La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
M. le président de l'Assemblée nationale a pris acte de la cessation, le 28 octobre 2011 à minuit, du mandat de député de M. Édouard Courtial, nommé membre du Gouvernement par décret du 28 septembre 2011.
Par une communication en date du 28 octobre 2011, faite en application des articles L.O. 176 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a informé M. le président que M. Édouard Courtial, député de la septième circonscription de l'Oise, est remplacé par Mme Dominique Le Sourd, élue en même temps que lui à cet effet.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la recherche et à l'enseignement supérieur (n° 3805, annexes 33 à 35, nos 3806, 3807, 3812.)
La parole est à M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour les politiques de la recherche.
pour les politiques de la recherche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'engagement du Président de la République en faveur de la recherche a été tenu. La priorité au soutien public à la recherche en France a été maintenue durant toute la législature, et ce dernier budget du quinquennat le confirme encore. La part des dépenses consacrées à la recherche dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » se situe toujours à un niveau élevé : sa part dans le budget général de l'État est passée de 4,38 % au début de la législature à 4,77 % en 2012.
S'agissant du périmètre consacré aux politiques de la recherche au sein de la mission, les crédits de paiement sont en légère diminution en 2012, à 13,9 milliards d'euros, mais en progression globale de plus de 19 % par rapport à 2007, soit 2,2 milliards d'euros supplémentaires en ce qui concerne le seul soutien budgétaire.
À cela il faut ajouter les financements extrabudgétaires de la recherche, qu'il s'agisse des aides fiscales ou du programme des investissements d'avenir. Notre mission d'évaluation et de contrôle va prochainement publier son rapport sur ces financements, et la commission des finances a également demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur la cohérence des dispositifs fiscaux et budgétaires en faveur de la recherche. Cette très intéressante étude, qui montre la complémentarité des deux modes de financement, est publiée en annexe à mon rapport spécial.
Au total, en comptant les aides budgétaires et extrabudgétaires, l'effort de recherche des administrations publiques aura crû de 21 % entre 2007 et 2010, tandis que celui des entreprises privées aura augmenté de 9 %. La France demeure ainsi parmi les pays les plus actifs de l'OCDE en la matière. En 2010, l'effort de recherche et développement devraient ainsi s'établir à 2,26 % du PIB avec une dépense intérieure de 43,6 milliards d'euros, en augmentation de 1,4 % par rapport à 2009.
Je ne détaillerai pas ici les lignes budgétaires : vous trouverez les chiffres dans mon rapport écrit. Toutes les personnes que j'ai auditionnées m'ont indiqué que c'était un bon budget, inscrit dans la continuité des actions mises en oeuvre depuis cinq ans.
Afin de conforter cette priorité pour la recherche, la mission « Recherche et enseignement supérieur » sera aussi épargnée par le coup de rabot d'un milliard d'euros, annoncé par le Premier ministre, sur l'ensemble du budget.
Cette priorité budgétaire en faveur de la recherche est un instrument essentiel de la politique économique de la France. Elle permet de consolider la compétitivité des entreprises françaises grâce au renforcement de leur capacité de recherche et développement de faire émerger des entreprises leaders dans les secteurs de pointe. La politique d'innovation du Gouvernement combine incitations fiscales et sociales, dispositifs visant à structurer et renforcer les interactions entre les acteurs de la recherche et aides directes aux projets de recherche et développement.
Cette pluralité d'instruments est destinée à prendre en compte la complexité des processus d'innovation et les multiples dimensions sur lesquelles elle peut porter. On peut toutefois regretter la complexité résultant de la multiplicité des lignes budgétaires. En atteste la taille même de l'annexe au projet de loi de finances que nous étudions ce matin, de loin le plus gros de tous les « bleus » budgétaires.
Non seulement cette complexité ne garantit pas une lisibilité suffisante des grands axes d'action pour le contrôle parlementaire, mais encore elle multiplie pour les entreprises les guichets à solliciter. Un effort de clarification et de regroupement des différents dispositifs devra donc être entrepris, au-delà les alliances thématiques déjà mises en place.
En ce qui concerne la nomenclature budgétaire, je tiens d'ailleurs à souligner deux difficultés supplémentaires cette année. D'une part, sans doute en raison de son changement de statut juridique, OSEO n'est plus considéré comme un opérateur de l'État et ne figure plus dans le « bleu ». Compte tenu de l'importance de son rôle, il ne faudrait pas qu'il en résulte une diminution du contrôle parlementaire. D'autre part, le financement du Laboratoire national de métrologie et d'essais est désormais partagé entre la mission « Recherche et enseignement supérieur » et la mission « Économie », alors qu'il devrait relever intégralement de la première, eu égard à l'importance de ses travaux de recherche et développement. Aucun amendement parlementaire n'est possible sur la question, mais il serait souhaitable que le Gouvernement y remédie l'an prochain.
S'agissant des financements extrabudgétaires de la recherche, je voudrais insister sur trois dispositifs : le crédit d'impôt recherche, les jeunes entreprises innovantes et le grand emprunt.
Le crédit d'impôt recherche permet de renforcer les activités de recherche et développement des entreprises et, plus globalement, la compétitivité des entreprises présentes sur les marchés soumis à une concurrence internationale. Depuis la réforme du crédit d'impôt en 2008, le nombre d'entreprises déclarantes a très fortement augmenté. Il est ainsi passé d'un peu moins de 10 000 entreprises au titre de 2007 à près de 16 000 au titre de 2009. Le montant du crédit d'impôt est également en forte hausse, la dépense fiscale devant représenter 2,3 milliards d'euros en 2012. En outre, la loi de finances pour 2011 a pérennisé le remboursement anticipé aux PME des créances de crédit d'impôt recherche. Celui-ci est, en conclusion, un excellent outil de développement de la recherche privée, ce que reconnaît le rapport d'évaluation de l'Inspection générale des finances portant sur l'ensemble des dépenses fiscales, mais il doit être utilisé à cette seule fin. À cet égard, je me félicite, ainsi que mes collègues ici présents, que les préconisations sur le crédit d'impôt formulées par la MEC en 2010 aient été suivies, concernant le renforcement du contrôle de ce dispositif.
Afin d'éviter que le crédit d'impôt ne permette de couvrir des dépenses qui ne relèvent pas vraiment de la recherche et développement, il serait souhaitable d'accorder un bonus aux entreprises qui sollicitent un rescrit pour savoir si leurs dépenses de recherche sont éligibles au CIR, plutôt que de s'en remettre au risque d'un contrôle fiscal futur. Afin de rendre le contrôle sur les dépenses de recherche véritablement efficace et proche de la réalité des projets des entreprises, il faudrait aussi ne confier qu'à OSEO l'appréciation de l'éligibilité des dépenses en cause. Par ailleurs, il me semble qu'il faudrait mieux distinguer ce qui relève de l'innovation de ce qui concerne la recherche stricto sensu.
Le dispositif destiné aux jeunes entreprises innovantes a quant à lui pour objectif d'apporter une aide à des entreprises de moins de huit ans consacrant au moins 15 % de leurs charges à des dépenses de recherche et développement. Pour aider ces entreprises qui connaissent nécessairement une certaine fragilité dans les premières années de leur existence, il a été décidé de réduire leurs charges fiscales ainsi que les cotisations sociales sur les emplois hautement qualifiés, notamment ceux des chercheurs et des ingénieurs indispensables à l'innovation. Ce dispositif a fait l'objet d'adaptations en loi de finances pour 2011. Autant j'approuve les plafonds qui ont été votés l'an dernier, autant j'estime nécessaire de revenir sur la dégressivité de l'exonération. Il faut en effet garantir un minimum de visibilité et de stabilité aux entreprises qui ont engagé des projets de recherche et développement, lesquels sont nécessairement des projets à très long terme. Il faudrait donc rétablir un dispositif d'exonération véritablement attractif, sans dégressivité. Cette dépense supplémentaire pour le budget de l'État pourrait être gagée par la suppression de l'exonération d'impôt sur les bénéfices des jeunes entreprises innovantes, dispositif qui a été jugé inefficace par l'Inspection générale des finances.
Enfin, la politique de soutien à la recherche et à l'innovation a été renforcée depuis la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 par la mise en oeuvre opérationnelle du programme des investissements d'avenir. Sur les 21,9 milliards d'euros consacrés à la recherche, 1,3 milliard sera déboursé en 2012. Une part notable du programme repose sur des actions structurantes visant à renforcer l'effort de recherche et développement et à soutenir l'innovation en France, notamment le développement de plates-formes mutualisées d'innovation, la création d'instituts de recherche technologique pour renforcer et structurer durablement les rapports entre industrie et recherche, la création du fonds national de valorisation avec la mise en place d'une dizaine de sociétés d'accélération du transfert de technologies et le renforcement des instituts Carnot pour permettre aux structures les plus performantes de pérenniser leurs liens avec l'industrie et de préparer le ressourcement de leurs activités de recherche. Dans cet ensemble, les structures déjà existantes qui ont fait leur preuve, comme les structures de recherche sous contrat, ne devraient pas pour autant être oubliées.
En conclusion, je dirais que ce budget est un budget de consolidation pour notre système de recherche, dont il continue à encourager la modernisation. Pour cette raison, la commission des finances vous demande d'adopter les crédits de la mission.
La parole est à M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour la recherche dans les domaines du développement durable.
de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour la recherche dans les domaines du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, avant d'aborder les crédits pour la recherche dans le domaine du développement durable, je voudrais faire plusieurs remarques, dont l'une recoupe les propos de mon collègue Jean-Pierre Gorges.
Aujourd'hui, alors que s'ouvre le débat sur le budget de la recherche, nous devons nous préoccuper d'évaluer les outils à la disposition du Gouvernement. Ces outils sont : l'ANR, créée par la loi ; les crédits récurrents relevant du budget de l'État ; et le crédit d'impôt recherche. À périmètre constant, il est nécessaire de faire une évaluation de ces trois dispositifs.
Concernant le crédit d'impôt recherche, j'ai eu l'occasion de travailler sur ce sujet avec Jean-Pierre Gorges et Pierre Lasbordes et je crois qu'il faut éviter deux écueils. Ce dispositif fonctionne, il serait faux d'affirmer le contraire. Mais la MEC et la commission des finances, dans son ensemble, ont constaté qu'il pouvait y avoir des risques d'optimisation fiscale. Il faut donc regarder cela de près. Le Gouvernement avait prévu de faire une évaluation du dispositif lors du débat budgétaire de l'an dernier. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous puissiez nous éclairer sur ce point.
Des propositions ont été faites, comme vient de le rappeler Jean-Pierre Gorges, et je crois qu'elles vont dans le bon sens. Aujourd'hui, le bon équilibre crédits de l'Agence nationale de la recherche, crédits structurants et crédit d'impôt recherche est très important. Y a-t-il des ajustements à réaliser ? Je le pense, et je suis assez inquiet sur l'évolution des crédits récurrents.
Nous allons rendre dans quelques jours notre rapport sur les crédits extrabudgétaires. Ceux-ci, à travers le grand emprunt, concernent très directement la recherche. Notre demande est tout à fait légitime : ces crédits extrabudgétaires ne doivent pas échapper au débat budgétaire ni au contrôle de la commission des finances, sachant que certains de ces crédits sont venus se substituer aux crédits budgétaires.
Dans un contexte de réduction générale des dépenses publiques, le projet de loi de finances pour 2012 préserve une légère progression des crédits de paiement de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Ils s'évaluent à 25,4 milliards d'euros, soit une augmentation de plus de 1 %, tandis que les autorisations d'engagement passent de 25,3 milliards à 25,7 milliards d'euros ; soit une hausse de 2 %.
S'agissant de la recherche dans le domaine du développement durable, 2012 sera pour le budget de l'État une année de stabilité. La somme des crédits des programmes 187, « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », et 190, « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durable », atteint 2 621 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 2 612 millions d'euros en crédits de paiement.
D'après le Commissariat général au développement durable, l'engagement, pris à l'article 22 de la loi du 3 août 2009 relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, d'investir un milliard d'euros de crédits budgétaires supplémentaires dans la recherche sur certaines priorités définies, serait atteint pour les années 2009 à 2011, mais au prix, il est important de le noter, du redéploiement de 700 millions d'euros de crédits. Les thématiques principales sont l'agriculture et la biodiversité, les énergies économes en carbone, la santé et l'environnement. Toutefois la tendance au rapprochement des montants de crédits dédiés aux nouvelles technologies de l'énergie, d'une part, et au nucléaire, d'autre part, s'est ralentie en 2010.
Les crédits du programme 187, « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », qui privilégient la recherche sur la garantie de l'accès à l'eau, la gestion durable des ressources et la sécurité alimentaire, sont globalement stables, mais les subventions pour charges de service public aux six opérateurs sont en diminution, à l'exception du CIRAD, dont la subvention est simplement reconduite, et de l'INRA, qui voit sa subvention en apparente augmentation. En regardant de près les comptes de l'INRA, nous constatons une légère diminution.
Le programme 190, « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durable », concerne notamment les nouvelles technologies énergétiques, l'énergie et les risques nucléaires, la réduction des consommations d'énergie et de carbone dans les systèmes urbains et les transports, le traitement des déchets, et participe à l'amélioration des connaissances sur les axes structurants du Grenelle de l'environnement. Il enregistre une évolution contrastée en 2012 : les autorisations d'engagement progressent de 7,6 %, alors que les crédits de paiement diminuent de 0,6 %.
Dans le cadre de ce programme, des économies de gestion significatives sont demandées pour la deuxième année à des opérateurs tels que l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles et l'Institut de radioprotection de la sûreté nucléaire, dont les résultats sont pourtant incontestables. J'appelle votre attention sur ce dernier point, monsieur le ministre, à un moment où l'on évalue nos centrales et où l'on parle beaucoup de sûreté nucléaire. C'est un mauvais signe, me semble-t-il, que de diminuer les crédits de cet institut, même si des mesures complémentaires pourraient éventuellement voir le jour.
Cette évolution budgétaire pourrait être négative sans la perspective de moyens exceptionnels liés aux investissements d'avenir, qui agissent comme une bouée de secours dans un environnement contraint, mais ne sauraient pallier la baisse des crédits budgétaires.
Au total, 21,75 milliards d'euros, c'est-à-dire 62,5 % des crédits du grand emprunt, concernent des programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Pour les programmes relevant du ministère de l'équipement, du développement durable, du transport et du logement, l'apport des investissements d'avenir peut être estimé à 3,79 milliards d'euros sous forme de subventions et d'avances remboursables.
Au stade actuel de la mise en oeuvre de ces investissements d'avenir, si la gouvernance entre le Commissariat général à l'investissement, les ministères, les universités et les opérateurs semble avoir terminé sa période de rodage, il est désormais primordial d'améliorer le contrôle parlementaire sur les dotations extrabudgétaires versées au titre du grand emprunt et dont l'ANR et l'ADEME sont les principaux ordonnateurs.
Dans l'attente de cette clarification nécessaire, et eu égard à la menace que fait peser la débudgétisation rampante des crédits de la mission sur nos opérateurs de recherche et sur la garantie démocratique que représente le contrôle parlementaire, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée pour l'adoption de ces crédits.
La parole est à M. Laurent Hénart, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour l'enseignement supérieur et la vie étudiante.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord remettre ce budget en perspective.
En matière d'enseignement supérieur et de la recherche, nous avons fait la démonstration, depuis 2007, qu'il ne pouvait pas y avoir de politique publique susceptible de faire bouger les lignes et de changer le positionnement de notre pays dans une compétition internationale vive sans un effort qui s'inscrive dans la durée.Ce budget doit, bien évidemment, être placé dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités et d'une série de mesures prises dans la foulée de cette réforme, donnant aux universités qui le souhaitaient des responsabilités et des compétences élargies.
Mon rapport couvre les programmes 150 et 231, et permet de constater, monsieur le ministre, que l'enseignement supérieur reste la priorité majeure du Gouvernement, notamment en termes de moyens : malgré une stagnation de l'enveloppe globale, les crédits de l'enseignement supérieur progressent de 2,3 % en autorisations d'engagement et de 1,9 % en crédits de paiement, soit un budget autour de 12,5 milliards d'euros pour votre seul ministère.
Le programme « Vie étudiante » progresse de 4,14 % en crédits de paiement, atteignant près de 2,2 milliards d'euros. La progression entamée dès la loi de finances pour 2008 se poursuit donc.
Il est en outre notable, surtout lorsque l'on connaît la nécessité de la ressource humaine dans les métiers de l'enseignement supérieur et de la recherche, que votre ministère ait été exclu de la règle du non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
J'ai regardé quelques chiffres pour établir une comparaison. Sur la période 2001-2011, l'effort de la collectivité en faveur de l'enseignement supérieur, tous ministères confondus, est passé de 17 à 27 milliards d'euros. L'effort public par étudiant – je parle de la seule université, je retranche volontairement les grandes écoles et les classes préparatoires, pour les raisons que nous connaissons – est passé d'un peu plus de 8 600 euros en 2006 à près de 10 200 euros en 2010, et les budgets pour 2011 et 2012 ont confirmé cette tendance.
Monsieur le ministre, au-delà de la programmation triennale qui comportait un accroissement de l'effort public pour l'enseignement supérieur, nous pouvons constater dans votre budget un effort financier complémentaire, dépassant, dans certains domaines, ce qui était annoncé. Au sein du programme 150, ont été inscrits 43 millions d'euros supplémentaires pour aider nos universités à assumer leurs responsabilités et compétences élargies. De ce point de vue, la rallonge annoncée, qui est de 14,5 millions d'euros pour l'année universitaire en cours pour faire face au GVT et à l'inertie comptable des masses salariale, est bienvenue.
Vous disposez de 27,5 millions d'euros pour les moyens généraux, ce qui signifie que vos moyens de nourrir la politique contractuelle seront plus importants que prévu. Nous avons travaillé avec Alain Claeys, dans le cadre de la MEC, sur l'évolution du financement des universités. Nous avons insisté sur le fait qu'il faut, dans les contrats, faire une part plus importante aux objectifs qui vont au-delà de l'activité, de façon à donner place à la performance. Cela demande des enveloppes libres ; de ce point de vue, la rallonge au-delà du triennal est de bon augure.
Enfin, plus de 68 millions d'euros sont accordés pour l'immobilier, en plus de ce qui était prévu au triennal. C'est indispensable, compte tenu de l'autonomie accrue des établissements. Au 1er janvier dernier, 90 % d'entre eux sont passés au nouveau régime, et tous y seront en 2012, à l'exception de l'université de Polynésie. La communauté universitaire – enseignants, chercheurs, personnels, experts – s'est complètement approprié ce nouveau cadre d'exercice de la liberté pédagogique et d'innovation en matière de recherche et d'enseignement.
Au-delà des effets positifs, comme l'émergence, en Lorraine, d'une seule université commune à quatre établissements, ce mouvement de fusion est déjà réalisé à Strasbourg, il est quasiment achevé à Bordeaux et il sera lancé à Aix-Marseille, et nous voyons bien que les responsabilités et compétences élargies ont multiplié les initiatives. Il faudrait que nous soyons capables d'avoir une analyse qualitative des trois cohortes passées, notamment sur la gestion des ressources humaines. Les universités ont toujours eu difficulté à anticiper le GVT de l'État, du fait de la complexité – que certains appelleront richesse – des facteurs de rémunération des agents, mais à cela s'ajoute le développement des recrutements directs sous forme de contrats, qui complexifie encore davantage l'anticipation des évolutions de la masse salariale. Il est néanmoins hautement souhaitable qu'elles y parviennent, afin que les contrats avec l'État puissent en tenir compte.
Le budget du programme « Vie étudiante » est doté de 15 millions d'euros de plus que l'augmentation prévue dans la programmation triennale, afin que puisse être versé un dixième mois effectif de bourse dès la rentrée scolaire de cette année. Ce dixième mois de bourse constitue un progrès majeur, car la mise en oeuvre du LMD et du protocole de Bologne implique une année universitaire s'étageant sur dix mois. Il était donc logique que les étudiants bénéficient d'une bourse payée sur dix mois, mais le dire est une chose et l'assumer financièrement de manière durable en est une autre. Le Gouvernement a su dégager les moyens budgétaires, et il faut l'en féliciter.
Si l'on remet les choses en perspective sur les cinq dernières années, il faut rappeler que, depuis 2007, non seulement le nombre d'étudiants boursiers s'est accru de près de 25 %, mais le montant moyen des bourses a été revalorisé de près de 20 %. Le pays comptait 471 000 étudiants boursiers en 2007 ; il y en a près de 600 000 aujourd'hui, ce qui constitue une véritable inversion de tendance par rapport à la fin des années 1990 et au début des années 2000, où ce nombre, faute de revalorisation des plafonds de ressources, ne cessait de se réduire.
Si la plupart des bourses sont naturellement accordées sur critères sociaux, il existe également des aides spécifiques « en deçà » et « au-delà ». « En deçà », avec le développement du fonds national d'aide d'urgence, qui permet depuis 2008 d'intervenir de manière ponctuelle et rapide en faveur d'étudiants en difficulté. « Au-delà », car beaucoup d'outils complémentaires s'adressent à ceux qui ne rentrent pas dans les critères sociaux ou peu : je pense à l'échelon zéro, qui intéresse les classes moyennes, aux bourses au mérite dont bénéficient certains lycéens ou étudiants, et naturellement au développement des bourses de mobilité, qui est à poursuivre.
Au moment où l'on parle du statut de l'étudiant et de l'excellence de nos universités, je souhaite, monsieur le ministre, appeler votre attention sur la circulaire du 31 mai dernier concernant la maîtrise de l'immigration professionnelle.
Nos universités s'inscrivent dans un système extrêmement compétitif. Notre position est appréciable puisque nous sommes le troisième pays d'accueil d'étudiants étrangers, derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne, mais devant l'Allemagne, l'Australie et les pays émergents. L'accueil des étudiants étrangers est un facteur essentiel de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur et du rayonnement de notre économie.
Par votre expérience en matière d'insertion professionnelle des jeunes, vous savez fort bien, monsieur le ministre, que le diplôme n'est pas tout, et qu'il faut aussi de l'expérience professionnelle. Lorsque nos étudiants vont à l'étranger, c'est pour suivre une formation et acquérir un diplôme du pays où ils séjournent, mais également pour travailler et connaître les réalités professionnelles de ce pays. C'est au demeurant ce que prévoyait la loi de 2006 portée par notre Président de la République, alors ministre de l'intérieur. L'accès à une première expérience professionnelle aux étudiants étrangers préparant un master était expressément prévu par cette loi.
Je crains que la circulaire de mai dernier, qui vise à recadrer la maîtrise de l'immigration professionnelle, ne nuise au bon développement de cette politique de rayonnement international de nos universités. Il faudra veiller à ce qu'elle n'entrave pas le droit des étudiants ayant obtenu un master à bénéficier des dispositions de la loi de 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.
En conclusion, j'aborderai la question épineuse du logement étudiant. Nous devons tirer les leçons de l'évolution des crédits. Contrairement au débat que nous avions en 2007, nous savons aujourd'hui que les moyens étaient là. Il est donc intéressant de voir où il y a eu des résultats et où résident encore des difficultés. Au regard des chiffes, la réhabilitation de logements étudiants, qui semblait complexe au départ, progresse : 3 700 logements étudiants réhabilités en 2004, près de 4 200 l'année prochaine. La machine est lourde en termes de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre. Une fois lancée, elle atteint petit à petit les objectifs du plan Anciaux de 5 000 réhabilitations.
En revanche, la construction de logements étudiants est irrégulière, avec des années meilleures que d'autres. Une activation plus forte de la loi de 2004 organisant la possibilité de délégations de logements aux agglomérations permettrait sûrement d'aller plus vite sur le foncier et de mobiliser des moyens ainsi que les autres bailleurs sociaux qui sont prêts, aux côtés des CROUS, à faire du logement étudiant.
Il faudra bien sûr faire preuve de vigilance sur quelques points, mais dans l'ensemble, vous nous avez, monsieur le ministre, présenté un très bon budget. La commission des finances a donc émis un avis favorable.
La parole est à M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation pour la recherche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, la recherche et l'enseignement supérieur sont notre avenir. Bien former nos jeunes, c'est leur assurer un avenir professionnel. La recherche, c'est de la valeur ajoutée.
Le budget pour 2012 répond à cette demande et est en amélioration constante. Il est conforme aux engagements pris depuis cinq ans et s'inscrit dans le prolongement de la loi de 2006. N'oublions pas non plus le grand emprunt qui, pour les deux tiers, représente des investissements d'avenir pour la recherche.
S'agissant des personnels, leur nombre ne baisse pas. Cependant, monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l'âge des enseignants et des enseignants-chercheurs : 40 % d'entre eux partiront à la retraite dans dix ans. Se pose donc un problème de recrutement. Comme beaucoup de pays occidentaux, nous avons du mal à recruter de jeunes scientifiques dans nos laboratoires.
S'agissant du CNRS, de l'INRA et du CEA, des réformes en profondeur ont été réalisées. Je me réjouis que des questions qui ont pu se poser, comme le maintien du CNRS en tant que tel, ne soient plus d'actualité. Cette grande institution s'est réorganisée autour d'une dizaine d'instituts, structures verticales ayant une vocation particulière et disposant d'une feuille de route. Nous le savons, monsieur le ministre, la recherche s'opère toujours à la jonction des domaines de connaissance : je rappelle que l'on n'avait pas prévu l'usage actuel de l'IRM et du laser. Le rapprochement entre les équipes de recherche s'est finalisé sous la forme d'alliances bénéfiques.
Comme mes prédécesseurs, j'insisterai sur l'intérêt du crédit d'impôt recherche, qui a permis de favoriser la recherche dans le secteur privé, car la recherche française, surtout fondamentale, est essentiellement publique. La possibilité de remboursement anticipé aux PME est donc une excellente chose.
Dans mon rapport, je me suis particulièrement intéressé aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES. Créés il y a cinq ans, il semble intéressant d'en faire une évaluation. Le PRES est-il une structure définitive ou intermédiaire, passagère ? Toujours est-il que certains PRES conduisent à des fusions comme à Bordeaux ou Aix-Marseille.
Les PRES ont pris en compte une spécificité française, qui, à long terme, peut représenter une force : la dichotomie entre l'université et les grandes écoles. Les secondes offrent d'excellentes formations professionnalisantes. Quant à l'université, elle est en charge de la recherche. Il ne faut sous-estimer ni l'une ni les autres. Conserver ces écoles professionnalisantes et y intégrer de la recherche est primordial, et les PRES le permettent. Depuis la loi de 2010, les PRES peuvent délivrer des diplômes, ce qui n'était possible, jusque-là, qu'aux universités.
Un PRES peut prendre la forme d'un établissement public ou d'une fondation de coopération scientifique. Le PRES Sorbonne Universités fonctionne très bien. Il regroupe plusieurs universités, notamment Pierre-et-Marie-Curie et le Muséum d'histoire naturelle. Les PRES permettent d'intégrer l'histoire de ces universités. N'oublions pas non plus des structures telles que les IDEX, les initiatives d'excellence.
Le PRES UniverSud constitué autour de l'université de Paris-Sud-Orsay est directement concerné par le projet du plateau de Saclay. Il y a des différences de budget considérables. Les moyens mis au service d'une mutualisation des établissements adhérents sont susceptibles de passer de quatre millions d'euros pour le PRES à un milliard d'euros pour le pôle d'excellence. Notons que sur le plateau de Saclay, il y a deux PRES, le PRES UniverSud-Paris et Paris Tech, ainsi que le projet IDEX.
La valorisation de la recherche publique – faiblesse de nos universités – n'avait pas été abordée directement dans la loi de 2006 qui créait les PRES. Faire du PRES, structure souple, le lieu de la valorisation me semble donc une excellente chose.
Je conclurai en citant le président du PRES de Sorbonne Universités, selon qui, pour les universités, « le bonheur est dans le PRES. » (Sourires.)
La parole est à Mme Martine Faure, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation pour l'enseignement supérieur et la vie étudiante.
Monsieur le président, monsieur le ministre, ce budget serait, nous dit-on, la priorité budgétaire de l'État. La promesse d'augmenter d'un milliard par an les moyens de ce secteur n'est cependant pas tenue. Je ne m'engagerai pas dans la bataille des chiffres, mais le tableau comparatif figurant dans mon rapport est clair, d'autant plus clair, qu'il est issu de sources ministérielles et indique une baisse constante : 995 millions d'euros en 2010, 706 millions en 2011, 524 millions en 2012. Ce budget est donc moins généreux que ce qui est annoncé. J'ajouterai qu'il est n'est pas toujours très lisible, truffé qu'il est de tours de passe-passe. Quoi que vous en pensiez, je ne m'en tiens pas aux seuls crédits de fonctionnement.
Je rappelle que ce budget ne comporte pas que des crédits de paiement immédiatement consommables. Il repose aussi sur des autorisations d'engagement étalées sur plusieurs années et sur des montages complexes, comme les partenariats public-privé.
Vous insistez beaucoup sur les cinq milliards du plan « Campus » et les milliards du grand emprunt, mais il faut savoir que ces milliards restent souvent virtuels. Pour un site que je connais bien, celui de Bordeaux, lauréat aux initiatives d'excellences, ce sont moins de 30 millions par an qui seront versés ; ce n'est pas négligeable, mais il est bon de signaler que la région Aquitaine, quant à elle, verse tous les ans 32 millions.
Onze milliards vont aux investissements d'avenir et vous dites que nous devons faire émerger dix pôles d'excellence. Mais la France compte plus de quatre-vingts universités, réparties sur vingt-sept régions. Dans ces conditions, est-il légitime de sélectionner une poignée de ces universités pour leur donner moyens et notoriété, aux dépens des autres établissements de même nature ?
Au nom de l'« excellence » – tout est désormais « d'excellence », les pôles, les initiatives, les laboratoires –, bref, au nom de l'excellence, ce budget privilégie les uns et semble sacrifier les autres. Une telle concentration d'excellence marginalise de nombreuses universités qui se débattent dans d'énormes difficultés. La loi LRU, qui a donné aux universités une autonomie salariale et financière, en est l'une des causes.
Pour accéder à l'autonomie salariale, il a fallu stabiliser les directions des ressources humaines et les directions des affaires financières. Trop souvent, les universités ont dû faire des sacrifices, au point que certaines ont beaucoup de peine à boucler leur budget et sont obligées de geler des postes, y compris d'enseignants.
Un mot encore sur l'une de vos priorités : les « campus de demain ». Vous parlez de salles de réunions interactives, de centre e-learning, de bibliothèques de haut niveau. Or, à la ligne investissement pédagogique, on lit simplement : 150 millions d'euros. On pourrait s'en réjouir, mais une lecture attentive des détails montre qu'il pourrait s'agir de 50 millions seulement la première année, puis de 100 millions répartis sur huit ans, selon la direction générale de l'enseignement supérieur elle-même.
J'en viens au plan pluriannuel pour la réussite en licence. Je rappellerai que le cursus de licence a, en 2010, accueilli 750 000 étudiants, hors IUT. Couvrant les années 2008-2012, ce plan appuie les initiatives des universités autour de cinq axes, dont l'orientation des nouveaux étudiants et le renforcement de l'encadrement pédagogique.
Mais quel bilan peut-on tirer de toutes ces grandes déclarations ? Si le plan a eu, incontestablement, un effet « déclencheur », la mobilisation, loin d'être totale, est en réalité disparate et souvent décevante. Dans certains établissements, elle s'est traduite par la simple réactivation de mesures déjà mises en oeuvre, dans d'autres on constate une extrême dispersion faute de vision globale de la stratégie à mener. Trop souvent, les mesures adoptées ne sont ni suivies, ni évaluées.
Par ailleurs, le plan n'a pas permis d'enclencher la révolution pédagogique attendue. La pédagogie de projet, la plus susceptible de motiver les étudiants, occupe, contrairement à ce qui se pratique au lycée, une place qui reste marginale. Si l'effort financier que représente le plan est de 730 millions sur cinq ans, il doit être relativisé, la progression des moyens dans l'enseignement supérieur restant concentrée sur les autres filières, en particulier celle du master. Or le développement des volumes horaires d'enseignement, la réduction de la taille des groupes et le recours aux enseignants référents ont un coût qui rend problématique le « modèle économique » du plan pour la réussite en licence.
À ce contexte budgétaire défavorable s'ajoutent des contraintes techniques. En effet, les crédits du plan sont fléchés tandis que le budget des établissements ayant accédé aux compétences élargies de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, lui, est global.
Pour faire du plan une réussite, il faudrait donc changer d'échelle et agir sur plusieurs leviers tout en écartant les fausses bonnes idées. Mais je crois, monsieur le président, que je ne dispose plus de suffisamment de temps pour développer cet aspect.
Pour terminer, je ferai quelques remarques sur le volet « aide sociale » du programme « Vie étudiante ». Vous dites, monsieur le ministre, vous soucier de l'ascenseur social mais on constate que les crédits destinés aux CROUS baissent de 5 % et que l'aide au logement est amputée de 11 millions tandis que les droits d'inscription à l'université sont en augmentation. Le coût global de la vie étudiante augmente de 4 % et cette tendance va s'accentuant : depuis la rentrée, le prix des mutuelles s'est accru de 7 %, ce qui va encore paupériser de nombreux étudiants.
Enfin, nous devons lutter contre les racines sociales de l'échec – je pense en particulier au travail étudiant, souvent plus subi que choisi – en instaurant une allocation d'études versée sous condition de ressources afin d'aider les jeunes issus de milieux défavorisés à construire leur autonomie.
Ce chantier, monsieur le ministre, est urgent. En 2005, vous écriviez dans un rapport : « La vie étudiante n'est pas une parenthèse enchantée ». Force est de constater que, six ans après, la situation s'est encore dégradée. Nous le regrettons vivement.
La parole est à M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les grands organismes de recherche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la cinquième année consécutive, le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est en augmentation, et c'est un effort qu'il convient de saluer. En effet, les crédits de paiement connaissent une nouvelle progression de 200 millions d'euros et les crédits destinés spécifiquement à la recherche sont en progression de 19,1 % par rapport à 2007. La part des dépenses consacrées à la recherche par rapport au budget général de l'État se situe à un niveau très élevé puisqu'elle est passée de 4,38 % en 2007 à 4,77 % dans le projet de loi de finances pour 2012.
Si cette évolution est très appréciable, particulièrement dans le contexte actuel, je souhaiterais néanmoins évoquer certaines difficultés budgétaires rencontrées par les organismes de recherche et dresser un premier bilan du programme « Investissements d'avenir ».
S'agissant, en premier lieu, des grands organismes de recherche, je voudrais commencer par souligner deux mesures très positives contenues dans ce projet de loi de finances.
Il s'agit, d'une part, de l'augmentation à hauteur de 19,5 millions d'euros des crédits destinés aux très grandes infrastructures de recherche au profit du CNRS et du CEA. Ce soutien financier de l'État est vital car les programmes qui leur sont liés, essentiels à la recherche française et européenne, occupent une part croissante des budgets d'équipement et d'investissement des organismes de recherche : cette part atteint ainsi 30 % au CNRS.
Il s'agit, d'autre part, de la poursuite du plan « Cancer 2 » porté par l'INSERM, lequel bénéficie d'une dotation supplémentaire de 3 millions d'euros.
Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que les établissements publics scientifiques et technologiques continueront de bénéficier en 2012 de taux réduits de mise en réserve, soit 0,25 % de la masse salariale et 3 % des dépenses de fonctionnement et d'investissement ?
J'en viens à présent à un axe important de ce projet de loi de finances : la poursuite des économies de fonctionnement demandées aux organismes de recherche, pour un montant total de 23 millions d'euros. L'impératif budgétaire justifie pleinement les économies demandées et les organismes en sont parfaitement conscients. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à l'esprit de responsabilité dont ils font preuve.
Plusieurs d'entre eux ont appliqué au cours des dernières années des plans très rigoureux de maîtrise des dépenses. Citons deux exemples : le CEA, qui a réduit les dépenses de fonctionnement par salarié de 20 % entre 2007 et 2011 ; le CNES, qui a réduit ses dépenses de fonctionnement de 67 millions d'euros entre 2005 et 2010.
Si le principe de ces mesures d'économie ne souffre pas de discussion, les modalités de leur application sont certainement perfectibles. Il me paraît important, monsieur le ministre, d'accorder une attention particulière aux situations individuelles et aux efforts de gestion déjà réalisés. Mieux encore, les efforts de réduction des dépenses devraient être encouragés et récompensés par la modulation de la subvention de l'État.
Ce n'est pas encore suffisamment le cas. Ainsi, malgré les efforts accomplis, le CEA s'est vu imposer 8,2 millions d'euros d'annulations de crédits en 2011, alors qu'il devra prélever 45 millions d'euros sur la subvention de l'État pour financer la construction du réacteur Jules-Horowitz.
IFP Énergies nouvelles, quant à lui, connaît une situation financière préoccupante. La dotation de l'État a en effet diminué de 40 % sur la période 2002-2012 alors que l'établissement applique à la lettre les préconisations issues de l'audit RGPP, qu'il s'agisse de l'augmentation des ressources propres, de la diminution des charges d'exploitation ou de la maîtrise des dépenses de personnel.
Je vous remercie également d'accorder une attention particulière à l'INRIA, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, qui est l'un des premiers organismes mondiaux dans le domaine de l'informatique et qui doit assurer la pérennité de ses trois nouveaux centres, lesquels emploient plus de 1 100 personnes. Alors que le numérique constitue l'une des trois priorités de la stratégie nationale de recherche et d'innovation, il me semble que la situation de cet organisme devrait être reconsidérée.
Une autre question préoccupante pour les organismes de recherche est celle du remboursement des crédits accordés au titre du plan de relance.
Plusieurs établissements ont exprimé leur surprise de constater que ces crédits étaient en réalité des avances remboursables. Les modalités de remboursement des fonds mériteraient d'être précisées. Elles prennent en effet la forme d'une diminution de la base de la subvention versée par l'État, opération qui, consolidée à chaque exercice, risque d'entraîner une diminution structurelle des subventions.
Monsieur le président, monsieur ministre, mes chers collègues, permettez-moi à présent d'évoquer l'une des réalisations les plus symboliques des réformes engagées au cours de ces dernières années, je veux parler du programme « Investissements d'avenir ».
Il s'agit d'un dispositif remarquable, tant par sa philosophie que par les moyens engagés, qui s'élèvent à 20,6 milliards d'euros, hors opération campus, pour la recherche et l'enseignement supérieur. On constate d'ailleurs que les organismes sont très nombreux à répondre aux appels à projets : plus de 800 dossiers ont été déposés lors de la première vague et 220 ont été sélectionnés. C'est un moyen inespéré pour les laboratoires de conférer une véritable reconnaissance internationale à leurs projets les plus innovants. Le programme est d'ores et déjà devenu une composante essentielle des ressources des établissements.
Toutefois il doit être simplifié, consolidé et financièrement ajusté.
Simplifié, tout d'abord. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez déjà considérablement allégé certaines procédures – je pense aux laboratoires d'excellence –, mais il y a encore des progrès à accomplir car le coût de la demande d'un investissement d'avenir demeure élevé. Les organismes les plus impliqués dans les appels à projets passent trop de temps à remplir les dossiers et cela au détriment de leur productivité. Avant toute chose, il faut libérer du temps pour les chercheurs.
La simplification passe aussi par une meilleure coordination des initiatives locales. Le programme « Investissements d'avenir » a donné naissance à de nouvelles structures comme les instituts de recherche technologique, les instituts d'excellence en énergies décarbonées ou les sociétés d'accélération du transfert de technologies. Or, il existe souvent à proximité un institut Carnot, un pôle de compétitivité ou une technopole régionale. Il faut donc veiller à la cohérence de l'ensemble.
Enfin, l'information à destination des PME doit être améliorée afin que ce formidable outil soit mis à la portée de tous.
Le programme doit en outre être consolidé.
Il faut d'abord encourager l'Agence nationale de la recherche à moderniser ses procédures de gestion et d'évaluation. Il faut également lui assurer suffisamment de moyens pour lui permettre de gérer une enveloppe de près de 19 milliards d'euros.
Il convient également de s'assurer qu'il répond à sa fonction originelle, qui est le financement de projets nouveaux et innovants. Il ne doit pas se substituer au financement par le budget général de l'État de programmes de recherche préexistants – je pense en particulier aux très grandes infrastructures de recherche.
Enfin, le programme doit être financièrement ajusté. L'ANR ne prend en charge que 4 % des coûts de fonctionnement supportés par les EPST. Or, il est à craindre que ce seuil soit largement dépassé. Par ailleurs, l'assiette du financement ne prend en compte que le coût marginal de l'opération. À titre d'exemple, les recettes du CNRS liées aux contrats ANR ne représentent que 35 % de la charge réellement supportée, ce qui contraint l'organisme à prélever 20 millions d'euros sur la subvention de l'État. Cette difficulté me paraît justifier la réalisation d'un audit permettant de calibrer au mieux l'ajustement à réaliser.
Enfin, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, pour votre engagement en faveur du secteur spatial. Le lancement réussi de Soyouz, le 21 octobre dernier, parachève une année 2011 exceptionnelle pour le CNES. Les défis qu'il doit relever seront, vous le savez, encore plus importants en 2012 avec les lancements attendus de sept Ariane 5, de deux Soyouz et du premier Vega. C'est pourquoi je vous demanderai d'épargner au CNES, autant que faire se peut, les annulations de crédits sur le programme multilatéral car elles risqueraient de compromettre le respect de ses engagements européens.
Par ailleurs, nous avons l'opportunité unique de contribuer à l'émergence d'une nouvelle filière industrielle : je veux parler des télécommunications satellitaires à haut débit. Sur ce dossier également, nous avons besoin de votre soutien.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de sa réunion du 18 octobre dernier, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux grands organismes de recherche. Je demande aujourd'hui à notre assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Daniel Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la recherche industrielle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est devenu banal d'évoquer le triptyque prétendument magique que constitueraient la recherche, l'innovation et le développement économique. Je dis bien « prétendument » car l'articulation entre ces trois éléments n'échappe pas aux stratégies des entreprises, elles-mêmes étroitement dépendantes d'objectifs financiers, en particulier ceux des grands groupes. Elle n'échappe pas non plus à votre logique qui consiste faire des cadeaux financiers aux entreprises, sous toutes les formes possibles, au prétexte d'améliorer leur compétitivité.
En mars 2002, les quinze États membres de l'Union européenne décidaient de faire de l'Union, selon une formule désormais bien connue, « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ».
L'objectif concret était d'atteindre 3 % du PIB pour les activités de recherche et développement en 2012. Pour cela, vous avez fait le choix de « booster » une niche fiscale, le crédit d'impôt recherche. Ainsi, au début du quinquennat actuel, vous l'avez modifié de façon extrêmement favorable aux grands groupes, le transformant en l'une des principales niches fiscales de notre pays. Au même moment, vous mettiez en place d'autres dispositions favorables au patronat et aux plus riches du pays, comme le bouclier fiscal.
Près de dix ans ont passé. Qu'en est-il de l'effort des entreprises ? Qu'en est-il de l'évolution des emplois de chercheurs ? Qu'en est-il des outils mis en place par la puissance publique ? Bref, l'objectif de Lisbonne a-t-il été atteint ?
Tous les rapports le disent : nous en sommes loin. En 2009, Mme Pécresse parlait de 2,21 % mais c'était en intégrant le crédit d'impôt recherche. En fait, l'effort moyen des entreprises se situe aux alentours de 1,3 %, loin de ce qui serait nécessaire.
Si, selon le rapport de 2010 de l'inspection générale des finances, la France est le premier pays de l'OCDE pour le niveau des aides fiscales et publiques apportées à la recherche et développement des entreprises, elle souffre d'un trop faible niveau des dépenses privées.
En quelques années, le crédit d'impôt recherche a explosé. Toutefois, il continue d'être attribué sans contrôle réel, demeure exposé aux risques d'optimisation fiscale et s'accompagne d'insuffisantes embauches de jeunes chercheurs et de doctorants. Comment accepter qu'il puisse être considéré comme un moyen de réduire l'impôt sur les sociétés ou même, comme vous nous l'avez indiqué en commission, monsieur le ministre, comme un moyen de relocaliser en France des laboratoires – souvent sans lien réel avec les nécessités de production dans notre pays – à la faveur d'un pur effet d'aubaine mis en évidence dans tous les rapports ?
Je rappellerai ici la nécessité, non pas de supprimer le crédit d'impôt recherche, mais de mettre un terme aux dysfonctionnements que je viens d'évoquer et d'orienter l'effort en priorité vers les PME et PMI. Il convient de développer leurs efforts de recherche tout en favorisant l'embauche de jeunes scientifiques dont la grande majorité erre de contrat en contrat dans une précarité inacceptable. Mais sans doute cette précarité va-t-elle, pour vous, de pair avec la concurrence que vous voulez instituer dans l'ensemble de la société ? À cet égard, j'insiste sur la nécessité, comme le font les organisations syndicales, de bien lier la recherche, l'innovation et la production à l'heure où certains résultats de recherches et d'innovations ayant bénéficié du crédit d'impôt recherche donnent lieu à des délocalisations de production.
Quant aux pôles de compétitivité, il convient de démocratiser leur fonctionnement, de favoriser leur mise en réseau et de les transformer en pôles de développement.
Enfin, comment ne pas évoquer la question de l'Agence nationale de la recherche, qui n'a ni conseil ni commission scientifique, mais des comités d'évaluation dont les membres sont nommés sans contrôle des élus et soumis aux volontés gouvernementales ?
Monsieur le ministre, le libéralisme ne considère la recherche que comme occasion de développements profitables, synonymes de mises sur le marché, de brevets, d'avantages compétitifs. C'est la colonne vertébrale de votre politique. Vous comprendrez que nous ne l'acceptions pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Geneviève Fioraso, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour l'énergie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche a toujours été présenté comme une priorité de votre gouvernement, conformément à l'engagement du Président de la République d'y consacrer chaque année 1,8 milliard d'euros supplémentaires. Les effets d'annonce relatifs à de nouveaux moyens affectés à l'autonomie des universités, aux plans campus, au plan réussite en licence, aux investissements d'avenir, n'ont toutefois pas toujours été suivis de résultats et, lorsqu'ils l'ont été, cela a été au détriment du budget courant des universités et des organismes de recherche.
C'est ainsi que les organismes de recherche ont vu leur budget diminuer considérablement depuis quatre ans : le CNRS a subi une baisse de 11 % de ses crédits en 2011 et se voit appliquer un mauvais traitement similaire pour 2012 ; la situation est comparable pour le budget des agences, des organismes et des universités.
Les responsables d'organismes aussi différents que le CEMAGREF, la direction de la recherche technologique du CEA, l'Institut français du pétrole, tous très actifs dans le secteur de l'énergie, ont indiqué lors de leurs auditions qu'ils devaient refuser des partenariats industriels ou des expertises extérieures utiles au développement d'applications dans les secteurs de l'environnement, de la santé, de l'énergie et utiles à la compétitivité de notre économie, faute de pouvoir embaucher des experts de façon pérenne.
D'ailleurs, si les engagements financiers avaient été à la hauteur des annonces, comment expliquer le recul constant de la France dans les classements internationaux ?
Nous sommes passés en dix ans de la sixième, puis huitième et aujourd'hui dix-huitième place mondiale pour l'innovation. La part de la recherche privée dans notre PIB est l'une des plus faibles des pays développés. Loin d'atteindre les 3 % du PIB consacrés à la recherche fixés par la conférence européenne de Lisbonne sur l'économie de la connaissance, nous plafonnons à un peu plus de 2 %, en dessous des 2,28 % de 2002.
Il y a beaucoup de raisons à ce recul : il ne peut pas être imputé à la qualité de notre recherche, qui reste appréciée sur le plan mondial ; il est lié à l'absence d'une politique de fond dans un secteur pourtant capital pour l'avenir de notre économie, donc de l'emploi.
Je me contenterai ici de développer deux points, auxquels il me semble urgent de réfléchir, surtout si nous voulons garder nos emplois industriels, menacés de disparition progressive s'ils ne sont pas tirés vers le haut par l'innovation et, en amont, par la recherche et la formation.
Le premier point, c'est la faiblesse de la part du privé dans les investissements de recherche et développement. Cette part privée reste plus faible que dans d'autres pays comparables, malgré un crédit d'impôt recherche multiplié par quatre depuis 2008 et qui dépasse les 5 milliards d'euros cette année, malgré les pôles de compétitivité, malgré le Fonds stratégique d'investissement.
La raison principale de cette faiblesse, c'est la cible que vous avez privilégiée. Votre cible prioritaire, ce sont les grands groupes du CAC 40, et non les PMI-PME ou les entreprises de taille intermédiaire, celles qui créent des emplois attachés au territoire et plus difficilement délocalisables. Les grands groupes, on le voit bien, ont une logique de plus en plus fondée sur la finance ; ils externalisent une part toujours plus grande leur production, mais aussi de leur recherche – et cela d'autant plus facilement qu'aucune contrepartie aux aides qui leur sont accordées ne leur est demandée.
Au minimum, des contreparties en termes de créations d'emplois, sous forme d'embauches de docteurs par exemple, auraient pu être exigées. Les crédits qui leur sont accordés si généreusement pourraient utilement être réorientés vers les PMI-PME à fort potentiel de développement et les entreprises de taille intermédiaire qui nous manquent tant en France – nous en avons quatre à cinq fois moins qu'en Allemagne, et pourtant elles exportent et créent des emplois.
Je demande donc une mission parlementaire d'évaluation et de contrôle du crédit d'impôt recherche. Il ne s'agit pas de stigmatiser l'ensemble des grands groupes, mais de mettre fin à des pratiques abusives connues, d'encourager les établissements locaux de ces groupes à investir davantage en France, dans des partenariats avec notre recherche publique, et de recentrer le CIR et les autres dispositifs, dont le FSI, sur la pérennisation des entreprises de taille intermédiaire existantes et le développement des PMI-PME à fort potentiel pour en faire des ETI. Les jeunes entreprises innovantes, injustement déstabilisées, s'inscrivent dans cette logique et les exonérations dont elles bénéficiaient doivent, notamment dans le domaine des biotechnologies, être rétablies.
Le second point que je voudrais évoquer concerne l'insuffisance de jeunes d'une même classe d'âge ayant accès à une formation supérieure. En effet, pour sauver notre industrie et créer de nouveaux emplois par l'innovation – je pense notamment à toutes les filières de la croissance verte –, il faut s'appuyer sur une main-d'oeuvre formée, qualifiée, capable de s'adapter aux mutations très rapides d'une économie mondialisée. Or, ce que l'on constate dans notre pays, c'est le nombre très insuffisant de jeunes diplômés de l'université : 25 % d'une même classe d'âge arrive à un niveau équivalent à la licence, contre 45 % par exemple au Danemark.
Ce phénomène se double, comme le soulignent un récent rapport de la Cour des Comptes ainsi que de nombreuses études sociologiques, d'une autre caractéristique : c'est l'accès de plus en plus difficile aux études supérieures pour les jeunes issus de milieu modeste.
Et l'on ne peut que constater l'échec global du plan pluriannuel pour la réussite en licence ; seules 17 % des universités aidées par ce plan ont diminué leurs heures de cours dans des amphis surchargés. Pourtant, tout le monde sait que le gage de la réussite en premier cycle, surtout pour des jeunes dont les parents n'ont pas les moyens de payer des rattrapages extérieurs ou des « prépas » privées, tient à la qualité d'un parcours personnalisé, utilisant des pédagogies diversifiées et adaptées.
L'innovation pédagogique n'est d'ailleurs pas encouragée financièrement dans les universités qui la pratiquent.
Alors, tout cela renvoie, en amont, à la suppression de 67 500 postes d'enseignants en dix ans, mais aussi à une conception dépassée de notre enseignement supérieur, trop cloisonné, sans contacts avec le secondaire, avec des passerelles qui restent à développer entre filières dites courtes – bacs professionnels, bacs technologiques, BTS, DUT – et filières plus longues pour permettre à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, de bénéficier d'études plus longues.
Cela nous permettrait au passage de diversifier nos élites, formées dans des moules uniques, ce qui ne favorise ni la créativité, ni la connaissance pragmatique du terrain pourtant indispensables à une société innovante, entreprenante et créatrice d'emplois.
Avec cinq enseignants pour cent étudiants, l'université française est d'ailleurs celle qui dispose de l'encadrement le plus faible en Europe, à l'exception de la Grèce.
En conclusion, pour toutes les raisons expliquées dans mon rapport pour avis, je ne peux donner un avis favorable à ce budget. Sur les deux points que j'ai développés, l'insuffisance de la part du privé et du nombre insuffisant de jeunes diplômés, je vous remercie à l'avance, Monsieur le ministre, de vos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire pour la recherche dans les domaines du développement durable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, j'ai en charge le rapport pour avis du budget de la recherche dans les domaines du développement durable.
Ce budget comprend deux programmes : le programme 187, « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », placé sous votre tutelle, monsieur le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et le programme 190, « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables », placé sous le contrôle de la ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable, des transports et du logement.
Le budget global de la mission s'élève, pour 2012, à 25,79 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 1,65 %, et à 25,44 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 0,99 %. Si l'on tient compte de l'inflation, qui selon les dernières prévisions de l'INSEE atteindrait 1,75 % en 2012, ce budget se caractérise donc par une baisse des moyens.
Pour les crédits alloués au programme 187, les autorisations d'engagement s'élèvent à un peu plus de 1,25 milliard d'euros, soit une hausse de 0,49 % par rapport à 2011 ; les crédits de paiement augmentent d'un peu moins de 0,50 %. On constate que cette évolution se situe en dessous du niveau d'inflation établi par l'INSEE.
Quant au programme 190, ses crédits font apparaître une hausse des autorisations d'engagement de 7,6 % par rapport à 2011, tandis que les crédits de paiement diminuent de 0,64 %. Mais cette hausse des autorisations d'engagement est artificielle : elle s'explique par une augmentation importante des crédits alloués à l'action 14, « Recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile ». Il s'agit de 100 millions d'euros correspondant à des avances récupérables versées dans le cadre du programme Airbus A350. En réalité, hors cette dotation complémentaire pour le financement du programme Airbus A350, les crédits de l'action 14 sont en baisse de près de 20 % en 2012 par rapport à la loi de finances initiale pour 2011.
Je vais vous dresser la liste des organismes concernés par cette mission, afin de souligner quelles peuvent être les conséquences de la baisse des dotations.
Le programme 187 est mis en oeuvre par le Bureau de recherches géologiques et minières –, le CEMAGREF – Centre d'étude du machinisme agricole et du génie rural des eaux et forêts –, le CIRAD – Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement –, l'IFREMER – Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer –, l'INRA – Institut national de la recherche agronomique – et l'IRD – Institut de recherche pour le développement.
Voici quelques éléments sur les ressources allouées : pour le BRGM, elles stagnent – les questions du sous-sol, dont on a vu l'importance avec le gaz de schiste, ne présentent sans doute pas d'intérêt particulier ! Pour le CEMAGREF, qui traite de toutes les questions liées à l'évolution de l'agriculture, elles augmentent de 0,79 %. Pour le CIRAD, à l'heure de la fracture alimentaire et de la faim dans le monde, elles stagnent. Les dotations de l'IFREMER augmentent de 2,11 %, celles de l'INRA de 0,47 % – mais si l'on tient compte des dépenses contraintes, celles des cotisations et des pensions, les dépenses de fonctionnement et d'investissement diminuent en réalité de 8,2 % ! Quant à l'IRD, sans doute pour bien montrer l'intérêt de ce gouvernement pour les pays du sud, sa dotation diminue de 0,21 %.
Les opérateurs du programme 190 sont l'ADEME – Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie –, l'ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail –, le CEA – Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives –, le CSTB – Centre scientifique et technique du bâtiment –, l'IFP-Énergies nouvelles – l'Institut français du pétrole-énergies nouvelles, l'IFSTTAR – Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux –, l'INERIS – Institut national de l'environnement industriel et des risques – et l'IRSN – Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
En étudiant les budgets, on découvre aussi la réalité des dotations. L'ADEME voit ses ressources diminuer de 12,09 % ! Celles de l'ANSES stagnent ; celles du CEA, cela a été dit, augmentent de 4,17 % ; celles du CSTB diminuent de 0,38 % ; celles de l'IFP-Énergies nouvelles diminuent de 3,55 %, alors même que cet organisme doit mettre en oeuvre la transition énergétique – on voit à quel point cette priorité est aujourd'hui menacée, et quelles difficultés cet organisme rencontrera pour mener à bien ses missions. Les ressources de l'IFSTTAR diminuent de 0,38 %, alors que cet organisme doit supporter de lourdes charges liées au changement de site ; l'INERIS ne pourra se permettre qu'une simple poursuite des programmes engagés, avec une augmentation de son budget de 0,1 %. Enfin, l'IRSN voit sa dotation diminuer de 0,57 %, malgré l'importance aujourd'hui de la question de la sûreté nucléaire.
Selon les prévisions de l'INSEE, je l'ai dit, l'inflation devrait s'établir à 1,75 % pour 2012 ; si l'on tient compte de ces chiffres, tous les opérateurs voient les crédits baisser, à l'exception de l'IFREMER, dont les crédits stagnent quasiment grâce à une hausse nominale de 2,11 %, et du CEA, dont le budget est en hausse de 4,7 %, soit environ 3 % en tenant compte de l'inflation.
L'insuffisance des moyens alloués à ces organismes compromet donc dangereusement le potentiel de recherche de notre pays, dans un domaine pourtant désigné comme prioritaire par le Grenelle de l'environnement, et qui devait recevoir des financements ambitieux. L'une des conséquences de cette insuffisance, ce sera l'absence de renouvellement des personnels non titulaires, mais formés et qualifiés, pourtant indispensables à la continuité des recherches dans les laboratoires. Je souligne, de plus, qu'une bonne partie de ces crédits de recherche sont littéralement dévorés par le montage des dossiers de demande de financement : on me signale que, dans beaucoup d'organismes, un quart du temps est passé à monter des dossiers pour obtenir des crédits de recherche !
Vous comprendrez, que, dans ces conditions, je ne puisse que donner un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 187 et 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Dans la discussion générale, la parole est d'abord à M. Claude Birraux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de prendre quelques secondes pour préciser, à la demande de M. le président de la commission des affaires économiques, ce que les trois derniers rapporteurs n'ont pas dit, c'est-à-dire que leur commission a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ce budget est le dernier de la législature : c'est une occasion de dresser un bilan, après cinq années durant lesquelles la recherche et l'enseignement supérieur n'ont cessé d'être une priorité du Gouvernement. Pari tenu, pari gagné : nous pouvons être fiers de l'action de notre majorité en faveur de l'université et de la recherche, c'est-à-dire en faveur de l'intelligence, de la connaissance qui guident la nation.
La recherche et l'université n'ont, dans le passé, fait l'objet d'autant d'intérêt que de manière sporadique. Malgré la crise qui fait vaciller les économies mondiales, les moyens sont maintenus, les effectifs aussi ; les départs à la retraite seront remplacés, ce qui amènera aussi de l'air frais dans les laboratoires.
En cinq ans, ce sont 9 milliards d'euros qui auront été investis dans l'enseignement supérieur et la recherche : l'engagement du Président de la République a été tenu. Avec la loi sur la recherche de 2006 et la loi LRU de 2007, les universités et la recherche ont fait l'objet d'une attention qu'elles n'avaient jamais connue auparavant, comme elles n'avaient jamais connu une telle liberté d'initiative, et ce dans la durée.
Soixante-quinze universités sur quatre-vingt-cinq sont devenues autonomes avant la date limite. Les initiatives foisonnent d'une façon que personne n'avait imaginée : fusion des universités de Strasbourg et coopération renforcée avec l'université de Karlsruhe ; Metz et Nancy sur la voie de l'Université de Lorraine ; à Grenoble, rapprochement au sein du PRES en vue d'une fusion, diplôme commun « Université de Grenoble » ; l'université de Savoie membre fondateur du PRES Grenoble Alpes, etc.
L'université de Savoie est un exemple de ce qu'une petite université – petite par la taille uniquement – peut réaliser.
J'entends tous ceux qui n'osent pas reconnaître ce succès gémir sur les « petites universités » et sur la loi LRU qu'ils n'osent plus jeter au panier ; ils voudraient, sous couvert de collégialité, revenir à l'impuissance, à la paralysie et à un égalitarisme de façade qui bride les meilleurs et ceux qui veulent avancer. L'excellence n'est pas un gros mot !
Un seul terme traduit toute la différence entre cette vision passéiste de l'université et de la recherche et la nôtre, dynamique et personnalisée : la confiance. Nous faisons confiance à nos chercheurs, qui le méritent – les prix Nobel et autres récompenses décernés à Jules Hoffmann, Albert Fert, Cédric Villani, Ngo Bao Chau, Yves Meyer en témoignent. Nous avons confiance en leur envie de progresser, en leur capacité à faire évoluer les structures.
Pour être complet, les investissements d'avenir, le plan de relance et l'opération Campus viennent compléter les dotations récurrentes. L'amélioration des bâtiments contribue à créer une dynamique pour les chercheurs.
J'aborderai maintenant des thématiques plus spécifiques.
Je note avec satisfaction que les conditions d'attribution des bourses se sont améliorées. Le dixième mois de bourses est bien une réalité cette année, comme vous nous l'avez annoncé, monsieur le ministre.
Il faut cependant lancer une initiative forte sur le logement étudiant. Les rapporteurs ont indiqué que les cités universitaires devraient être plus nombreuses. Il faut également une certification stricte pour les logements privés, car trop de marchands de sommeil louent, sans vergogne, à des étudiants des masures insalubres à des prix exorbitants.
Qu'en est-il des moyens alloués au plan « Réussir en licence », de l'augmentation des heures d'enseignement, de la disponibilité et de la formation des enseignants ?
Si les PRES connaissent parfois un grand succès en tant qu'accélérateurs de coopérations, ils peuvent aussi être court-circuités pour le renforcement de ces mêmes opérations.
Les centres de recherche comme les grandes écoles ont parfois du mal à intégrer un PRES. Les pôles de recherche présentent une grande hétérogénéité. À défaut de cadre rigide, ne faut-il pas quelques incitations, voire quelques fléchages pour les aider à progresser ?
S'agissant de l'Agence nationale de la recherche, les autorisations de programme progressent davantage que les crédits de paiement. Il faut un suivi pour ne pas se trouver devant un vide par manque de crédits de paiement et pour assurer à l'agence une visibilité à long terme.
J'en viens au crédit d'impôt recherche. Bien sûr, il faut le maintenir, tout en évitant les abus. C'est un avantage compétitif considérable, en particulier pour les entreprises naissantes, les start-up et les PME, et le regard de ces dernières sur les docteurs s'en trouve changé.
Il y a eu un engouement extraordinaire pour les investissements d'avenir, mais il faut que les recalés du premier tour bénéficient d'une seconde chance, d'un rattrapage.
En liaison avec ces investissements d'avenir, j'aborderai maintenant les sociétés d'accélération du transfert technologique, les SATT, et les consortiums de valorisation thématiques, les CVT.
L'université Joseph-Fourier de Grenoble a créé une société privée de valorisation, Floralis, qui fonctionne très bien et qui lève des fonds privés plutôt que d'attendre des subventions publiques.
Je ne vois pas ce qu'une SATT apportera de plus. Il existe dans le monde des modèles de valorisation performants. Je citerai Leuven, en Flandre, et Louvain-la-Neuve, en Wallonie. Les structures de valorisation sont partie intégrante de l'université, avec à leur tête un vice-recteur chargé, à Louvain-la-Neuve, du service à la société. Je ne crois pas au succès d'une structure qui ne soit pas l'émanation même de la structure de recherche ou de l'université. D'ailleurs, peut-être faudrait-il éditer un guide pour que les centres de recherche, les PRES et les universités puissent gérer au mieux l'interface avec le monde de la société et celui de l'industrie.
J'ai demandé à M. Ricol quelle était la place des alliances de recherche. J'ai organisé, à l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, une audition afin de dresser un premier bilan. J'y ai rencontré des gens motivés, enthousiastes, ayant vraiment envie de travailler autour d'objectifs partagés. M. Ricol les a réunis en ma présence pour leur parler de leur rôle dans la coordination des CVT. Monsieur le ministre, si vous voulez que l'enthousiasme perdure, il faut donner aux alliances un rôle et de la considération, notamment dans le domaine des sciences humaines et sociales qui cherchent leur place dans ce paysage de la recherche en pleine évolution.
C'est une grande ambition que de vouloir faire du plateau de Saclay un pôle d'enseignement et de recherche à visibilité mondiale, un pôle d'excellence. J'ai organisé la semaine dernière, dans le cadre d'une étude sur l'innovation que je conduis avec Jean-Yves Le Déaut et Pierre Lasbordes, une audition publique sur ce sujet au sein de l'OPECST. Il y a un engagement certain, y compris de la part de ceux qui sont déjà à un haut niveau et souhaitent progresser encore. Il reste des points non réglés qui favorisent l'attentisme, pour ne pas s'engager dans l'incertitude ou pour ne pas prendre part au travail collectif. Il me semble qu'il faudrait à tout le moins un chef de projet, coordinateur général, et une information qui circule entre tous les partenaires. J'ai été surpris du nombre de personnes impliquées dans le projet qui ont demandé à assister à l'audition, pour s'informer.
Enfin, un pôle mondial ne peut exister pour lui seul. Il lui faut rayonner, au sens propre, c'est-à-dire chauffer comme les rayons du soleil tous les centres de recherche et universitaires qui seront amenés à coopérer avec lui.
Je ne voudrais pas achever mon intervention sans parler de l'évaluation et rendre un hommage appuyé à Jean-François Dhainaut, qui a créé en un temps record l'AERES, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, constitué un panel d'évaluateurs, dont beaucoup d'étrangers, évalué toutes les équipes de recherche et les organismes. J'insisterai sur la méthode, faite de dialogue ouvert, visant à infléchir les orientations et à conseiller. Sans enlever un quelconque mérite à son successeur, je veux dénoncer les conditions brutales de son éviction. Il ne méritait pas cela, compte tenu du travail qu'il avait accompli.
Aujourd'hui, la recherche est de plus en plus pluridisciplinaire, et c'est très bien. Il faut que l'évaluation suive cette évolution.
En conclusion, surtout dans les périodes de crise, le meilleur signe qui puisse être donné de la confiance dans l'avenir est celui d'investir dans l'intelligence, dans la connaissance, dans les capacités de l'homme. C'est pourquoi le groupe UMP votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de budget, dernier de la législature, m'amène à dresser un bilan. Toutefois, mon constat, triple, ne sera pas le même que celui de M. Birraux.
Premièrement, il y a un écart entre ce qui a été annoncé et ce qui existe vraiment. Les crédits de la mission stagnent ou diminuent. Pour illustrer mon propos, je prendrai trois exemples.
Les crédits du programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », augmentent de 2,3 % en crédits de paiement, ce qui équivaut à une différence positive de 238 millions d'euros. En fait cette évolution devrait tenir compte de l'inflation c'est-à-dire de la perte du pouvoir d'achat constaté en 2011. En effet l'inflation sur douze mois sera vraisemblablement de 2,1 % à la fin de 2011, soit 0,5 % de plus que prévue à la fin de 2010 et elle sera vraisemblablement de 1,7 % à la fin de 2012.
Ce sont donc un peu plus de 260 millions d'euros qui seront en fait dédiés à la hausse des prix. Il manquera pour ce seul programme près de 30 millions. Autrement dit, le projet de budget ne prévoit même pas la hausse des coûts de personnel des universités liée au glissement vieillesse technicité. Et, si l'on examine uniquement l'action « Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence », les crédits diminuent, puisque ce sont plus de 51 millions qu'il aurait fallu inscrire pour les maintenir à leur niveau de 2011.
Si les crédits du programme « Vie étudiante » augmentent de 86,2 millions d'euros, on constate que si l'on retranche ce que représente l'évolution du coût de la vie, l'augmentation n'est plus que de 40 millions environ.
Mon deuxième constat est relatif à l'insuffisance de transparence et de performance de l'utilisation des crédits et des dépenses fiscales. Ici encore, plusieurs exemples peuvent être pris.
En 2012, le Gouvernement diminue les crédits affectés aux trois premières années d'enseignement supérieur en faisant stagner les crédits et en ne les réévaluant pas du strict montant nécessaire. Là où des efforts particuliers pour assurer la réussite du plus grand nombre d'étudiants sont indispensables, l'objectif de faire bénéficier chaque étudiant de premier cycle de 1 500 heures d'enseignement risque d'être difficile à atteindre. Aucune raison n'est donnée à cette baisse.
Les universités, par le truchement de la Conférence des présidents d'universités, s'interrogent sur les moyens dont elles disposeront pour assurer leurs nouvelles missions et leur activité de gestion. 191 millions d'euros d'augmentation sont fléchés pour la retraite des agents, ce qui ne laisse que 40 millions environ pour le reste des dépenses de fonctionnement. Sachant que la dotation versée aux universités a un caractère global et ne tient pas suffisamment compte des différences démographiques relatives à leur personnel, certaines d'entre elles seront dans l'impossibilité de voter un budget tenant compte du GVT.
Aussi aboutissons-nous à une situation où l'autonomie est certes inscrite dans la loi, mais pas dans les moyens la garantissant. Le transfert des moyens s'est opéré sans que soient pris en compte de façon suffisamment fine la démographie et les coûts de personnel qui s'ensuivent.
Demain, certaines universités ayant davantage de responsabilités depuis la loi LRU, notamment en matière de gestion des personnels, risquent de ne pas pouvoir voter leur budget en équilibre et de devoir en déléguer l'adoption au recteur.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué en commission que les universités feraient l'objet de mesures appropriées. Pour ce faire, vous avez distingué trois catégories d'universités : celles n'ayant pas reçu ce qu'elles devaient recevoir au moment du transfert de compétences, celles devant faire l'objet d'une réévaluation du fait des évolutions, celles qui seraient mauvaises gestionnaires. Mais vous ne nous avez pas précisé quelle estimation a été faite des montants nécessaires, ni quels crédits sont prévus pour faire face à cette dépense, du reste déjà existante.
Si l'on s'intéresse à l'action 3 du programme « Vie étudiante », on voit que l'augmentation n'est que de 0,5 %, ce qui signifie une réduction de fait des crédits fléchés pour la santé des étudiants au travers du financement des services universitaires ou interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé. Alors que la dernière enquête sur la santé des étudiants met en évidence une dégradation de celle-ci, et même un renoncement à se soigner pour un tiers d'entre eux, les crédits baissent.
Selon un des rapporteurs pour avis, la santé des étudiants est un problème important. De fait, ils ne se soignent pas. Là encore, aucune explication cohérente avec les priorités énoncées antérieurement n'est donnée.
Concernant les aides aux étudiants, il semble que le versement du dixième mois de bourse ait pour contrepartie le report dans le temps des versements prévus pour les mois à venir. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous certifier qu'il n'en est rien ?
S'agissant de la recherche universitaire, les crédits de l'action portant sur les sciences de la vie diminuent de 12 %, sans que soit donnée aucune justification de cette réduction significative.
On le voit, ce budget 2012 est plein de surprises, mais de mauvaises surprises. de stagnations et de diminutions de crédits qui viennent contredire les priorités affichées.
À 1'insuffisance de transparence font écho l'opacité des dispositifs nouveaux et celle de leur performance pourtant proclamée.
Je prendrai deux exemples. Concernant l'effort de recherche général, il apparaît qu'il se fait au travers d'une dépense fiscale qui est le crédit d'impôt recherche. En 2010, le coût de ce dispositif a été, pour les finances publiques de 4,7 milliards d'euros. Parallèlement, les dépenses de recherche et développement des entreprises n'augmentent que modestement, 1 % en 2009. Sur la période 2007-2012, sur 5 milliards d'euros d'augmentation des crédits en faveur de la recherche, moins d'un tiers aura été consacré à la recherche publique.
En juin 2010, un rapport parlementaire avait fait deux recommandations : créer des équipes communes de contrôle du crédit d'impôt recherche entre les services fiscaux et les services du ministère de la recherche, au niveau central et dans les principales régions françaises ; mettre en place des outils quantitatifs et qualitatifs de suivi de la performance du crédit d'impôt recherche.
En commission, le rapporteur pour avis sur les crédits de la recherche a indiqué laconiquement que « les contrôles de l'utilisation optimale de cette dépense [étaient] encore perfectibles ». J'ignore s'il faut comprendre cette affirmation comme une litote ou comme le constat d'une demi-réalisation.
Je m'interroge en outre sur la nature des crédits du grand emprunt. Il est habituel de considérer que, sur les 35 milliards d'euros, les investissements d'avenir dont bénéficie la recherche française atteignent 22 milliards d'euros.
D'une part, il convient d'avoir à l'esprit que ce sont les intérêts de ce grand emprunt dont bénéficient les projets et non le capital que constituent les titres ou les bons détenus par l'État. D'autre part, les intérêts servis ne résultent pas des titres émis ou d'argent placé, mais correspondent à des intérêts économisés et à des crédits non dépensés. La rémunération des opérateurs qui bénéficient des sommes ainsi placées est déterminée par l'État ; quant aux intérêts versés, ils viennent en réduction des dépenses budgétaires. Aussi le financement des projets d'excellence que vise le grand emprunt a-t-il sa part d'obscurité et constitue-t-il à bien des égards une opération de débudgétisation des crédits de la recherche échappant au contrôle de l'Assemblée.
Il convient enfin d'évoquer la mise en réserve, demandée par l'État, de crédits affectés aux organismes de recherche. De nombreux organismes ont d'ores et déjà reçu consigne de mettre en réserve une partie des crédits que nous voterons et qui leur seront alloués, les taux applicables au titre de cette mise en réserve étant doublés par rapport à 2011 – ils passent de 0,25 à 0,50 % pour les dépenses de personnels et de 3 à 6 % pour les autres dépenses de fonctionnement. Ainsi, la baisse réelle des crédits disponibles sera plus importante que celle prévue par le projet de loi de finances.
Je conclurai sur la vision du Gouvernement sur l'université et sur la recherche, vision qui l'a conduit à ne pas leur donner la place d'avenir qui leur est due.
En 1995, la France occupait la sixième place en matière d'enseignement et de recherche au sein de l'OCDE alors qu'elle ne vient qu'au treizième rang aujourd'hui. En ce qui concerne la seule recherche civile, la France se situe même au vingt-sixième rang et, depuis 2007, le credo du Gouvernement est que l'université coûte trop cher, que les moyens sont trop dispersés, que les enseignants et les chercheurs n'en font pas assez, que notre innovation n'est pas concurrentielle dans la compétition mondiale, et ce malgré, dixit le Président de la République, un effort sans précédent et sans équivalent au monde.
Le postulat du développement de l'université et de la recherche doit être inverse : nous avons un devoir de financement de la recherche et de l'enseignement supérieur qui, s'il est une charge, constitue avant tout un investissement. L'insuffisance de financement a un coût : celui du déclassement de notre recherche et celui de l'échec toujours trop important de nos étudiants.
Les députés de mon groupe ne veulent pas, par conséquent, d'un budget caractérisé par une baisse des crédits, par des dépenses fiscales peu ou pas contrôlées et par une absence de vision d'avenir pour un secteur clef pour le pays, pour les générations à venir. Au total, les crédits alloués à la recherche nous paraissent insuffisants et loin d'être à la hauteur des promesses d'il y a cinq ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le Gouvernement prétend présenter cette année un budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » en hausse. D'un point de vue formel, ce n'est pas inexact puisque, comparés à l'année précédente, les crédits augmenteraient cette année de 1,7 % en autorisations d'engagement et de 1 % en crédits de paiement en euros courants.
Mais, une fois de plus, il s'agit d'une présentation en trompe-l'oeil. En effet, si nous retirons l'opération de transfert progressif du paiement des pensions, la hausse annoncée se révèle sensiblement plus modeste puisque se réduisant à 1 % en autorisations d'engagement et à presque rien en crédits de paiement : 0,008 %. Nous observons surtout que la composante « recherche » proprement dite régresse de 0,1 % en autorisations d'engagement et de 1,4 % en crédits de paiement.
Au total, ces deux dernières années, les crédits de la mission auront chuté de plus de 4 % en euros constants et se trouveront l'an prochain à un niveau inférieur à celui de 2007, toujours en euros constants.
De fait, la situation depuis 2007 n'est guère reluisante. Une fois de plus, les postures d'affichage masquent la réalité. Aucun emploi statutaire n'a été créé, le nombre de CDD et de contrats précaires a explosé : 15 000 pour la seule Agence nationale de la recherche.
Vous n'avez pas réussi à développer la recherche privée qui reste l'un des principaux handicaps de notre pays. Vous voulez transformer les laboratoires de recherche publics en prestataires de service des entreprises mais vos décisions conduisent, comme chez SANOFI, à la fermeture des centres de recherche de grandes entreprises privées trop heureuses de profiter de l'aubaine.
Un effet d'aubaine que l'on retrouve dans le crédit d'impôt recherche, cette niche fiscale au coût exorbitant – 5,8 milliards d'euros en 2009 –, et qui n'a pas atteint ses objectifs. Indépendamment même des abus manifestes dénoncés par la Cour des comptes depuis 2009, nombre d'économistes, au sein du très libéral Cercle des économistes, par exemple, s'accordent à considérer que ce dispositif n'est pas suffisamment ciblé. Nous partageons leurs réserves et lui préférerions un dispositif d'aides directes réservé aux PME, à l'instar de ce qui se pratique en Allemagne ou au Pays-Bas.
C'est pourquoi nous estimons indispensable que ce dispositif soit revu afin qu'il impulse une réelle dynamique de croissance et d'emploi, ce qu'est loin de promettre le dispositif en vigueur.
La France se trouve aujourd'hui au quatorzième rang mondial pour l'effort de recherche. L'objectif de consacrer à la recherche 3 % du PIB en 2012, promis par Nicolas Sarkozy, sera demeuré un voeu pieux. Car pour atteindre 3 % du PIB, il faudrait pendant dix ans augmenter son budget au minimum de 5 % par an hors inflation et hors croissance du PIB. C'est dire que, sans une politique volontariste, la France risque d'occuper durablement le vingt-sixième rang mondial, sur trente-deux pays classés, pour le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Quant au financement, par la voie du grand emprunt, des pôles d'excellence, à 1'evidence il ne permettra pas de sortir de l'ornière. Bien au contraire, car il a en réalité pour objectif de promouvoir un système universitaire à deux vitesses, ce qui aura pour conséquences le renforcement des inégalités territoriales, la marginalisation de la moitié des universités, la soumission de l'autre moitié à une gouvernance rigide, excluant des processus décisionnels les représentants des personnels et des étudiants.
Il ne s'agit pas de notre conception de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous sommes à l'opposé de vos orientations, car nous sommes favorables à des financements pérennes, adossés au budget de l'État et conformes aux missions de production et de transmission des savoirs propres à l'université.
Avec l'immense majorité des chercheurs, nous sommes de fervents défenseurs de l'autonomie de la recherche et des universités, tandis que, pour vous, l'autonomie signifie la concentration du pouvoir dans les mains de présidents d'université transformés en purs gestionnaires. Elle se traduit en vérité par une perte d'autonomie des laboratoires de recherche et aura pour corollaire, à terme, l'étroite soumission des présidents d'université aux logiques du marché.
Pour nous, la priorité est au contraire de garantir l'autonomie de la recherche et des universités vis-à-vis des marchés. C'est pourquoi nous voterons contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où la France doit se fixer comme objectif intangible la réduction de ses déficits, il faut faire preuve de responsabilité et penser à l'avenir. Nous approuvons par conséquent le choix du Gouvernement de maîtriser les dépenses publiques puisqu'il permet dans le même temps de respecter ses priorités, aussi bien en matière de recherche, d'enseignement supérieur, de politique sociale, qu'en ce qui concerne les missions régaliennes de l'État. C'est du reste dans ce contexte financier contraint que le Gouvernement a tenu sa promesse d'accorder aux étudiants un dixième mois de bourse.
Nous en sommes convaincus, il est important que les universités conservent les moyens de construire leur budget sans toucher à la pédagogie ni aux politiques transversales en faveur des étudiants. Or ce budget le permet.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour souligner une anomalie dont les effets négatifs sont considérables : les vingt écoles nationales supérieures d'architecture font partie des rares formations de l'enseignement supérieur qui ne relèvent pas du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, puisqu'elles sont sous la tutelle directe du ministère de la culture après un bref rattachement au ministère de l'équipement.
Il en résulte un statut un peu à part au sein de l'enseignement supérieur et surtout un manque de financement évident. Ainsi, l'AERES, dans sa dernière évaluation, a pointé le niveau très faible des ressources financières propres de l'école d'architecture de Paris-Belleville.
Autre chiffre frappant : l'État a consacré l'année dernière à un étudiant en école d'architecture 6 800 euros par an, soit 13 % de moins que l'année précédente. Autrement dit, l'État consacre cinq fois moins d'argent pour former un architecte que pour former un ingénieur, et trois à quatre fois moins que la moyenne européenne pour l'enseignement de l'architecture, alors que la France compte moitié moins d'architectes, que la demande de nouveaux architectes se fait massive et que les départs à la retraite dans ce secteur sont très nombreux.
Depuis le rattachement des écoles nationales d'architecture au ministère de la culture, aucun acquis d'envergure n'a été obtenu ; les enseignants, dont les grilles d'avancement n'ont pas été modifiées depuis l'époque où lesdites écoles relevaient du ministère de l'équipement, se sentent méprisés par leur tutelle. L'enseignement lui-même n'est pas conçu comme un service public prioritaire et stratégique, mais comme une charge administrative supplémentaire, étrangère aux soucis du ministère.
Pourtant, 15 000 étudiants sont concernés, qui ont des problèmes propres à leur situation, qu'il s'agisse des bourses, des moyens d'étudier, des budgets de fonctionnement ou même des questions relatives aux PRES.
Il existe en particulier un vrai problème : l'application de la réforme LMD aux écoles d'architecture. Il serait utile que votre ministère ouvre des négociations pour que celles-ci puissent enfin délivrer de vrais diplômes universitaires.
Son actuel rattachement institutionnel place l'architecture dans une situation baroque : elle est rattachée à la direction du patrimoine alors qu'elle traite d'enjeux urbains, territoriaux et environnementaux.
Soit l'on considère les écoles d'architecture comme des établissements de formation, relevant donc normalement du ministère de l'enseignement supérieur, soit l'on tient compte du domaine dans lequel vont évoluer ces futurs architectes, et il faut les rattacher au ministère dont relèvent l'urbanisme, l'aménagement, la construction et l'habitat.
Il est évident que la dissolution de l'architecture dans une direction soucieuse du patrimoine, et celle des écoles d'architecture dans un ministère qui n'a pas vocation à traiter d'enseignement supérieur, de recherche et de construction, aboutissent aujourd'hui à affaiblir l'enseignement de l'architecture.
Face à cette crise, pourquoi ne pas organiser des états généraux de l'enseignement de l'architecture afin de promouvoir la réorganisation de ce secteur qui se sent délaissé ? Je plaide, monsieur le ministre, pour un grand ministère de l'éducation nationale ayant sous sa responsabilité tout l'enseignement supérieur.
Très bien ! (Sourires.)
Je ne comprends pas que l'école d'agronomie dépende encore du ministère de l'agriculture ni que l'école navale dépende encore du ministère de la défense.
Un mot sur la recherche : on retiendra de cette législature qu'enfin la France, qui pendant longtemps n'a pas voulu s'inscrire dans la compétition mondiale à laquelle se livrent les grands systèmes d'enseignement supérieur, a changé d'époque. Il s'agit d'un acquis considérable pour notre pays. Le développement des PRES constitue ainsi un outil permettant à nos établissements d'avoir une taille suffisante pour apparaître dans le palmarès, tout comme la loi LRU a permis de donner aux universités les moyens d'entrer dans la course aux meilleures places.
Certes, il ne faut pas avoir les yeux braqués sur les classements, qui n'avantagent pas un pays comme le nôtre, marqué par un système d'enseignement dichotomique entre grandes écoles professionnalisantes, d'un côté, et universités où s'effectue la recherche, de l'autre. Reste qu'ils existent et qu'il faut faire avec. Ils montrent en tout cas que nous sommes très bien reconnus dans certaines spécialités comme les mathématiques – avec l'octroi de la médaille Fields l'année dernière –, et que, dans certains secteurs des sciences humaines et sociales, la France est incontestablement leader.
Pour notre pays, c'est désormais un changement radical de culture et de stratégie, et ce n'est pas rien que de faire changer les mentalités en France ! C'est dans cette voie que nous devons poursuivre nos efforts si nous voulons préserver et même accroître 1'excellence de notre système d'enseignement supérieur.
Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ayant été, en juillet 2007, porte-parole du groupe UMP pour la réforme sur l'autonomie et la responsabilité des universités, je me souviens de tous nos débats. Sur la gauche de cet hémicycle, on nous avait prédit la catastrophe, un avenir noir pour nos universités et leurs enseignants chercheurs. Et pourtant...
Oui : et pourtant, plus de quatre ans après, cette réforme s'avère être une entière réussite. Tous les acteurs de l'université sont unanimes : il y aura un avant la loi LRU et un après la loi LRU.
Cette réforme est une réussite parce que toute la communauté universitaire a compris son enjeu. Chacun à sa manière s'y est investi. Mais le plus important est que nous avons donné à chaque université la capacité de définir librement sa propre stratégie d'enseignement et de recherche. Et nous lui avons permis de la mettre en oeuvre en assurant aussi bien son ouverture à tous les jeunes que son exigence intellectuelle.
Si ce principe d'autonomie et de responsabilité était indispensable, il n'était pas suffisant. C'est pour cette raison que le Président de la République et le Gouvernement sont allés encore plus loin. Grâce à un effort budgétaire inégalé depuis des décennies, le budget de l'université a augmenté en moyenne de 22 % par an depuis 2007, soit 9 milliards d'euros en cinq ans.
À cet effort exceptionnel sont venus s'ajouter un plan Campus de 5 milliards ainsi qu'une partie des investissements d'avenir, pour 22 milliards. Qui, aujourd'hui, peut contester ces éléments ? Qui, aujourd'hui, peut désapprouver le travail réalisé ? Personne !
La transformation de notre système universitaire est en marche parce qu'elle s'est appuyée sur deux piliers indispensables.
Le premier : rendre nos universités plus lisibles et plus puissantes en valorisant l'excellence scientifique, en donnant à ses enseignants et ses chercheurs les moyens de leurs ambitions, en créant des campus capables de se comparer aux plus grands pôles internationaux.
Le second : former nos étudiants aux exigences des métiers de demain, en leur fournissant un accompagnement personnalisé, en leur offrant des conditions de travail plus appropriées, et en donnant, enfin, comme nouvelle mission à l'université leur insertion professionnelle.
Je voudrais revenir sur les investissements d'avenir et leur mise en oeuvre concrète, Pour beaucoup de nos concitoyens, il est difficile de mesurer l'enjeu que traduit cet effort sur les dépenses de l'État.
Pourtant, ce sont des projets bien réels. En effet, 800 projets ont été déposés, ce qui est le symbole de l'enthousiasme des chercheurs. Ont été retenus 219 projets. Et 11 milliards d'euros sont déjà engagés.
Ces projets vont, sans conteste, changer le quotidien des chercheurs, des étudiants, mais aussi des entreprises et, plus largement, des citoyens. Ils se déclinent dans plus d'une centaine de villes, choisis par un jury international et indépendant. Ils ont, pour la plupart, de nombreux partenaires, des laboratoires de recherche, des entreprises, ou encore des hôpitaux. Ils couvrent de nombreux domaines : biologie, biochimie, neurosciences ou nouvelles technologies, par exemple.
Ils représentent avant tout l'incroyable potentiel qui est entre les mains de nos chercheurs. Grâce à leurs travaux de recherche, la technologie avance, les entreprises s'associent et tous ensemble contribuent à l'innovation. Car l'innovation, c'est bien la déclinaison concrète des résultats de recherche, pour améliorer la vie de chacun de nous, par exemple au travers de nouveaux vaccins ou de nouveaux moyens énergétiques.
C'est donc bien par l'innovation que nous relancerons notre économie. C'est grâce à elle que nos PME seront compétitives. C'est par elle que nous créerons les emplois de demain.
Monsieur le ministre, si cette première phase des investissements d'avenir est bien engagée, il semble que la mise en oeuvre concrète des conventionnements reste assez complexe. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point et sur le calendrier prévu pour les versements de cette première vague de projets ?
Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous êtes un ministre heureux. En tout cas, vous devez faire beaucoup d'envieux au sein du Gouvernement. En plein âge d'or budgétaire de l'université, comme le proclamait en début d'année votre prédécesseure, Mme Pécresse, vous parachevez, avec ce budget 2012, l'oeuvre de tout un mandat : « faire de l'université une priorité en déversant sur elle des moyens financiers considérables », comme le disait le Président de la République.
Ainsi donc, comme l'ont encore redit ce matin plusieurs orateurs de la majorité, l'université et la recherche auraient été dotés au cours de la période écoulée, entre 2007 et 2012, de plus de 9 milliards d'euros supplémentaires, comme s'y était engagé le Président de la République.
Encore ce chiffre de 9 milliards ne tient-il pas compte des investissements d'avenir, du plan de relance, de l'opération Campus, que sais-je encore. Je ne suis pas sûr que vous ne nous annoncerez pas demain, monsieur le ministre, un nouveau plan, une nouvelle dotation venant remplir l'escarcelle des établissements et des laboratoires.
Face à tant de largesses, mais toujours dans l'intérêt supérieur de la nation puisque telle est la priorité annoncée, vous avez de la difficulté à comprendre, monsieur le ministre, les réserves réitérées des présidents d'université, l'inquiétude et l'agacement des enseignants-chercheurs, l'interpellation des étudiants.
Votre forte communication vise à extraire le champ universitaire du contexte de rigueur budgétaire, mais le constat partagé par l'ensemble des acteurs, au-delà de cet hémicycle, est que le compte n'y est absolument pas, contrairement à ce que vous affirmez.
Je ne sais pas si vos chiffres sont faux. En tout cas, la méthode de calcul et la présentation que vous en faites sont abusives. Il y a là une forme de manipulation budgétaire, un tour de passe-passe un peu grossier tout de même.
Les propos que vous avez tenus lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation le rappellent à l'envi : on mélange allègrement des dépenses budgétaires et extrabudgétaires. Comment s'y retrouver ? On change en permanence le périmètre des choses, ce qui est aussi un effet du passage à l'autonomie. L'exemple du transfert progressif des dépenses de retraite est assez clair à ce sujet.
Vous annoncez une croissance budgétaire de 1,7 % en autorisations d'engagement et de 1 % en crédits de paiement. Qu'en est il réellement ?
Vous serez sans doute d'accord avec moi, monsieur le ministre, sur le fait que si l'on retranche l'opération de transfert progressif sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » du paiement des pensions, la croissance budgétaire annoncée diminue fortement. Or, on peut retirer ces crédits puisqu'il s'agit tout simplement de sommes que l'État se reverse à lui-même.
Si l'on tient compte de l'inflation retenue, ce budget ne se traduit plus par une simple stagnation des crédits, mais par une véritable perte de moyens de fonctionnement directement mobilisables par les universités. C'est encore plus vrai si l'on y ajoute le gel des crédits imposé aux établissements.
Votre présentation budgétaire n'occultera pas non plus le fait que la faible progression des crédits effectivement mobilisables sera essentiellement affectée, en 2012, aux établissements qui passent cette année aux responsabilités et compétences élargies.
Rien de plus, donc, en 2012, pour le fonctionnement des établissements, et ce après un budget 2011 qui était lui aussi en régression, contrairement aux budgets antérieurs.
Ou alors, les présidents d'université seraient-ils de si mauvais gestionnaires qu'ils se voient pour nombre d'entre eux dans l'incapacité de boucler leur budget 2012, à moins de tailler dans les dépenses d'enseignement ?
Ceux-là mêmes qui avaient plutôt bien accepté et accompagné le passage à l'autonomie mesurent aujourd'hui les difficultés auxquelles ils ont à faire face.
Un certain nombre d'universités avaient sans doute mal négocié le passage à l'autonomie et se sont trouvées, de ce fait, sous-dotées dès le départ. En l'absence de rattrapage, elles se trouvent dans une impasse budgétaire.
Toutes ont à assumer le coût réel de l'autonomie, qui a généré des dépenses de fonctionnement nouvelles, lesquelles n'étaient pas prévues au départ. Je pense aux systèmes d'information, par exemple. Et puis, il y a aussi l'augmentation des charges incontournables, par exemple les dépenses d'énergie.
La conséquence prévisible, c'est le gel des postes – quand ce n'est pas la suppression de postes –, alors que des besoins de personnel devraient être satisfaits pour remettre l'université à niveau. La mise en oeuvre de l'arrêté du plan licence sera d'ailleurs très difficile. Les établissements seront dans l'incapacité, en particulier dans des disciplines comme les lettres, les langues, les sciences humaines, les sciences sociales, de fournir aux étudiants de premier cycle les 1 500 heures d'enseignement souhaitées et souhaitables.
La conséquence, c'est aussi que les établissements seront dans l'incapacité de respecter les engagements nationaux concernant le régime indemnitaire des personnels, dont on rappelle pourtant à l'envi que les demandes sont « prises en compte ».
La conséquence, c'est qu'il sera impossible, dans ces conditions, de ne pas supprimer des emplois, contrairement à la présentation que vous nous faites, monsieur le ministre.
Certes, vous avez accepté, il y a quelques jours, de négocier une petite rallonge pour financer le GVT, mais cela ne suffira pas au rattrapage nécessaire.
Les engagements budgétaires pris par le Gouvernement pour la période 2007-2012 sont loin d'être tenus.
L'effort pour l'enseignement supérieur aura été dix fois moindre que celui que vous annoncez, et n'aura pas permis de rattraper le retard de financement des universités par rapport aux autres pays européens. Nous sommes très loin dans le classement mondial, et très loin des 3 % de PIB annoncés par le Président de la République.
Pour être valide, la nette augmentation de la dépense par étudiant que vous annoncez devrait recouvrir exactement les mêmes périmètres.
L'amélioration des conditions de la vie étudiante était aussi au coeur des engagements pris en tout début de législature. Certes, le dixième mois de bourse a été mis en place – c'est bien –, mais sans doute au prix de quelques contorsions budgétaires qui laissent penser que cet effort pourrait ne pas être pérenne.
Mais les taux de bourse sur critères sociaux, eux, n'ont pas été revalorisés et stagnent à 460 euros par mois pour le dernier échelon, ce qui, compte tenu de l'augmentation générale du coût de la vie, ne permet pas aux étudiants issus de familles défavorisées de s'en sortir.
Dans le contexte des difficultés sociales accrues que nous connaissons, il aurait été nécessaire, monsieur le ministre, d'abonder le fonds national d'aides d'urgence. Après l'avoir diminué de 10 millions d'euros en 2011, vous ne le restaurez pas en 2012. Il sera loin de pouvoir apporter les réponses nécessaires face à une paupérisation aggravée des étudiants.
Celle-ci est manifeste sur le volet santé, ce qui ne manque pas d'inquiéter les professionnels. Aujourd'hui, le tiers des étudiants ont renoncé à se soigner, ont abandonné l'idée même d'une prise en charge sanitaire.
Le doublement de la taxe sur les complémentaires santé ne fait certes pas partie du budget que nous examinons ce matin. Il va néanmoins peser lourd sur les mutuelles étudiantes déjà en difficulté. À terme, l'augmentation inéluctable des cotisations aux mutuelles ne pourra qu'aggraver la situation.
Si votre première priorité pour 2012 est l'amélioration des conditions de la vie étudiante, pourquoi baisser de 7 % les moyens alloués aux oeuvres universitaires ? Les CROUS éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés à remplir leurs missions. Il est totalement inexplicable que vous diminuiez les crédits qui leur sont attribués. Cela va immanquablement se répercuter sur les dépenses de personnel, sur les emplois contractuels et sur les emplois étudiants.
Ce sont là autant de choses que vous ne dites pas, monsieur le ministre, dans votre présentation budgétaire, et que nous n'avons pas entendues en commission. Ce sont pourtant des choses bien réelles, mais sans doute moins « sexy » que les milliards d'euros que vous annoncez et que nous ne trouvons pas, puisqu'ils sont virtuels.
Au cours de ce débat, d'autres orateurs de l'opposition sont revenus sur la réalité des crédits budgétaires. La croissance continue de la dépense fiscale ne peut en aucun cas occulter la situation préoccupante de la recherche publique.
Avant de conclure, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire à nouveau combien le choix de concentrer les moyens – notamment extrabudgétaires – sur un petit nombre de sites fragilisera inévitablement les universités de taille moyenne ou de petite taille.
On connaît pourtant l'importance, quoi que vous en disiez, de ces universités et de leur présence sur les territoires pour l'accès à l'enseignement supérieur, pour la qualité des formations professionnelles données et, tout simplement, pour la relation avec les territoires.
Nous ne sommes pas contre l'excellence, bien entendu, mais l'objectif du rayonnement international pour quelques entités ne peut impliquer l'abandon de toute perspective pour les établissements non retenus au titre des différents dispositifs. Pourtant, tel est bien le processus qui est engagé.
Monsieur le ministre, l'autonomie des universités, la compétitivité de notre recherche, l'amélioration des conditions d'études et de vie des étudiants sont des objectifs partagés par nous. Votre budget pour 2012, dans le prolongement des précédents, ne permet pas d'y satisfaire. Il manque de lisibilité et de cohérence. Nous ne le voterons donc pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après l'intervention de mon collègue Michel Vaxès relative aux crédits pour la recherche, je concentrerai la mienne sur ceux que le Gouvernement propose d'allouer en 2012 à l'enseignement supérieur.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé devant la commission des affaires culturelles vouloir maintenir « une priorité extrêmement forte sur l'enseignement supérieur et la recherche ». Le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne bénéficiera pourtant que d'une hausse de 1,69 %, insuffisante pour combler l'inflation évaluée à 1,7 % pour la même période. Cela ne semble pas vous avoir gêné pour fixer des contreparties en évoquant, dès l'introduction de votre document budgétaire, « une attente accrue à l'égard de la MIRES et de ses opérateurs pour mettre en oeuvre les politiques de modernisation menées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ». RGPP, rigueur, austérité : tel est votre unique projet pour la France et pour sa jeunesse. La crise derrière laquelle vous vous abritez est avant tout celle de la spéculation, de vos cadeaux aux plus riches et de votre renoncement à relever les défis que sont l'emploi, la croissance et l'éducation.
Le budget des universités, notamment, sera le grand perdant. En commission, vous êtes allé jusqu'à faire appel à la comparaison avec les universités grecques, espagnoles et portugaises pour faire valoir que les nôtres étaient finalement bien loties. Comment pouvez-vous vous satisfaire de la situation actuelle alors que la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance vient de rappeler que la France se situait en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE pour sa dépense moyenne par étudiant ?
Vous pouvez bien vous réjouir des « grues qui se sont multipliées sur [les] campus universitaires » ou des « bibliothèques au niveau » puisque, à l'exception notable des crédits octroyés aux établissements d'enseignement privés, ce sont quasiment les seuls crédits en augmentation.
Profitable aux partenariats public-privé, le plan Campus et autres investissements d'avenir continuent en outre de creuser les inégalités entre pôles de compétitivité et universités de proximité.
Les crédits pour la formation initiale et continue du baccalauréat à la licence sont encore en diminution, soit 8 millions d'euros de moins cette année après une baisse de 51 millions en 2011. Comment parler d'« amélioration de la réussite étudiante » alors que, de 40 % environ en 2006, le taux d'échec en licence est aujourd'hui passé à 50 % en première année ? Quant aux crédits pour la formation initiale et continue du niveau doctorat, ils sont, eux aussi, en régression.
Votre annonce, au lendemain de votre audition en commission, d'un financement de 14,5 millions d'euros pour compenser l'effet du glissement vieillesse technicité, était attendue par les présidents d'université qui avaient menacé de geler des recrutements pour assurer la rémunération de leurs personnels. Mais vous devrez nous expliquer où ces crédits seront prélevés puisque, selon votre communiqué, « le financement de la mesure se fera à l'intérieur des crédits ouverts en loi de finances initiale ».
Sachant que « cet accompagnement doit avoir pour contrepartie une responsabilisation encore plus forte des universités autonomes », la Conférence des présidents d'université devrait sans doute se méfier, elle qui attend toujours des réponses au reste de ses interrogations concernant le budget. Avec elle, nous continuons de déplorer que l'allocation des moyens se fasse toujours sur des critères de performances au mépris des inégalités sociales et territoriales.
S'agissant de la vie étudiante, vous avez encore décidé d'amputer les oeuvres universitaires étudiantes de 5,5 % de leurs crédits, ce qui est particulièrement inquiétant pour les personnels et témoigne d'une volonté de réduire le périmètre des CROUS pour laisser le champ libre à des acteurs extérieurs, souvent privés.
Vous nous avez confirmé que la pérennisation du financement du dixième mois de bourse n'était pas acquise, alors qu'il s'agissait d'un engagement du Président de la République, tandis que le fonds d'aide d'urgence, créé en 2008, est en stagnation et toujours soumis à des critères discrétionnaires.
La précarité des étudiants est grande au point qu'un étudiant sur deux est contraint de se salarier pour financer ses études et que 34 % des étudiants auraient renoncé à un traitement médical en 2011, en raison notamment de l'augmentation des frais. Vous avez pourtant balayé tous les amendements que nous avons déposés dans le cadre du PLFSS pour exonérer les mutuelles étudiantes du doublement de la taxe sur les complémentaires.
Parce que les députés communistes, républicains, du parti de gauche, ne peuvent cautionner ces choix, nous n'adopterons pas ces crédits pour l'enseignement supérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enseignement supérieur serait-il un passeport pour entrer dans la vie active ? Peut-être pas toujours si l'on évalue le devenir des étudiants à la sortie de certaines filières, mais, globalement, l'élévation du niveau des jeunes permet une meilleure insertion dans la vie active ainsi qu'une meilleure adaptation aux changements professionnels à venir.
En premier cycle ou en licence, nombre d'étudiants échouent, mais, pour ceux qui réussissent leurs études à l'université, certaines filières ne sont absolument pas en adéquation avec le marché du travail. Parfois aussi, certains concours, après obtention d'un master, présentent un rapport tel entre les places offertes et le nombre des candidats que 95%, voire 98 % des candidats échouent. Que deviennent ensuite ces étudiants ?
Aussi le rôle de l'évaluation me semble-t-il capital, qu'il s'agisse de mieux cerner quelle formation suivre pour quel travail ou pour quelle recherche, ou, surtout, de savoir ce que deviennent les étudiants après leurs études. Une telle évaluation permettrait en effet d'offrir dans l'enseignement secondaire une orientation véritable, qui ne se contente pas de participations à des salons de présentation des métiers ou de recherches sur Internet. Des temps de vraie confrontation avec les métiers me semblent beaucoup plus profitables.
Concernant plus précisément les questions de l'enseignement supérieur en province et de l'emploi dans les départements ruraux, nous savons, monsieur le ministre, votre souhait de voir créer des formations professionnelles supérieures offrant à des diplômés des débouchés immédiats. C'est souvent le cas des licences professionnelles qui sont pour nombre d'entre elles une véritable réussite dès lors qu'elles ont été créées en partenariat avec le monde professionnel. Pour prendre l'exemple de ma circonscription, la licence EPRE – Éclairage public et réseaux d'énergie – délivrée à Saint-Affrique permet à chaque étudiant sortant de la formation de se voir proposer en moyenne sept offres d'emplois !
Monsieur le ministre, le panel des problématiques est large dans le périmètre de votre ministère. Mais, ainsi que vous le proposez, on ne doit pas déconnecter le monde de l'emploi et celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. Aussi, je souhaite, pour plus d'efficacité, que soit poursuivi l'effort en faveur d'autres licences professionnelles, dès l'instant où elles sont créées en relation avec les besoins du monde du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur le budget de la recherche.
D'emblée, monsieur le ministre, je formulerai à votre égard des compliments en matière de communication. Comme celle qui vous a précédé dans ce ministère, vos talents de prestidigitateur laissent entendre à une grande partie de la population et même de la représentation nationale que la politique de recherche est ambitieuse et largement financée, que ce secteur est sanctuarisé, qu'il n'est pas du tout soumis aux efforts nationaux d'économies et qu'il échappe à la RGPP. De fait, il y a une apparente augmentation de moyens, autour de laquelle vous déployez d'importants efforts de communication. Malheureusement, ce n'est pas ce que perçoivent les chercheurs et les analystes économiques spécialisés. Ceux-ci vivent une régression pénible qui ne semble pas traumatiser nos collègues de droite – lesquels manifestent par leur absence aujourd'hui leur désintérêt constant pour la recherche française.
S'il faut reconnaître que la règle de diminution du nombre de fonctionnaires n'a pas été appliquée dans ce secteur, la progression promise des moyens budgétaires n'est pas au rendez-vous. C'est ce qui explique, ainsi que l'a rappelé Mme Karamanli, le recul de la France, passée de la sixième à la treizième place des pays de l'OCDE, voire au vingt-sixième rang si l'on considère la seule recherche civile. En effet, et malheureusement pour vous, monsieur le ministre, même si vous êtes en fonction depuis peu, il vous faut assumer dix ans de politique de la droite en matière de recherche et d'enseignement supérieur.
Comment expliquer ce contraste entre une présentation générale très optimiste et un vécu beaucoup plus difficile des professionnels de la recherche ? Comment comprendre la morosité, la démobilisation, voire l'angoisse de la plupart des chercheurs ? Un habile tour de passe-passe a permis de modifier le périmètre des activités et, surtout des moyens concernés.
En particulier, vous incluez dans la recherche des secteurs extérieurs à cette activité, comme l'aide aux entreprises. Celle-ci n'est pas inutile, surtout dans les temps actuels, mais est-il légitime de baptiser cet effort « soutien à la recherche » ? Dans le crédit d'impôt recherche, faut-il inclure de budgets à de multiples filiales d'entreprises, certaines d'entre elles échappant totalement à une activité de recherche proprement dite ?
Les chercheurs ne s'y sont pas trompés. Leur évaluation objective parvient toujours à la conclusion qu'à périmètre et à euro constants, nous assistons plutôt depuis dix ans à une diminution des moyens de la recherche française,...
..surtout si l'on considère les budgets pérennes.
Appauvrie, notre capacité d'innovation, de création, de performance, régresse. La place de la France, je le répète, recule : vous ne reniez pas, monsieur le ministre, votre appartenance à une droite décomplexée, la même droite qui, devant toute crise, toute difficulté financière dans le budget de l'État, choisit de diminuer d'abord les moyens de la recherche, du progrès, de la formation.
Il est possible de changer, non de présentation, mais de politique, d'adopter un projet plus courageux, porteur d'avenir et d'ambition pour la France. Vous pouvez, à l'instar de François Hollande, donner des possibilités réelles et des chances au génie français, tant grâce à une authentique prise en compte des étudiants et des chercheurs qu'à une progression des moyens et des capacités de la recherche et de la formation. Ainsi, et ainsi seulement, la France sortira de la crise, du chômage, de l'absence de croissance, de la récession, du recul dans le concert des pays développés aptes au progrès.
N'insultez pas l'avenir de la France, mais offrez-lui au contraire un formidable espoir, celui de redevenir un pays créateur d'un monde nouveau ; élevez le niveau de la formation dans l'ensemble des universités, sans élitisme excessif ni centralisme réducteur ; offrez des opportunités de recherche aux divers laboratoires, non pas seulement dans les très grosses structures, mais aussi dans les petits laboratoires, ceux qui souvent sont les plus jeunes, les plus imaginatifs, les plus porteurs de découvertes, de créations d'activités économiques nouvelles ; organisez le foisonnement de l'inventivité ! Pour peu que l'évaluation soit bien conduite, qu'elle ne soit pas seulement conservatrice, qu'elle mise sur les talents nouveaux, vous ne serez pas déçu. Cela ne demande pas forcément des moyens exorbitants, mais des priorités différentes, une autre organisation et une mobilisation des ressources comparable à celle des pays auxquels nous souhaitons nous mesurer.
Enfin, s'agissant de la recherche française et de ses besoins, comment expliquer, monsieur le ministre, que dans le budget de cette année, vous proposiez une diminution des moyens, dans un secteur qui, pourtant, n'est ni assez développé ni assez favorisé en France, la recherche dans les sciences du vivant, la biologie, la biotechnologie, la recherche médicale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite limiter mon propos à un seul sujet : la dégradation préoccupante des conditions de vie des étudiants en matière de logement, de santé et de ressources financières.
Nous le constatons tous dans nos circonscriptions, il y a aujourd'hui une montée préoccupante de la pauvreté et de la précarité pour de nombreux étudiants, dont votre budget 2012, monsieur le ministre, ne prend pas la mesure. Les résultats de la troisième enquête nationale sur la santé des étudiants, réalisée à l'initiative de la Mutuelle des étudiants, montre très clairement la dégradation de leurs conditions de vie.
Que dit cette enquête ?
La moitié des étudiants vit avec moins de 400 euros par mois – je rappelle que le seuil de pauvreté est aujourd'hui de 954 euros par mois. À ce jour, 30 % des étudiants déclarent travailler pour financer leurs études. Un quart d'entre eux jugent ces ressources financières insuffisantes et ont du mal à joindre les deux bouts. Il y a quelques semaines, d'ailleurs, une épicerie solidaire a ouvert ses portes sur le campus de Lyon 1. Cette précarité financière conduit nombre d'entre eux à renoncer aux soins : 34 % des étudiants disent avoir renoncé à consulter un médecin au cours de l'année écoulée et 19 % déclarent ne pas bénéficier d'une assurance maladie complémentaire. Je rappelle que, dans la population générale, cette situation concerne seulement 6 % de nos concitoyens.
La situation va encore s'aggraver, du fait de la décision injuste du Gouvernement de doubler la taxe sur les complémentaires santé. Cette décision va conduire plus d'étudiants encore à se désaffilier des complémentaires santé, uniquement pour des raisons financières. La conséquence sera dramatique sur le plan sanitaire, car elle exposera ces étudiants à des problèmes de santé plus lourds, qui coûteront plus cher à la sécurité sociale.
Face à cette situation alarmante, les quelques mesures nouvelles pour améliorer la vie étudiante dans le budget 2012 ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Le dixième mois de bourse est un engagement qui date de 2008. Il aura mis du temps à se concrétiser ! Nous attendons, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez, sur le plan financier, la pérennité de cette mesure.
Le Fonds national d'aide d'urgence reste stable cette année, après avoir baissé l'an dernier, alors qu'il est censé combattre la précarité qui progresse chez les étudiants. Les fonds pour les CROUS sont en diminution. Quant au passeport logement étudiant, avec la prise en charge de la caution solidaire pour impayés et le dépôt de garantie, il ne sera mis en place que dans deux régions seulement, à Lille et à Lyon.
Pendant ce temps, le coût de la vie étudiante flambe, et vous n'avez presque rien fait pour empêcher l'augmentation du prix des tickets de restaurant universitaire et des frais d'inscription.
Le courage aurait été, de la part du Gouvernement, de lancer une véritable réflexion sur une allocation d'autonomie sous conditions de ressources, financée à partir des ressources fiscales qu'il faut redéployer – je pense aussi à la fiscalité de la famille, qui est incohérente dans notre pays.
Le courage, monsieur le ministre, aurait aussi consisté à mettre en application ce que vous aviez préconisé en tant que parlementaire. Vous êtes en effet l'auteur d'un rapport sur la santé et la protection sociale des étudiants, publié en 2006 et contenant des mesures qui ne coûteraient pas très cher et qui mériteraient d'être mises en place, aujourd'hui, par le ministre Wauquiez.
Il est toujours plus difficile de mettre en oeuvre ce type de mesure, mais il me semble indispensable de changer de braquet, de passer un cap et de prendre véritablement en compte une situation qui est aujourd'hui très alarmante en termes de pauvreté et de précarité. Il faut mettre le paquet ! C'est ce que nous vous demandons, monsieur le ministre, mais malheureusement, dans ce budget, nous n'en voyons pas la concrétisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vais essayer de répondre maintenant de façon synthétique et je poursuivrai tout à l'heure en répondant à vos questions.
Je ferai quelques remarques liminaires de cadrage sur l'ampleur de ce budget et l'effort qu'il représente.
Le budget 2012 est placé sous le signe de la réduction des déficits publics. Personne, ici, ne peut s'exonérer de l'effort de maîtrise de la dépense publique. Dans un contexte budgétaire contraint, le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche apportera toutefois sa contribution à l'effort national.
Mais il n'y pas de rigueur aveugle qui condamne l'investissement dans notre avenir. Il n'y a pas de rigueur qui fasse l'impasse sur l'investissement dans la recherche et dans l'enseignement supérieur. Ce budget témoigne, sur le long terme, de l'ampleur de l'investissement consenti par le Gouvernement dans ce domaine.
Cela a été rappelé, notamment par Laurent Hénart, ce dernier budget nous permet de mesurer à quel point ce travail a été tenu sur la durée. Plus de 9 milliards d'euros supplémentaires auront été investis dans l'enseignement supérieur et la recherche sur la période 2007-2012. Et encore, puisque certains d'entre vous m'y invitez, j'aurais pu y ajouter les investissements d'avenir, le plan de relance et l'opération Campus ! Nous en sommes restés au coeur de l'engagement : 9 milliards d'euros supplémentaires de soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Pour l'année 2012, cet engagement se traduit également par des crédits budgétaires qui progressent en autorisations d'engagement, par la poursuite de la montée en puissance du crédit d'impôt recherche ou encore par la mobilisation de financements tels que les intérêts de l'opération Campus. S'y ajoutent, au titre des investissements d'avenir, 1,2 milliard d'euros de crédits.
Je ne prétends pas qu'il n'y ait pas d'efforts de gestion à mener. Je ne prétends pas non plus que, pour nos chercheurs, cela ne se traduise pas par des difficultés et des efforts demandés à tout le monde, comme dans d'autres secteurs de l'action gouvernementale. Pour autant, chacun peut mesurer à quel point ce secteur a été préservé, à quel point l'investissement a été tenu dans la durée et à quel point sa vocation à construire l'avenir de notre pays a été maintenue.
De ce point de vue, la dépense intérieure d'éducation, avec exactement le même périmètre d'évaluation, monsieur Deguilhem, est passée de 8 000 à 10 180 euros,soit une progression de 18 %. Si l'on fait le bilan, toutes majorités confondues, des quinze dernières années, force est de constater qu'il y a véritablement un changement de rythme concernant l'ampleur de notre investissement en faveur l'enseignement supérieur et la recherche.
Cela se traduit par quelques priorités simples.
Nous allons d'abord nous occuper des familles des classes moyennes – j'y reviendrai, car c'est l'une de nos priorités politiques fondamentales – en revoyant progressivement notre système de bourses pour mieux prendre en compte la situation de ces familles, notamment celles des classes moyennes modestes.
Ensuite, nous allons poursuivre l'accompagnement de l'autonomie des universités et aider à bâtir les campus de demain.
Enfin, nous allons poursuivre l'investissement dans la recherche afin de hisser notre recherche au plus haut niveau de compétition mondiale dans un certain nombre de domaines clés. La France a, dans ses chercheurs et dans la qualité de ses équipes de recherche, un atout majeur. L'objectif de nos investissements d'avenir, un peu partout en France, consiste à les aider par le biais d'équipements, de laboratoires d'excellence, à revenir au premier plan de la concurrence mondiale dans les domaines où, ces dernières années, l'investissement avait par trop manqué.
Permettez-moi maintenant de revenir sur les interventions des différents orateurs.
Monsieur Gorges, OSEO n'a plus le statut d'opérateur. Mais le détail des financements est bien apporté dans le « bleu », dans le programme « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ». C'est tout à fait normal, compte tenu de l'importance d'OSEO en matière d'innovation.
De ce point de vue – cela me permettra de répondre à plusieurs d'entre vous –, je ne crois pas à la possibilité de développer la recherche sans un appui industriel. La vieille vision du laboratoire de recherche déconnecté de la réalité du monde industriel ne tient pas. Nous avons besoin de faire fonctionner les deux ensemble. D'ailleurs, la recherche fondamentale y gagne. Très récemment encore, M. Jules Hoffmann, prix Nobel, a incarné la capacité d'avoir une recherche fondamentale de plus haut niveau et une déclinaison industrielle. Il est notamment le fondateur d'une start-up.
Concernant les deux sujets sur lesquels vous avez particulièrement insisté, monsieur Gorges, j'ai trouvé très intéressante votre suggestion relative au rescrit. Il n'est pas évident que nous puissions y associer OSEO, car cela pose des questions d'ordre juridique. Néanmoins, l'idée de donner une plus-value aux entreprises qui recourent à cette procédure me semble une piste intéressante.
Nous devrons faire le point sur le crédit d'impôt recherche en 2013. Cet outil a besoin de stabilité, plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, y compris M. Claeys – et je l'en remercie. Le crédit d'impôt recherche est un outil efficace et utile. Pour autant, comme tout outil, il est perfectible ; il a seulement besoin d'un minimum de stabilité dans le temps.
S'agissant du statut de la jeune entreprise innovante, le seul objectif est de mieux cibler les premières années de vie de l'entreprise. Je rappelle que la recherche, dans les jeunes entreprises innovantes, est financée à plus des trois quarts par des fonds publics. Il s'agit donc d'un soutien fort de l'État dans ces domaines.
Monsieur Claeys, je vous remercie d'abord de vos propos : se référer à la sagesse de l'Assemblée est toujours pour moi une formulation positive.
Vous connaissez très bien ces sujets et je ne reviendrai pas sur les questions dont nous avons débattu. Permettez-moi seulement de dire que la montée en puissance des crédits hors budget, avec toutes les procédures qui permettent d'y associer la représentation nationale, ne s'est pas faite au détriment des crédits budgétaires.
Les crédits récurrents des universités ont augmenté de 23 % entre 2007 et 2011. Les actions d'investissements d'avenir sont, pour leur quasi-totalité, des actions nouvelles qui ne viennent pas en déduction de financements récurrents.
Je vous remercie également, monsieur Claeys, de votre honnêteté sur le crédit d'impôt recherche, dont je sais que vous êtes l'un des défenseurs. Cela étant, défendre n'exclut pas les évolutions. Nous n'avons eu aucun affrontement sur ce sujet, mais je crois fondamentalement à l'utilité du CIR, et en particulier à sa capacité de créer un consensus national autour de notre recherche, y compris publique.
Enfin, s'agissant de l'Agence nationale de la recherche, je suis très attaché à ce que nous gardions une part importante de financement « blanc ». La recherche a besoin d'espace pour se mouvoir, elle ne peut pas être corsetée ni même excessivement encadrée. Bien entendu, il faut des appels à projets, mais il faut aussi laisser une marge à l'innovation et à la créativité de nos chercheurs. C'est pour cette raison que nous avons, aujourd'hui encore, plus de 60 % des financements de recherche dits « blancs ».
J'en viens maintenant aux propos tenus par M. Laurent Hénart.
Je vous remercie d'abord, monsieur le rapporteur spécial, du tableau d'ensemble, très complet, que vous avez dressé, y compris pour ce qui est du travail sur la durée conduit ces cinq dernières années.
Je centrerai mon propos sur deux points sur lesquels vous avez insisté.
S'agissant de l'accueil des étudiants étrangers, la France doit accueillir les talents du monde et leur permettre, lorsque c'est conforme à la formation qui leur a été donnée, notamment pour les étudiants les plus talentueux, d'avoir une expérience professionnelle en France. Il y a une vraie compétition pour les talents, dans nombre de domaines. Je pense, par exemple, à celui des ingénieurs, que connaît bien M. Gorges.
La France manque d'ingénieurs. Quand nous formons des ingénieurs étrangers, il serait absurde de ne pas les garder chez nous. Nous avons travaillé sur cette question avec le ministère de l'intérieur. La circulaire signée par Claude Guéant le 31 mai dernier rappelle le cadre fixé par la loi de 2006, mais elle ne le modifie pas. Et nous travaillons en ce moment pour nous assurer qu'il n'y a pas d'évolution dans l'application du droit français : c'est un point auquel je suis très attaché.
S'agissant des objectifs du rapport Anciaux, vous l'avez rappelé, monsieur Hénart, que ce soit en termes de construction ou de réhabilitation, l'année 2011 a été excellente. Environ 6 000 nouveaux logements sociaux ont été construits, ainsi que 54 000 nouvelles résidences étudiantes, et nous avons déjà réhabilité 42 000 logements.
Pour autant, il y a des travaux à poursuivre, je pense notamment à votre suggestion de mieux associer les collectivités locales quand c'est possible. Je sais que vous y veillez à Nancy, mais la mobilisation des agglomérations me semble une piste intéressante, de même que l'association des offices HLM par un système de maîtrise d'ouvrage.
Je me permettrai de répondre aux deux interventions d'Olivier Jardé. Je ne sais pas si « le bonheur est dans le PRES », mais les PRES ont beaucoup amélioré la situation ! Ils ont, notamment, cette grande vertu d'avoir permis deux décloisonnements, ce que vous avez d'ailleurs très bien souligné.
Ils ont permis, tout d'abord, d'avoir rapproché les universités et les grandes écoles. La France « crevait » de cette séparation, de cette absence de dialogue entre universités et grandes écoles. Aujourd'hui, universités et grandes écoles travaillent ensemble sur un certain nombre de grands sites, ce qui est une nouvelle donne extrêmement porteuse d'avenir pour les unes et les autres. En effet, les grandes écoles ont besoin des universités et les universités peuvent également profiter des supports des grandes écoles.
Ils ont, ensuite, permis d'en finir avec cette conception héritée du Moyen Âge, à savoir la construction du système universitaire français par silos. Les PRES nous permettent d'avoir des approches transdisciplinaires, approches modernes du XXIe siècle, très fortement porteuses d'avenir pour nos étudiants et pour la recherche.
Vous avez insisté, monsieur Jardé, sur les écoles d'architecture en flattant dans le mauvais sens le penchant naturel de tout ministre de l'enseignement supérieur. Il est certains qu'une réflexion peut être menée sur les périmètres et sur le nombre d'écoles attachées directement ou non au ministère de l'enseignement supérieur. Soyez assuré, en tout cas, que, s'agissant des écoles d'architectures, je travaille en très bonne intelligence avec Frédéric Mitterrand pour que le passage au LMD soit correctement organisé et bénéficie de financements suffisants.
Madame Faure, les chiffres figurent dans les documents budgétaires. Ils sont contrôlés par le Parlement, et ce avec votre appui et celui des excellents administrateurs qui composent les forces de l'Assemblée nationale. Ils sont simples et je les rappelle : 3,5 milliards d'euros sont affectés au crédit d'impôt recherche, tandis que les crédits budgétaires augmentent de 4,5 milliards d'euros. On peut tordre les chiffres dans tous les sens, mais il vient un moment où ils ont la tête dure. Cela représente donc bien 9 milliards d'euros, et encore – j'y insiste – aurais-je pu ajouter tout le reste, ce que je n'ai pas fait car je me suis concentré sur le coeur de l'engagement.
En vérité, vous me surprenez car, s'il est un territoire où l'on constate l'intérêt des investissements d'avenir, c'est bien le vôtre ! Contesterez-vous l'intérêt pour les universités bordelaises de bénéficier de l'IDEX ? Contestez-vous que le travail énorme accompli par les professeurs de Bordeaux et par les présidents d'université soit couronné par les IDEX ? Trouveriez-vous normal que le site de Bordeaux ne puisse pas bénéficier des projets LABEX ou EQUIPEX ? N'êtes-vous pas satisfaite que votre territoire bénéficie d'une politique d'avenir qui a misé sur la recherche et l'enseignement supérieur, dont Bordeaux est une très belle vitrine ? Je pense, au contraire, que s'il y a ici des élus qui peuvent témoigner de l'intérêt de ces investissements d'avenir, ce sont bien ceux d'Aquitaine, l'une des régions qui a le plus profité de cette politique.
Ce qui m'intéresse surtout, et que je me permets de défendre avec beaucoup d'énergie face à vos attaques ciblées, c'est que l'IDEX de Bordeaux présente l'avantage de ne pas être concentré sur la ville même. Les représentants de Bordeaux ont eu la grande intelligence de le construire en partenariat sur d'autres sites de la région et d'y favoriser un développement d'ensemble de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
S'agissant enfin des droits d'inscription, vous me permettrez simplement d'apporter une précision. Je me bats pour qu'ils demeurent, en France, à un niveau modéré afin que les jeunes issus des classes moyennes puissent poursuivre leurs études. J'ai vu certaines propositions, notamment celles du think tank Terra Nova, assez proche, je le crois, du parti socialiste, et qui a proposé de tripler les frais d'inscriptions pour les étudiants en France.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Je le dis tout net : telle n'est pas mon approche ni celle du Gouvernement. Je considère qu'elle aurait pour effet de saborder l'accès des classes moyennes à l'enseignement supérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je tiens à vous remercier, monsieur Lasbordes, pour votre investissement constant en faveur de la politique spatiale, qui a besoin de continuité et d'un suivi attentif des parlementaires. Je sais pouvoir compter sur votre vigilance dans ce domaine.
Vous m'avez, par ailleurs, fait part de vos préoccupations concernant quelques organismes essentiels pour la politique de recherche française.
S'agissant tout d'abord du CEA, le besoin de crédits pour le réacteur Jules-Horowitz en 2012 est couvert par la hausse de 15 millions d'euros de la subvention pour 2011. L'organisme bénéficiera par ailleurs, comme d'autres, d'une mise en réserve réduite de ces crédits, afin d'alléger la contrainte qui pèse sur lui. Je me suis beaucoup battu pour l'obtenir et je pense que c'était fondamental pour fortifier nos organismes de recherche.
Pour ce qui est de l'Institut français du pétrole, organisme rattaché au ministère du développement durable, il est vrai que la subvention diminue. Cet organisme mérite toute notre attention, car ses représentants ont mené une politique très active de diversification de leurs sources de financement. Cela étant, la Cour des comptes a souligné la bonne de gestion de l'IFP, mais aussi ses disponibilités importantes. Je vous annonce aujourd'hui que, comme pour les organismes relevant budgétairement de mon ministère, j'ai également obtenu que cet établissement bénéficie d'une mise en réserve réduite sur 2012. J'espère que ses représentants seront sensibles au fait que ce soit, notamment, le fruit des discussions que nous avons eues ensemble sur ce sujet.
Enfin, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique a bénéficié depuis 2007 d'une hausse substantielle de ses moyens, en augmentation de 23 millions d'euros. Ce n'est pas volé, car cet organisme produit de très bons résultats sur lesquels nous fondons de grands espoirs.
Monsieur Paul, je sais que nous partageons la volonté de défendre le tissu industriel français, mais nous n'avons pas la même approche de l'utilité du crédit d'impôt recherche. Je ne désespère toutefois pas de vous convaincre. (Sourires.) Aujourd'hui, le crédit d'impôt recherche bénéficie à 80 % à des PME et à des entreprises de taille intermédiaire. Ainsi, 70 % de cette dépense fiscale leur est allouée, soit une progression de 60 %.
Je propose de vous transmettre tous ces chiffres pour parvenir à vous convaincre, comme je l'ai fait, lors de mon audition au cours de laquelle je vous ai cité de nombreux exemples de PME ou d'entreprises de taille intermédiaire qui ont relocalisé leur activité de recherche depuis la mise en place de ce dispositif.
J'ai visité, la semaine dernière, une entreprise qui a relocalisé en lien avec la production. Vous y êtes d'ailleurs le bienvenu, monsieur le député ! Ainsi, l'entreprise Qooq a relocalisé en Saône-et-Loire la fabrication de toutes ses tablettes numériques, la recherche se déroulant également en France. C'est un bel exemple de réussite de cette mobilisation !
Madame Fioraso, je sais que vous vous investissez beaucoup, notamment sur le site de Grenoble, dans les questions relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche. J'ai déjà répondu sur les crédits récurrents, tout comme je crois l'avoir fait sur la faiblesse des efforts pour les PME. Concernant la prétendue absence d'efforts en faveur d'initiatives pédagogiques, j'espère que vous avez suivi les derniers développements. Ainsi, dans le cadre des investissements d'avenir, 150 millions d'euros ont été dégagés, la semaine dernière, pour un appel à vingt projets ciblés sur des initiatives pédagogiques. Cela, je le pense, répond mieux que de longs discours à votre intervention.
Monsieur Vaxès, je sais que vous plaidez en faveur d'un dispositif d'aide directe en matière de crédit d'impôt recherche. Vous me permettrez, en tout cas, de considérer que c'est un domaine qui requiert de la constance. Les chiffres que j'ai donnés pour les PME et pour les entreprises de taille intermédiaire prouvent qu'il n'existe aucune distorsion et que ce dispositif bénéficie d'abord à notre tissu industriel local.
Madame Guégot, je vous remercie d'être notamment revenue sur la simplification du dispositif des investissements d'avenir. Essayer de rendre les choses plus simples, moins lourdes, moins tatillonnes et moins administratives a été ma priorité lorsque je suis arrivé à ce ministère. De ce point de vue, nous nous sommes dotés d'un outil permettant de suivre chaque projet pour savoir à quel moment les chantiers sont lancés et à quel moment les laboratoires reçoivent effectivement l'argent promis.
Nous avons, par ailleurs, mis en place une plate-forme conjointe – une sorte de task force réduite – nous permettant de traiter rapidement toutes les difficultés administratives au lieu de les laisser « s'enkyster ». Nous avons également opté pour un système d'avance permettant de flécher immédiatement de l'argent pour que les LABEX et les EQUIPEX, qui ont emporté les appels d'offres, n'aient pas à attendre et ne se trouvent donc pas dans cette espèce de phase intermédiaire décourageante pour les équipes. Enfin, nous avons accompagné l'ANR pour que les flux soient considérablement accélérés s'agissant du conventionnement.
Les résultats sont là. Au 1er janvier dernier, aucune convention n'était encore signée, aucun laboratoire n'avait commencé à recevoir son financement. Aujourd'hui, sur 220 projets, 110 ont fait l'objet d'une convention et d'un premier versement. Les LABEX sont quasiment tous financés. Les EQUIPEX seront normalement finalisés d'ici à la fin du mois de novembre. Tous les lauréats de la première vague auront normalement reçu un premier financement d'ici à la fin de l'année. Je tenais, là encore, à souligner à quel point vous avez été vigilante sur ce sujet. Ce déblocage est de nature à nous permettre d'accélérer la montée en puissance de l'accompagnement des investissements d'avenir.
Monsieur Deguilhem, je vous remercie, tout d'abord, de m'avoir souhaité d'être heureux. Lorsque l'on s'occupe d'enseignement supérieur et de recherche et qu'on a la chance de côtoyer ce milieu extrêmement motivant, on ne peut effectivement que l'être ! Les progrès ont été importants, et ce dans le prolongement de la LRU, loi dont je regrette d'ailleurs quelque peu qu'elle n'ait pas reçu un plus large soutien, mais dont personne ne conteste plus aujourd'hui le bien-fondé. Sans doute son application peut-elle être remise en cause, cela fait partie du débat démocratique, mais personne ne peut nier que cette loi est positive et qu'elle a permis de faire avancer l'enseignement supérieur dans la bonne direction. Quel dommage qu'elle n'ait pas fait l'objet d'un consensus républicain plus large au moment où l'on en a débattu. Oui, elle demandait un peu de courage politique !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai !
Oui, elle supposait que l'on admette l'existence de corporatismes dans certains domaines ! Oui, elle supposait que l'on parie sur nos universitaires et nos organismes de recherche et qu'on leur fasse confiance. Il est vrai que ce choix aurait alors pu être soutenu plus largement sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée nationale.
Aujourd'hui, que plus personne ne la conteste et que son bien-fondé ne soit pas remis en question est finalement la meilleure reconnaissance dont vous puissiez faire preuve à son égard ! Pour le reste, s'agissant de la dépense par étudiant, il s'agit exactement du même périmètre. Je suis à votre disposition pour écouter vos doutes et interrogations. Si vous aviez été plus précis, je vous aurais répondu avec davantage de concision.
Monsieur Touraine, quand on examine les crédits octroyés à l'enseignement supérieur et à la recherche, on doit procéder à une double comparaison de bon sens. Tout d'abord, la comparaison dans le temps : globalement, et concernant entre autres la recherche, pendant tous les précédents quinquennats – y compris sous Lionel Jospin et Jacques Chirac – l'augmentation des moyens dédiés à la recherche s'élevait, en moyenne, à 200 ou 250 millions d'euros. C'est simple et net. Cela figure dans les rapports validés, à l'époque, par mes prédécesseurs socialistes. Sur la période qui vient de s'écouler, l'augmentation des moyens consacrés à la recherche a été de 627 millions d'euros, soit un triplement du rythme.
Une seconde comparaison peut être faite, qui est aussi de pur bon sens et qui consiste à regarder ce qui se passe autour de nous. D'une part, dans les autres périmètres de l'action gouvernementale, de gros efforts sont demandés à tous les acteurs. Situons-nous, d'autre part, à l'échelle européenne. Regardons ce qui se passe en Espagne – et j'aurais souhaité en parler à Mme Karamanli qui connaît bien ce pays –, en Italie et dans les autres pays ! Seuls deux pays européens maintiennent leur effort de recherche : la France et l'Allemagne.
Enfin, je vous remercie, monsieur Juanico, d'avoir souligné mon investissement durable concernant les conditions de vie des étudiants, sujet auquel je suis très attaché et que je souhaite pouvoir continuer à faire progresser.
Nous devons, premièrement, veiller à ce que davantage de familles puissent bénéficier d'une aide à la poursuite d'études. Nous comptions 450 000 étudiants boursiers, nous en sommes à 600 000.
Nous devons, deuxièmement, veiller à ce que les classes moyennes modestes qui s'arrêtaient, jusque-là, aux portes de l'accès aux bourses et de l'ascenseur social soient mieux prises en considération. Avant la réforme que nous avons faite, au-dessus d'une fois et demie le SMIC il n'était pas possible d'obtenir une bourse. Aujourd'hui, le seuil par foyer est fixé à 3,3 fois le SMIC, ce qui permet de toucher de mieux englober les classes moyennes modestes, et Dieu sait si, dans votre département, elles en ont besoin ! Vous ne pouvez, donc, je le pense, que souligner cette avancée !
Je vous remercie du soutien que vous avez apporté au dixième mois de bourse. Prendre une telle mesure n'a pas été facile. C'est évidemment un engagement pérenne. Mais il y a tout le reste ! Il y a le logement étudiant, pour lequel nous avons, là aussi, intensifié le rythme. Il y a la bataille pour le numérique, afin que nos étudiants puissent accéder aux tablettes numériques, aux ordinateurs portables et aux abonnements internet. Se pose, enfin, la question de la santé des étudiants. J'en discute en ce moment avec les mutuelles étudiantes.
Somme toute, et je l'ai bien compris en écoutant, notamment, l'intervention de M. Touraine, les choses ont beaucoup bougé en cinq ans. Il serait absurde d'affirmer que c'est seulement le résultat de l'action gouvernementale, car c'est avant tout celui de la communauté universitaire. La communauté de recherche s'est mobilisée et a saisi les outils que nous avons mis à sa disposition, les chances qui lui ont été offertes et les investissements supplémentaires mis sur la table.
Peut-être notre famille politique, par le passé, n'a-t-elle pas suffisamment investi dans l'enseignement supérieur et la recherche, mais aujourd'hui la donne a totalement changé. Nous avons réalisé un investissement énorme, constant tout au long des cinq dernières années, sans qu'un seul budget démente, sur cette période, l'engagement du Gouvernement en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Cela permet de démontrer deux choses. La première, c'est que, quand on poursuit les réformes sur la durée, il est possible de faire bouger les lignes. S'il est un domaine où l'on voit qu'une politique publique est capable de produire des résultats, c'est bien celui de l'enseignement supérieur et de la recherche.
La seconde, et j'espère que cette pensée est partagée sur tous les bancs, c'est que la seule voie de sortie de crise, c'est l'investissement dans l'avenir, c'est-à-dire l'investissement dans la recherche et l'enseignement supérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons aux questions.
Je rappelle que sont accordées deux minutes par question et deux minutes par réponse. J'appellerai successivement les questions de chaque groupe par séries de trois, afin que chacun puisse s'organiser.
La parole est à M. André Wojciechowski, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les stages scolaires et universitaires en France. Comme l'a souligné le Président de la République lors de sa récente intervention, il est devenu primordial pour nos jeunes de bénéficier d'une insertion professionnelle complétant et aiguisant leur cursus théorique classique.
À cet effet, une grande partie des diplômes prévoit un stage obligatoire. C'est même devenu une condition d'accès à certaines formations diplômantes. Or, si les mesures législatives actuelles renforcent la protection des stagiaires, rien n'est fait pour inciter les entreprises à accueillir ceux-ci plus facilement. Face à cette lacune problématique, je souhaite savoir ce que le Gouvernement entend entreprendre pour faciliter les démarches des étudiants qui se trouvent pris au piège, leur chasse au stage se transformant trop souvent en parcours du combattant.
Monsieur le député, un étudiant qui a pu, au cours de sa formation, bénéficier d'une expérience professionnalisante double ses chances d'accéder à un emploi.
Il s'agit donc tout d'abord de décloisonner les universités afin que celles-ci nouent des partenariats avec le tissu industriel local. Il existe à cet égard de très belles réussites : l'université de Savoie, celle de Lorraine, celle de Lille ont beaucoup misé sur ces partenariats. C'est le premier mouvement.
Le deuxième mouvement consiste à diffuser l'information. C'est ce que nous essayons de faire avec la mise en ligne, à l'échelle nationale, de sites diffusant des offres de stage. Aujourd'hui, trop souvent, l'accès à un stage suppose d'être initié, d'avoir des réseaux, des connaissances ; je ne veux pas que les classes moyennes modestes restent aux portes de ces réseaux. L'objectif est donc de décloisonner l'accès à l'information.
Enfin, il s'agit de tisser systématiquement, dans le cadre des formations, des partenariats qui soient institutionnalisés, organisés et conçus avec des entreprises partenaires. Là encore, nous pouvons nous targuer d'une forte montée en puissance, avec un quasi-doublement de ces formations dans le nombre global des formations en France. Aujourd'hui, dans un cas sur deux, un étudiant peut, s'il le souhaite, suivre sa formation en alternance.
Dans un cadre budgétaire légitimement contraint, je tiens à souligner la constance du soutien apporté par le Gouvernement à l'enseignement supérieur et à la recherche. Principal moteur pour lutter contre la crise, soutenir la compétitivité de nos entreprises et favoriser l'accès à l'emploi, ce soutien ne peut et ne doit pas être négligé. Les 9 milliards d'euros supplémentaires affectés à la recherche et à l'enseignement supérieur entre 2007 et 2012 confirment l'importance de cette politique.
Le budget 2012 donne la priorité à l'amélioration des conditions d'études, notamment par l'élargissement de l'accès aux bourses. La politique de la vie étudiante s'est jusqu'alors bornée à l'aide aux très modestes, les classes moyennes étant presque systématiquement écartées du dispositif des bourses. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment s'appliquera cette nouvelle accessibilité aux bourses en faveur des classes moyennes ?
Vous connaissez bien cette question, madame la députée, pour être élue d'un territoire où les étudiants doivent souvent se déplacer sur de longues distances et où, si les bourses ne tiennent pas compte des frais liés à cette mobilité, l'exclusion de l'enseignement supérieur est inévitable.
J'ai rappelé le premier effort que nous avons déployé en relevant le seuil. Aujourd'hui, une famille de deux enfants peut, jusqu'à 3,3 fois le SMIC, prétendre à une bourse. C'est une véritable métamorphose par rapport à l'injustice fondamentale qui caractérisait la situation antérieure. Une famille de classe moyenne où les deux conjoints travaillent et ont des petits salaires, de l'ordre d'une fois et demie le SMIC, a bien peu de moyens pour financer les études universitaires de deux enfants. Les refus de bourse, accompagnés des mots : « Vous êtes trop riches », étaient difficilement compréhensibles dans ces conditions. Nous avons donc desserré l'étau. Cela faisait partie des préconisations que j'avais formulées en tant que parlementaire quand nous avions travaillé sur ces questions.
Le second sujet est le handicap fondamental que représentait pour les étudiants le versement des bourses en novembre, alors que l'année universitaire commencent en septembre. Les familles qui avaient peu de trésorerie étaient étranglées les premiers mois, et les étudiants, obligés de prendre des emplois non compatibles avec le début des études, condamnés à l'échec. C'est la seconde grande métamorphose de la gestion des bourses. Les étudiants commencent en septembre : les bourses sont versées dès septembre. Ils passent dix mois à la faculté : ils reçoivent dix mois de bourse. Ça change tout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question, monsieur le ministre, concerne les appels à projets Campus et IDEX, qui ont abouti et traduisent bien la dynamique engagée il y a déjà quelques années, et que vous poursuivez avec une grande efficacité dont je vous remercie.
La région Languedoc-Roussillon et la ville de Montpellier n'imaginent pas de développement sans un ancrage dans la recherche, la formation, l'université, les grandes écoles, les laboratoires.
Avec votre permission, monsieur le président, je lirai un extrait d'un article paru aujourd'hui : « C'est l'exploit réussi par des chercheurs français qui publient leurs travaux dans la revue Genes & Development, datée du mardi 1er novembre. En parvenant à reprogrammer, en laboratoire, des cellules au stade ultime du vieillissement, Jean-Marc Lemaître, de l'Institut de génomique fonctionnelle, INSERM-CNRS-Université de Montpellier, et son équipe démontrent que le phénomène de sénescence n'est pas irréversible. » Oui, la recherche est bien une réalité française et une réalité montpelliéraine !
Je souhaite revenir sur ces deux opérations Campus et IDEX. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire le point sur ces appels à projets importants ? Où en est-on ? Quels crédits se mettent en place sur le territoire du Languedoc-Roussillon ?
Vous faites partie, monsieur le député, des parlementaires convaincus de la nécessité pour leurs territoires d'un campus universitaire et d'un cadre de recherche dynamique. Vous êtes souvent intervenu auprès de moi au sujet des évolutions concernant Montpellier, ce qui me permet de vous apporter aujourd'hui quelques réponses.
Sur le campus de Montpellier, un premier chantier de logements étudiants est terminé ; trois autres commencent d'ici à la fin du mois, sur un modèle de partenariats public-privé, pour étoffer le coeur de campus. Le coût total est de 325 millions d'euros.
Par ailleurs, je souligne la bonne réussite de la région Languedoc-Roussillon, et tout particulièrement de Montpellier, pour ce qui est de LABEX et d'EQUIPEX, puisque vous avez emporté onze laboratoires d'excellence, quatre équipements d'excellence, cinq infrastructures en matière de santé et une action plus particulière en matière de transport. Au total, 425 millions d'euros de financement seront fléchés en direction de la région, lui donnant ainsi tout le potentiel pour valoriser les niches d'excellence déjà présentes sur votre site universitaire.
Nous en venons maintenant à une série de trois questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Monsieur le ministre, avec plus de 200 000 étudiants étrangers, la France est le troisième pays d'accueil pour ces derniers. Un décret du 6 septembre dernier a durci leurs conditions d'accueil. Il prévoit notamment une hausse des ressources financières dont ils doivent disposer pour obtenir un titre de séjour, le montant passant de 70 % à 100 % d'une bourse du gouvernement français. Les étudiants étrangers devront donc attester qu'ils disposent de 5 500 euros sur un compte en banque, soit 1 500 euros de plus que l'an passé.
Parallèlement, une circulaire, en date du 31 mai 2011, des ministres de l'intérieur et du travail, interdit aux étudiants étrangers titulaires d'un master de bénéficier d'une autorisation temporaire de six mois pour rester en France et y travailler en vue d'engager leur carrière. Le rejet des demandes d'autorisation de travail, qui devrait être en droit l'exception, serait en train de devenir la règle.
Ce durcissement de la réglementation a été vivement critiqué par la Conférence des présidents d'université, la Conférence des grandes écoles, les organisations enseignantes et étudiantes et celles de défense des droits. Cette politique apparaît en contradiction avec les ambitions de notre pays en matière d'attractivité et d'échanges internationaux.
De grands pays souhaitent aujourd'hui développer leur enseignement supérieur et faire en sorte qu'un nombre croissant de leurs étudiants suivent à l'étranger une partie de leurs études. Je pourrais citer un certain nombre de pays d'Amérique centrale ou d'Amérique du Sud, comme, par exemple, le Brésil.
L'accueil d'étudiants étrangers a des effets culturels et économiques positifs pour notre pays. C'est un investissement partagé avec les pays d'origine des étudiants accueillis.
Je souhaite connaître les raisons de ce durcissement et les réponses qu'entend apporter le Gouvernement aux légitimes demandes d'annulation de ces textes, afin de maintenir l'attractivité de nos universités vis-à-vis des étudiants et des pays étrangers mais aussi offrir des atouts importants pour les entreprises françaises qui souhaitent les recruter.
Madame la députée, j'ai déjà répondu très clairement au sujet de la circulaire sur les étudiants étrangers. Elle ne change pas l'état du droit et notre souhait n'est pas qu'elle aboutisse à un changement de l'approche de la France en matière d'autorisations de travail pour les étudiants étrangers. Les chiffres sont d'ailleurs éloquents puisque la tendance est à la hausse. Nous avons eu quelques cas difficiles, mais nous sommes en train de les résoudre. Je suis, avec la Conférence des présidents d'université, attaché à ce que la France reste une terre d'accueil pour les étudiants étrangers talentueux. Qu'ils puissent avoir une première expérience professionnelle en France est dans notre intérêt, car ils deviennent ensuite des ambassadeurs à vie de notre pays.
Sur l'autre question, il faut être clair : la France est l'une des destinations où les études sont les moins chères. Les frais d'inscription sont peu onéreux, les universités très ouvertes, mais il y a une limite, c'est que l'on doit venir en France avec les moyens de subvenir à son existence pendant la durée de l'enseignement. Il n'est pas illégitime de s'assurer que l'étudiant qui vient chez nous a mis de côté des moyens suffisants pour pouvoir véritablement se consacrer à ses études.
Pour le reste, vous l'avez dit, la France est le troisième pays en termes d'accueil d'étudiants étrangers. Elle le restera. Nous constatons notamment une augmentation très intéressante du nombre d'étudiants en provenance de pays comme l'Italie ou l'Espagne.
J'interviens, en mon nom et en celui de François Brottes, sur la pertinence du crédit d'impôt recherche pour l'industrie.
Le crédit d'impôt recherche a été créé en 1983 pour soutenir la recherche-développement industrielle par une déduction de l'impôt sur les sociétés. C'était l'époque où l'industrie pesait encore plus de 24 % du PIB. Aujourd'hui, elle pèse deux fois moins dans la valeur ajoutée nationale. En dix ans, la France a perdu plus de 500 000 emplois industriels, dont 200 000 depuis 2009.
À l'inverse, le crédit d'impôt recherche a vu son montant global exploser. De 300 millions d'euros au début des années 1990, son coût est passé, après la réforme du dispositif, à 4 milliards d'euros en 2008, 5,8 milliards en 2009, 4,2 milliards en 2010.
Or la plupart des investissements financés par ce crédit d'impôt recherche concernent l'industrie. D'où une question très simple, monsieur le ministre : comment expliquez-vous le paradoxe de ce croisement de courbe : déclin de l'industrie d'une part, explosion du montant du CIR de l'autre ? En d'autres termes, comment évaluez-vous l'incidence du crédit d'impôt recherche sur la production industrielle ou, de façon plus prosaïque, sur la désindustrialisation elle-même ?
Votre gouvernement s'était engagé à fournir au Parlement un rapport sur l'efficacité du dispositif à l'été 2011. Nous l'attendons toujours.
Quelle est la réalité aujourd'hui ? Une partie de nos champions, nous l'avons dit, « pompent » la recherche et développement en France puis vont développer leurs productions en dehors de nos frontières. J'en donnerai deux exemples, tirés du secteur de l'énergie que je connais bien.
Un grand groupe pétrolier du CAC 40 qui ne paye pas l'impôt sur les sociétés a travaillé, sur le photovoltaïque, avec un laboratoire belge qui est le concurrent direct du CEA-LITEN et de nos laboratoires publics ainsi que de l'Institut national de l'énergie solaire de Chambéry. Il a également racheté une entreprise américaine alors que Photowatt, en France, se meurt faute d'aide du Fonds stratégique d'investissement malgré deux ans de demandes répétées. Il a opéré un transfert de technologie en Asie et créé plusieurs dizaines de sociétés par actions simplifiées en France pour optimiser sa perception du crédit d'impôt recherche.
Second exemple : un grand groupe de l'énergie, qui produisait auparavant des disjoncteurs et travaille à présent dans le secteur des smart grids, vient de décider, après avoir supprimé 3 000 emplois en France, de délocaliser à Hong-Kong son PDG, sa direction des ressources humaines et, plus grave encore, sa direction de la stratégie. Ce grand groupe français a perçu 11 millions d'euros de crédit d'impôt recherche pour le seul premier semestre 2011.
Il ne s'agit pas de stigmatiser l'ensemble des grands groupes, mais d'imposer des contreparties en matière de maintien de l'emploi en France ou en Europe. Quelle réponse, monsieur le ministre, donnez-vous à ces effets d'aubaine ? Quelles mesures allez-vous prendre ?
Madame la députée, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit à propos du crédit d'impôt recherche, mais je vais vous apporter des précisions supplémentaires.
Tout d'abord, que constate-on quand on regarde les cycles économiques ? Lorsqu'il y a une crise, la recherche privée plonge de façon abyssale. C'est procyclique : par exemple, dans les années 1996-1997, période de recul de l'activité économique, la chute de l'investissement privé dans la recherche était de l'ordre de 5 % à 6 %. Mais cette année, il y a eu une légère augmentation : 1,2 %. Ainsi, alors que nous sommes dans un contexte économique très difficile, le crédit d'impôt recherche nous a permis, pour la première fois dans un tel cycle, de maintenir voire de faire progresser le niveau de la recherche privée.
Pour le reste, s'agissant des exemples que vous avez donnés, on peut tous en prendre dans tous les sens. Puisque vous voulez des exemples, en voici : Michelin, Linamar, Glaxco, Qooq, Unowhy, Google, PSA, toutes entreprises qui ont localisé ou relocalisé leurs activités de recherche et d'innovation en France grâce à l'impact du crédit d'impôt recherche. Aujourd'hui, celui-ci est considéré comme l'outil le plus performant. Je constate d'ailleurs qu'il est défendu même dans vos rangs, puisque le rapporteur spécial Alain Claeys reconnaît qu'il est utile. Que l'on puisse l'améliorer, je n'ai aucun doute là-dessus car tout dispositif est perfectible. Mais dans ces domaines, il ne faut pas tout changer tout le temps. Une des leçons du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est qu'il faut du temps long.
Mesdames, messieurs les députés, nous avons une clause de rendez-vous en 2013 : nous ferons alors le point et, à cette occasion, on pourra corriger ensemble ce qui doit l'être.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les IDEX, les initiatives d'excellence définies dans le cadre du grand emprunt.
Les candidatures de Bordeaux, de Paris Sciences Lettres et de Strasbourg ont été retenues au terme de l'appel à projets doté de 7,7 milliards d'euros ; onze autres pôles universitaires viennent de remettre leur candidature pour le second appel à projets. On peut pourtant se poser des questions quant à la cohérence globale d'un tel système en raison de l'ambivalence inscrite, dès 2007, dans la loi LRU, entre régulation nécessaire et autonomie des établissements. En fait, la formalisation donnée dans le cadre des IDEX se traduit, comme c'était le cas dans le plan Campus, par des mécanismes incitatifs.
La première cohérence qui pose question, c'est la cohérence budgétaire. En effet, les établissements espèrent recevoir au moins un milliard d'euros, mais ils ne les auront pas vraiment puisque cette somme sera constituée de placements qui rapporteront bon an mal an 40 millions chaque année, et ce sans garantie sur l'avenir desdits placements.
La cohérence universitaire est, elle aussi, en question puisque les regroupements d'établissements s'effectuent en fonction des possibilités de financement et non de politiques structurantes d'enseignement supérieur, de recherche ou d'organisation pédagogique. Ainsi, en Île-de-France, l'université de Versailles-Saint-Quentin navigue entre Saclay et le pôle Grand-Ouest, tandis que Sorbonne Paris-Cité n'a pas été reconnue parce qu'elle n'était pas un établissement fusionné alors qu'elle veut passer avec ses 120 000 étudiants au statut d'université unifiée. Je peux citer aussi Paris Sciences et Lettres, cas emblématique puisque cet établissement a été le grand gagnant du premier IDEX en Île-de-France : il regroupe notamment l'École normale supérieure, le Collège de France, l'ESPCI, et a été élargi à Dauphine et aux Beaux-Arts pour passer du statut de PRES à celui d'IDEX. Il s'agit aujourd'hui de savoir si cet établissement, dont on ne voit pas très bien les contours, doit être une université à part entière.
Je termine, monsieur le président, en soulignant que se pose aussi la question de la cohérence interne aux établissements.
Monsieur le ministre, dans votre conception de l'autonomie, qui n'a jamais rejoint la nôtre, avec ce nouveau mécanisme incitatif que constituent les IDEX, quel est le rôle de l'État régulateur et qu'est-ce que devient une université ou un établissement universitaire unifié ?
Tout d'abord, s'agissant de la deuxième vague des IDEX, la présélection aura lieu cette semaine. Pour ce qui est des placements, je vous indique qu'ils sont faits sur des comptes du Trésor rémunérés en moyenne à 3,4 %, ce qui assure une très grande stabilité des ressources. J'insiste sur le fait que c'est une approche très innovante puisque l'objectif n'est pas de leur donner de l'argent seulement une fois pour toutes, mais d'assurer un financement pérenne.
La vraie différence entre nous, c'est la confiance : nous, nous faisons confiance. Ce n'est pas moi qui vais décréter si les PSL doivent tous fusionner dans une université. Ce n'est pas moi qui vais choisir, à la place de la Lorraine, quel statut leur est le plus adapté. La confiance, c'est de faire le pari que les présidents d'université et les autres acteurs de terrain seront les mieux à même de savoir quels rapprochements ont du sens et quel est le meilleur type de gouvernance pour les porter.
Ma réponse, c'est aussi de vous rappeler que les universités et les grandes écoles font partie de l'État, qu'elles sont à l'intérieur du périmètre de l'État, et que l'action républicaine est indivisible sur l'ensemble du territoire. Leur action, qui doit être portée au plus près du territoire, s'effectue donc dans un cadre républicain national où les conceptions sont communes. Nous nous efforçons qu'une licence ait la même valeur sur tout le territoire. L'objectif n'est pas de faire émerger dix têtes de pont à quelques endroits, mais bien de tirer globalement, sur l'ensemble du territoire, l'enseignement supérieur par le haut. Ma conception de l'autonomie est une conception résolument républicaine.
Nous en revenons maintenant au groupe de l'Union pour un mouvement populaire, pour une série de trois questions.
La parole est à M. Bernard Gérard.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les crédits alloués à l'enseignement supérieur privé associatif. Les établissements s'y rattachant sont, vous le savez, nombreux dans la région du Nord-Pas-de-Calais. Ces universités, ces écoles de commerce, ces écoles d'ingénieurs sont soutenues par l'État au moyen d'une subvention prévue à l'action 4 du programme 150. Ce soutien est inscrit depuis juillet 2010 dans le cadre nouveau d'une contractualisation entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur privés. Cette démarche entraîne de nouveaux objectifs, parmi lesquels l'ouverture sociale, l'amélioration de la qualité, l'embauche d'enseignants chercheurs, les bourses d'études et le développement international. Tous ces objectifs répondent aux ambitions poursuivies par le Gouvernement en matière d'enseignement supérieur.
L'enseignement supérieur privé a prouvé son efficacité : 66 000 étudiants en bénéficient et le taux de réussite est de l'ordre de 75 % en licence. La participation de ces établissements aux missions de service public a été reconnue et justifie le soutien de l'État.
Néanmoins, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur l'écart qui se creuse entre le soutien apporté aux étudiants dans le secteur public et celui apporté aux étudiants du secteur privé. L'augmentation prévue par le projet de loi de finances pour 2012 est seulement de l'ordre de 3 millions d'euros pour les 66 000 étudiants du secteur privé, soit 45 euros par étudiant. En valeur constante, la subvention sera en baisse, comme cela a déjà été le cas en 2011. Un tel constat suscite de la part des établissements mais aussi des familles de très nombreuses questions.
Conscient des contraintes budgétaires que nous devons respecter, il me paraît toutefois essentiel de venir en soutien à ce secteur prometteur pour l'avenir des étudiants, dans une logique complémentaire avec le secteur public, lequel demeure bien sûr l'acteur majeur de l'enseignement supérieur. En conséquence, je soutiendrai l'amendement de mon collègue Yves Censi visant à apporter un soutien complémentaire à l'enseignement supérieur associatif. Le soutien de l'État est essentiel. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce point.
Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur le député, on voit bien, à Lille, à quel point le secteur privé associatif est important. Il joue tout son rôle dans l'enseignement supérieur, avec souvent, d'ailleurs, une vocation de partenariat pédagogique intéressante et qui peut être pour nous une source d'inspiration, y compris au niveau national. Des rapprochements se sont aussi parfois faits entre le public et le privé en ce qui concerne les laboratoires de recherche, notamment à Lille, très en pointe sur ces sujets.
La démarche de contractualisation, initialement lancée par Jack Lang en 1992 – ce qui montre que les vieux combats d'arrière-garde ne sont plus de mise aujourd'hui –, a été mise en place en 2010. Cela s'est traduit par des augmentations de moyens importantes puisqu'au total, sur la période 2007-2012, 33 millions d'euros supplémentaires auront été consacrés au secteur privé associatif. Cette année, l'État propose une augmentation des moyens de 3 millions d'euros. Nous serons amenés à y revenir dans la suite du débat budgétaire.
Monsieur le ministre, ma question porte sur la place de l'université dans les villes moyennes. Vous avez tout à l'heure évoqué l'Aquitaine ; pour ma part, je vous parlerai du Midi-Pyrénées. Sa capitale, Toulouse, a bénéficié d'un soutien sans précédent de l'État. Ainsi, le plan Campus l'a dotée de 350 millions d'euros auxquels s'ajoutent 175 millions d'euros destinés à financer l'opération de rénovation de l'université de Toulouse-Le Mirail. Dans ce contexte, l'agglomération du Grand Montauban, dont je suis la présidente, deuxième bassin d'emplois de Midi-Pyrénées, dans un département, le Tarn-et-Garonne, qui connaît la plus grande croissance démographique d'après l'INSEE, ne comprend, hélas, qu'une petite université d'à peine deux mille étudiants. Avec d'autres élus, j'ai donc entrepris des démarches auprès des présidents d'université afin de les convaincre d'y délocaliser certaines de leurs formations. Celles-ci se trouvent d'ailleurs parfois confrontées à un réel problème de saturation à Toulouse.
En parallèle, nous travaillons à un projet de campus universitaire à proximité immédiate de la gare SNCF, à vingt-cinq minutes à peine de Toulouse. Je souhaite que vous appuyiez notre démarche en sensibilisant les présidents d'université de Toulouse sur le véritable pôle d'équilibre que constituent les villes moyennes en général, et Montauban en particulier.
Ma seconde question porte sur le volet recherche du grand emprunt. Toulouse peut se réjouir d'avoir été retenue pour son projet d'institut de recherche technologique, AESE – Aéronautique, espace et systèmes embarqués –, qui comprend notamment la labellisation de six LABEX et un projet biotechnologique et bioressources.
Le site toulousain est également présélectionné au titre de son projet d'initiatives d'excellence. Sur ce point, nous avons fait acte de candidature commune avec la société DECIDAIE pour que Montauban accueille le laboratoire arboricole sous l'appellation « agritronique ». L'aboutissement du projet agritronique permettrait l'ouverture d'une nouvelle filière d'études destinées à développer des profils hybrides, accompagnant ainsi la modernisation de l'agriculture et de l'agroalimentaire du XXIe siècle. Cette filière pourrait par exemple former des techniciens ou des ingénieurs capables de développer des systèmes embarqués innovants, de former leurs utilisateurs et d'en assurer la maintenance au service de la performance de notre agriculture. Les équipes porteuses du projet agritronique travaillent d'ores et déjà à ce que sera la future formation, en collaboration avec l'IET professionnel Paul-Sabatier de Toulouse, qui délivre déjà sa licence professionnelle, l'objectif étant de célébrer la première rentrée en septembre 2013 – nous sommes ambitieux !
Vous l'avez compris, monsieur le ministre : ce dossier représente un effort et un espoir considérables pour notre développement économique local. Je serai heureuse qu'il aboutisse favorablement.
Madame la députée, madame le maire, à travers votre question vous posez celle de la place des villes moyennes. Vous avez beaucoup oeuvré pour essayer de développer l'enseignement supérieur à Montauban et vous avez profondément raison, car l'avenir d'une ville moyenne repose en partie sur l'enseignement supérieur. Je ne crois pas à l'hyperconcentration sur quelques mégalopoles universitaires. Ce serait une erreur. Si l'on est convaincu que l'enseignement supérieur innerve un territoire, alors on ne peut accepter une surconcentration sur quelques pôles. À cet égard, le Gouvernement a besoin que des élus locaux s'investissent, ce sont des forces moteurs en termes de propositions.
J'aurai plaisir à faire prochainement un déplacement dans la région Midi-Pyrénées et à avoir des entretiens sur l'équilibre des différents pôles territoriaux. Vous avez des activités de recherche sur la production arboricole, ce qui offre des perspectives intéressantes. Je rapproche votre projet de celui de Villefranche-sur-Saône, autre bel exemple de ce qu'on peut arriver à décliner sur une ville moyenne en étoffant un pôle d'enseignement supérieur. Certes, c'est à l'échelle de ce que l'on peut faire localement, mais c'est un vrai pôle d'enseignement supérieur.
Monsieur le ministre, offrir à chaque élève un égal accès aux études supérieures et une même chance de réussite dans la filière de son choix, voilà un de vos grands objectifs que je partage. Je veux à ce titre m'attacher à la vie étudiante et aux moyens que vous lui consacrez. Je pense concrètement à l'évolution considérable des bourses – vous l'avez évoqué –, à l'aide au mérite, à l'aide à la mobilité mais aussi à la santé et au logement.
Sur ce dernier point, j'ai pu mesurer lors de votre venue dans mon département votre engagement concret pour le logement étudiant, avec l'inauguration d'une nouvelle résidence de quelque 250 studios complètement réhabilités, et aussi avec la mise en place du passeport logement étudiant, un fonds de garantie des loyers étudiants qui s'appuie sur le réseau des CROUS et visant à faciliter l'accès des étudiants au parc locatif privé.
Avez-vous déjà un premier bilan à faire, des perspectives à nous tracer dans ce domaine particulièrement important ? Lors de votre venue dans ma ville, Villefranche-sur-Saône, j'ai pu aussi mesurer l'attention que vous portiez aux jeunes d'une classe préparatoire aux grandes écoles de commerce, votre souci de prendre en considération leurs difficultés, leurs attentes, leurs espoirs. Ils ont attiré votre attention sur les droits d'inscription aux concours d'accès aux grandes écoles. Monsieur le ministre, avez-vous pu progresser sur ce point, comme vous vous y étiez engagé ?
Troisième question : trois ans après sa mise en oeuvre, quel est le bilan de la réforme des aides sociales aux étudiants ? Quelles sont vos priorités à travers ce budget pour 2012, afin de favoriser le déroulement des études, des conditions de vie des étudiants, la réussite de leur insertion professionnelle ?
Monsieur le ministre, vous donnez un souffle important à notre enseignement supérieur, dans les grandes villes mais aussi dans les villes moyennes – vous l'avez prouvé. Par conséquent, vous apportez de la confiance à tous nos jeunes.
Que d'éloges ! Vous faites partie de la « droite sociale » ? (Sourires.)
Revenons-en aux questions. Premièrement, le dispositif d'aide aux étudiants, notamment en matière d'accès au logement, est en phase de montée en puissance et j'en attends encore les retours. J'y crois beaucoup. Il doit permettre d'aider les étudiants au moment de la rentrée car le logement est l'un poste principaux de leur budget.
Le Rhône est un territoire d'expérimentation. Un fort investissement est nécessaire, avant une phase de montée en puissance qui, dans mon esprit, va se dérouler sur les deux ans à venir. L'idée est d'étendre peu à peu l'expérience à l'échelle nationale. Les académies de Marseille, Aix-en-Provence et Avignon se sont d'ores et déjà portées candidates.
Deuxièmement, je voudrais revenir sur l'exemple – remarquable – que vous citez. Ce qui a été fait dans votre ville m'a vraiment impressionné, y compris en termes de réflexion sur l'ascenseur social. Je souhaite que nous puissions prendre de nouvelles initiatives dans ce domaine, d'ici à la fin de l'année.
Cette classe préparatoire est réservée à des étudiants venant principalement de filières technologiques. On leur offre la possibilité d'avoir un suivi très personnalisé et l'aide, sous forme de tutorat, d'anciens étudiants qui ont réussi, dans le cadre de partenariats avec les grandes écoles, celles de Lyon notamment. Leur taux de réussite est tout à fait admirable.
C'est vraiment intéressant. C'est un bel exemple de ce qu'une classe préparatoire bien conçue peut apporter, en termes d'ascenseur social et d'ouverture, à des étudiants qui n'ont pas forcément été suffisamment accompagnés au lycée ou qui ne s'y sont pas suffisamment épanouis. On leur offre une véritable chance de réussir et d'exprimer leurs pleines capacités durant cette période cruciale qui suit le baccalauréat.
Pour le reste, ces étudiants m'ont posé une question très précise sur les concours des grandes écoles. Ces concours coûtent chers – très chers même quand on en passe plusieurs – et cette dépense n'est pas prise en compte dans le calcul des bourses. Nous étudions cette question et notre objectif est d'y apporter une réponse avant le premier trimestre de l'année prochaine. J'aurai peut-être le plaisir d'aller la leur donner moi-même.
Nous prenons maintenant trois questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, avant de suspendre nos travaux.
La parole est à Mme Annick Girardin.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les moyens que la France consacre à sa vocation maritime et aux capacités de recherche dont celle-ci a besoin.
Grâce à ses territoires d'outre-mer, la France bénéficie du deuxième domaine maritime mondial qui représente un atout incontestable pour assurer à notre pays une place scientifique, économique et politique de premier plan au niveau mondial.
Avec les demandes d'extension de son plateau continental, la France devrait augmenter son domaine maritime de plus d'un million et demi de kilomètres carrés, soit trois fois la superficie du territoire métropolitain. Il me semble dès lors indispensable que l'on se préoccupe déjà de connaître les richesses potentielles que recèlent ses eaux, et pas seulement dans les zones chaudes.
L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, comme les autres territoires ultramarins, est en attente d'une véritable « dynamique mer » qui doit dans un premier temps se concrétiser par un inventaire généralisé de sa biodiversité marine.
Cet inventaire, dont le besoin est aujourd'hui réaffirmé à Saint-Pierre-et-Miquelon par l'ensemble des acteurs d'une filière halieutique aujourd'hui sinistrée, nécessite une campagne de recherche pilotée par l'IFREMER, à laquelle pourraient d'ailleurs être associés les armements et marins pêcheurs locaux.
Il ne s'agit pas ici exclusivement de faire un recensement des espèces de la pêche traditionnelle – poissons ou crustacés – mais également d'étendre ces recherches aux ressources nouvelles que sont les bactéries marines, le plancton, les algues ou encore à des possibilités d'exploitations novatrices en termes d'aquaculture ou d'énergies marines.
Ce potentiel de ressources pourrait contribuer à un processus de redémarrage économique et ouvrir à ce territoire et à des professionnels, qui localement se posent bien des questions sur leur avenir, des perspectives nouvelles de diversification et de développement.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que, compte tenu de ces enjeux maritimes, le budget de la recherche devaient donner la priorité à ces missions scientifiques maritimes ? En second lieu, ne serait-il pas temps, en 2012, de programmer cette recherche scientifique au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ou dans les eaux françaises de l'archipel ? Cela mettrait de la cohérence dans la politique du Gouvernement car un tel programme viendrait légitimement compléter la mission de développement de la filière halieutique diligentée par le ministère de l'outre-mer.
Madame la députée, vous avez raison : grâce à ces territoires d'outre-mer, la mer et les ressources halieutiques sont potentiellement une extraordinaire richesse pour la France – pas seulement du point de vue pécuniaire, mais aussi de celui de la biodiversité et le développement durable.
Nous avons vécu deux moments forts. D'abord, un Grenelle de la mer est venu s'ajouter à tout l'effort de recherche traditionnelle et a permis à la France de mieux prendre conscience de ses recherches en terme d'exploration et de ressources halieutiques. Ensuite, certaines universités, notamment celle de La Rochelle, se sont positionnées de façon extrêmement intéressante sur ces questions de recherche autour des métiers de la mer et des ressources halieutiques.
Ces points d'appui et de partenariat peuvent être intéressants et peuvent nous permettre, y compris à Saint-Pierre-et-Miquelon, d'avoir les déclinaisons que vous appelez, à juste titre, de vos voeux.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'insuffisance de notre politique dans le domaine de la culture scientifique, technique et industrielle. La préservation de nos emplois, en particulier industriels, et la création d'emplois nouveaux liés notamment à la croissance verte, dépendent largement de notre capacité à innover, à former des étudiants en sciences exactes comme en sciences humaines et sociales.
Or les vocations scientifiques, les carrières d'ingénieur, attirent de moins en moins de jeunes – vous l'avez dit tout à l'heure. Nous vivons dans un contexte où le principe de précaution n'est plus le principe d'action initiale, mais est trop souvent utilisé comme un parapluie, au risque de compromettre des avancées de la recherche qui seraient pourtant positives pour les progrès sanitaires et environnementaux.
D'où l'importance d'instaurer un dialogue entre la société et les acteurs de la science, regroupant un public large, tel que l'organisent notamment les centres de culture scientifique, technique et industrielle dans les régions. Ces CCSTI sont fortement soutenus par les collectivités territoriales et de moins en moins soutenus par l'État qui a privilégié un système beaucoup plus centralisé où tous les crédits passent dorénavant d'abord par Universcience, au détriment des dynamiques locales. Un rééquilibrage s'impose.
Second sujet de préoccupation pour la culture scientifique et technique : loin de développer dès le plus jeune âge une curiosité scientifique susceptible de faire naître des vocations scientifiques, à l'image de « La main à la pâte » lancée en son temps par Georges Charpak, votre gouvernement n'a cessé de réduire les heures d'enseignement scientifique.
Cédric Villani, le talentueux lauréat de la médaille Fields 2010 auquel vous faisiez allusion tout à l'heure, a récemment dénoncé avec vigueur la diminution des heures de mathématiques dans le secondaire. On utilise toujours les disciplines scientifiques comme vecteur de sélection, ce qui est l'inverse d'un facteur d'attractivité.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire en matière de culture scientifique et technique pour rétablir un environnement culturel et éducatif favorable à la recherche et à l'innovation ?
Madame la députée, ce sujet nécessite une mobilisation de tous – Gouvernement, médias, collectivités locales, associations – pour la défense, au XXIe siècle, d'une approche fondée sur la raison et la culture scientifique.
Nous mesurons bien les risques d'assister à des débats instinctifs, intuitifs, avec des prises de position irrationnelles – dans toutes les familles politiques – et où le temps ne serait pas laissé à l'expertise scientifique de se dérouler correctement.
Ma volonté est de revoir notre architecture globale, de lui donner une cohérence, et surtout de mieux mobiliser les ressources locales – les régions, les villes et les communes qui se sont investies de façon intéressante sur ces questions.
Nous avons intérêt à fédérer tout cela autour d'un cap commun : il faut que notre pays soit fondé sur la raison. Face aux débats qui nous attendent, nous ne pouvons pas avoir une approche régressive, obscurantiste qui, par rapport aux défis en forme d'interrogations de la science et de la recherche, ferme systématiquement la porte. Le principe de précaution ne peut pas être un principe de régression scientifique.
Monsieur le ministre, ma question sera assez rapide et directe. La réforme de la formation et du recrutement des enseignants est un échec d'ailleurs reconnu bien au-delà des bancs de la gauche puisqu'une partie de votre majorité a refusé de voter pour le rapport de mission de notre collègue Jacques Grosperrin, lors de son passage en commission.
Cet échec est inquiétant dans la mesure où il se double d'une désaffection des étudiants de toutes les universités françaises à l'égard de cette voie professionnelle.
Lors de votre audition en commission, vous avez éludé le sujet un peu rapidement, puisqu'il est de la responsabilité de deux ministères, celui de M. Chatel mais aussi le vôtre s'agissant d'une formation de niveau master. Vous renvoyez à votre collègue la responsabilité des programmes et des contenus, mais c'est un peu court. En l'état actuel des choses, on ne sait pas où en sont vos discussions avec le ministre de l'éducation pour garantir que cette formation, dans le format que vous avez souhaité, soit équitablement répartie sur tout le territoire.
Cette formation sera-t-elle équitablement répartie, comment sera-t-elle faite et avec quels moyens ? Tout cela nous préoccupe à un moment où l'on constate une profonde désaffection à l'égard de ces métiers, je le répète, et où nos besoins de recrutement d'enseignants formés seront exponentiels dans les années à venir, compte tenu des nombreux départs en retraite, même si vous ne comptez pas remplacer un enseignant sur deux.
Monsieur le ministre, quel est l'état de vos relations et de vos discussions avec M. Chatel en ce qui concerne l'organisation de l'année universitaire et des stages ? Quelles garanties apportez-vous, pour que nous ayons des contenus de formation de même niveau sur l'ensemble du territoire ? Bref, quels sont vos projets en la matière ?
La réforme de la formation des enseignants est fondamentalement une chose positive. D'abord parce qu'elle permet aux enseignants de s'engager dans une carrière en ayant été, avant de passer le concours, confronté à la réalité d'une classe. C'est mieux. Elle permet en outre de le faire à un niveau master, et elle se traduit par une revalorisation de salaire intéressante.
D'ailleurs, contrairement aux prédictions des Cassandre sur l'effondrement catastrophique des motivations, le nombre de candidats ayant ce type de profil est reparti à la hausse de façon importante…
Cela étant, il reste des choses à améliorer, qui sont en partie sous la conduite de Luc Chatel et en partie sous la mienne, et nous travaillons évidemment en étroite collaboration.
À Luc Chatel de définir exactement les programmes de formation ; à moi de faire en sorte que nos universités puissent offrir des cadres de formation adaptés et surtout de réfléchir à la bonne articulation de ces formations en cinq ans par rapport au moment du passage de concours.
Nous avons encore un peu de temps pour y réfléchir, mais il est clair que l'objectif est de corriger avant les prochaines sessions ce qui n'a pas été réussi immédiatement, et de garder les améliorations incontestables.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ;
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 : suite de l'examen des crédits relatifs à la recherche et à l'enseignement supérieur ; examen des crédits relatifs à l'écologie, au développement et à l'aménagement durable.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron