles, à l'en croire, plusieurs études prévoiraient un impact important en termes de création d'emplois. En réalité, le rapport, s'appuyant sur une enquête, « propose une extrapolation […] pour avancer le chiffre d'une création “théorique” de 850 000 emplois ». On ne peut donc, à ce stade, distinguer entre créations nettes d'emplois et reports d'emplois déjà existants dans les entreprises regroupées, dès lors que ces dernières ont intérêt à la seconde solution, surtout si les regroupements ne sont plus limités.

Le premier alinéa de l'article est ainsi rédigé : « Un accord national interprofessionnel ou un accord de branche définit les garanties que les entreprises ou organismes de plus de trois cents salariés adhérents à un groupement d'employeurs accordent aux salariés des groupements » ; quant au second, il prévoit la date butoir du 1er janvier 2010.

Premier commentaire : les entreprises de plus de 300 salariés peuvent déjà constituer des groupements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Toutefois, cette possibilité est soumise à une réserve : la signature préalable d'un accord collectif dans l'entreprise intéressée. Or c'est bien ce verrou que vous faites sauter ; et, pour assurer des garanties, vous prévoyez qu'il faudra un accord national interprofessionnel. Pourquoi aller chercher tout cela ?

En outre, chacun l'aura constaté, en l'absence d'accord national interprofessionnel au 1er janvier 2010, il existera un vide juridique : la loi s'appliquera, le seuil des 300 salariés aura disparu, et l'on en sera réduit à utiliser les conventions existantes. Pourquoi, dès lors, ne pas tout simplement rester dans le cadre de celles-ci ? Au moins les salariés sauraient-ils ainsi à quel saint se vouer.

Nous avons besoin de réponses, faute de quoi nous ne saurions pas sur quoi nous votons, d'autant que ces dispositions s'articulent à d'autres que vous avez fait voter depuis plusieurs mois : je pense notamment au fameux statut d'auto-entrepreneur. Les schémas d'entreprise deviennent de plus en plus complexes : ainsi, des entreprises de plus de 300 salariés – et même de 30 000 ou 40 000, puisqu'il n'y aura plus de limites – pourront appartenir à plusieurs dizaines de groupements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je termine, monsieur le président : il me reste une minute.

Ces entreprises pourront ainsi, en quelque sorte, externaliser des salariés : certaines d'entre elles, anticipant les effets de la crise, commencent d'ailleurs à le faire en confiant aux salariés le statut d'auto-entrepreneur, de sorte que ceux-ci forment une constellation à leur service. Décrire un tel paysage n'est pas aisé, j'en conviens ; mais c'est celui que vous proposez, avec pour résultat la précarisation croissante des salariés, qu'ils soient dans l'entreprise, dans le groupement ou dans des auto-entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

L'article 2 fait référence à l'article L. 1253-5 du code du travail, selon lequel les entreprises de plus de 300 salariés ne peuvent adhérer à un groupement d'employeurs que si elles ont signé un accord collectif définissant les garanties accordées aux salariés. Or la proposition de loi prévoit de généraliser la possibilité à toutes les entreprises d'adhérer à un tel groupement, et ce en deux temps. Il eût été plus simple de le faire en un seul. Quoi qu'il en soit, le dispositif ne manque pas d'intérêt. Il prévoit en premier lieu la négociation d'un accord national interprofessionnel ou d'un accord de branche pour les salariés des groupements, ce qui constitue un niveau supérieur. Une fois ces accords acquis, le texte prévoit la suppression du seuil des 300 salariés, lequel est de toute façon supprimé à partir de 2010 si lesdits accords ne sont pas signés avant. Il y a donc de fortes chances que le seuil disparaisse directement à cette date.

Je souhaite, dans ces conditions, interroger M. le rapporteur sur la définition de l'accord : son imagination fertile voit-elle à quoi celui-ci pourrait ressembler ? Si j'ai bien compris l'esprit du texte, l'accord doit en effet porter sur le statut des salariés des groupements d'employeurs.

S'il s'agissait d'un accord national interprofessionnel, il s'appliquerait à l'ensemble des salariés des groupements ; mais comment, dès lors, s'articulerait-il avec les conventions collectives déjà existantes ? Je rappelle que l'esprit originel des groupements d'employeurs – M. Taugourdeau ne me contredira pas sur ce point – est de rapprocher des entreprises relevant des mêmes conventions collectives ; c'est bien ce qui protégeait jusqu'alors les salariés. M. le rapporteur a prétendu que les conventions collectives ne seraient pas remises en cause ; mais avec l'accord national interprofessionnel elles pourront l'être !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Si, monsieur le rapporteur.

Pourquoi donc supprimer le seuil, que l'on aurait pu, par exemple, élever à 500 salariés, soit la taille d'une PME ? Cette solution eût été acceptable à nos yeux. Pour les petites entreprises, il est très utile de se regrouper pour embaucher en temps partagé, sécuriser les emplois et mutualiser les secrétariats ainsi que la tenue des comptabilités ; mais quel intérêt, pour une entreprise de 10 000 salariés, d'adhérer à un groupement d'employeurs, plutôt que d'embaucher directement ? Voilà la vraie question. Quel intérêt, sinon celui de séparer la gestion du personnel de celle de l'entreprise ? Bref, il s'agit d'externaliser le salarié afin de lui ôter les acquis sociaux de la grande entreprise, voire, en cas d'accord national, de la convention collective.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

C'est bien là que réside l'astuce.

Pour résumer, si les groupements d'employeurs sécurisaient les PME, appliqués aux grandes entreprises, ils créeraient tout au contraire de la précarité par l'externalisation et le contournement des conventions collectives.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Cette proposition de loi dévoie complètement le dispositif de 1985. Même si celui-ci a évolué, il imposait des normes et des garanties que l'on veut aujourd'hui supprimer. Ainsi, des entreprises telles que EADS Astrium ou Thales, dans lesquels existent peut-être des accords intéressants, pourront, via les groupements d'employeurs, créer des sortes de « sous-salariés » soumis à un accord national. Ce n'est pas respectueux pour ces derniers. Il n'est pas sain non plus pour l'entreprise de faire coexister des salariés qui, bien qu'effectuant le même travail, ont des statuts relevant d'accords différents.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma