Certes, l'évolution n'est pas linéaire : l'état du monde est fluctuant. Il y a, par exemple, eu des pics, en 1993 ou 1996, où le surcoût a atteint presque 1,2 milliard d'euros.
Cependant, au final, le total cumulé s'élève à près de 20 milliards d'euros avec une augmentation constante depuis 2000 et, tout de même, une hausse de plus de 40 % entre 2006 et 2008 à effectifs presque constants. L'inflation de ces surcoûts doit donc impérativement être maîtrisée, cette maîtrise passant naturellement par une meilleure organisation des troupes, une sorte de RGPP des OPEX. Une meilleure organisation peut signifier le retrait de tout ou partie des troupes lorsque c'est possible et nécessaire.
Je pense ici naturellement à la Côte d'Ivoire. De nombreux orateurs en ont parlé, des annonces ont d'ores et déjà été faites. Ainsi, avez-vous annoncé, monsieur le ministre, qu'en 2009 la France retirera progressivement des troupes de Côte d'Ivoire jusqu'à la fin de l'opération Licorne. Cette décision nous apparaît parfaitement justifiée et nous la soutenons sans réserve. La situation semble en effet le permettre puisque l'objectif recherché est atteint : le pays est sécurisé et politiquement beaucoup plus stable ; et si l'élection présidentielle a encore une fois été repoussée au mois de septembre, c'est avec l'accord des partis de l'opposition. En outre, bien que populaire, l'opération Licorne est aujourd'hui une opération de soutien à la mission de l'ONU. Dans ce cadre stabilisé, notre force de réaction rapide est de moins en moins utile et justifiée.
La présence de la France dans cette région du monde s'expliquait également par son histoire particulière avec le pays, mais elle a aujourd'hui toutes les raisons de se retirer sereine, ce retrait devant néanmoins naturellement respecter les délais prévus par les résolutions de l'ONU.
Voilà donc quelques « potentielles » économies – l'opération Licorne et les forces de soutien à l'ONUCI nous coûtent chaque année 116 millions d'euros – qui vont être réalisées au cours de cette année. Reste à savoir ce qu'il en sera fait. C'est une question que l'on est en droit de se poser et de vous poser, monsieur le ministre. En effet, lors de la RGPP relative à la défense, vous aviez annoncé que tout ce qui serait économisé grâce à la rationalisation de la gestion du ministère et à la réorganisation des forces sur notre territoire, devrait bénéficier aux armées d'une manière ou d'une autre, en tout cas en totalité. Que vont donc devenir ces éventuelles économies nouvelles ? Entreront-elles dans le droit commun ou seront-elles totalement réaffectées au ministère de la défense ? Pouvez-vous nous donner quelques éclaircissements sur ce point ?
L'aspect géopolitique est le deuxième que j'aborderai car, s'il faut avoir le courage de dire que cet engagement de la France lui coûte cher et qu'il est nécessaire d'envisager des solutions d'une meilleure organisation à moindre coût, il ne faut pas laisser croire que cette dimension financière soit l'unique grille de lecture, l'alpha et l'oméga de la prise de décision finale quant à l'opportunité de quitter ou non le théâtre d'une opération.
Il ne faut pas laisser croire que la situation sur le terrain n'est pas une variable centrale dans le choix du maintien ou non, du renforcement ou non de la présence de nos troupes. Ainsi, il faut comparer avec précision les résultats obtenus par rapport aux objectifs initialement fixés et envisager l'engagement de nos soldats au regard de la situation présente. Il est clair, à ce titre, que les opérations menées au Tchad et au Liban ne laissent envisager au minimum qu'un maintien des troupes en présence. Certes, nous avons obtenu des résultats tangibles : au Tchad, les attaques contre les ONG et les populations civiles diminuent ; au Liban, l'arrêt des affrontements semble durer. Pourtant, la situation sécuritaire et humanitaire au Darfour est telle qu'il est aujourd'hui inenvisageable de prévoir le retrait de nos troupes.
L'opération Épervier doit être poursuivie et l'EUROFOR se retirera à la fin de son mandat pour être remplacée par les troupes de la MINURCAT. La présence sur ce théâtre sera donc assurée, tout comme elle doit l'être pour le Liban. Les soldats de la FINUL doivent rester en poste. Non pas parce que le Liban serait à nouveau dans la tourmente, mais parce que les événements récents ont prouvé que la région pouvait s'embraser à tout moment.