Enfin, l'emploi est l'autre grand oublié du projet du Gouvernement. En effet, vous n'avez prévu aucune disposition similaire à celle que nous proposons à l'article 2 de notre proposition de loi afin d'orienter en priorité, grâce à la modulation des cotisations des entreprises, l'argent vers l'emploi et les salaires plutôt que vers la rémunération du capital. Une telle mesure ne représenterait pas, comme je l'ai entendu, une charge supplémentaire pour les entreprises : ce serait un transfert de richesses du capital vers le travail. Je rappelle qu'1 million d'emplois, ce sont 15 milliards d'euros de cotisations sociales, dont 6 milliards pour les retraites.
De manière générale, la question de la répartition des richesses est fondamentale. Ce qui s'est passé ces dernières décennies constitue un extraordinaire détournement des richesses du travail vers le capital. Ainsi que l'a rappelé mon collègue Roland Muzeau, selon l'INSEE et les comptes de la nation, entre 1993 et 2009, le produit intérieur brut de la France a augmenté de 33 %, les cotisations sociales de 19 % – le retard pris est déjà considérable – et les revenus financiers et des banques de 143 %. Cherchez l'erreur !
En huit ans, la ponction des actionnaires sur les richesses créées par les entreprises est passée de 25 à 36,2 %. En 2008, les dividendes et intérêts versés aux banques par les entreprises représentent largement plus du double de ce qu'elles versent en cotisations sociales. Cet accaparement, ce siphonnage des richesses par le capital, est non seulement injuste, puisqu'il se fait au détriment d'une politique sociale en faveur de nos concitoyens, mais il est nuisible à l'économie, puisqu'il alimente le puits sans fond des marchés financiers et de la spéculation, qui nous ont menés à la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui.
Le rééquilibrage de la répartition des richesses n'est donc pas seulement utile pour développer une politique sociale, il est indispensable pour assainir l'économie et stopper la gangrène que portent les marchés financiers et les spéculateurs. Voilà pourquoi il y a urgence, notamment pour financer les retraites, à taxer les revenus financiers à même hauteur que les salaires ; à supprimer les exonérations de cotisations de sécurité sociale qui, selon la Cour des comptes, ne servent pas à l'emploi – ce sont les trois quarts de ces cotisations ; à supprimer les exonérations de plus-values de cessions de titres de participation dans les entreprises, un cadeau extraordinaire que M. le ministre a qualifié hier de « virtuel », mais qui a tout de même déjà coûté 22 milliards d'euros en trois ans !
Je rappelle, pour ceux qui pleurent sur le sort de ces pauvres riches, pourchassés si injustement par une bande de gueux, qu'en dix ans, les 500 plus grosses fortunes françaises ont vu leurs revenus passer de 6 % à 14 % du produit intérieur brut, soit un accroissement de 160 milliards d'euros. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe GDR.) Et je ne parle même pas des petites gâteries des responsables de banques qui, en pleine crise, s'offrent des stock-options – récemment, les deux dirigeants de la BNP ont reçu un million d'euros à ce titre –, ce qui constitue une véritable provocation.
Quant à l'évasion fiscale, elle coûte, bon an, mal an, 50 milliards d'euros à la France. On oblige les sportifs à chanter la Marseillaise…