Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de budget, dernier de la législature, m'amène à dresser un bilan. Toutefois, mon constat, triple, ne sera pas le même que celui de M. Birraux.
Premièrement, il y a un écart entre ce qui a été annoncé et ce qui existe vraiment. Les crédits de la mission stagnent ou diminuent. Pour illustrer mon propos, je prendrai trois exemples.
Les crédits du programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », augmentent de 2,3 % en crédits de paiement, ce qui équivaut à une différence positive de 238 millions d'euros. En fait cette évolution devrait tenir compte de l'inflation c'est-à-dire de la perte du pouvoir d'achat constaté en 2011. En effet l'inflation sur douze mois sera vraisemblablement de 2,1 % à la fin de 2011, soit 0,5 % de plus que prévue à la fin de 2010 et elle sera vraisemblablement de 1,7 % à la fin de 2012.
Ce sont donc un peu plus de 260 millions d'euros qui seront en fait dédiés à la hausse des prix. Il manquera pour ce seul programme près de 30 millions. Autrement dit, le projet de budget ne prévoit même pas la hausse des coûts de personnel des universités liée au glissement vieillesse technicité. Et, si l'on examine uniquement l'action « Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence », les crédits diminuent, puisque ce sont plus de 51 millions qu'il aurait fallu inscrire pour les maintenir à leur niveau de 2011.
Si les crédits du programme « Vie étudiante » augmentent de 86,2 millions d'euros, on constate que si l'on retranche ce que représente l'évolution du coût de la vie, l'augmentation n'est plus que de 40 millions environ.
Mon deuxième constat est relatif à l'insuffisance de transparence et de performance de l'utilisation des crédits et des dépenses fiscales. Ici encore, plusieurs exemples peuvent être pris.
En 2012, le Gouvernement diminue les crédits affectés aux trois premières années d'enseignement supérieur en faisant stagner les crédits et en ne les réévaluant pas du strict montant nécessaire. Là où des efforts particuliers pour assurer la réussite du plus grand nombre d'étudiants sont indispensables, l'objectif de faire bénéficier chaque étudiant de premier cycle de 1 500 heures d'enseignement risque d'être difficile à atteindre. Aucune raison n'est donnée à cette baisse.
Les universités, par le truchement de la Conférence des présidents d'universités, s'interrogent sur les moyens dont elles disposeront pour assurer leurs nouvelles missions et leur activité de gestion. 191 millions d'euros d'augmentation sont fléchés pour la retraite des agents, ce qui ne laisse que 40 millions environ pour le reste des dépenses de fonctionnement. Sachant que la dotation versée aux universités a un caractère global et ne tient pas suffisamment compte des différences démographiques relatives à leur personnel, certaines d'entre elles seront dans l'impossibilité de voter un budget tenant compte du GVT.
Aussi aboutissons-nous à une situation où l'autonomie est certes inscrite dans la loi, mais pas dans les moyens la garantissant. Le transfert des moyens s'est opéré sans que soient pris en compte de façon suffisamment fine la démographie et les coûts de personnel qui s'ensuivent.
Demain, certaines universités ayant davantage de responsabilités depuis la loi LRU, notamment en matière de gestion des personnels, risquent de ne pas pouvoir voter leur budget en équilibre et de devoir en déléguer l'adoption au recteur.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué en commission que les universités feraient l'objet de mesures appropriées. Pour ce faire, vous avez distingué trois catégories d'universités : celles n'ayant pas reçu ce qu'elles devaient recevoir au moment du transfert de compétences, celles devant faire l'objet d'une réévaluation du fait des évolutions, celles qui seraient mauvaises gestionnaires. Mais vous ne nous avez pas précisé quelle estimation a été faite des montants nécessaires, ni quels crédits sont prévus pour faire face à cette dépense, du reste déjà existante.
Si l'on s'intéresse à l'action 3 du programme « Vie étudiante », on voit que l'augmentation n'est que de 0,5 %, ce qui signifie une réduction de fait des crédits fléchés pour la santé des étudiants au travers du financement des services universitaires ou interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé. Alors que la dernière enquête sur la santé des étudiants met en évidence une dégradation de celle-ci, et même un renoncement à se soigner pour un tiers d'entre eux, les crédits baissent.
Selon un des rapporteurs pour avis, la santé des étudiants est un problème important. De fait, ils ne se soignent pas. Là encore, aucune explication cohérente avec les priorités énoncées antérieurement n'est donnée.
Concernant les aides aux étudiants, il semble que le versement du dixième mois de bourse ait pour contrepartie le report dans le temps des versements prévus pour les mois à venir. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous certifier qu'il n'en est rien ?
S'agissant de la recherche universitaire, les crédits de l'action portant sur les sciences de la vie diminuent de 12 %, sans que soit donnée aucune justification de cette réduction significative.
On le voit, ce budget 2012 est plein de surprises, mais de mauvaises surprises. de stagnations et de diminutions de crédits qui viennent contredire les priorités affichées.
À 1'insuffisance de transparence font écho l'opacité des dispositifs nouveaux et celle de leur performance pourtant proclamée.
Je prendrai deux exemples. Concernant l'effort de recherche général, il apparaît qu'il se fait au travers d'une dépense fiscale qui est le crédit d'impôt recherche. En 2010, le coût de ce dispositif a été, pour les finances publiques de 4,7 milliards d'euros. Parallèlement, les dépenses de recherche et développement des entreprises n'augmentent que modestement, 1 % en 2009. Sur la période 2007-2012, sur 5 milliards d'euros d'augmentation des crédits en faveur de la recherche, moins d'un tiers aura été consacré à la recherche publique.
En juin 2010, un rapport parlementaire avait fait deux recommandations : créer des équipes communes de contrôle du crédit d'impôt recherche entre les services fiscaux et les services du ministère de la recherche, au niveau central et dans les principales régions françaises ; mettre en place des outils quantitatifs et qualitatifs de suivi de la performance du crédit d'impôt recherche.
En commission, le rapporteur pour avis sur les crédits de la recherche a indiqué laconiquement que « les contrôles de l'utilisation optimale de cette dépense [étaient] encore perfectibles ». J'ignore s'il faut comprendre cette affirmation comme une litote ou comme le constat d'une demi-réalisation.
Je m'interroge en outre sur la nature des crédits du grand emprunt. Il est habituel de considérer que, sur les 35 milliards d'euros, les investissements d'avenir dont bénéficie la recherche française atteignent 22 milliards d'euros.
D'une part, il convient d'avoir à l'esprit que ce sont les intérêts de ce grand emprunt dont bénéficient les projets et non le capital que constituent les titres ou les bons détenus par l'État. D'autre part, les intérêts servis ne résultent pas des titres émis ou d'argent placé, mais correspondent à des intérêts économisés et à des crédits non dépensés. La rémunération des opérateurs qui bénéficient des sommes ainsi placées est déterminée par l'État ; quant aux intérêts versés, ils viennent en réduction des dépenses budgétaires. Aussi le financement des projets d'excellence que vise le grand emprunt a-t-il sa part d'obscurité et constitue-t-il à bien des égards une opération de débudgétisation des crédits de la recherche échappant au contrôle de l'Assemblée.
Il convient enfin d'évoquer la mise en réserve, demandée par l'État, de crédits affectés aux organismes de recherche. De nombreux organismes ont d'ores et déjà reçu consigne de mettre en réserve une partie des crédits que nous voterons et qui leur seront alloués, les taux applicables au titre de cette mise en réserve étant doublés par rapport à 2011 – ils passent de 0,25 à 0,50 % pour les dépenses de personnels et de 3 à 6 % pour les autres dépenses de fonctionnement. Ainsi, la baisse réelle des crédits disponibles sera plus importante que celle prévue par le projet de loi de finances.
Je conclurai sur la vision du Gouvernement sur l'université et sur la recherche, vision qui l'a conduit à ne pas leur donner la place d'avenir qui leur est due.
En 1995, la France occupait la sixième place en matière d'enseignement et de recherche au sein de l'OCDE alors qu'elle ne vient qu'au treizième rang aujourd'hui. En ce qui concerne la seule recherche civile, la France se situe même au vingt-sixième rang et, depuis 2007, le credo du Gouvernement est que l'université coûte trop cher, que les moyens sont trop dispersés, que les enseignants et les chercheurs n'en font pas assez, que notre innovation n'est pas concurrentielle dans la compétition mondiale, et ce malgré, dixit le Président de la République, un effort sans précédent et sans équivalent au monde.
Le postulat du développement de l'université et de la recherche doit être inverse : nous avons un devoir de financement de la recherche et de l'enseignement supérieur qui, s'il est une charge, constitue avant tout un investissement. L'insuffisance de financement a un coût : celui du déclassement de notre recherche et celui de l'échec toujours trop important de nos étudiants.
Les députés de mon groupe ne veulent pas, par conséquent, d'un budget caractérisé par une baisse des crédits, par des dépenses fiscales peu ou pas contrôlées et par une absence de vision d'avenir pour un secteur clef pour le pays, pour les générations à venir. Au total, les crédits alloués à la recherche nous paraissent insuffisants et loin d'être à la hauteur des promesses d'il y a cinq ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)