Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord remettre ce budget en perspective.
En matière d'enseignement supérieur et de la recherche, nous avons fait la démonstration, depuis 2007, qu'il ne pouvait pas y avoir de politique publique susceptible de faire bouger les lignes et de changer le positionnement de notre pays dans une compétition internationale vive sans un effort qui s'inscrive dans la durée.Ce budget doit, bien évidemment, être placé dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités et d'une série de mesures prises dans la foulée de cette réforme, donnant aux universités qui le souhaitaient des responsabilités et des compétences élargies.
Mon rapport couvre les programmes 150 et 231, et permet de constater, monsieur le ministre, que l'enseignement supérieur reste la priorité majeure du Gouvernement, notamment en termes de moyens : malgré une stagnation de l'enveloppe globale, les crédits de l'enseignement supérieur progressent de 2,3 % en autorisations d'engagement et de 1,9 % en crédits de paiement, soit un budget autour de 12,5 milliards d'euros pour votre seul ministère.
Le programme « Vie étudiante » progresse de 4,14 % en crédits de paiement, atteignant près de 2,2 milliards d'euros. La progression entamée dès la loi de finances pour 2008 se poursuit donc.
Il est en outre notable, surtout lorsque l'on connaît la nécessité de la ressource humaine dans les métiers de l'enseignement supérieur et de la recherche, que votre ministère ait été exclu de la règle du non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
J'ai regardé quelques chiffres pour établir une comparaison. Sur la période 2001-2011, l'effort de la collectivité en faveur de l'enseignement supérieur, tous ministères confondus, est passé de 17 à 27 milliards d'euros. L'effort public par étudiant – je parle de la seule université, je retranche volontairement les grandes écoles et les classes préparatoires, pour les raisons que nous connaissons – est passé d'un peu plus de 8 600 euros en 2006 à près de 10 200 euros en 2010, et les budgets pour 2011 et 2012 ont confirmé cette tendance.
Monsieur le ministre, au-delà de la programmation triennale qui comportait un accroissement de l'effort public pour l'enseignement supérieur, nous pouvons constater dans votre budget un effort financier complémentaire, dépassant, dans certains domaines, ce qui était annoncé. Au sein du programme 150, ont été inscrits 43 millions d'euros supplémentaires pour aider nos universités à assumer leurs responsabilités et compétences élargies. De ce point de vue, la rallonge annoncée, qui est de 14,5 millions d'euros pour l'année universitaire en cours pour faire face au GVT et à l'inertie comptable des masses salariale, est bienvenue.
Vous disposez de 27,5 millions d'euros pour les moyens généraux, ce qui signifie que vos moyens de nourrir la politique contractuelle seront plus importants que prévu. Nous avons travaillé avec Alain Claeys, dans le cadre de la MEC, sur l'évolution du financement des universités. Nous avons insisté sur le fait qu'il faut, dans les contrats, faire une part plus importante aux objectifs qui vont au-delà de l'activité, de façon à donner place à la performance. Cela demande des enveloppes libres ; de ce point de vue, la rallonge au-delà du triennal est de bon augure.
Enfin, plus de 68 millions d'euros sont accordés pour l'immobilier, en plus de ce qui était prévu au triennal. C'est indispensable, compte tenu de l'autonomie accrue des établissements. Au 1er janvier dernier, 90 % d'entre eux sont passés au nouveau régime, et tous y seront en 2012, à l'exception de l'université de Polynésie. La communauté universitaire – enseignants, chercheurs, personnels, experts – s'est complètement approprié ce nouveau cadre d'exercice de la liberté pédagogique et d'innovation en matière de recherche et d'enseignement.
Au-delà des effets positifs, comme l'émergence, en Lorraine, d'une seule université commune à quatre établissements, ce mouvement de fusion est déjà réalisé à Strasbourg, il est quasiment achevé à Bordeaux et il sera lancé à Aix-Marseille, et nous voyons bien que les responsabilités et compétences élargies ont multiplié les initiatives. Il faudrait que nous soyons capables d'avoir une analyse qualitative des trois cohortes passées, notamment sur la gestion des ressources humaines. Les universités ont toujours eu difficulté à anticiper le GVT de l'État, du fait de la complexité – que certains appelleront richesse – des facteurs de rémunération des agents, mais à cela s'ajoute le développement des recrutements directs sous forme de contrats, qui complexifie encore davantage l'anticipation des évolutions de la masse salariale. Il est néanmoins hautement souhaitable qu'elles y parviennent, afin que les contrats avec l'État puissent en tenir compte.
Le budget du programme « Vie étudiante » est doté de 15 millions d'euros de plus que l'augmentation prévue dans la programmation triennale, afin que puisse être versé un dixième mois effectif de bourse dès la rentrée scolaire de cette année. Ce dixième mois de bourse constitue un progrès majeur, car la mise en oeuvre du LMD et du protocole de Bologne implique une année universitaire s'étageant sur dix mois. Il était donc logique que les étudiants bénéficient d'une bourse payée sur dix mois, mais le dire est une chose et l'assumer financièrement de manière durable en est une autre. Le Gouvernement a su dégager les moyens budgétaires, et il faut l'en féliciter.
Si l'on remet les choses en perspective sur les cinq dernières années, il faut rappeler que, depuis 2007, non seulement le nombre d'étudiants boursiers s'est accru de près de 25 %, mais le montant moyen des bourses a été revalorisé de près de 20 %. Le pays comptait 471 000 étudiants boursiers en 2007 ; il y en a près de 600 000 aujourd'hui, ce qui constitue une véritable inversion de tendance par rapport à la fin des années 1990 et au début des années 2000, où ce nombre, faute de revalorisation des plafonds de ressources, ne cessait de se réduire.
Si la plupart des bourses sont naturellement accordées sur critères sociaux, il existe également des aides spécifiques « en deçà » et « au-delà ». « En deçà », avec le développement du fonds national d'aide d'urgence, qui permet depuis 2008 d'intervenir de manière ponctuelle et rapide en faveur d'étudiants en difficulté. « Au-delà », car beaucoup d'outils complémentaires s'adressent à ceux qui ne rentrent pas dans les critères sociaux ou peu : je pense à l'échelon zéro, qui intéresse les classes moyennes, aux bourses au mérite dont bénéficient certains lycéens ou étudiants, et naturellement au développement des bourses de mobilité, qui est à poursuivre.
Au moment où l'on parle du statut de l'étudiant et de l'excellence de nos universités, je souhaite, monsieur le ministre, appeler votre attention sur la circulaire du 31 mai dernier concernant la maîtrise de l'immigration professionnelle.
Nos universités s'inscrivent dans un système extrêmement compétitif. Notre position est appréciable puisque nous sommes le troisième pays d'accueil d'étudiants étrangers, derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne, mais devant l'Allemagne, l'Australie et les pays émergents. L'accueil des étudiants étrangers est un facteur essentiel de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur et du rayonnement de notre économie.
Par votre expérience en matière d'insertion professionnelle des jeunes, vous savez fort bien, monsieur le ministre, que le diplôme n'est pas tout, et qu'il faut aussi de l'expérience professionnelle. Lorsque nos étudiants vont à l'étranger, c'est pour suivre une formation et acquérir un diplôme du pays où ils séjournent, mais également pour travailler et connaître les réalités professionnelles de ce pays. C'est au demeurant ce que prévoyait la loi de 2006 portée par notre Président de la République, alors ministre de l'intérieur. L'accès à une première expérience professionnelle aux étudiants étrangers préparant un master était expressément prévu par cette loi.
Je crains que la circulaire de mai dernier, qui vise à recadrer la maîtrise de l'immigration professionnelle, ne nuise au bon développement de cette politique de rayonnement international de nos universités. Il faudra veiller à ce qu'elle n'entrave pas le droit des étudiants ayant obtenu un master à bénéficier des dispositions de la loi de 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.
En conclusion, j'aborderai la question épineuse du logement étudiant. Nous devons tirer les leçons de l'évolution des crédits. Contrairement au débat que nous avions en 2007, nous savons aujourd'hui que les moyens étaient là. Il est donc intéressant de voir où il y a eu des résultats et où résident encore des difficultés. Au regard des chiffes, la réhabilitation de logements étudiants, qui semblait complexe au départ, progresse : 3 700 logements étudiants réhabilités en 2004, près de 4 200 l'année prochaine. La machine est lourde en termes de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre. Une fois lancée, elle atteint petit à petit les objectifs du plan Anciaux de 5 000 réhabilitations.
En revanche, la construction de logements étudiants est irrégulière, avec des années meilleures que d'autres. Une activation plus forte de la loi de 2004 organisant la possibilité de délégations de logements aux agglomérations permettrait sûrement d'aller plus vite sur le foncier et de mobiliser des moyens ainsi que les autres bailleurs sociaux qui sont prêts, aux côtés des CROUS, à faire du logement étudiant.
Il faudra bien sûr faire preuve de vigilance sur quelques points, mais dans l'ensemble, vous nous avez, monsieur le ministre, présenté un très bon budget. La commission des finances a donc émis un avis favorable.