La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Je regrette, mes chers collègues, qu'une partie de l'Assemblée ait à nouveau décidé de ne pas participer à la séance des questions au Gouvernement. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je respecte ce choix, mais j'espère que nos collègues reprendront rapidement leur place dans le lieu naturel du débat républicain.
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Président, je ne ferai aucun commentaire sur l'attitude de nos collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais nous souhaitons tous que les conditions d'un débat serein soient à nouveau réunies dans notre assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur les conséquences de la tempête qui vient de frapper durement le Sud-Ouest de la France.
Je voudrais tout d'abord exprimer notre solidarité, qui est sans aucun doute celle de l'ensemble de l'Assemblée nationale, à tous les habitants touchés par les dégâts de la tempête, et d'abord à celles et ceux qui ont malheureusement perdu un de leur proche. J'associe tout particulièrement mon collègue Noël Mamère, député de la Gironde, à ma question : il est actuellement empêché de siéger avec nous, mais il suit la situation de très près.
Sans revenir sur le fait que les tempêtes que nous connaissons peuvent être un des premiers effets des changements climatiques, je pense que tout le monde conviendra qu'il faut nous préparer à une multiplication de ces événements météorologiques dramatiques.
Une des conséquences de la tempête a particulièrement marqué les esprits : il s'agit des coupures de courant. Plus de 1,3 million de familles ont été privées d'électricité juste après la tempête, et plus de 200 000 le sont encore aujourd'hui.
Même s'il faut saluer l'engagement des agents d'EDF pour effectuer les réparations au plus vite, personne ne peut comprendre que l'on fasse le même constat après chaque tempête, par grand froid ou lors de fortes chutes de neige. Il serait d'ailleurs logique – et conforme au rôle de l'Assemblée – qu'une commission d'enquête soit créée sur ce sujet, de manière à analyser les causes de ces dysfonctionnements et à formuler des propositions pour y remédier. C'est en tout cas la demande que nous formulons et qui, je l'espère, ne se heurtera pas au refus que votre gouvernement nous a opposé sur d'autres sujets.
Concrètement, l'Allemagne a déjà enterré plus de 75 % de son réseau de transport et de distribution d'électricité. En 1999, lors de la précédente grande tempête, EDF s'était engagée à faire de même. Dans un premier temps, il avait été annoncé qu'aucune ligne à haute tension ne serait plus construite, de manière à ne pas accroître les risques. Cependant, non seulement cet engagement n'a pas été tenu, mais l'État soutient actuellement plusieurs projets de création de lignes – dont une, particulièrement importante, entre la Normandie, la Bretagne et les Pays de la Loire – pour assurer un débouché au projet de centrale nucléaire EPR.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quelles mesures concrètes comptez-vous prendre à court, à moyen et à long termes, pour sécuriser durablement le réseau français de transport et de distribution d'électricité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, vous me permettrez également de penser d'abord aux familles des victimes de la tempête, qui a frappé dix-sept départements. Le bilan humain est lourd, puisque nous déplorons quatre victimes directes. Deux personnes sont décédées, faute d'électricité, parce que leur appareil respiratoire s'est arrêté. Une autre est tombée d'un toit en essayant de réparer les dégâts. On compte également d'autres victimes indirectes. Certaines ont été blessées gravement par les émanations d'oxyde de carbone provenant des générateurs mis en place pour pallier le défaut d'électricité. Ce bilan, s'il est regrettable, est beaucoup moins lourd qu'en 1999 : on déplorait alors quatre-vingt-douze morts et des milliers de victimes.
Au-delà des pertes humaines, il faut aussi dresser un bilan en termes de qualité de la vie. Au plus fort de la tempête, 1,7 million de foyers ont été privés d'électricité. Mais, grâce à l'action de tous, notamment des secours prépositionnés mis en place dès l'alerte, à la solidarité qui s'est exprimée au niveau tant national qu'européen, et à l'extrême rapidité des interventions, on ne compte plus que 207 000 foyers encore privés d'électricité. De plus, si, en 1999, il avait fallu trois semaines pour restaurer le réseau, on peut espérer que, dès la fin de la semaine, la quasi-totalité des foyers disposera de nouveau de l'électricité. Nous devons cette efficacité aux conséquences que nous avons tirées de l'expérience de 1999.
J'en viens plus précisément à votre question sur l'enfouissement des lignes. Depuis 1999, un effort important a été consenti par RTE et surtout par EDF pour enterrer de nouvelles lignes. Il est en effet impensable d'enterrer tout le réseau : une telle mesure coûterait 100 milliards d'euros et elle s'avérerait techniquement impossible pour les lignes à très haute tension.
Cependant, il faut évidemment progresser dans tous les domaines. C'est la raison pour laquelle nous organiserons dans une dizaine de jours une réunion de retour d'expérience, en vue de tirer toutes les conséquences de ce qui, dans les secours, a bien fonctionné ou s'est avéré insuffisant. De cette manière, si nous sommes confrontés à de nouvelles catastrophes du même type, nous serons encore plus performants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Président, mes chers collègues, ma question s'adresse à monsieur le Premier ministre et concerne également l'effondrement du réseau d'électricité, mais en adoptant un autre point de vue. J'y associe Philippe Folliot, député du Tarn, et tous mes collègues du Sud-Ouest, qui a été durement frappé. Je regrette que nos collègues socialistes ne soient pas présents pour aborder un tel sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.) Pour paraphraser Maurice Thorez, il y a un moment où il faut savoir arrêter un mouvement ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Samedi dernier, le Sud-Ouest a été ravagé par une tempête exceptionnellement violente, supérieure en intensité à celle de 1999. À Agen, les vents ont atteint 175 kilomètres-heure. Cette tempête a causé le décès de onze personnes et des dégâts matériels très importants.
Elle a aussi provoqué l'effondrement du réseau électrique et donc la rupture d'alimentation pour plus de 1 700 000 personnes, soit près d'un foyer sur deux.
Face à cette situation, la mobilisation du personnel de l'Etat, des collectivités territoriales et des agents EDF et de France Télécom a été et est encore aujourd'hui exemplaire. La représentation nationale se doit de saluer à nouveau cette mobilisation et le sens du service public dont a fait preuve chacun des agents concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur certains bancs du groupe UMP.)
Mais l'effondrement de la desserte en électricité a entraîné en cascade l'arrêt de services de base de notre société : pas d'eau potable, pas de chauffage, pas de télécommunications, pas de signalisations de sécurité routière et ferroviaire.
En dix ans, en 1999 et 2009, le Sud-Ouest a connu deux catastrophes météorologiques de la même ampleur. Le constat est malheureusement très clair : notre électro-dépendance s'est accrue et aucun plan d'ensemble n'est prêt en cas de rupture durable de la desserte en électricité.
Quel plan d'ensemble avons-nous pour assurer les fonctions essentielles de notre société par des groupes électrogènes autonomes ? Aucun. Je peux en attester, j'étais sur le terrain pendant tout le week-end.
Quel plan d'ensemble avons-nous pour réduire les risques de coupure du réseau électrique, par l'enfouissement, ou l'abattage des arbres proches des lignes ? S'il en existe un, son efficacité est aujourd'hui bien médiocre.
En fait, l'État et le groupe EDF, qui sont liés par un contrat de service public, ont été à nouveau pris de court, dix ans après les événements de 1999. Or, c'est une des compétences premières de l'État que d'assurer la sécurité de nos concitoyens en toutes circonstances, y compris dans des conditions extrêmes.
Ma question porte donc plus spécifiquement sur l'élaboration d'un plan national d'urgence en cas de rupture de la desserte en électricité. Quelle évolution du contrat de service public liant l'État avec EDF le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour que, lors de la prochaine tempête, nous n'ayons pas de nouveau un bilan aussi douloureux que celui de la semaine dernière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur certains bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur Dionis du Séjour, je vous ai trouvé un peu sévère, mais je sais combien votre département du Tarn-et-Garonne a été atteint par la tempête, de même que celui de M. Folliot, qui s'associe à votre question.
Comme l'a dit Mme Alliot-Marie, il reste environ 200 000 foyers privés d'électricité, c'est-à-dire moins de 15 % de ceux qui ont subi la coupure du réseau samedi. C'est encore trop, bien sûr. C'est cette situation du réseau électrique qui explique aussi en partie les difficultés du réseau ferroviaire : entre Bordeaux et Hendaye, de même que sur d'autres lignes en Aquitaine et Midi-Pyrénées, les coupures actuelles ne sont pas liées simplement à l'état des voies, mais à l'absence d'alimentation électrique des passages à niveau plus encore que des lignes elles-mêmes.
Cela étant, les progrès sont importants, je peux le dire pour avoir vécu la tempête de 1999 dans un département où elle a fait quinze morts. Les changements dans l'organisation et la prévention sont bien visibles. Grâce au gros travail effectué par EDF et par RTE, le rétablissement du courant est assuré à un rythme bien plus élevé : en 1999, certaines communes n'ont pas eu d'électricité pendant trois semaines ; cette fois, à la fin de la semaine pratiquement l'ensemble du réseau sera rétabli. On a travaillé sur l'emplacement des réseaux et leur enfouissement et mis en place un groupe d'intervention rapide – des électriciens sont venus de toute la France, d'outre-mer et même d'entreprises européennes liées à EDF ou RTE. Les objectifs d'enfouissement du réseau à moyenne tension sont tenus, de même que les objectifs de rétablissement du courant chez les clients.
Cela étant, vous avez raison, les délais sont encore trop longs. Autour du Premier ministre et avec Jean-Louis Borloo, nous ferons un bilan de cette opération et nous verrons les modifications que l'on peut apporter dans nos relations avec EDF, RTE et ERDF pour améliorer encore le dispositif.
Pour l'heure, rendons ensemble hommage à tous les agents de l'État, à ceux de la SNCF, de EDF, de RTE, des collectivités territoriales et du ministère de l'intérieur, qui ont fait un travail remarquable sur le terrain, parfois au péril de leur vie. À travers cette épreuve, nous avons eu au moins le bonheur de voir s'exprimer la solidarité et le plaisir de constater que la prévision et l'organisation étaient meilleures cette fois. Nous essaierons de faire mieux encore dans les années à venir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Élu de la Gironde, je souhaite, à mon tour, interroger Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les conséquences de la tempête d'une rare violence qui a dévasté le Sud-Ouest de la France. Elle a provoqué, selon le dernier bilan, la mort de onze personnes, et fait des centaines de blessés. Parmi ces derniers, on compte notre collègue François Deluga, et je regrette que les membres du groupe socialiste ne soient pas présents pour souhaiter un prompt rétablissement à tous ceux qui ont été blessés lors de cette catastrophe.
Au nom de toute notre assemblée, je souhaite rendre hommage à tous ceux qui sont venus au secours de nos concitoyens et qui continuent de faire preuve d'une réelle et remarquable solidarité.
Selon le dernier bilan établi par la sécurité civile, 1,7 million de foyers ont été privés d'électricité, et c'est encore le cas pour plus de 200 000 d'entre eux ; 1 500 kilomètres de voies SNCF ont été endommagés ; jusqu'à 80 % de la forêt a été touchée, et 100 000 foyers sont toujours privés de téléphone. Selon les premières estimations, les compagnies d'assurances considèrent que le coût des dégâts infligés aux particuliers et aux entreprises devrait se situer « vraisemblablement au-dessus de 600 millions d'euros ». Six départements du Sud-Ouest, dont la Gironde, restent aujourd'hui en « vigilance orange » en raison des risques d'inondations.
Dès dimanche, le Président de la République, accompagné de plusieurs ministres, s'est rendu sur les lieux. Il a notamment annoncé le renfort de l'armée. Je salue la rapidité avec laquelle le Premier ministre a pris, avec la ministre de l'intérieur, le décret reconnaissant l'état de catastrophe naturelle.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quelles sont les mesures qui ont été mises en oeuvre, et quelles sont celles qui seront déployées pour remédier à cette situation catastrophique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Notre collègue François Deluga a été très sérieusement blessé lors de la tempête. Nous lui témoignons, ainsi qu'à tous les blessés, nos voeux de prompt rétablissement. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, si le bilan de la tempête n'a pas été plus lourd – beaucoup moins, en tout cas, qu'en 1999 –, c'est parce que l'alerte a été donnée à temps. En effet, une mobilisation immédiate a eu lieu avant la tempête, des forces ont été prépositionnées – tant pour les pompiers et les agents de la sécurité civile que pour les militaires –, et des moyens très importants ont été engagés. Grâce à cette mobilisation, nous ne déplorons que cinq morts directement liées à la tempête – les autres étant morts de façon indirecte.
Il convient maintenant de prendre, au plus vite, les mesures de nature à faciliter le retour à la vie normale de tous nos compatriotes. Ainsi, la circulation des trains est désormais assurée, sauf pour quelques lignes dans le Sud-Ouest, et l'électricité sera partout rétablie d'ici à la fin de la semaine. Il fallait également aider ceux qui ont perdu leur domicile ou qui ont subi des dommages économiques importants. C'est pourquoi l'état de catastrophe naturelle a été constaté pour l'ensemble des communes – j'insiste sur ce point – de l'Aude, de la Haute-Garonne, du Gers, de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne, des Pyrénées-Atlantiques, des Pyrénées-Orientales et des Hautes-Pyrénées.
Cette décision couvre les dommages causés par les événements survenus le week-end dernier. Une partie d'entre eux est déjà couverte par les assurances – les assurances tempête existent –, mais les autres dommages dus, par exemple, aux inondations, à l'effet des vagues ou aux coulées de boue, le sont désormais également. Grâce à cette procédure exceptionnelle, puisqu'elle couvre des départements entiers, et non les communes une par une, les maires sont donc dispensés des procédures administratives qu'ils doivent habituellement engager auprès des préfectures. Ils en seront probablement satisfaits. À partir de demain, les sinistrés pourront donc s'adresser à leur assureur, mobilisés par Christine Lagarde dès samedi dernier, et bénéficier du remboursement des dégâts.
Ainsi, après avoir réagi, durant l'événement, en mettant en oeuvre tous les moyens nécessaires, nous voulons maintenant permettre à nos concitoyens les plus touchés par cette catastrophe de revenir le plus rapidement possible à une vie normale. C'est le rôle de l'État, et il l'assume. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, je regrette d'autant plus l'absence de nos collègues socialistes qu'elle est la conséquence d'une situation qu'ils ont eux-mêmes créée de manière tout à fait artificielle, en multipliant des manoeuvres d'obstruction d'une ampleur sans précédent sous la Ve République. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) On ne peut pas à la fois mettre le feu et regretter l'incendie. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour les nouvelles responsabilités que vous venez de prendre au sein du Gouvernement. Avec mes collègues parlementaires, nous avons pu mesurer votre sérieux et votre capacité d'écoute lorsque vous occupiez vos précédentes fonctions. Je suis persuadé que vous saurez faire preuve des mêmes qualités à la tête de votre nouveau ministère et occuper ainsi pleinement et efficacement toute la place qui vous revient, avec la sensibilité qui est la vôtre, au sein de notre majorité présidentielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Votre action sera d'autant plus nécessaire qu'en France, on a trop longtemps manqué de lucidité et de courage pour traiter les problèmes d'immigration et d'identité nationale. Avec Nicolas Sarkozy, la donne a heureusement changé et votre prédécesseur, Brice Hortefeux, a montré qu'il était possible d'affronter ces sujets avec pragmatisme et humanité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Je suis convaincu que vous saurez prolonger cette action, indispensable pour l'avenir de notre pays.
En tant que député du Pas-de-Calais, je souhaite me faire l'interprète des habitants de mon département, pour vous dire combien nous avons été sensibles au fait que vous ayez réservé votre premier déplacement à la Côte d'Opale et, en particulier, à Calais. Sur place, vous avez pu constater par vous-même combien la ville et l'agglomération calaisienne concentrent des difficultés exceptionnelles liées aux flux de clandestins qui arrivent régulièrement dans cette zone.
Ces immigrés ont pour seul objectif de passer en Angleterre, soit par le tunnel sous la Manche, soit par le port de Calais. Ceux qui n'y parviennent pas immédiatement se maintiennent dans la région pour tenter à nouveau la traversée, sans jamais y renoncer. Dans cette attente, ils vivent dans des conditions extrêmement précaires, parfois même avec des enfants, ce qui n'est pas acceptable, particulièrement en hiver. Se pose, en outre, un problème de cohabitation avec les habitants, très préoccupés par cet état de fait. Au-delà de la ville elle-même, c'est la Côte d'Opale et les départements du Nord et du Pas-de-Calais qui sont concernés.
Après une amélioration liée à la fermeture du centre de Sangatte, la situation se détériore de nouveau. Monsieur le ministre, quelles conclusions tirez-vous de votre déplacement ? Quelles solutions envisagez-vous pour remédier à cette situation humainement insupportable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Monsieur le député, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour vos propos agréables. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Vous pouvez rire ! Je le remercie avec plaisir. Ce qui vous ennuie, c'est que je me sente bien dans cette majorité et que je l'assume. Tant pis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez raison, monsieur le député, après une nette amélioration liée à la fermeture de Sangatte et malgré les efforts considérables de mon prédécesseur, Brice Hortefeux, la situation s'est à nouveau dégradée à Calais. Je suis allé visiter les lieux hier, et j'y ai rencontré l'ensemble des acteurs concernés : élus locaux – et je veux rendre hommage à Mme le maire ainsi qu'à son conseil municipal, qui font preuve d'un calme et d'une ouverture d'esprit absolument remarquables –, services de l'État, magistrats et associations humanitaires. J'ai observé, écouté et j'ai pris l'engagement de revenir devant eux avant le 1er mai avec des propositions.
Je peux d'ores et déjà vous présenter cinq orientations.
Premièrement, il est hors de question de recréer une structure d'hébergement des immigrants illégaux. En clair, nous ne recréerons pas un Sangatte, ni même un Sangatte édulcoré. Une telle décision serait en effet immédiatement exploitée par les réseaux de l'immigration illégale et ne ferait, malheureusement, qu'attirer sur place des milliers de nouveaux clandestins, aggravant ainsi le problème humanitaire.
Deuxièmement, il est indispensable de renforcer l'étanchéité de la frontière. L'ensemble des acteurs que j'ai rencontrés sont d'accord sur ce point. Hélas ! les candidats à l'immigration clandestine et leurs réseaux continuent d'affluer à Calais. Or ils n'y viendront plus que s'ils ont la conviction qu'ils ne peuvent plus traverser la Manche, que la zone de Calais est devenue réellement étanche. C'est pourquoi je rencontrerai, dès le 11 février, mon homologue britannique afin de solliciter l'aide du Royaume-Uni. Les Britanniques doivent en effet nous aider davantage sur ce dossier.
Troisièmement, nous avons besoin de mener une action spécifique renforcée contre les réseaux de l'immigration clandestine. Ces réseaux mafieux gagnent beaucoup d'argent sur le dos de ces malheureux, car les clandestins ne viennent pas tout seuls. Avec le ministre de l'intérieur, nous comptons mobiliser l'ensemble des services de police et développer la coopération avec nos voisins européens, en particulier avec l'Italie.
Quatrièmement, nous devons assurer la tranquillité des habitants de Calais, qui ont le droit de pouvoir vivre en toute sérénité. Avec Michèle Alliot-Marie, nous y veillerons.
Enfin, le rôle de l'État et des collectivités locales est aussi d'appuyer l'action des associations humanitaires qui oeuvrent sur place. Il est hors de question de recréer des centres d'accueil en dur, comme ce fut le cas à Sangatte, mais ce n'est pas parce que des mafias exploitent la misère humaine que nous devons détourner les yeux du sort fait aux immigrants clandestins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Depuis la mi-septembre, le monde se trouve plongé dans une crise économique sans précédent. Le Président de la République et le Gouvernement ont formidablement réagi dès le commencement de cette crise et ont pris très rapidement, tant à l'échelle nationale qu'au niveau international, les mesures qui s'imposaient. Tous ces efforts vont dans le même sens et obéissent à la même philosophie : créer de l'activité en affectant une partie des investissements aux infrastructures et au logement populaire, comme la France l'a proposé en premier.
Plutôt que de critiquer – par le silence, aujourd'hui – un plan de sauvetage du système bancaire dont la philosophie est identique à celle qui a inspiré les principaux pays européens, l'opposition devrait se réjouir que les banques françaises soient sauvées et se trouvent en meilleure posture que beaucoup de celles de nos voisins britanniques ou même allemands. Elle devrait se féliciter de constater que c'est en France que les encours de crédit ont le plus progressé au dernier trimestre 2008, au service des investissements des entreprises et des ménages. Au lieu de cela, voici qu'elle présente un contre-plan de relance, près de quatre mois après les graves incidents survenus au mois de septembre, notamment la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, et qu'elle défend une motion de censure qui n'a aucun sens en cette période – et a d'ailleurs été rejetée hier par notre assemblée.
L'opposition semble, une fois de plus, regretter que nous n'ayons pas nationalisé l'ensemble du secteur bancaire. C'est une position idéologique que nous ne partageons pas…
…car elle a déjà démontré son inefficacité par le passé.
Oui, la France a déjà donné, les Français ont déjà payé, avec la nationalisation des banques.
Notre principal objectif est que notre système bancaire reste solide et que ses salariés continuent de pouvoir de faire leur métier au service de nos entreprises, de nos ménages et de nos collectivités, en leur fournissant les liquidités dont ils ont besoin.
Nous devrons tirer toutes les leçons de cette crise mais, pour le moment, nous devons être solidaires et unis face à cette crise injuste et grave qui frappe le monde développé.
Cette crise ne doit pas être l'occasion de nous livrer à nos éternelles petites querelles politiciennes.
Vous feriez mieux d'être solidaires avec les salariés qui vont manifester demain !
Plus que jamais, les Français nous demandent d'être rassemblés, ce que certains ne veulent pas comprendre.
Monsieur le ministre, après que nous nous sommes réunis hier en commission mixte paritaire, pouvez-vous nous exposer les prochaines étapes de ce plan ambitieux, destiné à nous permettre de faire face aux difficultés économiques auxquelles est confronté notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Monsieur le député, où en sommes-nous aujourd'hui ?
Les commissions mixtes paritaires viennent en effet de se réunir afin de débattre des deux projets de loi du Gouvernement. L'Assemblée nationale et le Sénat statueront demain sur les conclusions auxquelles elles sont parvenues. Si les deux assemblées adoptent les projets de loi, le Gouvernement pourra, dès la semaine prochaine, commencer à injecter dans les circuits financiers l'argent destiné au plan de relance.
Qu'avons-nous fait pour le moment ? Les élus, les ministres et les préfets ont élaboré une première liste constituée des nombreux projets destinés à être lancés sur l'ensemble du territoire, et que le Premier ministre annoncera dans le détail la semaine prochaine. Dans le même temps, avec les élus et avec les préfets de région, nous avons commencé à installer des comités de suivi qui vérifieront que les financements mis en oeuvre entraînent le démarrage effectif des projets correspondants. Le but recherché est d'engager 75 % des financements du plan de relance dès 2009, afin de créer de l'activité et de distribuer du travail pour faire face à la crise. Répondre à la crise par du travail, telle est en effet notre volonté.
Je rappelle que si un projet ne démarrait pas à l'issue d'un délai qui sera prochainement déterminé, les crédits correspondants seraient retirés par application d'une règle de dégagement d'office, afin d'être affectés à un autre projet. De la sorte, nous éviterons que des crédits ne se trouvent gelés ; c'est à cette condition que nous pourrons réagir massivement et fortement à la crise.
Les comités de suivi seront également chargés de renseigner des indices de performance, qui seront publiés afin que l'opinion et la représentation nationale soient constamment informées de l'application du plan de relance.
Comme vous le voyez, le Gouvernement fait face à la crise, conformément à ce qu'attend la nation. La crise n'est pas une fatalité, notre pays saura surmonter cette épreuve comme il en a surmonté d'autres par le passé. Il y parviendra s'il est debout, ce qui est le cas : l'État est debout pour faire face ! Toutefois, il doit également pouvoir compter sur la solidarité nationale… (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
…et ce n'est donc pas le moment de nous perdre dans de petites querelles politiciennes. La crise frappe tout le monde, les territoires et les élus de gauche comme de droite. Par conséquent, nous devons faire face tous ensemble, en faisant preuve de courage, de détermination et de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Grenet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture. Cela a déjà été dit, le bilan à ce jour, après le passage de la tempête Klaus ce week-end en Aquitaine, est très lourd : 11 morts et 200 000 hectares de forêt détruits dans le Sud-Ouest, tout particulièrement dans les Landes. Un tiers du massif forestier a été anéanti en quelques heures et la facture atteindra au moins 600 millions d'euros pour les assureurs – encore cette estimation n'est-elle que provisoire.
Ainsi, c'est toute la filière bois qui est touchée en Aquitaine, pour la deuxième fois en moins de dix ans. Une chose est sûre : le bilan matériel pour notre région sera d'une ampleur supérieure à celui de 1999.
J'ajoute que cette catastrophe intervient dans un contexte de crise, crise qui atteint notamment le secteur de la construction dont dépendent fortement les professionnels de la forêt et du bois. Naturellement, ceux-ci attendent beaucoup de l'État, ainsi que de l'Europe, monsieur le ministre. Je sais que vous avez pris la mesure de l'ampleur des dégâts, au même titre que le Président de la République et Mme la ministre de l'Intérieur, en vous rendant sur place, dimanche.
Pouvez-vous donc rassurer la représentation nationale et les professionnels de la forêt, très inquiets, à juste titre, et qui attendent beaucoup de la solidarité nationale ? Quelles sont les mesures, fortes et rapides, que vous entendez mettre en oeuvre afin que ce secteur puisse espérer se relever de ce nouveau sinistre qui compromet son avenir à court et moyen termes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député Jean Grenet, la situation dans les forêts du Sud-Ouest est bien celle que vous dites, pas uniquement en Aquitaine d'ailleurs, car, outre que la tempête a été plus grave qu'en 1999, elle a aussi touché le Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon.
En tant que ministre de l'agriculture, de la forêt et de la pêche, je tiens à souligner que ce sont aussi des exploitations agricoles, ostréicoles et aquacoles qui ont été frappées.
Au total, on peut estimer, au moment où je vous parle, que les dégâts portent sur 40 millions de mètres cubes. J'ai demandé à l'Institut forestier national de procéder par voie aérienne à des photographies, afin d'avoir un bilan exact de cette catastrophe.
L'urgence, monsieur Grenet, est d'abord d'ouvrir les voies d'accès dans les forêts et de les sécuriser. C'est un travail dangereux qui exige que l'on prenne des précautions. Mais il faut aussi ouvrir les canaux d'irrigation et libérer les fossés, car les terrains sont entièrement inondés.
Ce travail sera effectué dans les semaines qui viennent. En accord avec le Premier ministre, j'ai dégagé cinq millions d'euros pour aider à ces premiers travaux, auxquels se sont attelés cinq cents agents de l'ONF. Je veux les remercier, comme l'a fait le chef de l'État sur le terrain dimanche, ainsi que la centaine d'autres agents venus d'autres régions pour leur prêter main forte. J'ajoute à ces remerciements un mot de gratitude pour les agents des communes forestières et des entreprises.
La seconde urgence est d'élaborer avec les professionnels un plan global pour stocker le bois, l'arroser et le valoriser. Nous y travaillons. J'ai réuni hier l'ensemble de la filière, ainsi que l'avait demandé François Fillon. Nous appliquerons bien entendu les enseignements tirés de la tempête de 1999, mais nos réponses ne se limiteront pas à cela.
En effet, je suis frappé par exemple de constater que les exploitants forestiers, les propriétaires privés ou publics ne sont réellement couverts par aucun système d'assurance ou de prévoyance, et je tenterai de remédier à cette situation.
Nous nous inspirerons enfin avec Jean-Louis Borloo des propositions du Grenelle de l'environnement, pour bâtir un grand plan global de production et de valorisation du bois.
Oui, monsieur Grenet, les personnes touchées ont droit à la solidarité nationale. Elles ont aussi droit à la solidarité européenne. Voilà pourquoi Bruno Le Maire a saisi sans attendre la commission européenne, lundi matin, pour qu'intervienne le Fonds européen de solidarité, fonds que je connais bien pour l'avoir moi-même créé, en 2002, au lendemain des grandes inondations qui avaient touché le centre de l'Europe.
J'espère, monsieur Gremetz, que la mobilisation de ce fonds de solidarité doté d'un milliard d'euro vous incitera à vous montrer un peu plus européen que d'habitude ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il a précisément été conçu pour une catastrophe telle que celle qui frappe aujourd'hui ces trois régions françaises. (Même mouvement.)
La parole est à M. Michel Lejeune, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État à l'emploi, face à une conjoncture économique très difficile, qui se traduit par une dégradation des chiffres du chômage, le Gouvernement a élaboré un plan de relance massif dont la première priorité est l'emploi : il s'agit de préserver le travail quand celui-ci est menacé, notamment par une meilleure indemnisation de l'activité partielle, mais aussi de mieux accompagner les salariés frappés par les restructurations.
À cet égard, les contrats de transition professionnelle expérimentés depuis 2006 dans sept bassins d'emploi – Valenciennes, St-Dié dans les Vosges, Vitré, Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix et Toulon – ont montré toute leur utilité. Ils permettent en effet aux employés d'une entreprise de moins de mille salariés victimes d'un licenciement économique de bénéficier pendant un an d'un accompagnement et d'une indemnisation renforcés.
Les résultats le prouvent : ces contrats fonctionnent et ont permis une forte proportion de retours à l'emploi.
Le Président de la République, lors de sa visite chez Renault à Sandouville, en Seine-Maritime, a souhaité que ce dispositif expérimental soit non seulement maintenu mais étendu à dix-huit nouveaux bassins d'emploi. À cet effet, nous avons voté un amendement au projet de loi de finances et des crédits supplémentaires ont été mobilisés.
Une première vague de ces nouveaux bassins d'emploi devant bénéficier de ce contrat de transition professionnelle a été annoncée hier par le Président de la République, à Châteauroux, lors d'un déplacement consacré aux aides à l'emploi.
Pourriez-vous, Monsieur le Ministre, nous indiquer quels sont les bassins concernés, les critères qui ont présidé au choix, et surtout quelles améliorations concrètes les demandeurs d'emploi concernés peuvent attendre de ce dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Rendez hommage aux agents EDF qui ne feront pas grève jeudi, dans le Sud-Ouest ! Voilà des gens responsables !(Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Dans le climat serein qui règne aujourd'hui dans l'hémicycle, je vais essayer de répondre précisément à cette question.
En cette période de crise économique, certains territoires souffrent plus que d'autres, et dans ces territoires nombre de nos concitoyens sont frappés par des licenciements économiques – vous connaissez bien cette réalité, monsieur le député, puisque vous aviez déjà interpellé le Gouvernement à ce sujet.
À la demande du Président de la République et du Premier ministre, Christine Lagarde et moi-même avons cherché à mettre en place immédiatement, sans attendre que les vagues de licenciements grossissent, un dispositif qui puisse, concrètement, permettre aux licenciés économiques de rebondir.
C'est l'outil que vous avez évoqué : le contrat de transition professionnelle. Quelle en est la philosophie ?
Le mieux est de prendre un exemple. Hier, Christine Lagarde, Luc Chatel et moi-même étions à Châteauroux aux côtés du Président de la République. Une salariée a pris la parole. Elle avait été licenciée d'un emploi dans le secteur du textile, et elle avait dû se battre pour obtenir une formation qui lui permettre de se réorienter vers un secteur qui embauchait – en l'occurrence celui de la chaudronnerie.
Eh bien, l'objet des contrats de transition professionnelle est de faciliter ce type de parcours et d'aider les personnes qui ont perdu un emploi dans un secteur en difficulté à se reconvertir.
Le contrat de transition professionnelle, vous l'avez dit, ce n'est pas une simple annonce : c'est quelque chose qui a déjà été expérimenté, notamment dans le bassin de Sandouville – que vous connaissez bien puisqu'il se situe à proximité de votre circonscription. Dans ces territoires, nous avons des résultats : ils montrent que le CTP est aujourd'hui le meilleur outil de la politique de l'emploi. Deux tiers de ceux qui entrent dans ce dispositif retrouvent, en moins d'un an, un emploi en CDI.
Le CTP dispose de trois atouts tout simples : une indemnisation à 100 % pendant un an pour celui qui a perdu son travail, ce qui lui permet de se consacrer à 100 % à la recherche d'emploi ; un accompagnement personnalisé, sur mesure ; enfin, la possibilité de mobiliser la formation en vue de rebondir.
Les annonces faites hier par le Président de la République nous permettent, conformément à l'engagement pris il y a moins de deux mois, de revenir devant vous pour vous faire connaître les territoires nouveaux qui vont pouvoir bénéficier de ce contrat. Ce sont les bassins de Sandouville, de Niort, de Châteauroux, de Châtellerault, de Mulhouse – durement frappé –, de Douai, de Calais et de l'étang de Berre.
Par ailleurs, trois bassins d'emploi déjà retenus ont bénéficié d'une extension : Charleville-Mézières, Montbéliard et Saint-Dié.
Le choix de ces territoires a été guidé par des critères simples et objectifs : leur taux de chômage est beaucoup plus élevé que la moyenne ; leur tissu industriel est menacé ; la situation de l'emploi s'y dégrade et des plans de licenciements sont à prévoir.
Nous n'avons pas voulu attendre l'incendie pour commencer à réagir et pour offrir à nos compatriotes qui sont dans l'inquiétude des outils d'espoir.
Pour eux, Monsieur Chassaigne, nous ne nous sommes pas contentés d'interpeller : nous avons agi !
Grâce à l'action de la majorité, dix bassins d'emploi supplémentaires pourront être concernés. D'autre part, la convention de reclassement personnalisé a été adoptée ; elle offrira à tous ceux qui sont licenciés, sur l'ensemble du territoire, un outil comparable au CTP, qui, de même, leur permettra un nouveau départ.
Toute la philosophie de notre politique de l'emploi est là, à la fois lucide et réaliste. Oui, dans la crise, des salariés perdront leur emploi et ce serait une erreur que d'essayer de cacher cette réalité ; mais notre devoir est de tout faire pour leur offrir les meilleures chances de rebondir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Georges Mothron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement, en France, des sommes importantes sont prélevées par les banques au titre de la gestion des comptes, que ceux-ci soient détenus par des particuliers ou par des entreprises.
Les associations de consommateurs se sont longtemps mobilisées sur le sujet en dénonçant l'opacité de ces frais et l'impossibilité pour le consommateur de savoir ce que lui coûte réellement sa banque.
À l'heure où le pouvoir d'achat est au coeur des préoccupations des Français, où l'économie traverse une crise majeure,…
…s'intéresser aux coûts des commissions bancaires paraît nécessaire pour favoriser la concurrence dans ce secteur.
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous êtes saisi du problème puisque la loi dite Chatel du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, a imposé aux banques de transmettre à leurs clients un récapitulatif des frais bancaires.
Ce récapitulatif concerne les dépenses liées à la gestion des comptes, aux moyens de paiement et aux incidents de fonctionnement, ainsi que les agios, ces intérêts perçus en cas de découvert – autant de frais qui sont mentionnés dans les relevés de compte mensuels mais dont les clients ne calculent que rarement le montant total.
La loi dispose que, d'ici à la fin de ce mois de janvier, toutes les banques devront avoir fait parvenir par courrier ce récapitulatif à leurs clients, ce qui sera facteur de transparence accrue.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer dans quelle mesure ce nouveau droit va également contribuer à renforcer la concurrence, à augmenter le pouvoir d'achat et à améliorer les relations que les Français entretiennent avec leurs banques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, depuis le 1er janvier dernier, les Français ont en effet le droit de savoir combien leur coûte leur banque. C'est une avancée très importante que nous avons voulue ensemble, Gouvernement et majorité. Je voudrais d'ailleurs rendre hommage au travail mené lors de l'examen de ce texte au Parlement par le rapporteur, M. Michel Raison, ainsi que par Louis Giscard d'Estaing (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)…
…qui avait permis que cette disposition soit étendue aux associations.
Comme vous le soulignez, les Français peuvent désormais savoir exactement combien leur coûte leur banque. Précédemment, les banques prélevaient régulièrement, au fur et à mesure, des frais de découvert, d'envoi de chéquier, de distribution de billets hors réseau, et le consommateur n'avait pas les moyens de savoir, concrètement, quelle somme totale il acquittait ainsi en une année. Cette façon de procéder allait contre une règle simple du code de la consommation, qui veut que toute prestation de service donne lieu à une facture. Il n'était pas logique que les banques s'exonèrent de cette obligation.
Nous avons donc adopté cette disposition, qui constitue une avancée importante vers plus de transparence : désormais, les Français savent précisément à quoi correspondent les frais bancaires qui leur sont prélevés.
C'est également une avancée en faveur de la concurrence, monsieur Mothron.
En effet, sachant combien leur coûte leur banque, les Français vont pouvoir négocier avec celle-ci le montant de certaines opérations, ils vont pouvoir comparer ces frais entre plusieurs banques et, éventuellement, résilier leur contrat. Le texte contribue ainsi à la mobilité interbancaire sur laquelle nous travaillons activement avec Christine Lagarde, à la suite des travaux menés par le Comité consultatif bancaire.
En résumé, monsieur Mothron, je crois que cette mesure que vous avez adoptée démontre que, au moment où le Gouvernement s'engage fortement en faveur du système bancaire, il n'oublie pas les consommateurs. Cette disposition sur le relevé annuel des frais bancaires leur est en effet directement destinée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Récapitulatif des frais bancaires
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures dix.)
L'ordre du jour appelle, en application de l'article 35, alinéa 3, de la Constitution, le débat et le vote sur l'autorisation de la prolongation de cinq interventions des forces françaises à l'étranger.
Je vous rappelle que chaque opération extérieure fera l'objet d'un vote distinct, mais que ces votes seront précédés d'une seule déclaration du Gouvernement suivie d'un débat général.
La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, monsieur le ministre de la défense, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d'État chargé de la défense et des anciens combattants, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission de la défense, mesdames, messieurs les députés, avec ce débat, suivi du vote de l'Assemblée, nous sommes au coeur du rééquilibrage des pouvoirs opéré par la réforme constitutionnelle. Je dis « au coeur », puisque du « domaine réservé », apanage historique de l'exécutif depuis le début de la Ve république, nous allons passer à un domaine partagé avec le Parlement qui est l'incarnation de la souveraineté nationale.
Longtemps, nous avons jugé que la responsabilité d'engager nos forces armées ne se divisait pas. Pourquoi changer aujourd'hui notre pratique institutionnelle ?
Parce que la configuration stratégique et géopolitique a évolué.
Parce que la dissémination des risques et des menaces nous commande d'agir davantage et autrement que du temps de la guerre froide.
Parce que notre politique extérieure et de défense doit être l'affaire de tous.
Parce que nous avons la conviction que la responsabilité et la légitimité de la représentation nationale ajoutent à la force de nos engagements.
J'ai longtemps été membre de votre commission de la défense, et j'eus même l'honneur de la présider. Je connais M. le président Teissier, la qualité de ses travaux et son sens aigu de l'intérêt national. Je n'ai jamais accepté l'idée qu'un Parlement plus actif et davantage sollicité pourrait être un quelconque obstacle à l'efficacité de notre politique étrangère et de défense. Bien au contraire !
Avec la majorité, nous avons voulu cette révision historique pour conférer plus de pouvoir au Parlement.
Nous avons voulu que s'exerce avec plus de transparence la prérogative régalienne que constitue l'emploi de la force armée, comme cela se fait dans la quasi-totalité des grandes démocraties.
Tous les partis politiques, de droite comme de gauche, militent pour cette évolution institutionnelle depuis des années. Mais aucun gouvernement, aucune majorité n'avaient eu le courage, jusqu'à présent, de franchir le pas. Nous l'avons franchi, et l'opposition est bien mal placée pour nous reprocher de faire ce qu'elle n'a pas eu, en son temps, l'audace de faire.
Cette majorité est à l'origine d'un profond rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement, et notre débat d'aujourd'hui en est la démonstration.
Conformément à la nouvelle rédaction de l'article 35 de la Constitution, le Gouvernement informe désormais le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées françaises à l'étranger dans les trois jours suivant le début de l'opération. Il soumet sa prolongation à votre autorisation lorsque celle-ci dépasse les quatre mois.
Certaines activités militaires à l'étranger ne sont pas visées par cette procédure, notamment les échanges de militaires, les exercices, les troupes prépositionnées en vertu des accords de défense, l'envoi d'observateurs non armés, les déplacements des navires et aéronefs dans les espaces internationaux et les escales dans les ports étrangers, ainsi que les opérations des services de renseignement ou des forces spéciales.
Cette procédure s'appliquera à l'envoi à des fins opérationnelles de forces militaires en corps constitués, c'est-à-dire des unités militaires d'un volume important, engagées en situation de crise et sur un territoire étranger. Elle concernera l'immense majorité des effectifs déployés en opérations.
Dès le 22 septembre, nous avons abordé un premier théâtre, le plus difficile, celui de l'Afghanistan. Nous avons débattu de la stratégie de la France et de ses partenaires pour le retour de la sécurité et de la stabilité dans ce pays.
Aujourd'hui, nous voulons vous informer des autres opérations extérieures en cours, et vous demander d'approuver leur prolongation.
Cinq théâtres principaux regroupent aujourd'hui 95 % des soldats français déployés en opérations. L'Afghanistan mis à part, restent quatre zones où cinq engagements distincts prennent place : la zone regroupant le Tchad et la République centrafricaine, la Côte d'Ivoire, le Liban, le Kosovo.
Pourquoi la France y est-elle présente ?
Parce que sa stratégie de sécurité a pour objectif premier de parer aux risques qui menacent tous les Français…
…et qu'un nombre croissant de ces risques trouve aujourd'hui son origine bien au-delà de nos frontières.
Parce que la France entend jouer son rôle en faveur de la stabilité mondiale et qu'elle assume pleinement ses devoirs de solidarité dans le cadre des Nations unies.
Parce que les valeurs humanitaires ne cessent de guider son action.
La France a cette triple ambition. Elle nous commande de participer aux efforts de maintien de la paix partout où notre implication peut se révéler décisive, par les moyens qu'elle engage ou par l'effet d'entraînement qu'elle suscite. Elle demande que nous disposions, pour le faire, de capacités opérationnelles, humaines, techniques et financières importantes.
La responsabilité d'envoyer nos soldats là où se nouent et se dénouent les crises est lourde.
Le 19 août 2008, dix soldats français tombaient au combat, au cours d'une reconnaissance conjointe avec l'armée afghane. Le 22 novembre, nous apprenions le décès, à Kaboul, d'un sous-officier du troisième régiment du Génie de Charleville-Mézières. Ce 17 janvier, encore, huit de nos hommes sont morts dans un accident d'hélicoptère au Gabon. Je place dans l'ombre de leur mémoire les choix graves qui nous incombent ici.
La France n'engage pas d'opérations militaires sans nécessité impérieuse, sans stratégie, sans objectif. Elle ne les engage que là où elles sont strictement nécessaires et dans les conditions les plus sécurisées possibles. Elle ne les engage que là où les enjeux humanitaires et stratégiques sont décisifs.
Par exemple, au Liban, dont l'équilibre détermine celui de tout le Moyen-Orient.
Par exemple, au Tchad, où le risque de voir s'étendre la tragédie humanitaire soudanaise était trop élevé pour que nous n'animions pas, avec notre engagement militaire, la réaction internationale.
Dans tous les cas, notre engagement militaire doit être la contrepartie d'un engagement politique actif, susceptible de tirer de l'impasse les pays concernés.
Dans tous les cas, cet engagement doit se concentrer là où notre valeur ajoutée militaire est incontestable en termes de réactivité ou de moyens techniques. Je pense à nos interventions très rapides en RDC en 2003 ou au Tchad aujourd'hui.
Dans tous les cas, enfin, nous veillons à définir, dès le départ, les objectifs que nous assignons à nos troupes et qui détermineront, une fois atteints, les termes de leur retrait.
Engagée pour une durée limitée, dans un but précis, l'opération européenne au Tchad prendra ainsi fin dans les prochaines semaines, pour laisser place à une force des Nations unies.
Aux yeux de la France, membre permanent du Conseil de sécurité, seule l'Organisation des Nations unies dispose du droit d'autoriser le recours à la force, hors les cas de légitime défense. Le respect de cette légalité internationale est essentiel pour rendre les opérations militaires légitimes et acceptables par les populations. L'histoire la plus récente a trop montré le danger d'opérations militaires aventureuses, lorsqu'elles étaient lancées hors de ce cadre.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que nos troupes soient engagées avec un mandat de l'Organisation des Nations unies. Seules des circonstances politiques internationales très particulières – comme au Kosovo, en 1999 – doivent nous conduire à déroger à cette règle.
S'appuyer sur un mandat de l'ONU ne nous interdit pas, le cas échéant, d'intervenir dans le cadre et avec les partenaires qui nous semblent les plus appropriés : OTAN, Union européenne.
La Présidence française a élargi le rôle de cette dernière dans le maintien de la paix et dans la gestion civile des crises, en lançant deux nouvelles opérations : l'une, à caractère civil, au Kosovo ; l'autre, à caractère militaire, contre les pirates somaliens.
À chaque fois, la France a conservé la maîtrise opérationnelle de ses forces. Elle a fait en sorte que ses troupes déployées à l'étranger soient le reflet de sa solidarité mais aussi de son indépendance.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale le confirme : en toute situation, « la France s'engage avec une qualité et un volume de forces suffisants pour disposer d'une représentation adéquate dans les organes de planification et de commandement de l'opération, et garantir ainsi sa liberté d'appréciation et de décision ».
Lors des frappes en Serbie en 1999, nous avions exigé d'avoir un droit de regard sur l'ensemble des opérations décidées par l'OTAN. La même logique nous a conduits à définir des règles de commandement spécifiques entre l'ONU et la FINUL II, au Liban, à l'été 2006.
Depuis une dizaine d'années, une trentaine d'opérations mobilisent en moyenne 12 000 de nos soldats à travers le monde sans jamais remettre en cause la participation de nos moyens militaires à la sécurisation du territoire national. À cet égard, je veux rendre hommage aux mille soldats qui ont été mobilisés, ces jours derniers, pour faire face aux conséquences de la tempête dans le sud-ouest du pays.
Parmi les pays comparables, seul le Royaume-Uni, avec 15 000 hommes, déploie des forces comparables aux nôtres. Encore le faisons-nous sur un nombre supérieur de théâtres, ce qui démultiplie nos besoins en moyens de commandement, de logistique et de renseignement.
Ces interventions ont un coût croissant : coût humain – qui nous préoccupe le plus – et coût financier. Leur éloignement grandissant renchérit leur soutien logistique. La violence des engagements se répercute sur les besoins en équipements, notamment de protection. À titre d'exemple, notre contribution aux opérations conduites sous l'égide de l'Union européenne est passée, entre 2006 et 2008, de 14 millions à plus de 75 millions d'euros. Au total, les opérations extérieures nous ont coûté l'an dernier près de 860 millions d'euros.
En 2008, la France a réexaminé sa politique de sécurité, dans le cadre d'un Livre blanc présenté par le Président de la République, le 17 juin. Dans le cadre de la Présidence de l'Union européenne, elle a obtenu des vingt-sept membres une réactualisation et un complément de la stratégie de sécurité de l'Union. En avril prochain, à l'occasion du sommet de l'OTAN qui se tiendra à Strasbourg et à Kehl, elle lancera les travaux de redéfinition du concept stratégique de l'Alliance atlantique. Nos priorités changent et nos moyens doivent s'y adapter.
Dans certaines régions du monde où notre présence se révèle moins déterminante, il convient de réduire notre contribution ; ailleurs, de quitter des zones déjà stabilisées, pour retrouver la mobilité nécessaire, le cas échéant, à d'autres participations. Les moyens de la France ne sont pas infinis. Si, demain, un règlement se dessinait au Proche-Orient, pourrions-nous, compte tenu du rôle que nous jouons dans l'élaboration de ce règlement, refuser notre concours à la paix ?
Mesdames et messieurs les députés, nous sommes intervenus en Côte d'Ivoire après la crise de septembre 2002. Au plus fort de l'épreuve, en 2004, plus de 4 000 soldats français y ont été déployés. En bloquant l'avancée des rebelles du nord et de l'ouest du pays, leur but était d'éviter que le pays ne sombre dans la guerre civile, comme l'avaient fait ses voisins, le Liberia et la Sierra Leone. En 2004, ces soldats ont défendu la sécurité immédiate de nos ressortissants menacés. Lors du bombardement de Bouaké, le 6 novembre 2004, neuf d'entre eux ont payé ce dévouement de leur vie.
Depuis, nous avons privilégié la gestion multilatérale de la crise et contribué à un processus politique de réconciliation ouvert sur la tenue d'élections régulières. L'accord de Ouagadougou, signé le 4 mars 2007, a consacré la stabilisation politique du pays. Ayant obtenu un fort engagement des Nations unies, nous n'intervenons plus désormais en première ligne, mais en soutien de leur mission, l'ONUCI.
En Côte d'Ivoire, les enjeux sécuritaires ont perdu de leur intensité et l'attente d'échéances électorales, malheureusement toujours incertaines, ne justifie plus le maintien de notre dispositif militaire en l'état.
D'ores et déjà, l'ONU a entamé son désengagement, par une diminution de ses effectifs et par un réexamen des mandats de l'ONUCI, où la France compte 200 soldats – principalement des troupes du Génie, dont la mission peut être considérée comme achevée et qui, je vous l'annonce, rentreront en France cette année.
À son tour, notre pays devrait réduire de moitié le contingent de 1 800 hommes qui constitue la force Licorne, d'ici à l'été 2009. Les forces françaises qui resteront seront, pour l'essentiel, regroupées à Abidjan. Elles seront en mesure d'assurer la protection et l'évacuation éventuelle de nos ressortissants ou d'accueillir des transports stratégiques destinés à l'ONUCI, en cas de reprise des conflits.
Au Kosovo, où notre engagement ancien fait de nous le troisième contributeur de la KFOR, avec 1 850 hommes, la situation politique s'est, elle aussi, profondément transformée. Après l'intervention de l'OTAN contre le régime de Milosevic, la province s'était vue placer sous administration des Nations unies. L'indépendance du Kosovo et sa reconnaissance comme État souverain ouvrent, depuis décembre, la voie à une mission civile de consolidation de l'État de droit menée par l'Union européenne. Nous contribuons pour plus de 10 % à cette mission ambitieuse de police et de justice, dont un Français assure le commandement.
La France est aujourd'hui favorable à une évolution de l'action de l'OTAN au Kosovo. Elle souhaite la transformation progressive de la KFOR en force de présence dissuasive. L'essentiel, à nos yeux, est d'assurer que la transition se fasse sans « vide sécuritaire », au profit d'autorités locales capables d'assurer l'ordre public. Ce changement de posture demandera l'accord du Conseil de l'Atlantique nord, après évaluation de la situation diplomatique et sécuritaire régionale.
Au Liban, depuis trente ans, la France ne poursuit qu'un objectif : renforcer l'indépendance et la sécurité du pays. Notre travail diplomatique, intense ces derniers mois –, je salue à cet égard l'engagement de Bernard Kouchner – porte ses fruits. Le Liban a passé, l'an dernier, l'épreuve délicate du choix d'un nouveau Président. Il se prépare, en mai prochain, à des élections législatives qui, nous l'espérons tous, doivent signer son apaisement.
Pour cette paix retrouvée, la France s'est constamment engagée, et elle a versé le prix du sang. L'attentat contre le poste Drakkar, en octobre 1983, et l'assassinat odieux de notre ambassadeur, Louis Delamarre, en septembre 1981, ont ainsi mis notre résolution à l'épreuve. Mais la République n'a jamais renoncé ; elle n'a jamais lâché le Liban.
En 2006, lorsqu'il a fallu s'engager dans le cadre de la FINUL II, nous avons fourni 1 500 hommes à l'opération et nous les avons pourvus d'équipements à la fois robustes et dissuasifs, comme les chars Leclerc. Mais, surtout, nous avons joué, en nous engageant, un rôle moteur auprès de nos partenaires européens, dont l'engagement conditionnait à son tour l'arrêt des hostilités entre Israël et le Hezbollah.
Aujourd'hui, grâce à la FINUL, la souveraineté du Liban est restaurée. Grâce à la présence française, l'armée libanaise reprend progressivement position au Sud Liban, où elle n'intervenait plus depuis des décennies. Ce rôle stabilisateur ne se dément pas, et il justifie le maintien des soldats français au sein de la FINUL renforcée.
Quant à la FINUL maritime, dont nous assurons le commandement, son dispositif très dense ne se justifie plus vraiment. Les deux bâtiments de la marine nationale qui y participent seront donc bientôt dirigés vers d'autres missions.
Au Tchad et en République centrafricaine, enfin, deux opérations différentes appellent de notre part des réflexions distinctes.
La première, l'EUFOR, procède de l'initiative française face au drame humanitaire du Darfour. Déployée le 28 janvier 2008, avec le concours de nos partenaires européens, elle a permis de réduire les attaques contre les ONG et de sécuriser la zone frontalière entre Tchad et Soudan, où se concentrait l'essentiel des incursions rebelles. À ce jour, elle constitue la plus importante opération militaire de l'Union européenne, dont elle prouve la crédibilité opérationnelle croissante.
Nous avons lancé l'EUFOR comme une opération transitoire, prévoyant sa relève par une force des Nations unies ; cette promesse sera tenue, puisque, le 15 mars prochain, la MINURCAT 2 remplacera la mission européenne. Le calendrier du retrait français est arrêté : il prévoit que, d'ici à l'été, au moins 1 000 des 1 650 hommes que nous avons déployés sur ce territoire quitteront le pays.
Pendant quelques mois encore, la France continuera de fournir à l'ONU l'aide technique utile à son installation, en particulier un certain nombre de capacités logistiques que l'ONU ne peut mettre en oeuvre elle-même et qui lui permettront d'assurer progressivement son autonomie.
La logique des opérations Épervier, au Tchad, et Boali, en République centrafricaine, est différente.
Au Tchad, notre engagement, initialement destiné à protéger la zone frontalière des agressions libyennes, a vu son principe évoluer avec la normalisation des rapports entre les deux pays. Son but est désormais d'offrir, au centre de l'Afrique, un point d'appui militaire aux missions multilatérales de maintien de la paix et la possibilité d'évacuer nos ressortissants. Le dispositif, pourvu d'environ 1 100 hommes, a aidé à déployer l'EUFOR ; nous souhaitons qu'il soit maintenu dans l'immédiat, afin de soutenir la MINURCAT.
Quant à notre opération à Boali, elle illustre parfaitement l'ambition que nous fixons à nos forces prépositionnées sur le continent. Il s'agit avant tout d'aider les Africains à prendre en charge leur propre sécurité : d'abord, en renforçant le potentiel des forces centrafricaines ; ensuite, en soutenant la mission régionale de consolidation de la paix engagée par une organisation africaine, la Communauté économique des États d'Afrique centrale. Notre contingent sur place ne dépasse pas 200 hommes ; son rôle clé justifie entièrement son maintien.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, les opérations extérieures de la France ont un sens et une nécessité au moment où elles sont lancées ; elles sont également dotées d'une dynamique, d'un pilotage et d'un calendrier. Vous assurerez désormais une part de leur contrôle, et c'est vous qui garantirez que la poursuite de leur déroulement a bien l'appui explicite de la nation.
Le débat qui va suivre et le vote que vous émettrez ne seront pas seulement un gage de cohérence et de vigilance démocratique ; ils montreront aussi à nos partenaires que, lorsque la France s'engage, elle le fait d'une seule et puissante volonté.
Ils montreront en outre à nos soldats qu'aussi loin que cet engagement les porte, notre regard et notre soutien les suivent. Vous connaissez leur compétence, leur dévouement et leur bravoure. Les forces de la République française doivent pouvoir compter aujourd'hui sur votre responsabilité. Elles doivent savoir qu'elles ont, par votre choix exigeant, l'appui de la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, premier orateur inscrit, pour le groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, messieurs les présidents des commissions des affaires étrangères et de la défense, mes chers collègues, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a apporté une modification capitale à l'organisation et au déroulement des opérations extérieures. Jusqu'alors, celles-ci dépendaient de la seule décision du pouvoir exécutif. Désormais, le Parlement dispose d'un pouvoir décisionnel puisque, aux termes mêmes de notre Constitution – vous venez de le rappeler, monsieur le Premier ministre –, lorsque l'opération dure plus de quatre mois, « le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement ».
Cette procédure a été appliquée pour la première fois le 22 septembre 2008, lorsque le Parlement a dû se prononcer sur la prolongation de l'action des soldats français en Afghanistan. Aujourd'hui, c'est sur l'ensemble des autres opérations extérieures que nous avons à statuer.
J'interviens dans ce débat comme rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme « Préparation et emploi des forces » ; j'associe à ma démarche mon collègue Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial du programme « Équipement des forces », chargé lui aussi de présenter à notre assemblée les moyens budgétaires qui concourent au financement des opérations extérieures. La même démarche a présidé à la création de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, que je mènerai avec notre collègue Mme Françoise Olivier-Coupeau, de la commission de la défense.
Comme l'indique le rapport spécial, que je vous encourage à lire ou à relire, le projet de budget opérationnel de la défense pour 2009 prévoit l'inscription de 525 millions d'euros au titre des opérations extérieures, dont 510 destinés à la défense et 15 à la sécurité, contre 475 millions en 2008 et 375 millions en 2007.
Les parlementaires qui demandaient régulièrement que le montant de ces crédits soit défini de manière plus sincère ont été entendus, du moins sur le principe, puisque les sommes inscrites n'ont cessé d'augmenter depuis 2003. Mais la dépense réelle au titre des opérations extérieures s'est également fortement accrue ces dernières années, passant de 685 millions d'euros en 2007 à 852 millions en 2008.
Encore faut-il préciser que le décompte des dépenses liées aux opérations extérieures est bien plus restrictif en France que dans des pays comparables, comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Les sommes inscrites en loi de finances au titre des opérations extérieures correspondent donc globalement à la moitié des dépenses réelles. Même s'il s'agit d'un véritable progrès, le principe de sincérité budgétaire n'est donc pas entièrement satisfait.
Pour mieux maîtriser cette charge financière, qui a toutes chances d'approcher le milliard d'euros en 2009, j'avais souligné lors du débat budgétaire – vous vous en souvenez, monsieur le ministre – la nécessité d'obtenir d'autres pays qu'ils participent à certaines opérations extérieures auxquelles la France est partie prenante.
Ainsi, en Côte d'Ivoire – vous l'avez souligné, monsieur le Premier ministre –, 2 200 soldats français participent à l'opération Licorne, ce qui représente un coût annuel de 116 millions d'euros. Dans ce pays où la situation est désormais apaisée, il est grand temps que l'Union africaine s'implique davantage. Il faut donc sensibiliser les États africains à la nécessité de prendre part à l'élaboration des listes électorales, alors que les élections viennent d'être à nouveau reportées. Dans ce contexte, l'armée française n'a pas vocation à continuer d'être la seule à s'interposer.
Au Tchad, la France fournit près de 1 200 hommes à l'opération Épervier et près de 1 400 à celle de l'EUFOR. En 2008, la première a coûté 104 millions d'euros et la seconde 130 millions, soit, au total, 234 millions d'euros pour ce seul pays. Or l'opération de l'EUFOR, d'abord humanitaire, n'a pas nécessairement vocation à être exclusivement menée par des militaires professionnels. N'est-il pas temps de retirer une partie de ces forces au profit d'une aide civile ? En outre, conformément à la logique de la LOLF, ne devrait-on pas envisager de consacrer à cette aide les crédits de l'action extérieure de l'État ou de la coopération, plutôt que ceux de la défense ?
Au Kosovo, 1 850 soldats français sont encore stationnés. Le coût financier de cette opération extérieure s'est élevé à 103 millions d'euros en 2008. La récente mise en place de la nouvelle force de sécurité multiethnique témoigne d'un apaisement des tensions et d'une normalisation de la situation. Si les Balkans ont encore besoin d'une aide civile importante, et probablement d'une présence militaire internationale, l'ampleur actuelle de nos forces ne semble plus justifiée. Le retour de la moitié environ de nos hommes semble aujourd'hui envisageable et souhaitable ; nous y souscrivons, monsieur le Premier ministre.
Au Liban, la France est présente dans le cadre de la FINUL, à laquelle participent plus de 1 800 de ses soldats, ce qui a coûté 79 millions d'euros en 2008. Or, si la partie terrestre de la FINUL joue un rôle essentiel pour la stabilité de la région, la FINUL maritime, peu connue, n'a pas fait la preuve de son utilité. Mise sur pied pour permettre à certains pays de participer à la FINUL sans envoyer de soldats à terre, elle a pour objectif d'empêcher tout trafic d'armes vers le Sud Liban depuis la mer. Or, depuis qu'elle existe, elle n'a décelé aucun trafic. Les deux frégates françaises qui participent à cette force seraient donc sans doute plus utiles pour lutter contre la piraterie en mer Rouge.
Précisons enfin, à titre de comparaison, que la présence en Afghanistan de près de 3 000 de nos soldats, qui participent aux opérations Héraclès, Pamir et Épidote, a coûté l'an dernier 237 millions d'euros.
En conclusion, à l'occasion de ce débat bienvenu visant à permettre au Parlement d'autoriser la prolongation des interventions de nos forces armées à l'étranger, j'aimerais appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'adapter de manière réactive notre présence sur certains théâtres extérieurs à notre capacité budgétaire et à la mission de nos forces armées telles que les déterminent les pouvoirs publics – à l'action desquels s'ajoute désormais, grâce à la réforme de la Constitution, le contrôle du Parlement. Merci, monsieur le Premier ministre, de nous permettre ainsi d'en débattre aujourd'hui dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, à l'heure où vous nous appelez à nous prononcer par un vote sur cinq opérations militaires extérieures dans lesquelles nos troupes sont engagées, nous nous devons, par-delà les diverses sensibilités qui traversent cet hémicycle, d'avoir une pensée pour nos soldats dont la vie est exposée sur le théâtre de ces opérations.
Nous nous devons aussi, par respect pour eux et pour ceux qui sont tombés sous le feu en Afghanistan, en Côte d'Ivoire ou au Gabon, de nous placer au-dessus de toute contingence politique et de montrer à nos armées que nous sommes capables de leur garantir le plus haut niveau d'équipement possible.
Par-delà ces considérations et cet hommage que la représentation nationale doit naturellement à nos armées, nous devons également profiter de ce débat pour réfléchir ensemble à la place particulière que la France occupe dans le monde du fait des opérations extérieures qu'elle engage. Cette place résulte tout d'abord de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. En outre – vous l'avez à juste titre souligné, monsieur le Premier ministre –, la France fait partie des États qui contribuent le plus au budget de l'OTAN ; elle participe en outre largement à toutes les opérations militaires engagées par l'Union européenne sur des théâtres d'opérations extérieures, telle l'opération de l'EUFOR au Tchad.
Plus de 12 000 hommes sont ainsi engagés sur les théâtres d'opérations extérieures où notre pays a été appelé à se positionner, dont près de 9 000 au titre d'opérations multilatérales et un peu plus de 3 000 dans le cadre d'opérations bilatérales.
Vous nous appelez aujourd'hui à nous prononcer sur le reformatage ou la prolongation de cinq opérations militaires engagées par la France en Afrique – République centrafricaine, Tchad et Côte d'Ivoire –, au Liban et au Kosovo.
Bien entendu, pour que les parlementaires puissent se déterminer en conscience sur ces cinq opérations, il faut qu'ils disposent de l'ensemble des informations nécessaires. Pour cela, certaines conditions doivent être réunies. Or elles ne le sont pas, nous sommes nombreux à le déplorer.
Pour appréhender le sujet de manière approfondie et précise, nous devons l'examiner sous trois aspects : en exerçant le rôle consenti au Parlement de contrôle des opérations militaires extérieures, mais aussi de notre politique étrangère et de défense, sujets dont vous avez précisé qu'ils relèvent des prérogatives régaliennes du Gouvernement et du Président de la République ; en nous prononçant sur la cohérence globale de notre politique étrangère et de défense – et nous avons, sur ce sujet, beaucoup à dire ; en déterminant la possibilité de doter nos forces des équipements dont elles ont besoin pour être efficaces et opérationnelles sur les théâtres de conflits extérieurs. Là encore, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, nous avons des questions à vous poser.
Le premier aspect renvoie à la problématique constitutionnelle. Monsieur le Premier ministre, vous indiquiez dans votre intervention votre désir de concrétiser la volonté du Gouvernement de conforter le Parlement dans son pouvoir de contrôle de la politique extérieure et de défense de la France. Nous y avons vu quelque habileté de votre part et vous nous permettrez d'y répondre par un petit exercice courtois de démystification. Cette volonté serait fondée sur l'article 35, alinéa 3, de la Constitution, qui fait obligation au Gouvernement de solliciter le vote du Parlement pour la prolongation des opérations militaires extérieures quand leur durée excède quatre mois. L'honnêteté intellectuelle nous impose de reconnaître que vous n'étiez pas obligés de soumettre les opérations qui nous occupent aujourd'hui à l'approbation de la représentation nationale puisque la plupart d'entre elles ont été engagées depuis plus de vingt ans, préalablement à la réforme constitutionnelle. Au moment du débat sur la réforme constitutionnelle, nous avions demandé, dans le cadre de la commission de la défense, que les grandes opérations, qui matérialisent notre souveraineté par le volume des hommes engagés, soient toutes soumises à l'approbation de notre assemblée. Les débats avaient montré que vous étiez prêts à le faire. Mais derrière cette apparente volonté d'association du Parlement par la discussion et le vote, qui tombe à point nommé à l'heure où un grand nombre d'entre nous se plaint du cantonnement du droit d'amendement et de la difficile concrétisation de l'esprit de la réforme constitutionnelle, qu'y a-t-il en réalité ?
Premièrement, nous notons que ni la commission de la défense ni la commission des affaires étrangères n'ont auditionné les ministres de la défense et des affaires étrangères avant la discussion d'aujourd'hui, ce qui nous aurait pourtant permis d'avoir, sur chacune des opérations sur lesquelles vous nous demandez de nous prononcer, une idée précise des comptes rendus d'opérations, des conditions dans lesquelles nos troupes sont engagées, ainsi que des résultats qu'elles ont obtenus au terme de leur mission. En dépit de la lettre que vous a adressée le président du groupe socialiste et de notre intervention auprès de M. le président de la commission de la défense afin que ce débat puisse se dérouler après l'audition des ministres concernés, nous n'avons pas été entendus, et c'est aujourd'hui en l'absence des informations dont nous aurions dû disposer pour exercer pleinement nos pouvoirs de contrôle que vous nous demandez de procéder à ce vote. (« Très bien » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Deuxièmement, monsieur le Premier ministre, la situation dans les pays concernés par ces opérations a-t-elle évolué à un rythme tel que cela justifie une discussion au Parlement dans la précipitation,…
« Précipitation », quelle caricature !
…sans réunion des commissions permanentes compétentes ? Privés de la possibilité de faire notre travail de manière approfondie, nous nous interrogeons.
Troisièmement, certaines de ces opérations, je pense notamment à celles qui relèvent de la volonté unilatérale de la France en Afrique, qu'il s'agisse de l'opération Licorne, décidée en 2002 en dehors de tout mandat des Nations unies ou de l'opération Épervier au Tchad, qui succède à l'opération Manta, laquelle remontait au début des années quatre-vingts, certaines de ces opérations, disais-je, ont été engagées au titre d'accords de coopération et de défense dont le Parlement ignore tout du contenu. Certes, le Président de la République a indiqué, dans son discours du Cap, en février 2008, qu'il entendait que la liste des accords de défense et de coopération soit rendue publique, mais jamais vous ne vous êtes engagés à porter à la connaissance du Parlement, en particulier des commissions, le contenu desdits accords, qui constitue le fondement juridique de notre engagement sur certains théâtres d'opérations extérieures sans lequel nous ne pouvons exercer pleinement le pouvoir de contrôle que vous dites vouloir nous reconnaître.
S'agissant du cadre constitutionnel de notre discussion, vous conviendrez donc qu'il y a loin de l'intention à la réalité. Nous ne disposons pas aujourd'hui des moyens qui nous permettraient de nous prononcer en conscience et en responsabilité sur les opérations que vous soumettez à notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le deuxième aspect concerne la cohérence de notre politique étrangère et de défense. Nous avons cherché le lien entre les diverses opérations sur lesquelles vous nous demandez de nous déterminer et nous avons constaté qu'elles représentaient à elles seules près de 80 % des effectifs engagés par la France sur le théâtre d'opérations extérieures, peut-être même davantage. Comme nous supposons que vous envisagez de redéployer une partie de nos troupes vers d'autres théâtres, comme l'Afghanistan, au terme de discussions nouées avec les États-Unis,…
Où êtes-vous allé chercher cela ? C'est un pur procès d'intention !
…nous comprenons que vous ayez besoin de ce débat pour préparer l'Assemblée nationale à ce redéploiement, qui constituera le second temps de la stratégie que vous aurez à nous présenter.
Mais en dehors de ce lien quantitatif, les opérations concernées relèvent de logiques très différentes.
Certaines s'inscrivent dans le cadre classique de ce qu'est la politique africaine de la France, marquée par notre volonté unilatérale. Celle-ci se manifeste dans la mise en oeuvre d'accords de coopération et de défense, dont le contenu est parfois tellement indicible que vous n'osez les invoquer pour justifier les opérations – je pense en particulier à l'accord de défense de 1961, qui aurait pu servir de fondement à notre engagement en Côte d'Ivoire dans le cadre de l'opération Licorne en 2002. Ces opérations militaires, auxquelles vous souhaitez progressivement mettre fin, comme vous nous l'avez dit aujourd'hui, renvoient à une conception de notre présence en Afrique…
…qui a parfois fait souffrir la France d'un déficit de réputation. Je pense à l'action de notre pays au Rwanda, qui, même si elle n'est pas aussi critiquable que certains médias ont pu le laisser croire, a abouti, du fait du contenu des accords de coopération, à certaines dérives, qui imposent que nous sortions le plus rapidement possible de la « Françafrique ».
D'autres opérations s'inscrivent dans le cadre de l'OTAN, comme la KFOR au Kosovo, à laquelle succédera la mission Eulex, opération civile de la PESD destinée à accompagner la consolidation de l'État de droit dans ce pays. À cet égard, nous voulons vous redire avec la plus grande netteté, monsieur le Premier ministre, que nous nous interrogeons sur la pertinence du choix fait par le Président de la République de réintégrer sans condition le commandement intégré de l'OTAN, et nous savons que les doutes qui nous animent sont partagés bien au-delà des bancs de l'opposition.
Si nous nous interrogeons sur la pertinence de cette politique, c'est que nous estimons que la France doit garder une indépendance totale dans le choix des causes qu'elle défend et des théâtres sur lesquels elle décide d'intervenir. Nous considérons aussi que l'augmentation du coût des opérations militaires extérieures de la France est en partie due à la contribution de plus en plus importante de la France au fonctionnement de l'OTAN.
Enfin, certaines opérations s'inscrivent dans un cadre multilatéral et nous sommes d'accord avec vous, monsieur le Premier ministre, quand vous dites qu'elles doivent être encouragées. Aux côtés des Nations unies et d'autres États, il convient de développer des initiatives permettant de matérialiser, dans le monde multipolaire qui est le nôtre, la volonté d'équilibre de la politique étrangère et de défense de la France. C'est pourquoi nous aurions souhaité que ce débat soit l'occasion de réviser plus largement notre politique africaine, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République au lendemain de la présentation du Livre blanc. Il s'agit de faire en sorte que notre présence en Afrique se matérialise dans ce cadre multilatéral, en cohérence avec la réforme de la politique de coopération militaire de la France, qui contribue à la formation des armées de ce continent au sein d'écoles militaires à vocation régionale, auxquelles participent d'autres pays de l'Union et qui permettent aux militaires africains de contribuer eux-mêmes au rétablissement de la paix sur leur propre continent.
Enfin, nous ne pouvons passer sous silence certains éléments relatifs à la capacité de la France de financer les opérations dans lesquelles elle est engagée. Faut-il ici rappeler quelques chiffres ? En 2004, les opérations militaires extérieures de la France représentaient un budget global d'un peu plus de 600 millions d'euros contre 254 millions aujourd'hui. Dans le budget du ministère de la défense pour 2009, 510 millions sont provisionnés, auxquels s'ajoutent 60 millions résultant de la mobilisation d'une réserve interministérielle. Les rapports de M. Fromion, de Mme Adam et de M. Beaudouin ont montré le décalage entre les besoins correspondant au financement des opérations militaires extérieures et les sommes que les récents budgets sont parvenus à mobiliser. Nous avons également apporté la démonstration qu'il existait un décalage entre les moyens alloués à nos troupes sur le théâtre des opérations et ceux dont elles auraient besoin pour atteindre un niveau d'efficacité opérationnelle accrue. Je pourrais prendre l'exemple de l'aéromobilité et de nos difficultés à réaliser dans de bonnes conditions de coopération industrielle européenne le programme NH 90.
Sans polémique, monsieur le Premier ministre,…
…et sans sectarisme, permettez-moi de citer une phrase d'un très beau poème de François Villon : « Rien ne m'est sûr que la chose incertaine ».
En regardant les propositions qui sont les vôtres aujourd'hui, nous constatons que les choses sont trop incertaines pour que nous puissions prendre part au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, durant la campagne présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy n'avait pas hésité à déclarer haut et fort la fin de la « Françafrique », autrement dit la rupture avec les dérives qui entachaient traditionnellement la politique africaine de la France. Les chefs d'État de la Ve République ont suivi, les uns après les autres, une ligne politique pour le moins cynique, laissant l'intérêt des peuples africains au second plan et faisant passer l'intérêt de la France par le soutien à des dictateurs parfois sanguinaires, sur fond de réseaux occultes, de diplomatie secrète, de clientélisme ou encore de détournements de l'aide au développement.
Une fois élu à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy avait tenté de donner des gages de sa volonté de rupture en ce domaine et avait ainsi proposé aux Africains l'avènement de l'Eurafrique, « grand destin commun » liant l'Europe et l'Afrique, qu'il avait évoqué dans son discours de Dakar en juillet 2007. Or, plus d'un an et demi après sa prise de fonction, le président Sarkozy, loin de faire acte de rupture, se révèle le digne héritier de ses prédécesseurs.
Le décalage entre la parole et les actes se manifeste concrètement par la perpétuation de relations clientélistes, par le discours de Dakar sur « l'homme africain », par le soutien des dictateurs – Bongo, Déby, Kadhafi –, par la défense de l'affairisme français – Bolloré, Bouygues –, par l'intervention militaire au Tchad ou encore par le rôle joué par certains émissaires officieux – Bourgi, Balkany et d'autres.
Je ne parlais que des Français !
D'ailleurs, au sein même du Gouvernement, la contradiction manifeste entre la rupture déclarée et la continuité constatée a conduit M. Bockel à quitter son poste de secrétaire d'État à la coopération et à la francophonie. En effet, ce dernier, très naïf, avait voulu traduire en acte les déclarations de principe du Président de la République, en s'attaquant notamment à certaines figures de proue des dictateurs africains. Mal lui en prit ! Quelques coups de téléphone plus tard, notamment de la part du président gabonais Omar Bongo, il se trouvait démis de ses fonctions et prié d'aller voir ailleurs, du côté des anciens combattants en particulier.
L'épisode est à la fois typique, tragique et honteux pour les valeurs de la République et le principe de la souveraineté nationale. C'est peut-être cela la rupture dont aimait à parler le Président de la République…
Pire, le discours recèle parfois des airs pour le moins ambigus, voire nauséabonds. Le Président divague en terre africaine sur les rapports difficiles qu'entretient l'homme africain avec l'histoire et la modernité. Ce genre de discours moraliste et moralisateur est particulièrement déplacé de la part d'un État dont le passé colonial ne passe toujours pas. Cette histoire et cette pratique coloniales ne sont pas sans rapport avec le haut niveau de tolérance dont continue de faire preuve la France à l'égard des dictatures africaines. Il est plus facile de traiter avec des dirigeants corrompus qu'avec des représentants légitimes, conscients de l'intérêt du peuple.
L'histoire coloniale et la pratique néocoloniale de la France prêtent à s'interroger également sur la pertinence politique et stratégique de nos opérations extérieures au Tchad et en République centrafricaine.
Mon collègue Jean-Jacques Candelier exprimera la position du groupe GDR sur les opérations menées en Côte d'Ivoire, au Kosovo et au Liban.
Au Tchad, la France se trouve dans une situation complexe, qui résume à elle seule une partie des contradictions de sa politique en Afrique et les impasses auxquelles elle mène. Paris a besoin du soutien de N'Djamena pour déployer la force européenne, largement française, censée protéger les réfugiés du Darfour. Mais dans le même temps, elle soutient un dictateur et le Quai d'Orsay déploie chaque année des trésors de lobbying pour épargner à Idriss Déby la sollicitude de la commission des droits de l'homme de l'ONU.
Ce double discours et cette politique contradictoire sont préjudiciables pour la crédibilité de la France. L'engagement de notre pays dans des opérations extérieures doit être contrôlé et pleinement justifié.
Au Tchad, il faut distinguer notre déploiement au sein de l'EUFOR, qui intervient également en République centrafricaine, de l'opération Épervier.
L'opération EUFOR au Tchad et en RCA se fonde sur la résolution 1178 du Conseil de sécurité des Nations unies, autorisant le déploiement d'une force multidimensionnelle dirigée par l'Union européenne, dans l'est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine.
Les objectifs assignés à cette mission consistent à faciliter la fourniture de l'assistance humanitaire, à améliorer la sécurité des populations réfugiées et déplacées et à créer les conditions d'un retour volontaire de ces populations dans leur région d'origine. Ces différentes actions doivent s'accompagner d'un effort de reconstruction et de développement dans l'est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine.
Cette opération a été autorisée pour une durée d'une année à compter de la déclaration de capacité opérationnelle initiale. Nous acceptons sa prolongation dans les termes rappelés tout à l'heure par le Premier ministre.
Quant aux opérations Boali et Épervier, qui sont indépendantes et composées uniquement de troupes françaises, elles résultent d'accords de défense signés de longue date.
Les éléments français au Tchad sont présents sans interruption sur le territoire tchadien depuis le 10 février 1986, date du début de l'opération Épervier. La base juridique de la présence militaire française est constituée par l'accord de coopération militaire du 6 mars 1976 et son protocole additionnel du 7 avril 1990.
Nous nous interrogeons sur la position de la France et le rôle des militaires français de l'opération Épervier. Malgré son objectif affiché d'aider à la stabilité de ce pays et de la sous-région, force est de constater que la France fait preuve d'un soutien sans faille à un régime contesté, non issu d'un processus démocratique digne de ce nom, et s'oppose à soutenir un processus global de négociation pour la paix entre tous les acteurs politiques tchadiens. Or le règlement durable de la crise tchadienne ne peut se faire que par la mise en place d'un processus de paix soutenu par la communauté internationale, et non par un soutien militaire inconditionnel au régime en place.
Nous voterons donc contre la prolongation de l'opération Épervier.
Nous intervenons en République centrafricaine afin d'assurer le maintien de la sécurité intérieure. Cette intervention s'inscrit aux côtés des forces armées centrafricaines, pour le rétablissement et la conservation de la paix intérieure, en fournissant des effectifs, des moyens logistiques et en dispensant des actions de formation. Toutefois, derrière des motifs officiels louables tels que le maintien de la paix, nous avons déjà constaté que la France n'hésitait pas à jouer à un jeu plus équivoque et complexe, en s'immisçant plus ou moins directement dans la vie politique nationale d'un État africain théoriquement indépendant et souverain.
Du reste, si le calme semble retrouvé dans ce pays, nous n'oublions pas que c'est au profit du général Bozizé, arrivé au pouvoir après un coup d'État en 2003. Nous ne donnerons donc pas notre accord pour la prolongation de l'opération Boali.
Tout montre aujourd'hui l'impasse politique, économique et militaire des politiques française et européenne en Afrique. Le soutien aux régimes autoritaires ne fait que prolonger et aggraver les crises et les conflits.
Au-delà des déclarations d'intention, il est urgent d'opérer une véritable rupture avec la « Françafrique » et de mettre en oeuvre une réforme de la politique de la France vis-à-vis du continent africain.
Nous demandons l'arrêt du soutien aux dictatures, la promotion de la démocratie et la défense des droits de l'homme.
Nous demandons également que la France lutte contre la corruption et agisse pour l'instauration d'un contrôle sur les activités des multinationales françaises en Afrique.
Nous demandons enfin la fin de l'ingérence militaire et la fin du domaine réservé de l'Élysée. Nous attendons que vous preniez effectivement en compte les éléments du débat parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsque j'ai fait le bilan de l'année parlementaire qui vient de s'écouler, j'ai réalisé avec une relative satisfaction que la défense y avait eu une place plus conséquente que les années précédentes. Jusqu'à récemment, peut-être parce qu'elle s'appuie généralement, et depuis plusieurs années, sur un relatif consensus politique, parce qu'elle est considérée comme un sujet exclusivement régalien ou parce qu'elle a longtemps été une variable d'ajustement budgétaire, elle a été reléguée aux sujets de deuxième voire de troisième zone, au point qu'on a même envisagé de supprimer sa commission à l'Assemblée.
Heureusement, avec la réforme constitutionnelle, l'importance de ce sujet s'est vue réaffirmée en 2008. Cette réforme, qui a tout d'abord entériné le maintien d'une commission de la défense à part entière, distincte de celle des affaires étrangères, a surtout renforcé le lien fort et régulier qui doit impérativement exister entre l'armée et la nation par le biais de la représentation nationale. Ainsi, en tant que représentants de la nation, nous réfléchirons désormais régulièrement à nos engagements et à celui de nos soldats. Grâce à l'article 35 de la Constitution, nous participerons aux décisions qui engagent notre pays dans le monde et nous aurons enfin une place dans ce qui était jusqu'à maintenant le domaine réservé du Président de la République.
Ainsi, l'année dernière, nous avons pu débattre de notre engagement en Afghanistan lors de la discussion du traditionnel budget de la défense, lequel, il faut le rappeler, était en augmentation malgré le contexte de crise économique, mais également lors de la discussion du Livre blanc et, de manière moins directe, lors de la réforme de la carte militaire. Cette année, nous commençons par les cinq grandes OPEX, mais nous aurons aussi à débattre de la loi de programmation militaire, des autres OPEX et de la loi sur la gendarmerie.
La défense est ainsi redevenue un sujet important dont discute, à juste titre, la représentation nationale. L'année 2009 doit poursuivre et asseoir ce retour en grâce d'un sujet qui, bien qu'assez technique, intéresse nos concitoyens. D'autant que plus on s'éloigne de quelque chose, moins on le comprend et l'accepte. Aujourd'hui 90 % des Français sont favorables à l'armée et lui font confiance.
Ne perdons pas ce lien essentiel. C'est un sujet important sur lequel nous ne devons pas négliger nos efforts, car le soutien de la population est fondamental.
Le monde tel qu'il est décrit dans le Livre blanc et tel que nous pouvons le voir chaque jour est aujourd'hui plus instable et plus imprévisible qu'auparavant. La mondialisation a accompagné la multipolarisation du monde et, avec elle, la diffusion des menaces et la multiplication des foyers à risque. Parallèlement, l'hyperpuissance américaine est partout remise en cause, le monde entier espère beaucoup, trop peut-être, du nouveau président américain Barack Obama, et notamment qu'il répare les dégâts commis par l'administration Bush, en particulier auprès du monde musulman. Pourvu qu'il y parvienne !
Quoi qu'il en soit, si le monde est aujourd'hui moins violent, du moins sur le territoire national et métropolitain, il est plus instable, et le rôle de l'armée et de notre défense continuera d'être central pour notre sécurité, tant pour les Français sur le territoire national que pour les citoyens du monde en n'importe quel point du globe.
Mais la défense contribue également au rayonnement de la France dans le monde puisque notre expérience, nos capacités militaires et nos engagements multiples, aujourd'hui reconnus, font de nous un acteur incontournable des missions de maintien de la paix dans le monde. C'est d'ailleurs notre devoir en tant que membre du Conseil de sécurité, mais également en tant qu'ancien empire de dimension mondiale et puissance présente aujourd'hui sur tous les continents.
On le voit, la défense n'est assurément pas un sujet de seconde zone, ce n'est pas une mince affaire destinée à être confinée aux milieux autorisés. Je me réjouis donc que le débat d'aujourd'hui puisse nous laisser espérer qu'elle retrouvera enfin la place à laquelle elle a droit.
J'exprimerai toutefois un petit regret : que la commission de la défense et celle des affaires étrangères n'aient pas pu préparer ce débat par le biais de réunions et d'auditions, car ces sujets complexes l'auraient mérité.
Et si l'on peut expliquer ces dysfonctionnements par le fait que c'est une première, cela ne doit en aucun cas devenir la norme, sinon on ne pourra pas parler de revalorisation du rôle du Parlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC, SRC et GDR.)
Cette défense, actrice du rayonnement français dans le monde dont je parlais tout à l'heure, ce sont les OPEX qui en portent, en partie, la responsabilité.
À ce stade, je voudrais rendre un hommage particulier à l'ensemble de nos soldats qui sont présents sur les théâtres d'opérations extérieures et avoir une pensée pour ceux qui ont, ces derniers mois, laissé leur vie, soit en opération en Afghanistan, dans la vallée d'Uzbeen, soit en entraînement au Gabon. Ces hommes, par leur professionnalisme sur le terrain, leur compétence et leur sens de l'engagement dans un métier de militaire comparable à aucun autre, méritent le soutien et le respect de la représentation nationale.
Nous avons déjà parlé de l'Afghanistan, opération la plus médiatique et certainement la plus délicate. Je tiens ici à rendre hommage aux hommes du 8e RPIMa de Castres, qui a fait une entrée remarquée et remarquable sur le terrain des opérations.
C'est grâce à la proximité établie avec les soldats du terrain en me rendant plusieurs fois sur place, que j'ai pu me rendre compte de la difficulté de leur mission, des efforts qu'ils accomplissent chaque jour, de la rusticité de leurs conditions de vie, de la nature de leur engagement, et que je vous parle aujourd'hui en très relatif connaisseur du sujet. Du reste, au-delà du nécessaire contrôle parlementaire, que les membres de la représentation nationale puissent se rendre régulièrement sur le terrain pour accompagner nos soldats, être au quotidien avec eux, me paraît particulièrement important. Il s'agit de leur exprimer, à travers la présence de quelques parlementaires, le soutien de l'ensemble de la représentation nationale.
Tous nos voeux accompagnent également les chasseurs alpins du 27e RCA et les paras du 3e RPIMa, qui ont pris le relais sur ce terrain difficile.
Nous avons également une pensée pour tous les soldats engagés sur les autres théâtres. Cette présence est tout aussi légitime et le débat d'aujourd'hui ne doit pas remettre en cause l'idée même des OPEX.
Certains de nos concitoyens s'interrogent sur les raisons d'envoyer nos troupes sur des théâtres d'opérations lointains, périlleux et qui, parfois, nourrissent le terreau d'un anti-occidentalisme latent. Ce débat doit permettre justement de rappeler que ces OPEX participent au maintien ou au rétablissement de la paix, contribuent au rayonnement de la France, correspondent à sa vocation universaliste et permettent de défendre et de diffuser les valeurs universelles qui ont fondé notre République : liberté, justice, démocratie, respect des droits individuels. Cette présence n'est donc pas à remettre en question.
Notre collègue Jean-Paul Lecoq a beaucoup parlé de la « Françafrique » avec des mots particulièrement durs. L'activisme de quelques-uns sur ces bancs à ce sujet n'a d'égal que leur assourdissant silence alors qu'une autre majorité dirigeait le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Les OPEX dans lesquelles nous sommes engagés aujourd'hui ont une vraie raison d'être, d'autant qu'elles sont menées dans un cadre international, le plus souvent sous l'égide de l'ONU.
Néanmoins, les conditions changent, les données aussi, et il est utile d'examiner en détail l'opportunité des choix qui ont été faits et l'opportunité de les poursuivre. C'est d'autant plus nécessaire que ces OPEX envoient, en moyenne, chaque année, 12 000 hommes sur des terrains éloignés et difficiles. Nous avons déjà débattu et voté au sujet de l'Afghanistan ; c'est maintenant au tour des quatre autres grands théâtres d'opérations extérieures.
Je n'en aborderai ici que trois : Liban, Côte d'Ivoire et Tchad-République centrafricaine, laissant à mon collègue Francis Hillmeyer le soin d'intervenir sur le Kosovo.
Trois grands aspects doivent guider notre réflexion sur l'opportunité de maintenir, renforcer, prolonger ou arrêter l'envoi de nos troupes sur ces théâtres extérieurs.
Le premier est l'aspect financier. C'est un combat profondément centriste que celui de défendre la rigueur et la gestion de notre déficit public le plus strictement possible, et je sais, monsieur le ministre de la défense, que vous y êtes très attaché.
C'est un combat de longue haleine, émaillé de victoires et que la révision générale des politiques publiques a matérialisé en intégrant la réforme en profondeur de l'État français dans un objectif global d'économies. Or le coût des OPEX se caractérise par une croissance inquiétante et n'augure rien de bon pour l'avenir. Ainsi, alors que le surcoût de ces opérations ne dépassait pas 25 millions d'euros au milieu des années soixante-dix, on annonce, pour 2009, qu'il avoisinera près d'un milliard d'euros.
Certes, l'évolution n'est pas linéaire : l'état du monde est fluctuant. Il y a, par exemple, eu des pics, en 1993 ou 1996, où le surcoût a atteint presque 1,2 milliard d'euros.
Cependant, au final, le total cumulé s'élève à près de 20 milliards d'euros avec une augmentation constante depuis 2000 et, tout de même, une hausse de plus de 40 % entre 2006 et 2008 à effectifs presque constants. L'inflation de ces surcoûts doit donc impérativement être maîtrisée, cette maîtrise passant naturellement par une meilleure organisation des troupes, une sorte de RGPP des OPEX. Une meilleure organisation peut signifier le retrait de tout ou partie des troupes lorsque c'est possible et nécessaire.
Je pense ici naturellement à la Côte d'Ivoire. De nombreux orateurs en ont parlé, des annonces ont d'ores et déjà été faites. Ainsi, avez-vous annoncé, monsieur le ministre, qu'en 2009 la France retirera progressivement des troupes de Côte d'Ivoire jusqu'à la fin de l'opération Licorne. Cette décision nous apparaît parfaitement justifiée et nous la soutenons sans réserve. La situation semble en effet le permettre puisque l'objectif recherché est atteint : le pays est sécurisé et politiquement beaucoup plus stable ; et si l'élection présidentielle a encore une fois été repoussée au mois de septembre, c'est avec l'accord des partis de l'opposition. En outre, bien que populaire, l'opération Licorne est aujourd'hui une opération de soutien à la mission de l'ONU. Dans ce cadre stabilisé, notre force de réaction rapide est de moins en moins utile et justifiée.
La présence de la France dans cette région du monde s'expliquait également par son histoire particulière avec le pays, mais elle a aujourd'hui toutes les raisons de se retirer sereine, ce retrait devant néanmoins naturellement respecter les délais prévus par les résolutions de l'ONU.
Voilà donc quelques « potentielles » économies – l'opération Licorne et les forces de soutien à l'ONUCI nous coûtent chaque année 116 millions d'euros – qui vont être réalisées au cours de cette année. Reste à savoir ce qu'il en sera fait. C'est une question que l'on est en droit de se poser et de vous poser, monsieur le ministre. En effet, lors de la RGPP relative à la défense, vous aviez annoncé que tout ce qui serait économisé grâce à la rationalisation de la gestion du ministère et à la réorganisation des forces sur notre territoire, devrait bénéficier aux armées d'une manière ou d'une autre, en tout cas en totalité. Que vont donc devenir ces éventuelles économies nouvelles ? Entreront-elles dans le droit commun ou seront-elles totalement réaffectées au ministère de la défense ? Pouvez-vous nous donner quelques éclaircissements sur ce point ?
L'aspect géopolitique est le deuxième que j'aborderai car, s'il faut avoir le courage de dire que cet engagement de la France lui coûte cher et qu'il est nécessaire d'envisager des solutions d'une meilleure organisation à moindre coût, il ne faut pas laisser croire que cette dimension financière soit l'unique grille de lecture, l'alpha et l'oméga de la prise de décision finale quant à l'opportunité de quitter ou non le théâtre d'une opération.
Il ne faut pas laisser croire que la situation sur le terrain n'est pas une variable centrale dans le choix du maintien ou non, du renforcement ou non de la présence de nos troupes. Ainsi, il faut comparer avec précision les résultats obtenus par rapport aux objectifs initialement fixés et envisager l'engagement de nos soldats au regard de la situation présente. Il est clair, à ce titre, que les opérations menées au Tchad et au Liban ne laissent envisager au minimum qu'un maintien des troupes en présence. Certes, nous avons obtenu des résultats tangibles : au Tchad, les attaques contre les ONG et les populations civiles diminuent ; au Liban, l'arrêt des affrontements semble durer. Pourtant, la situation sécuritaire et humanitaire au Darfour est telle qu'il est aujourd'hui inenvisageable de prévoir le retrait de nos troupes.
L'opération Épervier doit être poursuivie et l'EUROFOR se retirera à la fin de son mandat pour être remplacée par les troupes de la MINURCAT. La présence sur ce théâtre sera donc assurée, tout comme elle doit l'être pour le Liban. Les soldats de la FINUL doivent rester en poste. Non pas parce que le Liban serait à nouveau dans la tourmente, mais parce que les événements récents ont prouvé que la région pouvait s'embraser à tout moment.
…nous avons une véritable responsabilité.
Le retrait est d'autant moins possible que la France a un lien particulier avec ces deux régions, qui lui donne une certaine responsabilité, mais également une certaine aura qu'elle consolide en maintenant ses troupes.
À propos de l'aspect opérationnel, le troisième, je disais que la France était reconnue pour son expérience, son savoir-faire et son engagement sur les théâtres africains. C'est particulièrement visible au Tchad. C'est elle qui est à l'origine de la mission EUFOR, dont elle est le principal contributeur avec plus de 50 % des effectifs. Avec le dispositif Épervier en soutien et une connaissance irremplaçable du terrain, nos forces apportent une véritable plus-value opérationnelle qu'il serait délicat de réduire en l'état actuel de la situation politique.
Au-delà de la France, c'est aussi l'Europe qui profite de cette mission. La PESD a pu mener sa plus importante opération militaire, renforçant ainsi sa crédibilité opérationnelle et faisant ses preuves sur un terrain africain difficile. C'est sur ce type de succès opérationnel qu'il faut s'appuyer pour continuer, sur le terrain, à construire l'Europe de la défense.
Mais quand on parle d'opérationnalité, il faut également faire le point sur la situation de nos militaires. Lors de la rédaction du Livre blanc, je me souviens que la priorité affichée du ministère de la défense était justement le maintien, dans les meilleures conditions, de l'opérationnalité de nos forces. C'est ce qui a justifié, notamment, la réforme de la carte militaire.
Le débat sur l'Afghanistan a été marqué par la mort de dix soldats. Quoi qu'il en soit, être soldat est un choix et nos militaires, quand ils s'engagent, surtout dans les opérations extérieures, savent qu'ils le font au risque d'y perdre la vie. Nous nous devons, eu égard à la nature de cet engagement, de leur apporter le maximum de sécurité dans l'accomplissement de leur mission.
Mes chers collègues, vous l'avez compris, ces OPEX relèvent de notre devoir de membre du Conseil de sécurité et de notre ambition de grande puissance mondiale. Elles se justifient pleinement au regard de la situation sur le terrain. Le groupe Nouveau Centre votera donc en faveur de la prolongation de l'intervention des forces armées en Côte d'Ivoire, au Liban, au Tchad et en République centrafricaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, grâce à la révision constitutionnelle adoptée l'été dernier et qui se met progressivement en place, le Parlement peut désormais faire entendre sa voix sur les interventions militaires que la France mène hors de ses frontières.
Sur les cinq théâtres d'opérations que sont la Côte d'Ivoire, le Tchad, la République centrafricaine, le Kosovo et le Liban, pas moins de 9 000 militaires français sont déployés, soit plus de 70 % de nos effectifs présents dans le monde.
Contrairement à ce qu'annonçaient les analyses les plus optimistes, le monde n'est pas entré dans une ère de paix après la fin de la guerre froide. Au contraire, la relative stabilité qu'offrait l'équilibre entre les deux superpuissances a laissé la place à de nouvelles menaces, qui constituent autant de facteurs de tensions et de risques de conflits régionaux qu'il s'agit d'apaiser au plus vite afin d'en limiter les conséquences sur les populations civiles et sur les grands rapports de force internationaux.
Prospérant sur les situations créées par les conflits existants, des groupes terroristes internationaux d'un nouveau genre, qui utilisent à leur profit les avancées technologiques, font planer sur nos populations une menace constante et bien réelle, comme l'ont dramatiquement rappelé les attentats de New York, Londres, Madrid ou plus récemment Bombay.
En rétablissant la stabilité d'une région, en aidant les États à garantir la sécurité à leurs frontières et sur leur propre territoire, la France, par ses interventions extérieures, contribue à la défense de ses intérêts et de sa population, et défend les valeurs qui lui sont chères, celles de la liberté et de la démocratie.
Nos interventions extérieures doivent aussi s'accorder aujourd'hui aux exigences de solidarité et d'obligations humanitaires qui, progressivement, émergent au sein des relations internationales. La France ne peut reculer devant les responsabilités que lui confère son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Comme l'a rappelé le Président de la République, la France, pays des droits de l'homme, ne saurait rester sourde à l'appel des populations civiles victimes des affrontements.
Nos interventions à l'étranger traduisent nos choix et nos priorités. Elles sont, de ce fait, une des expressions de notre politique étrangère. Dans le contexte actuel de crise économique mondiale où, malheureusement, toutes ces tensions ne devraient pas aller en s'apaisant, notre engagement militaire international ne devrait pas décroître, et nous aurons sans doute à hiérarchiser nos interventions pour adapter au mieux nos capacités aux besoins. C'est dans ce cadre général que nous devons examiner les cinq opérations qui font l'objet du débat d'aujourd'hui.
À ce sujet, monsieur Cazeneuve, je peux vous dire que non seulement les commissions permanentes ont mené les auditions nécessaires pour instruire ces OPEX, mais c'est, en outre, à la suite de ces auditions et de ces débats que le Premier ministre nous a adressé un rapport, à la demande même de l'un de vos collègues, demande formulée lors d'une audition de la commission des affaires étrangères.
À des degrés différents, ces cinq opérations dans lesquelles la France est engagée sont utiles, dans la mesure où elles ont permis et permettent de contenir, voire de résoudre un conflit. Dans tous les cas, sans l'intervention de la France et de ses alliés, la seule certitude que nous ayons est que la situation serait devenue incontrôlable et les pires débordements n'auraient pu être évités.
Au Tchad, notre réponse a certainement épargné aux populations civiles une catastrophe humanitaire annoncée. Même si le conflit est loin d'être résolu, nous avons au moins contribué à stabiliser et à normaliser les relations entre les différentes communautés, même si les moyens déployés étaient peut-être un peu surdimensionnés.
L'opération Boali a, pour sa part, permis de rétablir une situation sérieusement compromise, à la suite d'une tentative de coup d'État, et contribue encore, à l'heure actuelle, à aider l'État centrafricain à assurer la sécurité de sa population.
En Côte d'Ivoire, si la date de la prochaine élection présidentielle n'a pas encore été fixée – et c'est regrettable – il est clair que les rapports entre les différentes factions sont incomparablement moins belliqueux aujourd'hui qu'avant l'intervention française.
De la même manière, si les tensions n'ont pas disparu en ex-Yougoslavie, la présence de militaires français a, jusqu'à présent, permis d'en limiter les effets. Imaginons ce qui se serait passé si les forces françaises n'étaient pas intervenues le soir de la déclaration d'indépendance au Kosovo.
Au Liban, enfin, la force d'interposition de l'ONU, la FINUL, malgré les imperfections de son mandat initial, a offert, au sud du pays, une période de calme de plus de deux ans, ce qui est presque sans précédent dans cette région. Une telle opération pourrait d'ailleurs servir de référence pour apporter une solution d'apaisement à Gaza, grâce à la présence d'une force multinationale.
Mes chers collègues, je ne crois pas nécessaire d'insister davantage sur l'intérêt incontestable de la présence militaire française sur ces différents théâtres d'opérations. Je souhaiterais plutôt attirer votre attention sur quelques questions qui ne manqueront pas de se poser à l'avenir.
D'abord, le contexte juridique dans lequel nos armées sont appelées à intervenir. L'ampleur des menaces actuelles interdit d'imaginer que la France puisse répondre seule aux défis militaires de demain. Il s'agit donc de nous doter d'alliances durables et efficaces.
Aujourd'hui, comme le rappelait le Premier ministre, un triangle institutionnel semble émerger, qui repose principalement sur l'Organisation des Nations unies, et associe l'OTAN ainsi que l'Union européenne. Toutefois, bien que seule l'ONU possède la légitimité internationale suffisante pour décider où et quand intervenir, elle n'est pas dotée des forces qui lui permettent de mettre toujours ses choix à exécution.
La France peut jouer un rôle d'initiateur, en proposant de lancer des opérations chaque fois qu'elle estime que des valeurs essentielles sont bafouées ou que l'équilibre du monde est menacé. Mais la complexité des situations auxquelles nous pourrions avoir à faire face exige qu'une répartition plus claire des rôles soit entreprise, notamment entre l'Union européenne et l'OTAN.
À cet effet, deux démarches me semblent devoir être lancées. D'abord, celle qui consisterait à doter l'Union européenne d'un commandement stratégique autonome, afin de pouvoir préparer, lancer et suivre une opération sans avoir besoin de recourir à des capacités extérieures. La visite du quartier général de l'EUFOR Tchad, que j'ai effectuée la semaine dernière avec une importante délégation de la commission des affaires étrangères, m'a convaincu, monsieur le ministre, de la nécessité de doter l'Union européenne de moyens permanents de commandement. Cette visite nous a également montré qu'il fallait réfléchir à une meilleure adaptation entre le coût des moyens utilisés et la durée prévue pour une opération.
En second lieu, la question des missions de l'OTAN doit être posée. L'Alliance atlantique connaît un profond mouvement de transformation, et son concept stratégique pourrait – pourrait – évoluer dans un avenir proche. À cette occasion, il faudra définir plus précisément les nouvelles missions de l'OTAN, qui ne peut plus se limiter à la seule application de l'article 5 du traité de l'Atlantique nord.
Il est indispensable, pour que nos opérations futures aient le plus de chances de réussir, que nous sachions parfaitement dans quel cadre nous pouvons les lancer, et sur quels alliés nous pouvons compter. Les relations entre l'ONU, l'Union européenne et l'OTAN doivent être clarifiées pour être plus cohérentes, plus harmonisées, plus efficaces.
Notre retour dans les structures intégrées de l'OTAN pourrait éventuellement être un élément de cette clarification.
Si elle peut apparaître à certains comme une preuve d'alignement sur la politique étrangère américaine, il est intéressant de constater que la Russie considère que la réintégration de la France dans l'OTAN ne lui apparaîtrait pas comme un alignement pro-américain, mais au contraire comme un contrepoids à l'influence américaine au sein de l'OTAN.
C'est ce qu'a déclaré ce matin l'ambassadeur de Russie, M. Orlov, à la commission des affaires étrangères. Bien sûr, toute la question demeure de la place éventuelle, négociée par la France, au sein du commandement intégré. Autrement dit, rien n'est réglé mais ce point de vue est tout de même particulièrement intéressant.
Deuxième élément d'interrogation, le niveau d'implication des différents États européens. À l'heure actuelle, seuls quatre États européens fournissent des efforts financiers et humains significatifs en matière de défense. La France, la Grèce, la Pologne et le Royaume-Uni consacrent chaque année environ 2 % de leur PIB à la défense, alors que les autres pays de l'Union européenne restent tous en dessous de la barre de 1 %. Il faudra engager tous nos partenaires européens dans une réflexion approfondie, sans tabou, pour examiner quelles ressources supplémentaires ils sont prêts à accorder à la défense des intérêts européens, qui sont les leurs.
Mes chers collègues, le Parlement va se prononcer, pour la première fois, sur la prolongation de cinq interventions militaires extérieures. Cette lourde responsabilité qui nous incombe implique que nous soyons dorénavant très régulièrement informés de l'évolution du contexte stratégique dans lequel se déroulent ces opérations, des résultats qu'elles obtiennent et des choix opérés par le Gouvernement pour adapter notre présence militaire aux objectifs poursuivis.
Dans l'immédiat, je vous invite à voter en faveur de la poursuite de ces cinq opérations, dans le cadre de leurs calendriers respectifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous le savez, les opérations extérieures dont nous débattons aujourd'hui marquent nettement l'engagement de la France au profit de la paix et de la sécurité internationales. Elle assume ainsi pleinement ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies.
Notre influence internationale, quoi que puissent en dire certains, est réelle. J'en vois plusieurs preuves. Si l'ONU se tourne aussi souvent vers nous, si nos partenaires européens comptent sur nous, si des pays en crise attendent un engagement de notre part, c'est parce que nous sommes prêts, précisément, à assumer ces responsabilités. Notre connaissance du terrain, notre capacité à être à l'écoute des populations locales et de leurs représentants, ainsi que notre capacité à nous engager de manière neutre sont aujourd'hui unanimement reconnues.
En Afrique, notre engagement en faveur de la prise en main par les Africains de leur propre sécurité témoigne clairement de notre respect de leur souveraineté. Je regrette, à cet égard, que notre collègue Lecoq soit déjà parti.
Notre approche commence à porter ses fruits, notamment grâce à la mise en oeuvre du programme RECAMP, que nous avons initié et qui se place délibérément sous l'égide de l'ONU, en harmonie avec l'Union africaine. Il dénote clairement notre volonté de confier aux Africains la responsabilité du maintien de la paix sur leur continent.
Si l'on examine précisément la situation en Côte d'Ivoire, on ne peut que se féliciter de la réussite de cet engagement, qui permet aujourd'hui d'alléger notre dispositif, lequel comporte actuellement 1 800 hommes. Il ne faudrait sans doute envisager de révision importante du format de nos forces qu'après l'élection présidentielle, comme cela a d'ailleurs été dit par plusieurs orateurs. Malheureusement, l'absence de date pour la tenue de cette élection montre que la situation n'est pas encore tout à fait stabilisée. De ce fait, je considère qu'il est possible d'alléger notre dispositif de manière significative – le Premier ministre a parlé tout à l'heure de presque la moitié des effectifs –, mais il me semble prudent de prévoir éventuellement de le renforcer à nouveau si les perspectives électorales venaient à le justifier.
Je ne voudrais pas évoquer la Côte d'Ivoire sans souligner le courage de nos soldats, qui ont souvent été exposés dans les années passées à des situations très difficiles, notamment à Abidjan en novembre 2004, où ils ont été confrontés à une foule manipulée et très hostile, au point de mettre leurs jours en danger. Ma pensée va d'abord à nos soldats tués en novembre 2004 dans le bombardement de Bouaké, au centre du pays.
J'en viens maintenant à l'EUFOR, pour souligner la réussite de cette mission dans un contexte très difficile, du fait de la situation au Soudan. Notre débat intervient moins de deux mois avant l'expiration du mandat de l'EUFOR. Le Secrétaire général de l'ONU tient au respect de l'échéance initialement fixée à mars 2009, mais il n'est cependant pas exclu que nous devions prolonger notre présence quelque peu, pour faire le lien avec les forces de l'ONU qui devraient prendre le relais.
Je voudrais aussi souligner l'importance de l'opération Épervier. Aujourd'hui, les militaires français stationnés à N'Djaména et à Abéché assurent deux missions essentielles, dans le cadre de l'accord de coopération signé entre la France et le Tchad. Ils garantissent la sécurité des ressortissants français expatriés au Tchad et apportent au gouvernement légal tchadien aide et coopération sur le plan de la formation militaire et du soutien technique.
Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que les missions de reconnaissance aérienne menées par les avions du dispositif Épervier participent à la sécurisation des camps de réfugiés au Tchad. Le démantèlement de l'opération Épervier aurait donc des conséquences particulièrement fâcheuses sur la stabilité régionale. Autrement dit, tant que la situation au Soudan ne sera pas stabilisée, je considère que notre présence dans ce dispositif déjà ancien aura son importance, l'impact de cette crise pouvant être fort sur ce grand pays qu'est le Tchad. Nous ne pouvons pas prendre le risque de voir la situation se dégrader au Tchad, au point que puisse s'y établir un régime qui serait caractérisé par l'intolérance, voire le refus de toute modernité.
Enfin, quelques mots sur l'opération Boali, qui n'est pas de la même dimension. Cette opération a montré qu'avec un très faible effectif – 230 hommes à peine –, la France pouvait contribuer à la stabilité politique de la République centrafricaine. Le soutien technique, administratif et financier que nos militaires ont pu apporter à la force multinationale de la FOMUC a grandement facilité la tâche de celle-ci. Il faut rappeler que la FOMUC participe à la sécurisation de la République centrafricaine et à la restructuration des forces armées de ce pays. Elle accompagne le processus de stabilisation en soutenant la normalisation des institutions et la relance économique, ce que nous ne pouvons que soutenir. Compte tenu du faible effectif engagé dans cette opération, la question de son format ne me semble pas devoir constituer un enjeu de notre débat. Je considère que la poursuite de cette opération ne peut bien sûr qu'être soutenue.
Je vous propose maintenant de changer de continent, pour évoquer notre opération au Kosovo. Nous pouvons nous réjouir de la stabilisation de cette région. Toutefois nous devons rester extrêmement vigilants, compte tenu des soubresauts qu'elle pourrait encore connaître, n'ayant pas atteint le degré de stabilité de la Bosnie-Herzégovine.
La création d'une armée kosovare, la semaine dernière, le 21 janvier, par les autorités kosovares, suscite une forte colère des Serbes. Il est sans doute trop tôt pour identifier tous les risques qui y sont attachés. Il nous faut donc faire preuve de prudence. Tout à l'heure, M. le Premier ministre a annoncé notre volonté d'alléger ce dispositif, actuellement fort de 2 000 hommes.
Je considère cependant que si cet allégement est envisageable, il doit être précédé d'une évaluation de la situation sur place, dans la perspective des autres opérations en cours – je pense à MINUK et à EULEX – et surtout d'une concertation avec nos alliés. D'un côté, il est bon d'enlever sans doute des hommes en armes et d'un autre côté d'y amener davantage de police, de gendarmes et de justice.
Enfin, je terminerai par le Liban. Nous ne pouvons que nous féliciter de la réussite de la FINUL 2, qui a grandement contribué à l'arrêt des combats entre Israël et les miliciens du Hezbollah, à la dépollution des villages et des champs, au retour des populations déplacées et à la reconstruction des infrastructures essentielles au fonctionnement du pays.
Cependant, le désarmement de la milice chiite et l'assurance pour Israël que sa frontière nord ne serait plus menacée ne viendront pas de la FINUL 2, mais de l'approfondissement de l'accord politique national. C'est cela qui devrait nous permettre d'alléger notre dispositif, fort actuellement de 1 800 hommes.
Avant la crise de Gaza – ou plutôt sans la crise de Gaza –, j'aurais clairement pris position pour une réduction de notre dispositif. Cependant, au moment où la situation est encore plus qu'incertaine dans la bande de Gaza, il me semble nécessaire de ne pas envoyer de signal susceptible d'être interprété comme un désintérêt de notre pays pour cette région, notamment en direction des Iraniens, dont nous savons qu'ils soutiennent militairement à la fois le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza.
Sur les accords de défense, j'ai entendu dire que le Parlement aurait été insuffisamment informé.
Je m'en étonne car, conformément à l'engagement du Président de la République, ces accords ont été rendus publics par publication au Journal officiel et dans le Livre Blanc, monsieur Michel.
Dans le projet de loi de programmation militaire, il est proposé que le Parlement soit désormais davantage associé à la définition de la stratégie de sécurité nationale, notamment grâce à l'information concernant les accords de défense. Sur le principe, je m'en félicite, mais cette formulation est suffisamment sibylline pour nous interroger sur une transcription concrète.
Par ailleurs, je me réjouis des réductions de volume de forces impliquées annoncées tout à l'heure par le Premier ministre.
Messieurs les ministres, vous l'avez compris, nous sommes largement favorables aux propositions d'allégement des opérations extérieures que vous nous soumettez. Elles répondent à une évolution du contexte stratégique, c'est certain, mais, à mon sens, elles ne peuvent être motivées par des considérations budgétaires comme j'ai pu le lire ici ou là ou l'entendre encore à l'occasion d'une intervention récente. Nous apprécierons d'avoir un engagement ferme de votre part, pour les opérations extérieures, actuelles ou futures, de voir leur financement consacré – comme je l'ai souhaité à l'occasion de la dernière loi de programmation militaire, et non plus être amputé sur des crédits d'équipement des armées.
Certains de nos collègues ont exprimé le regret que le présent débat n'ait pas été précédé d'une discussion au sein de la commission de la défense et des affaires étrangères.
Je suis surpris, car nous ne cessons d'en parler de manière constante, au fil de nos réunions. Nous avons écouté, juste avant les vacances, le chef d'état-major. Nous avons encore très récemment écouté le ministre. Nous avons eu des débats internes. La semaine dernière, nous avons auditionné les deux ministres, il est vrai, sur le thème de l'OTAN, qui est un autre débat.
Certes, devant le bureau !
Mesdames, messieurs les députés, les deux ministres présents aujourd'hui ont accepté de venir devant la commission, à ma demande. Ils viendront et vous allez en être informés. Vous pouvez constater que vous êtes entendus. Ne maugréez pas dans vos barbes, mes chers collègues !
Nous avons reçu, très tardivement, je dois le reconnaître, une documentation. Elle vous a été remise, dès ce matin, à l'occasion de la réunion de la commission de la défense. J'en remets un exemplaire à M. le Président.
Renseignez-vous les gars ! Faites votre boulot ! N'attendez pas que cela vous tombe tout chaud !
Je ne peux pas inventer. Hier, nous avons reçu ces documents et ils vous ont été remis ce matin. Il n'était pas possible de faire mieux.
Monsieur Cazeneuve, tout est dit – il vous suffit de consulter le site du ministère de la défense – en clair sur les OPEX.
Il vous suffit de cliquer sur la droite de votre écran – mais peut-être êtes-vous atteint d'hémianopsie sur ce côté de l'écran, ce qui vous empêche d'aller au bout de cette vision – et vous y trouverez tous les renseignements. Je pense donc que vous voulez soulever un faux problème, pour tenter de trouver quelques arguties à un débat qui n'en vaut pas la peine.
Je voudrais conclure en rappelant que toutes les opérations que nous avons évoquées aujourd'hui sont légitimes sur le plan du droit international et légitimes sur le plan de la morale politique. Nous pouvons être fiers de ce que nos militaires ont accompli, souvent au péril de leur vie,…
…pour assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales. N'oublions pas que c'est ce sens du sacrifice qui permet à la France de maintenir sa place au rang des grandes nations du monde.
Comme nous l'avons fait le 22 septembre dernier, notre débat doit être l'occasion de rendre hommage à nos soldats et à leur sens de l'engagement au service de nos valeurs.
Nos militaires ont aujourd'hui, comme le 22 septembre dernier, besoin d'un consensus national. C'est pourquoi nous devons, en vertu des pouvoirs que nous accorde désormais la Constitution, autoriser la prolongation des opérations sur lesquelles nous avons été sollicités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en arrivons aux orateurs inscrits.
La parole est à Mme Marie-Louise Fort.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission de la défense, mes chers collègues, permettez moi, de me réjouir, de pouvoir intervenir dans le cadre de nos nouvelles compétences, issues de la réforme constitutionnelle de juillet 2008.
À l'heure où nous souhaitons tous la revalorisation de notre travail parlementaire, ce débat suivi d'un vote par opération extérieure est un excellent exemple de cet effort que nous devons tous mener. Je souhaite vivement qu'il se déroule dans la sérénité qui sied à la gravité du sujet.
En me replongeant, afin de préparer cette intervention, dans l'historique de notre présence en Côte d'Ivoire, je me faisais la remarque qu'il était, hélas, loin le temps où la Côte d'Ivoire figurait au programme du bac, en histoire-géo, avec le titre flatteur de « Miracle ivoirien » !
À l'époque – et ça n'est pas si vieux que cela –, on évoquait l'extraordinaire développement de ce pays, îlot de stabilité politique et économique où les investissements et les ressortissants étrangers se précipitaient pour s'installer durablement. Un pays dont la population était passée de 3,7 millions en 1960 à plus de 12 millions en 1988, et à plus de 18 millions aujourd'hui.
La crise des matières premières, la stagnation économique, la mort d'un leader – père de l'indépendance et garant de l'unité du pays –, les tensions ethniques et politiques issues de sa succession, la corruption ont fini de plonger ce pays dans une crise durable et sanglante.
La France est intervenue en Côte d'Ivoire dès les événements du 22 septembre 2002, lors de la tentative de coup d'État des forces rebelles du Nord à Abidjan, la capitale économique du pays, et à Bouaké, dans le centre du pays. Elle est intervenue pour protéger ses très nombreux ressortissants – plus de 20 000 en 2002 –, ainsi que les ressortissants d'autres pays.
Elle l'a fait en vertu de l'accord de défense signé avec l'État ivoirien en 1961. La France dispose, en effet, de forces sur place : le fameux 43ème BIMA, crée et installé depuis 1978 à Port-Bouët au sud d'Abidjan.
Héritier des régiments d'infanterie coloniale qui se sont illustrés sur le sol européen pendant la Grande Guerre et des troupes d'infanterie de marine, ces soldats français de l'opération dite Licorne sont rapidement devenus une force d'interposition entre les forces gouvernementales et la rébellion du Nord, privant de fait ces deux camps d'une victoire potentielle. Ils ont protégé nos ressortissants, mais se sont aussi interposés – faut-il le rappeler ici ? – aux exactions touchant les civils ivoiriens.
Lors de la signature d'un cessez-le-feu le 17 octobre suivant, les forces françaises de l'opération Licorne sont affectées à la surveillance de la « zone de confiance » entre le nord du pays, où sont installées les forces rebelles, et le sud, sous contrôle gouvernemental.
La force Licorne représente à ce jour 1 800 hommes, elle en a compté plus de 4 000, et vient compléter l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire mise en place par la résolution 1528 du Conseil de Sécurité de février 2004 et agit selon le mandat du Conseil de sécurité des Nations unies et l'accord politique de Ouagadougou, signé entre les forces belligérantes en mars 2007.
Pas moins de six résolutions du Conseil de sécurité régissent le mandat de l'ONUCI, qui comprend actuellement 8 000 hommes de plus de quarante pays, dont 200 Français. Son mandat principal consiste essentiellement en un contrôle de l'application du cessez-le-feu global du 3 mai 2003, en un soutien au gouvernement ivoirien dans le processus de réconciliation nationale et la mise en oeuvre de l'accord de Linas-Marcoussis du 24 janvier 2003 : plan DDR, appui de la mise en place du processus de paix, organisation d'élections.
C'est bien cette question de l'organisation d'élections qui demeure en suspens. Après un accord en avril 2008, la date du 30 novembre avait été fixée. Le Front populaire du président Laurent Gbagbo et l'ex-rébellion des Forces nouvelles du Premier ministre Guillaume Soro se sont accordés pour procéder à un nouveau report des élections en 2009.
La signature en décembre 2008 de la quatrième étape des accords de Ouagadougou a rappelé la volonté des dirigeants ivoiriens d'y procéder dans des délais « raisonnables ».
Notre intervention en Côte d'Ivoire a permis la mise en place d'un processus politique ; nous pouvons, certes, en déplorer la lenteur, mais c'est une réalité.
Seules nos forces, bien équipées, entraînées et compétentes, ont pu efficacement protéger les populations civiles – je passe, hélas ! sur les exactions constatées à l'ouest du pays et les problèmes à la frontière libérienne.
Nos forces ont payé un lourd tribut à notre présence en Côte d'Ivoire – je pense au bombardement des positions Licorne à Bouaké en novembre 2004, qui a fait neuf morts et trente-sept blessés. Je tiens à rendre hommage, en ce jour, à nos soldats.
La situation en Côte d'Ivoire reste fragile, même si le processus politique est clairement engagé. Ce pays a encore besoin de nos forces sur place, même si l'heure est venue d'en envisager un redéploiement.
Pas plus tard qu'hier soir, le Conseil de Sécurité a prorogé pour six mois le mandat de l'ONUCI, tout en réduisant légèrement son effectif. Il prévoit aussi une mobilité accrue de cette mission grâce entre autres à l'appui fourni par Licorne. Pouvez vous nous dire, monsieur le ministre, comment cela va s'articuler sur le terrain ?
Conformément à la volonté exprimée par le Président de la République le 6 janvier 2009 lors de ses voeux aux Armées prononcés sur le sol libanais, je souhaite que notre assemblée soit pleinement associée à cette redéfinition du format de nos opérations extérieures.
Le groupe UMP, dont je me fais la porte-parole aujourd'hui, souhaite voter favorablement à la prolongation de notre intervention en Côte d'Ivoire.
C'est un signe fort que nous adressons à nos partenaires ivoiriens, mais aussi une marque de confiance et de soutien que nous adressons à nos forces engagées sur place. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, étrange débat que celui qui nous rassemble aujourd'hui : bienvenu dans son principe, et en application de la Constitution ; mais surréaliste dans sa référence à l'alinéa 3 de l'article 35 de la Constitution, comme dans ses modalités de préparation et de déroulement.
Oui, c'est une bonne chose que le Parlement puisse se prononcer sur les opérations militaires extérieures de la France, comme c'est un droit de contrôle en vigueur dans bien d'autres démocraties.
Non, le fondement de l'article 35, alinéa 3, de la Constitution ne me paraît pas recevable : il ne s'agit pas ici d'autoriser la prolongation d'interventions excédant une durée de quatre mois, ou alors c'est encore plus que quatre mois puisque toutes ont été engagées depuis plusieurs années.
Sur ce fondement, nul doute que ce débat n'est pas conforme à la Constitution, et sa validité juridique est donc douteuse.
Si au moins on nous avait dit : « Allons, il faut bien enclencher un processus, l'alinéa 3 n'est pas en cause, nous faisons un examen général des situations en cours, avant mise en application effective de la loi constitutionnelle », comme nous l'avions souhaité lors des débats sur la réforme constitutionnelle, nous aurions pu admettre cette forme de mise à jour. Mais pourquoi, alors, avoir exclu de notre examen la plus récente de ces opérations, qui a plus de quatre mois, puisqu'elle a commencé en juin 2008, celle du soutien apporté aux troupes de la République de Djibouti, déployées sur la frontière de l'Érythrée ? Même s'il n'y a pas eu envoi de troupes depuis la métropole, ce sont bien nos troupes positionnées à Djibouti-ville, sur une base extérieure de la France, qui sont engagées, et cela mérite aussi examen.
D'où notre préoccupation de voir s'installer une jurisprudence selon laquelle le délai de quatre mois ne serait que très largement indicatif, après le précédent créé aujourd'hui, ce qui reviendrait alors à installer un processus de régularisation législative des actes de l'exécutif en la matière.
Pour le groupe SRC, il n 'est pas question d'entériner par le moyen d'un débat constitutionnellement délégitimé, et il est encore moins question de ratifier – ce qui va plus loin que le simple fait d'entériner, puisque cela emporte approbation de ce qui a été fait. Il n'est pas question non plus de valider, a posteriori ; la démocratie serait loin d'y trouver son compte.
Le 19 janvier, le président Ayrault a écrit au Premier ministre pour lui faire part de ses préoccupations sur ce point. Il a fort justement relevé tant la diversité que la complexité des opérations, et demandé des éléments d'information dont nous n'avons pu prendre connaissance que ce matin – et encore : en consultant Internet ! Serait-ce que, dans la République d'aujourd'hui, mieux vaut être internaute que parlementaire ?
Pour préparer notre débat, il aurait fallu des auditions conjointes devant la commission des affaires étrangères et celle de la défense. Elles n'ont pas eu lieu de façon suffisamment sérieuse. Tout se fait dans l'improvisation, l'impréparation et la précipitation, comme si le Gouvernement avait hâte de demander un quitus sans que les comptes fussent examinés. Pourquoi vouloir se désengager sinon pour pouvoir s'engager ailleurs, en Afghanistan, par exemple ? M. Cazeneuve en a fait l'hypothèse.
MM. les ministres s'en expliqueront.
S'il est impossible d'établir un historique complet des opérations en cause, on peut au moins poser quelques questions.
Notre présence au Liban ne soulèvera pas d'objections de ma part. Nous y sommes dans le cadre d'un mandat de l'ONU. Toutefois, notre capacité de dissuasion reste relative, comme on a pu le mesurer en juillet 2006, lors de l'offensive d'Israël au Sud Liban. Cette opération est engagée pour un temps assurément et nécessairement long.
Au Kosovo, alors que depuis 1999, l'action de la MINUK, à laquelle participent nos forces, avait peu à peu évolué vers un rôle de suivi et de soutien, alors que des institutions d'auto-administration démocratiques provisoires s'étaient développées, et que l'on pouvait envisager moins de forces armées mais plus de forces de police, et surtout un effort accru de reconstruction, une brusque flambée de violences interethniques a bloqué, en 2004, cette évolution du possible. Comment – surtout depuis la reconnaissance internationale de la vocation du Kosovo à l'indépendance, entraînant une relation plus tendue avec Moscou – peut-on envisager l'évolution de la situation, si évolution il peut y avoir, étant observé que nous sommes dans un statu quo depuis 2004 ? Interrogé ce matin en commission, l'ambassadeur de Russie nous répondait : « Nous ne serons pas plus serbes que les Serbes, mais cela durera longtemps, très longtemps. » Dans ces conditions, la question du désengagement doit être posée.
Le Tchad offre un éventail quasi complet des modes d'intervention de l'engagement de la France. L'opération Épervier constitue la coopération militaire classique, à l'ancienne, un peu à la Foccart, et, naturellement, du fait de ses ambiguïtés, elle trouble nos alliés, notamment nos partenaires européens, ainsi que les ONG.
L'EUFOR concrétise la capacité de l'Union européenne à intervenir dans une zone stratégique par une opération réputée difficile, sur un vaste territoire de 200 000 kilomètres carrés, en plein désert. Ses moyens sont sans doute insuffisants, et la volonté des Européens pour le moins retenue.
D'où la mise en place, au titre des Nations unies, de la MINURCAT II. Les objectifs fixés laissent prévoir une présence de longue durée, dont les forces françaises constitueront un contingent déterminant.
Alors, comment résoudre la contradiction entre la volonté affichée par le Gouvernement il y a seulement deux ans de fermer en priorité les implantations militaires au Tchad, dans le cadre de la restructuration de nos forces en Afrique, et le fait que nos troupes aient joué un rôle non négligeable dans le sauvetage du régime du Président Déby, lequel en a profité pour éliminer ses opposants – nous le savons bien, pour être sans nouvelles de l'un d'entre eux –,…
…et pousser son avantage jusque dans la banlieue de Khartoum ? Les faits sont là : la situation ne s'est en rien décantée. Elle nécessitera par conséquent le maintien de forces importantes.
En ce qui concerne la République centrafricaine, je ne puis revenir sur l'enchaînement des événements internes et externes, évidemment en rapport avec le Tchad, le Soudan et l'Ouganda, qui, en septembre 2007, ont conduit le Conseil de sécurité à créer, par la résolution 1778, la MINURCAT, en lui confiant un mandat très complet et très exigeant nécessité par des exactions insoutenables.
Si la situation paraît aujourd'hui un peu moins tendue, l'instabilité de la RCA est patente et le pays profondément divisé. Si la MINURCAT est diminuée, si le dispositif international s'affaiblit, la question de la présence militaire française – de son format et de ses missions – demeure posée. Quelles sont vos intentions à ce sujet, messieurs les ministres ?
Au fond, toutes ces situations africaines, qui sont peu ou prou le produit de la politique africaine de la France depuis la décolonisation – dont un éminent observateur avait un jour dit qu'elle n'était qu'un ravalement de façade avant changement de propriétaire –, posent une question de fond.
À cet égard, que notre collègue du Nouveau Centre, qui a mis en cause tous les parlementaires de l'opposition, sache que je suis très à l'aise. À Lomé, j'avais pris fait et cause pour une autre politique africaine de la France. Certains s'en souviennent. À l'époque, M. Balladur était Premier ministre et M. Mitterrand à l'Élysée. La constance de mon engagement pour cette autre politique me met à l'abri de toute critique.
La question de fond qui se pose est celle-ci : les engagements bilatéraux auprès d'autorités à légitimité démocratique faible sont-ils appelés à se perpétuer ? Autrement dit, la France doit-elle continuer à jouer le rôle d'assureur politique de dirigeants en place, ou qu'elle a mis en place, et qui sont parfois aussi peu respectueux des droits démocratiques les plus élémentaires qu'ils sont par ailleurs organisateurs, inspirateurs et bénéficiaires de réseaux de corruption et de spoliation des peuples ?
Nous payons parfois le prix militaire d'une mauvaise politique très ancienne, dont je citerai deux exemples.
D'où vient que la France puisse décréter depuis Paris que le fils du général dictateur Gnassingbé Eyadema doive succéder à son père, au lieu de laisser le peuple togolais en décider lui-même ? C'est incroyable, mais cela s'est fait !
D'où vient que, en Côte d'Ivoire – pardon de ne pas faire dans la nuance, alors qu'il en faudrait beaucoup ! –,…
Il en faudrait, en effet !
…à un Président, Laurent Gbagbo, dont on reconnaissait alors qu'il avait été légitimement élu, on impose non les accords de Marcoussis – après tout, mettre les parties en cause autour d'une table pour obtenir une sortie de crise n'a rien d'inavouable –, mais ceux de l'avenue Kléber, qui désignent au Président pour Premier ministre…
…mais aussi pour ministres de la défense et de l'intérieur, postes éminemment stratégiques, les chefs de la rébellion ? Imaginerait-on que de Gaulle ait pu appeler au gouvernement de la République le quarteron des généraux rebelles ? Certes, il faut parler mezza voce. Comparaison n'est pas raison. Mais tout de même !
Sans doute n'a-t-on pas pu se faire à l'idée que s'installe à Yamoussoukro, dans le siège du Vieux Lion, allié inconditionnel de la France, un leader qui échappe aux oukases de l'ancienne métropole et appartienne de surcroît à l'Internationale socialiste – ce qui n'est d'ailleurs pas toujours facile à assumer –, forcé dos au mur, de manière parfois discutable quoique non élucidée, à défendre bec et ongles la légitimité de son pouvoir.
Non, messieurs les ministres, même s'il va dans le bon sens, le débat d'aujourd'hui ne répond pas stricto sensu aux promesses du Président de la République. Celui-ci, dans son discours du Cap, le 28 février 2008, affirmait en effet : « J'associerai également étroitement le Parlement français aux grandes orientations de la France en Afrique. » Nous voulons cette collaboration entre l'exécutif et le législatif en aval des décisions et, si la renégociation des accords de défense, qui paraît être en cours, se fait sans que le Parlement y soit étroitement associé, nous ne pourrons nous en satisfaire.
Convoquer la représentation nationale pour délibérer dans les conditions qui nous sont imposées aujourd'hui est précipité et pour le moins leste. Les parlementaires du groupe SRC ne sauraient accepter que le Gouvernement lui mette une sonnaille au cou et les rentre dans l'hémicycle quand bon lui semble, simplement pour lui signaler la position des troupes sur les différents fronts. Ils se font une autre idée de la responsabilité de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si une des modifications de la réforme constitutionnelle de juillet 2008 mérite d'être saluée, c'est bien celle qui prévoit une information, puis un vote du Parlement sur l'engagement de forces armées françaises à l'étranger. Nous réclamions cette mesure depuis longtemps. Nous souhaitons d'ailleurs qu'à l'avenir, les gouvernements n'attendent pas le délai maximum de quatre mois pour soumettre au vote du Parlement l'engagement ou la poursuite de l'engagement de nos soldats. S'il est compréhensible qu'un vote ne soit pas toujours possible a priori, un délai de quatre mois ne se justifie jamais.
Je salue le fait que le Premier ministre ait pris la peine de présenter la vision du Gouvernement sur les cinq opérations sur lesquelles nous avons aujourd'hui à nous prononcer. Nous ne serons pas toujours d'accord sur leur bien-fondé, mais nous pouvons reconnaître que l'intervention du Premier ministre dans notre débat est une de ces marques de respect pour le Parlement auxquelles nous n'étions plus habitués depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République.
Toutefois, pour que la discussion se déroule de manière normale, il aurait fallu que le Gouvernement fournisse aux députés un document qui les éclaire sur la réalité des engagements français et sur les objectifs poursuivis. Je regrette que le président de la commission de la défense ait jugé suffisant de nous transmettre un document presque en cours de discussion.
Après mes collègues, je salue à mon tour nos soldats engagés sur des théâtres d'opérations extérieures, où qu'ils soient. Ils payent parfois de leur vie, souvent de leurs blessures, leur engagement dans l'armée française. Je le dis d'autant plus haut qu'ils appliquent une politique que nous n'approuvons pas toujours. Bien sûr, s'il y a des exactions, elles doivent toujours être fermement condamnées, mais elles restent exceptionnelles. Nos soldats exercent généralement leur mission dans des conditions très difficiles. Les embuscades quasi quotidiennes auxquelles ils font face en Afghanistan sont là pour nous le rappeler.
Lors d'un débat précédent, nous nous étions prononcés contre l'augmentation du contingent français en Afghanistan, car nous n'approuvions pas la stratégie politique qui sous-tendait cet engagement, celle du président américain d'alors, George W. Bush, et nous avions regretté que la France, par la voix de Nicolas Sarkozy, se mette en quelque sorte à sa remorque. Nous espérons d'ailleurs que l'élection de Barack Obama à la présidence américaine changera la donne, puisque celui -ci a fait de l'Afghanistan une de ses priorités en matière de politique étrangère.
Le refus des Verts d'un engagement supplémentaire de la France en Afghanistan ne signifiait nullement qu'ils refusent toute intervention de l'armée française à l'extérieur. Dans la mesure où il s'agit toujours d'une décision grave, nous pensons qu'elle doit être mûrement réfléchie, au regard d'objectifs politiques clairs et précis.
Nous ne croyons pas du tout à la doctrine de la guerre préventive développée par l'ancienne administration de George Bush. Nous la condamnons même fermement. Nous ne croyons pas plus qu'une armée étrangère ou une coalition d'armées étrangères puisse imposer un ordre politique nouveau dans un pays. C'est pourquoi nous avions combattu ce qu'il est convenu d'appeler la deuxième guerre du Golfe : la guerre américano-anglaise en Irak. Toutes ces années ont malheureusement montré que nos craintes étaient fondées. On ne peut que se féliciter – disons-le clairement – qu'à l'époque, le Président Jacques Chirac ait tenu bon, y compris contre certains milieux politiques français pour lesquels, on le sait, Nicolas Sarkozy avait plus que de la sympathie.
Nous pensons aussi que la France ne doit pas se laisser aller à réagir avec de vieux réflexes issus de la période de colonisation. On avait pu croire, lors de la campagne présidentielle française de 2007 et lors de certaines interventions du début du quinquennat, qu'en ce domaine la rupture chère à Nicolas Sarkozy serait à l'oeuvre.
Nos espoirs ont été vite déçus. Le plus éclatant symbole du retour aux vieux réflexes de la « Françafrique » a été le prompt limogeage de Jean-Marie Bockel du ministère de la coopération. Ses déclarations, jugées fracassantes par certains, sur le fait qu'il fallait signer l'acte de décès de la « Françafrique » ne lui ont pas permis de tenir longtemps à ce poste.
Sans doute, un poste très important : ministre des Anciens combattants. Chacun jugera.
Le Premier ministre a déclaré en introduction de ce débat que les opérations Epervier et Boali au Tchad et en Centrafrique avaient pour but d'« aider les Africains à prendre en charge leur propre sécurité ». Nous ne partageons pas du tout cette lecture. Pour nous, ces interventions relèvent d'une politique d'influence de la France héritée de la période coloniale et qui contribue à maintenir au pouvoir des régimes contestables et contestés. C'est pourquoi nous voterons contre la prolongation de ces deux opérations.
D'une manière générale, nous ne sommes pas favorables à des opérations militaires que la France mènerait de son propre chef et sans aucun mandat international. Pour nous, le mandat de l'ONU doit être la règle ; toute autre opération ou présence l'exception. Nous sommes malheureusement aujourd'hui loin du compte puisque selon nos chiffres – je ne sais si le ministre de la défense pourra les préciser – la France, qui est le troisième pays du monde exaequo avec la Grande Bretagne pour le nombre de soldats déployés en dehors de son territoire, déploie plus de 90 % de ces forces en dehors de tout mandat des Nations unies.
J'ai pris ces informations dans un atlas stratégique. Vous pourrez contester ces chiffres.
Tant mieux si c'est le cas. Mais parlons-nous de la même chose ? Je parle de toutes les forces françaises déployées à l'étranger quelle que soit leur mission, y compris dans le cadre des accords de défense, pas seulement des opérations de maintien de la paix ou d'interposition.
Dans le même ordre d'idées, nous estimons que la participation de soldats français à des opérations extérieures doit se faire avec pour objectif le maintien de la paix ou la participation à des forces internationales d'interposition. Il ne s'agit pas de prendre parti pour tel ou tel camp dans une guerre, comme on le fait encore trop souvent, en Afrique notamment, mais de participer, le cas échéant activement, à des opérations visant à rétablir la paix ou à la garantir dans des zones du monde où des conflits doivent être arrêtés ou là où des accords de paix doivent être garantis. Cela a été le cas notamment en Bosnie ou au Kosovo, et nous avons soutenu ces opérations. Mais cela ne signifie pas que l'on doit confiner les soldats français dans des missions humanitaires – cela n'a rien d'insultant et je sais le ministre des affaires étrangères très attaché à cet aspect de la politique de la France, mais ce n'est sans doute pas le rôle principal que l'on peut assigner à une armée, donc à l'armée française. Cela veut dire que les objectifs doivent toujours être clairement définis et que le mandat doit être donné par une organisation internationale.
C'est dans cet esprit que nous voterons pour le maintien de l'armée française au Kosovo et au Liban, par exemple. Il en va de même pour ce qui a été fait et qui touche à sa fin dans le cadre de l'EUFOR.
Les témoignages, y compris locaux, montrent d'ailleurs que la présence française, parfois dans un même pays, comme c'est le cas au Tchad, n'est pas perçue de la même façon selon qu'elle se fait en soutien au gouvernement en place ou dans le cadre d'une participation à une mission internationale.
Pour la Côte d'Ivoire, la situation est un peu différente. M. Janquin vient d'en parler de façon précise et très intéressante. S'il est clair que l'armée française n'a pas été totalement neutre – c'est le moins que l'on puisse dire –, dans la mesure où elle a d'abord été nécessaire à la protection de nos ressortissants et dans la mesure où elle a contribué à éviter un dérapage plus accentué dans la guerre, sa présence peut se justifier. Nous prenons par ailleurs acte du fait que le Premier ministre a clairement fixé pour objectif, au début de ce débat, un retrait des forces françaises au profit d'une véritable mission internationale. C'est pourquoi nous voterons également pour le prolongement de cette mission.
Il y aurait beaucoup à dire par ailleurs sur la politique étrangère de la France. Je voudrais terminer par une question au ministre de la défense. Le retrait annoncé ou le désengagement progressif de certains zones prépare-t-il le renforcement de notre engagement dans d'autres zones, notamment en Afghanistan ? Nous souhaiterions une réponse claire à l'occasion de ce débat.
Pour conclure, nous souhaitons que, d'une manière générale, la politique étrangère et de défense ne soit plus, comme cela a été dit au départ, du domaine réservé du Président de la République ni même du Gouvernement. Nous demandons plus que jamais que notre assemblée soit plus étroitement associée à ces choix politiques.
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans quelques instants nous serons amenés à nous prononcer sur la poursuite ou non de notre engagement militaire en Cote d'Ivoire, au Liban, au Tchad, en République centrafricaine ainsi qu'au Kosovo. Ce vote ne constituera pas une première, puisque, depuis que le 22 septembre dernier, notre assemblée a autorisé la prolongation de l'intervention militaire française en Afghanistan, nous pouvons pleinement mesurer l'étendue du renforcement des pouvoirs du Parlement permis par la révision constitutionnelle de juillet dernier : la lecture de notre Constitution comme consacrant la notion de domaine réservé est désormais obsolète.
A présent, aux termes de l'article 35 de la Constitution, il revient au Parlement de se prononcer sur l'opportunité d'engager des soldats français sur des théâtres d'opérations extérieurs, décision dont la responsabilité revenait auparavant au seul pouvoir exécutif, en dépit de leur extrême gravité et de leur caractère décisif pour l'avenir de notre pays comme pour l'idée que nous faisons de sa place dans le monde. Aussi, c'est avec une certaine gravité que nous abordons ce débat : la décision que nous apprêtons à prendre engage, outre notre pays, le destin d'hommes et de femmes qui ont fait le choix noble et courageux de servir dans nos armées, au risque, comme nous l'a tragiquement rappelé l'embuscade de la vallée d'Uzbeen en août dernier, de perdre la vie.
Philippe Folliot a évoqué les opérations menées en Cote d'Ivoire, au Liban, au Tchad ainsi qu'en République centrafricaine. Je voudrais, au nom des parlementaires du Nouveau Centre, concentrer mon propos sur le Kosovo, où la France se trouve engagée militairement depuis maintenant près d'une décennie.
En 1999, pour mettre fin aux atrocités commises au Kosovo par le pouvoir de Belgrade dans son entreprise de purification ethnique, et pour préserver la stabilité aussi fragile que chèrement acquise des Balkans occidentaux, c'est ensemble que Jacques Chirac et Lionel Jospin choisirent d'engager la France aux côtés de ses alliés de l'Otan. Face à la véritable tragédie humaine alors en cours, indéniablement, la France devait engager sa responsabilité en joignant ses forces à celles de ses alliés pour que ces atrocités prennent au plus vite fin.
Ainsi les forces militaires françaises, notamment aéronavales, ont-elles largement participé au dispositif mis en place par l'OTAN dans le cadre de l'opération Force alliée, dispositif qui permit en 78 jours pas moins de 25 000 sorties aériennes sur les moyens des forces militaires et paramilitaires serbes présentes au Kosovo ainsi que sur les infrastructures de l'Etat serbe en Serbie même.
La France a largement participé à l'effort entrepris par la communauté internationale pour la constitution puis l'entrée de la KFOR en territoire kosovar, en y envoyant plus de 6 000 de ses soldats afin de prévenir toute reprise des hostilités, d'entreprendre la démilitarisation et le désarmement de l'UCK ainsi que d'établir un environnement sécurisé permettant le retour des réfugiés et l'établissement d'une administration intérimaire.
En figurant, de 1999 jusqu'à aujourd'hui, parmi les premiers contributeurs à la KFOR mais aussi en prenant la responsabilité de la zone Nord du Kosovo, la plus sensible, la France a choisi de remplir une mission de sécurisation et de reconstruction des plus difficiles, comme l'ont montré les affrontements qui ont embrasé la région de Mitrovica en mars 2004 et les tensions qui ont suivi la proclamation de l'indépendance, le 17 février dernier, par l'Assemblée du Kosovo.
Aussi, je souhaite rendre un hommage appuyé à nos soldats qui s'acquittent au Kosovo avec un remarquable professionnalisme d'une mission parmi les plus complexes et les plus exigeantes qui puissent être confiées à une armée moderne, aux hommes et aux femmes du 152e Régiment d'Infanterie de Colmar, revenus de mission voici une semaine, ainsi qu'à ceux de la Brigade Franco-allemande et des autres unités qui viennent tout juste de rejoindre le bataillon français du Kosovo.
La France reste aujourd'hui, avec 1 850 hommes toujours déployés sur le terrain, l'une des nations les plus fortement engagées dans la KFOR. Elle l'est également dans la mission civile EULEX déployée par l'Union européenne pour aider les autorités kosovares à construire un véritable État de droit. C'est là la condition indispensable à une pacification, ainsi qu'à un développement économique viable, et la condition préalable à toute réduction progressive de la présence militaire internationale au Kosovo.
La présence de cette mission civile s'inscrit également dans une stratégie européenne plus large et visant à appuyer la mise en place de réformes institutionnelles et économiques dans l'ensemble des États des Balkans occidentaux par la signature d'accords de stabilisation et d'association. À ce titre, nous ne pouvons que nous réjouir de la conclusion en avril dernier d'un tel accord avec la République de Serbie. À l'issue de négociations longtemps ajournées ou suspendues, cette signature est venue concrétiser l'orientation européenne du peuple serbe et le courage politique dont a fait preuve son gouvernement sur le plan notamment de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie. À l'heure actuelle, quarante-quatre des quarante-six criminels de guerre recherchés ont été livrés au TPIY. Si la mise en oeuvre effective de cet accord reste conditionnée à la reconnaissance par l'ensemble des États membres de la pleine coopération des autorités serbes avec le Tribunal de La Haye, et si celles-ci doivent encore faire tout ce qui est en leur pouvoir pour arrêter les deux derniers fugitifs, dont Ratko Mladic, il n'en demeure pas moins que cette signature constitue pour l'avenir de cette région des Balkans occidentaux un signe des plus encourageants.
L'ultime décennie du XXe siècle a été celle du retour en Europe des anciens États satellites de l'Union soviétique, mais également celle du retour de la guerre et de son cortège d'atrocités au coeur même de notre continent. Alors que l'effondrement du Rideau de fer devait enfin sonner l'heure de l'Europe, les Balkans occidentaux et l'ancienne Yougoslavie furent le théâtre privilégié des limites de la Politique extérieure et de sécurité commune annoncée à Maastricht. En novembre 1995, les accords conclus sur la base américaine de Dayton sanctionnaient de manière spectaculaire les lacunes de la construction européenne.
Pourtant, en adoptant par la suite une stratégie d'intervention précoce dans les zones présentant des risques d'embrasement, l'Union européenne a obtenu des résultats tout à fait remarquables. Je pense notamment à l'intervention dans l'ancienne République Yougoslave de Macédoine, qui a permis en 2000 une stabilisation efficace de ce pays, désormais officiellement candidat à l'adhésion à l'Union.
Dans un contexte budgétaire contraint, il nous faut toujours vérifier avec la plus grande vigilance l'adéquation des moyens déployés avec les objectifs poursuivis sur le terrain. Mais la présence militaire française au Kosovo, fruit d'un exemplaire consensus au sein du pouvoir exécutif voici près de dix ans, reste aussi nécessaire que décisive pour la stabilité des Balkans occidentaux que pour la sécurité des populations civiles du Kosovo. Dans un État en construction et sur un territoire connaissant de profondes mutations, la KFOR constitue de plus un point d'ancrage indispensable pour les autorités comme pour les populations du Kosovo. A ce titre, les parlementaires du Nouveau Centre voteront en faveur de la prolongation de l'intervention militaire française dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
À l'heure où, dans un Kosovo reconnu comme indépendant et souverain par la plupart de nos partenaires européens, se solidifient les bases d'un véritable État de droit, démocratique et respectueux des minorités,…
…il nous revient de poursuivre notre effort militaire, mais également civil, au côté du peuple kosovar dans sa quête d'un avenir plus conforme à l'idée que nous nous faisons de notre continent.
Pour conclure, je souligne, à l'attention du président de la commission de la défense, que nous avons souvent évoqué ces questions au sein de la commission, et que nous avons pu nous rendre sur le terrain lors de déplacements auxquels étaient conviés l'ensemble des groupes parlementaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
(M. Marc Laffineur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis plus de cinquante ans, la France continue de porter une attention particulière et soutenue au continent africain, légitimement consciente qu'il ne suffit pas de devenir indépendant pour trouver la voie sereine du développement, de la paix civile et de la sécurité extérieure.
À juste titre, elle s'est donc engagée avec la plupart de ses anciennes colonies, soit en application d'accords de défense, soit en vertu d'accords de coopération. Près d'un demi-siècle après les déclarations d'indépendance, cet engagement perdure. Ceux qui voudraient que l'on tourne la page font fi de la réalité du monde avec une rare inconscience ; comme les orateurs du groupe socialiste qui s'exprimaient tout à l'heure, ils font également oeuvre de reniement. Je parle d'inconscience car notre engagement va bien au-delà de la défense légitime de nos intérêts et de nos concitoyens expatriés. Il s'agit en effet pour ces pays d'un gage de stabilité.
La République Centrafricaine a connu nombre de vicissitudes. Depuis 1960, la France est liée à ce pays par un accord de défense, et depuis 2003, elle participe au soutien de la mission de consolidation de la paix de la Communauté économique des États d'Afrique centrale, la MICOPAX. Au sein de l'opération Boali, deux cent trente Français sont ainsi à l'oeuvre pour aider les forces armées centrafricaines à sécuriser le pays, pour un coût de 18 millions d'euros.
L'histoire tourmentée du Tchad est également trop longue pour être résumée en quelques mots. Mais une chose est certaine : la France n'a eu de cesse de sécuriser l'intégrité territoriale du Tchad, malgré les difficultés rencontrées parfois, dans le passé, avec des dirigeants tchadiens tortueux, comme Hissène Habré. Depuis 1986, la France a mis en place, à la demande des autorités tchadiennes, l'opération Épervier, à laquelle participent 1 140 hommes, pour un coût d'environ 104 millions d'euros.
En complément de ces opérations bilatérales, la France participe à l'opération EUFOR, au Tchad et en RCA, et en est le premier contributeur. Notre pays a pris l'initiative de cette opération en janvier 2008 pour éviter l'extension de la crise humanitaire du Darfour. Elle s'achèvera le 15 mars 2009 et, conformément à la résolution du Conseil de sécurité du 14 janvier 2009, les forces engagées sur le terrain seront relevées par celles des Nations unies.
Messieurs les ministres, j'approuve sans réserve ces opérations, qui répondent à la nécessité de défendre nos intérêts dans ces pays où notre influence demeure grande, d'autant que nos compatriotes concourent directement au développement de ces États. Ces opérations favorisent surtout directement la stabilité de ces pays dont l'appareil d'État est en crise permanente. Je souhaite donc rendre un hommage particulier à nos forces sur place.
Dans un monde où les ruptures en tout genre se multiplient, l'utilisation des forces armées, qui sont, par nature, disciplinées et structurées, se révèle nécessaire pour stabiliser des États fragiles. Ceux qui voient du néocolonialisme dans cette réalité ne sont, en fait, que des soixante-huitards attardés.
Pour paraphraser Churchill, l'Afrique est malheureusement devenu le « ventre mou » de l'Europe et de la France, qui subiraient directement les conséquences d'une déstabilisation de ce continent. En effet, comment maîtriser les flux migratoires si les pays d'émigration connaissent des troubles incessants ?
Certains accusent parfois la France de prêter main-forte à des dictateurs : il est facile de se donner bonne conscience dans les salons parisiens et de vouloir dispenser des leçons de démocratie au monde entier, comme le fit le président George W. Bush. Toutefois, qui peut nier que la reconstruction d'un appareil d'État passe d'abord par la mise sur pied de forces nationales de sécurité ? À ce sujet, monsieur le ministre des affaires étrangères, je regrette que, cette année, nous ayons diminué nos crédits de coopération militaire d'environ 7 millions d'euros. Ils concouraient précisément, de façon directe, à la mise en place nécessaire de forces de sécurité et d'appareils d'État dignes de ce nom.
Pour ses opérations extérieures, la France doit évidemment respecter le droit international, et elle le fait ! Il existe trois chefs de compétence pouvant justifier une intervention extérieure. Tout d'abord, elles sont autorisées au nom du maintien de la paix, dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité, prises en vertu du chapitre VI ou du chapitre VII de la Charte des Nations unies – elles le sont également au nom de l'article 51, relatif au droit de légitime défense. Ensuite, elles peuvent avoir lieu à la demande du gouvernement légitime du pays concerné, qu'il y ait accord de défense ou pas, car la possibilité pour un État d'en appeler un autre à la rescousse relève de ses droits souverains.
Enfin, comme nous le fîmes jadis à Kolwezi, l'intervention peut se justifier au nom d'un impératif humanitaire.
Dans le cadre de cette légalité internationale, faut-il favoriser les seules opérations extérieures multilatérales ? Je maintiens qu'il faut parfois affronter les critiques que peut susciter une action solitaire de notre pays.
Il faut parfois agir de manière unilatérale car nous savons bien que les opérations multilatérales peuvent être longues, lentes et même inefficaces. Nous devons donc privilégier les zones dans lesquelles nous bénéficions déjà d'une influence : la Méditerranée, l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient. En effet, nous ne saurions disperser nos moyens sans courir le risque d'être inefficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, cher président Teissier, mes chers collègues, nous sommes réunis pour nous prononcer sur la prolongation de l'intervention de nos forces armées dans différents pays.
Cet exercice découle de la nouvelle rédaction de l'article 35 de la nouvelle Constitution adoptée l'année dernière, dont l'alinéa 3 précise que : « Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement ».
Nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui, non pas sur une seule intervention, comme cela a été le cas au sujet de l'Afghanistan, mais sur toute une série d'opérations extérieures. Il s'agit d'un exercice compliqué, car les configurations sont différentes les unes des autres. Je vais donc tenter d'être le plus synthétique possible, en évoquant successivement chacun des cas. J'ajoute que je déplore fortement l'absence d'un large débat au sein des deux commissions compétentes.
Jean-Paul Lecoq a déjà évoqué tout à l'heure les opérations en cours au Tchad et en République Centrafricaine. En accord avec lui, je traiterai donc, pour ma part, dans un premier temps, du cas de la Côte d'Ivoire.
Nous y sommes engagés au sein des forces de l'ONU, mais surtout au sein de l'opération Licorne, et plusieurs résolutions de l'ONU encadrent notre intervention. Ainsi, la résolution 1464, du 4 février 2003, qui avait fait suite à l'accord de Linas-Marcoussis entre les différentes factions ivoiriennes fonde juridiquement l'intervention de la force Licorne. La résolution 1528, du 27 février 2004, a créé l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, l'ONUCI.
La ligne de mire est la tenue des élections présidentielles. Celles-ci doivent être précédées de plusieurs étapes : désarmement et démantèlement des milices, identification du corps électoral, redéploiement de l'administration et préparation technique de l'élection. La date de ces élections ayant, à nouveau, été repoussée, une nouvelle résolution a prolongé les mandats de l'ONUCI et de Licorne.
Notre force de réaction rapide est susceptible d'agir au profit de la force onusienne, celle-ci intervenant elle-même en soutien de ce qui reste des forces armées ivoiriennes. Par ailleurs, elle est habilitée, comme elle l'a déjà fait, à assurer la sécurité des très nombreux ressortissants étrangers et français sur place. Depuis février 2008, Licorne regroupe 1 800 soldats, qui accompagnement le processus de paix grâce à deux missions parallèles. Outre les interventions en matière de santé, des actions sont entreprises dans le cadre d'opérations civilo-militaires, comme la distribution de matériel pédagogique, la réfection d'écoles ou la réparation de la pompe à eau d'un puits par le génie militaire. L'autre mission de Licorne consiste, bien entendu, à assurer une rapide « réversibilité » de sa posture en cas de troubles.
Nous proposons la poursuite de notre mission d'interposition en Côte d'Ivoire tant que le mandat de l'ONU sera renouvelé. Je précise toutefois que cette mission doit demeurer strictement non partisane, ce qui n'a pas toujours été le cas. Il nous apparaît en effet nécessaire de conforter la stabilité intérieure et extérieure de ce pays, grâce à la présence d'un détachement de l'armée française, ce qui limite le risque de guerre civile et de retour des épurations ethniques.
Aujourd'hui, il semble que le Gouvernement veuille réduire notre contingent, et le discours du Premier ministre, il y a quelques instants, nous le confirme. Toujours est-il que nous espérons une normalisation durable de la situation et souhaitons que la tenue prochaine des élections présidentielles ouvre, à terme, la voie à un retrait total de nos troupes.
Par ailleurs, au Kosovo, nos forces sont engagées au sein de la KFOR de l'OTAN. On connaît les événements dramatiques qui ont secoué ce territoire. Il en résulte aujourd'hui une défiance profonde et un ressentiment considérable entre les communautés, qui vivent de façon totalement cloisonnée.
Le Kosovo est placé sous administration de l'ONU, représentée par la mission des Nations unies, la MINUK, en application de la résolution 1244 du Conseil de sécurité du 10 juin 1999. Les missions de la KFOR sont la sécurisation des zones qui lui sont attribuées et la transformation des milices albanaises en forces de sécurité kosovares. La KFOR est censée intervenir en troisième ressort, derrière la police kosovare et la police de la MINUK, mais, en fait, elle est souvent placée en première ligne en raison de l'inefficacité de ces forces.
Depuis la déclaration d'indépendance se pose la question de l'évolution du rôle respectif des différentes organisations internationales, nombreuses sur ce petit territoire, qu'il s'agisse de l'OTAN, de l'ONU, de l'Union européenne ou encore de l'Organisation pour la sécurité et la coopération européenne.
La situation est encore loin d'être stabilisée. Cependant, nous demandons le retrait de notre contingent du Kosovo. Sous commandement de l'OTAN, il cautionne, selon nous, la déclaration unilatérale d'indépendance du parti kosovar au pouvoir. Il ne nous semble pas possible de donner raison aux indépendantistes, même si, évidemment, nous n'oublions pas tous les crimes qui ont été commis. Selon nous, l'avenir du Kosovo ne passe pas par le volontarisme de l'Europe et des pays étrangers, mais par la volonté de cohabitation des communautés serbe et albanaise.
Enfin, au Liban, la France participe à la FINUL, la Force intérimaire des Nations unies au Liban, dans le cadre de résolutions de l'ONU, dont la plus célèbre est la résolution 1701.
On se souvient que la FINUL a été installée après l'invasion du Liban Sud par l'armée israélienne en 1978. À la suite de ces événements, une force d'interposition de l'ONU avait été envoyée sur place afin de confirmer le retrait des forces israéliennes, de rétablir la paix et la sécurité internationales, et d'aider le gouvernement libanais à restaurer son autorité dans la région. En dépit de cette présence, l'armée israélienne est intervenue à nouveau en 1982. Jusqu'en juin 2000, elle a occupé illégalement une partie importante du Liban. La guerre de 2006 a été ensuite d'une nature particulière puisque, pour la première fois, l'armée israélienne s'est trouvée opposée à une très forte résistance du Hezbollah, ce qui a abouti à un échec militaire de Tsahal, l'armée israélienne.
Depuis, la FINUL a reçu pour mission de l'ONU de poursuivre son action d'interposition, mais elle est désormais équipée de moyens lourds et, en particulier, de chars Leclerc, ce qui lui donne la possibilité de réagir contre tous les actes hostiles qui s'opposeraient à la réalisation des missions et des obligations qui lui sont assignées par le Conseil de sécurité. Il s'agit, principalement, de la surveillance du cessez-le-feu entre l'armée libanaise, le Hezbollah et l'armée israélienne.
Aujourd'hui, au Liban Sud sont déployés 12 500 hommes, appartenant à vingt-cinq pays, parmi lesquels la France est le deuxième contributeur, avec environ 1 950 soldats.
On connaît les risques dans cette région, comme l'atteste l'agression dramatique d'Israël sur la population de Gaza. Les crimes commis dans la bande de Gaza sont innommables. Les membres d'une délégation de personnalités et d'élus qui s'y sont rendus la semaine dernière ont été très éprouvés par ce qu'ils ont vu et entendu. Ils décrivent l'état de dénuement et de détresse de la population de Gaza, le blocage de l'aide humanitaire, qui ne passe qu'au compte-gouttes, et le sentiment d'isolement de ce territoire, sur lequel s'est abattu pendant trois semaines un déluge de bombes israéliennes. Les traces d'un acharnement sur les civils ont été relevées, dans un territoire où la densité de population est très élevée. Des armes non conventionnelles ont été utilisées. Ces crimes de guerre atroces justifient que les coupables soient poursuivis et sanctionnés.
Le prétexte invoqué, la guerre contre le Hamas, ne tient pas davantage que celui de la chasse au Hezbollah. C'est pourquoi nous n'avons pas de raison de nous opposer à la poursuite de l'intervention de nos forces au Liban. Les parlementaires communistes, républicains et du parti de gauche proposent, du reste, l'envoi de troupes d'interposition pour sécuriser Gaza et la frontière d'Israël. Condition indispensable à l'arrêt durable des hostilités, l'envoi d'une telle force peut être le prélude à la formation d'un État palestinien dans les frontières de 1967.
Quant au Liban – mais cette remarque est valable pour beaucoup d'autres pays –, je suis convaincu que nous devons l'aider, d'une part, à mener sa reconstruction à bien et, d'autre part, à affirmer un État de droit indépendant, démocratique et non confessionnel, où seuls les pouvoirs publics disposent de la force armée. Toutefois, je précise que cela doit être le résultat d'un consensus politique interlibanais, qui ne peut être imposé par la force, sauf à prendre le risque d'une déstabilisation et de vives confrontations internes.
Telle est notre position sur la poursuite de ces trois OPEX multinationales. Je veux saluer à cette occasion la totale maîtrise de nos soldats dans la réalisation de leurs missions, qu'elles relèvent de l'humanitaire ou de l'utilisation de la force, quand ils y sont contraints.
Pour terminer, je réitère une demande urgente : la renégociation des accords de défense bilatéraux doit se faire dans la transparence et le Parlement doit être associé aux réflexions sur ces questions. Pour le moment, nous sommes encore loin des engagements du Président de la République.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention à l'EUFOR.
Lequel d'entre nous est resté insensible aux images, souvent insoutenables, des victimes de ce que l'on a pudiquement appelé la « crise du Darfour » ? Qu'elles aient été victimes des rebelles tchadiens, des Jenjawids soudanais ou encore des armées régulières tchadienne ou soudanaise, la plupart des populations étaient en fait victimes de brigands et, en tout état de cause, elles étaient toujours victimes. Le plus souvent, souvenez-vous, il s'agissait de femmes et d'enfants, abandonnés, assassinés, sous nos yeux. Deux cent mille morts, deux millions de personnes réfugiées ou déplacées dans les trois pays : Soudan, Tchad et République Centrafricaine. Nous nous sommes tous dit : « Il faut faire quelque chose » !
Ce fut à l'honneur de la France d'interpeller la communauté internationale, sinon pour résoudre le problème politique, du moins pour venir en aide à ces populations. C'est ainsi que la résolution 1778 du Conseil de sécurité, votée le 25 septembre 2007, a autorisé l'Union européenne à déployer, pour une durée d'un an, une opération militaire appelée EUFOR. Cette force militaire a principalement pour mission de soutenir la MINURCAT – Mission des Nations unies en République Centrafricaine et au Tchad – dans trois domaines.
Premièrement, elle doit sécuriser les abords des camps de réfugiés soudanais en territoire tchadien, ainsi que l'ensemble du secteur, par sa présence. Il faut bien avoir conscience des enjeux : environ 300 000 réfugiés soudanais sont répartis dans douze camps au Tchad, 53 000 sont en RCA, répartis dans cinq camps ; plus de 180 000 personnes déplacées vivent au Tchad et sans doute environ 300 000 en RCA, mais, pour le moment, seulement 20 000 d'entre elles sont prises en charge. Si l'on fait abstraction des autochtones, cela fait donc près d'un million de personnes à protéger. Deuxièmement, l'EUFOR doit faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire. Troisièmement, elle a pour mission d'assurer la sécurité des personnels des ONG et de protéger ceux de l'ONU.
Cette résolution ne fut effective que le 28 janvier 2008. Les forces militaires ont été actives sur le terrain le 15 mars 2008, pour un mandat d'un an. Il faut en effet se souvenir qu'entre ces deux dates, au mois de février, une attaque rebelle a retardé le déploiement des forces. Vingt-six pays européens sont engagés, qui fournissent un effectif de 4 000 hommes, répartis entre quatre bases principales près de la frontière avec le Soudan : Iriba, Farchana et Goz-Beïda au Tchad, Birao en République Centrafricaine, auxquelles il faut ajouter les bases arrière d'Abéché dans l'est et de N'Djamena, capitale du Tchad. Les militaires sont déployés dans des zones très hostiles tant sous le rapport de la sécurité que sous celui du climat. Il a fallu, en outre, tenir compte, dans la mise en oeuvre du dispositif, des contraintes politiques et des disparités dans l'engagement des forces. Eh bien, malgré tout cela, le calendrier a été respecté.
Il fallait agir vite, dès la décision du Conseil de sécurité. Or la France était le seul pays européen capable de le faire immédiatement, grâce à la qualité de nos forces militaires, parfaitement adaptées à ce genre de mission, mais aussi à notre bonne connaissance du terrain. C'est ainsi que nous avons fourni près de la moitié des effectifs de l'EUFOR : 1 790 hommes et femmes, en lien avec les effectifs français du Tchad et le dispositif Boali en RCA. Cela n'a pas été facile pour la France d'être engagée dans ces deux dispositifs aux mandats très différents. Aussi, je veux rendre hommage au général Ganascia, qui a su, avec beaucoup de diplomatie, donner à l'EUFOR une dimension européenne au sens large et éviter l'amalgame franco-français de ces deux forces.
Pour avoir récemment effectué, à titre personnel, trois missions très intéressantes au Tchad, dans des contextes très différents – l'une dans un contexte humanitaire et les deux autres avec des militaires français et polonais –, je puis témoigner que les ONG et les structures internationales, notamment le Haut commissariat pour les réfugiés, sont reconnaissantes à l'EUFOR pour sa présence indispensable et pour la qualité du travail accompli.
Aujourd'hui, la sécurité est assurée dans toute la zone frontalière du Soudan, sauf à Abéché, qui est une zone de police tchadienne, où l'EUFOR n'intervient pas – c'est d'ailleurs la preuve du rôle que joue celle-ci dans le reste de la zone. Petit à petit, une situation de droit s'installe dans les zones des camps, avec une justice, une administration, des écoles et des centres de soins.
Je peux également témoigner du très bon fonctionnement de cette force multinationale. J'ai même rencontré des pilotes d'hélicoptères russes très heureux de participer à cette action. Quel magnifique exemple, qui prouve que l'Europe de la défense n'est pas une utopie, même si beaucoup de chemin reste à faire, et qui renforce la crédibilité de l'Europe politique face à ces grands partenaires que sont les États-Unis, la Chine ou la Russie !
La nouvelle résolution 1861, adoptée le 14 janvier 2009, redéfinit les missions d'une force placée, cette fois, sous mandat des Nations unies. Ayant pu visiter le chantier du camp de la MINURCAT II à Abéché, j'ai été impressionnée par la rigueur et la rapidité déployées, et je peux vous assurer que tout sera prêt en temps et en heure. Les militaires responsables de l'EUFOR, notamment les Français, sont fiers d'avoir prouvé qu'il était possible de déployer une telle force militaire en si peu de temps et de remplir une mission délicate, car les pièges étaient nombreux.
Dans quelques semaines, ils passeront la main aux Casques bleus, et la France doit y prendre toute sa part. Elle doit notamment être très présente lors du passage de témoin entre l'EUFOR et la MINURCAT II. Le groupe UMP votera donc le maintien de l'engagement français dans cette opération et je vous invite tous à faire de même, mes chers collègues, au nom des populations de l'est du Tchad, qui n'aspirent qu'à la sécurité et à la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je me réjouis, mes chers collègues, de pouvoir exercer aujourd'hui avec vous cette nouvelle prérogative que nous a attribuée la réforme constitutionnelle votée en juillet dernier. La commission de la défense, dont je suis membre, a travaillé sur cet aspect de la réforme et ce sont nos suggestions qui ont permis de fixer à quatre mois le délai au terme duquel notre assemblée doit être consultée sur la prolongation de séjour de nos forces armées à l'étranger.
Parmi les différentes opérations sur lesquelles nous devons nous prononcer aujourd'hui, j'évoquerai la seule qui se déroule sur le sol européen. Je veux parler de la présence de nos forces au Kosovo, pays – car c'en est un – que nous avons officiellement reconnu dès le lendemain de sa déclaration d'indépendance, le 17 février 2008, et que je connais bien, pour présider le groupe d'études à vocation internationale de l'Assemblée le concernant.
Nous sommes présents au Kosovo depuis 1999, après avoir participé, au sein de l'OTAN, aux frappes aériennes sur l'ex-Yougoslavie, qui ont contribué à faire plier le Président Milosevic et contraint les troupes serbes de quitter ce territoire, mettant ainsi fin à plus d'une décennie de conflits plus ou moins larvés entre forces serbo-yougoslaves et militants indépendantistes kosovars.
Nous avons tous en mémoire la catastrophe humanitaire, les déplacements massifs de population, les villages en feu, les récoltes détruites, la politique de la terre brûlée et la violence des tensions intercommunautaires qui ont précédé l'intervention de la communauté internationale dans cette région située, je le répète, sur le sol européen, à quelques heures à peine de Paris.
Aujourd'hui, les forces françaises au Kosovo, composées de 1 850 hommes, interviennent dans le cadre de la KFOR – Kosovo Force –, placée sous le commandement de l'OTAN par la résolution 1244, adoptée le 10 juin 1999 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Troisième en importance après ceux de l'Allemagne et l'Italie, notre contingent est chargé de contrôler le Nord-Kosovo. Cette zone frontalière de la Serbie, qui compte encore une communauté serbe importante, notamment dans la ville de Mitrovica, dont vous avez tous entendu parler, se trouve régulièrement au centre de conflits violents entre communautés, comme ce fut le cas encore au début du mois, ce qui a donné lieu à un renforcement de la KFOR. De manière générale, nos forces jouent un véritable rôle de force d'interposition, en assurant la sécurisation de la zone et en permettant ainsi la libre circulation des Kosovars, mais aussi la reprise de l'activité économique et sociale.
Notre présence facilite également le travail de la mission Eulex de l'Union européenne, mise en place pour aider le Kosovo indépendant en matière de police, de justice et de douanes. Cette mission a été déployée en décembre 2008 en remplacement de la MINUK – Mission intérimaire des Nations Unies –, présente au Kosovo depuis 1999, et elle comptera, au printemps prochain, 1 900 agents internationaux – policiers, gendarmes, douaniers et magistrats - dont 10 % seront français et cette mission est aujourd'hui placée sous commandement d'un général français, le général de Kermabon.
Notre présence au Kosovo, qui est donc essentielle, est placée sous mandat international de l'ONU et s'inscrit dans le cadre d'une politique européenne concertée. Il est hors de question, mes chers collègues, que nous laissions se développer des zones de conflits et de tensions sur le sol européen. Cette volonté a d'ailleurs été affichée par l'Europe dès le début des années 1990, avec l'objectif d'accompagner les pays des Balkans vers la paix et le développement économique, pour en faire à plus ou moins long terme des membres à part entière de l'Union. Tel est le sens des différents accords de stabilisation et d'association – ASA – que l'Union européenne signe avec ces pays. Notre assemblée a ainsi ratifié, il y a deux mois, l'ASA avec l'Albanie.
Le Kosovo est aujourd'hui sur la voie de la pacification. Le chemin sera encore long, nous en avons pleinement conscience. C'est pour cette raison que nous ne pouvons mettre fin à cette mission du jour au lendemain, car nous avons la conviction de notre utilité dans cette zone troublée des Balkans.
Je profite de cette discussion pour rendre hommage à nos soldats présents sur place et pour les assurer du soutien entier de la représentation nationale. Au nom du groupe UMP, dont je me fais l'un des porte-parole aujourd'hui, je souhaite que nous votions la prolongation de notre intervention au Kosovo. C'est un message fort que nous adressons à la fois à nos partenaires européens et à nos soldats engagés sur place. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, il me revient d'évoquer, au nom de mon groupe, la participation de la France à la FINUL, présente au Liban. Notre pays entretient avec le Liban un lien particulier, fondé sur une relation quasi millénaire, tant sur le plan politique qu'économique et, bien sûr, culturel, puisque la moitié de la population y est francophone.
C'est cette relation forte qui a naturellement conduit la France à prendre une part prépondérante au sein de la première Force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL I, créée en 1978 pour restaurer l'intégrité territoriale du pays, mise à mal par le conflit israélo-palestinien. Dotée de moyens limités, tant sur le plan militaire que juridique, la première FINUL présente un bilan décevant. Tandis que la guerre civile se prolonge jusqu'en 1989, le Liban ne recouvre son intégrité territoriale qu'en 2000, avec le retrait des troupes israéliennes du Sud-Liban, malgré une tutelle syrienne encore pesante. L'attentat du Drakkar, le 23 octobre 1983, au cours duquel 58 parachutistes français trouvèrent la mort – la plus lourde perte de l'armée française depuis la fin de la guerre d'Algérie – est le symbole de cette impuissance.
C'est donc instruite par cette expérience que la France entend obtenir des garanties, lorsque, à l'été 2006, les circonstances nécessitent un renforcement de la FINUL. L'enlèvement de soldats israéliens par le Hezbollah conduit alors, en effet, à une intervention israélienne. Plusieurs semaines de conflit se soldent par des centaines de morts et de blessés, des dégâts matériels considérables, et d'importants déplacements de populations. La France joue à ce moment un rôle décisif dans l'élaboration de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui appelle à la fin des combats et au retrait des forces israéliennes, prévoyant en contrepartie le déploiement d'une force armée libanaise au Sud-Liban, le désarmement des groupes armés et l'établissement, entre la Ligne bleue et le Litani, d'une zone exempte de tous personnels armés, à l'exception de l'armée libanaise et de la FINUL.
Pour veiller à l'application de ces dispositions, le Conseil de sécurité décide « en vue de compléter et renforcer les effectifs, le matériel, le mandat et le champ d'opérations de la FINUL, d'autoriser un accroissement des effectifs de celle-ci pour les porter à un maximum de 15 000 hommes ».
Cette FINUL II dispose, conformément au souhait de la France, de règles d'engagement solides et d'une chaîne de commandement efficace et réactive. En particulier, les troupes ont désormais le droit de recourir à la force, y compris en employant des moyens létaux, non seulement pour assurer leur protection, mais aussi pour faire respecter la résolution.
En plus de son engagement diplomatique, la France s'investit fortement sur le plan militaire : pour un coût de 79 millions d'euros en 2008, et avec 1 900 hommes sur un total de 12 700, la France est le deuxième pays contributeur. Elle a pris en charge l'un des secteurs les plus difficiles, et a déployé les moyens les plus visibles et les plus puissants. La FINUL incarne ainsi une nouvelle approche des opérations de maintien de la paix, fondée sur des moyens puissants et des règles d'engagement robustes.
Plus de deux ans après sa mise en place, le bilan de la FINUL apparaît largement positif. Sa présence renforcée a été déterminante pour la fin des hostilités entre Israël et le Hezbollah, et a permis d'éviter toute reprise des affrontements. Elle a rendu possible la reconstruction, mais aussi l'apaisement des populations, le retour et le déploiement des forces armées libanaises au Sud-Liban, dont elles avaient été chassées en 1978, et l'établissement d'un dialogue entre l'armée libanaise et les forces de défense israéliennes. Quant au Hezbollah, il n'est plus ouvertement – j'insiste sur cet adverbe – présent dans la zone. Enfin, la FINUL est certainement un facteur clé de la stabilité que connaît le Liban depuis 2006. Sa présence a vraisemblablement contribué à la restauration du bon fonctionnement des institutions libanaises à la suite de l'accord de Doha.
D'autre part, notre présence militaire au Sud-Liban constitue un levier important pour notre engagement en faveur de la stabilisation de ce pays. Je pense à la conférence des pays donateurs, à la conférence inter-libanaise de La Celle Saint-Cloud, ou au travail pour la création du tribunal spécial chargé de juger les coupables de l'assassinat de Rafik Hariri – et, d'une façon plus générale, à notre action au Proche-Orient.
Notre présence a certainement contribué aussi au succès de la politique consistant à tendre la main à la Syrie, politique largement inspirée par notre Président de la République. Ce pays a normalisé ses relations avec le Liban par le retrait de ses troupes et l'ouverture d'une ambassade, mais aussi engagé des discussions avec Israël. Enfin, la présence au sein de la FINUL de nombreux États européens illustre la capacité de l'Union européenne à jouer un rôle actif au Proche-Orient.
Toutefois, ces avancées doivent encore être consolidées, alors que se profilent des élections législatives cruciales pour l'avenir du Liban. Les objectifs posés par la résolution 1701 ne sont pas encore pleinement atteints, faute d'un accord durable entre les parties israélienne et libanaise, en particulier sur la question des fermes de Chebaa. Il existe également de forts soupçons pesant sur le Hezbollah, selon lesquels celui-ci poursuivrait un programme de réarmement clandestin en dehors de la zone contrôlée par la FINUL.
D'autre part, la guerre menée ces dernières semaines dans la bande de Gaza a illustré la fragilité des équilibres régionaux. Plusieurs tirs de roquettes ont visé Israël depuis le Sud-Liban, provoquant des répliques de l'armée israélienne. Si ces échanges sont demeurés contenus, et cela sans doute en partie grâce à la présence de la FINUL, ils démontrent la persistance de tensions.
L'action de la FINUL est appréciée des populations, et son rôle stabilisateur a été reconnu en août dernier par l'adoption à l'unanimité de la résolution 1832 du Conseil de sécurité, qui a prorogé son mandat pour un an, à la demande du gouvernement libanais, et a rendu hommage « au dynamisme et au dévouement » de son personnel – un hommage auquel je m'associe.
Son succès pourrait, du reste, servir de modèle à d'autres opérations dans la région : je pense naturellement à la sécurisation de la bande de Gaza, en particulier au contrôle et à l'imperméabilité de la frontière entre l'Égypte et Gaza, afin d'interdire le trafic massif d'armes, en particulier d'Iran vers le Hamas. L'envoi d'une frégate française au large de Gaza, pour concourir à la lutte contre la contrebande d'armes, pourrait préfigurer une mission de ce type.
La présence de la France dans la FINUL est aussi totalement conforme à la doctrine du Livre blanc.
J'invite donc tout naturellement notre assemblée à voter le maintien de nos troupes dans cette opération extérieure qui illustre l'engagement de la France en faveur de la paix et de la souveraineté du Liban et d'un retour à une paix durable et globale au Proche-Orient. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission de la défense, mesdames et messieurs les députés, je suis partagé entre la déception de voir une partie de cet hémicycle pratiquement vide – merci à vous, monsieur Janquin, d'assurer à vous seul la représentation des députés du groupe SRC – et la joie de voir, dans les yeux de la plupart d'entre vous, une certaine impatience à entendre mon intervention – quoique je me demande si cette impatience n'est pas tout simplement celle de voir la séance se terminer (Sourires et protestations aimables sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux dire à M. Giscard d'Estaing qu'il se trompe lorsqu'il estime qu'au Tchad, un certain nombre de civils peuvent remplacer des militaires. Je comprends le souci d'économie qui inspire cette réflexion, mais j'insiste sur le fait que, s'il n'y avait pas eu de présence militaire au Tchad, nous y aurions déploré des attaques en permanence. Sans doute faut-il avoir rencontré ces militaires de l'EUFOR, d'une très grande compétence et fiers de l'importante mission qui leur est confiée, pour comprendre à quel point leur présence est nécessaire, comme l'a souligné Mme Hostalier ; leur efficacité est telle qu'il n'y a pas eu une seule attaque des Janjawids depuis leur arrivée sur place il y a un an. Le 15 mars, ils céderont leur place à la mission des Nations unies, mais en tout état de cause, il est impensable de remplacer des militaires par des civils de façon permanente. Je suis, en revanche, tout à fait d'accord avec M. Giscard d'Estaing pour ce qui est de la nécessaire sincérité dans les comptes.
Si je connais le talent et la sincérité de Bernard Cazeneuve, je regrette que son intervention n'ait pas toujours reflété ces deux qualités à la fois. Hervé Morin et moi-même nous sommes exprimés devant la commission de la défense et la commission des affaires extérieures…
…des affaires étrangères, effectivement – même si je n'approuve pas forcément cette appellation. Quoi qu'il en soit, ces deux commissions ont eu l'occasion de nous entendre évoquer à maintes reprises – sans doute des dizaines de fois – les sujets dont nous débattons aujourd'hui, et je ne m'explique pas que M. Cazeneuve puisse aujourd'hui prétendre ne pas s'en souvenir.
Je ne m'explique pas davantage le procès d'intention qui nous est fait aujourd'hui à propos d'une augmentation de nos troupes en Afghanistan.
Oui, mais vous vous trompez : nous n'avons nullement l'intention d'envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan. Quelle que soit la continuité de la politique entre la présidence de M. Bush et celle de M. Obama, notre propre souci de continuité nous a conduits à renforcer nos troupes afin de continuer à garantir notre efficacité sur le terrain, mais je peux vous garantir qu'il n'est absolument pas question d'aller plus loin pour le moment. Je vous le dis en toute sincérité : vous vous trompez si vous pensez le contraire.
M. Cazeneuve a également évoqué les accords de défense. Certes, ces accords existent et, en effet, il arrive que nous soyons amenés à les mettre en application, comme cela a été le cas au Tchad. Cela étant, je précise que les accords de défense vont tous être remis en question, ainsi que le maintien de nos bases en Afrique. Pour cela, des discussions seront engagées avec les gouvernements concernés et, comme l'a dit le Président de la République, le statut de chacun de ces accords et de ces bases peut se trouver soumis à des modifications.
En ce qui concerne la RCA, je veux dire à M. Lecoq que le déploiement de l'EUFOR a pour but de protéger les populations, ce en quoi il a réussi. En l'absence de cette force réunissant dix-sept nations européennes, la protection des personnes déplacées n'aurait pu être assurée. Quand, au mois de mars, l'EUFOR quittera la région pour céder la place à la MINURCAT II, pratiquement la moitié des personnes déplacées seront de retour chez elles. Cette opération européenne ayant mobilisé 10 000 soldats constitue un très bel exemple de progrès vers l'Europe de la défense, et un beau succès.
Pour ce qui est de la Françafrique, tous les acteurs changent, en Afrique comme en Europe. Dommage que M. Lecoq, lui, ne change pas d'opinion et s'obstine à regarder les choses à travers le filtre du passé ! M. Myard a raison de souligner que ce serait faire preuve de naïveté que de ne pas prendre conscience des changements qui sont intervenus dans notre relation avec l'Afrique. Toutefois, ceux qui seraient tentés d'établir un lien de cause à effet entre ces changements et ceux récemment intervenus au sein du gouvernement français feraient fausse route.
Je suis d'accord avec M. Folliot pour considérer que le critère budgétaire et financier ne saurait être le seul à prendre en considération pour prendre position sur nos opérations extérieures. Ce critère ne doit cependant pas être écarté, bien au contraire. En dépit des efforts et des progrès accomplis dans ce domaine, il reste difficile de prévoir avec exactitude la quantité d'hommes et de matériels nous allons devoir mettre à disposition, par exemple, des Nations unies dans le cadre d'un mandat – ce que nous sommes toujours fiers de faire –, ainsi que le degré d'implication politique qui sera attendu de la part de notre pays. Il y a deux types d'opérations, celles accomplies par une force de l'ONU et celles accomplies dans le cadre d'un mandat de l'ONU. Toutes les opérations dont nous avons parlé sont sous mandat de l'ONU, à l'exception de l'opération Épervier.
Pour répondre à M. le président Poniatowski et à M. Candelier, il n'existe actuellement aucun accord pour la mise à disposition d'une force internationale auprès des habitants de Gaza, de l'Égypte et d'Israël. Personne ne le souhaite : les Égyptiens ne veulent pas d'une force étrangère sur leur territoire, les Israéliens non plus. Nous avons proposé à maintes reprises – depuis juillet 2007, à Portorož, en Slovénie – de réfléchir à la question. Nous avons fait savoir que nous étions disposés à répondre à un éventuel appel de l'ONU, mais en l'absence d'une demande que nous ne pouvons, hélas, pas forcer, il est pour le moment impossible de faire intervenir une force efficace entre les Israéliens, les Égyptiens et les Palestiniens de Gaza.
Monsieur Poniatowski, vous avez évoqué tout à fait légitimement un contexte juridique précis, et je dois dire que l'idée d'un triangle institutionnel associant l'Organisation des Nations unies, l'OTAN et l'Union européenne, me plaît beaucoup. Les opérations du Kosovo et de l'Afghanistan répondent d'ailleurs exactement à cette définition, ce dont nous pouvons être fiers. Afin de n'offenser personne, je m'abstiendrai de désigner un point précis du globe et une force étrangère à l'oeuvre dans la région concernée, mais force est de constater que lorsque l'Union européenne n'intervient pas, son absence se fait cruellement sentir !
Vous vous doutez bien, monsieur Poniatowski, que je ne contredirai pas l'idée selon laquelle la France a une responsabilité humanitaire à assumer. Il est tout à fait légitime que cette responsabilité, que bien peu d'autres pays peuvent assumer, soit régulièrement invoquée. Comme l'a dit Mme Hostalier, notre intervention au Tchad a permis d'épargner les populations – et il en sera ainsi jusqu'à ce que nous cédions la place à la MINURCAT II, le 15 mars prochain.
Vous avez abordé le problème de l'OTAN. Comme l'a clairement affirmé le Président de la République, toute décision se prendra de manière à préserver pleinement notre souveraineté, notre liberté d'appréciation et de décision. Comme vous le savez, l'unanimité est requise pour les décisions prises au sein de l'OTAN, et chaque pays peut décider de participer ou non à une mission. Ce n'est pas en renforçant notre politique de défense européenne que nous serons en mauvaise position par rapport à l'OTAN, au contraire : l'idée est d'européaniser l'OTAN, qui compte déjà en son sein 21 États membres de l'Union européenne, et non pas d'affaiblir notre influence. Nous n'avons peut-être pas encore obtenu tout ce que nous voulions s'agissant de la capacité de planification et de conduite de l'Union européenne, mais nous allons continuer. Il faudrait, en plus du SHAPE de Bruxelles, un centre de planification et de direction de la force européenne, et j'espère que nous l'obtiendrons au plus vite.
Monsieur Teissier, vous estimez qu'une réduction d'effectifs de la FINUL serait nécessaire. En réalité, il convient de tenir compte du contexte.
Certes, mais les événements de Gaza nous ont fait prendre conscience de manière accrue de la formidable utilité de la FINUL. Les tirs de roquettes et les derniers incidents du Sud-Liban n'ont pu que nous confirmer dans la conviction qu'il fallait continuer cette présence, étant entendu que toute évaluation se fera au nom des autorités libanaises.
Monsieur Janquin, il y a longtemps que nos troupes ont été retirées de la frontière entre Djibouti et l'Érythrée. Après un petit mouvement, elles sont de nouveau stationnées à Djibouti, il n'y a donc pas lieu d'en parler ici, car le Parlement n'a pas à se prononcer sur de simples déplacements à l'intérieur d'un pays.
S'agissant de l'Afghanistan, vous avez voté en septembre. Toute évolution de notre dispositif relève d'une décision du Président de la République.
Au Kosovo, nous avons déjà ramené notre présence de 2 500 à 1 800 hommes, et il n'est pas impossible que nous procédions à de nouvelles réductions d'effectifs.
Au Tchad, vous prétendez que notre politique effraie nos partenaires européens. Je ne le pense pas. Ils sont tous enthousiastes, au contraire, de la participation européenne. Certains pays, qui regrettent de n'avoir pas été là, sont même prêts à une avancée – il me semble pouvoir le dire pour deux d'entre eux au moins. Dix-sept nations sont déjà présentes sur place, ce qui n'est pas si mal. Par ailleurs, il serait certes préférable d'avoir un centre de décision à Bruxelles, mais – je le dis aussi pour M. Poniatowski – nous avons prêté notre centre du Mont-Valérien et tout s'est déroulé pour le mieux. En tout cas pour les populations, ce qui était l'objectif. Vous le savez, il y a une grande différence entre les réfugiés et les personnes déplacées, qui devraient être assistées par le pays concerné, ce que ne faisait pas le Tchad.
Vous parlez enfin de soutien aux dictatures. Non ! Tous les pays que nous soutenons ne sont pas dans ce cas et, d'autre part, il se trouve que dans les pays où les élections se sont déroulées dans des conditions discutables, la situation n'est pas toujours sûre et qu'il n'est précisément pas inutile, dès lors, d'y intervenir. Vous auriez dû aussi, parlant de la Côte d'Ivoire, apporter plus de nuances à votre propos. Il y a eu là-bas des élections, et pas forcément dans des conditions regrettables. Je déplore donc votre position sur le Tchad et la Côte d'Ivoire.
Monsieur de Rugy, nous ne sommes pas à la remorque des États-Unis ! Comment pouvez-vous affirmer de telles choses ?
Nous sommes en train de prouver le contraire à Bucarest ! Combien de démonstrations nous faudra-t-il encore faire pour vous convaincre ?
Le président est allé annoncer le renforcement des troupes en Afghanistan en Grande-Bretagne !
Par ailleurs, je répète que 90 % des opérations s'effectuent sous mandat de l'ONU.
Si M. Myard était encore là, je lui dirais que son analyse m'a plu, une fois n'est pas coutume. Je partage ses regrets concernant la diminution d'un tiers des crédits de la coopération militaire. Cette décision a été imposée par la réduction de la dépense publique, mais j'espère que nous pourrons rapidement corriger cela !
Madame Hostalier, je vous ai déjà remerciée plusieurs fois pour avoir parlé du Darfour et de la résolution 1778 en des termes éloquents. Vous avez exprimé ce que nous voulions faire. Rappelez-vous, mesdames et messieurs les députés, la façon dont a été accueillie l'idée d'une force d'interposition ! Tantôt l'on nous a accusés de soutenir le président Déby, tantôt l'on a argué qu'il fallait l'intervention des forces onusiennes, mais elles ne sont pas venues !
Cela ne nous a pas empêchés de mener à bien cette opération, alors que nous n'étions que d'un seul côté de la frontière, sans aucune force au Soudan, à propos duquel je partage votre inquiétude. Bien sûr, c'est en sécurisant la frontière de part et d'autre qu'il est possible de garantir la sécurité des habitants du Darfour, où aucun réfugié n'est encore rentré à l'heure actuelle.
Je dirai à Christian Ménard que sa démonstration sur le Kosovo était parfaite. Si tout n'est pas réglé, la situation s'est quand même améliorée ! Et nous devons continuer dans les mois et les semaines à venir, notamment avec l'EULEX.
Monsieur Beaudouin, nous avons milité pour le retrait des forces israéliennes hors du Liban, en particulier des fermes de Chebaa. C'était le sens de la résolution des Nations unies, mais pour cela, il faut des partenaires, car nous ne pouvons décider seuls. Quant à la Finul, je rappelle que c'est aussi une idée française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les votes auxquels vous allez procéder constituent une immense avancée démocratique, qui ne réside pas seulement dans le fait que le Parlement délibère et autorise la poursuite d'une opération militaire. En effet, ce contrôle que vous exercez désormais sur chaque opération oblige l'exécutif à un effort de rationalisation et de réflexion sur la pertinence de notre présence militaire sur les théâtres d'opérations extérieures. Le débat parlementaire renforce ainsi l'adéquation entre nos obligations politiques et l'engagement de nos troupes.
Je voudrais enfin dire à quel point il est important que la représentation nationale soit associée à nos militaires à travers cette délibération. Nos troupes sont engagées dans les conditions que vous savez. Chaque année, des hommes et des femmes perdent la vie au service de la France et de la sécurité des Français. Le vote du Parlement exprime le soutien de la représentation nationale à nos soldats et je sais qu'ils y sont sensibles.
Cette double légitimité, celle de l'exécutif et du Président, chef des armées, d'une part, et celle du Parlement, d'autre part, est essentielle. L'impôt du sang, comme l'impôt contribution, est un des fondements de notre démocratie.
Le soutien du Parlement et de la représentation nationale est primordial pour nos soldats, et il est important que, grâce à votre vote, ils sachent que la nation tout entière est derrière eux. C'est un message positif à leur adresser dans toutes les opérations qu'ils peuvent mener. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Merci de l'avoir souligné, monsieur le ministre. Je crois en effet que c'est extrêmement important.
Je vais à présent mettre aux voix, en application de l'article 35, alinéa 3, de la Constitution, les cinq autorisations de prolongation de l'intervention des forces françaises à l'étranger.
Je mets aux voix la prolongation de l'intervention en République de Côte d'Ivoire.
(La prolongation de l'intervention des forces françaises en République de Côte d'Ivoire est autorisée.)
Je mets aux voix la prolongation de l'intervention au Kosovo.
(La prolongation de l'intervention des forces françaises au Kosovo est autorisée.)
Je mets aux voix la prolongation de l'intervention au Liban.
(La prolongation de l'intervention des forces françaises au Liban est autorisée.)
Je mets aux voix la prolongation de l'opération EUFOR.
(La prolongation de l'opération EUFOR est autorisée.)
Je mets aux voix la prolongation des opérations Boali et Épervier.
(La prolongation des opérations Boali et Épervier est autorisée.)
Nous avons terminé le débat et les votes sur ces autorisations de prolongation. Elles vont maintenant être soumises au Sénat. En cas de désaccord entre les deux assemblées, le Gouvernement pourra demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Projet de loi de mobilisation pour le logement et contre l'exclusion.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma