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Intervention de Francis Hillmeyer

Réunion du 28 janvier 2009 à 15h00
Autorisation de prolongation de cinq interventions des forces armées à l'étranger — Débat et votes sur une déclaration du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Hillmeyer :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans quelques instants nous serons amenés à nous prononcer sur la poursuite ou non de notre engagement militaire en Cote d'Ivoire, au Liban, au Tchad, en République centrafricaine ainsi qu'au Kosovo. Ce vote ne constituera pas une première, puisque, depuis que le 22 septembre dernier, notre assemblée a autorisé la prolongation de l'intervention militaire française en Afghanistan, nous pouvons pleinement mesurer l'étendue du renforcement des pouvoirs du Parlement permis par la révision constitutionnelle de juillet dernier : la lecture de notre Constitution comme consacrant la notion de domaine réservé est désormais obsolète.

A présent, aux termes de l'article 35 de la Constitution, il revient au Parlement de se prononcer sur l'opportunité d'engager des soldats français sur des théâtres d'opérations extérieurs, décision dont la responsabilité revenait auparavant au seul pouvoir exécutif, en dépit de leur extrême gravité et de leur caractère décisif pour l'avenir de notre pays comme pour l'idée que nous faisons de sa place dans le monde. Aussi, c'est avec une certaine gravité que nous abordons ce débat : la décision que nous apprêtons à prendre engage, outre notre pays, le destin d'hommes et de femmes qui ont fait le choix noble et courageux de servir dans nos armées, au risque, comme nous l'a tragiquement rappelé l'embuscade de la vallée d'Uzbeen en août dernier, de perdre la vie.

Philippe Folliot a évoqué les opérations menées en Cote d'Ivoire, au Liban, au Tchad ainsi qu'en République centrafricaine. Je voudrais, au nom des parlementaires du Nouveau Centre, concentrer mon propos sur le Kosovo, où la France se trouve engagée militairement depuis maintenant près d'une décennie.

En 1999, pour mettre fin aux atrocités commises au Kosovo par le pouvoir de Belgrade dans son entreprise de purification ethnique, et pour préserver la stabilité aussi fragile que chèrement acquise des Balkans occidentaux, c'est ensemble que Jacques Chirac et Lionel Jospin choisirent d'engager la France aux côtés de ses alliés de l'Otan. Face à la véritable tragédie humaine alors en cours, indéniablement, la France devait engager sa responsabilité en joignant ses forces à celles de ses alliés pour que ces atrocités prennent au plus vite fin.

Ainsi les forces militaires françaises, notamment aéronavales, ont-elles largement participé au dispositif mis en place par l'OTAN dans le cadre de l'opération Force alliée, dispositif qui permit en 78 jours pas moins de 25 000 sorties aériennes sur les moyens des forces militaires et paramilitaires serbes présentes au Kosovo ainsi que sur les infrastructures de l'Etat serbe en Serbie même.

La France a largement participé à l'effort entrepris par la communauté internationale pour la constitution puis l'entrée de la KFOR en territoire kosovar, en y envoyant plus de 6 000 de ses soldats afin de prévenir toute reprise des hostilités, d'entreprendre la démilitarisation et le désarmement de l'UCK ainsi que d'établir un environnement sécurisé permettant le retour des réfugiés et l'établissement d'une administration intérimaire.

En figurant, de 1999 jusqu'à aujourd'hui, parmi les premiers contributeurs à la KFOR mais aussi en prenant la responsabilité de la zone Nord du Kosovo, la plus sensible, la France a choisi de remplir une mission de sécurisation et de reconstruction des plus difficiles, comme l'ont montré les affrontements qui ont embrasé la région de Mitrovica en mars 2004 et les tensions qui ont suivi la proclamation de l'indépendance, le 17 février dernier, par l'Assemblée du Kosovo.

Aussi, je souhaite rendre un hommage appuyé à nos soldats qui s'acquittent au Kosovo avec un remarquable professionnalisme d'une mission parmi les plus complexes et les plus exigeantes qui puissent être confiées à une armée moderne, aux hommes et aux femmes du 152e Régiment d'Infanterie de Colmar, revenus de mission voici une semaine, ainsi qu'à ceux de la Brigade Franco-allemande et des autres unités qui viennent tout juste de rejoindre le bataillon français du Kosovo.

La France reste aujourd'hui, avec 1 850 hommes toujours déployés sur le terrain, l'une des nations les plus fortement engagées dans la KFOR. Elle l'est également dans la mission civile EULEX déployée par l'Union européenne pour aider les autorités kosovares à construire un véritable État de droit. C'est là la condition indispensable à une pacification, ainsi qu'à un développement économique viable, et la condition préalable à toute réduction progressive de la présence militaire internationale au Kosovo.

La présence de cette mission civile s'inscrit également dans une stratégie européenne plus large et visant à appuyer la mise en place de réformes institutionnelles et économiques dans l'ensemble des États des Balkans occidentaux par la signature d'accords de stabilisation et d'association. À ce titre, nous ne pouvons que nous réjouir de la conclusion en avril dernier d'un tel accord avec la République de Serbie. À l'issue de négociations longtemps ajournées ou suspendues, cette signature est venue concrétiser l'orientation européenne du peuple serbe et le courage politique dont a fait preuve son gouvernement sur le plan notamment de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie. À l'heure actuelle, quarante-quatre des quarante-six criminels de guerre recherchés ont été livrés au TPIY. Si la mise en oeuvre effective de cet accord reste conditionnée à la reconnaissance par l'ensemble des États membres de la pleine coopération des autorités serbes avec le Tribunal de La Haye, et si celles-ci doivent encore faire tout ce qui est en leur pouvoir pour arrêter les deux derniers fugitifs, dont Ratko Mladic, il n'en demeure pas moins que cette signature constitue pour l'avenir de cette région des Balkans occidentaux un signe des plus encourageants.

L'ultime décennie du XXe siècle a été celle du retour en Europe des anciens États satellites de l'Union soviétique, mais également celle du retour de la guerre et de son cortège d'atrocités au coeur même de notre continent. Alors que l'effondrement du Rideau de fer devait enfin sonner l'heure de l'Europe, les Balkans occidentaux et l'ancienne Yougoslavie furent le théâtre privilégié des limites de la Politique extérieure et de sécurité commune annoncée à Maastricht. En novembre 1995, les accords conclus sur la base américaine de Dayton sanctionnaient de manière spectaculaire les lacunes de la construction européenne.

Pourtant, en adoptant par la suite une stratégie d'intervention précoce dans les zones présentant des risques d'embrasement, l'Union européenne a obtenu des résultats tout à fait remarquables. Je pense notamment à l'intervention dans l'ancienne République Yougoslave de Macédoine, qui a permis en 2000 une stabilisation efficace de ce pays, désormais officiellement candidat à l'adhésion à l'Union.

Dans un contexte budgétaire contraint, il nous faut toujours vérifier avec la plus grande vigilance l'adéquation des moyens déployés avec les objectifs poursuivis sur le terrain. Mais la présence militaire française au Kosovo, fruit d'un exemplaire consensus au sein du pouvoir exécutif voici près de dix ans, reste aussi nécessaire que décisive pour la stabilité des Balkans occidentaux que pour la sécurité des populations civiles du Kosovo. Dans un État en construction et sur un territoire connaissant de profondes mutations, la KFOR constitue de plus un point d'ancrage indispensable pour les autorités comme pour les populations du Kosovo. A ce titre, les parlementaires du Nouveau Centre voteront en faveur de la prolongation de l'intervention militaire française dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

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