Le COR a mis en évidence qu'une simple augmentation de cotisation des entreprises de 0,26 % par an – ce qui est largement en dessous du taux d'inflation – rapporterait 110 milliards d'euros à l'échéance 2050, c'est-à-dire le chiffre avancé par le Premier ministre lui-même pour assurer le financement des retraites. Ce ne sont pas, monsieur Bertrand, les cotisations qui ont créé la crise, c'est l'overdose de liquidités des marchés financiers, comme le dit Patrick Artus.
Le summum de l'ignominie – ou de l'honnêteté – est atteint lorsque le ministre du budget nous explique que le projet de loi du Gouvernement sur les retraites s'inscrit dans l'engagement de la France de réduire sa dette, dans le but évident de plaire aux dirigeants européens, aux agences de notation et aux marchés financiers. Ainsi, pour faire plaisir aux marchés financiers, responsables de la crise, donc d'une grande partie des déficits des État, mais aussi responsables du déficit du régime général des retraites du secteur privé – un déficit sur lequel les mêmes marchés spéculent aujourd'hui, comme cela a été le cas en Grèce –, il est demandé instamment aux États de combler leurs dettes sous peine d'être financièrement punis. Ainsi, nous devrions sacrifier retraite, protection sociale, école et hôpital et nous coucher devant la loi, ou plutôt la dictature des marchés financiers !
Votre contre-réforme est, ni plus ni moins, une capitulation devant un monde qui ne sait que se gaver de milliards d'euros. Votre obstination à protéger ce monde, à présenter des lois iniques, m'incite à conclure mon intervention par cette phrase du prix Nobel d'économie Paul Krugman : « L'élite des responsables politiques – les banquiers centraux, les ministres des finances, les élus qui se dressent en défenseurs de la vertu budgétaire – agissent comme les prêtres d'un culte antique, exigeant que nous nous livrions à des sacrifices humains pour apaiser la colère de dieux invisibles. » Au courage dont vous vous réclamez sans cesse pour procéder à ces sacrifices humains avec votre projet de loi, nous préférons notre courage et notre proposition de loi, consistant à oser affronter la colère de ces dieux pas si invisibles : les marchés financiers et les spéculateurs, ceux-là même que l'économiste américain Galbraith appelle les « faux-monnayeurs ». (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)