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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 28 janvier 2009 à 15h00
Autorisation de prolongation de cinq interventions des forces armées à l'étranger — Débat et votes sur une déclaration du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, messieurs les présidents des commissions des affaires étrangères et de la défense, mes chers collègues, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a apporté une modification capitale à l'organisation et au déroulement des opérations extérieures. Jusqu'alors, celles-ci dépendaient de la seule décision du pouvoir exécutif. Désormais, le Parlement dispose d'un pouvoir décisionnel puisque, aux termes mêmes de notre Constitution – vous venez de le rappeler, monsieur le Premier ministre –, lorsque l'opération dure plus de quatre mois, « le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement ».

Cette procédure a été appliquée pour la première fois le 22 septembre 2008, lorsque le Parlement a dû se prononcer sur la prolongation de l'action des soldats français en Afghanistan. Aujourd'hui, c'est sur l'ensemble des autres opérations extérieures que nous avons à statuer.

J'interviens dans ce débat comme rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme « Préparation et emploi des forces » ; j'associe à ma démarche mon collègue Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial du programme « Équipement des forces », chargé lui aussi de présenter à notre assemblée les moyens budgétaires qui concourent au financement des opérations extérieures. La même démarche a présidé à la création de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, que je mènerai avec notre collègue Mme Françoise Olivier-Coupeau, de la commission de la défense.

Comme l'indique le rapport spécial, que je vous encourage à lire ou à relire, le projet de budget opérationnel de la défense pour 2009 prévoit l'inscription de 525 millions d'euros au titre des opérations extérieures, dont 510 destinés à la défense et 15 à la sécurité, contre 475 millions en 2008 et 375 millions en 2007.

Les parlementaires qui demandaient régulièrement que le montant de ces crédits soit défini de manière plus sincère ont été entendus, du moins sur le principe, puisque les sommes inscrites n'ont cessé d'augmenter depuis 2003. Mais la dépense réelle au titre des opérations extérieures s'est également fortement accrue ces dernières années, passant de 685 millions d'euros en 2007 à 852 millions en 2008.

Encore faut-il préciser que le décompte des dépenses liées aux opérations extérieures est bien plus restrictif en France que dans des pays comparables, comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Les sommes inscrites en loi de finances au titre des opérations extérieures correspondent donc globalement à la moitié des dépenses réelles. Même s'il s'agit d'un véritable progrès, le principe de sincérité budgétaire n'est donc pas entièrement satisfait.

Pour mieux maîtriser cette charge financière, qui a toutes chances d'approcher le milliard d'euros en 2009, j'avais souligné lors du débat budgétaire – vous vous en souvenez, monsieur le ministre – la nécessité d'obtenir d'autres pays qu'ils participent à certaines opérations extérieures auxquelles la France est partie prenante.

Ainsi, en Côte d'Ivoire – vous l'avez souligné, monsieur le Premier ministre –, 2 200 soldats français participent à l'opération Licorne, ce qui représente un coût annuel de 116 millions d'euros. Dans ce pays où la situation est désormais apaisée, il est grand temps que l'Union africaine s'implique davantage. Il faut donc sensibiliser les États africains à la nécessité de prendre part à l'élaboration des listes électorales, alors que les élections viennent d'être à nouveau reportées. Dans ce contexte, l'armée française n'a pas vocation à continuer d'être la seule à s'interposer.

Au Tchad, la France fournit près de 1 200 hommes à l'opération Épervier et près de 1 400 à celle de l'EUFOR. En 2008, la première a coûté 104 millions d'euros et la seconde 130 millions, soit, au total, 234 millions d'euros pour ce seul pays. Or l'opération de l'EUFOR, d'abord humanitaire, n'a pas nécessairement vocation à être exclusivement menée par des militaires professionnels. N'est-il pas temps de retirer une partie de ces forces au profit d'une aide civile ? En outre, conformément à la logique de la LOLF, ne devrait-on pas envisager de consacrer à cette aide les crédits de l'action extérieure de l'État ou de la coopération, plutôt que ceux de la défense ?

Au Kosovo, 1 850 soldats français sont encore stationnés. Le coût financier de cette opération extérieure s'est élevé à 103 millions d'euros en 2008. La récente mise en place de la nouvelle force de sécurité multiethnique témoigne d'un apaisement des tensions et d'une normalisation de la situation. Si les Balkans ont encore besoin d'une aide civile importante, et probablement d'une présence militaire internationale, l'ampleur actuelle de nos forces ne semble plus justifiée. Le retour de la moitié environ de nos hommes semble aujourd'hui envisageable et souhaitable ; nous y souscrivons, monsieur le Premier ministre.

Au Liban, la France est présente dans le cadre de la FINUL, à laquelle participent plus de 1 800 de ses soldats, ce qui a coûté 79 millions d'euros en 2008. Or, si la partie terrestre de la FINUL joue un rôle essentiel pour la stabilité de la région, la FINUL maritime, peu connue, n'a pas fait la preuve de son utilité. Mise sur pied pour permettre à certains pays de participer à la FINUL sans envoyer de soldats à terre, elle a pour objectif d'empêcher tout trafic d'armes vers le Sud Liban depuis la mer. Or, depuis qu'elle existe, elle n'a décelé aucun trafic. Les deux frégates françaises qui participent à cette force seraient donc sans doute plus utiles pour lutter contre la piraterie en mer Rouge.

Précisons enfin, à titre de comparaison, que la présence en Afghanistan de près de 3 000 de nos soldats, qui participent aux opérations Héraclès, Pamir et Épidote, a coûté l'an dernier 237 millions d'euros.

En conclusion, à l'occasion de ce débat bienvenu visant à permettre au Parlement d'autoriser la prolongation des interventions de nos forces armées à l'étranger, j'aimerais appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'adapter de manière réactive notre présence sur certains théâtres extérieurs à notre capacité budgétaire et à la mission de nos forces armées telles que les déterminent les pouvoirs publics – à l'action desquels s'ajoute désormais, grâce à la réforme de la Constitution, le contrôle du Parlement. Merci, monsieur le Premier ministre, de nous permettre ainsi d'en débattre aujourd'hui dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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