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Intervention de Michel Liebgott

Réunion du 27 mai 2009 à 15h00
Faciliter le maintien et la création d'emplois — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Liebgott :

Christian Eckert a eu raison de considérer que le débat en commission s'est avéré très insuffisant. J'ai moi-même regretté de ne pouvoir participer à la séance de lundi soir, la conférence des présidents ayant précipitamment décidé que le débat aurait lieu lundi et non mardi, comme prévu. Malheureusement, les conditions de travail ne s'améliorent pas au sein de cet hémicycle…

Vu de l'extérieur, j'ai eu le sentiment que le débat évoluait très rapidement et bien au-delà même de la proposition de loi. Lorsqu'on revient ici, après quelques jours d'absence, on constate que ce dont on parle en réalité, ce n'est pas tant de télétravail, de groupements d'employeurs, de pôles emploi, de maisons de l'emploi ou de prêts de main-d'oeuvre, termes qui ne font à aucun moment apparaître les mots de salarié, de travailleur, d'ouvrier ou d'employé.

Ce sont des concepts mais, derrière, il y a des personnes qui doivent pouvoir en bénéficier.

Les gens qui pourraient en bénéficier, j'en ai rencontré lundi, de plusieurs catégories, et, peut-être pour être plus concret ici, j'ai évoqué avec eux les perspectives que laissait entrevoir cette proposition de loi.

J'ai d'abord rencontré, le matin, des sous-traitants de l'industrie sidérurgique, d'Arcelor Mittal. Les uns ont déjà licencié et les autres préparent l'entrée de certains de leurs salariés en chômage partiel. Je leur ai demandé si le télétravail, la mobilité professionnelle ou d'autres concepts que vous avez évoqués présentaient pour eux quelques perspectives. Non, m'ont-ils répondu, et notre problème immédiat est tout autre : le Gouvernement a prêté des sommes considérables aux banques mais les banques ne nous en prêtent pas alors que nous aurions besoin de trésorerie pour conserver des salariés le temps que l'économie redémarre.

Ils m'ont expliqué également que les grandes entreprises, qui, elles, font encore des bénéfices, qui en ont fait l'année dernière – Arcelor Mittal, par exemple – ne payaient pas dans les délais et que les petites entreprises étaient confrontées à des situations dramatiques de trésorerie.

Voilà ce que l'on m'a dit, du côté des employeurs et non des salariés. C'est dire que les employeurs eux-mêmes n'attendent rien de cette proposition de loi.

Lundi dernier, j'ai rencontré aussi des auto-entrepreneurs. Selon la presse, le Président de la République a déclaré qu'on en était à 150 000 créations d'auto-entreprises. Il y a dans ma ville un marché qui accueille environ 200 commerçants tous les samedis, et on refuse à peu près cinquante auto-entrepreneurs. Ils ne demanderaient qu'à exposer mais, malheureusement, on ne peut plus les accueillir. Ils sont trop nombreux à se recycler dans le commerce.

J'en arrive à ma troisième rencontre de la journée. Des gens qui travaillent à La Poste sont venus me voir pour se plaindre de leurs conditions de travail. La direction de La Poste a en effet inventé une nouvelle formule, qui s'appelle les lundis bleus. Cela consiste tout simplement à demander à certains facteurs de rester à la maison le lundi, certains de leurs collègues faisant deux tournées au lieu d'une. Elle estime que c'est suffisant et que les courriers les moins urgents peuvent arriver deux ou trois jours plus tard. Compétitivité, productivité !

Je leur ai demandé combien ils gagnaient pour essayer de comprendre pourquoi il y avait tant de problèmes de pouvoir d'achat, de ralentissement économique et de récession. Les facteurs qui sont fonctionnaires gagnent 1 250 ou 1 300 euros nets mais ceux qui sont en CDD de droit privé – cela représente la moitié des effectifs – gagnent au plus 1 100 euros nets.

Ces trois exemples m'ont permis de me rendre compte que, dans votre proposition de loi, qui s'adresse aux employeurs – à une minorité d'ailleurs puisque l'on part de 35 000 emplois déjà créés et que l'on est à peu près dans le même ordre de grandeur en dépit de l'extension que vous proposez –, il n'y a pas la moindre suggestion pour relancer la demande. Or l'on sait très bien que, dans une société où la demande est défaillante, il ne peut pas y avoir de consommation.

Pour l'instant, la consommation reste correcte, grâce au chômage partiel et à quelques formules qui permettent de repousser la catastrophe, mais la catastrophe va arriver, vous le savez très bien. Dans l'année qui vient, on aura 600 000 à 900 000 chômeurs supplémentaires.

Si c'est le cas, il y aura un ralentissement économique majeur et les mesures que vous proposez ne seront pas opérationnelles parce qu'il n'y aura pas de boulot. Elles le seront sans doute dans le futur quand la reprise sera arrivée, mais elles ne serviront qu'à payer des gens moins cher, pas à donner du boulot à ceux qui n'en ont pas.

Les débats que nous avons ici sont, vous le voyez, très éloignés de la réalité de nos concitoyens, qui attendent des mesures concrètes leur permettant de redémarrer.

Je regrette aussi que nos débats soient pollués, volontairement sans doute, par l'intervention d'un membre de la majorité, qui, on l'a dit tout à l'heure, représente l'Élysée. Je suis moins optimiste que certains de mes collègues qui pensent que c'est un rideau de fumée. Certes, vous voulez cacher tout le reste, mais c'est plus qu'un rideau de fumée, c'est une première salve. Aujourd'hui, on parle du télétravail pour les bien-portants. Certains en parlent pour les malades et vous verrez que, très bientôt, on en reparlera pour les malades et pour les femmes qui sont en congé de maternité. On peut encore faire mieux que Rachida Dati ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

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