La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des retraites (nos 2760, 2770, 2768, 2767).
Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatorze heures vingt-huit minutes pour le groupe UMP, dix-huit heures cinquante-trois minutes pour le groupe SRC, six heures quarante-deux minutes pour le groupe GDR, cinq heures cinquante-six minutes pour le groupe Nouveau Centre et cinquante-neuf minutes pour les députés non-inscrits.
Monsieur le président, je souhaitais intervenir parce que la nature et l'organisation de nos débats viennent de changer, après la mobilisation exceptionnelle hier. Le Président de la République, son conseiller social, le porte-parole de l'Élysée viennent de porter à la connaissance du public le sens des amendements que le Gouvernement envisage sur le projet de loi sur les retraites.
Sur la méthode, je l'ai déjà dit hier, nous constatons que M. le ministre a refusé de répondre à nos questions, préférant s'exprimer à TF1, dans des conditions extrêmement pénibles pour lui – il aurait mieux fait de rester ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Nul ! » sur les bancs du groupe UMP.)
En tout cas, nous nous étonnons que ces propositions viennent si tard alors que, à évidence, il s'agit moins de concessions que d'un plan de communication laissant penser que le Gouvernement a entendu.
Une nouvelle fois, hélas ! les déclarations passées du Président de la République se vérifient : « J'écoute, mais je n'en tiens pas compte. » Le peu d'informations dont nous disposons nous laisse penser que le Gouvernement reste enfermé dans sa logique.
Nous voulons, nous exigeons, comme ceux qui ont manifesté hier (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – « Oui ! sur les bancs du groupe SRC), oui, nous exigeons une prise en compte de la pénibilité quand le Gouvernement s'en tient à la seule prise en considération de l'incapacité, abordant la question sous l'angle médical alors qu'il faudrait l'aborder sous l'angle de la justice sociale.
Il ne prend pas en compte non plus les effets différés c'est-à-dire que les salariés qui auront été exposés à des produits toxiques ne seront pas pris en charge par la réforme.
Le résultat, c'est que la réforme continuera à être supportée par celles et ceux qui devront cotiser plus de quarante et une annuités et demie et par celles et ceux, surtout celles, qui partiront avant soixante-deux ans ou soixante-sept ans, en acceptant – c'est peut-être finalement ce que vous souhaitez – des pensions réduites.
C'est peu dire que vous êtes très loin de l'attente des Français et que vous n'êtes pas à la hauteur de l'enjeu.
Je vous renvoie au travail parlementaire remarquable et passionnant qu'a effectué, dans le rapport 910, notre ancien collègue UMP Jean-Frédéric Poisson, en conclusion des travaux réalisés par notre assemblée sur la pénibilité du travail. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Aujourd'hui, 20 millions d'actifs sont concernés par au moins un des critères de pénibilité, qui ont été clairement définis dans ce rapport.
Aujourd'hui, les amendements qui sont envisagés par le Gouvernement permettraient tout au plus à 20 000 personnes de bénéficier d'un départ anticipé.
Pourtant, les chiffres de M. Poisson montrent que 500 000 personnes sont exposées à la pénibilité sur les 700 000 qui partent chaque année à la retraite.
On ne peut pas rester ainsi, dans un débat convenu, qui ferait que la discussion générale se déroulerait comme si de rien n'était. Il y a les manifestations, il y a les fausses attentes du Gouvernement, il y a un ministre qui se tait, qui ne dit rien, même à la télévision. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Avant d'aller plus loin, nous demandons qu'il nous dise clairement s'il existe une marge de discussion, une marge de négociation, ou si rien n'a changé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vais donner la parole à M. Jean Leonetti, pour un rappel au règlement. Auparavant, je rappelle, mes chers collègues, que lorsque le Gouvernement demande la parole, ce qui est le cas, il l'a. Le ministre aura donc la parole après le rappel au règlement de Jean Leonetti.
Je rappelle en outre que les rappels au règlement doivent, s'ils ne sont pas directement en rapport avec le déroulement de la séance, être décomptés sur le temps des groupes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je prends acte que le rappel au règlement du président Ayrault se situe dans ce cadre-là. Je suppose que le rappel au règlement de Jean Leonetti le sera également. Ensuite, nous rentrerons dans le débat.
Vous avez la parole, monsieur Leonetti.
Je m'étonne, mais je ne devrais pas parce que c'est son habitude, que l'intervention de M. Ayrault soit composée d'une fausse indignation et d'attaques personnelles.
Je constate par ailleurs une certaine contradiction dans ses propos. Hier, il reprochait au plus haut niveau de l'État de n'avoir pas écouté ce qui s'était dit dans la rue.
Et aujourd'hui, alors que le Gouvernement va proposer des avancées sur la pénibilité (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC), ce qui est une première sur le plan tant national – jamais la gauche ne l'a fait – qu'européen, il s'indigne de ces avancées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il faut retrouver la raison, il n'est pas besoin de s'indigner. Il y a eu une manifestation de rue, elle n'a pas été méprisée, elle a été écoutée.
Le Président de la République et le Gouvernement ont fait des propositions dont nous devons débattre.
C'est toute la dignité d'un débat démocratique que de permettre au plus haut niveau de l'État d'avoir entendu la souffrance, les inquiétudes d'une population sur une réforme majeure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Aux termes de l'article 31 de la Constitution, le Gouvernement s'exprime lorsqu'il le demande. Vous aurez la parole après.
Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, vous avez la parole. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations et claquements de pupitres sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, comme le Président de la République l'a annoncé ce matin, le Gouvernement va déposer cet après-midi plusieurs amendements à son projet de loi réformant les retraites. (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC.)
Ces amendements tiennent compte d'abord des attentes des Français, des discussions longues et approfondies que le Gouvernement et moi-même avons eues avec les partenaires sociaux, mais également des idées émises par nombre de parlementaires, notamment durant les réunions de la commission des affaires sociales.
Ces amendements visent à répondre à des situations très concrètes. Ils renforcent l'équité de notre réforme.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n'est pas vrai !
Ils renforcent également notre régime de retraite par répartition.
Nous avions indiqué, depuis le dépôt du texte – il n'y a donc pas de nouveauté – que nous étions prêts à avancer sur certains sujets.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !
Le Président de la République l'avait d'ailleurs confirmé dès le mois de juillet.
Avant, il nous faut cependant respecter une exigence, celle de ne pas remettre en cause l'objectif d'équilibre des régimes de retraites car mettre fin aux déficits des régimes de retraites, c'est d'abord une question de justice vis-à-vis des générations futures et c'est une question de responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens.
J'ai donc proposé ce matin certaines modifications au Président de la République et au Premier ministre. La décision a été annoncée dans la matinée en conseil des ministres par le Président de la République.
Leur traduction se fera dans les amendements déposés cet après-midi.
Le Gouvernement a souhaité que ces amendements puissent, comme le reste du texte, faire l'objet d'un examen approfondi par le Parlement. C'est pourquoi nous avons choisi de les déposer dès le début de la discussion, pendant la discussion générale.
Sur les polypensionnés, des organisations syndicales et des parlementaires avaient souligné, à juste titre, que la situation des fonctionnaires ayant acquis moins de quinze ans de service devait évoluer. Actuellement, parce qu'ils ont moins de quinze ans de service, ils ne peuvent pas toucher une pension de la fonction publique et sont rebasculés dans le régime général. Cette situation est source de complexité, elle est même incompréhensible pour les intéressés.
Celui qui a aujourd'hui quatorze ans de cotisations dans le régime de la fonction publique pense pouvoir prendre sa retraite sur ces quatorze ans. C'est faux. Il sera rebasculé dans le régime général et on lui demandera même de cotiser de façon supplémentaire dans le régime général.
Voilà comment cela se passe aujourd'hui. Ces personnes s'appellent des titulaires sans droits. Nous allons donc faire passer de quinze ans à deux ans la durée minimale qu'une personne devra avoir accomplie dans la fonction publique pour percevoir une retraite relevant de ce régime. Un tel amendement est très significatif puisqu'il évitera 15 000 à 20 000 basculements d'un régime à un autre.
Par ailleurs, certains ont souligné que la question des polypensionnés devait être envisagée de façon plus globale. C'est un sujet extrêmement complexe que nous avons examiné attentivement. On prétend souvent que les polypensionnés sont pénalisés par les règles de calcul de la pension, mais cela n'est pas si simple. Unifier purement et simplement le calcul des pensions des régimes alignés conduirait en réalité à faire un très grand nombre de perdants, notamment parmi les bénéficiaires de petites pensions. Nous avons donc longuement parlé de ce sujet techniquement…
…avec les organisations syndicales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons considéré qu'il n'était pas acceptable de faire un grand nombre de perdants avec une telle mesure. Du travail reste naturellement à accomplir sur un sujet aussi complexe. Il faudra donc étudier cette question et le Gouvernement déposera un amendement prévoyant un rapport approfondi sur l'ensemble de ses implications.
Quant à la pénibilité, c'est un sujet qui vous préoccupe, comme l'ensemble des Français et la majorité présidentielle.
Le projet du Gouvernement a déjà accompli un progrès considérable en liant la pénibilité aux retraites, ce qui est une première, même si vous le contestez. Cela n'existe pas dans d'autres pays.
Le rapport réalisé par le député Poisson, et que vous mettez aujourd'hui en avant, monsieur le président Ayrault, avait d'ailleurs été contesté par la gauche à l'époque, notamment parce qu'il s'appuyait sur une reconnaissance médicale.
Le Président de la République a souhaité aller plus loin sur la pénibilité. Le Gouvernement va donc déposer un amendement prévoyant que toute personne exposée à des facteurs de pénibilité pendant une durée suffisante pourra faire reconnaître devant une commission pluridisciplinaire territoriale son droit à partir à la retraite à soixante ans. L'usure professionnelle physique devant être constatée pour bénéficier de ce dispositif sera abaissée à un taux d'incapacité de 10 %, et non plus de 20 %. Les conditions personnelles d'exposition feront l'objet d'une discussion avec les partenaires sociaux avant que le fonctionnement de la commission pluridisciplinaire ne soit précisé par décret.
Concrètement, sont concernées de nombreuses pathologies qui se développent actuellement, notamment les troubles musculo-squelettiques…
…qui n'entraient pas dans le cadre des 20 % d'incapacité – vous aviez raison –, mais qui sont concernés par les 10 %. Je pense à l'exemple souvent cité de la caissière de supermarché qui, après des années de travail, souffre de troubles musculo-squelettiques. Elle n'était pas concernée avec le seuil de 20 %, mais elle le sera avec les 10 %. C'est extrêmement important. La population concernée par le dispositif de pénibilité passera ainsi de 10 000 à 30 000 personnes par an.
Ce dispositif sera financé par une contribution de la branche accidents du travail au moyen d'une majoration spécifique des cotisations qui sont à la charge des entreprises.
Par ailleurs, le Gouvernement a repris une idée émise par un parlementaire, M. Robinet, consistant à étendre le dispositif de pénibilité aux agriculteurs, et il a déposé un amendement en ce sens.
En outre, le Président de la République a rappelé le rôle essentiel que doivent jouer les branches et les entreprises dans la prévention. La réponse à apporter à la pénibilité du travail est d'abord logée dans les branches et dans les entreprises, c'est-à-dire au plus proche du terrain. Nous déposerons donc deux amendements.
Le premier prévoit que les entreprises et les branches devront être couvertes, d'ici au 31 décembre 2011, par un accord ou un plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité.
La meilleure façon de combattre la pénibilité – je pense que nous serons d'accord sur ce point – consiste en effet à la prévenir, pas à la réparer.
À défaut d'accord, une pénalité très importante, de 1 % de la masse salariale, sera appliquée.
Le second amendement s'appuiera sur l'idée défendue notamment par le président de la commission des affaires sociales, Pierre Méhaignerie, avec l'accord de nombre d'entre vous – je pense aussi au groupe Nouveau Centre –, selon laquelle il doit y avoir des accords de branche prévoyant une réponse adaptée, complémentaire de celle apportée par notre dispositif. Le Gouvernement est prêt à appuyer ces initiatives de branche pour aménager les fins de carrière en faisant en sorte, par exemple, qu'il y ait plus de temps partiel ou de tutorat. C'est normal : plus on travaille, plus il faut aménager. Un fonds d'expérimentation sera mis à la disposition des entreprises, monsieur le président de la commission des affaires sociales.
Par ailleurs, il serait totalement illusoire de croire que le dernier mot peut être apporté sur ce sujet. La prise en compte de la pénibilité est un sujet complexe dans lequel cette réforme entre de plain-pied.
Parce que les métiers changent, parce qu'il s'en créé de nouveaux tous les jours, le Gouvernement mettra en place un comité scientifique absolument nécessaire…
…chargé d'étudier l'évolution des facteurs de pénibilité, ainsi que leurs effets sur la santé, notamment les effets différés.
En dernier lieu, la compensation de la pénibilité n'est pas la seule réponse. La participation de tous les acteurs de la prévention est évidemment absolument nécessaire. Nous avons donc déposé un amendement visant à réformer la médecine du travail (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et à améliorer la participation des services de santé au travail à l'effort de prévention dans les entreprises en redéfinissant leurs missions, qui doivent être pleinement intégrées à l'entreprise, et en faisant en compte que ce soit des équipes pluridisciplinaires qui travaillent dans le cadre des services de santé au travail.
Dans le domaine de la fonction publique, l'effort de convergence entre régimes publics et privés se traduit notamment par la suppression, dans ce projet de loi, de la possibilité du départ anticipé – au fond des préretraites – qui était liée au fait d'avoir trois enfants et quinze ans de service. Cette mesure sera fermée au 1er janvier 2012. Toutefois, après avoir beaucoup travaillé et consulté avec Georges Tron, pour les assurés qui remplissent déjà les conditions, le Président de la République a décidé d'apporter une modification au dispositif initial, et donc a suivi nos propositions, pour éviter que certains assurés ne soient pénalisés par l'application des règles touchant à leur génération. Il aurait en effet été probablement trop brutal de les placer devant l'alternative consistant soit à prendre leur retraite parce qu'ils remplissent les conditions, soit à perdre leurs acquis en la matière. Nous avons donc souhaité faire en sorte que les choses ne soient pas trop rapides.
Le maintien des règles actuelles sera ainsi garanti pour les fonctionnaires se situant à moins de cinq ans de leur âge de retraite. Ils pourront partir à tout moment s'ils remplissent les conditions des quinze ans de service et des trois enfants. En effet, des personnes peuvent déjà avoir projeté de partir deux ou trois ans avant l'âge légal. Notre mesure permettra de respecter les projets de vie de ces fonctionnaires. Nous n'avons pas voulu les bouleverser. Je sais à quel point Marie-Jo Zimmermann et Laurent Hénart y sont sensibles. Ce sont 20 000 ou 30 000 fonctionnaires, des femmes notamment, qui pourront bénéficier de cette mesure d'ajustement de la fin du dispositif « quinze ans, trois enfants ».
Voilà ce que je souhaitais indiquer. Tel est le panorama des amendements qui seront déposés par le Gouvernement dans l'après-midi. C'est une avancée sociale supplémentaire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC) par rapport à la réforme des retraites. Ces amendements sont issus de l'écoute du Gouvernement, de l'écoute des parlementaires, de l'écoute des partenaires sociaux et de l'attente des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, à quel moment la commission se saisira-t-elle de ces amendements afin de les examiner ?
Monsieur le président, la commission se réunira à vingt heures quarante-cinq (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) pour étudier les amendements du Gouvernement.
Monsieur le président, au nom de notre groupe, je veux formuler ce rappel au règlement qui tient au déroulement de nos travaux, à l'ordre du jour, qui ne sera donc pas décompté de notre temps de parole.
Permettez-moi de commencer par une remarque sur ce qui s'est passé tout à l'heure. Je fais cette remarque, à la demande de mes collègues, d'autant plus volontiers que vous ne nous avez pas habitués à cela, monsieur le président. Nous avons fait l'objet d'un traitement discriminatoire. En effet, contrairement aux deux groupes UMP et SRC, nous n'avons pas pu nous exprimer avant le ministre. Nous n'en faisons pas une histoire, mais nous voulons le souligner.
Par ailleurs, la situation a complètement changé ce qui justifie, selon nous, que l'on réfléchisse à la façon d'organiser autrement nos travaux.
Premièrement, un nouveau rapport de forces s'est instauré dans le pays : les Français sont descendus dans la rue et ont donné de la voix. On ne peut pas l'ignorer !
Deuxièmement, nous venons d'entendre M. le ministre nous dire que le Président de la République avait décidé. C'est une innovation que d'entendre que le Président de la République fait désormais partie du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) puisque, en vertu de l'article 5 de la Constitution, il ne gouverne pas, sauf à violer notre texte fondamental ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Ce fait, en soi, mérite discussion parce qu'on ne peut pas continuer à accompagner ces viols permanents de nos institutions (Protestations sur les bancs du groupe UMP) héritées du général de Gaulle.
Troisièmement, des propositions d'amendements ont été présentées à la presse par un obscur collaborateur du Président de la République dont je ne suis pas sûr d'avoir bien retenu le nom : M. Toubie, Roupie, Voubie, Zombie… ! (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Depuis quand les propositions du Gouvernement sont-elles présentées par quelqu'un qui n'en est pas membre et qui n'a pas d'autorité lui permettant de s'exprimer au nom d'une institution quelle qu'elle soit ?
Quatrièmement, et ce sera mon dernier point, monsieur le président : M. le ministre vient de dire des choses importantes sur la pénibilité. Cela montre que le Gouvernement persévère dans le double langage en confondant – sans confondre évidemment ! – la pénibilité avec les notions d'incapacité, de handicap et d'invalidité, qui sont évidemment d'autres sujets.
Je termine, si vous le permettez, monsieur le président !
Nous souhaitons très clairement et avec beaucoup de conviction, contrairement à ce que vient de dire M. le président de la commission, que la réunion de la commission ne soit pas renvoyée à ce soir, mais que, compte tenu de l'importance de la situation nouvelle, elle ait lieu sans délai dans le but d'examiner les amendements afin que la discussion puisse se poursuivre de façon paisible et constructive. En outre, la commission ne peut se réunir valablement sans la participation des ministres. Merci, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
À écouter les réactions de la gauche, qui vocifère sur les propositions du Gouvernement, je voudrais dire une chose simple au nom de mon groupe. Qu'aurait-on dit si rien n'avait changé après la manifestation ! Cette manifestation exprimait surtout une inquiétude sur des enjeux très lourds, à propos desquels nous devrions chercher la concorde plutôt que ces manifestations d'opposition. Je tiens, au nom de mon groupe, à saluer l'initiative prise ce matin par le chef de l'État et le Gouvernement de revoir les conditions dans lesquelles nous pouvons améliorer le dispositif, notamment sur des sujets qui nous tiennent à coeur.
Le premier de ces sujets est celui de la pénibilité. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je voudrais que ce débat, monsieur le président, puisse se dérouler dans un respect mutuel. J'observe que la gauche, faute d'écouter les arguments, oppose un comportement que je tiens à dénoncer, comme celui du parti communiste qui s'est précipité hier matin. Ce n'est pas très digne d'un débat qui mérite autre chose.
Je voudrais rétablir une ou deux vérités devant la représentation nationale. Tout d'abord, il est faux de prétendre que sur la question de la pénibilité, des mesures générales ont été prises dans tous les pays de l'OCDE au niveau de la retraite. Pour tous ceux qui ont participé au travail sur les retraites, et j'ai auditionné la plupart des pays, aucun grand pays de l'OCDE n'a pris en compte la pénibilité dans les retraites par une mesure générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Deuxième point que je souhaite rétablir : il y a l'aspect curatif de la prise en compte d'un métier difficile, et les effets sur la santé. Monsieur le ministre, je tiens à saluer, au nom de mon groupe, comme Francis Vercamer le fera tout au long de la discussion, le fait que vous soyez passé de 20 % à 10 %, ce qui permettra de tripler le nombre des bénéficiaires, et de prendre en compte la situation des caissières, par exemple, pour lesquelles il y avait une difficulté. C'est donc une écoute du pays réel. Je voudrais attirer l'attention de la gauche : la retraite n'est pas faite pour corriger les conditions de travail, qui relèvent d'abord des branches professionnelles. Ces métiers doivent évoluer par le dialogue, et je me réjouis de cette avancée qu'avait souhaitée Pierre Méhaignerie, en plein accord avec Francis Vercamer qui appelait depuis le début à ce que la prévention des métiers difficiles soit intégrée dans les conditions de travail, pour ceux qui travaillent de nuit, pour ceux qui effectuent un travail posté, pour ceux qui ont des difficultés particulières. Il y aura peut-être une clarification à faire, notamment sur le rôle de ce comité scientifique par rapport à l'observatoire qui existe.
Enfin, sur les carrières longues, la prise en compte, contrairement à ce que vous indiquiez…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n'est pas un rappel au règlement !
Si, c'est un rappel au règlement, vous n'allez pas nous dénier le droit d'expression !
Je voudrais dire une dernière chose : sur les carrières longues, il y a une avancée considérable. L'avancement à soixante-deux ans est une nécessité absolue, tout le monde le sait et vous n'y reviendrez jamais. Il se traduit par une prise en compte pour les carrières longues à partir de seize ans, et nous espérons aller jusqu'à dix-huit ans. C'est vraiment une prise en compte de la situation de ceux qui ont commencé à travailler jeunes.
Je voudrais dire à la gauche : n'avancez pas masqués dans ce débat. N'essayez pas de susciter des doutes. L'ensemble de la représentation nationale et l'ensemble de la nation sont placés face à un défi. Je regrette que vous soyez dans une posture où même les avancées du Gouvernement ne sont pas saluées. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Mes chers collègues, des représentants de chacun des groupes ont pu s'exprimer sur le déroulement de la séance. Donc, s'il y a des rappels au règlement à partir de maintenant, ils seront décomptés du temps de parole des groupes.
La parole est à Mme Marisol Touraine.
Je vous remercie de me donner la parole, mais vous illustrez le caractère absolument absurde de ces discussions qui se font avec un grand sablier, et où l'on voit les secondes s'égrener les unes après les autres pour savoir si ce que l'on dit entre dans le temps imparti ou pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je dois dire que je ne retiens qu'un mot du discours du ministre : « Il n'y a pas de nouveauté. » Il n'y a effectivement pas de nouveauté dans les déclarations qui ont été faites ce matin à l'Élysée, c'est ce que vous avez dit à la tribune il y a quelques instants, monsieur le ministre. Il n'y a pas de nouveautés pour les salariés qui ont défilé hier dans la rue, et c'est tellement vrai que les mots qui viennent à la bouche après les annonces de l'Élysée – certains ont été prononcés par des responsables syndicaux – ne sont pas ceux de courage, de justice ou d'amélioration, mais ce sont ceux de bricolage ou de tripatouillage. C'est cela la vérité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Vous tentez de donner des gages, de donner le sentiment que votre réforme est juste et efficace, mais non seulement elle n'est ni l'une, ni l'autre, mais en plus elle est insincère. Car vous mentez aux Français depuis le début sur la réalité des mesures que vous annoncez, vous mentez aux Français sur la vérité de ce qui les attend en matière de retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, si nouveauté il y a, si changement il y a dans les propositions qui nous sont faites, réunissons la commission tout de suite ! Cela va nécessairement avoir un impact sur le déroulé de la discussion générale, certains collègues vont avoir envie de revoir leurs propos.
J'entends, monsieur le président de la commission des affaires sociales, que nous nous réunirions ce soir à vingt heures quarante-cinq, ce qui veut dire que nous allons procéder ce soir à l'examen des amendements, exactement comme nous l'avons fait au cours des derniers jours, avec un rapporteur, fort aimable au demeurant, qui sera derrière son bureau et fera défiler les feuilles en annonçant « refusé » ou « admis » sans qu'aucune explication ne soit donnée, ce dont certains députés de votre majorité se sont émus. (« Et à huis clos ! » sur les bancs du groupe SRC.)
D'ailleurs, ces histoires d'amendements sont assez étonnantes. Manifestement, certains étaient dans la confidence avant la réunion de l'Élysée, puisque des amendements ont surgi à l'improviste sur la médecine du travail. Avouez que cela semble un peu téléphoné ! Parler de la médecine du travail alors que l'on débat des retraites, le lien n'est pas absolument évident, et l'on ne comprend pas pourquoi un projet de loi sur la réforme de la médecine du travail arrive en catimini à l'occasion de l'examen d'un projet de loi sur la réforme des retraites.
Pourquoi certains députés ont-ils jugé utile, avant les déclarations de l'Élysée, de nous présenter de tels amendements ? Sans doute s'agit-il de petites manoeuvres politiciennes. En effet, chose incroyable au sein de notre groupe, des amendements présentés par le secrétaire général de l'UMP ont été retoqués en commission sans un mot, sans une discussion. Il faut croire qu'il y a deux poids, deux mesures. Il y a les amendements qui ont reçu l'imprimatur de M. Copé, et ceux qui sont présentés par le secrétaire général de l'UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous ne voulons pas de ce petit jeu. Nous voulons un débat de fond, sérieux, sur la question des retraites. Contrairement à ce que vous prétendez, un autre projet est possible, qui ne touche pas à l'âge de départ en retraite à soixante ans à taux plein, ni au départ en retraite sans décote à soixante-cinq ans. Et si nous voulons garantir la retraite par répartition, ce que nous faisons, alors que vous introduisez le ver de la capitalisation dans le fruit de votre réforme, nous avons besoin d'un projet qui soit financé, équilibré, et en tout cas pas d'un projet bricolé à l'occasion de conseils des ministres, ou de réunions de conseillers présidentiels qui se réunissent dans on ne sait quel bureau.
Nous vous demandons solennellement la réunion de la commission des affaires sociales pour examiner au fond, de façon sérieuse, l'ensemble des amendements qui nous sont présentés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mon rappel au règlement porte sur la réunion de la commission, et donc sur l'organisation de nos travaux.
Monsieur Méhaignerie, il n'est pas sérieux de nous demander de nous réunir à vingt heures quarante-cinq pour quarante-cinq minutes, puisque la séance reprend à vingt et une heures trente, sans que l'on ait encore les amendements du Gouvernement, alors que M. le ministre nous dit qu'ils étaient déjà prévus.
Comment peut-on travailler sérieusement, avoir le temps de demander les avis des syndicats de médecins du travail, de la FNATH, des confédérations syndicales, pour avoir un avis sur les propositions que vous faites ? Cela veut-il dire que le Parlement doit légiférer en l'air, en fonction de sa dernière humeur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Dans une démocratie, nous devons tenir compte de l'ensemble des partenaires. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, la commission doit être réunie sérieusement, et pas à la sauvette, entre la poire et le fromage, juste avant le début de la séance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je pense que c'est pour des raisons techniques que le président de la commission l'a convoquée à vingt heures quarante-cinq, mais cela ne veut pas dire que la commission ne se tiendra que pour trois quarts d'heure. Naturellement, la commission durera le temps qui sera nécessaire.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quelles sont les « raisons techniques » ?
Je finis par connaître le règlement, vous ne pouvez empêcher le président d'un groupe de s'exprimer, surtout dans un débat aussi crucial.
Prenons les choses avec sérieux. Nous vous demandons de respecter la représentation nationale, elle est assez maltraitée comme cela. Sur un sujet d'une importance capitale pour les Français, nous demandons la réunion de la commission des affaires sociales maintenant ! Et puisque vous ne répondez pas positivement, je demande une suspension de séance d'une demi-heure pour réunir mon groupe. Dans ce délai, vous pourrez réfléchir pour prendre en compte l'avis de tous les parlementaires, et en particulier de l'opposition, qui réclament une réunion immédiate de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Rappels au règlement
La séance est suspendue pour une demi-heure.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à seize heures dix.)
Nous avions demandé une suspension de séance afin que soit examinée sérieusement notre demande d'une réunion de la commission des affaires sociales plus tôt que ce qui nous a été annoncé, et si possible dès maintenant, dans la mesure où les nouveaux amendements sont rédigés…
J'attends la réponse, pour savoir ce que nous allons faire. La commission va-t-elle se réunir, et quand ? En tout état de cause, fixer l'heure de cette réunion après le journal de vingt heures à la télévision est assez méprisant pour la représentation nationale.
Le Gouvernement nous informe que des amendements vont nous être transmis dans la demi-heure.
Il nous faut un certain temps pour les étudier. Pour vous donner un délai pour travailler, puisque vous avez estimé que celui prévu était trop court, et pour faire suite à la demande du président, nous réunirons la commission à dix-neuf heures, et non pas à vingt heures quarante-cinq.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Folliot.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à me féliciter de la tenue de ce grand débat autour des retraites. C'est l'occasion d'en finir avec une situation où, comme trop souvent, l'irresponsabilité prévaut.
Le rendez-vous des retraites, on n'insiste pas assez sur ce point, doit avoir lieu dans l'intérêt des générations futures, au regard des dettes dont trop souvent elles héritent. Plus qu'un symbole, une dette constitue, en fait, un manque de courage qui vise à faire supporter par nos enfants et nos petits-enfants des charges que nous ne voulons pas assumer aujourd'hui.
La dette prend plusieurs formes : il s'agit d'abord des déficits publics engendrant la dette publique mais aussi des déficits sociaux de la sécurité sociale et, enfin, ne l'oublions pas, de la dette environnementale. Faut-il ajouter une quatrième dette, qualifiée de générationnelle, en n'assurant pas un retour à l'équilibre de notre système de retraites ? Je ne le crois pas.
Pendant très longtemps l'accompagnement des « vieux jours » a été le fait de solidarités intergénérationnelles, le plus souvent, dans le cadre de la famille – elles existent d'ailleurs toujours, et plus qu'on ne le croit. Aujourd'hui, ce sont les retraites qui assurent le relais des solidarités intergénérationnelles.
Notre système de retraites se fonde sur la répartition. Cette option implique de trouver les ajustements nécessaires pour préserver notre modèle.
Je vous livre quelques chiffres significatifs. En 1960, on comptait quatre actifs pour un retraité ; en 2010, il y a 1,43 actif pour un retraité ; en 2050, ce sera 1,2 actif pour un retraité.
En 2008, il y a avait 15,5 millions de retraités.
Le déficit des caisses de retraite sera de 30 milliards d'euros en 2010, soit 11 % de la masse des retraites versées qui représente un total de 270 milliards d'euros. Si rien n'est fait, ce déficit sera de 40 milliards d'euros en 2015, de 42,3 milliards en 2018 et de 72 à 115 milliards d'euros en 2050.
L'espérance de vie a augmenté de 6,3 années entre 1982 et aujourd'hui. Elle progresse d'un trimestre par an.
Le niveau de vie des retraités est, en moyenne, comparable à celui des actifs. Le taux de pauvreté des retraités de plus de soixante ans est de 10 % alors qu'il s'élève à 13 % pour l'ensemble de la population. En 2050, la France comptera 70 millions d'habitants, dont 23 millions de plus de soixante ans. Parmi eux, 11 millions de personnes auront plus de soixante-quinze ans, alors que ce chiffre s'élevait à 5 millions en 2005.
Il est urgent d'agir. Le projet de loi que nous allons examiner est un premier pas important, même s'il ne résout pas, loin s'en faut, tous les problèmes.
Nous pouvons faire un constat : notre système de retraites actuel recoupe une grande diversité de situations qui sont liées à autant de régimes différents pour des raisons historiques que je ne veux pas développer ici. Cette multiplicité de systèmes rend d'autant plus nécessaire une solution globale.
Nous, centristes, pensons que, finalement, nous prenons le risque de passer à coté d'un rendez-vous historique visant à promouvoir un régime unique et universel par points, ou, mieux encore, en compte notionnel, comme cela a été justement développé par notre collègue Jean-Luc Préél ou par la présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, Muguette Dini.
Il faut vingt ans pour mener à bien un tel changement de système. L'essentiel était déjà dit dans le Livre blanc de Michel Rocard en 1991. Mes chers collègues socialistes, si nous avions agi à ce moment là, la réforme systémique serait en place, et l'essentiel des problèmes seraient réglés.
De plus, il faudra aller au-delà, notamment en apportant des solutions pour l'après-2018 afin d'assurer durablement l'équilibre financier du système.
Enfin, je pense que l'on ne peut pas complètement dissocier le problème des retraites de celui de la dépendance, que l'on appelle « cinquième risque ». Il s'agit d'un chantier colossal qu'il nous faudra ouvrir rapidement.
Au-delà de ces considérations d'ordre général, vous me permettrez de consacrer mon intervention à deux thèmes : celui de la retraite des conjoints collaborateurs et des aides familiaux agricoles – car j'ai notamment été porte-parole de mon groupe sur une proposition de loi traitant de ce sujet en janvier dernier –, et celui de la retraite des militaires puisque je suis vice-président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Les conjoints collaborateurs et aides familiaux constituent de véritables « poches de pauvreté » au sein du monde agricole. En 2007, le montant annuel moyen des prestations de retraite du régime de base s'élevait ainsi, d'après les statistiques fournies par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, à seulement 3 859 euros pour les conjoints et à 656 euros pour les autres membres de la famille. On dénombre environ 50 000 conjoints collaborateurs qui sont bien souvent des épouses. Les conjoints d'exploitants et aides familiaux perçoivent des retraites très basses, en moyenne 500 euros par mois, alors que ces personnes ont tout autant que l'exploitant contribué, par leur temps et leur énergie, à la vie de l'exploitation agricole.
Les conjoints et aides familiaux sont aujourd'hui encore exclus du champ d'application de la loi du 4 mars 2002 qui a créé un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles. Cette loi permet aux chefs d'exploitation et d'entreprise agricole de percevoir un complément de retraite de l'ordre de 1 000 euros par an.
Une proposition de loi socialiste déposée au début de l'année 2010 sur le bureau de l'Assemblée prévoyait l'extension du régime de retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aides familiaux de l'agriculture.
Les centristes avaient soutenu ce texte. Aujourd'hui, le grand débat sur les retraites est l'occasion de rétablir une injustice criante car les conjoints collaborateurs et les aides familiaux constituent le parent pauvre de la filière agricole.
Le présent projet de loi vise à affilier au régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles les conjoints collaborateurs et les aides familiaux en alignant leur situation sur celle des autres conjoints de travailleurs non salariés qui, eux, bénéficient, à ce jour, d'une retraite complémentaire, même si elle est trop souvent modeste. Il faut garantir davantage d'équité aux personnes les plus faibles.
Le projet de loi marque une avancée en facilitant l'accès des agriculteurs au minimum vieillesse en retirant les terres agricoles et les bâtiments d'exploitation du recours sur succession.
Il sera nécessaire de veiller à la bonne application de la présente loi afin de permettre aux conjoints collaborateurs et aides familiaux agricoles de retrouver un niveau de vie décent : le souci de justice sociale l'exige. Je défendrai par conséquent un amendement qui demande au Gouvernement de déposer sur les Bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport suivant l'application de ces mesures en particulier.
En ce qui concerne les militaires, il ne s'agit pas de les soustraire à l'effort de notre pays sur la question délicate des retraites. Ils exercent un métier comparable à nul autre car, au bout de l'engagement, il peut y avoir pour eux, le sacrifice suprême, celui de la vie.
Cependant, les militaires forment une catégorie socio-professionnelle à part au sein de la fonction publique. En effet, une armée opérationnelle et fonctionnant bien est avant tout une armée jeune. Pour ce faire, il faut assurer le renouvellement régulier des effectifs et donc veiller à ce que la profession soit attractive.
À ce titre, il est important de mettre en exergue la distinction entre carrière courte et carrière longue. La communauté militaire est la seule, au service de la nation, à être majoritairement constituée de personnel sous contrat ce qui la distingue de toutes les autres fonctions publiques. Le personnel sous-contrat, qui représente 65 % de la profession et 100 % des militaires du rang, suit une carrière courte.
Pour cette raison, j'ai cosigné l'amendement de mon collègue Étienne Pinte, qui vise à maintenir le régime actuel des militaires du rang et des jeunes sous-officiers leur permettant de disposer d'une pension à jouissance immédiate après quinze ans de service. Rappelons-le, cette mesure ne concerne que 10 % des effectifs pour une retraite qui s'élève, dans la plupart des cas à 600 euros par mois. On est donc loin de la défense de privilégiés. Il ne s'agit pas d'un avantage catégoriel mais d'une disposition spécifique et justifiée qui permet à des militaires après une carrière riche, active mais exigeante de poursuivre une seconde vie professionnelle civile dans de bonnes conditions au regard des services rendus à la République et des risques pris.
De plus, le maintien du dispositif actuel est essentiel pour fidéliser les militaires contractuels. En effet, les armées ont un besoin croissant de militaires du rang aguerris, formés et expérimentés, ayant effectué entre cinq et quinze ans de service. Or, elles constatent une très forte attrition jusqu'à dix ans de service qui sera inévitablement accentuée par une retraite à jouissance immédiate repoussée de deux ans.
Enfin, le projet actuel agit sévèrement sur la population militaire la plus précaire, entièrement contractuelle. Il sera considéré comme une dégradation de la condition militaire alors même que notre pays emploie nos jeunes dans des opérations à haut risque. Ces derniers s'engagent pleinement, au péril de leur vie s'il le faut, comme le montrent les événements récents. J'en parle d'autant plus en connaissance de cause que la ville de Castres, dont je suis l'élu, s'inscrit dans une longue tradition militaire. En 2008, une embuscade dans la vallée d'Uzbin, en Afghanistan, a coûté la vie à huit hommes de notre régiment, le prestigieux 8e RPIMA. Eux ne profiteront jamais de leur retraite.
En conclusion, cette réforme des retraites, pour être comprise et admise, se doit de préserver l'équité entre nos concitoyens afin de ne pas trahir l'idée même de solidarité. Elle doit aussi se situer dans une démarche de responsabilité envers les générations futures pour assurer l'équilibre financier du système.
Si l'intention est louable, et les premiers pas courageux – le groupe centriste se félicite des avancées présentées par le ministre, notamment en matière de pénibilité, problématique à laquelle nous sommes particulièrement sensibles –, ce texte est largement perfectible. Le groupe centriste apporte précisément sa contribution en ce sens avec ses amendements qui, nous l'espérons, seront retenus avec la bienveillante attention qu'ils méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteur, le sujet des retraites touche au coeur du pacte social français. Il nous concerne tous, c'est pourquoi il nous intéresse tant.
La solidarité entre les générations, la cohésion nationale, la place des aînés dans la société, la reconnaissance et la juste rétribution du travail et du mérite... : les valeurs essentielles qui unissent les Français sont engagées dans cette réforme.
Le premier impératif de la réforme des retraites, c'est de faire preuve de responsabilité face au défi démographique et financier. Force est de constater que sur les vingt dernières années la responsabilité ne s'est située que d'un seul côté de l'échiquier, d'un seul côté de l'hémicycle, du côté de la droite républicaine et du centre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Citons la réforme Balladur en 1993, la réforme Fillon en 2003, les réformes de 2007 et 2008 que j'ai eu l'honneur de mener... Sur ce dossier capital pour la vie des Français, les socialistes et les communistes ont toujours été aux abonnés absents, c'est une réalité, c'est une vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, je veux saluer au nom du Mouvement populaire, l'action qui est la vôtre, votre sens des responsabilités, votre détermination et votre courage.
Je veux aussi saluer les annonces faites ce matin par le Président de la République : elle vont dans le sens attendu et elles correspondent exactement aux valeurs que défend notre famille politique.
Tout à l'heure, j'ai entendu certains orateurs du parti socialiste nous donner des leçons de concertation. Dois-je rappeler que, lors de l'instauration des 35 heures,…
…l'une des dernières grandes réformes qu'il a eu à mener – fort heureusement, elles ne furent pas nombreuses –, le même parti socialiste a ignoré et méprisé les partenaires sociaux pour imposer un texte idéologique, conçu avec des oeillères. Nous n'avons pas de leçons à recevoir du parti socialiste en matière de concertation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La réforme des retraites que nous défendons aujourd'hui est une réforme nécessaire, efficace et juste.
Elle est, tout d'abord, nécessaire pour sauver notre régime de répartition. La crise a accéléré la croissance des déficits de nos régimes de retraite de vingt années. Vous connaissez les chiffres ; je ne vais pas les rappeler. En tout état de cause, la conclusion est claire : nous ne pouvions rester sans rien faire. Le statu quo aurait été totalement irresponsable.
Rester sans rien faire, ce serait causer la mort de notre système de retraite par répartition et travailler, passivement mais efficacement, à son remplacement par un système de retraite uniquement fondé sur le chacun pour soi, c'est-à-dire la négation de notre conception de la solidarité.
Certains préconisent la hausse générale des cotisations. Ils sont à gauche.
Nous refusons cette solution, pour plusieurs raisons.
Premièrement, cette réponse est à côté de la question, car, je le répète, nous avons un problème démographique. À ce problème démographique, il faut une réponse principalement démographique. Bien entendu, si nous avions observé, dans les décennies passées, une baisse anormale des prélèvements obligatoires sur le travail, nous nous prononcerions pour la hausse des prélèvements. Mais tel n'est pas le cas. Je pense que tout le monde sera d'accord sur ce point : la France est l'un des pays qui présentent le taux de prélèvement sur le travail les plus élevés d'Europe. Contrairement au PS, nous refusons de toujours augmenter les impôts.
C'est bien le travail qui doit financer les retraites, et non les impôts.
À ceux qui ont proposé comme seule solution, à défaut d'un projet, l'augmentation des impôts, des cotisations et des taxes, je réponds que c'est la négation de la retraite par répartition. Financer les retraites par la fiscalité, c'est en effet tourner le dos à ce système. C'est le travail, selon des critères démographiques, qui doit contribuer au financement des retraites, et non l'impôt, les cotisations, les taxes.
Car, si une crise économique survient, les rentrées fiscales disparaîtront et vous ne serez plus en mesure de financer le système de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Refuser de travailler un peu plus longtemps, c'est mettre tout le poids de la réforme sur la fiscalité. Or, plus d'impôts, c'est moins de pouvoir d'achat pour les ménages et des délocalisations en perspective.
Nous, nous voulons valoriser le pouvoir d'achat, retenir et faire revenir les emplois industriels en France.
Une hausse de 6 points de cotisation, nécessaire pour couvrir les besoins de financement d'ici à 2050, pourrait détruire 470 000 emplois et augmenter le taux de chômage de près de 2 points. Son effet défavorable sur la croissance serait de 2,4 points.
Ensuite, cette réforme est nécessaire pour éviter la baisse des pensions des retraités. Toucher aux pensions, ce serait toucher directement au pouvoir d'achat des retraités, ainsi qu'à la consommation, donc à la vitalité de notre économie. Or, notre seul tabou, c'est la baisse des pensions. La hausse de l'âge légal n'en est certainement pas un ; au reste, même certains socialistes l'ont reconnu. Mais, au parti socialiste, on a la mémoire courte. Dois-je rappeler qu'en 1983, à l'Assemblée nationale, Pierre Bérégovoy lui-même déclarait que la retraite à soixante ans avait été décidée pour la génération qui avait connu la Seconde Guerre mondiale, en reconnaissance des services rendus ? Voilà une vérité historique !
Lorsque la première secrétaire du parti socialiste, Martine Aubry, défend, aujourd'hui encore, la retraite à soixante ans, c'est une hypocrisie sans nom. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans Le Parisien d'hier, la première secrétaire du parti socialiste a déclaré : « Nous défendons la liberté pour les salariés de pouvoir partir à soixante ans, mais cela ne signifie pas donner une retraite à taux plein pour tous les salariés à soixante ans. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Parce qu'il n'a pas le courage nécessaire pour mener cette réforme, le parti socialiste, en voulant maintenir la retraite à soixante ans non financée, propose la baisse des pensions pour les retraités français. Avec nous, il n'en est pas question ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La réforme des retraites est efficace, car elle rétablit l'équilibre financier de nos régimes de retraite à l'horizon 2018.
Enfin, et c'est sur ce point fondamental que je veux insister aujourd'hui, la réforme des retraites est juste. Tout d'abord, elle garantit la pérennité de notre modèle social pour nos enfants.
La première des justices, c'est en effet de garantir aux générations futures le droit à une retraite décente. Le gouvernement d'Édouard Balladur, en 1993, François Fillon, en 2003, et moi-même, en 2008, avec la réforme des régimes spéciaux, nous avons pris les mesures qui s'imposaient. Aujourd'hui, la réforme revient sur les inégalités entre les régimes publics et privés en harmonisant les taux de cotisations, par exemple.
C'est une réforme juste, car les hauts revenus et le capital seront taxés,…
…puisque les stock-options, les retraites chapeau et la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu seront concernées. Des recettes nouvelles sur les revenus du capital et les allégements de charges dont bénéficient certaines entreprises viendront également financer les régimes de retraites.
C'est une réforme juste, car elle prend en compte la spécificité de la situation des femmes. Ainsi, les indemnités journalières perçues pendant le congé maternité seront désormais prises en compte dans le calcul de la retraite.
C'est une réforme juste, car elle prend en compte la situation des plus démunis. Comme s'y était engagé le candidat Nicolas Sarkozy, le minimum vieillesse sera revalorisé de 25 % entre 2007 et 2012. En outre, les personnes qui ont eu les carrières les plus heurtées et qui ont cotisé très peu de trimestres ne seront pas concernées par le passage de l'âge du taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans, car elles bénéficient généralement du minimum vieillesse. Or, la réforme maintient à soixante-cinq ans l'âge à partir duquel il est possible de toucher le minimum vieillesse.
C'est une réforme juste, car elle tient compte des carrières longues. Parce qu'il serait injuste que ceux qui ont commencé à travailler très jeunes soient obligés de travailler aussi longtemps que les autres, la réforme maintient et étend le dispositif « carrières longues » – et je m'adresse au président Méhaignerie qui, en 2003, avait beaucoup insisté pour que ce dispositif, qui incarne à la fois la valeur travail et la justice, soit étendu. Près de 600 000 Français sont ainsi partis à la retraite avant l'âge légal. Cette réforme, qui était souhaitée par le parti communiste depuis de nombreuses années et que le parti socialiste a obstinément refusée, c'est notre majorité qui l'a mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, c'est une réforme juste, car, pour la première fois, la pénibilité de certaines activités est prise en compte. Il s'agit d'une avancée sociale majeure qui voit le jour, une avancée sur laquelle le mouvement populaire a particulièrement insisté lors de la convention nationale sur les retraites, sur laquelle Arnaud Robinet a beaucoup travaillé. Ce droit nouveau, sans équivalent en Europe, va de pair avec le renforcement de la prévention de la pénibilité. Ceux qui ont connu des situations de travail pénibles et dont la santé s'est dégradée pourront partir à la retraite dès l'âge de soixante ans, sans décote.
Mme Touraine, M. Ayrault ont parlé d'« insincérité ». En vérité, c'est la proposition de Martine Aubry de maintenir la retraite à soixante ans qui est hypocrite et insincère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, notre réforme est juste, elle est bien entendu efficace et certainement nécessaire. Voilà pourquoi nous devons aller au bout. La responsabilité, en politique, ce n'est pas d'éluder les problèmes, comme le fait la gauche, mais de savoir demander des efforts nécessaires à un peuple responsable.
Oui, nous demandons aujourd'hui aux Français un effort. Cet effort est indispensable pour moderniser notre modèle social, assurer à tous une retraite juste et équitable et garantir notre pacte social. À ce rendez-vous du courage et de la responsabilité, monsieur le ministre, nous répondrons présent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Alors, Jean-François ? » sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, mes chers collègues, les manifestations que notre pays vient de connaître sont les plus importantes depuis quinze ans. Tous les sondages révèlent que 65 à 70 % des Français se déclarent opposés à votre projet de loi et au report de l'âge légal de la retraite à soixante-deux ans. En guise de réponse, vous distribuez des miettes et brandissez en étendard des avancées sur la pénibilité.
En réalité, vous ignorez celle-ci en procédant à un amalgame déplacé entre pénibilité et invalidité.
Vous proposez quelques dispositions destinées à quelques milliers de personnes pour vendre ce qui est, pour des dizaines de millions de Français, un recul de civilisation sans précédent depuis près d'un siècle. Quant à votre agitation matinale, elle est un leurre médiatique de plus pour ne surtout rien modifier sur le fond.
En fait, vous convoquez les Français pour qu'ils paient à la place des marchés financiers et des spéculateurs (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) les conséquences désastreuses d'un système organisé autour de la préservation de quelques privilèges. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Votre projet de loi est une imposture fondée sur un « raisonnement Canada dry » : votre démonstration a la couleur de la vérité, le goût de la vérité, mais ce n'est pas la vérité.
Une seule fois, vous avez dit la vérité : lorsque vous avez déclaré qu'il y aurait de plus en plus de retraités et de moins en moins d'actifs pour payer. Ce faisant, vous n'avez rien dit de trois données essentielles qui donnent pourtant la solution…
…au problème du financement des retraites : l'accroissement des richesses et leur répartition, la productivité du travail et l'emploi et les salaires.
Sur ces trois questions, le débat est interdit. Et pour cause : en traiter, c'est forcément remettre en cause un système capitaliste qui, durant ces trente dernières années, n'a fait que déplacer une partie des richesses créées des revenus du travail vers ceux du capital.
Alors que le communisme a permis des progrès considérables, c'est bien connu !
Reprenant les chiffres du COR, le Premier ministre a indiqué qu'à l'horizon 2050, il faudrait 100 milliards d'euros supplémentaires pour financer les retraites, soit 2,5 milliards par an. Or, il faut expliquer à nos concitoyens que, depuis huit ans, vous avez dépensé en moyenne chaque année le double de cette somme en cadeaux fiscaux.
Par ailleurs – et les éléments que je vais citer sont tous issus des rapports du COR de 2001 et de 2010 –, l'accroissement des richesses d'ici à 2050 sera multiplié par deux. Ainsi, c'est sur 2 000 milliards d'euros qu'il faudrait trouver 100 milliards d'euros supplémentaires, soit 5 % de l'augmentation du produit intérieur brut. Qui a décrété qu'il s'agissait d'une mission impossible ?
J'ajoute que, toujours selon le COR, la croissance de la productivité du travail est telle que si, en 2050, il n'existe plus qu'1,2 cotisant pour un retraité – contre 1,8 actuellement –, il produira autant que 2,4 cotisants aujourd'hui. Autrement dit, l'augmentation de la productivité du travail nous placera dans une meilleure position qu'aujourd'hui pour financer nos retraites.
Enfin, l'emploi est l'autre grand oublié du projet du Gouvernement. En effet, vous n'avez prévu aucune disposition similaire à celle que nous proposons à l'article 2 de notre proposition de loi afin d'orienter en priorité, grâce à la modulation des cotisations des entreprises, l'argent vers l'emploi et les salaires plutôt que vers la rémunération du capital. Une telle mesure ne représenterait pas, comme je l'ai entendu, une charge supplémentaire pour les entreprises : ce serait un transfert de richesses du capital vers le travail. Je rappelle qu'1 million d'emplois, ce sont 15 milliards d'euros de cotisations sociales, dont 6 milliards pour les retraites.
De manière générale, la question de la répartition des richesses est fondamentale. Ce qui s'est passé ces dernières décennies constitue un extraordinaire détournement des richesses du travail vers le capital. Ainsi que l'a rappelé mon collègue Roland Muzeau, selon l'INSEE et les comptes de la nation, entre 1993 et 2009, le produit intérieur brut de la France a augmenté de 33 %, les cotisations sociales de 19 % – le retard pris est déjà considérable – et les revenus financiers et des banques de 143 %. Cherchez l'erreur !
En huit ans, la ponction des actionnaires sur les richesses créées par les entreprises est passée de 25 à 36,2 %. En 2008, les dividendes et intérêts versés aux banques par les entreprises représentent largement plus du double de ce qu'elles versent en cotisations sociales. Cet accaparement, ce siphonnage des richesses par le capital, est non seulement injuste, puisqu'il se fait au détriment d'une politique sociale en faveur de nos concitoyens, mais il est nuisible à l'économie, puisqu'il alimente le puits sans fond des marchés financiers et de la spéculation, qui nous ont menés à la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui.
Le rééquilibrage de la répartition des richesses n'est donc pas seulement utile pour développer une politique sociale, il est indispensable pour assainir l'économie et stopper la gangrène que portent les marchés financiers et les spéculateurs. Voilà pourquoi il y a urgence, notamment pour financer les retraites, à taxer les revenus financiers à même hauteur que les salaires ; à supprimer les exonérations de cotisations de sécurité sociale qui, selon la Cour des comptes, ne servent pas à l'emploi – ce sont les trois quarts de ces cotisations ; à supprimer les exonérations de plus-values de cessions de titres de participation dans les entreprises, un cadeau extraordinaire que M. le ministre a qualifié hier de « virtuel », mais qui a tout de même déjà coûté 22 milliards d'euros en trois ans !
Je rappelle, pour ceux qui pleurent sur le sort de ces pauvres riches, pourchassés si injustement par une bande de gueux, qu'en dix ans, les 500 plus grosses fortunes françaises ont vu leurs revenus passer de 6 % à 14 % du produit intérieur brut, soit un accroissement de 160 milliards d'euros. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe GDR.) Et je ne parle même pas des petites gâteries des responsables de banques qui, en pleine crise, s'offrent des stock-options – récemment, les deux dirigeants de la BNP ont reçu un million d'euros à ce titre –, ce qui constitue une véritable provocation.
Quant à l'évasion fiscale, elle coûte, bon an, mal an, 50 milliards d'euros à la France. On oblige les sportifs à chanter la Marseillaise…
…ce qui, en soi, n'a rien de scandaleux, mais personne n'oblige les évadés fiscaux à respecter la République, leur pays et ses citoyens. Ça, en revanche, c'est scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Comment peut-on en arriver à ce que les entreprises du CAC 40, qui devraient théoriquement être assujetties à un taux facial d'impôt sur les sociétés de 33 %, ne le soient qu'à un taux effectif de 8 % – une différence qui représente 9 milliards d'euros en moins pour le budget de l'État ? Il faut trouver un autre alibi que celui de la mondialisation qui, comme par hasard, privilégie toujours les mêmes pour faire avaler la pilule de ses injustices !
La faiblesse étant humaine, je ne résiste pas à la cerise sur le gâteau, symbolisée par Mme Bettencourt (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui devrait payer 140 millions d'euros d'impôts – je ne sais pas si cela inclut la déclaration de son île au trésor – mais ne paye que 40 millions d'euros et se voit octroyer une remise de 30 millions d'euros en raison du bouclier fiscal. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe GDR.) Quel monde magnifique que ce monde, et quelle belle chose que la mondialisation ! Il devient inacceptable, et même indécent, que les plus riches, les spéculateurs, les marchés financiers, continuent de se goinfrer de milliards d'euros, fraudent le fisc, participent à l'évasion fiscale, reçoivent des cadeaux fiscaux, pendant que le Gouvernement demande au peuple de se serrer la ceinture, de payer pour les déficits dont sont responsables ces marchés financiers, de payer pour les retraites, pour la sécurité sociale, de payer en licenciements et en précarité l'engraissement d'une minorité dont l'argent est finalement plus nuisible qu'utile à la société ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le COR a mis en évidence qu'une simple augmentation de cotisation des entreprises de 0,26 % par an – ce qui est largement en dessous du taux d'inflation – rapporterait 110 milliards d'euros à l'échéance 2050, c'est-à-dire le chiffre avancé par le Premier ministre lui-même pour assurer le financement des retraites. Ce ne sont pas, monsieur Bertrand, les cotisations qui ont créé la crise, c'est l'overdose de liquidités des marchés financiers, comme le dit Patrick Artus.
Le summum de l'ignominie – ou de l'honnêteté – est atteint lorsque le ministre du budget nous explique que le projet de loi du Gouvernement sur les retraites s'inscrit dans l'engagement de la France de réduire sa dette, dans le but évident de plaire aux dirigeants européens, aux agences de notation et aux marchés financiers. Ainsi, pour faire plaisir aux marchés financiers, responsables de la crise, donc d'une grande partie des déficits des État, mais aussi responsables du déficit du régime général des retraites du secteur privé – un déficit sur lequel les mêmes marchés spéculent aujourd'hui, comme cela a été le cas en Grèce –, il est demandé instamment aux États de combler leurs dettes sous peine d'être financièrement punis. Ainsi, nous devrions sacrifier retraite, protection sociale, école et hôpital et nous coucher devant la loi, ou plutôt la dictature des marchés financiers !
Votre contre-réforme est, ni plus ni moins, une capitulation devant un monde qui ne sait que se gaver de milliards d'euros. Votre obstination à protéger ce monde, à présenter des lois iniques, m'incite à conclure mon intervention par cette phrase du prix Nobel d'économie Paul Krugman : « L'élite des responsables politiques – les banquiers centraux, les ministres des finances, les élus qui se dressent en défenseurs de la vertu budgétaire – agissent comme les prêtres d'un culte antique, exigeant que nous nous livrions à des sacrifices humains pour apaiser la colère de dieux invisibles. » Au courage dont vous vous réclamez sans cesse pour procéder à ces sacrifices humains avec votre projet de loi, nous préférons notre courage et notre proposition de loi, consistant à oser affronter la colère de ces dieux pas si invisibles : les marchés financiers et les spéculateurs, ceux-là même que l'économiste américain Galbraith appelle les « faux-monnayeurs ». (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans son programme adopté le 15 mars 1944, le Conseil national de la Résistance prévoyait, parmi les « mesures à appliquer dès la Libération », de promouvoir « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ». L'ordonnance du 4 octobre 1945 a traduit juridiquement ces objectifs sociaux en prévoyant la création de la sécurité sociale, constituée notamment d'une branche vieillesse comportant un régime général de retraite par répartition. L'exposé des motifs de cette ordonnance indique clairement que, pour remplir son but de « vaste organisation d'entraide obligatoire », elle devra présenter un « caractère de très grande généralité, à la fois quant aux personnes qu'elle englobe et aux risques qu'elle couvre. »
Si seulement l'unanimité qui a caractérisé la création de la sécurité sociale en 1945 s'était maintenue en France, comme elle s'est maintenue en Allemagne lors des réformes successives des régimes de retraite ! Dans la suite logique des réformes successives de ce modèle social mis en place à l'issue de la Deuxième Guerre mondiale, le projet de loi qui nous est présenté, et que le groupe Nouveau Centre soutient, n'est qu'une étape. (« C'est bien le drame ! » sur les bancs du groupe GDR.) Car, s'il ne constitue pas une réforme systémique, mais une réforme paramétrique comme les réformes Balladur de 1993…
…ou Fillon de 2003, ce projet ne permettra d'atteindre l'équilibre financier qu'avec des hypothèses de croissance peu réalistes.
Nous sommes favorables à ce texte, mais estimons que le Gouvernement ne va pas assez loin.
En effet, une réforme systémique est indispensable pour revenir aux fondamentaux du modèle qu'avait souhaité mettre en place, à l'issue de la Deuxième Guerre mondiale, le Conseil national de la Résistance : un régime unique pour tous les Français.
Le principe d'unité énoncé dans l'exposé des motifs de l'ordonnance du 4 octobre 1945 ne peut être oublié. Le groupe Nouveau Centre est ainsi porteur de l'idéal issu du Conseil national de la Résistance (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR) en prônant la mise en oeuvre de ce principe sous la forme d'une mise en extinction, à compter de 2011, de l'ensemble des régimes spéciaux…
…qui n'avaient, je le rappelle, été maintenus en 1945 qu'à titre provisoire,…
…comme peuvent le constater ceux qui ont la curiosité de consulter le code de la sécurité sociale, et en réformant ces régimes en extinction pour rapprocher sans uniformiser le calcul de leur pension et l'assiette et le taux de leurs cotisations. Contrairement à la suppression, la mise en extinction ne se fait pas du jour au lendemain, mais est étalée dans le temps : ceux qui sont assujettis à ce régime y restent, tandis que les nouveaux entrants dans les entreprises publiques et les administrations seraient soumis au régime général. Ainsi le grand rêve de 1945 pourrait-il être réalisé en une génération ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Nous devons retourner aux sources et instaurer un régime unique comprenant à la fois les salariés du privé, mais aussi les salariés du public, fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales et des hôpitaux, ainsi que tous les autres régimes spéciaux. Le projet de loi devrait présenter une mise en extinction des dix-huit régimes spéciaux, y compris les régimes de la CNRACL et des fonctionnaires de l'État, et aller vers la création d'un régime universel de retraite à points.
Si le projet de loi n'a pas retenu ce schéma, nous sommes néanmoins tous concernés par les efforts indispensables permettant la survie de notre système par répartition. Nous devrions d'ailleurs donner l'exemple, mes chers collègues parlementaires, comme je l'ai dit à plusieurs reprises avec le président de notre assemblée, en réformant notre régime avant le vote final de la présente loi.
En effet, l'existence des régimes spéciaux n'est plus justifiée, et les règles régissant certains de ces régimes, comme les bonifications de dépaysement pour les services civils rendus hors Europe, sont dépassées.
La réforme proposée par le Gouvernement va dans la bonne direction, mais l'on ne peut accepter le maintien d'une multiplicité de régimes spéciaux très déséquilibrés et financés pour partie par la solidarité nationale, c'est-à-dire par l'impôt local ou national – et par les cotisations sociales pour les hôpitaux – ou par des prix administrés, c'est-à-dire par les consommateurs. Ces régimes spéciaux regroupent 400 000 cotisants, soit 1,8 % de l'ensemble des salariés, et relèvent de six principaux régimes spéciaux alors que 460 000 pensionnés relevant de ces régimes représentent 3 % du nombre de retraités et 4,4 % de la masse des retraites distribuées dans notre pays. Cela signifie que la pension moyenne dans ces régimes est près de 50 % plus élevée que la moyenne des autres régimes. Cette exemplarité de la part de la sphère publique, indispensable à la réforme, doit concerner aussi le secteur privé avec une limitation indispensable des retraites dites chapeau des cadres dirigeants de certaines grandes entreprises.
En outre, un système plus juste ne peut être qu'un système à points, tel que ceux mis en oeuvre par les partenaires sociaux pour les régimes complémentaires. Ce système à points présente une grande vertu, celle de respecter la liberté individuelle quant au choix de la date de départ à la retraite, tout en prenant en compte l'ensemble de la carrière. Il respecterait ainsi le choix de chaque Français. De plus, il est plus facile d'équilibrer un système à points en confiant aux partenaires sociaux le soin de fixer la valeur du point. Certes, le système à points ne résout pas, à lui seul, les problèmes financiers auxquels nous sommes confrontés, mais il fournit un outil aux partenaires sociaux, à qui il faudrait confier cette responsabilité, comme c'est déjà le cas pour les régimes complémentaires. Les partenaires sociaux ont d'ailleurs mieux géré les régimes complémentaires que les gouvernements successifs n'ont géré les régimes de base.
Dernier point, la majorité actuelle avait fait voter en 1997 un troisième pilier du système de retraite à la française, sous la forme d'un système par capitalisation offrant une sortie mixte, en rente ou en capital, au choix. Alors que nos concitoyens demandent à ce que soit respectée leur liberté, et devant les déficits considérables auxquels nous devons faire face, se pose la question d'une nouvelle articulation autour de deux axes : la solidarité, d'une part, sous la forme d'un système par répartition à points ; la liberté, d'autre part, sous la forme de la capitalisation. Ces deux notions ne sont pas antinomiques – si tel était le cas, pourquoi aurions-nous voté les dispositifs destinés à encourager les systèmes complémentaires par capitalisation de type Préfon, que personne ne songe à remettre en cause ? Pourtant, la proposition de loi Thomas adoptée en 1997, dont les décrets d'application avaient été bloqués, non sans difficultés, a été abrogée par le gouvernement Jospin en 2002, alors qu'elle redonnait une logique et une stabilité à notre système. Il convient de rajouter ce volet à votre projet de loi, monsieur le ministre. C'est d'ailleurs une position traditionnelle de l'actuelle majorité présidentielle que de considérer qu'il existe trois piliers, dont les deux premiers doivent être réformés et le troisième complété.
Le deuxième point que je veux développer porte sur le retour à l'équilibre des comptes sociaux, annoncé pour 2018 dans le texte en ce qui concerne la branche vieillesse, mais avec des hypothèses économiques peu réalistes.
Bien que cette réforme aille dans un sens positif, elle ne permet pas d'assurer l'équilibre des régimes de retraite. Avec un déficit de la branche vieillesse du régime général de la sécurité sociale de 7,2 milliards d'euros, une action sur les prestations ne suffit pas. En effet, on ne peut se baser sur les prévisions de croissance, celle-ci étant estimée par le Gouvernement à 2,5 % en volume du produit intérieur brut pendant dix ans, quand on sait que les institutions européennes la situent plutôt autour de 1,5 %, ce qui correspond à la moyenne des dix dernières années avant la crise. Le Gouvernement lui-même, dans les rapports économiques et financiers annexés aux lois de finances, disait que la croissance potentielle maximale de la France était autour de 1,7 % ou 1,8 %. Alors, autant imaginer un scénario plus prudent, avec des recettes moins importantes.
Il faut donc aller plus loin dans le sens d'une justice à la fois fiscale et sociale. Même si nous sommes favorables à la proposition du Gouvernement d'augmenter d'un point la tranche supérieure d'impôt sur le revenu et d'accroître la fiscalité sur les plus-values et les dividendes, qui figurera dans le projet de loi de finances, il faudra probablement doubler l'effort d'ici à 2018. Le montant est à peu près de 4 milliards et il faudra tendre vers 8 milliards, mais nous avons huit ans devant nous.
Toutefois, la hausse de la fiscalité doit être raisonnable et ne pas entraîner un effet d'éviction, à l'image des propositions du parti socialiste, sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure.
Enfin, selon les calculs réalisés par les services de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, et malgré la réforme, le régime général des retraites serait toujours en déficit de 4 milliards d'euros en 2018. Les propositions gouvernementales réduisent de 80 % le déficit de la branche vieillesse si l'on retient des hypothèses de croissance économique plus réalistes – autour de 1,5 %. De ce fait, nous défendons totalement la décision du Gouvernement d'utiliser le fonds de réserve pour les retraites afin d'étaler les mesures de redressement des comptes sociaux dans le temps. Il faut d'ailleurs le rappeler : c'est pour cela que ce fonds a été créé.
Cependant, il faut aussi rappeler que, dans le financement du déficit de l'ensemble des régimes de retraite, qui atteindra 45 milliards d'euros en 2020, la subvention de 15,6 milliards de l'État destinée à équilibrer le régime des pensions civiles et militaires de l'État pose un problème, car une partie de cette subvention, qui représente le tiers du besoin de financement, est payée par l'emprunt. En effet, tant que le budget de l'État ne sera pas redressé, tant que l'on ne sera pas à l'équilibre au moins pour les dépenses de fonctionnement du budget de l'État, ces 15,6 milliards sont financés pour partie par l'emprunt.
Enfin, le Gouvernement – et notre groupe tient à l'en féliciter – s'est montré ouvert sur certaines questions que nous avions soulevées avec d'autres collègues. Il s'agit de la pénibilité, des carrières longues et des polypensionnés. Le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé un certain nombre de mesures qui vont dans la bonne direction.
Cependant, nous avions soulevé deux autres problèmes : la situation des veuves et la revalorisation des petites pensions. Sur ce dernier point, il y a des mesures dans le projet, mais il faut aller plus loin.
Nous n'avançons pas des idées sans proposer des recettes : il est, selon nous, logique et équitable – nous l'avons dit au Gouvernement et nous avons d'ailleurs déposé un amendement en ce sens – de demander aux retraités ayant un revenu d'un niveau raisonnable à supérieur de contribuer à cet effort de solidarité par le relèvement du taux de leur CSG, de façon à ce que ce taux soit au moins égal à celui appliqué aux salariés. Ainsi, ces mesures, de même que les dispositions annoncées par le Gouvernement, seront financées.
Nous vous soutiendrons, messieurs les ministres, même s'il ne s'agit que d'une réforme paramétrique. Je sais que, au sein même du Gouvernement, certains étaient tentés de suivre nos propositions, c'est-à-dire d'engager une réforme systémique doublée d'une réforme paramétrique. Je pense que cela aurait été mieux compris des Français, car ceux-ci aiment l'égalité. Or affirmer que nous irions en une génération vers le régime unique eût été une grande avancée sociale, et la réalisation d'un rêve qui remonte à 1945.
Je voudrais maintenant dire quelques mots sur les propositions alternatives du parti socialiste, car je trouve que nous n'en avons pas assez parlé.
J'ai donc longuement étudié un document très intéressant, dont je vous conseille la lecture, même s'il a été, hélas ! peu diffusé.
Tout d'abord, côté recettes, le parti socialiste propose 31 milliards de recettes nouvelles en 2012 et 40 milliards en 2025, grâce à sept mesures, dont 28 milliards portent sur les revenus du capital – soit 70 % – et 12 milliards sur les revenus du travail.
Trois de ces propositions, en fait, ne rapporteront rien,…
…alors que – excusez du peu – elles sont censées procurer 12 milliards de recettes. Comment cela s'explique-t-il ?
La première mesure concerne la majoration des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options. Les socialistes proposent de porter de 5 % à 38 % le taux de taxation, ce qui, d'après eux, va rapporter 2 milliards. Mais, chers collègues, savez-vous quel est le montant annuel de l'assiette des stock-options et des bonus ? Autour de 2,7 milliards. Cela veut donc dire que ce que proposent les socialistes, c'est de porter le taux, non pas de 5 % à 38 %, mais de 5 % à 75 % ! Eh bien, dans ces conditions, il n'y aura plus d'assiette ! Ce sont donc 2 milliards de perdus. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Deuxième mesure – tenez-vous bien –, l'application de la CSG sur les revenus du capital actuellement exonérés et la remise en cause de la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales selon le dispositif dit de l'amendement Copé. Selon les socialistes, cela rapportera 7 milliards.
Le malheur, mes chers collègues, c'est qu'avant cet amendement Copé, les entreprises ne réalisaient pas leurs plus-values en France. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe UMP.) Elles transféraient les actifs à céder au prix coûtant à leur holding aux Pays-Bas – c'est d'ailleurs pour cela que la plupart des holdings des grands groupes français sont installées là-bas –, y réalisaient la plus-value en exonération de taxe et, après, elles faisaient revenir chez nous cette plus-value. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Eh oui ! Elles ne chantaient pas vraiment la Marseillaise ! C'est la prime aux voyous !
Avec cette proposition, vous récolterez donc zéro euro : ce sont 7 milliards de perdus. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Troisième mesure, la majoration de 15 % de l'impôt sur les sociétés des banques, qui est censée rapporter – là encore, tenez-vous bien – 3 milliards d'euros. En fait, cela ne rapportera que 300 millions, car le parti socialiste s'est trompé d'un zéro dans ses calculs. (Exclamations sur les bancs des groupes NC et UMP.) Mais la différence n'est que 2,7 milliards !
Je regrette en effet de ne m'adresser qu'à trois ou quatre représentants du parti socialiste.
Nous avons donc déjà perdu 12 milliards sur les recettes. J'en viens aux quatre autres mesures, qui pénaliseront massivement les salaires et, selon mes calculs, réduiront les recettes fiscales de l'État de 3,5 milliards au minimum. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Premièrement, le relèvement du forfait social appliqué à l'intéressement et à la participation, que nos collègues socialistes veulent porter de 4 % à 20 %. Cela doit rapporter 3 milliards. Voilà qui va beaucoup réjouir les 10,3 millions de salariés du privé – soit les deux tiers – qui en bénéficient car, vu les systèmes de plafonnement, le dispositif concerne massivement des salariés modestes et moyens !
Donc le parti socialiste veut pomper les petits et les moyens. C'est tout de même aberrant ! (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Deuxièmement – et là, accrochez-vous vraiment, mes chers collègues –, l'augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises en portant le taux de 1,5 %, que nous avons voté lors de la réforme de la taxe professionnelle, à 2,2 %. Cela dégagerait 7 milliards. Là, pas d'erreur de calcul : l'assiette étant de 1 000 milliards, 0,7 % représentent bien 7 milliards.
Mais il semble que nos collègues socialistes ne sachent pas ce que c'est que la valeur ajoutée, car sur ces 1 000 milliards, les deux tiers sont des salaires. Ils créent donc une taxation de 7 milliards portant pour les deux tiers sur les salaires ! Cela entraînera également, selon les estimations, environ 70 000 suppressions de postes, avec les pertes de cotisations que cela suppose.
Il y aura donc, en plus, une perte d'impôt sur les sociétés à hauteur de 2 milliards puisque les 7 milliards sont déductibles. Or un tiers de 7 milliards, cela fait 2 milliards.
Nos collègues vont donc creuser des trous dans le budget de l'État. C'est ce que l'on appelle la politique du sapeur Camember ! (Rires sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Troisième mesure, on augmente d'un point le taux de cotisation sociale des salariés – cela fait 6 milliards. Allons-y ! (Sourires.) On fera donc baisser d'un point le pouvoir d'achat des salariés. Merci pour eux ! Je croyais qu'on défendait le travail au PS…
Quatrième mesure, l'augmentation d'un point des cotisations sociales patronales. Là encore, cela fait 6 milliards. Sauf que, mes chers collègues, les modèles macroéconomiques estiment – vous pouvez le vérifier – que cela se traduira par 50 000 emplois en moins…
…et, là encore, par une perte de recettes pour l'État, puisque les cotisations patronales sont déductibles – je le rappelle à nos collègues socialistes s'ils ne le savent pas. Cela fera donc à peu près 1,5 milliard de perte au titre de l'impôt sur les sociétés.
La conclusion pratique sur le volet recettes de ce plan est très simple : ce sont non pas 40, mais au mieux 28 milliards, dont les deux tiers portent sur le travail, que vous obtiendrez. Mais si vous tenez compte de l'incidence des pertes d'emplois sur les recettes de la sécurité sociale, on s'approcherait plutôt de 20 à 22 milliards, et vous aurez creusé d'au moins 3,5 milliards le déficit de l'État.
Bravo pour la bonne gestion des fonds publics ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Attendez, mes chers collègues, ce n'est fini ! (Sourires.) Comme cela ne suffit pas du côté recettes, on en rajoute du côté des dépenses. On commence par dire que l'on va consacrer 5 milliards à la pénibilité et aux petites retraites. Or on ne sait toujours pas comment faire sur la pénibilité ! On en a discuté pendant des jours, et même des nuits, et on commence à avancer dans le débat, mais celui-ci n'est pas achevé et c'est aux partenaires sociaux qu'il revient de le conduire à son terme.
Dès lors, franchement, est-il responsable de dire : « Je mets 5 milliards sur la pénibilité. » ? Pourquoi pas 6 ou 4 ? On ne sait pas ! Allons-y donc pour 5 milliards…
Par ailleurs, des économies de 20 milliards sont annoncées. Alors là, c'est remarquable – j'appelle cela de fausses économies, vous allez voir pourquoi.
Il y a d'abord 10 milliards, dont 6 pour les régimes de retraites concernant les seniors. On se creuse la tête pour savoir comment ils font pour dégager cette somme. Eh bien, en remettant au travail 800 000 seniors. Ciel ! Mais comment fait-on ? Cela représente 10 % de taux d'activité supplémentaire en huit ans. Admirez ce colossal effort !
Pour y parvenir, les socialistes proposent cinq mesures. L'une d'entre elles, la plus puissante, consiste à créer un système de bonus-malus sur les taux de cotisations patronales, avec des quotas de seniors par entreprise : si vous ne remplissez pas votre quota vous êtes pénalisé, tandis que si vous le remplissez, on va peut-être vous récompenser.
Mais enfin, mes chers collègues, avez-vous vraiment le sentiment que l'on peut gérer les entreprises avec un tel système ? Je vous demanderais bien de m'expliquer par écrit la façon dont vous comptez y arriver, mais vous ne le pourrez pas : c'est impossible. C'est totalement irréaliste !
Il y a une autre mesure, peut-être encore plus formidable : on récupère 10 milliards en faisant passer de 5 % à 8 % la surcote et la décote. Les experts du parti socialiste espèrent, grâce à ce mécanisme, repousser d'un an le départ à la retraite. C'est à mourir de rire, puisque nos collègues socialistes nous ont combattus quand, avec raison, nous avons fait passer ce taux de 3 % à 5 %. Ils ont voté contre en disant que c'était scandaleux, alors qu'ils envisagent maintenant de le faire passer à 8 % ! C'est complètement fou ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
J'ajoute qu'il n'y aura aucune économie : si, d'une part, on prolonge d'un an en accordant, d'autre part, une majoration de 8 % de la retraite pour cette année de plus, ce coût supplémentaire mangera l'économie réalisée en ayant retardé d'un an. Il reste donc non pas 10 milliards, mais zéro ! (Rires sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Pas d'économies donc, mais au contraire un trou de 25 milliards supplémentaires dans les finances publiques. Voilà la proposition du parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Si vous voulez connaître le fond de ma pensée, je suis certain que cela traduit un très grand désarroi au sein du parti socialiste. Certains, parmi les plus intelligents, m'ont dit un jour : « Écoutez, c'est à vous de faire le sale boulot. On vous castagne, mais soyez rassurés : une fois revenus au pouvoir, nous ne toucherons à rien. » C'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait avec la réforme Balladur !
Comme cela fait dix-sept ans que je siège dans cette noble assemblée, j'ai eu la possibilité de déposer chaque année – non sans cruauté –, entre 1997 et 2002, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, un amendement visant à supprimer la modification d'indexation des retraites. En effet, les socialistes avaient promis que l'indexation se ferait de nouveau sur l'évolution du salaire moyen. Il était très drôle de les forcer à chaque fois à voter contre les engagements qu'ils avaient pris devant la représentation nationale.
Je dis depuis toujours à mes collègues socialistes que, à force de raconter des craques, ils contribuent à l'affaiblissement de la démocratie en France, parce que, au fond, ils n'ont plus aucune crédibilité sur les retraites.
Vous avez ruiné ce pays et vous continuez à donner des leçons ! (Protestations et huées sur les bancs du groupe UMP.)
Bref, mes chers collègues, voilà ce que sont les pseudo-propositions alternatives du parti socialiste.
En conclusion, vous comprendrez pourquoi le groupe Nouveau Centre soutient le projet gouvernemental, même si l'on peut encore l'améliorer, et quand bien même nous souhaiterions aller plus loin. Nous dénonçons également l'attitude du parti socialiste : ce n'est pas un comportement responsable pour un parti qui aspire un jour à diriger ce pays. (Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Mes chers collègues, une fois n'est pas coutume, je voudrais commencer mon intervention en rendant hommage à Charles-Amédée de Courson (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) : son exposé était parfait ; il m'a rendu admiratif et même, j'ose le dire, nostalgique de la période où, me trouvant ministre du budget, il nous arrivait de débattre de toutes ces questions. Je n'ai rien à retirer à ce que j'ai entendu, et je forme le voeu que le texte de son intervention soit distribué à tous dans l'hémicycle, et notamment à ceux de nos collègues socialistes qui, malheureusement retenus par des engagements antérieurs, n'ont pas pu être présents cet après-midi et qui ont manqué cette démonstration accablante de la pauvreté de leurs propositions alternatives. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux vous dire, chers collègues du Nouveau Centre, que si de temps en temps vous avez envie de rejoindre le groupe UMP, nous serons ravis de vous souhaiter la bienvenue au club ! (Sourires sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Je le dis très simplement : j'ai, comme nous tous, suivi les grandes étapes de cette discussion générale qui s'achève. Je vous livre donc quelques réflexions personnelles.
Cette réforme, on le voit bien, c'est un rendez-vous de vérité. La vérité sur les chiffres, d'abord : la gauche a beau tourner autour du pot et faire semblant de ne rien voir, la réalité des chiffres est ce qu'elle est. Personne ne peut y échapper.
Nous ne faisons cette réforme que pour une seule raison : nous n'aurons plus, notre nation n'aura plus, les moyens de financer notre système de retraite si nous ne la faisons pas. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Et je le dis sur la base de chiffres qui sont absolument incontestables ! Tous les rapports, tous les experts…
…de toutes les commissions convoquées aussi bien en France qu'en Europe ont dit la même chose.
Je me permets de rappeler ces faits, car chacun doit être au clair. C'est aussi ce que les Français attendent de nous. Le déficit pour la seule année 2010 est de 30 milliards d'euros ; si nous ne faisons rien, ce sera 45 milliards d'euros en 2020, c'est-à-dire peu ou prou l'équivalent du budget consacré à l'éducation nationale !
Vous oubliez ce que dit des 33 milliards d'exonérations patronales le premier président de la Cour des comptes !
Je demande que chacun prenne la mesure des enjeux auxquels nous sommes confrontés.
À gauche, je l'ai entendu, la course à la démagogie est assez bien engagée, et on est beaucoup plus prompt à injurier les responsables de la majorité, le Président de la République, le ministre du travail, et le Gouvernement en général, qu'à formuler des propositions alternatives. Il n'empêche que si l'on veut bien se pencher sur les enjeux, le doute n'est pas possible : le rendez-vous de vérité impose que nous disions aux Français qu'il n'y a en ce domaine aucun autre choix que de porter une réforme courageuse, c'est-à-dire de relever l'âge légal de départ à la retraite. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Vous oubliez l'augmentation des annuités de cotisation. C'est la double peine !
Si je le dis, c'est parce que tous les pays européens – tous – sont confrontés au même problème et, comme le Premier ministre et le ministre du travail l'ont rappelé, ils ont tous pris la même décision. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe GDR.)
Ils n'ont pas décidé d'augmenter les impôts ; ils ont décidé de relever l'âge légal de la retraite car, quand l'espérance de vie augmente, quand le ratio entre actifs et retraités diminue, vous n'avez aucun autre choix que de relever l'âge légal de la retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
En voyant la constance, l'obstination avec laquelle le groupe socialiste et le groupe communiste feignent de ne pas voir cette réalité, je me dis qu'en vérité vous avez, les uns et les autres, voulu échapper au rendez-vous de responsabilité que vous ont fixé les Français.
Ne soyez donc pas étonnés que les études d'opinion montrent très clairement les doutes qu'ils expriment sur votre capacité à exercer un jour des responsabilités dans l'intérêt de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Rires et exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Sur vous en tout cas, ils n'ont plus de doutes ! (« 73 % ! » sur les bancs du groupe GDR.)
Je voudrais aussi faire une remarque sur les propositions alternatives de l'opposition : l'exposé de Charles de Courson, je le dis très clairement, était tout à fait édifiant. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Je rejoins bien volontiers son analyse : il suffit de regarder vos propositions de près pour voir qu'elles consistent toutes, absolument toutes, à augmenter les impôts.
Lundi soir, j'ai débattu à la télévision avec un responsable important du parti socialiste : Pierre Moscovici.
Lorsque nous en sommes arrivés à ce débat et que je lui ai demandé s'il avait, au nom de son parti, des propositions alternatives à formuler, il m'a dit : bien sûr, nous avons un projet ! Eh bien, il est apparu que ce projet se résume systématiquement à une seule phrase : l'augmentation des impôts et des charges sociales – si possible pour les plus riches, bien sûr.
Ah, les plus riches ! Je voudrais dire une chose. Nous avons veillé à ce que 10 % du financement de notre projet soit assuré par les revenus les plus élevés. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Nous ne sommes pas allés au-delà, et nous en prenons toute la responsabilité. Chacun doit bien comprendre qu'une hausse des impôts des entreprises provoquera de nouvelles délocalisations. Et cela, les Français le comprennent parfaitement !
Et lorsque l'on augmente les impôts des ménages les plus aisés, eh bien ces familles-là aussi se délocalisent, car elles en ont les moyens. Et cela retombe finalement sur les classes moyennes, celles qui payent toujours pour les autres et qui n'ont jamais droit à rien ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) À un moment, il faudra, sur ce sujet-là aussi, s'inspirer de ce qui se passe ailleurs : quand on regarde la manière dont les pays européens se comportent sur cette question, on voit que tous ont eu ce débat, et que tous ont abouti à la même conclusion, c'est-à-dire la nécessité de relever l'âge légal de départ à la retraite – dans des proportions d'ailleurs souvent supérieures à ce que nous avons fait nous-mêmes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Les autres pays européens avaient des monarques, pendant la Révolution !
Mes chers collègues, on se détend : tout va bien se passer. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Le débat qui s'ouvre dépasse en réalité la seule question des retraites : c'est la question de la place du travail dans notre société qui est posée.
À ce stade de notre débat, il faut poser cette question, et pour une raison simple : lorsque nous parlons avec eux, les Français nous demandent de leur dire la vérité…
…et de tracer avec eux des perspectives pour la France de demain et pour l'Europe de demain.
Je suis de ceux qui pensent que ce débat doit ouvrir une réflexion sur la place du travail.
Bien sûr, du capital aussi, mais j'en reste au travail, car c'est pour moi le sujet qui doit nous occuper.
Je donne un exemple très concret : à partir du moment où l'on relève l'âge légal de départ à la retraite à soixante-deux ans, la question de l'emploi des seniors va se poser de façon très différente : …
…avec quelqu'un qui avait cinquante-deux ou cinquante-trois ans, l'employeur public ou privé avait jusqu'à présent pour l'essentiel en tête de discuter des modalités de sa préretraite.
Désormais, il devra discuter avec lui d'une nouvelle étape dans sa carrière professionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
C'est donc, pour nous tous, un débat majeur : comment allons-nous réussir ce qui va bien plus loin qu'une simple mesure financière, ce qui est une véritable réorganisation de notre société et de son rapport au travail ?
Cela tombe plutôt bien : c'est le sujet que nous allons affronter maintenant. Je le dis bien souvent et je verse à nouveau cette réflexion à notre débat : nous ne pouvons pas craindre que le monde soit géré par le G2 des États-Unis et de la Chine sans comprendre que nous, les Européens, devons tout faire pour être à la table de ceux qui décident pour le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Il faudra donc que notre G2 à nous, celui qui unit les Allemands et les Français, prenne une dimension nouvelle. Si les Allemands ont fait cette réforme des retraites en repoussant plus loin que nous l'âge de départ, c'est sans doute que, confrontés au même problème, ils ont compris qu'un modèle fort de croissance…
C'est exact : les pensions sont d'ailleurs plus faibles. Ça ne peut pas vous avoir échappé, vous êtes aussi bon en questions sociales qu'en mathématiques !
Mais ils ont des salaires plus élevés ! Même à la retraite, leurs revenus sont plus importants ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
J'invitais les communistes à se détendre, mais vu votre réaction, monsieur Le Guen, je vous donne le même conseil. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je considère que cette question du travail sera majeure dans les années qui viennent : dès lors que nous réfléchissons à un nouveau modèle de croissance qui ne sera plus simplement adossé sur la consommation, mais sur l'investissement et l'exportation, alors ce modèle de croissance sera moins financé par la dépense publique ; il sera financé par plus de travail.
Travailler plus, cela veut dire aussi travailler mieux. C'est donc un débat majeur pour les échéances à venir, y compris pour la prochaine élection présidentielle. Car, à ce moment-là, le débat opposera gauche et droite. Or pendant que la gauche pataugera allègrement pour expliquer si oui ou non on va revenir de soixante-deux à soixante ans, si oui ou non on va augmenter beaucoup les impôts des riches – entreprises et ménages – nous,…
…de notre côté, nous débattrons déjà avec les Français d'un rendez-vous de courage, pour travailler demain plus et mieux au service de la croissance. Nous débattrons d'un rendez-vous de rassemblement, parce que c'est en étant rassemblés que nous mettrons en oeuvre cette idée simple : chaque Français compte,…
Surtout les bons citoyens qui partent à l'étranger pour ne pas payer d'impôt !
…quels que soient ses engagements, alors que vous ne cessez au contraire d'opposer les uns aux autres depuis le début de ce débat. Nous débattrons enfin d'un rendez-vous d'ouverture au monde, car c'est bien de l'ouverture au monde que nous saurons tirer notre énergie et notre force pour construire demain une France rassemblée, qui retrouvera le chemin de la croissance et sortira ainsi de la crise économique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les partisans de M. Copé étant partis, je m'adresse au reste de l'UMP et aux députés de gauche et du Nouveau Centre.
Dans la formidable mobilisation populaire d'hier, les femmes, salariées du privé ou fonctionnaires, étaient nombreuses à manifester pour leur droit au repos, pour leur droit au temps libre, pour leur droit à la retraite tout simplement, elles qui, le plus souvent, font la double journée tout au long de leur carrière professionnelle.
Elles ont dû être profondément révoltées lorsque, ce midi, elles ont écouté la fin de non-recevoir du Président de la République. Leur lutte pour le droit à la retraite est pourtant juste. Frappées par les inégalités dans leur rémunération et dans leur déroulement de carrière, elles sont aussi discriminées en matière d'accès à la retraite et de montant des pensions.
Combien de femmes retraitées sont aujourd'hui contraintes de choisir entre la facture de gaz et deux repas par jour ? Combien, après avoir travaillé toute leur vie, viennent discrètement solliciter des aides auprès d'organisations caritatives ? Avec un montant moyen de revenus de 825 euros, les femmes retraitées subissent en quelque sorte la double peine : celle des politiques de bas salaires et de précarité, co-organisées par le MEDEF et par votre majorité, et celle qui, depuis leur entrée sur le marché du travail, les a confinées aux salaires d'appoint dans une société patriarcale.
Oui, les femmes sont confrontées aux inégalités. Une réforme portant sur les retraites aurait pu contribuer à y remédier, si elle s'était fixé pour but l'intérêt général. Mais, monsieur le ministre, vous avez fait le choix de ne pas toucher aux égoïsmes financiers, et ainsi vous enfoncez le clou de l'inégalité.
Les femmes représentent 60 % des bas salaires, 82 % des emplois à temps partiel – et l'on sait bien que, loin d'être un choix, le temps partiel est désormais un mode d'embauche que vos lois libérales ont offert aux patrons. Or qui dit travail à temps partiel dit retraite partielle.
Cette double peine pèse aussi sur le déroulement de la carrière des femmes : précarité, charges parentales non partagées, incitation au retrait de l'activité professionnelle, chômage font que 44 % seulement des femmes valident une carrière complète, contre 86 % des hommes. Contrairement à ce que vous prétendez, cette différence tend à s'accroître.
Parlons enfin du niveau des pensions : 45 % des femmes, contre 28 % des hommes, se voient imposer une décote maximum. Le résultat est terrible : la pension moyenne des femmes ne représente que 62 % de celle des hommes, et même 48 % si l'on exclut les dispositifs familiaux. Vous nous dites que la réforme des retraites ne peut pas corriger les problèmes que rencontrent les femmes dans leur parcours professionnel ; mais ce sont vos logiques qui aggravent ces problèmes, comme elles aggravent la situation des femmes retraitées.
Vous trouvez, au contraire, que les femmes seraient encore trop privilégiées : vous remettez en cause le droit acquis, pour celles qui ont trois enfants, de partir de façon anticipée après quinze années de services dans la fonction publique. Pardon ! Dans un geste de grande générosité, il semblerait que le Président de la République ait évoqué ce matin l'idée d'exonérer de cette sanction les femmes qui sont à cinq ans de la retraite. Mais, monsieur le ministre, les femmes refusent les brioches de Marie-Antoinette ; ce qu'elles veulent, c'est du pain et de la justice !
Les mesures phares de votre projet constituent surtout une véritable remise en cause du droit à la retraite pour les femmes, car elles renforcent tous les facteurs d'inégalités. Avec d'autres députés, j'ai d'ailleurs saisi de ce dossier la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et je sais qu'elle examinera rapidement notre demande.
L'allongement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein comme le report de l'âge légal de soixante à soixante-deux ans et celui de l'âge de la retraite à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans vont faire des femmes les principales cibles du dogme du Président de la République : « travailler plus pour gagner moins ».
C'est une tout autre direction qu'il faut prendre pour corriger les inégalités entre les femmes et les hommes. Il importe de s'en prendre aux rôles sexués responsables des inégalités, d'agir dans la sphère professionnelle sur les salaires, les carrières, les statuts, de sanctionner réellement les inégalités professionnelles, de prendre d'urgence des mesures spécifiques telles que la revalorisation du minimum contributif et, enfin, d'assurer le droit à la retraite à soixante ans à taux plein pour tous et toutes.
Garantir ce droit est possible contrairement à ce qu'assène M. Copé : cela passe par une nouvelle répartition des richesses produites par le travail au profit de l'emploi et de la solidarité. C'est l'objet de la proposition de loi déposée par notre groupe que vous refusez de discuter alors même que ses objectifs ont reçu un large soutien populaire : contribution des revenus financiers, suppression des dispositifs d'exonérations incitant aux bas salaires, modulation des cotisations patronales en faveur de l'emploi stable.
Vous n'avez cessé, monsieur le ministre, de présenter cette réforme comme juste, efficace et inéluctable. Aucun de ces adjectifs ne dit vrai. Le projet qui nous est proposé n'est recevable ni pour les hommes ni pour les femmes. Il enlise la société dans les bas-fonds des soumissions et des reculs engendrés par le règne de l'argent.
Décidément, l'émancipation des unes et des autres passe par l'autre réforme du financement des retraites que nous proposons. C'est en écho à tous ceux et celles qui sont en lutte que les députés communistes, tout au long de ce débat, défendront des solutions alternatives pour que la retraite reste un droit pour les hommes et les femmes de ce pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour commencer, je vais vous lire un extrait d'un article de La Tribune paru le 31 août dernier.
« De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, l'intitulé de cette table ronde du Medef, qui tient son université d'été » – où vous vous êtes rendu, monsieur le ministre – « est à l'image des ambitions de sa présidente fraîchement réélue. Alors que la réforme des retraites, à laquelle le chef de file du patronat français apporte son soutien, attend de connaître son premier vrai test social avec la mobilisation du 7 septembre, Laurence Parisot pense déjà au prochain chantier, encore plus sensible que les retraites, celui de l'assurance maladie. Réforme impossible ? Non, à condition d'associer syndicats et médecins. Les esprits sont-ils mûrs pour cela ? Il faut s'y atteler le plus vite possible, estime-t-on au Medef ».
Comme on le voit, monsieur le ministre, votre projet de réforme écrit à l'encre du Medef en cache un autre, pire encore : la privatisation de notre système de protection sociale.
C'est là le fond de votre démarche : faire progressivement le lit de la maîtrise de notre système social par les grands groupes d'assurance assoiffés de profits juteux.
Vous avez beau répéter, la main sur le coeur, que vous voulez sauvegarder notre système de retraite par répartition, c'est tout le contraire que vous êtes en train de faire. (Approbations sur les bancs du groupe GDR.) On sait bien que votre gouvernement ment sciemment et effrontément.
Vous avez l'art d'essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes.
On avait eu droit au même discours de la part d'Édouard Balladur en 1993 : on allait voir ce qu'on allait voir quant à l'avenir des retraites, nous disait-il. Et on a vu !
En 2003, bis repetita avec la réforme Fillon : même argumentation et même échec programmé.
Aujourd'hui, vous mettez vos pas dans les mêmes ornières, en toute connaissance de cause. En 2018 – vous ne serez évidemment plus aux manettes ! –, ce sera à nouveau un échec patent, avec au passage une régression sociale terrible, frappant le monde du travail et les retraités.
Votre texte déroule le tapis rouge pour l'épargne-retraite et les fonds de pension, conformément aux consignes du Livre vert de l'Union européenne sur les retraites publié en juillet, dont l'objectif clairement affiché est la généralisation de la capitalisation. Vous êtes en train de changer la matrice qui permettra demain au capital financier de faire main basse sur l'argent des retraites.
Il est vrai que Denis Kessler, l'idéologue du Medef, – mon ami Roland Muzeau l'évoquait hier à cette tribune –,…
..a écrit un article fameux où il expliquait que les réformes sarkozyennes n'avaient d'autre but, prétendument pour « raccrocher la France au monde », que de liquider les acquis du Conseil national de la Résistance mis en oeuvre, rappelons-le, à la Libération dans une France exsangue.
Vous ne cessez d'aller chercher vos exemples ailleurs, dans d'autres pays européens et même au Japon où, comme j'ai pu le lire récemment, la délinquance des seniors ne cesse d'augmenter car, faute de moyens pour se loger, certains d'entre eux commettent des larcins pour trouver un gîte en maison d'arrêt.
Si c'est cela votre modèle, monsieur le ministre, méfiez-vous du mimétisme !
Vous feriez mieux de valoriser et de faire rayonner le modèle français et son exceptionnalité fondés sur la solidarité et le progrès humain.
Vous ne dites pas toute la vérité quand vous évoquez, comme hier, l'augmentation de l'espérance de vie pour justifier votre réforme rétrograde. Espérance de vie, oui mais dans quel état de santé ? Là est la question. Une étude récente de l'Union européenne indique qu'en France, l'espérance moyenne de vie en bonne santé est de 63,1 ans pour les hommes et 64,2 ans pour les femmes. C'est dire !
Il est vrai que votre préoccupation prioritaire ainsi que celle du Président de la République est d'être des VRP zélés des sociétés du CAC 40 dont les fabuleux profits ont doublé au premier semestre, atteignant 41 milliards. Contrairement à vos dires, celles-ci sont épargnées par votre réforme qui sera financée à 85 % par les salariés. À cela s'ajoute la suppression d'un million de postes de travail pour les jeunes en 2016, alors que 25 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans en âge de travailler sont au chômage et que nombre d'entre eux vivent la galère au quotidien. Et comme mon ami Jean-Claude Sandrier l'a rappelé, on ne dit pas assez que les sociétés du CAC 40 ne paient que 8 % d'impôt en France tandis que les PME, les PMI, les très petites entreprises, en paient 30 %.
Vous vous gardez bien de supprimer le scandaleux bouclier fiscal : rappelons que les 30 millions d'euros dont vient de bénéficier Mme Bettencourt – sur une fortune de 17 milliards d'euros, pour elle, c'est de l'argent de poche – équivalent à 22 338 fois le SMIC brut, à 43 372 fois le minimum vieillesse, dont le montant est de 708 euros, une misère ! Le bouclier fiscal, c'est 14 milliards d'euros de recettes perdues pour l'État, qui seraient bien utiles pour les caisses de retraite.
Le groupe des députés communistes et du parti de gauche a déposé une proposition de loi alternative dont vous refusez de débattre. Elle propose entre autres, je le rappelle, de taxer les revenus financiers pour une recette de 30 milliards d'euros. Elle prévoit la mise en place d'une véritable politique de l'emploi à l'inverse de ce que vous faites, vous qui avez supprimé plus de 250 000 emplois, en particulier dans l'industrie, alors que 100 000 emplois créés équivalent à 2 milliards d'euros de cotisations. Vous exercez une pression pour limiter l'augmentation des salaires alors qu'un point d'augmentation permet d'apporter 3 milliards de cotisations supplémentaires à la sécurité sociale. Vous refusez de remettre en cause les exonérations patronales dont le coût s'élève à 30 milliards d'euros, sans bénéfice avéré pour l'emploi et l'économie, comme l'a relevé la Cour des comptes, et je ne parle pas des dettes patronales et des dettes de l'État qui se soldent par 8 milliards d'impayés à la sécurité sociale.
Je sais bien que l'UMP, que l'on pourrait rebaptiser « Union des milliardaires protégés »,…
…est déterminée à défendre bec et ongles les orientations que vous voulez faire passer en force. C'est à l'évidence un projet idéologique. Mais, heureusement, le rejet de votre réforme grandit dans le pays comme en témoigne l'énorme mobilisation d'hier avec 3 millions de manifestants. Et ce ne sont pas les miettes annoncées ce matin par le superministre Président de la République qui permettront de régler le problème, car elles ne correspondent en rien à l'attente du pays.
Mais ce n'est qu'un début. Bien entendu, nous allons continuer le combat. Votre cynisme n'arrêtera pas la mobilisation qui doit s'amplifier. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. Thierry Benoît et M. Maxime Gremetz m'ayant demandé d'intervertir l'ordre de leurs interventions, la parole est à M. Maxime Gremetz pour dix minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, je veux d'abord vous indiquer qu'avec mon avocat, j'ai décidé de porter plainte après les violences commises hier par les CRS contre des manifestants et contre moi-même qui me suis retrouvé à l'hôpital après avoir été matraqué. Il y a des témoins, tout le monde le sait. France 2 a tout filmé, du début jusqu'à la fin, et je souhaite que la chaîne publique puisse communiquer l'ensemble de ces images : chacun pourra ainsi se faire une opinion.
Travailler plus pour gagner moins, voilà en résumé le but de la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy et du Gouvernement. Le texte va contraindre les salariés à travailler plus tard et plus longtemps, y compris ceux qui occupent des emplois pénibles, pour, au bout du compte, diminuer leurs pensions de retraite.
Officiellement, il s'agit de contraindre les salariés à travailler plus tard : on veut faire passer l'âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans et l'âge de départ à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans.
Mais, au-delà de l'âge légal, il y a une question dont personne ne parle, c'est le fait que la réforme veut également faire travailler les salariés plus longtemps : il faudra avoir quarante et une annuités et demie dès 2020 pour toucher une pension complète contre quarante annuités et demie actuellement et quarante et une annuités en 2012. Autrement dit, il s'agit d'une double peine qui consiste à ajouter au recul de l'âge légal l'allongement de la durée des cotisations. On peut toujours partir à soixante ans, mais si l'on ne totalise que trente-cinq annuités, on crève de faim avec sa pension. On est donc obligé de continuer à travailler.
Or l'âge moyen de cessation d'activité est aujourd'hui de 58,8 ans. Les grands patrons se débarrassent de leurs salariés seniors bien avant qu'ils aient atteint l'âge de la retraite. C'est pourquoi 60 % des salariés sont au chômage ou hors emploi au moment de liquider leur retraite. Par ailleurs, quatre Français sur dix arrivent aujourd'hui à l'âge légal de la retraite sans avoir travaillé assez longtemps pour pouvoir bénéficier d'une pension décente. Une étude du ministère du travail – donc indiscutable – a montré qu'un salarié a cumulé en moyenne 36,5 annuités lorsqu'il arrive à l'âge de soixante ans, alors qu'il faut 40,5 annuités pour partir aujourd'hui avec une pension de retraite complète.
Ces travailleurs demeurent donc au chômage jusqu'à soixante-cinq ans. En effet, ce n'est qu'à partir de cet âge qu'ils pourront bénéficier d'une retraite à taux plein sans décote, alors qu'ils n'ont pas les 40,5 annuités nécessaires.
En relevant à soixante-sept ans l'âge du départ à taux plein, le Gouvernement cherche en réalité à contraindre les salariés à prendre leur retraite avant de bénéficier d'une pension complète. Les salariés qui n'ont pas les annuités nécessaires n'arriveront pas à survivre sans emploi jusqu'à soixante-sept ans, la plupart ne tenant déjà pas jusqu'à soixante-cinq. Conséquence : ils prendront leur retraite sans bénéficier d'un taux plein, ce qui entraînera une réduction sans précédent du montant des retraites, aggravée par l'augmentation du nombre d'annuité à 41,5.
Au total, le but de cette réforme n'est pas de maintenir les salariés dans leur emploi plus longtemps du fait de l'allongement de la vie, mais de diminuer gravement le niveau des pensions pour l'ensemble des retraités. Quel champ formidable pour les sociétés de toutes sortes qui veulent envahir le marché de la retraite, comme celui de la santé !
C'est pourquoi il faut non seulement maintenir l'âge de la retraite à soixante ans et celui du départ à taux plein à soixante-cinq, mais aussi revenir aux 40 annuités permettant de partir avec une retraite décente.
En revanche, la prise en compte de la pénibilité dans les conditions de départ à la retraite, la garantie d'un niveau de pension décent pour tous et une contribution réelle des sociétés qui font des profits ainsi que des hauts revenus au financement des retraites sont indispensables. Voilà la réforme des retraites qu'exige la majorité de nos concitoyens.
Le Gouvernement propose de limiter la notion de pénibilité à des conditions de travail ayant conduit à une incapacité physique d'au moins 20 %. Autrement dit, seuls les salariés malades bénéficieront d'un droit de départ à la retraite anticipé. Cela veut dire, par exemple, que les personnes qui ont été exposées à l'amiante mais dont la maladie ne s'est pas encore déclarée, ce qui est mon cas, n'auront même pas droit à une retraite anticipée.
Effectivement, c'est scandaleux.
Croyez-vous que c'est bon pour la santé de faire toute sa vie les trois-huit que pratiquent Continental, Goodyear ou Dunlop ? Toutes les études montrent que c'est mauvais pour la santé et qu'il faut le faire au minimum. La pénibilité du travail ne serait pas reconnue pour ces gens-là ? Ils n'auraient pas droit à une retraite anticipée à l'âge de cinquante-cinq ans ?
Croyez-vous que les éboueurs ou encore les ouvriers du bâtiment pourront travailler longtemps ? Mais où vit-on ? Vous n'avez jamais travaillé – il est vrai qu'il n'y a pas beaucoup d'ouvriers dans cette assemblée. Vous devriez tout de même vous rendre compte que vous faites trimer tous ces gens-là, tous les jours, par tous les temps. Il faut donc revenir sur la question de la pénibilité.
Le Gouvernement prétend aujourd'hui que, faute d'allonger la durée de cotisation et de reculer l'âge légal de départ à la retraite, notre système de retraite court à la faillite. Tout à l'heure, Alain Bocquet a rappelé que c'est un gouvernement d'union nationale de la Résistance qui a décidé de créer, à la Libération, la sécurité sociale et son système de retraite par répartition que tous les autres pays nous ont enviés et qu'ils nous envient encore...
..alors que nous étions dans la faillite totale après la collaboration : morale, physique et matérielle.
Aux États-Unis, 52 millions d'Américains n'avaient aucune protection sociale ; ils ne pouvaient ni se soigner, ni prendre leur retraite. Barack Obama, qui est ce qu'il est et qui n'est pas mon leader bien aimé, a dû se battre contre des conservateurs comme vous, là-bas, pour imposer enfin un système social permettant aux familles américaines d'avoir un système de retraite. Vous, vous faites exactement l'inverse : vous fusillez à la kalachnikov le système de retraite par répartition.
Il paraît que le commerce des armes rapporte beaucoup à la France !
Ce constat ne manque pas de piquant pour un gouvernement qui s'est évertué, avec une ardeur sans précédent, à vider les caisses publiques au profit des plus riches, notamment en amputant le budget de l'État de 15 milliards d'euros seulement à travers le bouclier fiscal. Cette réforme est le résultat d'un choix délibéré : celui de ne pas faire contribuer, de préserver les revenus du capital.
Peut-être ne vous en souvenez-vous pas mais, depuis 1981 le groupe communiste n'a jamais voté le budget de la sécurité sociale, car certains refusaient de faire participer le capital. Nous avons même voté une fois contre un budget présenté par la gauche, car nous avons un désaccord de fond sur ce point.
Quand il faut s'attaquer aux revenus du capital, ça va mieux en le disant.
Dans la réalité, il faut y aller, il faut l'affronter. Aujourd'hui, c'est le même problème : vous faites le choix d'aggraver la situation. Ainsi que l'avait proposé le Conseil d'orientation des retraites, dont je suis membre, la création d'emplois et la suppression des exonérations de charges sociales alliées à une augmentation progressive du montant des cotisations permettraient de préserver notre système actuel. Une telle augmentation, dont la plus grande part devrait évidemment provenir des cotisations patronales, est parfaitement envisageable. En effet, les revenus du capital n'ont cessé de croître au cours des dernières années. Et la crise du libéralisme n'a fait qu'interrompre provisoirement ce mouvement, comme en attestent les bénéfices record réalisés par les entreprises du CAC 40 au cours du premier semestre 2010. Je peux vous montrer ces belles pages de journaux qui indiquent que les entreprises ont fait un bond extraordinaire. Un article fait état de 4 milliards de devises qui se baladent. Et c'est ce monde-là que vous voulez !
Oui, il faut avoir le courage d'attaquer les revenus du capital qui sont tellement importants. Nous proposons donc un âge légal de départ à la retraite à soixante ans, 40 annuités de cotisations et non 41,5 annuités, puis 42,5, voire 43,5. Si on ne bouge pas l'âge légal mais qu'on augmente les annuités de cotisations, plus personne en France ne pourra prendre sa retraite.
Monsieur le ministre, après vous avoir informé de la plainte que je vais déposer, je vous indique qu'on va continuer à se battre ; 2,5 millions de personnes sont descendues dans la rue hier, 3 millions selon certains, mais ce n'est qu'un début. Croyez-moi, vous allez vous retrouver face à des exigences très fortes, y compris dans cet hémicycle puisque nous avons déposé des amendements, dont celui qui prévoit 40 annuités de cotisations. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est avec force et conviction que je prends la parole dans cet hémicycle pour réaffirmer toute mon adhésion au projet de loi portant sur la réforme des retraites, une réforme nécessaire juste et équilibrée.
Avant de développer plus amplement mes propos, j'aimerais tout d'abord exprimer mes plus vifs remerciements à Éric Woerth et Georges Tron, pour la qualité du dialogue et des échanges que nous avons pu avoir avec eux et pour la pertinence et le sérieux de leur travail, qui permet au Gouvernement de présenter un projet de loi solide, à même de répondre aux exigences de sauvegarde et de modernisation de notre système de retraite par répartition.
J'aimerais aussi exprimer à Éric Woerth tout mon soutien et mon admiration pour son courage et sa ténacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Malgré les attaques personnelles incessantes et renouvelées qui ont tout d'une cabale orchestrée par une opposition en mal d'idées, vous avez réussi, monsieur le ministre, à garder un cap qui nous permet de penser l'avenir de nos retraites avec plus de sérénité, tâche difficile mais qui aura le mérite de se révéler à terme constructive et rénovatrice pour notre pays.
Si, d'ailleurs, l'opposition s'est principalement exprimée à travers des attaques et invectives à l'encontre de votre personne, c'est bien la preuve qu'à défaut d'arguments et de propositions valables, l'opposition n'a su manifester sa désapprobation qu'à travers des attaques personnelles.
A-t-on entendu le parti socialiste faire des propositions sérieuses et raisonnables sur les retraites ? A-t-on entendu les ténors de la gauche appeler à un débat serein sur le sujet ? En guise de consensus autour d'une réforme aussi capitale pour notre pays, le parti socialiste donne le spectacle d'une coalition pour affaiblir l'homme qui porte le projet.
Comme je l'ai déjà indiqué, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui est juste, équilibré, responsable et tient compte de certaines réalités évidentes.
Tout d'abord, la réalité démographique de notre pays, marquée par le vieillissement continu de la population portant aujourd'hui 1'espérance de vie moyenne de notre population à près de soixante-dix-huit ans pour les hommes et à quatre-vingt-quatre ans et demi pour les femmes. Cette espérance de vie ne cesse de croître puisque, chaque année, nous gagnons un trimestre supplémentaire.
Voilà un bond considérable acquis en moins d'une génération et dont nous ne pouvons que nous féliciter. Depuis les années 80, notre espérance de vie a ainsi progressé de plus de six ans, ce qui a fait dire au premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, devant la commission des affaires sociales et la commission des finances, que l'âge de départ à la retraite qui était de soixante ans en 1985 vaut bien soixante-deux ans aujourd'hui.
Il est donc évident que cette évolution doit s'accompagner d'une réforme de l'indexation du temps de cotisation aux caisses de retraite par rapport à l'évolution de l'espérance de vie moyenne, sinon le déficit de nos comptes sociaux ne cessera de se creuser et l'existence de notre système de retraite sera remise en question. Aujourd'hui, en France, nous comptons 1,8 actif pour un retraité et il y aura, en 2050, 1,2 actif pour un retraité. Actuellement, une retraite sur dix déjà est financée par l'emprunt.
Dans ces conditions, peut-on sérieusement penser que nous pourrons continuer à assurer le financement de nos retraites si l'âge légal de départ demeure soixante ans ? Évidemment non !
Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner les pratiques de nos voisins européens. En Allemagne, l'âge légal de départ à la retraite a été fixé à soixante-cinq ans avec pour objectif d'arriver à soixante-sept ans. Il en va de même pour les hommes au Royaume-Uni, l'âge de la retraite des femmes devant passer à soixante-cinq ans en 2012. La Suède, qui fait figure de paradis pour les travailleurs, est pour sa part passée à un système de retraite à points où l'âge de départ oscille entre soixante et un et soixante-sept ans. Cette mesure a été décidée avec l'ensemble des acteurs sociaux dans un contexte de prise de responsabilité de l'ensemble des partis politiques du pays. Néanmoins, malgré ce dispositif, l'âge moyen de départ à la retraite des hommes suédois avoisine soixante-cinq ans, alors qu'il n'est que de cinquante-neuf ans en France.
Sommes-nous meilleurs que nos voisins pour vouloir le maintien de ce qui a été réformé partout ailleurs ? Évidemment non !
La modernisation de notre système de retraite par répartition est un impératif. Le choix de faire passer l'âge légal de départ à soixante-deux ans est le meilleur possible. L'allongement du temps de cotisation restera progressif, tandis que la pénibilité du travail et le cas des carrières longues seront pris en compte et encore améliorés puisque, dorénavant, ceux qui ont commencé à travailler à dix-sept ans en bénéficieront.
Il serait judicieux, messieurs les membres du Gouvernement, de réfléchir à la possibilité d'un départ à soixante et un ans pour ceux qui ont commencé à travailler dès l'âge de dix-huit ans.
Afin de renforcer l'équité et la solidarité de notre système, les hauts revenus, les revenus du capital, les entreprises, les bénéficiaires de retraites chapeau, de stock-options, seront sollicités de façon substantielle et assurée.
En effet, quand j'entends certains ne vouloir remédier à la situation actuelle du déficit de notre régime de retraite que par la taxation du capital, je n'ose imaginer la fragilité de notre système de retraites en cas de crise financière.
Dans un souci de renforcement de l'équité du système, des mesures courageuses ont été retenues.
Bien sûr, dans notre pays qui compte 35 régimes obligatoires dont 21 régimes de base, certains auraient souhaité aller plus loin.
Pour avoir plus particulièrement travaillé sur ce sujet, je crois pouvoir dire, messieurs les membres du Gouvernement, que vous avez fait preuve de courage mais aussi de tact et de mesure. En effet, les trois principales dispositions proposées de rapprochement entre les secteurs public et privé sont de justice. Il est tout à fait normal que les salariés du public et du privé contribuent à un même niveau : à salaire équivalent, la pension d'un fonctionnaire est similaire, voire légèrement supérieure à la retraite d'un salarié du privé. L'alignement des cotisations est donc logique et il se fera en douceur puisque étalé sur dix ans.
Il est tout aussi juste d'aligner les conditions d'attribution du minimum contributif du privé et du minimum garanti dans le public. Il faudra donc désormais, dans la fonction publique, avoir acquis la totalité de ses trimestres ou atteindre l'âge du taux plein pour bénéficier du minimum garanti dont le montant est de 1 067 euros, lequel restera néanmoins supérieur au taux de 85 % du SMIC qui constitue le minimum contributif du privé.
Enfin, la troisième mesure des convergences public-privé concerne les départs anticipés sans condition d'âge pour les parents de trois enfants justifiant de quinze ans de service, disposition dont peuvent bénéficier les fonctionnaires. L'accès à ce dispositif sera progressivement fermé. Tous les parents de trois enfants, au premier janvier 2012, conserveront la possibilité de partir après quinze ans de service. L'évolution de ce dispositif a été proposée par le COR dans un rapport de 2008. Ces dispositions spécifiques à la fonction publique et aux régimes spéciaux avaient été instaurées en 1924 afin d'inciter les jeunes fonctionnaires femmes à rejoindre le foyer conjugal après la naissance du troisième enfant.
Toutefois, comme le rapporteur de la commission des finances l'avait évoqué en commission des affaires sociales, notre attention a été attirée sur le fait que tous ceux qui ne se prononceraient pas avant le 31 décembre 2010 se verraient appliquer les règles générales des départs à la retraite, c'est-à-dire celles de l'année de naissance et non plus celles de l'année à laquelle ils ont atteint la durée de quinze ans de service et ont eu trois enfants.
Compte tenu du fait que ce dispositif pourrait provoquer un départ massif de fonctionnaires à la retraite et créer des manques d'effectifs dans certaines professions et, d'autre part, qu'il n'est pas certain que tous les fonctionnaires soient prévenus à temps de ces dispositions nouvelles et de leurs conséquences, j'appelle l'attention du Gouvernement sur des amendements signés par certains d'entre nous, visant à l'extinction du dispositif tout en évitant une remise en cause brutale des projets de vie des personnes concernées et en évitant des départs massifs à la retraite en 2011. J'ai bien entendu que le Gouvernement allait également nous faire des propositions que nous allons étudier en commission.
Certes, en matière de convergence, il reste à faire ; je pense en particulier à la réversion, pour laquelle une différence importante subsiste entre les secteurs public et privé.
Quant à la remise en cause du taux de 75 % du salaire hors primes appliqué à la moyenne des six derniers salaires, disposition souvent contestée dans l'opinion publique, force est de constater, après étude, qu'à salaire égal, le montant des pensions du public reste proche de celui du privé et que toucher au système existant n'aurait pas grand intérêt.
En ce qui concerne les régimes de retraite des fonctionnaires, si la LOLF a prévu la création d'un compte d'affectation spécial « Pensions » organisant la transparence du dispositif, il serait à mon sens judicieux d'étudier à l'avenir la possibilité de transformer le service des retraites de l'État, qui gère les pensions des fonctionnaires civils et militaires, en une caisse de retraite de l'État comme cela existe déjà pour la fonction territoriale et hospitalière.
Il serait par ailleurs judicieux, dans quelques années, d'aligner les régimes des professions libérales, qui ne souffrent actuellement d'aucun déficit, sur le niveau de cotisation du régime général, comme cela a pu être fait pour les artisans et les commerçants.
Enfin, je voudrais souligner les mesures de solidarité envers les femmes avec la prise en compte dans le calcul de la retraite des indemnités journalières liées au congé de maternité ; mais aussi vis-à-vis des jeunes chômeurs avec le passage de quatre à six du nombre de trimestres validés gratuitement en début de carrière ; enfin en faveur des agriculteurs, avec les mesures visant à améliorer les petites retraites.
En nous proposant ce texte, mes chers collègues, le Gouvernement fait acte de courage et de responsabilité. Grâce à ce projet, c'est le maintien de notre système de retraite par répartition qui est assuré et sauvegardé, un système juste, fondé sur le principe de redistribution sociale et soucieux d'assurer la dignité de nos retraités. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
A-t-on le droit d'avoir des droits ? Si je vous écoute, monsieur le ministre, la réponse est oui, à condition que cela ne coûte pas trop cher. Des dates historiques demeurent présentes à l'esprit : 1936, le Conseil national de la résistance, mai et juin 1968, la retraite à soixante ans, les 35 heures. Autant de moments au cours desquels les droits ont été des investissements, des progrès de la civilisation. Chaque fois elles ont constitué de nouveaux départs pour la France, la condition d'une prospérité nouvelle.
Décidément, la droite ne change pas, à moins de se parer de vertus réformatrices qui sont, en réalité, une volonté de démolition de notre modèle social, de l'exigence de redistribution sociale imposée à la Libération. Vous vous y attaquez, de réforme en réforme, au nom d'une société inégalitaire dans laquelle ne prévalent que les privilèges du grand capital et de la finance. Vous rêvez d'un système de retraites par capitalisation, d'un système qui tend, petit à petit, à amputer le système par répartition.
Vous nous servez l'exemple des pays européens. Vous nous proposez finalement une sorte de collectivisme à l'européenne. À ceux qui, hier, nous ont traités de staliniens, laissez-moi répondre que quand on livrait la France à Hitler, il valait mieux, alors, être aux côtés des résistants, de de Gaulle et de Staline pour combattre Pétain et Laval.
Il vaut mieux aujourd'hui être du côté de ceux pour qui les droits ne sont pas des charges mais des progrès indispensables, plutôt que de nous imposer ce brouet européen synonyme de précarité, de bas salaires, de chômage, au nom de la rentabilité financière. Voilà ce qui plombe le système des retraites si habilement conçu à la Libération : une répartition des richesses entre le capital et le travail.
Que constatons-nous ? Depuis trente ans, la part dans le PIB du pouvoir d'achat des salaires et des pensions ne cesse de se réduire. Les salariés sont ponctionnés tandis que le capital voit ses contributions sans cesse revues à la baisse. La précarité étend ses ravages ; le chômage des jeunes est massif ; l'insécurité sociale se généralise. Le coût pour la collectivité en est considérable. Au final, ce sont des dizaines de milliards d'euros en moins chaque année pour le budget de la France. Pourquoi n'en parlez-vous pas, monsieur le ministre, d'autant que la Cour des comptes ne cesse de répéter que ces cadeaux au capital ne servent à rien, en tout cas pas à l'emploi ?
Et à quelles conséquences a conduit l'abandon de la politique industrielle de la France depuis Valéry Giscard d'Estaing, ce que j'appelle une sorte de pétainisme industriel ? La part de la richesse industrielle dans le PIB de la France est de 10 % inférieure à ce qu'elle est en Allemagne, ce qui représente des milliers d'emplois sacrifiés. Quant à la multiplication des plans sociaux, elle aggrave chaque jour cette dérive. Le coût pour notre système de retraites, et plus généralement de protection sociale, en est très important. Le problème avec vous, c'est que la société dont vous rêvez constitue une terrible régression, une remise en cause des avancées de la civilisation.
Pour vous – et Jean-François Copé l'a bien montré –, il faut raisonner avec les dogmes du marché, de la rentabilité à tout prix, avec la dictature du moindre coût.
À l'inverse, ne pouvons-nous pas imaginer qu'avancent d'un même pas progrès social et progrès économique au service de la promotion des hommes ? Ne pouvons-nous pas envisager une autre manière de penser la rentabilité, la compétitivité, la productivité du travail, l'augmentation de la valeur ajoutée, qui ne dépende plus des humeurs du marché ou des ogres de la finance ?
Avec la gauche, avec les communistes nous pouvons peut-être à nouveau parler d'un projet de société socialiste apportant les bonnes réponses. Ainsi, nous pouvons faire travailler davantage les machines, nous pouvons rendre flexible l'outil de travail pour la promotion des hommes, mais pas comme le fait la droite.
Pourquoi ne pas oser développer des activités nouvelles après soixante ans ? Il y a tant de mesures à prendre pour transmettre les savoir-faire, les métiers, pour humaniser la société.
Certes, mais pourquoi ne pas l'oser sans toucher au droit à la retraite à soixante ans ? Il s'agit de développer la formation par alternance dès l'âge de seize à dix-huit ans, d'intégrer dès ce moment précis, dans la collectivité nationale, avec les entreprises privées, avec le service public, le financement des retraites par répartition.
Dès la première activité, déclenchons le financement des retraites de l'ouvrier à l'ingénieur voire au polytechnicien – celui-ci du reste, et l'on peut s'en réjouir, se devant d'établir le lien entre formation au plus haut niveau et monde du travail.
C'est bien évidemment trop vous demander, vous qui demeurez accrochés à une vision de la société qui n'a plus cours aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après cette mobilisation très réussie de nos concitoyens contre votre projet de réforme, après les orateurs qui sont intervenus à cette tribune pour dire avec des mots forts, empreints de responsabilité et d'émotion, pourquoi vous faites fausse route en vous obstinant à ne pas faire la réforme attendue, je vais à mon tour vous dire pourquoi votre projet n'est pas compatible avec la société que les écologistes veulent construire. Les déclarations du Président de la République, ce matin, n'y changent rien. L'hyperprésidentialisme ne peut se substituer à la démocratie.
Le Gouvernement vient de démontrer que la loi a été mal préparée. La société française ne peut pas s'organiser autour de ce seul slogan réducteur : « travailler plus pour gagner plus » ! Travailler plus pour gagner plus, c'est pourtant bien ce que, chaque jour, un grand nombre de nos concitoyens sont obligés de faire, parfois au risque de leur santé, uniquement pour nourrir leur famille et non pas pour devenir propriétaires ou pour assurer un héritage à leurs enfants.
Pensez-vous, monsieur le ministre, que les fonctionnaires pourront acheter des actions dans les fonds de pension ? Croyez-vous que les entreprises cesseront de pousser les seniors vers Pôle emploi, alors que, selon nous, ils pourraient faire valoir leurs droits à la retraite ?
Estimez-vous correct que des ouvriers, dont certains sont entrés en apprentissage à l'âge de seize ans, soient obligés de travailler plus de quarante ans pour prétendre enfin à se reposer ?
Il en est de même des aides maternelles, des femmes de ménage, souvent à temps partiel, qui elles aussi seront lourdement pénalisées par votre réforme.
Et que dites-vous à ces femmes qui ont élevé des enfants et qui ne pourront partir en retraite qu'à soixante-sept ans ?
Ce projet de réforme des retraites, nous ne pouvons le traduire que par : moins de justice sociale et plus d'inégalités !
En fait, vous nous proposez de travailler plus pour vivre moins bien, voire de travailler plus pour vivre moins.
Monsieur le ministre, vous assurezr que notre durée de vie en bonne santé, à nous qui sommes nés après la dernière guerre, sera plus longue : c'est faire bien peu de cas de la réalité ! Vous oubliez que si notre confort matériel a été meilleur depuis les années cinquante – et pas pour tout le monde –, nous mangeons de plus en plus de pesticides, nous buvons une eau contenant des substances, comme les hormones, qui n'ont pas encore montré tous leurs effets nocifs sur nos organismes. Les conditions de travail se sont intensifiées, nous sommes exposés à des radiations dont les effets sur notre santé n'ont pas encore été étudiés. En revanche nous connaissons une épidémie de cancer sans pareille, y compris chez les enfants et chez les adultes jeunes. La progression de la maladie d'Alzheimer est fort inquiétante. Et que dire des effets des OGM sur la biodiversité, dont nous sommes dépendants ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous entendre que nos concitoyens vous voient non pas comme un réformateur, mais comme un sabordeur des acquis sociaux qui ont fait notre pacte social ?
Monsieur le ministre, depuis mon entrée dans cette assemblée, le 11 juillet dernier, j'ai la conviction d'avoir été élue par les électeurs qui soutiennent mes valeurs écologistes, mes valeurs ancrées à gauche, mais aussi par vos électeurs traditionnels qui ne veulent pas voir saccager notre belle devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». Monsieur le ministre, nous avons été nombreux à le dire, ici et dans la rue, car cette situation est choquante, ce seront encore une fois les femmes qui seront les plus touchées par la réforme.
À l'initiative de nombreuses associations, nous avons demandé à la HALDE de se saisir des discriminations manifestes contenues dans ce projet de loi. Une étude d'impact différencié sur les femmes et les hommes doit être menée préalablement à toute réforme. Je pense en particulier aux salariés exposés à des produits toxiques, à ceux qui doivent porter des charges lourdes, ou qui doivent travailler la nuit. L'Association des accidentés de la vie demande que ceux qui vont mourir plus tôt cessent de travailler plus tôt. Il est de votre responsabilité de prendre en considération ces revendications, et pas seulement par des accords de branches, mais d'une manière globale. Les déclarations du Président de la République engageant la réforme de la médecine du travail au détour de cette réforme des retraites augmentent encore notre inquiétude.
De la même manière, promettre aux paysans qu'ils pourront partir à soixante ans ne change pas la question fondamentale de leur revenu. Est-il nécessaire de rappeler que 33 % des paysannes et des paysans vivent avec moins de 500 euros par mois, et 75 % avec moins de 700 euros, donc bien en deçà du seuil de pauvreté ?
Je pense aussi aux personnes en situation de handicap, dont les difficultés quotidiennes s'aggravent, l'âge venant.
Votre réforme va également toucher de plein fouet les actuels « oubliés de la retraite », les travailleurs et travailleuses migrants, qui méritent mieux que cette honteuse politique « d'immigration jetable » menée par le Gouvernement. Samedi dernier, la France était dans la rue pour refuser la peur de l'étranger que certains essaient d'utiliser comme écran de fumée. Il est temps de respecter celles et ceux qui ont consacré une vie de travail à construire notre économie.
Autre injustice présente dans votre projet de réforme : la différence de traitement entre les personnes mariées et pacsées. En cas de décès, les couples mariés et les couples pacsés doivent bénéficier des mêmes droits à percevoir une pension de réversion.
Le projet de société que vous nous proposez, qui consiste à enrichir les riches et à appauvrir les pauvres, je n'y adhère pas et je ne le soutiens pas.
Je le redis, cette réforme ne va pas dans le sens d'une « retraite juste et durable ». C'est pourquoi il est primordial que le régime par répartition soit conforté et que la solidarité intra et intergénérationnelle soit consolidée. Aujourd'hui, ce sont les petits salaires qui financent les petites retraites, et les gros salaires qui financent les grosses retraites !
Alors, non, vous ne nous ferez pas la démonstration que le recul de l'âge légal à soixante-deux, voire soixante-sept ans, est nécessaire pour sauver un système déjà porteur de discriminations et d'injustices. Les préceptes libéraux qui constituent les fondements de vos réflexions ne sont pas raisonnables !
D'autres solutions doivent être mises en place pour financer les retraites en répartissant mieux les richesses.
Voici quelques pistes, que je vous suggère d'analyser : doubler la CSG sur les revenus du patrimoine ; imposer une contribution sociale retraites sur les dividendes ; supprimer les exonérations inutiles de charges sociales, à commencer par celles portant sur les heures supplémentaires ; augmenter modérément les taux de cotisations ; favoriser le passage progressif à la retraite à temps partiel. Ces quelques pistes démontrent que d'autres réformes sont possibles. Il suffit de vouloir réformer pour plus de justice, et non l'inverse !
Oui, la recherche d'un financement soutenable des régimes de retraite est indissociable d'une réflexion plus générale sur l'organisation de notre société et sur notre mode de développement. Ce débat, mené sans concertation, et au pas de charge, n'a pas permis à la démocratie de s'exprimer.
Les écologistes proposent : la conversion écologique de l'économie ; le partage des ressources et du travail ; du temps libéré pour des activités d'utilité sociale ; une retraite active, inscrite dans la société, à vivre en pleine santé le plus longtemps possible.
Oui, il est temps de construire un monde plus juste, plus solidaire et plus durable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après le temps du débat, de la concertation, il y a le temps ô combien plus délicat de la décision. Et au-delà des polémiques, des digressions et des divagations qui ont pu nous détourner de l'enjeu du sujet qui nous préoccupe tous, il y a toute une génération face à son devoir.
Le monde change, les sociétés occidentales changent. Cette évolution ne date d'ailleurs pas d'hier. Le progrès de la science et de la médecine, l'amélioration des conditions d'hygiène, l'augmentation de l'espérance de vie et son corollaire, le vieillissement de la population, nous amènent aujourd'hui à revoir les paramètres qui assurent le fonctionnement de notre système de retraite.
Sur tous les bancs de cette assemblée, nous voyageons, nous dialoguons avec l'étranger. En tant que président et rapporteur de la mission d'information sur les modèles de retraite européens, je me suis rendu en Finlande, aux côtés de Denis Jacquat. J'ai également rencontré différents responsables politiques ou institutionnels qui ont mené les réformes sociales dans leurs pays respectifs. Qu'avons-nous constaté ? En Allemagne, on comptera 6 millions de personnes âgées en plus et 5 millions de personnes actives en moins d'ici à 2030. En Italie, sans la réforme menée en 1992, 25 % du PIB seraient aujourd'hui consacrés au financement des retraites. Et ailleurs en Europe, je vois des gouvernements qui, en bonne intelligence avec les partenaires sociaux, relèvent le défi considérable du vieillissement en reportant l'âge légal du départ en retraite et en incitant la société à travailler plus longtemps et différemment. Je vous invite par ailleurs, mes chers collègues, à comparer la réalité de la vieille Europe à la démographie dynamique, voire galopante, des pays émergents.
En France, nous avons peine à prendre conscience des réalités du monde moderne : le ratio entre actifs et retraités se dégrade au fil des années et des crises économiques que nous connaissons, notre système devient illisible tant il est complexe, et les Français expriment de plus en plus d'anxiété face à l'aggravation de la situation.
Le problème est simple, et les Français le savent parfaitement : ou bien la France reste un grand pays, dont le modèle de solidarité intergénérationnelle demeure une référence pour nos voisins ; ou bien nous restons inertes et nous voilons la face, en prenant le risque quasi certain du déclin de notre pays. Mais nos compatriotes ont trop souffert des promesses mirobolantes et intenables. Nos concitoyens savent bien que derrière le manque de lucidité se cache l'immobilisme, dont la seule issue est la dégradation de notre économie et l'appauvrissement de tous.
Avec le projet de loi qui nous est présenté, le Gouvernement fait le choix de l'action, en apportant une réponse appropriée mais toujours équilibrée. La mesure principale du texte consiste à reculer de deux ans les âges pivots de départ en retraite, ce qui permettra de créer les conditions du retour à l'équilibre. J'ajoute que ce report demeure bien inférieur à celui qu'on a pu constater ailleurs en Europe, notamment en Allemagne, où l'âge pivot sera reporté à soixante-sept ans. Je ne crois d'ailleurs pas avoir entendu les socialistes allemands parler d' « entreprise de démolition sociale » sur ce sujet, contrairement à leurs camarades français.
Les autres propositions du Gouvernement sont également exemplaires sur le plan social, avec l'ouverture de droits nouveaux pour la pénibilité – je tiens à cet égard à saluer les annonces faites ce midi par Éric Woerth et Georges Tron –, ainsi que l'élargissement du dispositif en faveur des carrières longues créé par la loi Fillon, qui a permis à près de 500 000 personnes de partir en retraite de manière anticipée.
Je veux également rappeler qu'avec ce projet, notre système de retraites bénéficiera de 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires par an, avec notamment l'instauration d'un nouveau prélèvement sur la dernière tranche de l'impôt sur le revenu et la taxation des retraites chapeaux, que les Français avaient parfois jugées révoltantes. Face aux tensions sociales que la crise a amplifiées, le Gouvernement a eu parfaitement raison de rappeler que les efforts seront équitablement partagés.
L'équité, il en est encore question avec les mesures d'alignement des cotisations retraite des fonctionnaires. Il est temps de rompre avec les privilèges injustifiés et coûteux que l'on cache derrière le paravent de l'égalité. Je veux saluer cette mesure, monsieur Tron, qui est réclamée par l'écrasante majorité des Français, et qui en appelle bien d'autres.
Le Gouvernement ne se contente pas de faire face aux circonstances avec lucidité. Il engage, à l'occasion de cette réforme, une étape nouvelle dans le renforcement de l'équité entre les assurés et dans la prise en compte des parcours les plus difficiles. Derrière ce texte, mes chers collègues, c'est la modernisation et la rénovation de notre pacte social républicain qui se profile.
Plus globalement, je veux voir dans cette étape nouvelle une chance pour notre société d'évoluer plus sereinement, d'insuffler plus d'oxygène dans les choix individuels.
Car au lieu de voir dans le report de l'âge légal une régression sociale, j'invite mes collègues de l'opposition à rencontrer plus souvent ceux de leurs électeurs qui considèrent, comme le disait Janine Boissard, que la retraite est « la permission officielle de rouiller ». Oui, de nombreux Français veulent pouvoir continuer à travailler, à cumuler les revenus de la retraite et d'un emploi. Ces Français-là constituent une richesse. La gauche fait semblant de ne pas les voir, et elle ne les a d'ailleurs jamais défendus dans cette question des retraites.
Naturellement, l'opposition ne trouvera dans ce projet qu'injustices et mépris, préférant faire des digressions sur la fiscalité des hauts revenus alors qu'il est principalement question ici de répartition. Naturellement, la gauche accusera le Gouvernement d'être « catastrophiste » comme elle le disait déjà en 2003. On l'entendra répéter, la main sur le coeur, qu'elle abrogera le recul de l'âge légal de départ en retraite dès qu'elle aura regagné le pouvoir en 2012, ce qu'elle semble déjà croire acquis. Naturellement, l'opposition se passionnera brusquement pour la pénibilité, sujet qu'elle n'a jamais traité lorsqu'elle était aux affaires.
Je me demande simplement si le débat n'aurait pas pu être fondé sur moins d'hypocrisie et sur un diagnostic partagé, comme on avait pu l'espérer lorsque, en janvier dernier, la première secrétaire du parti socialiste a reconnu la nécessité du recul de l'âge légal. Mais sa position n'a duré que…trente-cinq heures. Les démons de la « gauche de la gauche » l'ont rattrapée.
Heureusement, les Français ne sont pas dupes. Ils se souviennent des prises de position des uns et de autres. Si elle ne défend plus les 37,5 annuités pour tous, comme en 2003, la gauche persiste pourtant dans son déni et dans son refus de dire la vérité aux Français. Sur les bancs de l'opposition, on semble persuadé, comme le disait Henri Queuille, qu' « il est urgent de ne rien faire ».
Bien sûr, les socialistes estiment qu'il suffit d'imaginer le plus grand programme de hausses d'impôts que la France ait connu depuis vingt ans pour régler le problème des retraites. Mais qu'en sera-t-il alors du financement de la dépendance et de l'assurance maladie ? Quels prélèvements nouveaux inventeront-ils quand la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat des ménages auront été réduits à néant?
La vérité, mes chers collègues c'est qu'il nous faut avoir plus d'imagination pour moderniser notre système de retraite. C'est le sens que j'ai souhaité donner aux amendements que j'ai déposés, notamment sur la retraite supplémentaire. Si les Français doivent croire dans l'efficacité de la répartition, ils ont également le droit de se constituer une retraite supplémentaire.
Là encore, nos voisins européens ont avancé et nous devons poursuivre dans la levée du tabou de l'épargne retraite. Le débat entre le tout capitalisation et le tout répartition est révolu. Il doit y avoir aujourd'hui une place pour les deux voies qui sont parfaitement complémentaires.
Dans ce but, il convient d'assouplir les règles et les obligations des contrats d'épargne retraite, de permettre des sorties à des occasions initialement exclues, d'utiliser plus librement les revenus de la participation et de l'intéressement.
En donnant plus de liberté tout en mesurant les risques, on assurera le développement à terme de l'épargne, qui a tout son rôle à jouer dans le renforcement du pouvoir d'achat des retraités.
Par ailleurs, notre système doit gagner en simplicité. Les Français expriment cette attente depuis longtemps. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité avec Xavier Bertrand que le comité de pilotage des retraites puisse veiller aux conditions et à la faisabilité de la fusion des régimes en vue de passer, quand l'équilibre du financement aura été garanti, à un système par points. Cette idée est discutée au sein de certains syndicats, notamment de la CFDT ; elle est prônée par des économistes de tout bord ; elle est aussi réclamée par de nombreux Français qui ont peur pour l'avenir de leurs pensions, comme dans le secteur agricole. Dans ce secteur en particulier, l'existence de règles et de modes de calcul différents de ceux du régime général est souvent vécue comme une injustice.
Mes chers collègues, le général de Gaulle disait que « la justice sociale se fonde sur l'espoir et non sur les pantoufles. » Nous voilà devant ce choix difficile mais indispensable qui consiste à préférer l'action à l'immobilisme et à croire en notre avenir plutôt que de rester figé sur des logiciels archaïques et dépassés.
Dans cette bataille, mon choix est fait ! C'est le choix de la réforme, c'est le choix de l'espoir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Messieurs les ministres, les Français savent qu'il faut une réforme des retraites et vous savent gré d'avoir eu le courage de l'entamer.
Pour autant ils sont inquiets et ils ont raison. Dans ce débat, où les postures de droite et de gauche l'emportent comme si cette réforme devait en fait servir de marqueur, beaucoup de nos compatriotes ne s'y retrouvent pas et ils ont raison.
Je voudrais insister aujourd'hui sur deux points qui me paraissent essentiels. Il n'y aura pas de réforme réussie si l'on ne s'attaque pas vraiment au chômage de masse qui gangrène notre pays. Il n'y aura pas de réforme réussie, qui ne soit simple et juste.
Quand comprendra-t-on que les déficits des comptes sociaux s'expliquent principalement par le chômage de masse qui gangrène notre pays ? Vingt ans de ce Munich économique et social que décrivait de façon prémonitoire notre très regretté Philippe Séguin.
Au risque de vous choquer, l'enjeu, ce ne sont pas les retraites. L'enjeu, c'est la compétitivité du pays pour financer notre modèle social.
Face à une voiture dont le moteur a des ratés, que fait le bon garagiste ? Allège-t-il la voiture, à mesure que s'écoule le temps, en enlevant les accessoires, ou s'attaque-t-il à l'essentiel : le moteur ?
Avec 500 000 chômeurs de moins, le problème des retraites est déjà en partie résolu. Avec un million il l'est quasi totalement. D'autant – c'est important de le rappeler, car cela n'a pas été beaucoup souligné au cours du débat – que nous avons la chance en France d'avoir une démographie dynamique, liée à une politique familiale audacieuse depuis la Libération, démographie qui nous différencie de l'Allemagne et de l'Italie. On ne peut pas assimiler les trois pays. Cette démographie garantit la pérennité de la répartition.
Mais s'attaquer à la compétitivité du pays, de ses entreprises, c'est autrement plus courageux que d'effectuer cette réforme, car c'est oser briser des dogmes. Je pense à la TVA sociale, seul moyen de baisser les charges sur les petites entreprises, qu'a refusé la gauche et que n'ose pas mettre en oeuvre l'UMP.
Je pense à la baisse de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui investissent en France, pour éviter les délocalisations et faire une différence entre celles qui partent à l'étranger et celles qui investissent dans notre pays.
Je pense au contrôle de notre secteur bancaire, de plus en plus oligopolistique, pour qu'il finance nos PME, au lieu de les vampiriser pour attribuer des bonus toujours plus importants et jouer sur les marchés financiers.
Et puis il y a le dogme de l'Euro – vous connaissez ma position – qui nous asphyxie, le dogme du libre-échange déloyal de cette construction européenne, qui s'éloigne tous les jours un peu plus des peuples.
On peut faire toutes les réformes possibles des retraites : sans relance de l'emploi, il n'y aura pas d'issue. C'est une course sans fin vers la paupérisation du pays.
Nous nous retrouverons ici, dans quelques années, pour nous chamailler sur la répartition du gâteau alors que nous devrions nous unir pour le faire grossir et avoir le million d'emplois qui nous manque depuis des années.
Mais il n'y aura pas de réforme réussie si elle n'est pas juste et lisible, en un mot légitime.
Si je comprends et soutiens votre volonté de repousser à soixante-deux ans le départ à la retraite, je ne pourrai jamais approuver la prolongation de soixante-cinq à soixante-sept ans pour la fin de la décote.
Un journal récent – vous nous donnerez les chiffres, monsieur le ministre – indiquait que cette mesure rapporterait 4 milliards d'euros. Mais a-t-on imaginé le coût pour la société, le coût pour les allocations handicapés, pour les allocations chômage, pour les collectivités locales, de ces centaines de milliers de retraités que vous condamnez à une situation misérable ? Je pense aux femmes qui n'ont pas de carrière complète, je pense aux plus modestes.
Et au même moment, vous le savez, aucun effort réel, si ce n'est symbolique, n'est demandé aux plus aisés et aux revenus du capital. Une taxation bien plus nette des stock-options, un effort des plus riches avec la suppression du bouclier fiscal permettrait de compenser la suppression de cette mesure inique, indigne et inefficace. Que l'on ne nous dise pas que l'Angleterre et l'Allemagne attireraient les plus aisés, lorsque l'on connaît les mesures fiscales qu'ils viennent de prendre pour les personnes les plus riches. Ce qui était sans doute vrai en 2006 ou 2007, quant à la différence entre la France et les autres pays, ne l'est plus aujourd'hui.
Les Français savent qu'il faut fournir un effort mais ils ne comprennent toujours pas pourquoi ce « deux poids, deux mesures » qui s'apparente à un clientélisme de classe.
Que devrait être cette vraie réforme, cette modernisation, de la retraite par répartition ? Le report à soixante-deux ans prend bien sûr en compte l'allongement de la durée de vie, je le reconnais. Mais pourquoi ne pas aller plus loin ? Pourquoi cette occasion perdue de ne pas revoir fondamentalement notre système ? Unifier les régimes publics et privés, simplifier les régimes, instaurer un système à points sur le modèle suédois en le mettant en place progressivement, comme l'Italie par exemple, sur un certain nombre d'années, si c'est difficile dans notre pays.
Sans oublier bien évidemment la contribution plus juste des très hauts revenus des patrimoines, qui deviennent indécents dans notre pays ; ils révoltent nos concitoyens et détournent notre électorat de l'effort que vous voulez accomplir pour le renvoyer vers la gauche, parce que vous ne les comprenez pas, vous ne les entendez pas.
En définitive, cette réforme a pour objet de servir de marqueur, de faire croire que l'on a pu être courageux. Mais le vrai courage serait d'offrir des emplois aux Français qui permettraient de payer notre système social.
Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais, alors que nous abordons un texte majeur pour notre pays, m'adresser d'abord à M. Éric Woerth pour exprimer mon sentiment sur ce qui s'est passé durant les semaines écoulées. Rien ne vous aura été épargné, Monsieur le ministre, sans doute pour faire diversion et ne pas travailler le fond de cette réforme des retraites.
La mobilisation d'hier témoigne d'une réelle inquiétude à travers le pays, cela a été rappelé. Pourtant, dans le même temps, l'opinion publique sait que les décisions concernant les retraites ne peuvent être différées.
La réalité démographique s'impose à nous tous. L'espérance de vie a augmenté de plus de six ans entre 1982 et 2010. Le nombre d'actifs susceptibles de payer les pensions des retraités en vertu du principe de répartition diminue : il est aujourd'hui de 1,8 actif par retraité contre plus de trois dans les années soixante-dix – même si le taux de fécondité des Françaises reste l'un des plus élevés d'Europe avec en moyenne deux enfants par femme.
Plusieurs pistes s'offraient au Gouvernement.
Premièrement, diminuer le nombre de retraités, en repoussant l'âge de départ à la retraite.
Deuxièmement, réduire le niveau des retraites.
Troisièmement, augmenter le volume global des cotisations, en sachant que le besoin de financement est aujourd'huiestimé à plus de 30 milliards, et que les estimations du Conseil d'orientation des retraites s'établissent à plus de soixante-dix milliards à l'horizon des années 2050.
À titre personnel, je considère que la qualité de votre travail, monsieur le ministre, ainsi que de celui du président de la commission des affaires sociales, nous permet d'imaginer l'aboutissement d'un texte sérieux, raisonnable et d'envisager pour les retraites des perspectives pour les années à venir.
J'ai bien noté le mécanisme qui vous a conduit à repousser de deux ans l'âge de l'ouverture des droits à la retraite. Cependant, je voudrais également rappeler mon attachement aux quarante-deux annuités cotisées pour faire référence à la notion de carrière longue. Pour celui qui a fait le choix de l'orientation professionnelle avant l'âge de vingt ans, et embrassé, par le biais des formations en alternance ou de l'apprentissage, une carrière dans le bâtiment, les métiers de la restauration ou l'industrie agro-alimentaire, les conditions de travail sont bien difficiles après soixante ans – chez nous en Bretagne, monsieur le président Méhaignerie, nous savons bien ce que cela signifie. Pour cette raison les dispositions que vous avez prises et qui ont été confirmées aujourd'hui pour les carrières longues sont, à mon avis, très importantes.
La possibilité de rachat des années d'études me semble être un élément à ne pas négliger.
Un autre sujet me semble important : c'est l'harmonisation et la simplification des systèmes de retraites. Il faut, dans notre pays, décloisonner la sphère publique et la sphère privée. Je salue l'alignement sur dix ans des taux de cotisation publics et privés, qui passeront pour le secteur public de 7,85 % à 10,55 %. Chacun peut reconnaître là un réel pragmatisme.
La fermeture de la possibilité de départ anticipé, à partir du 1er janvier 2012, pour les fonctionnaires parents de trois enfants après quinze ans de services sans condition d'âge est assortie d'un dispositif transitoire fonctionnant par paliers jusqu'en 2012.
Il faut également rechercher l'équité en rapprochant progressivement le salaire de référence des fonctionnaires – les six derniers mois – par rapport aux vingt-cinq meilleures années du secteur privé.
Il faut enfin, comme l'a rappelé notre collègue Charles de Courson cet après-midi, travailler à la convergence, c'est-à-dire à la mise en extinction des régimes spéciaux. Nous avons tout intérêt à travailler pour l'avenir. Nous pouvons considérer, monsieur le ministre, que votre proposition est une étape nouvelle, supplémentaire, qui doit préparer la construction d'un régime universel de retraite. Une réforme en profondeur du système modifie, en effet, les paramètres de calcul pour aller vers un système à points dont l'évolution serait compréhensible et connue du bénéficiaire.
Enfin, je suis favorable à la simplification et à l'uniformisation des régimes de retraite. Aujourd'hui, nous avons du mal à articuler les caisses de retraite entre elles, ce qui conduit à des incompréhensions et des injustices.
Hier, lors de la présentation du texte de loi, vous avez dit, monsieur le ministre, que la retraite était le miroir de la vie professionnelle : vous aviez raison. J'ajouterai que c'est le miroir de la vie et du parcours de vie de chaque individu. C'est pour cette raison que je souhaite vous encourager, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, à aller dans le sens d'une prise en compte accrue des sujets qui touchent la famille, notamment le temps consacré à élever les enfants.
Des dispositions existent dans le texte, mais je souhaite que l'effort soit accentué dans ce domaine, notamment en direction des femmes qui choisissent le temps partiel pour élever leurs enfants. Force est de constater qu'au moment des comptes, il y a un manque de recettes flagrant pour arriver à un niveau de retraite décent.
Je souhaite saluer la prise en compte des indemnités journalières de maternité dans le calcul des retraites : c'est une réelle avancée.
Autre sujet qui nous a tous mobilisés, la pénibilité. Je ne ferai pas de grandes déclarations à ce sujet. Tout le monde reconnaît qu'elle est réelle, mais difficile à mesurer.
À titre personnel, je ne suis pas favorable à l'idée de dresser une liste de métiers pénibles. Nous connaissons tous des professions qui ont un déficit d'attractivité, mais je n'imagine pas de lister les métiers pénibles. La pénibilité se traite avant tout au coeur même de l'entreprise, vous l'avez dit, monsieur le ministre. Je soutiens l'idée d'un observatoire de la pénibilité afin d'examiner, branche par branche, profession par profession, les difficultés propres à chaque métier.
Je souhaite aborder un sujet qui me tient à coeur : l'aménagement des fins de carrière. Puisque nous parlons de carrières longues, je souhaiterais que la représentation nationale réfléchisse à d'autres dispositions. Notre pays paie des décisions qui ont été prises il y a vingt-cinq ans, et qui étaient des décisions à courte vue. La France, j'en suis convaincu, paie la retraite à soixante ans mise en oeuvre en 1983. Ddès 1988, on se demandait comment financer les retraites ! Des dispositions raisonnables et objectives ont été prises en 1993 par Édouard Balladur et en 2003 par François Fillon. Nous en sommes maintenant à un autre palier.
La question de la durée hebdomadaire du temps de travail est à mes yeux un autre élément du débat. Je veux bien la retraite à soixante ans et les trente-deux heures, mais les Français et la réalité financière jugeront si c'est plausible… Dans les années qui viennent, nous n'échapperons pas à la question de la durée hebdomadaire du temps de travail, notamment pour les personnes dans la force de l'âge, entre vingt et cinquante ans, quitte à ce que, au-delà de cinquante ans, nous imaginions des aménagements de carrière, le développement des tutorats et du parrainage. Cela me paraît très important.
Un mot enfin sur les petites retraites.
Je souhaite saluer des mesures qui me touchent particulièrement. Dans le domaine agricole, je salue les avancées qui concernent les petites retraites agricoles avec la levée du recours sur succession sur les terres agricoles et les corps de ferme. Dans nos régions, c'est majeur. Le projet prévoit aussi l'affiliation obligatoire des conjoints collaborateurs et des aides familiaux au régime complémentaire de retraite des agriculteurs. Je souhaiterais que des dispositions similaires soient envisagées pour les collaborateurs des artisans et des commerçants.
J'émettrai cependant quelques réserves. Le projet de loi repose sur un taux de croissance à 2,5 % et sur un taux de chômage à 6 %, ce qui fragilise quelque peu les perspectives !
Je vous propose quelques pistes pour améliorer le texte. Je propose que nous réfléchissions à la possibilité d'aligner le taux de CSG des pensions de retraite sur celui des revenus d'activité.
Cette réforme sera comprise si elle est juste, équitable et si elle tient compte des réalités du terrain.
Lors de la préparation du prochain budget, je vous encourage, monsieur le ministre, à travailler sur les régimes spéciaux, à réfléchir à la suppression du bouclier fiscal, à l'assujettissement des bénéfices non réinvestis des grands groupes, et à la possibilité de taxer davantage les stock-options, les retraites chapeaux et, d'une manière générale, la spéculation.
Je veux enfin vous souhaiter la force nécessaire, monsieur le ministre, pour faire advenir un projet de loi abouti au service des bénéficiaires, les futurs retraités. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, qu'il est difficile dans ce pays d'engager des réformes dont tout le monde sait pourtant qu'elles sont incontournables !
C'est d'autant plus incompréhensible que la quasi-totalité des pays de l'Union européenne les a mises en oeuvre depuis fort longtemps, bien avant nous,…
… sans pour autant donner le sentiment de vivre un drame social qui suscite autant de réticences.
Qui peut aujourd'hui sérieusement nier la nécessité d'adapter notre système de retraite solidaire aux évolutions démographiques et sociales qu'induit l'allongement de l'espérance de vie ?
Ne serait-ce pas là plutôt l'un de ces handicaps que la société française s'impose à elle-même…
… et qui fait que notre pays souffre d'une incapacité presque pathologique à installer durablement son économie dans une croissance soutenue ?
Que constatons-nous aujourd'hui dans la sortie de crise ? C'est que les pays, comme l'Allemagne ou comme la Suède, qui ont accepté de moderniser leur État social, sont aussi ceux qui aujourd'hui tirent le plus grand profit de la reprise économique après la crise la plus grave que nous ayons eu à affronter depuis quatre-vingts ans !
Ce sont aussi les pays, à l'instar de l'Allemagne ou de la Suède, où vos amis sociaux-démocrates ont su s'engager, ont su porter ou soutenir des réformes courageuses au nom de l'intérêt supérieur de leurs concitoyens et de leur pays.
En un mot, n'est-il pas temps de moderniser notre État providence, ainsi que nous y exhortait en juin dernier votre ami Didier Migaud, Premier président de la Cour des Comptes, pour renouer, enfin, avec un cycle de croissance durable, au lieu d'être condamnés à une croissance molle et de risquer le déclassement économique ?
Qui peut nier, après le choc financier de la crise, que les déficits publics et la dette qu'ils alimentent ont atteint aujourd'hui des niveaux qui pourraient plomber durablement la croissance en France ? À cet égard, mes chers collègues, ce ne sont pas les marchés qui nous imposent l'assainissement de nos finances publiques, c'est d'abord le bon sens qui nous dicte le chemin à suivre : celui des réformes nécessaires qui permettront à la France de s'aligner sur ses voisins européens afin de mieux profiter des opportunités de la croissance mondiale et de la mondialisation.
C'est ce choix que nous assumons aujourd'hui, ici au Parlement, en engageant avec courage une réforme des retraites nécessaire et trop longtemps remise à plus tard. En effet, face à un besoin de financement déjà chiffré aujourd'hui par le COR à plus de 32 milliards d'euros, pour atteindre 45 milliards dans moins de dix ans, le statu quo est non seulement intenable, mais irresponsable.
Le Gouvernement a choisi d'asseoir le redressement financier de notre système de retraite sur cinq piliers, qui illustrent notre volonté de partager les efforts qui s'imposent.
Le premier pilier concerne les mesures d'âge qui nous situeront, après la réforme, dans la moyenne des efforts européens : elles permettront de soulager l'effort financier d'une vingtaine de milliards à l'horizon 2020. En cela, elles sont en phase avec les analyses financières du COR.
Le deuxième pilier vise à renforcer l'équité en faisant appel à la solidarité des hauts revenus et des revenus du capital, à raison de 410 millions d'euros et 1,09 milliard d'euros, soit un montant de 1,5 milliard d'euros mobilisé dès 2011.
Les entreprises seront sollicitées par le biais de l'annualisation des exonérations de charges patronales pour un montant de 2 milliards d'euros. Au total, les recettes supplémentaires abonderont le besoin de financement de 3,5 milliards d'euros dès 2011 et jusqu'à 4,6 milliards d'euros en 2020.
Le troisième pilier englobe les mesures de convergence public-privé qui, à terme, rendront plus juste l'effort contributif des actifs, en mettant à égalité le secteur public et le secteur privé.
L'ajustement progressif des cotisations des fonctionnaires représentera en 2020 une recette supplémentaire de 4,9 milliards d'euros.
En y incluant le coût budgétaire annuel de l'État, bloqué à 15,6 milliards d'euros, ainsi que la possibilité de basculer un point de cotisation UNEDIC vers la branche vieillesse, l'équilibre financier de notre système de retraite pourrait être atteint dès 2018 – même si je considère que le recours, une fois de plus, au basculement d'un point Unedic constitue une facilité qui dépendra en grande partie de notre capacité à renforcer la compétitivité de nos entreprises et du « site France ».
Le dernier pilier du financement des retraites à l'horizon 2018-2020 repose sur l'apurement de la dette accumulée d'ici là par la branche vieillesse, en garantissant à la CADES, conformément à la loi organique de 2005, les ressources nécessaires pour amortir les déficits, décroissants certes, mais d'un montant cumulé de 39 milliards d'euros entre 2012 et 2018. La mobilisation des actifs du Fonds de réserve des retraites pour nantir les déficits de la branche vieillesse me paraît justifiée à deux titres.
Tout d'abord, le Fonds de réserve des retraites comme instrument de lissage des besoins financiers à partir de 2020 n'avait réellement de sens que si nous avions poursuivi le chemin peu vertueux tracé par Lionel Jospin en 1999, à savoir l'inertie et l'absence de courage politique, courage dont a pourtant fait preuve l'ensemble des sociaux-démocrates en Europe. Dès lors que notre majorité a fait le choix des réformes nécessaires qui ont desserré l'étau financier et conduiront à l'équilibre vers 2018, l'utilité du Fonds de réserve devenait plus que discutable.
L'ambition d'autre part, de doter le Fonds de réserve des retraites de plus de 150 milliards d'euros était irréaliste alors que par ailleurs les déficits publics se creusaient : il est plus utile de mobiliser le milliard et demi d'euros consacré jusque-là au Fonds de réserve des retraites pour couvrir les besoins de financement actuels des régimes de retraites. (Murmures sur les bancs du groupe GDR.)
Il nous faudra bien sûr, mes chers collègues, veiller au respect des engagements qui conditionnent les efforts demandés à tous les Français. Ce sera l'un des objectifs de la nouvelle gouvernance des finances publiques qui nous est proposée de manière largement consensuelle par la commission présidée par le gouverneur Michel Camdessus. En faisant le choix, certes difficile, de nous engager dans cette réforme, nous apportons une contribution majeure au redressement des finances publiques et sociales de la France. De plus, nous donnons à nos voisins européens avec lesquels nous partageons une même monnaie, l'euro, et les mêmes ambitions de solidarité, le signal clair que la France a fait le choix de l'assainissement durable de ses finances publiques et sociales, qui conditionnera la croissance future.
Face au projet global que nous défendons aujourd'hui devant les Français, l'alternative n'est constituée que d'apparences, sinon de démagogie, tentant de faire croire aux Français qu'il suffit de taxer les plus riches pour éviter les efforts de tous les autres. Cela se traduirait concrètement par des prélèvements supplémentaires de 22 milliards d'euros dès 2011, qui atteindraient plus de 35 milliards d'euros en 2018.
Encore faut-il être conscient que des prélèvements aussi démagogiques que ceux imposés aux bonus comme aux stock-options ne sont que de la poudre aux yeux (Rires sur les bancs du groupe GDR) : votre projet en attend 2 milliards de recettes alors que la base imposable, cela a été rappelé par Charles de Courson..
… bonus et stock-options confondus, ne représente que 2,7 milliards d'euros. Au bout de la première année, la base d'un tel prélèvement se serait complètement évaporée !
De même augmenter, fût-ce progressivement, les cotisations ne serait qu'une facilité alors que la France a déjà le niveau de prélèvements publics et sociaux le plus élevé d'Europe : pouvoir d'achat et compétitivité en seront affectés alors que tous nos voisins – au sortir de la crise – amplifient au contraire leurs efforts pour alléger les coûts de production de leurs entreprises ; cela pénaliserait encore davantage nos entreprises, qui n'ont vraiment pas besoin de cela face à une concurrence déjà rude.
Au contraire, les solutions proposées par le Président de la République et par le Gouvernement permettent de répartir les efforts afin de ne pas pénaliser la croissance et les emplois qui en dépendent. Compte tenu de la situation tendue des finances publiques de la France, chacun doit être conscient du fait que la voie est étroite et que, comme la plupart des pays du monde occidental, nous devons impérativement maîtriser les déficits afin que la dette ne nous prenne pas à la gorge.
Le signal positif que constitue une réforme sérieuse des retraites déterminera le coût de notre dette au cours des mois et des années à venir. Aujourd'hui, parce que nos créanciers nous font confiance, parce qu'ils misent sur la capacité de la France à se réformer… (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
…, nous avons la chance de bénéficier de taux historiquement bas. Nous devons conserver cette confiance. À défaut, une envolée des taux d'intérêt amputera la richesse de la France, qu'elle ne pourra plus consacrer aux efforts de solidarité…
… ni aux investissements d'avenir. Ainsi, un point de taux d'intérêt supplémentaire accroîtrait de quelque deux milliards d'euros la charge de la dette et amputerait d'autant les frais de fonctionnement de l'État, nos investissements, notre solidarité.
L'immobilisme et le manque de courage coûtent trop cher à l'économie pour que la France continue de s'y abandonner.
Voilà pourquoi nous devons nous féliciter de pouvoir entamer aujourd'hui ce débat, les yeux dans les yeux des Français… (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
…, afin de leur faire comprendre que la pire des solutions, monsieur Brard, serait de se réfugier dans l'immobilisme par peur du changement, par peur de l'avenir.
Pour la société française, cette réforme représente au contraire un devoir moral envers notre jeunesse (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), dont l'avenir ne peut se réduire à payer l'addition de nos égoïsmes et de nos absences de choix. (Même mouvement.)
Voilà pourquoi nous devons soutenir cette réforme et l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Messieurs les ministres, mes chers collègues, il faut trouver de nouvelles ressources pour financer notre système de retraite ; nous en sommes tous conscients.
Toutefois, un déficit de cette ampleur ne pourra être résorbé par la pose de rustines successives, à l'image des projets Juppé, Balladur, Fillon I puis, aujourd'hui, Fillon II. Ces contre-réformes menées par la droite en 1987, 1993, 2003 et 2008 ont eu pour seul effet de réduire le taux de remplacement de plus de 20 %, sans apporter de véritable solution structurelle.
La cause du déficit serait, dès aujourd'hui, essentiellement démographique ; c'est votre leitmotiv, c'est votre seul argument – argument fragile. Car c'est faux, réplique le COR : les deux tiers du déficit sont à ce jour imputables à la dégradation du contexte économique. Cela est évident. En effet, le régime était excédentaire en 2001 ; vivions-nous alors moins longtemps ? Non : le contexte démographique était analogue. L'équilibre financier peut donc être garanti sans allongement de la durée de cotisation ni report de l'âge de départ à la retraite.
Vous dites qu'il n'y a pas assez de recettes ; mais c'est que vous ne prenez pas l'argent là où, pourtant, il est. En trente ans, la richesse produite par notre pays a presque doublé, et elle augmente de cent milliards chaque année. Taxez donc les stock-options, les « golden hello », les bonus et les parachutes dorés au même niveau que les revenus du travail ; cela représenterait déjà plus de quatre milliards d'euros qui iraient dans les caisses de l'État. Voilà ce que M. Bur appelle des prélèvements insensés.
Supprimez les faramineuses exonérations, inefficaces en matière d'emploi : elles représentent tous les ans un cadeau de trente-sept milliards d'euros fait à des entreprises qui n'hésitent pourtant pas à licencier ou à délocaliser. Le rapport de la Cour des comptes daté de ce jour vous le dit : supprimez les détaxations des heures supplémentaires ; ce seront trois milliards d'euros de trouvés.
Ce n'est pas tout. M. Bur a déclaré qu'il fallait taxer plus lourdement les « grosses » indemnités de licenciement. Il pensait sans doute à M. Zacharias, parti, si je ne me trompe, avec l'équivalent de quatre cents ans de salaire d'un smicard !
Votre projet coûtera quant à lui vingt milliards aux salariés, à cause d'une crise économique dont ils ne sont pas responsables. Est-ce juste ? Non ! Mais il est vrai que les bénéficiaires sont vos amis – ceux de Natixis, de L'Oréal et compagnie.
Il nous faut une vraie réforme globale du mode de financement des retraites. Voilà pourquoi je milite depuis plusieurs années pour une réforme profonde des ressources financières de la sécurité sociale, qui les assoirait non plus sur la masse salariale, mais sur toute la richesse produite par les salariés et par les entreprises.
Votre réformette est fondée sur une idée simpliste, qui ne suppose aucune réflexion : on vit plus vieux, donc on peut travailler plus vieux. Je vous en soumets une autre : notre travail produit plus de richesse, donc on peut travailler moins longtemps.
Ce n'est donc pas avec ce genre de slogan que vous apporterez une solution pérenne aux problèmes de nos régimes de retraite et de santé.
Dans votre bulle d'illusions, votre réforme aurait un double effet : elle retrancherait du nombre de pensionnés le volume de personnes poursuivant leur activité, en augmentant d'autant celui de la population active.
Mais que constatons-nous aujourd'hui, alors que l'on part à la retraite à soixante ans, avec quarante annuités de cotisation ? Seuls 45 % des personnes qui liquident leur retraite ont une carrière complète et se voient appliquer le taux maximal de remplacement, soit 50 %. Plus de la moitié de la population part à la retraite avec une pension inférieure à la moitié des dernières rémunérations.
Si l'on impose demain un allongement important de la durée de cotisation, c'est-à-dire du nombre d'années nécessaires pour obtenir une pension à taux plein – soit 50 % –, cela aura pour effet immédiat d'accroître le nombre de personnes qui partent à la retraite avec une carrière incomplète et se voient appliquer des malus très pénalisants. En somme, on appauvrira encore plus les retraités.
Les salariés, en particulier les cheminots, que je connais bien, seront frappés de plein fouet par l'allongement et par l'application du mécanisme de décote que vous avez déjà instauré lors de vos précédents sabotages. En 2008, je dénonçais déjà cette décote couplée à l'allongement, car sa conséquence directe est l'accroissement massif du nombre de retraités amputés du quart de leur pension.
Cette injustice est encore plus frappante lorsque l'on sait que de nombreux trimestres pourtant travaillés n'ont pas été validés pendant les périodes d'apprentissage : trois trimestres sont alors validés, sur huit trimestres effectivement travaillés et rémunérés.
D'autre part, en France, le taux d'emploi des seniors – les personnes âgées de cinquante-cinq à soixante-quatre ans –est l'un des plus bas d'Europe : il ne dépasse pas 37,8 %. Il faut donc résoudre le problème du sous-emploi des seniors de cinquante-cinq à soixante ans, car il constitue à la fois une perte de ressources et une cause de paupérisation.
En outre, en contraignant nos seniors à poursuivre contre leur gré leur activité professionnelle, vous retarderez d'autant l'entrée de nos jeunes dans le monde du travail. Votre politique va donc assombrir les perspectives des jeunes de dix-huit à vingt-six ans, qui auront encore plus de difficultés à trouver un emploi et à se projeter dans l'avenir.
Jeunes et moins jeunes, tous paieront donc le prix d'une réforme qui n'est ni courageuse ni efficace, mais seulement injuste.
Que les plus riches prennent part à l'effort, et le problème est résolu. Mais, prisonniers de vos intérêts de classe, vous agirez demain comme hier : vous défendrez pied à pied les intérêts de Mme Bettencourt et de ses semblables. En sacrifiant ceux des Français les plus nombreux et les plus modestes, de ces salariés que vous présentez avec un cynisme constant comme les responsables des difficultés de notre pays, vous vous trompez de responsables, et vous le savez : les vrais responsables, ce sont vos amis, ceux que vous défendez en toute occasion. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe SRC.)
J'informe l'Assemblée que M. le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a fait opposition à la discussion selon la procédure d'examen simplifiée du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma