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Séance en hémicycle du 29 septembre 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • immigration
  • intégration
  • nationalité
  • parents

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant du retrait de l'ordre du jour du jeudi 30 septembre au matin du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement d'Antigua et Barbuda relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Antoine Herth, député du Bas-Rhin, d'une mission temporaire auprès de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures dix pour le groupe UMP, de dix heures cinquante pour le groupe SRC, de quatre heures sept pour le groupe GDR, de quatre heures sept également pour le groupe Nouveau Centre et de trente-quatre minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le ministre de l'immigration,de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, je souhaiterais revenir sur deux contrevérités que vous avez énoncées hier, lorsque vous vous êtes défendu de vouloir rendre automatique l'IRTF, autrement dit l'interdiction du retour en territoire français.

Sur ce point, tout d'abord, la commission a voté une disposition juridiquement très précise, puisque le texte dispose que l'autorité administrative peut prendre une IRTF si aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français et si l'étranger n'a pas respecté son obligation de quitter le territoire. C'est donc bien que l'IRTF est automatique, comme nous l'avions indiqué.

Par ailleurs, pour justifier l'allongement de la durée de la rétention de trente-deux à quarante-cinq jours, vous avez argué du fait que plusieurs pays émergents ou du Sud demandaient de disposer d'un délai plus long pour identifier leurs ressortissants. Vous en avez cité trois : le Maroc, le Vietnam et le Pakistan. Nous nous sommes donc renseignés sur la situation des ressortissants marocains. Or, les statistiques révèlent qu'en 2009, sur 1 698 Marocains reconduits dans leur pays, 1619, c'est-à-dire 95 %, l'ont été durant les dix-sept premiers jours de rétention. Ainsi, bien que la majorité des Marocains placés en rétention soient dépourvus de passeports, le délai de reconduite a presque toujours été inférieur à trente-deux jours. Quant à la situation des Pakistanais et des Vietnamiens, elle est très marginale et confirme la fragilité des arguments que vous utilisez pour justifier votre décision inacceptable. En effet, en 2009, seuls 501 ressortissants pakistanais et 447 ressortissants vietnamiens ont été placés en rétention sur – écoutez bien, mes chers collègues – 29 013 étrangers retenus… Une partie d'entre eux ayant été reconduits à la frontière, ceux qui n'ont pu l'être représentent une infime partie du nombre total des étrangers placés en rétention.

Force est donc de constater que le nombre des ressortissants des pays que vous avez pris pour exemple est extrêmement marginal et qu'il ne justifie pas l'allongement du délai de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Comme chacun l'aura compris, à commencer par M. Mamère lui-même, il ne s'agissait pas d'un rappel au règlement. Son intervention sera donc, conformément au règlement, décomptée du temps de parole de son groupe. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

La parole est à M. Christophe Caresche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Alors que nous nous apprêtons à entamer la discussion des articles d'un projet de loi qui vise notamment à transposer trois directives européennes, il vient de se produire un fait important : la Commission a décidé d'ouvrir contre la France une procédure d'infraction devant la Cour européenne pour mauvaise transposition de la directive sur la libre circulation. Elle demande en outre à la France qu'elle lui fournisse des informations précises sur chacun des individus concernés par les expulsions intervenues cet été. Je considère que cette décision est un camouflet pour notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Manifestement, la Commission européenne n'a pas été convaincue par les explications fournies par le gouvernement français.

Au moment où nous examinons ce projet de loi, il conviendrait que le Gouvernement dépose un certain nombre d'amendements afin de transposer correctement la directive « libre circulation » et de répondre ainsi aux préoccupations de la Commission. À ce propos, monsieur le ministre, nous souhaiterions que vous retiriez les dispositions que vous avez introduites dans le texte et qui alourdissent davantage encore le contentieux de notre pays avec la Commission sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement s'agissant de la décision de la Commission européenne et les délais dans lesquels vous avez l'intention de lui répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le président, je souhaitais faire un rappel au règlement similaire à celui de Christophe Caresche. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

J'ajouterai néanmoins un argument. Il se trouve que M. Besson…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. M. le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…cite très souvent des ministres, des Premiers ministres, voire des Présidents de la République socialistes…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…mais en dénaturant souvent la teneur des décisions qu'ils ont prises et les options qui ont présidé aux politiques qu'ils ont menées. Il a ainsi mis en cause Paul Quilès, qui lui a adressé une lettre afin de lui rappeler les raisons qui l'ont conduit à créer les zones d'attente en 1992.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je souhaiterais que M. Besson fasse état de cet échange épistolaire, dans lequel Paul Quilès rappelle que la création des zones d'attente avait pour objectif une régulation des flux migratoires protectrice des droits individuels,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…alors que la politique que le Gouvernement s'apprête à mettre en oeuvre les réduit.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Bien entendu, ces deux derniers rappels au règlement seront également décomptés du temps de parole du groupe SRC.

La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, ma réponse tiendra en trois points distincts.

Lors de la discussion des amendements, j'aurai l'occasion de répondre très précisément à Noël Mamère et de lui expliquer pourquoi je persiste et signe. Pour ce qui est des délais de rétention – le rapporteur vous en dira quelques mots, je crois, dans un instant –, la réponse est extrêmement simple : la France est le pays dans lequel les délais de rétention sont les plus courts – trente-deux jours. Et, si vous acceptez de voter le projet qui vous est proposé par le Gouvernement, cela sera toujours le cas : nous passerons à quarante-cinq jours alors que, chez nos voisins européens, les délais de rétention s'échelonnent de soixante jours à trois mois, six mois, huit mois, dix-huit mois, vingt-quatre mois et même à une durée illimitée chez certains. Prenons donc acte que la France a, et aura toujours, après le vote éventuel du texte, les délais de rétention les plus courts d'Europe. En outre, je confirme qu'un certain nombre de pays, notamment ceux qui ont été cités, mais d'autres également, nous demandent d'allonger ces délais afin de pouvoir vérifier la nationalité d'un certain nombre de leurs ressortissants – nous y reviendrons très longuement.

À Christophe Caresche, je veux dire que je viens de prendre connaissance très rapidement des premières conclusions de la Commission et que je me réserve le droit d'affiner ma réponse en fonction des développements susceptibles d'intervenir au cours de l'après-midi. En tout état de cause, la décision de la Commission est loin d'être un camouflet pour la France, bien au contraire. Tout d'abord, et c'est le point le plus important, la Commission reconnaît qu'il n'y a pas eu de discriminations,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…que ce soit dans le cadre des démantèlements de campements illégaux ou dans celui des reconduites à la frontière. Ce point, dont vous parliez le plus abondamment depuis quarante-huit heures, est donc acté. La Commission prend expressément acte des garanties données par la France ; elle aura, sur un certain nombre de points, des explications à nous demander et nous les lui donnerons comme nous les avons toujours données.

À ce propos, je veux évoquer un point juridique qui dépasse très largement le cadre de la circulaire 200438, puisqu'il concerne de manière générale les relations entre la Commission et la France au sujet de la transposition des directives. La Commission considère que tous les éléments contenus dans une directive doivent être transposés ; la France estime quant à elle que les éléments existant déjà en droit positif – par exemple l'individualisation des peines, la personnalisation, la confidentialité – n'ont pas à être transposés. Ce débat juridique n'est pas nouveau ; il se poursuivra, la Commission nous posera encore des questions. Mais quoi qu'il en soit, je vous en prie, réjouissons-nous tous que la France n'ait pas, contrairement à ce que vous avez indiqué, subi un camouflet. Notre pays sort la tête haute de l'échange qu'elle a eu avec la Commission. C'est une bonne nouvelle pour tout le monde, notamment pour tous les Républicains.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Madame Mazetier, soyons clairs : je ne prétends pas que l'action que je mène au nom du Gouvernement s'inscrit dans la tradition des gouvernements ou Président de la République de gauche : chacun son histoire…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Mais lorsque vous mettez en cause la rétention administrative ou l'existence de chambres familiales dans les centres de rétention, souffrez que je rappelle que les premiers ont été créés par François Mitterrand…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…et les secondes par le gouvernement de Lionel Jospin.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je n'ai rien dit d'autre.

Enfin, le projet de loi qui vous est soumis crée une zone d'attente temporaire. Les droits et les devoirs, les obligations et la protection de l'étranger en situation irrégulière y sont exactement les mêmes que dans une zone d'attente. Vous hurlez en affirmant qu'il s'agit d'une zone de non-droit et que cette mesure est liberticide. Je me contente de vous rappeler que celui qui a créé les zones d'attente s'appelle Paul Quilès, ministre du gouvernement Bérégovoy, et que cette mesure avait été saluée comme une grande avancée démocratique protectrice des libertés individuelles. On ne peut pas être protecteur des libertés individuelles sous un gouvernement de gauche et liberticide sous un autre gouvernement… Donc, je persiste et signe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Si, et nous allons vous le démontrer : vous ne respectez pas l'équilibre !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

J'aurai peu de choses à ajouter à ce que vient de dire M. le ministre, et je ne souhaite pas que la séance de cet après-midi ressemble à celle d'hier soir. M. Mamère…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'est plus là !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

…a déclaré hier qu'en France on pratique désormais « une politique qui pue ». Mais comme l'a dit Éric Besson, citez-moi un seul des vingt-sept pays de l'Union européenne dans lequel la durée de rétention serait plus courte qu'en France.

Le Gouvernement socialiste de M. Zapatero l'a fixée à soixante jours ; la Grèce, elle aussi socialiste, à un an ; pour le Gouvernement britannique, travailliste, elle est illimitée, de même que pour les États scandinaves – Danemark, Finlande, Suède – et les Pays-Bas. Et vous continuez à affirmer qu'avec une durée de quarante-cinq jours, la plus courte d'Europe, c'est nous qui serions liberticides ? Il me semble que vous manquez un peu de réalisme !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et d'honnêteté !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Par ailleurs, quand vous nous accusez de pratiquer une politique d'immigration « qui pue », ne voyez-vous pas que le démenti le plus flagrant vous est apporté par tous ceux qui, dans le monde, se sentent opprimés ? Nous sommes aujourd'hui le deuxième pays au monde pour les demandes d'asile politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

En dépit de vos déclarations et de vos accusations, quand des gens sont victimes d'oppression dans leur pays d'origine, le deuxième pays au monde auquel ils rêvent, c'est la France ! Avec Nicolas Sarkozy, nous avons même progressé dans ce domaine, puisque nous n'occupions précédemment que le troisième rang.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Ce doit être grâce aux délinquants fiscaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Franchement, nous sommes bien loin de la politique « qui pue » décrite par les écologistes et par M. Dray pour le parti socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Sur l'intitulé du titre premier, je suis saisi d'un amendement n° 36 .

La parole est à M. Christian Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'amendement n° 36 est de nature sémantique : il consiste à remplacer l'intitulé du titre Ier – « Dispositions relatives à la nationalité et à l'intégration » – par « Dispositions relatives à l'immigration contractuelle ».

Reconnaissons que la nationalité et l'intégration n'ajoutent rien, puisque ces deux termes figurent déjà dans le titre générique de la loi. Mais surtout, il m'a semblé important de souligner que, depuis que Nicolas Sarkozy a défini une ligne politique en matière d'intégration, on a souvent employé une expression qui peut être perçue de façon négative, celle d'immigration « choisie », qui évoque irrésistiblement l'idée d'une disparité, d'une inégalité : quelqu'un choisit, quelqu'un est choisi.

Or ce qui saute aux yeux à la lecture de ce texte, et ce qui en constitue l'aspect le plus positif, c'est la notion de contrat, donc de volonté de la personne. Qu'est-ce qu'un contrat, si ce n'est un accord de volontés ? L'exposé des motifs ne dit pas autre chose en soulignant que l'immigration doit conjuguer l'accord du pays d'origine, qui a besoin qu'une partie de sa population émigre, du pays d'accueil, qui a besoin qu'un certain nombre d'immigrés viennent travailler sur son territoire, et du migrant lui-même, qui cherche du travail. J'ai, dans ma circonscription, une ville jumelée avec le cercle de Kayes, au Mali : si un certain nombre de Maliens du cercle de Kayes ne venaient pas travailler en France, on crèverait de faim dans cette région du Mali !

Les deux éléments les plus importants de ce texte, qui font l'objet de ses cinq premiers articles, sont deux contrats. Les dispositions relatives à la nationalité s'appuient essentiellement sur la charte des droits et des devoirs. Or, monsieur le ministre, l'idée de cette charte vous est venue lorsque vous avez été interrogé par un jeune immigré qui vous a dit : « Ce que l'on souhaiterait, c'est signer un contrat. » Nous avons alors approuvé à l'unanimité un amendement socialiste visant à ce que la charte en question soit portée à la connaissance de tous les jeunes Français, et pas seulement des immigrés, car tous les Français qui deviennent citoyens doivent adhérer à cette charte. Cette charte, que nous avons applaudie à deux mains, n'est rien d'autre qu'un contrat.

Quant à l'intégration des immigrés, qui n'ont pas forcément vocation à devenir français, elle est régie par un autre contrat, le contrat d'accueil et d'intégration. Si un immigré fait preuve d'une volonté d'intégration particulièrement marquée, il bénéficie d'une accélération du processus d'acquisition de la nationalité. À l'inverse, une mauvaise volonté de sa part se traduira par la perte, le retrait ou la déchéance de la nationalité, en fonction du degré de mauvaise volonté.

Autrement dit, ne ratons pas l'occasion de dire qu'il y a dans cette loi un aspect extraordinairement positif…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

« Extraordinairement positif ! » Voilà l'expression que je cherchais !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

…celui qui montre notre volonté de bâtir une immigration dans le respect des personnes et l'égalité de ceux qui accueillent et ceux qui seront accueillis. Tel est le sens de ma proposition. Je reconnais qu'elle est plus philosophique que juridique, et je le revendique même !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

la parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

La proposition de notre collègue Christian Vanneste, professeur de philosophie, est effectivement plus philosophique que juridique, comme il le reconnaît lui-même. J'estime pour ma part que si l'immigration est bien régie par un contrat d'accueil et d'intégration, sa première étape, à savoir la venue sur le sol français, ne peut pas être envisagée sous la forme d'un contrat. Avec toute ma sympathie philosophique, je suis donc au regret d'émettre un avis défavorable, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

la parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Mon avis sera le même que celui exprimé par le rapporteur, monsieur le président. Je me contenterai d'apporter une nuance à ce qui a été dit : pour moi, le mot « choisi » n'est pas péjoratif. Comme je l'ai dit hier à la tribune, la plupart des pays européens ont retenu cet adjectif. Traduit dans leurs langues respectives, il est devenu l'expression de la politique européenne.

J'ajoute que l'on peut se choisir mutuellement, ce n'est pas un acte unilatéral. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Comme c'est beau ! Vive les mariés !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Enfin, le choix est une prérogative régalienne : même si je suis sensible à la notion de « donnant-donnant », d'échange, l'octroi du titre de séjour est une prérogative régalienne de l'État qu'il convient de préserver.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je le maintiens pour le principe, car il est des moments où l'étroitesse du juridisme me déplaît profondément. J'estime qu'il faut donner un peu plus d'ampleur à nos convictions politiques.

(L'amendement n° 36 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er A.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Nous proposions depuis longtemps de sortir la question de l'immigration de la stigmatisation, de l'instrumentalisation et du champ de la polémique. À cette fin, il nous a semblé qu'une voie permettait d'associer toutes les parties concernées par la question – les collectivités locales, les partenaires sociaux, les parlementaires que nous sommes – à l'élaboration et à l'énoncé de règles claires, strictes, stables, et d'orientation d'une politique migratoire qui pourrait être réévaluée tous les trois ans, réorientée si besoin est, ou confirmée si elle satisfait les objectifs définis.

Or le Gouvernement s'apprête à supprimer ce qui était devenu l'article 1er A de ce projet de loi, manifestant ainsi un refus absolu de voir naître un consensus sur la politique migratoire, qui devrait pourtant être élaborée et évaluée collectivement. Nous considérons pour notre part que les règles valent mieux que le désordre, que la transparence vaut mieux que l'opacité, et que la délibération collective et les choix démocratiques assumés valent mieux que les coups de menton et les diversions qui vous tiennent lieu de politique, monsieur Besson. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je reviens sur la réponse que M. le ministre nous a donnée au sujet de la décision de la Commission européenne, je ne crois pas que le différend soit simplement juridique. En réalité, la Commission reproche au Gouvernement français de ne pas avoir introduit dans la législation un certain nombre de garanties procédurales, le même reproche étant d'ailleurs formulé au sujet des conditions dans lesquelles les expulsions ont eu lieu cet été. Il ne s'agit pas là de formalisme juridique, mais de problèmes de fond : selon la Commission, la France a une conception insuffisamment protectrice des droits des immigrés en matière d'éloignement. Je pense, monsieur le ministre, que vous aurez à répondre sur cette question.

Notre commission avait adopté, sinon à l'unanimité, du moins à une grande majorité, un amendement visant à ce qu'un débat ait lieu et qu'un rapport soit régulièrement rendu sur les politiques d'immigration. Comme cela a été dit hier, notamment par M. Goasguen, c'est un débat éminemment politique – et pour notre part, nous ne craignons pas de le mener. Je voudrais rafraîchir la mémoire de nos collègues, notamment celle de notre rapporteur : en 2006, une disposition similaire avait déjà été introduite, selon laquelle le Gouvernement présenterait chaque année au Parlement, dans son rapport sur les orientations de la politique d'immigration – un rapport que nous avons désormais – des objectifs quantitatifs pluriannuels. Il était précisé que le rapport indiquerait, à titre prévisionnel, le nombre, la nature et les différentes catégories de visas de long séjour et de titres de séjour qui seront délivrés au cours des trois années suivant l'année de sa remise au Parlement, en distinguant l'admission au séjour aux fins d'emploi, aux fins d'étude et pour motifs familiaux. Le rapport remis au Parlement en juillet 2006 devrait comporter, pour la première fois, ces objectifs quantitatifs prévisionnels.

Aujourd'hui, force est de constater que cette disposition n'a jamais été mise en oeuvre. À l'époque, la majorité nous avait expliqué qu'il fallait s'inscrire dans une politique de régulation de l'immigration – notamment en distinguant l'immigration familiale de l'immigration professionnelle – et qu'il fallait que le Parlement puisse se fixer chaque année un certain nombre d'orientations, voire d'objectifs quantitatifs, sur ces questions. En réalité, ni la majorité ni le Gouvernement n'ont appliqué ces dispositions. Pourquoi n'ont-elles jamais été mises en oeuvre, monsieur le rapporteur ? Pourquoi n'avez-vous jamais présenté au Parlement des éléments prévisionnels, des éléments d'orientation programmatique sur la politique de l'immigration, alors que vous vous étiez engagés à le faire ? Voilà qui jette un doute sur votre volonté déclarée de mener dans ce domaine une politique programmée, établie en fonction d'orientations prédéfinies.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Vous ne l'avez pas fait, et vous vous êtes expliqué sur ce point lors de l'audition de la commission Mazeaud, monsieur le rapporteur. Je le répète, cela jette un sérieux doute sur la manière dont vous prétendez traiter cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Nous serions donc des affreux, car nous foulerions aux pieds les droits de l'homme en légiférant pour la cinquième fois sur la question de l'immigration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Je vous rassure, chers collègues de gauche : nous continuerons à légiférer tant que cela sera nécessaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

…et si, par malheur, vous reveniez au Gouvernement, vous continueriez de légiférer dans le même sens que nous.

Nous serions des affreux, en transposant en droit français trois directives – une directive sur le retour, une autre sur la « carte bleue » européenne, une troisième relative aux sanctions applicables aux employeurs.

Nous serions des affreux en allongeant la durée de rétention administrative, qui reste pourtant la plus courte d'Europe, comme vient de le rappeler notre cher rapporteur.

Nous serions des affreux en mettant en place une procédure accélérée d'accès à la nationalité française, réduisant le stage de cinq ans à deux ans pour celles et ceux montrant une réelle volonté d'intégration, notamment par l'obtention de diplômes supérieurs et une vie paisible dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous serions des affreux en conditionnant l'accès de la nationalité française à la signature d'une charte des droits et devoirs du citoyen. Oui, mes chers collègues, la France a des principes ; nous avons des principes et nous devons les défendre !

Nous serions des affreux en soutenant le Gouvernement dans sa volonté affirmée de faire respecter la légalité de nos engagements internationaux envers les citoyens roumains et les Roms, qui n'ont pas le droit de séjourner en France plus de trois mois, conformément aux accords d'adhésion à l'Union européenne. Les leçons de morale, les cris d'orfraie, ont fusé : la France systématiserait cette minorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Que n'avez-vous protesté lorsque M. Prodi, ministre et président du Conseil italien socialiste, a pris un décret, le 31 octobre 2007, pour reconduire les Roms dans leur pays selon une procédure totalement administrative ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Que n'avez-vous dit quelque chose lorsque M. Prodi – encore – a déclaré qu'il fallait revoir le droit de libre circulation en Europe, alors même qu'il est un ancien président de la Commission ?

Nous serions des affreux parce que l'ONU nous a condamnés. Mais de quelle ONU s'agit-il ? Celle qui élit M. Kadhafi au Conseil des droits de l'homme ! (Exclamations vives et prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Celle où, lors d'une réunion de la sous-commission de la protection des droits de l'homme, le délégué américain pointe du doigt la France, oubliant qu'il a lui-même des doigts pointés sur lui car il n'a pas protesté lorsque la garde nationale américaine a tiré comme des lapins des citoyens américains – noirs pour la plupart – au moment de la catastrophe produite par Katrina ! Il y a quand même des limites à l'hypocrisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Nous serions des affreux car nous voulons ajouter un cas emblématique à l'article 25 du code civil pour la déchéance de la nationalité, alors que c'est un principe reconnu par le droit international positif et pratiqué par tous les États du monde, quels qu'ils soient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Monsieur le ministre, ces attaques sont une double insulte. C'est d'abord une insulte à la France, qui, comme vous l'avez dit, pratique toujours avec humanisme l'accueil des étrangers. Elle les soigne, elle les éduque, même quand ils sont en situation irrégulière,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

…ce qui donne sans doute lieu, dans certains cas, à de réels abus. C'est ensuite une insulte à la situation internationale, car les flux migratoires sont un défi majeur et déstabilisant pour le monde. Relisez, mesdames et messieurs, les rapports de l'ONU et de l'OCDE : c'est bien le défi majeur auquel nous devrons faire face dans les années qui viennent.

Or on ne répond pas à ce défi avec de l'angélisme pétri de polémique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est en ouvrant les yeux, en faisant respecter nos lois, en offrant, comme vous le faites avec le contrat d'accueil et d'intégration, un réel partenariat aux émigrés qui entrent chez nous, et en aidant les pays d'émigration que nous pourrons relever ce défi majeur.

Alors, mesdames et messieurs de la gauche, cessez de faire des procès en sorcellerie à cette majorité et à la France. Au bal des faux-culs et des hypocrites, vous avez pris un abonnement ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Mallot, je vous en prie.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Nous apprécions, comme toujours, la nuance et la pondération de notre collègue Jacques Myard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Convenons qu'il y a parfois, dans l'attitude du Gouvernement comme dans la vôtre, chers collègues de droite, une énorme contradiction : d'un côté, vous nous répétez que les socialistes n'ont aucune proposition à faire, aucune idée en matière de régulation de l'immigration et du traitement des immigrés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

…de l'autre vous ne cessez de faire référence à François Mitterrand, à Jean-Pierre Chevènement, à Paul Quilès et à d'autres en vous appuyant sur ce qu'ils ont réalisé, par exemple les centres de rétention. On ne peut pas soutenir en même temps deux choses aussi contradictoires ! Il faut choisir dans votre argumentation, sinon vous dites n'importe quoi.

Merci, en tout cas, de rendre hommage dans cet hémicycle à l'action des socialistes dans le domaine de l'immigration…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

…et à leur pondération.

Je remarque toutefois que, si vous vous appuyez sur cet état de faits, vous oubliez de dire que vous vous en servez comme d'un prétexte et que vous aggravez les choses, notamment s'agissant du juge d'application des peines et du juge judiciaire, sans oublier bon nombre d'autres dispositions.

Vous prenez donc ce qui vous paraît favorable et ensuite vous le traitez à votre manière. Mais ce n'est pas la même chose ; vous faites du Canada Dry !

En ce qui concerne les directives que nous avons à transposer, je dirais pour ma part qu'il y en a non pas trois, mais quatre, car vous avez oublié la directive élyséenne, qui n'est pourtant pas la moindre !

Le pitoyable été que nous avons connu, avec l'affaire des Roms et cette circulaire tantôt avouée, tantôt désavouée et réécrite, stigmatisant cette ethnie, est indigne de la France. Je comprends que vous soyez mal à l'aise sur ce thème, car les nuages s'amoncellent sur le Gouvernement. Et ce ne sont pas les « merveilleux nuages » de Baudelaire, encore moins ceux de Django Reinhardt ! « Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

L'intervention provocatrice de notre collègue Jacques Myard – mais c'est chez lui une habitude – m'amène à vous soumettre quelques réflexions.

Pour commencer, il ne devrait pas y avoir, sur les différents bancs de notre hémicycle, d'un côté les affreux – qui pourraient de surcroît être sales et méchants, pour reprendre le titre d'un film de Scola (Murmures sur les bancs du groupe UMP) – et de l'autre des faux-culs et des hypocrites. Il devrait y avoir avant tout des hommes et des femmes considérant, en leur âme et conscience, que nous sommes là aujourd'hui pour parler d'un des défis sur lesquels nous avons, les uns et les autres, à réfléchir, en l'occurrence la manière de répondre à ce que sera l'immigration dans les années et les décennies qui viennent. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls concernés, puisque le problème a une dimension internationale.

Claude Goasguen – pardonnez-moi, mais j'ai les références qui me sont données par le débat –…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

…nous a rappelé hier que c'était là une question qu'il ne fallait pas éluder.

Il y a deux façons de répondre à cette interpellation de M. Goasguen. Il y a une réponse fermée, sécuritaire et recroquevillée, qui fait fi de la dignité humaine et d'un certain nombre de personnes qui vivent sur notre territoire, et il y en a une autre, qui consiste à prendre le problème dans toutes ses dimensions et à travailler réellement, et à égalité, avec les pays à fortes migrations, pour chercher à savoir comment on peut réguler ces vagues migratoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Par ailleurs, je pense que l'on fait une confusion, sur les bancs de la majorité – ou du moins on fait semblant de confondre, de façon à ce que la confusion gagne l'opinion publique – entre, d'une part, la politique des flux migratoires, qui concerne l'arrivée sur le sol français ou sur le sol européen et qui devrait effectivement être une préoccupation, ou en tout cas un projet, quelle que soit d'ailleurs notre couleur politique, et, d'autre part, la politique qui vise ceux qui sont déjà sur le territoire. Je répète d'ailleurs, s'agissant de ces derniers, que certains d'entre eux y séjournent depuis de nombreuses années et sont devenus sans-papiers au fil des révisions législatives qui les ont amenés à cet état, alors qu'ils ne l'étaient pas au départ.

Ce sont là deux sujets différents. Je le dis avec force, parce que j'ai le sentiment qu'on veut nous faire croire qu'il y a aujourd'hui une sorte de risque, de péril migratoire qui serait l'objet du débat d'aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Or ce n'est pas le cas.

Je souhaite vraiment que l'on en revienne aux personnes qui sont aujourd'hui sur notre territoire et qui méritent d'y rester. Et pour ce qui est des comparaisons avec d'autres pays européens, je note que bon nombre d'entre vous ne relèvent pas que certains pays, comme l'Espagne ou l'Italie, ont, à certains moments, régularisé des dizaines de milliers de personnes sans papiers.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ils le regrettent !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Sur l'article 1er A, je suis saisi d'un amendement n° 148 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je ne commenterai que très peu les points qui viennent d'être évoqués. Je dirai simplement à Christophe Caresche qu'il n'a pas à ressentir de regret ou de dépit en constatant que la Commission n'a pas ouvert de procédure d'infraction contre la France.

Ne regrettez pas que la Commission prenne acte du fait qu'il n'y a pas eu de discrimination tout au long de l'été.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je comprends bien que vous auriez aimé pouvoir commencer cette séance en brandissant l'argument de la France montrée du doigt et condamnée à Bruxelles. Ce n'est pas le cas ; réjouissons-nous ensemble !

Pour ce qui concerne l'amendement n° 148 , le groupe socialiste a proposé que soit systématiquement organisé un débat tous les trois ans.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Or vous savez qu'il n'appartient pas au législateur d'imposer l'organisation d'un débat en séance publique, dans l'intérêt même de l'Assemblée, puisqu'une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement et chacune des assemblées, selon les cas, tiennent de la Constitution pour la fixation de l'ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Le Gouvernement peut le faire. Pourquoi refusez-vous ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Sur le fond – et M. le rapporteur le montrera –, vous savez que nous présentons un rapport annuel qui est extrêmement complet…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…et ne laisse aucune zone d'ombre. J'en ai ici un exemplaire ; il fournit tous les éléments, tous les chiffres, toutes les analyses. Tout vous est donné.

Libre à vous ensuite, si vous le souhaitez, d'organiser un débat sur la politique migratoire. C'est bien volontiers que le ministre que je suis viendra répondre à vos questions.

Il se pourrait d'ailleurs que ce débat soit très intéressant, parce que cela vous obligerait en plus à décrire ce que serait votre politique migratoire. Or pour l'instant on a du mal à vous entendre sur ce point. Un tel débat pourrait être une bonne occasion ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Sur cet amendement du Gouvernement, qui vise à supprimer le rapport triennal tel qu'il a été voté en commission, mon avis est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Fayot ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

D'ailleurs, j'avoue, me tournant vers Christophe Caresche, qui partage avec moi une certaine ancienneté sur cette question, puisque nous en sommes à notre quatrième ou cinquième loi sur l'immigration…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

…que je suis assez surpris de le voir aujourd'hui favorable à une telle proposition.

Je vous rappelle que, dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel, suite à un recours du groupe socialiste, avait censuré d'office une disposition similaire, au motif qu'« en l'absence de dispositions constitutionnelles l'y autorisant, il n'appartient pas au législateur d'imposer l'organisation d'un débat en séance publique » et qu'« une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement et chacune des assemblées, selon les cas, tiennent de la Constitution pour la fixation de l'ordre du jour. »

Mes chers collègues, à l'époque, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, avait demandé qu'il y ait un débat annuel, tandis que Claude Goasguen avait souhaité un rapport annuel. Le souhait de Claude Goasguen a été suivi d'effet, puisque le rapport existe, comme l'a rappelé M. le ministre. Mais, s'agissant du débat, je le redis à Christophe Caresche : c'est votre groupe qui a saisi il y a sept ans, le Conseil constitutionnel,…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

…et qui a fait annuler ce débat, parce que, comme l'a rappelé le ministre, il n'est pas constitutionnel que l'Assemblée nationale fixe elle-même son ordre du jour.

À l'époque, Mme Mazetier n'avait pas encore eu la chance d'être élue…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Dommage, elle aurait pu connaître André Lajoinie !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

…mais si elle avait vécu ces débats en 2003, j'aurais été heureux qu'elle nous rejoignît pour soutenir ce que proposait Nicolas Sarkozy. Aujourd'hui, à regret, je dis effectivement que nous ne pouvons pas avoir ce débat tous les trois ans ; c'est anticonstitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Cela dit – et j'en terminerai par là –, grâce à la réforme du règlement de l'Assemblée nationale, que nous avons voté, vous n'avez jamais eu autant de droits sur les bancs de l'opposition. Si vous voulez un débat dans le temps qui vous est réservé, nous pouvons même en avoir un chaque année ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dites-le au président Accoyer qui nous a refusé la parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Constitutionnellement, ce que vous venez de dire est exact. Mais, tout aussi constitutionnellement, le Gouvernement peut prendre l'initiative de calmer le jeu, de se poser, de décider d'arrêter de légiférer tous les dix-huit mois – six fois en huit ans –…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…et de proposer que l'on débatte tous les trois ans de l'ensemble des personnes concernées par cette question de la politique migratoire. En effet, il ne s'agit pas seulement de la politique d'immigration : je vous rappelle que 2,5 millions de Français sont expatriés aujourd'hui et qu'il serait temps que l'on s'occupe de leurs droits et de la sécurisation de leur mobilité.

Le Gouvernement avait la possibilité de dire que c'était là une bonne méthode pour parler de cette question. Or celle-ci est importante, car 200 millions de personnes circulent aujourd'hui dans le monde, certaines de leur plein gré, d'autres pour des raisons tragiques.

Comment la France peut-elle gagner dans la mondialisation qui rend la mobilité incontournable ?

Quelles règles et quels outils la France entend-elle se donner pour être non seulement attractive mais aussi irréprochable, notamment vis-à-vis de ses engagements internationaux ? Quels moyens affecte-t-elle à la politique migratoire ?

Ce sont là des questions importantes, dignes de l'Assemblée nationale. C'est un débat qui ne saurait pas non plus oublier certains interlocuteurs : pourquoi tenir sans arrêt en lisière de ce débat les collectivités locales, qui accueillent effectivement les populations étrangères qui nous rejoignent ? Pourquoi en écarter les partenaires sociaux, qui sont directement concernés par l'immigration de travail ?

Pourquoi ne pas débattre sereinement avant de fixer les règles, puis de les réviser, si c'est nécessaire, tous les trois ans ?

Constitutionnellement, nous ne pouvons pas imposer ce débat. Mais le Gouvernement peut, s'il le souhaite, le décider.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Manifestement, le Gouvernement ne souhaite pas la transparence, ne souhaite pas le débat démocratique… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Nous sommes à l'Assemblée nationale, nous tenons ici un débat démocratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Manifestement, le Gouvernement ne souhaite pas des réponses claires, stables et pacifiées. On l'aura bien compris. C'était aussi la démonstration que nous voulions apporter : merci, monsieur Besson, de nous l'avoir permis.

Par ailleurs, vous avez indiqué que la France pouvait garder la tête haute après les décisions de la Commission européenne. Avec vous, tout est toujours à l'envers ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

La Commission a aujourd'hui décidé d'envoyer à la France une lettre de mise en demeure ; moi, quand je reçois une lettre de mise en demeure, je n'ai pas particulièrement la tête haute !

Cette lettre demandera la transposition complète de la directive sur la libre circulation, à moins qu'un projet de mesures de transposition ainsi qu'un calendrier précis pour son adoption ne soient transmis avant le 15 octobre 2010.

Le projet de loi que nous commençons à examiner comporte toute une série d'articles qui contreviennent manifestement davantage encore aux dispositions de la directive de 2004 sur la libre circulation. Vous pourriez d'ores et déjà, monsieur le ministre, éviter à la France de perdre la face dans quelques mois, quand la Commission constatera effectivement que la situation s'est encore dégradée et que la directive de 2004 est encore plus mal appliquée qu'elle ne l'est déjà !

Vous expliquez que la Commission a clairement établi que la France n'avait pas mené de politique discriminatoire cet été. En réalité, Bruxelles a pris acte des assurances données à ce sujet par Paris, tout en demandant des informations supplémentaires. Mme Reding a même dit avoir des doutes sur les assurances données au plus haut niveau sur le fait qu'il n'y avait pas eu de discrimination, ajoutant devant la presse : « Nous allons envoyer une lettre au Gouvernement français, avec des questions très précises, leur demandant de nous fournir tous les éléments » – en particulier sur les conditions des expulsions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Nous ne sommes pas à la Commission européenne ! Nous sommes à l'Assemblée nationale française !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Qu'elle s'occupe plutôt de son personnel de maison !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je ne crois pas qu'il y ait lieu de se satisfaire de la situation dans laquelle vous avez plongé la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le rapporteur, il faut être précis. La loi de 2006 comportait effectivement l'organisation d'un débat – article censuré, je vous l'accorde – mais aussi la remise d'un rapport ; la loi mentionnait, de façon très précise, ce que devait contenir ce rapport.

À l'époque, M. Sarkozy nous avait expliqué que le Parlement devait, chaque année, fixer des objectifs en matière d'immigration. Il s'agissait en particulier de rééquilibrer l'immigration familiale et l'immigration professionnelle, au profit de cette dernière. L'objectif était précis : 50 % d'immigration familiale, 50 % d'immigration professionnelle.

Reconnaissons que ces intentions n'ont jamais été mises en oeuvre, et que jamais nous n'avons été saisis d'un rapport ni de propositions fixant des objectifs en matière migratoire.

Or, à l'époque, c'était la proposition principale, le fer de lance de la politique que voulait mener M. Sarkozy. J'en déduis que la politique proposée à l'époque, dite « d'immigration choisie », a aujourd'hui très largement échoué, pour ne pas dire que c'est un véritable fiasco !

Le rapport Mazeaud – demandé par M. Sarkozy afin de mettre en oeuvre une politique de quotas – a clairement indiqué que de telles dispositions seraient contraires à la Constitution. Vous n'avez donc pas pu retenir cette idée.

Par ailleurs, vous avez manifesté des intentions mais vous n'êtes jamais passés aux actes. Ce débat est très important : il ne s'agit pas seulement de fixer le cadre législatif ; il s'agit aussi de déterminer ce que doit être une véritable politique d'immigration pour ce pays.

Force est aujourd'hui de constater que les intentions manifestées en 2006 par le ministre de l'époque et sa majorité n'existent plus ! J'aurais souhaité entendre le rapporteur, et le ministre, sur ce point. Reprenez-vous, aujourd'hui, les intentions de M. Sarkozy de fixer chaque année des objectifs précis en matière d'immigration, par catégories, ou bien avez-vous décider de les abandonner ?

C'est une question majeure : vous nous expliquez depuis des jours, des mois, des années que vous avez une politique en matière d'immigration. La démonstration que j'essaie de faire, c'est que ce n'est pas le cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je suis, pour ma part, favorable à l'organisation d'un débat régulier devant l'Assemblée nationale. Je l'ai dit avec des mots vigoureux en commission des lois, et j'ai d'ailleurs voté l'amendement proposé par nos collègues socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Il y a, c'est vrai, des impératifs juridiques. Mais ce débat est nécessaire, car nous avons intérêt à faire cesser toutes ces rumeurs malsaines sur l'immigration. L'intérêt du groupe UMP, en particulier, est bien de mettre un terme aux ambiguïtés sur ces questions ; notre intérêt, c'est que l'on arrête de nous reprocher de rechercher, à la faveur de cette obscurité, un électorat potentiel dont certains d'entre nous au moins espèrent qu'il ne connaîtra pas une croissance exponentielle.

Je souhaite vraiment, pour ma part, que nous puissions trouver, par-delà les considérations constitutionnelles, un accord avec les représentants du parti socialiste, et avec Thierry Mariani, dont je sais qu'il partage mon sentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Et avec les autres partis qui siègent ici, bien sûr ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Et avec mon ami Braouezec, bien entendu. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je n'oublie évidemment pas les Bretons de Saint-Denis !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je suis prêt à trouver un système – peut-être par un comité quelconque – qui nous oblige à tenir ce débat. Je suggère qu'une solution, quelle qu'elle soit, nous permette, au moins tous les trois ans, de tenir un débat transparent sur la question des flux migratoires.

Cela étant, le Conseil constitutionnel – que vous aviez sollicité, monsieur Caresche, car vous oubliez vos responsabilités dans cette affaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Le rapport n'est pas satisfaisant, mais il a au moins le mérite d'exister. Je vous rappelle tout de même que durant toute la période où le Gouvernement était socialiste, il n'y avait pas de rapport du tout ! C'est donc déjà un progrès.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Vous avez saisi le Conseil constitutionnel, cela nous est retombé sur le nez : essayons de trouver autre chose, de manière consensuelle, avec tous les partis qui constituent cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Je suis contente d'entendre sur les bancs de la majorité qu'il serait intéressant d'organiser aujourd'hui un débat sur la politique migratoire et sur le bilan des lois passées.

Je voudrais rappeler que le Parlement dispose du pouvoir de mettre en place des missions de contrôle et d'évaluation : sur la politique migratoire, notamment sur les lois de 2006 puis de 2007, nous avons à chaque fois désigné une mission chargée d'examiner ce qui avait été fait, d'entendre les fonctionnaires et de soumettre au Parlement un avis autorisé.

Force est de reconnaître que ces deux missions se sont, l'une après l'autre, perdues dans les sables : notre collègue Mariani, très compétent sur la question et toujours prêt à nous expliquer qu'il faut faire une nouvelle loi, s'est montré particulièrement frileux quand il s'est agi d'évaluer réellement et d'une manière contradictoire le résultat des lois votées.

Puisque nous souhaitons tous un débat devant le Parlement, et que nous souhaitons tous l'évaluation et le contrôle des politiques menées, mettons en oeuvre réellement, dans des délais raisonnables, les missions d'information que le Parlement a désigné.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Sur le vote de l'amendement n° 148 , je vous informe que je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Serge Letchimy.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

J'ai écouté avec attention les explications de M. Goasguen sur la nécessité de ce débat. J'y insiste : c'est très important. On verra, au cours des discussions, qu'en matière de flux migratoires et de politique de l'immigration, rien ne peut être figé.

À ce titre, permettre au Parlement de s'exprimer et surtout, comme le précise le texte de l'article 1er A, associer à ce débat public les collectivités territoriales et les partenaires sociaux, me semble tout à fait essentiel. Les orientations humaines, sociales, politiques, économiques de la politique des migrations concernent l'ensemble de la nation, mais aussi chacun de nos territoires.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

J'ai rappelé, comme d'autres, l'interprétation du Conseil constitutionnel sur les obligations que l'Assemblée nationale ne peut créer elle-même. Mais il n'y a aucune difficulté de fond : je veux répéter à M. Goasguen, et à l'ensemble de la représentation nationale, que le Gouvernement est à l'évidence tout à fait d'accord pour participer à quelque débat que vous organiserez.

En tant que ministre, je suis venu devant chacune de vos commissions chaque fois que j'ai été invité. J'ai été souvent sollicité pour évaluer la politique d'immigration française. Il y a eu des missions d'informations. Vos collègues du Sénat ont eux-mêmes posé beaucoup de questions, ce qu'ils appellent les « questions cribles ». Le Gouvernement est donc systématiquement à votre disposition.

Il faut aussi garder à l'esprit le fait que, depuis que la France – à l'initiative de mon prédécesseur – a fait signer le Pacte européen sur l'immigration et l'asile, bon nombre des sujets que nous abordons sont également traités au niveau européen. Cela explique ce texte et la transposition des trois directives. Madame Mazetier, vous avez une nouvelle fois dit qu'un nouveau texte était soumis au Parlement tous les six mois ou tous les ans : ne vous plaignez pas que la France soit à l'initiative en Europe, qu'elle demande à ses partenaires d'harmoniser les politiques d'immigration légale, les politiques de lutte contre l'immigration illégale et les politiques d'asile, et qu'ensuite son Parlement en débatte.

Monsieur Goasguen, quand on se regarde, on se désole, quand on se compare, on se console. Sachez que lorsque nous évoquons ce rapport avec nos collègues, ils considèrent que c'est un modèle. Vous suggérez de l'améliorer : nous sommes à votre entière disposition pour cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

En tant que rapporteur, je voulais rappeler mon avis favorable. Comme l'a bien résumé Claude Goasguen, le débat est souhaitable, mais sur un plan technique, constitutionnel, cet article ne peut pas être voté en l'état. Sur le fond, nous sommes bien sûr ouverts à tout débat sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 148 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 188

Nombre de suffrages exprimés 186

Majorité absolue 94

Pour l'adoption 115

Contre 71

(L'amendement n° 148 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

En conséquence, l'article 1er A est supprimé.

Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 1er A.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 249 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Le but de l'amendement n° 249 est de demander au Gouvernement de présenter les effets de la réforme concernant les décisions d'octroi de la nationalité française.

M. Besson a expliqué que l'objectif de la réforme était de raccourcir les délais de traitement des dossiers de demande de naturalisation. En réalité, la réforme va un peu plus loin encore dans les différences de traitement d'un département à l'autre, puisque ce sont désormais les préfets, et non plus l'État à son plus haut niveau, qui instruisent les demandes de naturalisation. Sans oublier que les délais de traitement de la demande de naturalisation sont extraordinairement variables d'un département à un autre.

Nous souhaitons donc que la réforme soit présentée objectivement et sincèrement au Parlement, tant dans ses attendus que dans ses résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

La commission a émis un avis défavorable à l'amendement de Mme Mazetier.

Le rapport sur les orientations de la politique d'immigration fournit, de la page 174 à la page 181, la quasi-totalité des éléments qu'elle souhaite, à une exception près, qu'il serait peut-être opportun en effet de rajouter dans le prochain rapport, ce sont les délais de naturalisation : comme Mme Mazetier, je souhaite, monsieur le ministre, que les délais soient mentionnés, dans un souci de transparence.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Le Gouvernement est, lui aussi, défavorable, pour les mêmes raisons qu'indiquées à l'instant par le rapporteur.

Je salue le plaidoyer de Mme Mazetier en faveur de la réforme de la naturalisation que nous avons portée. Les résultats obtenus devraient la satisfaire : alors que le délai pour les naturalisations était de douze mois, ce délai est de quatre mois depuis le 1er janvier, c'est-à-dire qu'il a été divisé par trois.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cela ne correspond à rien, les délais changent d'une préfecture à l'autre. Quels sont les critères ?

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Vous dites n'importe quoi, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Pour le reste, j'entends la demande du rapporteur : désormais, le rapport annuel précisera le délai.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Je voudrais m'inscrire un petit peu en contrepoint de ce qu'a dit M. le ministre.

Les premiers résultats de la réforme, qui mériterait certainement une expérimentation plus longue, montrent que les délais sont en effet raccourcis là où il y a peu de demandes de naturalisation parce que les demandes y sont traitées plus rapidement. En revanche, dans les départements où les demandes sont nombreuses, les délais restent très longs, voire plus longs que ceux nous connaissions auparavant.

Nous n'avons pas eu ce débat au fond sur l'expérimentation qui a commencé au début de l'année, mais une chose me frappe, comme elle a frappé de nombreux fonctionnaires de l'ancienne Direction de la population et des migrations : c'est que la naturalisation ne fasse plus partie du domaine régalien de l'État. Cela a été certainement fait au nom de la recherche d'une efficacité de proximité, mais les choses auraient parfaitement pu être organisées d'une autre manière ; et quand bien même le parcours est trop long, compliqué et parfois chaotique, la naturalisation reste un acte important, un acte solennel qui aurait mérité de continuer à être traité au niveau ministériel et central.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Monsieur le ministre, si j'ai bien suivi le débat à la télévision, vous allez venir dans le département de l'Essonne pour constater de visu les aires de stationnement qui existent dans la communauté d'agglomération d'Évry parce que vous vous êtes trompé, malgré la réponse de votre cabinet hier.

Je vous invite par la même occasion à passer avec moi à la préfecture. Vous verrez que vous dites n'importe quoi. Dans bon nombre de départements de la région parisienne, la pression est très forte parce que nous, les élus, nous poussons un certain nombre de nos concitoyens à entamer cette démarche, à déposer des dossiers de demande de naturalisation pour leur permettre de s'intégrer à la communauté française ; ce qui fait que les délais sont au minimum d'un an et demi, deux ans, quand ce n'est pas trois.

Vous ne pouvez donc pas annoncer à la représentation nationale que désormais vous avez une performance remarquable de quatre mois et demi. Nous allons faire ce constat ensemble et il sera démontré qu'entre les discours que vous tenez et la pratique sur le terrain, il y a un véritable fossé ; mais c'est là une caractéristique qui concerne malheureusement tout votre dispositif.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

La réforme que nous avons voulu mettre en oeuvre répond très exactement à vos préoccupations. Jusqu'à présent, il y avait une double instruction, une première en préfecture et une seconde au niveau des services centraux du ministère.

M. Blisko y voit la disparition d'une prérogative régalienne de l'État ; mais, que je sache, le préfet est bien le représentant de l'État dans le département. À quoi servait cette double instruction ? Quasiment à rien, d'autant que les chiffres prouvent que les réponses n'étaient pas homogènes puisque le taux différait d'un département à l'autre.

Nous avons voulu procéder autrement, faire en sorte que l'instruction soit exécutée une seule fois au niveau des préfectures et que la tâche d'harmonisation, la mise en cohérence et la structure d'appel éventuel, revienne à mon ministère, en structure centrale. C'est là tout l'intérêt de la formule.

Pourquoi le département de l'Essonne n'a-t-il pas été concerné ? Parce que nous avons voulu expérimenter d'abord la réforme dans un certain nombre de départements. Il se trouve que l'Essonne n'était pas un département test. Nous avons expérimenté la réforme dans vingt et un département pendant neuf mois. Lorsque nous avons constaté une amélioration vraiment sensible des délais, nous avons décidé, il y a quelques semaines, de généraliser la procédure.

La suppression de la double instruction a permis d'économiser des moyens humains. Davantage de fonctionnaires peuvent désormais s'attacher à ces tâches et c'est pour cela que nous allons obtenir une réduction très importante des délais, qui touchera aussi l'Essonne.

Pour ce qui concerne l'échange que j'ai eu avec Manuel Valls, je persiste et signe, et c'est bien volontiers que j'accepte l'invitation qui m'est faite à me rendre dans l'Essonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Et à vous excuser devant les élus de l'agglomération d'Évry !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

J'entends les arguments du ministre sur la réforme de la procédure. Se pose quand même la question de la vision globale sur l'ensemble du territoire de la manière dont les dossiers seront pris en compte.

Mais il est un autre point sur lequel nous aimerions obtenir des éclaircissements.

Ce qui est le plus incompréhensible pour la personne qui cherche à obtenir la nationalité française, c'est le délai avant même que le dossier ne soit déposé. Nous sommes quelques-unes ici à connaître plusieurs cas de personnes qui ont voulu entamer une procédure de naturalisation et qui se sont vues proposer un rendez-vous pour seulement déposer – je ne parle pas de faire instruire – leur dossier au bout d'un an et demi, voire deux ans ! Entre autres motifs invoqués, il fallait laisser le temps, nous disait-on, à la personne candidate d'obtenir des pièces d'état civil de l'étranger… Cette réponse ne me semble pas très sérieuse !

Par ailleurs, l'accueil pose problème, notamment dans le bâtiment des étrangers de la préfecture de Bobigny. Vous dites, dans l'édition du Parisien hier, ne pas connaître l'existence d'un « livre noir ». En tout cas, je vous invite, puisque vous êtes prêt à vous promener, du moins à constater de visu la situation, à venir dès demain matin, avant le début de notre séance, apprécier ce qui se passe tous les jours et ce qu'ont constaté malheureusement tous les préfets qui se sont succédé.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

En entendant M. le ministre nous parler des formidables progrès réalisés en matière de naturalisation, je me suis souvenu de ce que nous expliquait, en 1986 un haut fonctionnaire, le patron du service de protection des rayons ionisants, à savoir que, en moyenne, le nuage de Tchernobyl n'était pas dangereux. Vous faites exactement la même chose, à ceci près que cette fois-ci, c'est avec des gens qui veulent s'intégrer dans notre communauté de destin.

Que ce soit dans les départements autour de Paris ou de la Gironde, ma collègue Michel Delaunay peut en témoigner, nous sommes confrontés bien souvent à ces personnes qui attendent et attendent encore pour pouvoir déposer leur dossier de demande de naturalisation.

Je ne reviendrai pas ici sur ce qui a été révélé par la presse à plusieurs reprises et que nous avons tous connu en tant que représentants du peuple, que nous soyons maires ou députés, le cas de ces Français qui sont nés à l'étranger et qui demandent le renouvellement de leur carte d'identité.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Voulez-vous que nous revenions sur les difficultés qu'ils connaissent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Pas du tout, vous le savez aussi bien que moi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Encore une fois, monsieur le ministre, nous sommes confrontés à ce qui est en quelque sorte l'âme de votre projet de loi, c'est-à-dire le recul du droit, le recul du juge, le recul de la garantie des droits et des libertés, au profit de l'administration et de son éventuel arbitraire. Et c'est cela que nous ne pouvons pas accepter.

Nous ne sommes pas là pour tenir une posture qui serait celle des bons contre les affreux, pour reprendre les termes de M. Myard tout à l'heure, mais il y a quand même des limites à ne pas dépasser. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je vais vous donner un autre exemple, qui est d'ailleurs dans le même esprit : M. Besson n'arrête pas de nous expliquer depuis qu'il est en charge de ces responsabilités que la France est l'un des pays d'accueil les plus importants dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Et que nous croulons sous les demandes d'asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Mais il ne vous dit pas quelle est la différence entre les États-Unis, le Canada et l'Allemagne sur le taux d'acceptation de ces demandes d'asile. Les chiffres du Haut commissariat aux réfugiés indiquent très clairement qu'aux États-Unis, en Allemagne et au Canada, c'est 51 % d'acceptation, alors qu'en France, on en est à 31 %. Vous n'avez donc aucune raison de triompher. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Je voulais ajouter un élément à propos des délais.

Aujourd'hui, il est courant de recevoir des gens qui veulent déposer un dossier de nationalité en Seine-Saint-Denis. Lui aussi, ce n'était pas un département pilote : il est malheureux que ce soit dans les départements où il y a le plus de difficultés aujourd'hui qu'on mène le moins d'expérience de ce type. Les rendez-vous proposés à ces personnes portent jusqu'à avril ou mai 2012. Cela pose beaucoup de problèmes, non pas que ce soit après la prochaine élection présidentielle, ce serait plutôt de nature à faire espérer ceux qui font aujourd'hui leur dépôt, mais parce que les personnes en ont besoin pour passer des concours, pour avancer. Certes, je vous l'accorde, l'intervention auprès du préfet permet de retrouver des délais raisonnables, mais il n'y a toujours d'intervention. Un délai d'an et demi pour déposer simplement le dossier, pas l'instruire, est scandaleux. Je voulais que vous en soyez conscient.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

J'entends bien ce que vient de dire notre collègue Le Roux, mais je voudrais rendre hommage aux services dans les préfectures…

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Peut-être le délai est-il trop long, mais il vaut mieux que les dossiers soient bien instruits avant d'être transmis à Rezé.

(L'amendement n° 249 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 41 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Puisque nous parlons d'immigration, d'intégration et de nationalité, il faut évoquer les endroits où l'immigration est incontrôlée et où le droit du sol est utilisé, à l'évidence abusivement et frauduleusement. Je veux parler des territoires de Mayotte et de Guyane. Ceux qui se sont rendus sur place ont pu se rendre compte à quel point il était difficile d'appliquer la loi. Je ne suis pas le premier à évoquer la question ; deux ministres des DOM-TOM notamment s'en sont préoccupés.

François Baroin avait manifesté ses inquiétudes sur le nombre d'étrangers en situation irrégulière, estimant qu'à Mayotte et en Guyane cela représentait plus d'un habitant sur quatre. Il considérait qu'à terme, c'est tout l'équilibre démographique qui s'en trouverait modifié, et il craignait des tensions sociales exacerbées.

De même Christian Estrosi, lorsqu'il était lui aussi ministre des DOM-TOM, avait exprimé officiellement ses inquiétudes quant au maintien de la paix sociale à Mayotte où 30 % de la population est en situation clandestine et irrégulière.

Aussi faut-il, à l'occasion de l'examen de ce texte, envisager des modifications du droit du sol, notamment pour Mayotte et la Guyane.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Dominique Tian soulève un problème que nous connaissons bien. Je me souviens être parti, avec Mme George Pau-Langevin, en mission à la maternité de Mayotte, et je partage son constat.

Par cet amendement, notre collègue soulève un problème de fond dont personne ne peut nier l'existence et dont l'acuité prend une dimension plus grande encore dans la perspective de la départementalisation de Mayotte. Il est vrai que des réflexions avaient été engagées par plusieurs ministres des DOM-TOM à ce sujet.

De fait, il apparaît délicat, au regard des préceptes de la Constitution, d'introduire une distorsion entre des règles applicables pour l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance selon tel ou tel territoire de la République. En tout état de cause, la réflexion que le Président de la République a décidé de confier à une personnalité sur l'évolution de notre droit de la nationalité gagnerait, j'en suis persuadé, à se pencher sur cette question. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous vous faire l'interprète, à cet effet, de la représentation nationale auprès de la mission de réflexion qui va se mettre en place.

Lionnel Luca défendra tout à l'heure des amendements qui, eux aussi, visent à réformer le code de la nationalité, mais la question qui se pose est la suivante : ce projet de loi doit-il être l'occasion de réformer de fond en comble le code de la nationalité au détour d'amendements ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je pense que non. Une telle réforme est nécessaire, mais elle mérite un minimum de réflexion et l'on ne peut y procéder au détour de deux ou trois amendements, même si j'en partage pour l'essentiel le sens. Telle est la raison pour laquelle je souhaite, monsieur Tian, que vous retiriez cet amendement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Même avis que la commission. Il est vrai que Mayotte et la Guyane connaissent une situation spécifique, et Dominique Tian, qui connaît bien la question, a raison de souligner ces difficultés particulières.

Cela dit, nous ne pouvons imaginer que la législation sur la nationalité soit différente selon le lieu de naissance sur le territoire national, quand bien même ce lieu serait outre-mer. La Guyane est un département français et Mayotte est en voie de départementalisation. Nous verrons si nous pouvons revenir sur ces questions dans un cadre plus global, comme le suggère M. le rapporteur. En l'état, je souhaite que Dominique Tian retire son amendement. À défaut, avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Premièrement, le code de la nationalité me paraît une chose suffisamment important pour que l'Assemblée nationale ne soit pas exclue au profit d'un comité, fût-il composé de sages, de la réflexion sur des dispositions aussi essentielles pour la loi fondamentale d'accession à la nationalité. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, hier, auprès de la commission des lois, une demande de mission parlementaire. Nous pourrions ainsi, dans ce cadre, nous pencher sur les réflexions concernant le code de la nationalité. J'aime les sages et les experts, mais tout le monde sait que ces derniers sont tellement experts qu'ils se trompent à chaque voyage. Je souhaite donc que l'Assemblée nationale se saisisse d'un sujet qui relève directement de sa compétence.

Deuxièmement, je pense que l'amendement de M. Tian devrait faire une distinction entre la Guyane, département français, et Mayotte, qui n'en est pas encore un puisque nous sommes dans le cadre d'une disposition transitoire. Celle-ci doit s'appliquer encore quelque temps et, après m'être renseigné sur le système en vigueur à Mayotte, je me suis aperçu qu'il était mixte. L'AME, notamment, dont je me préoccupe particulièrement, n'est pas attribuée à Mayotte ; pourtant elle existe dans tous les départements français. Mayotte est donc dans une situation exceptionnelle. En revanche, toucher à la Guyane reviendrait à toucher au droit de la nationalité dans un département français, ce qui est un vaste sujet. Mais si M. Tian acceptait de rectifier son amendement pour que seule Mayotte soit concernée, cela me semblerait juridiquement acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Il était intéressant d'entendre tout à l'heure M. Myard nous rappeler qu'il y a des principes. Nous tenons à les respecter. Concernant le droit du sol, c'est un principe considérable, un acquis, une conquête,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

…le résultat de luttes, d'une éthique. Au nom de la Guyane, j'ai une légitimité à toute épreuve pour parler de ce sujet. Des années de politiques, de lois désordonnées, irréfléchies, inadaptées ont engendré des situations insupportables. Aujourd'hui, le Gouvernement tente de canaliser ce qu'il a provoqué lui-même.

Ce débat est intéressant car, pour Mayotte et la Guyane, il renvoie non pas simplement à des principes théoriques que l'on ne respecte que lorsqu'ils nous conviennent, mais à la réalité du sujet, à la situation des personnes, à l'instrumentalisation des flux migratoires, au mépris et au dédain avec lesquels on traite des étrangers.

Lorsqu'en 1975 la France, en dépit de l'avis de l'ONU – quelle ONU, monsieur Myard ? –, décide de séparer Mayotte de l'archipel des Comores, elle prend une responsabilité qu'elle doit aujourd'hui assumer ! Le principe de citoyenneté et d'égalité doit être respecté en tout territoire intégré à la République.

De même, pour ce qui concerne la Guyane, les politiques migratoires instrumentalisant ces personnes ont été systématiquement appliquées. Chaque fois qu'il a fallu des bras pour la construction du centre spatial, de casernes de gendarmerie, pour de grands travaux, des surchauffes de grands chantiers, le Gouvernement a organisé sournoisement l'immigration. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et maintenant que ces personnes sont là, qu'elles ont travaillé, qu'elles ont contribué à l'économie du territoire, on leur dit qu'elles sont indésirables ! Il y a donc là un principe de fond, la réalité de l'humanité du sujet, et il est important que nous nous y intéressions de près.

Je trouve insultant de séparer Mayotte et la Guyane du reste du territoire en termes de principe républicain, d'égalité des droits des citoyens, de culture d'hospitalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La pression sur les services publics est importante. Nous la vivons très directement et pourtant nous n'arrosons pas, nous ne faisons pas éclore des réactions xénophobes ! Donc, un peu de décence !

Monsieur Tian, pardon de vous le dire, mais il y a de la fourberie dans votre amendement ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

En proposant que l'enfant soit automatiquement français lorsque ses deux parents sont nés sur ces territoires, vous donnez un coup de canif au principe du droit du sol ; et avec le mot « automatiquement », vous essayez de faire diversion. C'est profondément malhonnête. C'est honteux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Sur le fond, je suis assez d'accord avec Mme Taubira il ne faut pas nier la réalité. En juin dernier, Jean-Pierre Door et moi-même étions en mission pour la commission de l'Océan indien. Qu'avons-nous vu, qu'avons-nous entendu, et que nous a-t-on demandé ? Nous avons reçu, à la Réunion, nos amis malgaches, nos amis des Comores, de Seychelles, de Maurice et les représentants de la partie française, en l'occurrence le département de la Réunion. Tous nos amis de l'Océan indien nous ont alors dit que la situation était devenue intenable et que le pacte social était en train d'éclater.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Ils nous ont suppliés de trouver une solution. Donc, j'entends bien votre remarque sur la Guyane, monsieur le ministre, mais si Dominique Tian acceptait la proposition de M. Goasguen et rectifiait son amendement pour que la Guyane ne soit plus concernée, je voterais son amendement. Le statut de la Guyane est en effet clairement celui d'un DOM.

S'agissant de Mayotte, en revanche, si nous n'agissons pas maintenant, alors que tout le monde sait très bien que la situation va nous exploser à la figure, nous ne pourrons plus dire que nous ne savions pas ! Je demande donc instamment à Dominique Tian d'accepter la rectification proposée et je voterai son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

J'aurai peu de choses à ajouter à ce qu'a excellemment dit Christiane Taubira. Je veux simplement faire remarquer que, dans ce projet, des tentations se manifestent régulièrement pour faire la distinction entre les Français à part entière et les autres. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Nous avons là une des premières manifestations de cette volonté de classer les Français selon qu'ils seraient « vrais » ou de seconde zone. En Guyane et à Mayotte, c'est vous qui avez créé ces situations.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Ce n'est pas une réponse ! Cela ne règle rien !

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Vous ne pouvez pas à la fois affirmer des principes, dire que les gens outre-mer sont des Français à part entière, et vouloir ensuite esquiver votre responsabilité. Que se passe-t-il actuellement à Mayotte ? Vous n'êtes même pas en mesure de savoir qui est français, tout simplement parce que la situation de l'état civil y est un scandale.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Comme l'a rappelé M. Mariani, nous y sommes allés récemment. À Mayotte, de nombreuses personnes sont françaises mais elles seraient dans l'incapacité de le prouver tout simplement parce qu'elles ne peuvent obtenir un acte d'état civil en raison d'un retard considérable dû à l'entassement de tonnes de dossiers, à l'absence d'un magistrat pour les traiter.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Il y a donc effectivement des problèmes à Mayotte, en Guyane, mais ils doivent être réglés dans le respect des principes que vous avez vous-mêmes affirmés. Vous avez dit que, dans les départements d'outre-mer, les gens étaient français. Eh bien assumez-le ! On devient français dans les départements d'outre-mer comme partout ailleurs en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de David Douillet

Je me fais ici l'écho des élus de Guyane que j'ai pu rencontrer il y a quinze jours. Aux frontières de la Guyane le constat est très clair : les élus locaux ne peuvent plus faire face et ils nous appellent au secours ! C'est la réalité, personne ne peut la nier.

Je comprends qu'il y ait des problèmes de droit du sol, de constitutionnalité. Ils sont en effet majeurs et, personnellement, j'y souscris,…

Debut de section - PermalienPhoto de David Douillet

…mais peut-être pourrions-nous réfléchir à d'autres solutions un peu plus fines.

De quoi s'agit-il ? De femmes qui arrivent sur le territoire français et que nous sommes obligés de les prendre en charge, car elles sont en situation de danger. Elles sont donc conduites à l'hôpital, où elles accouchent. En donnant simplement un statut extraterritorial à l'hôpital, le problème est réglé. Il suffit d'imaginer que tous les hôpitaux frontaliers deviennent extraterritoriaux, avec un vrai statut, pour permettre que l'immigration soit freinée, ou tout au moins contrôlée, et que les élus locaux puissent enfin gérer cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Je crois que nous avons là un très bon exemple des dérives qu'une telle loi peut entraîner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

J'ai entendu des dérives hier soir, et de chaque côté. J'ai même entendu tout à l'heure M. Myard parler de « faux-culs » dans cette assemblée. Et nous sommes d'accord ; mais dans le contexte actuel, où les flux migratoires sont soumis à tous les aléas économiques, climatiques et écologiques, imaginer que l'on puisse arrêter par le seul droit tous les mécanismes qui permettent de réguler l'humain, c'est reconnaître que le pari est perdu, le pari auquel nous défie le monde à venir.

Ce texte de loi aurait pu être l'occasion d'un débat extrêmement ouvert, nous donnant les inspirations nécessaires pour recevoir les gens dans de bonnes conditions.

Pensez-vous que les Surinamiens soient venus en Guyane comme cela ? Que les Brésiliens aient décidé tout seuls de vivre en Guyane ? On fait venir des gens pour peupler la Guyane quand il y en a besoin, puis on les jette comme si de rien n'était. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Que veut dire votre amendement, monsieur Tian ? Il faut l'expliquer ! Pour qu'un enfant ait la naturalisation française, il faut que les deux parents soient nés sur place. Est-ce bien ce qui est écrit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Alors vous devrez gérer l'amour, les liens, le vivre ensemble ! À supposer que le mari soit né sur place, mais pas la femme, il n'est pas possible que leur enfant puisse bénéficier de la naturalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Imaginez qu'une des deux personnes ne soit pas née sur place, mais qu'elle ait obtenu la naturalisation, vous allez remettre en cause le fait que son enfant puisse bénéficier de la nationalité.

Monsieur Douillet, je doute que des Guyanais censés et responsables aient pu vous demander un secours de cette nature-là ! Je doute également que des Mahorais puissent exprimer un tel mépris vis-à-vis de ceux qui sont autour d'eux. Par contre, ils demandent à l'État d'assumer ses responsabilités en matière de développement de ces pays, en cohérence avec leurs passés respectifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Tian, j'ai compris que vous mainteniez votre amendement. Il n'est pas possible de le sous-amender. La seule chose que vous puissiez faire avant de passer au vote est de le rectifier vous-même pour qu'il devienne : « Sur le territoire de Mayotte, est français automatiquement l'enfant lorsque ses deux parents y sont nés. »

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

C'est tout à fait cela, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Quel est l'avis du rapporteur sur l'amendement n° 41 ainsi rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je tiens à prévenir mes collègues de la majorité que si cet amendement est voté, le message envoyé sera gravissime. Dès le début de la discussion, nous aurons créé une nationalité à double vitesse en vingt minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Ajoutez à cela que le fait d'écrire « les deux parents y sont nés » ne manquera pas de générer des contentieux : quels sont les deux parents ? Je me souviens d'un député qui a essayé de proposer des tests ADN pour vérifier les liens de parenté, cela n'a pas très bien fini ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Oui, il faut réfléchir à ce sujet ; oui, monsieur le ministre, les députés en ont assez.

Tout d'abord, ils sont lassés de se faire expliquer qu'ils ne sont pas sages et qu'il faut s'en remettre aux experts. Je rejoins tout à fait ce que disait Claude Goasguen : le choix doit peut-être se faire à la lumière des informations d'experts universitaires, mais il doit revenir aux parlementaires.

Deuxièmement, ce choix doit être fait rapidement. La mission nommée par le Président de la République doit avoir un calendrier précis. Nous ne voulons pas d'une mission pour enterrer un problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Il faut une mission parlementaire, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je me tourne vers mes collègues de la majorité. Je comprends le sentiment qui vous anime pour la plupart, mais imaginez le message que nous enverrions si le premier amendement voté fractionnait la nationalité selon que l'on est originaire de tel ou tel département.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Sur le vote de l'amendement n° 41 rectifié , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Afin d'éviter toute ambiguïté, je voudrais dire à M. Goasguen que la légitimité est ici, dans cet hémicycle, et au Sénat. Vous êtes la représentation nationale.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Nous y reviendrons probablement tout à l'heure, à propos d'un amendement qui porte sur l'acquisition automatique de la nationalité française des jeunes nés de parents étrangers sur le sol français.

Je veux me réjouir de la mission d'information que vous venez d'annoncer et de créer. C'est une bonne nouvelle. C'est une démarche complémentaire de celle souhaitée par le Président de la République qui va très prochainement nommer une personnalité pour échanger avec vous sur les difficultés sur lesquelles nous reviendrons dans un instant.

Concernant l'amendement de M. Tian…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

… j'ai tout à l'heure évoqué des questions de principe, je suis maintenant obligé d'évoquer devant vous le risque constitutionnel.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Ce risque est majeur.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

La nationalité est au nombre des matières législatives qui doivent s'appliquer de la même manière sur tout le territoire de la République. Comme en droit pénal, il faut respecter l'égalité de tous devant la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Un peu de conviction monsieur le ministre, vous semblez le dire à regret !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Cette loi touche aux matières régaliennes, il ne peut être fait de différences selon les lieux et les problèmes concernés.

J'y ajoute une dimension politique. Je suis moins expert que le rapporteur sur les tendances représentées dans cet hémicycle, mais vous avez bien senti au travers de deux interventions que, contrairement à ce qui a été suggéré par Mme. Pau-Langevin ou d'autres, ce texte est profondément, éminemment, scrupuleusement républicain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Ce texte vise à rétablir en permanence l'équilibre des droits et des devoirs. Mais vous sentez le piège : il suffirait de cet amendement adopté rapidement, sans concertation, sans discussion, pour que l'on explique ensuite pendant trois jours que là était la véritable nature de ce projet. Ne le laissez pas dénaturer ainsi ! Le Gouvernement vous demande instamment de ne pas voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Vous êtes débordés par vos amis, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Qu'il y ait des problèmes en Guyane et à Mayotte, nous le savons, et nous serons bien obligés d'y prendre un jour ou l'autre la situation à bras-le-corps. Reste que la République, dans ma conception, est une et indivisible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

On ne peut pas, au détour d'un amendement de ce type, avoir une double voie pour la nationalité. C'est la raison pour laquelle personnellement, je ne voterai pas cet amendement, quelles que soient les raisons qui le sous-tendent. Ou alors, supprimons le jus soli partout ; mais il n'est pas possible de proposer ainsi deux voies et d'instituer de fait une discrimination qui ne tiendra pas un instant devant le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Vous tenez les pires des discours, et après cela, vous n'assumez même pas ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Allez jusqu'au bout ! Vous êtes dans la ligne du Gouvernement, assumez !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je vous en prie !

La parole est à Mme Christiane Taubira.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

M. Douillet fait état de demandes d'élus – il aurait dû citer leurs noms afin que nous puissions vérifier. Je ne sais pas s'il est aussi spécialiste du droit du sol que du droit des femmes à travailler et être des sujets de droit autonomes ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Franchement, cela m'inspire les plus grandes inquiétudes…

Quant à votre hôpital extraterritorial, ce serait en fait un centre de rétention administrative à l'hôpital… Merci pour l'innovation !

Rappelons que Mayotte et en Guyane font déjà l'objet de toute une série de dérogations : vos gouvernements successifs ont régulièrement introduit des restrictions de droit, des exceptions pour les territoires de Guyane et de Mayotte – à commencer par la suppression du deuxième niveau de juridiction.

Vous n'arrêtez donc pas de grignoter, et vous allez encore plus loin, vous prenez vos aises. Cela paraît tellement simple de faire de l'exception dans ces territoires lointains !

J'avoue qu'il est tout de même assez savoureux de voir aujourd'hui MM. Myard et Mariani plus tempérés et modérés que M. Tian. Nous n'en sommes pas à une surprise près dans cet hémicycle… Comme quoi il ne faut jamais désespérer de rien !

Sur ce sujet, la question est de savoir si nous sommes innocents de l'état du monde. Est-ce qu'Areva est innocent de l'état du monde ? Est-ce que Total est innocent de l'état du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Toutes ces multinationales qui disposent des ressources naturelles, qui créent des injustices, de la pauvreté et de la misère, et qui provoquent par le fait tant de flux migratoires, n'ont-elles pas à répondre de l'obligation pour tous ces gens d'essayer d'aller trouver ailleurs une vie meilleure ? Ce sont ces questions qu'il faut poser, ce sont ces réponses qu'il faut apporter.

Pour ce qui concerne la Guyane, vous finissez par être ridicules. Sur ce territoire de 91 000 kilomètres carrés, auxquels s'ajoutent plus de 200 000 kilomètres carrés d'espace maritime, riche de ressources minières terrestres et marines, de pétrole, de ressources naturelles et halieutiques, vous refusez toute possibilité de développement économique. Vous refusez de fiscaliser les grandes sociétés auxquelles vous attribuez des titres miniers. Vous refusez de demander aux multinationales qui d'énormes bénéfices de contribuer aux charges communes. Et lorsque l'on vous dit que nos enfants ne sont pas scolarisés parce qu'il n'y a pas assez d'écoles, que le chômage chez les jeunes atteint 55 %, vous faites comme Ponce Pilate : vous vous en lavez les mains. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

On compte en Guyane 50 000 orpailleurs clandestins. Vous faites la chasse à quelques étrangers sur le littoral, et vous restez impuissants devant 50 000 orpailleurs qui détruisent la forêt guyanaise et la forêt amazonienne. Et vous allez faire des phrases dans les sommets internationaux ! Oui, en cela, vous êtes ridicules ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 41 tel qu'il a été rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 138

Nombre de suffrages exprimés 123

Majorité absolue 62

Pour l'adoption 14

Contre 109

(L'amendement n° 41 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 362 .

La parole est à M. Lionnel Luca.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Votre texte, monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion de le souligner hier soir, prévoit la mise en place d'une charte des droits et des devoirs du citoyen visant à faire de l'adhésion aux principes et aux valeurs de notre république un élément d'appréciation de l'assimilation de celui qui acquiert la nationalité française.

Dans ces conditions, il n'est pas illogique de rétablir le système qui existait en France depuis la loi du 22 juillet 1993. Cet amendement reprend mot pour mot le texte qui avait été adopté par l'Assemblée nationale à l'époque et qui prévoyait que les enfants nés en France de parents étrangers demandent l'acquisition de la nationalité française en faisant expression de leur volonté individuelle. Une telle demande permet une véritable prise de conscience de son appartenance nationale, c'est même la première forme d'expression d'un engagement civique.

En 1993, lorsque ce texte a été adopté, il y avait le service national, et les jeunes garçons au moins manifestaient ainsi leur adhésion à la communauté nationale. Le service national a été supprimé en 1997, et la loi, en 1998, est revenue sur cet élément.

Il me paraîtrait logique, dans l'esprit du texte que nous allons adopter, que les enfants nés de parents étrangers prennent un tel engagement civique à leur majorité. C'est strictement, je le répète, ce qui existait en France en 1993, sans aucun autre ajout.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Vous avez raison, monsieur Luca, mais, depuis la loi de 1993, d'autres textes ont été adoptés et se pose aujourd'hui une question d'opportunité. D'abord parce que le Président de la République a décidé de créer une mission de réflexion sur le sujet mais, surtout, parce que, parmi les 30 000 enfants qui naissent en France de parents étrangers et acquièrent la nationalité française, c'est, pour 27 000 d'entre eux, par une démarche volontaire, soit à l'initiative de leurs parents lorsqu'ils ont treize ans, soit à leur demande à partir de seize ans. Le seuil de dix-huit ans ne concerne plus que 3 000 personnes, et le système que vous proposez n'est donc plus applicable.

Cela dit, monsieur le ministre, se pose la question d'une manifestation claire de volonté pour devenir français, ce à quoi, je pense, la plupart des parlementaires présents dans cet hémicycle sont clairement attachés puisque, comme l'a souligné M. Luca, il n'y a plus de service militaire. Vous allez proposer la signature d'une charte. Je pense que, pour la plupart de mes collègues de la majorité, tout ce qui peut renforcer le caractère volontaire de la démarche d'acquisition de la nationalité française va dans le bon sens.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Vous avez raison, monsieur Luca, dans l'esprit républicain, l'acquisition de la nationalité est un acte volontaire qui demande un engagement personnel et, comme vient de le dire à juste titre le rapporteur, à la conclusion duquel je souscris, c'est tout à fait l'esprit de la charte des droits et des devoirs que l'étranger…

Plusieurs députés du groupe SRC. Il est né ici !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…va devoir signer pour acquérir la nationalité française. C'est en tout cas ce que nous allons vous proposer.

Cela dit, et le rapporteur vient de le rappeler, 20 000 jeunes accèdent à la nationalité française entre treize et seize ans sur demande de leurs parents et 7 000 entre seize et dix-huit ans sur leur propre demande. Il y a donc déjà dans le droit français une forme de manifestation d'une volonté d'acquérir la nationalité française et seuls 3 000 jeunes l'acquièrent automatiquement.

C'est donc une réflexion sur l'ensemble du dispositif que nous devons avoir, d'autant que, lors de son discours de Grenoble du 30 juillet,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…le Président de la République a annoncé qu'il voulait engager une concertation très claire, l'objectif étant que les enfants nés de parents étrangers sur le sol français qui seraient délinquants multirécidivistes ne puissent accéder automatiquement à la nationalité française.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Nous touchons à une question sensible, complexe, le droit du sol. Il ne s'agit pas de repousser indéfiniment le sujet. J'en ai pris l'engagement en commission des lois devant Claude Goasguen comme devant vous, nous irons vite, et vous avez vous-mêmes décidé de créer une mission d'information.

Bref, je comprends l'esprit de votre amendement et j'apprécie la façon dont vous l'avez formulé, mais je vous suggère de le retirer. Le Gouvernement aura ce débat avec vous. Il est noble, il est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

En reconnaissant d'office la nationalité française à toute personne née sur le sol français de parents étrangers, la législation actuelle ne permet pas d'exprimer librement et pleinement sa volonté d'appartenir à la nation. Nous sommes un certain nombre sur ces bancs à le regretter, monsieur le ministre, et à vouloir revenir à un dispositif qui a existé par le passé et qui ne posait pas de problème particulier.

Pourquoi cette automaticité ne pourrait-elle pas être mise en cause ? Pourquoi empêcher les personnes nées sur le sol français de parents étrangers de manifester leur volonté d'acquérir la nationalité française ? Une telle manifestation de volonté favoriserait à n'en pas douter l'intégration de ces jeunes, elle confirmerait leur appartenance à notre république.

Ce qui fait la nation française, c'est le désir de lui appartenir, et cela passe par le consentement des personnes qui la composent.

L'objectif de cet amendement est donc de subordonner l'acquisition de la nationalité française des personnes nées sur notre territoire de parents étrangers à une démarche volontaire, à une adhésion librement consentie aux valeurs communes de notre république. Qu'y a-t-il de choquant ? C'est une démarche tellement simple mais tellement symbolique que l'on ne peut qu'y être favorable. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

J'ai bien entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mais cela m'interpelle encore davantage. Si 27 000 jeunes font une démarche volontaire, à la demande de leurs parents lorsqu'ils ont treize ans et à leur demande lorsqu'ils en ont seize, qu'est-ce qui interdit qu'il en soit de même pour ceux qui ont dix-huit ans ? C'est incompréhensible et même totalement illisible.

Dans mon esprit, tout comme ceux qui viennent sur notre territoire et font une démarche positive en demandant l'acquisition de la nationalité française, des jeunes ne doivent pas devenir français par hasard. Les 3 000 jeunes qui restent peuvent s'aligner sur les 27 000 qui font une démarche, ce n'est pas l'inverse que je demande.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

La conséquence mécanique de votre amendement, monsieur Luca, serait de supprimer l'accès à la nationalité entre treize et seize ans. Il est donc nécessaire d'examiner la question de façon approfondie avant de priver 20 000 jeunes de l'accès à la nationalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Nous parlons d'enfants qui sont nés sur le territoire français, pas de personnes qui y sont venues à un moment donné de leur vie. Cet amendement introduit une nouvelle distinction : il y aurait des enfants nés sur le territoire français qui seraient français par leurs parents et d'autres catégories.

L'on retrouve le débat que nous avons eu tout à l'heure…

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

…et que nous aurons tout au long de l'examen de ce texte. On le voit d'ailleurs dans votre vocabulaire. Vous passez désormais votre temps à faire le tri entre certaines catégories de Français. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

La preuve, ce sont vos dérapages sémantiques, que l'on a observés hier dans l'interview de M. Besson, selon lequel il y a désormais de bons Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Moi, je ne sais pas ce que c'est, des bons Français. Comme je ne vais pas lui faire injure, parce que ce n'est pas ainsi que j'agis, je ne vais pas lui rappeler ce que voulaient dire ces termes dans l'histoire de la République et qui les employait à un moment donné.

Il y a l'esprit de la République. Le débat sur la manifestation de la volonté, on l'a depuis 1986, avec la commission qui visait à réformer le code de la nationalité. Vous avez, à chaque fois, mobilisé toutes les sommités intellectuelles de ce pays pour essayer de créer une forme de manifestation de la volonté.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Cela a été fait. La terre a tout de même tourné !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Si vous vouliez introduire une forme d'adhésion nouvelle au pacte républicain, on aurait pu reprendre une formule proposée dans cet hémicycle dès 1997, une cérémonie pour tous les citoyens français âgés de dix-huit ans.

Plusieurs députés du groupe UMP. Nous ne sommes pas contre !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

On aurait pu imaginer, dans le consensus, une cérémonie solennelle pour tout le monde, sans discrimination. Vous, vous faites en permanence le tri entre les bons et les mauvais Français. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Vous ne pouvez pas dire des choses pareilles ! Arrêtez de caricaturer !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Vous jetez en permanence la suspicion sur ceux qui, la plupart du temps, adhèrent à la communauté française, et vous prenez quelques exemples particuliers pour dramatiser une situation qui est contraire à ce qui se passe sur le terrain.

Voilà pourquoi cet amendement n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Puisqu'il a déjà été accepté, il est acceptable !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Avec l'habileté dialectique qu'on lui connaît, Julien Dray a annoncé qu'il ne me ferait pas de procès tout en m'en faisant tout de même un implicitement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je voudrais y répondre très clairement pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.

Lundi matin, j'étais invité par le journal Le Parisien à rencontrer ses lecteurs. « Si je vous écoute bien, m'a dit l'un d'entre eux, ce que vous demandez à des migrants qui accèdent à la nationalité française, c'est de devenir de bons petits Français ». « Qu'est-ce qui vous choque, lui ai-je demandé, dans le fait que quelqu'un qui est bien intégré et accède à la nationalité française devienne un bon Français ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Vous auriez pu répondre que vous ne saviez pas ce qu'est un bon Français. Mais vous ne l'avez pas fait.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Vous n'avez pas lu suffisamment ma réponse. J'ai expliqué que le bon Français, c'était celui qui respectait scrupuleusement l'équilibre des droits et des devoirs, ce qui s'applique à chacun, quelle que soit son origine, et cela n'interdit pas de revendiquer son origine, sa culture, son histoire personnelle. L'accès à la nationalité française crée une sorte de hiérarchie d'appartenance mais cela n'oblige absolument pas à renier l'histoire dont on vient ou ce dont on est issu.

Ne caricaturez donc pas. J'aimerais bien savoir quel républicain pourrait avoir le moindre problème sur cette base. Oui, nous avons tous vocation à être de bons Français. Si quelqu'un défend l'idée qu'un étranger accédant à la nationalité française ne doit pas devenir un bon Français, qu'il m'explique pourquoi et sur quelle base. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

On pourra vérifier sur internet, monsieur Dray, mais, à mon avis, les termes « bon Français » doivent exister depuis 1790. Ils sont dans les discours de Robespierre, de Danton,…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

…et sûrement dans ceux de la Commune. Ce n'est donc pas la peine de dire que tout cela a une inflexion politique. Être bon Français, cela veut dire très simplement aimer la France, c'est clair.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Ce n'est pas la peine de choisir ce qui vous arrange, l'histoire de France va de 1789 à nos jours. L'expression n'a pas de connotation politique, elle a été employée par des hommes de gauche comme par des hommes de droite, et elle n'a pas de connotation polémique.

Parlons de la fameuse charte : il s'agit d'un document très important qui sera largement distribué. En réalité, pour celui qui la recevra, elle marquera le moment de l'adhésion à la citoyenneté française – vous constatez que, pour vous faire plaisir, je parle de citoyenneté plutôt que de « bons Français ».

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

J'espère que ce n'est pas « pour nous faire plaisir » ! Cela n'a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Or, alors que l'accession à la citoyenneté française est un acte fondamental, le Parlement n'aurait rien à connaître de cette charte ! Elle sera certainement rédigée par des administrateurs très compétents – il y en a ici –, mais peut-on imaginer un seul instant que nous soyons dessaisis s'agissant d'un acte aussi fondamental. Au minimum, nous devrions pouvoir donner un avis.

On m'a expliqué que la charte ne pouvait pas figurer dans le projet de loi, dont acte. Mais elle pourrait y être rattachée en annexe. Quoi qu'il en soit, je souhaite vraiment que le Gouvernement nous montre sa bonne volonté en nous informant du contenu de cette charte. Je ne me défie pas des fonctionnaires, mais je tiens à réaffirmer les droits du Parlement en la matière, tant en ce qui concerne la mission d'information sur la nationalité que pour ce qui est de la charte, qui devrait être annexée à la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Monsieur Dray, comme de nombreux députés de la majorité, je suis totalement d'accord avec vous : il serait excellent que tous les Français manifestassent leur volonté d'être français, que leur nationalité soit acquise ou reçue.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Cependant le problème se pose au niveau de nos deux grands principes : l'égalité et la liberté.

Égalité des droits, certes, mais de quels droits ? Tous les hommes qui vivent en France ont une égalité en termes de droits de l'homme, mais les citoyens bénéficient aussi de l'égalité des droits du citoyen, réservés à ceux qui possèdent la nationalité française. Voilà qui crée deux catégories et qui justifie parfaitement que les moyens pour devenir français soient différents de ceux par lesquels on hérite du titre de Français. C'est précisément cela que souligne Lionnel Luca.

J'en viens au principe de liberté. Tentons de placer le fameux droit d'acquisition de la nationalité sur l'échelle de cette notion de liberté. S'il y a un sens à l'histoire de nos démocraties, c'est bien celui du progrès de l'autonomie des personnes. Dans ce cadre, il y a une hiérarchie des trois droits qui peuvent être invoqués, et le droit du sol se trouve au plus bas niveau. Certains l'invoquent comme un tabou auquel il ne faudrait pas toucher, mais c'est le plus bas des droits !

À ce sujet, j'ai beaucoup aimé le mot utilisé par M. le ministre qui parlait de « mécanique ». Voilà en effet un droit qui nous enferme dans la mécanique du « devenir français ». Or, ce que nous exigeons avec la politique contractuelle qui est au coeur du projet de loi, c'est le remplacement du caractère mécanique de l'acquisition de la nationalité par un caractère volontaire, qui est tout son contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Cette acquisition volontaire fait plus de place à ce qui constitue la personne humaine : sa liberté de choix. Cessez de vous enfermer dans des problèmes comme ceux de Mayotte, qui se posent uniquement parce vous érigez le droit du sol comme un absolu ! Ce n'est pas le cas.

Monsieur Goasguen, il n'y avait pas de droit de la nationalité sous l'Ancien régime : on était sujet du roi parce qu'on naissait sur la glèbe qui lui appartenait, et pour aucune autre raison. Par souci d'égalité, la Révolution française a introduit le droit du sang.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

La IIIe République a rétabli le droit du sol uniquement afin de se fournir en soldats de façon mécanique plutôt que sur la base du volontariat.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut en finir avec ces débats.

Un jour ou l'autre, il faudra remettre en cause le caractère sacré du droit du sol et ériger en valeur absolue le droit de la volonté qui ne peut s'exprimer que par des sujets autonomes. Cela donne tout son poids à l'amendement déposé par Lionnel Luca.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je suis totalement d'accord avec M. Vanneste lorsqu'il dit que tous les hommes ont droit à l'égalité des droits. Bien sûr, monsieur Vanneste, et cela concerne aussi les homosexuels ! Vous avez pourtant été condamné par les tribunaux pour avoir remis en cause cette égalité…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je n'ai pas été condamné ! Je m'inscris en faux !

Je demande la parole…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Vanneste, vous pourrez avoir la parole pour un fait personnel en fin de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur Vanneste, vous avez été condamné par les tribunaux en première instance et vous n'avez rien à dire de plus. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

M. le ministre reprochait à Julien Dray d'être un spécialiste de la dialectique, mais lui-même connaît très bien le sens des mots et le contexte historique qui les entoure.

Monsieur Goasguen, inutile de remonter à la Révolution : lorsque le ministre de l'immigration et de l'identité nationale – celui-là même qui, sur ordre de l'Élysée, a organisé le débat que nous savons – parle de « bons Français », il sait très exactement à quoi cela renvoie. Ce même ministre qui nous parle de mariages gris sait aussi parfaitement ce que signifie le mot « gris » dans une certaine partie de la France : les « gris » sont les Arabes, en tout cas, c'est ainsi que les racistes les désignent. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Et les mariages blancs alors ? Vous dites n'importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Les mots ont un sens et un usage. Et l'usage qu'en fait le ministre de l'immigration et de l'identité nationale est très politique.

Monsieur Luca, monsieur Vanneste, tout cela s'inscrit dans une opération que notre collègue Mme Taubira a brillamment qualifiée d'opération de grignotage. Nous parlons du grignotage d'un certain nombre de principes républicains, et du grignotage du droit du sol pour introduire progressivement et insidieusement sa substitution par le droit du sang. C'est bien ce que nous a proposé M. Vanneste en nous faisant croire qu'il existerait des Français différents selon qu'ils seraient de parents étrangers ou nés français. Nous ne pouvons pas accepter qu'un tel tri soit effectué.

Quant aux dispositions relatives à la déchéance de la nationalité, elles font la différence entre ce que l'on pourrait appeler « le Français de cinq minutes » et le « Français de souche » ; entre celui qui paierait la double peine et celui qui ne la paierait pas. Vous êtes dans une opération idéologique et l'amendement que nous examinons en est le coeur ; il doit être combattu.

Tout cela ne date pas du discours de Grenoble. Vous en parlez d'ailleurs comme d'une sorte de discours fondateur, ce qui n'est pas très glorieux pour la France – pour ma part, je préfère franchement le discours de Bayeux. En fait, tout a commencé lorsque M. Sarkozy est devenu ministre de l'intérieur. Le début de l'opération de grignotage de nos principes remonte à cette époque. Faut-il rappeler le nombre de lois sur la sécurité dont nous avons dû débattre ? Faut-il rappeler le nombre de lois sur l'immigration que vous avez fait voter ? Faut-il rappeler toutes ces brèches dans lesquelles vous avez essayé de vous engouffrer – car vos coups de boutoir sont permanents – pour remettre en cause nos principes, et pour substituer le droit du sang au droit du sol ?

Pour ces raisons, nous nous élevons contre cet amendement. Il ne s'agit pas d'une posture d'opposition contre la majorité, mais de la défense de certains principes. Je me trouvai cet après-midi avec Étienne Pinte, qui appartient à votre majorité. Comme le disait Mme Ameline et comme le diront, je l'espère, d'autres humanistes et républicains à droite, il s'exprimait très clairement contre ce projet de loi parce que ce dernier porte atteinte à nos principes.

Nous avons encore des raisons d'espérer, mais vous venez tout de même nous présenter comme une urgence ce projet de loi sur l'immigration alors que l'INSEE a publié des chiffres effrayants sur le nombre de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays – près de treize millions de Français. Et vous considérez comme prioritaire de durcir un peu plus les textes relatifs à l'immigration et la condition des migrants ! Non, ce n'est pas de l'angélisme de notre part de défendre des valeurs universalistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Non, ce n'est pas de l'angélisme de dire qu'il y a d'autres urgences et que l'Assemblée nationale et le Parlement feraient un travail plus utile s'ils traitaient de sujets qui concernent vraiment les Français plutôt que de ces opérations d'enfumage qui ne vous honorent pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Mamère, le débat peut être vif, il l'est souvent, mais il me revient de faire respecter le règlement de notre assemblée par chaque député, quel que soit le banc sur lequel il siège.

À l'avenir, je vous invite à ne pas faire d'attaques personnelles ou vous me contraindriez à faire application de l'article 71, alinéa 5, du règlement. Il ne doit pas y avoir de mise en cause…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Mamère, écoutez-moi ! Je ne vous ai pas interrompu, même lorsque vous avez mis en cause personnellement l'un de vos collègues, ce qui est sanctionné par le règlement. Je fais ce rappel à l'ordre avec beaucoup de courtoisie ; j'attends la même attitude de votre part.

Le débat peut être vif, mais la tradition républicaine veut que nous nous respections, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons. Je le dis avec beaucoup de fermeté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il faut aussi que cette règle me soit appliquée !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

M. Vanneste a fait référence à la devise de la République en oubliant son troisième terme : la fraternité.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Ce n'est pourtant pas anecdotique. Peut-être notre collègue aurait-il besoin d'un stage de citoyenneté ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Quelque chose me surprend toujours dans le débat qui oppose droit du sol et droit du sang – car il s'agit bien de cela, même si les collègues qui prônent le retour au droit du sang n'osent pas le dire ouvertement. Française ayant vécu à l'étranger, je me suis toujours posé la question : qui est le plus français des Français nés à l'étranger de parents français, n'ayant jamais mis les pieds en France, parlant à peine notre langue, ou des enfants nés en France ayant suivi toute leur scolarité en France, ne connaissant pas d'autres pays, mais auxquels on dit, lorsqu'ils ont dix-huit ans : prouvez-nous que vous êtes français ? Certes, il y a des Français par filiation (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), mais qu'est ce qui les différencie des enfants nés en France qui se sont assis sur les mêmes bancs d'école que nos enfants ? Pourquoi devrait-on demander spécifiquement aux uns, à dix-huit ans, s'ils veulent devenir français ? Ils le sont parce qu'ils l'ont été pendant toutes les années qu'ils ont passées avec tous les enfants qui vivent dans notre pays. Dans le cadre des textes actuels, ils ont d'ailleurs quasiment tous fait une démarche pour obtenir la nationalité française avant leurs dix-huit ans.

Je suis inquiète que l'on demande toujours à certains de prouver qu'ils sont de bons Français. Quelle que soit l'expression employée, cette demande revient régulièrement sous une forme ou une autre : on veut faire la différence entre des Français que l'on pourrait saluer et d'autres qui seraient plus douteux.

On nous parle des délinquants récidivistes auxquels on ne devrait pas donner la nationalité à leurs dix-huit ans. Je rappelle tout de même que les personnes de moins de dix-huit ans sont encore mineures. Depuis la Libération, une loi spécifique protégeait les mineurs, qui n'étaient pas considérés comme des adultes. Il s'agissait de ne pas stigmatiser à vie un gamin qui avait fait des conneries parfois graves – y compris des crimes. Il était sanctionné pour les actes qu'il avait commis mais il ne subissait pas une double peine ; on estimait qu'il pouvait changer de vie.

De plus, mes chers collègues de l'UMP, vous avez voté, lors de la mandature précédente, la suppression de la double peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Vous la réintroduisez maintenant par le biais de vos propositions. C'est surprenant.

Le retrait de la nationalité française me choque, car, pour moi, lorsque l'on est français un jour, on est français toujours. Il n'y a pas de Français à la petite semaine, de Français en CDD ou en intérim.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je m'interroge sur l'héritage qu'ont reçu certains Français de souche qui sont aujourd'hui capables de nous proposer de détruire les fondements de notre république, issus des valeurs de la Résistance et du Conseil national de la Résistance. Franchement, je préfère ceux qui, nés de parents étrangers sur le sol français, défendent le contenu du programme du Conseil national de la Résistance plutôt que les Français « sans problème » qui expliquent qu'il faut le détruire. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. N'importe quoi ! C'est du délire !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous nous retrouvons, à quelques années de distance, à discuter d'un sujet très grave : notre pays choisit-il la tradition républicaine de la nationalité, c'est-à-dire le droit du sol ou choisit-il de revenir sur cette tradition héritée de la Révolution,…

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

…pour introduire des éléments de droit du sang ?

Je vais rappeler quelques souvenirs. En 1993, les lois dites Pasqua ont couvert un champ très large. Elles sont, en particulier, revenues sur la tradition républicaine du droit du sol avec les mêmes arguments que ceux employés tout à l'heure par M. Luca. Elles proposaient que, pour devenir français, les enfants de parents étrangers nés en France dussent manifester la volonté de l'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Par conséquent, l'acquisition de la nationalité ne pouvait pas être automatique à l'âge de dix-huit ans, comme c'était le cas auparavant.

Nous avons fait le raisonnement inverse avec la loi du 16 mars 1998, car nous avions été profondément choqués par ce qui s'était passé après l'adoption des lois Pasqua.

D'abord, les jeunes n'étaient pas informés et laissaient, par conséquent, passer le délai. Nés en France, ne parlant que le français et non la langue du pays d'origine de leurs parents dans lequel ils n'avaient jamais vécu, ils se trouvaient de fait sans nationalité et sans véritables attaches, en tout cas nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Non ! Ce n'était pas qu'un problème d'information, je vais vous le prouver.

C'était toujours les enfants de milieux défavorisés qui étaient ostracisés

Ensuite, si les lois Pasqua prétendaient que la déclaration de volonté était destinée à favoriser l'intégration, nous avons prouvé que c'était l'inverse. En effet, ces enfants nés de parents étrangers, alors qu'ils se sentaient français tous les jours, par le fait même qu'ils vivaient dans notre pays et qu'ils allaient à l'école de notre république, constataient qu'ils étaient traités différemment. Ils en retiraient un sentiment profond d'exclusion et cela allait à l'encontre de la volonté d'intégration.

Par conséquent, nous avons fait voter la loi du 16 mars 1998. Elle a prouvé son efficacité, M. le ministre et le rapporteur l'ont reconnu tout à l'heure. Je me souviens que le rapporteur n'y était pas favorable à cette époque, mais il vient de reconnaître que cette loi avait tout de même porté ses fruits.

Nous avions prévu que tout enfant de parents étrangers né en France a le droit d'être français. Il peut l'être automatiquement à l'âge de dix-huit ans – le droit du sol – mais si ses parents souhaitent que son état civil porte la mention « Français », ils peuvent le demander dès que leur enfant atteint l'âge de treize ans. L'enfant lui-même peut le demander sans le consentement de ses parents à partir de l'âge de seize ans. Nous avions introduit les conditions traditionnelles de présence sur le territoire français, d'études dans l'école de la République. Cette loi a eu les résultats rappelés tout à l'heure par M. le ministre et M. le rapporteur. Sur les 33 000 enfants nés en France de parents étrangers, l'immense majorité acquiert la nationalité sur leurs papiers avant l'âge de dix-huit ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Ensuite, c'est un droit imprescriptible, qui ne peut être remis en cause et qui est automatique, au plus tard, à l'âge de dix-huit ans.

Remettre en cause ce droit est très grave, c'est miner le processus d'intégration. Que disent ces enfants nés de parents étrangers ? Ils vivent sur notre territoire, leurs parents ont choisi de les y faire naître, ils vont à l'école de la République, par leur vie quotidienne, ils disent tous les jours : « Je suis français ». Il serait extrêmement grave, et je vous mets en garde contre cela, de remettre en cause cette loi qui a, au contraire, renforcé la volonté d'adhésion et d'appartenance à notre république par les parents et les enfants eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Mme Guigou vient de dire des choses intéressantes sur lesquelles nous pourrions être d'accord.

N'opposons pas droit du sol et droit du sang en en faisant un clivage théologique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Les filiations respectives sont plus complexes qu'on ne le suggère. Nous sommes en état mêlé, de ce point de vue. Vous et moi, madame, sommes nés à l'étranger, dans la même ville, au Maroc. Nous sommes français parce que nos parents l'étaient. Nous le sommes, non en vertu du droit du sol, mais du droit du sang. Ce qui veut dire, application concrète, que le droit positif français mêle déjà droit du sol et droit du sang.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Monsieur Noël Mamère, je vous crois sincèrement beaucoup plus subtil que vous ne l'avez été tout à l'heure. Si je vous ai bien entendu, les mariages gris concerneraient les Arabes.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Non ! C'est la connotation que vous leur donnez.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

C'est ce que vous avez dit !

En poursuivant, les mariages blancs, ce sont les blancs ; les cabinets noirs, il faut qu'il y ait des noirs ! C'est grotesque ! Je ne peux pas laisser passer de pareils propos.

En France, près d'un mariage sur trois est mixte, associant un Français ou une Française à un étranger ou une étrangère. L'État n'a pas son mot à dire sur le sujet. On aime qui on veut, on se marie avec qui on veut.

Il existe une catégorie spécifique, celle mariages de complaisance. Vous pouvez constater dans tous les livres de droit que l'usage commun appelle « mariages blancs » les mariages par lesquels les deux conjoints trichent volontairement pour obtenir des titres de séjour ou la nationalité française, et « mariages gris » ceux où l'un des deux – le plus souvent, l'une des deux – est victime. L'un est sincère dans son engagement et ses sentiments, tandis que l'autre ne se marie – le conjoint s'en rend compte quelques mois ou quelques semaines plus tard – que pour obtenir le titre de séjour ou la nationalité française. Ce n'est pas le Gouvernement qui le dit, cela figure dans les manuels de droit depuis de nombreuses années. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ce dont on parle. Nous évoquons une catégorie spécifique : les mariages de complaisance. Nous aurons l'occasion d'en débattre. Si vous jugez que cela n'a aucune importance, alors que chaque jour, chaque semaine, des tribunaux prononcent des condamnations pour des mariages de complaisance, dites-le, cela figurera au Journal officiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Dell'Agnola

Je ne souhaite pas répondre aux provocations mais rappeler certaines choses. Je suis né moi-même au Maroc, je suis français, mais pas marocain pour autant. Il y a effectivement des nuances dans ce que l'on appelle la filiation.

L'amendement de M. Luca reprend les lois votées en 1993. Elles ont été en vigueur dans le droit positif pendant cinq ans. Ces lois n'ont pas été soumises au Conseil constitutionnel et n'ont donc pas été considérées comme exorbitantes du droit constitutionnel français. Je ne pense pas qu'à l'époque ces lois aient entraîné de problèmes.

Pourquoi souhaiterait-on, à treize ans, à seize ans, devenir français et l'exprimer, alors qu'on n'a pas à le faire à sa majorité, à dix-huit ans ? C'est, je crois, gratifiant d'être français. C'est un choix que l'on exprime. Nous devrions saluer cette adhésion à la République. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je vais m'exprimer très rapidement, car je sais que le chronomètre tourne dans ce parlement bâillonné. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. le ministre, à défaut d'avoir des convictions intangibles, est intelligent. Le poids de l'histoire change la nature des mots. Je vais prendre deux exemples.

Le terme « collaboration » n'a pas été, pendant fort longtemps connoté, mais à partir de 1940, le seul fait de le prononcer changeait la nature des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Autre exemple, l'expression « solution finale » avant la Seconde guerre mondiale, n'avait aucune connotation. Depuis cette période, les humanistes ne peuvent plus l'utiliser.

Monsieur le ministre, quand vous parlez de « bons Français » en exposant vos arguments, vous ne pouvez pas être crédible. Si votre parcours en matière de convictions a été très changeant, je pense que vous connaissez le poids des mots et le sens de l'histoire. En utilisant les termes « bons Français », vous ne pouvez pas nous faire croire qu'il n'y a pas, derrière, une connotation, que les républicains et les humanistes ne peuvent pas accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Je vais essayer de ne pas être polémique, afin que le langage que je vais tenir ne choque personne.

Il était utile que Mme Guigou rappelle l'histoire des débats que nous avons eus au sein de notre assemblée. Thierry Mariani disait tout à l'heure à M. Caresche que nous avions discuté ensemble d'au moins cinq lois. Quelques-uns d'entre nous débattent de ces lois sur l'immigration depuis 1993 et les premières lois Pasqua et Debré. Mise à part la période de 1997 à 2002 – vous verrez pourquoi j'ouvre cette parenthèse –, nous avons noté au fil des textes une aggravation du sort des étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou irrégulière. La volonté plus ou moins affichée était de diviser les gens entre eux.

Je ne partage pas l'ensemble des propos de Noël Mamère, notamment sa provocation. Mais il a au moins dit une chose juste : rien ne justifiait que ces textes viennent en urgence,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

…si ce n'est votre volonté de masquer votre incapacité à régler les autres grandes questions que se pose aujourd'hui le peuple français. C'est, je crois, un aveu de faiblesse de votre part.

Je voudrais revenir sur cette notion de « bon Français ». On ne peut pas comparer, monsieur Goasguen, l'acception de « bon Français » en 1790 et aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

En 1790 ou même sous la Commune, la France était complètement isolée face aux autres pays européens. Pour ceux qui défendaient la République, la France, il était utile d'être « bon Français ».

Selon vous, la citoyenneté française serait une formulation identique, mais ce n'est pas la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Pourquoi est-ce différent ? Un citoyen français a le droit à la résistance, à la révolte. Il a même le droit de contester la loi lorsqu'elle lui semble injuste. Heureusement qu'en 1940, il y a eu des « bons Français » pour dire non à l'état pétainiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

À un moment donné de l'histoire, on peut être considéré comme un mauvais Français, puis, à un autre moment, comme un bon Français pour avoir fait des choix courageux. Certains, dans cet hémicycle, l'ont payé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Ils ont été jugés comme des mauvais Français ; l'histoire leur a rendu raison : ils étaient de bons Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Où étaient les députés communistes en 1940 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Je n'ai pas à endosser les crimes qui ont été commis par certains pays, pas plus que vous n'avez à le faire pour les crimes commis par la société judéo-chrétienne.

Être « bon Français », pour certains d'entre vous, cela signifie ni plus ni moins rentrer dans le moule. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Cela veut dire ne contester ni l'État ni le Gouvernement. Cela veut dire être un Français qui respecte la loi et les règles sans les contester. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Eh bien, non ! Il m'arrive parfois – et je le dis sans esprit de provocation – d'être fier d'être français et parfois d'en avoir honte ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Ferrand

Avant 1940, parler du maréchal Pétain n'était pas péjoratif !

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Le Français immigré que je suis, puisque je suis Français naturalisé, espère être un bon Français même si je suis toujours considéré, comme beaucoup d'autres, comme un immigré d'origine, selon les statistiques.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Ce n'est pas possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Je suis un bien-pensant hostile aux thèses de l'extrême droite, comme beaucoup d'autres, en dépit des critiques du ministre de l'intérieur. J'adhère, par ailleurs, à la suggestion de Claude Goasguen pour que le Parlement ait son mot à dire dans l'élaboration de la charte du Français naturalisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il n'y a que de bons députés dans notre hémicycle, et c'est pourquoi je dirai à M. Mamère qu'il n'a pas le monopole de l'humanisme.

Mme Guigou a défendu une thèse contraire à l'esprit de l'amendement de M. Luca, qui peut être acceptable. Mais quel cas fait-elle d'enfants nés sur le sol français qui ne veulent pas devenir français ? Des gouvernements étrangers ont fait valoir que nous faisions du néocolonialisme en attribuant la nationalité française à des enfants. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Regardons les choses en face. Cet amendement présente l'avantage de pouvoir exprimer une volonté. Grands dieux, exprimer la volonté de devenir français, alors qu'on est né, même sur le territoire national, de parents étrangers, n'est pas à balayer d'un revers de main !

Vous avez, monsieur le ministre, soulevé la question des enfants de treize ans. J'ai, pour ma part, quelques doutes sur la volonté d'un enfant de treize ans de devenir français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Cela peut exister, mais je vous rappelle que tous ces enfants deviendront ipso facto français dès lors que leurs parents le seront devenus s'ils le demandent après cinq ans de résidence en France. Demander à ces 3 000 enfants entre seize et dix-huit ans de faire un acte d'adhésion à la France et d'épouser la citoyenneté française n'est absolument pas choquant et va dans le sens d'un renforcement du pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Dans 90 % des cas, la nationalité s'acquiert de manière automatique. Pour acquérir la nationalité française, un enfant dont les parents étrangers vivent en France, doit être né en France. L'automaticité vaut pour le double droit du sol.

Le simple fait d'être installé depuis plusieurs générations dans notre pays était jusqu'à présent considéré, dans notre tradition, comme une manifestation évidente d'intégration. En voulant faire la chasse à ces enfants, vous prétendez respecter les traditions françaises alors que vous foulez au pied des règles établies depuis bien longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Et s'il ne reste plus que 3 000 enfants dans cette situation, alors qu'il y en avait beaucoup plus précédemment, c'est parce qu'il n'y a plus de colonies. Il semble pour le moins incongru de demander à des personnes installées depuis plusieurs générations dans la France métropolitaine de leur demander une nouvelle déclaration de manifestation d'appartenance.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

Mes chers collègues, je suis français, martiniquais – j'aurais pu naître en Guyane ou en Guadeloupe – et je souhaite réagir aux propos que j'ai entendus cet après-midi.

J'ai appris l'histoire de France à l'école à la Martinique, j'ai lu plusieurs fois la Déclaration universelle des droits de l'homme, j'ai appris à aimer la France. Permettez-moi de dire à quel point les propos tenus par certains de mes collègues m'ont peiné. M. Myard a fait dans la redondance : « affreux, affreux » a-t-il dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

Vous n'êtes pas non plus vertueux. C'est affreux, en effet, de faire de l'amalgame et de proposer que les enfants de parents nés à Mayotte et en Guyane ne devraient pas être considérés comme des Français et devraient avoir un sort à part. C'est inadmissible à mes yeux. Je me demande même si, derrière tout cela, ne se cache pas quelque arrière-pensée : on n'a pas parlé du département de la Drôme, mais des départements d'outre-mer, des anciennes colonies, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de Mayotte. Je le dis et je le répète : c'est inadmissible.

La France et les Français souffrent en ce moment et les problèmes sont nombreux. N'avons-nous pas autre chose à faire que proposer que les enfants nés de parents étrangers – qui parlent le français, qui vont dans les écoles françaises, qui fréquentent les petits Français nés en France comme eux – manifestent, avant l'âge de vingt et un ans, leur volonté d'acquérir la nationalité française ? Devons-nous perdre des heures et des heures pour réclamer que ces enfants passent devant un juge pour devenir des Français comme nous ? Je trouve cela désobligeant, désagréable. C'est pourquoi je vous lance un appel, chers collègues de la majorité. Heureusement qu'il y a parmi vous quelques camarades,…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

…quelques collègues qui, devant l'horreur de vos amendements, ont su réagir. Cela les honore.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

De quelle horreur parlez-vous ? Il s'agit de démocratie, de liberté d'expression !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

Je souhaite que vos propos ne soient pas guidés par des considérations idéologiques, mais par une volonté du vivre-ensemble, d'appartenir à un même destin, à une même communauté de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

Tout à l'heure, M. le ministre a parlé de la volonté d'appartenir à un grand ensemble français, d'assimilation. Mais qu'est-ce que l'assimilation, si ce n'est le reniement de soi ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

C'est renier sa culture d'origine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au mot assimilation, je préfère celui d'intégration. L'intégration, c'est partager un même destin tout en gardant sa culture d'origine. Vous, vous faites de l'amalgame…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

…et vous vous cantonnez à des considérations idéologiques : c'est inadmissible et je souhaite que nous en revenions à plus de sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Avec l'amendement de M. Lionnel Luca, nous touchons un sujet très sensible et sérieux qui ne devrait pas prêter à la caricature. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Opposer les « bons Français » aux « mauvais Français »,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Ce n'est pas nous qui avons employé cette expression !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

C'est le ministre qui a parlé de « bons Français ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

…opposer les bons députés aux mauvais députés, proférer des inexactitudes, même en criant – et, monsieur Roy, crier ne donne jamais raison, vous devriez le savoir depuis longtemps –,...

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

…s'adonner à une telle caricature est tout à fait scandaleux.

Le débat n'est pas de savoir qui est un bon ou un mauvais Français. L'amendement de Lionnel Luca nous invite simplement à nous interroger sur les conditions d'acquisition de la nationalité. Serait-ce un crime pour le législateur français de s'interroger sur ce sujet ?

Au demeurant, l'intervention de Mme Guigou tend à nous donner raison. Sur 32 000 ou 33 000 enfants nés sur le territoire français de parents étrangers, 30 000 environ ont obtenu la nationalité française. Dès lors, où est le problème ? (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Par ailleurs, est-ce que la volonté d'être français ne fait pas partie de la citoyenneté ? Il est simplement demandé à des gens qui vivent depuis un certain nombre d'années sur le territoire français…

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

…de dire clairement qu'ils souhaitent être français. Où est le drame ? Où est la difficulté ? En aucun cas, un tel débat ne devrait donner lieu à des discours aussi caricaturaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Sur le vote de l'amendement n° 362 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Bernard Lesterlin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lesterlin

Il existe un dispositif dont on ne parle jamais lorsque l'on aborde ces questions. Je souhaite donc interroger M. le ministre sur le recours au titre d'identité républicaine.

Je prendrai l'exemple de Mayotte, qui semble être un exemple particulièrement représentatif. Les enfants qui naissent de parents non français sur ce territoire français sont éligibles à l'émission par la préfecture d'un titre d'identité républicaine, qui atteste la volonté des parents de voir leurs enfants s'inscrire dans notre collectivité nationale.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer le nombre de titres d'identité républicaine émis par la préfecture de Mayotte au regard du nombre de naissances d'enfants éligibles à ce titre ? Pourquoi ne pas envisager l'automaticité de ce titre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Cet amendement est de bon sens. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Alors que l'on peut devenir français à la demande de ses parents lorsque ceux-ci sont investis de l'autorité parentale, on ne pourrait pas formuler cette demande pour soi-même lorsque l'on atteint la majorité, c'est-à-dire lorsque l'on devient un citoyen ? C'est totalement incohérent !

En outre, il n'est pas question d'étudier le dossier de demande pour lui donner une réponse, positive ou négative : la nationalité sera acquise de fait. Il s'agit simplement de la demander. (Même mouvement.) Et ce geste tout simple, cette demande de confirmation de la nationalité française (Même mouvement), permet de montrer sa volonté d'intégrer la communauté nationale, conformément à notre souhait à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Voilà qui résout votre problème ! Votez l'amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je veux seulement faire une remarque, puisque nous parlerons souvent de droit de la nationalité au cours de ce débat.

Le ministre l'a rappelé, notre droit combine droit du sol et droit du sang. Et, de grâce, cessons d'invoquer la tradition républicaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Car, comme l'a rappelé Christian Vanneste, le fondement du droit du sol en France n'est autre que la loi de 1889, date à laquelle, après avoir perdu l'Alsace et la Lorraine, on a porté à trois ans la durée du service militaire. (Approbation sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Lors du débat, les députés de gauche présents dans l'hémicycle demandèrent que l'on mît fin à l'« odieux privilège » – ce vocabulaire imprégnait tout le débat – dont bénéficiaient les ouvriers étrangers qui côtoyaient les ouvriers français dans les terres et dans les mines et qui échappaient au service militaire de trois ans. Je tiens les discours de vos prédécesseurs à votre disposition, mes chers collègues de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Honte à vous ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

C'était en 1889, il n'y avait alors que de bons députés, et aucun d'entre eux n'est plus parmi nous. Je veux simplement que nous ne réécrivions pas l'histoire et que nous arrêtions de nous la renvoyer à la figure. Pardonnez-moi, mais, en 1889, la loi sur le droit du sol visait avant tout à fournir des conscrits à l'armée française : ce n'était absolument pas une loi généreuse. N'en déplaise aux uns et aux autres, c'est cela l'histoire ! (Approbation sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

En ce qui concerne l'amendement, je fais personnellement partie de ceux qui souhaitent que l'on manifeste sa volonté en la matière. Je ne l'ai jamais caché. Toutefois, les réformes du droit de la nationalité ont toujours été, dans notre pays, précédées d'un minimum de réflexion, d'explication et de discussion. Réformer le droit de la nationalité n'est pas tout à fait anodin : cela ne se fait pas en une demi-heure, au détour d'un amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Ce geste serait lourd de conséquences.

Or le Président de la République a annoncé très clairement qu'il allait désigner une mission sur le sujet (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), dont Claude Goasguen souhaite à juste titre qu'elle ne soit pas uniquement confiée à des experts,…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

…et à laquelle M. le ministre a bien indiqué que les députés seraient associés. Cette mission ne concerne pas seulement la déclaration préalable. C'est une députée de gauche qui, tout à l'heure, a été l'une des premières à dire que l'on ne devrait pas être automatiquement français lorsque l'on est passé plusieurs fois devant les tribunaux, même si on le demande à dix-huit ans. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Je le répète, il me semble quelque peu précipité de débattre en une demi-heure, au détour d'un amendement, d'un sujet qui mérite un minimum de préparation et d'explication.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Pour ces raisons, je vous invite à repousser cet amendement, qui, quoi que l'on en pense, engagerait notre parlement dans une réforme de portée considérable.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

En ce qui concerne tout d'abord la charte des droits et des devoirs que l'étranger accédant à la nationalité française devra signer, l'engagement qu'il devra prendre, je veux dire clairement à Claude Goasguen que, pour des raisons juridiques que j'ai indiquées en commission et sur lesquelles je ne reviens pas, son contenu sera fixé par un décret qui sera pris – précaution suprême – en Conseil d'État.

Toutefois, en termes de légitimité, je vous répète solennellement ce que j'ai dit en commission : le Gouvernement vous transmettra bien évidemment cette charte et en débattra avec vous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Ainsi, je suis prêt à m'engager auprès du rapporteur et de vous-même à venir rendre compte de ce document devant votre commission des lois dès qu'il sera prêt, et avant sa transmission au Conseil d'État. Il ne doit subsister aucune ambiguïté : je le redirai lorsque nous en viendrons à cet amendement, il est tout à fait légitime aux yeux du Gouvernement que le Parlement soit très étroitement associé à la définition du contenu de la charte.

Sur le présent amendement, j'abonderai dans le sens de Thierry Mariani. J'aurais beaucoup aimé que Lionnel Luca, dont je connais l'esprit républicain, accepte de le retirer.

Claude Goasguen l'a annoncé, vous allez créer vous-mêmes une mission d'information, qui portera manifestement sur divers aspects du présent débat sur l'accès à la nationalité.

En outre, le Président de la République ayant souhaité que les jeunes nés de parents étrangers sur le sol français n'acquièrent pas automatiquement la nationalité française lorsqu'il s'agit de délinquants multirécidivistes, nous devrons vous soumettre un projet de loi en ce sens au cours des mois à venir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour les raisons que Thierry Mariani vient d'indiquer, et au vu des conséquences majeures dont cet amendement est porteur, il mériterait, monsieur Luca, d'être très précisément explicité sur plusieurs points. Revient-il à supprimer l'accès à la nationalité française de tous les jeunes âgés de treize à seize ans ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Si tel était le cas, cela signifierait que l'on supprime par voie d'amendement l'accès de 20 000 jeunes à la nationalité française. Si tel n'est pas le cas, la voie de contournement est tout indiquée. En effet, ce que vous voulez, c'est que le jeune indique expressément, à sa majorité, sa volonté de devenir français.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Mais si les parents conservent la possibilité de demander la nationalité pour leur enfant âgé de treize à seize ans, cela permet de contourner cette demande expresse. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Vous voulez que le jeune exprime son adhésion au pacte républicain et s'engage à respecter nos lois et coutumes ; mais ce n'est pas ainsi que nous y parviendrons.

Je le répète, le Gouvernement vous soumettra sans tarder un projet de loi résultant du discours prononcé par le Président de la République à Grenoble. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je vous suggère donc de repousser cet amendement – puisqu'il n'a pas été retiré – et de débattre de cette question dans le cadre de la mission d'information, puisque sa lettre de mission obligera la personnalité choisie par le Président de la République à consulter les parlementaires et à les associer à ses travaux.

Dans la mesure où vous aurez à débattre et à vous décider d'ici à quelques mois, voire quelques semaines, je vous invite à renoncer à le faire dans la hâte et sans avoir pu mesurer les conséquences de votre geste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 362 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 119

Nombre de suffrages exprimés 114

Majorité absolue 58

Pour l'adoption 23

Contre 91

(L'amendement n° 362 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Défendu !

(L'amendement n° 364 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Après l'article 1erA

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 247 .

La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Par cet amendement, nous souhaitons appeler l'attention sur la situation extrêmement préoccupante de nombreuses familles qui recueillent en France des enfants de leur pays d'origine selon le principe de la kafala.

Ces familles doivent suivre un véritable parcours du combattant pour faire venir ces enfants et obtenir une harmonisation entre réglementation du pays d'origine et réglementation française. Les pays d'origine exigent souvent, pour prononcer la kafala, l'obtention d'un accord similaire à celui qui régit l'adoption, alors que les autorités françaises, en particulier les plus hautes juridictions, refusent d'attacher à la kafala les effets de l'adoption considérant que celle-ci n'est pas reconnue dans le droit du pays d'origine.

En outre, une fois l'enfant régulièrement recueilli dans notre pays, ces familles se heurtent à de nouvelles difficultés : le délai d'obtention de la nationalité française est de cinq ans alors qu'il est beaucoup plus court pour les autres enfants adoptés.

Nous souhaitons que la mise en oeuvre de l'institution de la kafala soit moins compliquée pour les familles dans notre pays. Il faudrait également, une fois que l'enfant est dans la famille à la suite d'une décision de kafala régulière, que l'adoption ne soit pas encore retardée, car cela rend impossible la stabilisation de la situation de ces enfants pour de nombreuses années.

Monsieur le président, l'explication que je viens de donner vaut également pour l'amendement de coordination n° 248.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je considère donc, madame Pau-Langevin, que vous avez défendu également l'amendement n° 248 .

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Avis défavorable.

La kafala est une institution de droit coranique en vigueur dans les pays de droit musulman qui prohibent l'adoption, comme l'Algérie, le Maroc, le Bangladesh, les Comores, l'Égypte, l'Iran, la Libye, la Malaisie, la Mauritanie, le Pakistan et le Soudan. Elle permet le recueil légal d'enfants par un organisme ou une famille pour s'occuper de leur personne – gîte, entretien, éducation – et, s'il y a lieu, de leurs biens, par l'organisation d'une tutelle. Ne produisant aucun effet sur la filiation et la vocation successorale de l'enfant, la kafala n'est pas assimilable à l'adoption, mais s'apparente au dispositif français de la délégation de l'autorité parentale prévue par l'article 376 et suivants du code civil.

Ces amendements visent à aligner, pour l'acquisition de la nationalité française, les conditions de résidence posées par le code civil à l'égard des enfants recueillis en application d'une kafala judiciaire sur celles applicables aux enfants faisant l'objet d'une adoption simple par des ressortissants français.

Actuellement, l'enfant recueilli et élevé en France par une personne de nationalité française ne peut demander la nationalité française qu'à l'issue d'une période de résidence de cinq ans sur le territoire, alors que les adoptés simples ne sont soumis à aucune exigence de ce type. Cette différence de traitement est pleinement justifiée par le fait que, contrairement aux enfants adoptés, les enfants recueillis par kafala ne sont pas nés en France et ne peuvent bénéficier d'une mesure de regroupement familial.

Adopter cet amendement reviendrait donc à conférer aux enfants recueillis par kafala une sorte de voie privilégiée pour l'accès à la nationalité française. Pour un parti qui, comme la majorité, prône la laïcité, ce n'est peut-être pas ce que l'on souhaite en priorité...

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

...puisque cette mesure ouvrirait potentiellement la porte à bien des abus. En effet, si ces amendements étaient adoptés, aucune exigence de résidence sur le territoire national ne serait imposée au moment de la naturalisation.

Par ailleurs, cette mesure est également quelque peu contradictoire avec la vocation intrinsèque de la kafala qui se distingue de l'adoption.

Il s'agit là d'une disposition très généreuse de droit coranique.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Il existe déjà un certain nombre de voies d'adoption. Privilégier celle-ci enverrait un message contradictoire avec celui de la laïcité qui nous réunit tous ici.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Comme l'a indiqué, à juste titre, le rapporteur, la kafala courante dans les pays de droit musulman ne peut être assimilée à une adoption selon le droit français. Elle consiste à recueillir un enfant.

Actuellement, l'article 21-12 du code civil soumet la recevabilité des déclarations de nationalité française des enfants recueillis – et non adoptés – par des Français à une condition de durée de résidence de cinq ans pour s'assurer de la réalité de l'intégration du mineur étranger qui acquiert la nationalité française par une durée de résidence suffisante. Le simple recueil par une personne de nationalité française est insuffisant pour justifier, à lui seul, que la condition d'intégration est remplie. Cette intégration implique notamment une connaissance de la langue et de la société française qui est assurée par la durée de résidence de cinq ans requise. Cette condition de résidence nécessaire, les amendements auraient pour effet de la supprimer pour les enfants recueillis par kafala.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

On ne peut pas évacuer le problème de la sorte.

Un certain nombre de pays, et notamment le Maroc, n'admettent pas l'adoption. Tous les enfants orphelins ne peuvent être recueillis que par kafala. De ce fait, plusieurs centaines d'enfants nés au Maroc ou en Tunisie et ayant été confiés à des familles marocaines ou tunisiennes de nationalité française et vivant en France n'ont pas les mêmes droits que les autres. Je veux bien comprendre les arguments que vous avez donnés, mais il n'en demeure pas moins que le problème reste entier.

Cet amendement fait bien la distinction entre la kafala judiciaire, qui est un acte retranscrit sur l'état civil, et la kafala « traditionnelle » où la famille qui s'occupera d'un enfant a été choisie par le conseil du village.

Je souhaiterais que l'on se penche sur ce problème qui nous a été signalé, y compris par le Médiateur de la République. Dans notre pays, des centaines d'enfants n'ont pas les mêmes droits que les autres enfants adoptés ou confiés à des familles françaises par l'adoption internationale ou par la DDASS, et se retrouvent dans des situations difficiles, par exemple lors des sorties scolaires. Il faudrait que vous puissiez travailler de manière beaucoup plus fine sur ce sujet pour transformer la kafala judiciaire en France en adoption simple, et non pas en adoption plénière. Nous résoudrions ainsi le problème que rencontrent près d'un millier de familles qui mettent les enfants qu'ils ont recueillis en situation d'insécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Je n'ai pas très bien compris la motivation de cet amendement.

D'un côté, vous voulez privilégier l'accès à la nationalité pour les enfants recueillis par kafala, ce qui heurte le principe de laïcité qui prévaut dans cet hémicycle ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

On veut l'égalité. Cela n'a rien à voir avec la laïcité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

…de l'autre, vous souhaitez l'égalité. Le message envoyé par vos deux amendements n'est pas très clair.

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Il y a là un vrai problème, que connaît bien M. Blisko pour présider le groupe de travail relatif à la protection de l'enfance et sur lequel nous nous étions déjà penchés lors de l'examen de la loi réformant la protection de l'enfance votée en 2007.

Je ne pense pas que nous trouverons des solutions à l'occasion de l'examen du présent texte sur l'immigration, qui n'est pas axé sur la protection des enfants ni sur ce type de problème. Toutefois, je me souviens que lors de l'examen de la loi réformant la protection de l'enfance, le Gouvernement s'était engagé à étudier cette question, afin de simplifier la situation de ces familles qui posent un vrai problème au regard de la loi française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

C'est pour pallier la carence du Gouvernement que nous proposons ces amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Mais il ne s'agit pas de le faire au mépris de l'adoption légale ni de fournir un moyen de contourner les procédures légales d'adoption en les facilitant.

Le problème mérite plus qu'un amendement. Aussi, je souhaite que le Gouvernement nous aide à créer un groupe de travail sur cette question, afin de la résoudre une fois pour toutes plutôt que d'en débattre au détour de l'examen d'un texte relatif à la protection de l'enfance ou à l'immigration.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Mme Martinez a raison de souligner que le problème est complexe et qu'il nécessiterait la création d'un groupe de travail.

L'argument de la laïcité n'est pas bon. En effet, on ne peut pas reprocher à un enfant que son pays mélange droit religieux et décisions rendues par les tribunaux. Dès lors que cet enfant vit dans notre pays, dans une famille qui l'a recueilli, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas être traité à égalité avec les autres.

Nous demandons une traduction laïque de cette institution spécifique qu'est la kafala. Dès lors que l'enfant est en France à la suite d'une décision judiciaire de kafala, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait qu'il attende encore avant de solliciter la qualité de Français. Selon M. Mariani, parce qu'il vient de l'étranger, il faut vérifier qu'il s'intègre correctement. Cet argument n'est pas recevable, car beaucoup d'enfants adoptés en France viennent de l'étranger. Nous demandons simplement l'égalité entre ces enfants.

(L'amendement n° 247 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 248 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 119 .

La parole est à Mme Sylvia Pinel.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Cet amendement, qui précise que « La politique migratoire ne saurait faire l'objet d'aucun objectif chiffré de performance, notamment en matière de reconduite à la frontière », constitue un volet important de l'orientation générale de la politique migratoire française. En effet, la mise en oeuvre des lois sur la maîtrise de l'immigration se traduit par des expulsions expéditives, parfois violentes. Les médias ont pu alerter l'opinion sur des situations extrêmes : étrangers travaillant et payant rigoureusement leurs impôts, peur extrême provoquée par les contrôles, situation des familles dont les parents sont séparés. Pour autant, les contrôles et les interpellations se poursuivent quotidiennement.

L'objectif expressément poursuivi par le Gouvernement est d'atteindre des quotas de reconduite à la frontière et de pouvoir annoncer régulièrement le respect de ces quotas. Cette manière de traiter ceux qui ont choisi notre pays pour travailler et réussir ne ressemble pas à l'image que j'ai de la France. La rupture avec notre tradition d'accueil et de protection de la personne humaine entame le respect qu'inspirait notre pays à l'étranger. Par crainte des contrôles, nombre d'étrangers n'accèdent plus aux soins et s'enferment dans la peur et la psychose. C'est indigne du pays de l'esprit des Lumières et des droits de l'homme. Pour les étrangers, pour tous ceux qui sont appelés à mettre en oeuvre cette politique au quotidien, il est temps de mettre fin à cette politique que vous menez. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d'adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Il faut essayer de se mettre d'accord.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Pour entrer en France, il faut un titre de séjour. Aucun pays dans le monde n'accepte qu'un individu entre sur son territoire sans titre de séjour. En la matière, la France est généreuse puisque, bon an, mal an, elle accorde 200 000 titres de long séjour – un peu moins l'année dernière en raison de la crise économique – et deux millions de titres de court séjour.

Par ailleurs, qu'advient-il des étrangers en situation irrégulière ? Ils ont vocation, sauf régularisation par le travail, comme le prévoit l'article 40 de la loi de novembre 2007, ou pour raisons humanitaires, à être reconduits dans leur pays d'origine.

Il s'agit non seulement de la position de la France, mais, désormais, du pacte qui nous lie aux vingt-six autres pays de l'Union européenne. Dans ces conditions, qu'est-ce qui vous heurte ? Est-ce le fait que quelque 95 000 étrangers en situation irrégulière sont aujourd'hui interpellés ?

Ce qui pourrait poser problème en termes de « productivité », pour reprendre vos arguments, c'est que, à cause du nombre insuffisant de laissez-passer consulaires – nous y reviendrons en abordant la question de la rétention –, à cause également de la complexité de nos procédures, nous ne reconduisons pas autant d'étrangers en situation irrégulière que nous ne devrions.

Que nous ayons le souci d'une bonne administration et que nous fassions appliquer la loi ne devrait pas vous heurter.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Monsieur le ministre, vous ne répondez pas à notre collègue. Personne ici ne conteste la nécessité de reconduire les étrangers en situation irrégulière. Le problème est que vous avez introduit une méthode nouvelle – faire du chiffre – qui vous conduit à faire n'importe quoi. Vos administrations travaillent sous pression, et bien souvent, pour atteindre les objectifs que vous leur fixez, elles expulsent de telle manière que le juge, lorsqu'il est saisi, est amené à les condamner, et que les expulsés concernés reviennent sur le territoire.

Cette politique du chiffre est la même que celle que vous menez en matière de sécurité. En vertu de la « bâtonnite » que vous leur imposez, des policiers multiplient les contraventions afin de remplir des objectifs chiffrés qui n'ont plus aucun sens.

Nous sommes, nous parlementaires, conduits à intervenir en permanence auprès de vos services pour vous signaler des procédures d'expulsion réalisées dans l'urgence, donc n'importe comment, et vous êtes vous-même très souvent contraint de revenir sur vos décisions.

La mécanique infernale dans laquelle vous plongez vos services aboutit à des situations ubuesques inverses de celles recherchées.

(L'amendement n° 119 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, premier orateur inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Nous parvenons à un moment important du débat. Avec l'article 1er, nous entamons en effet le chapitre des mesures relatives à la nationalité et à l'intégration.

Nous allons, dans les heures qui viennent, discuter d'un amendement ouvrant la possibilité de déchoir de leur nationalité certains Français d'origine étrangère. Cet amendement – de nombreux orateurs le rappelleront après moi – est, par bien des aspects, absurde, quand bien même nous accepterions de nous placer dans la logique de ses auteurs.

Il opère tout d'abord une classification entre les crimes : le meurtre d'un pompier peut conduire à la déchéance de la nationalité, mais pas celui d'un professeur ni d'un infirmier.

Il ne présente en outre aucun caractère dissuasif, car chacun conviendra que celui qui abat un gendarme, et encourt à ce titre la prison à vie, se souciera peu d'être déchu de sa nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

J'ajoute que cette peine complémentaire serait, dans les faits, rarement prononcée, compte tenu du faible nombre de cas auxquels elle s'appliquera, mais aussi de la complexité de la procédure.

Il s'agit d'une mesure symbolique, inefficace et absurde. Certes, d'aucuns pourraient penser qu'il s'agit d'une provocation à laquelle il serait inutile de répondre. À l'instar de certains de nos collègues de l'opposition comme de la majorité, parmi lesquels Étienne Pinte, j'insisterai au contraire sur la gravité du dispositif qui nous est proposé.

Il constitue un symbole et, en politique, dans la vie d'une nation, les symboles revêtent une grande importance : ils expriment la façon dont nous concevons la vie en société. Or, sur tous ces bancs, à gauche comme à droite, nous avons reçu la République en héritage. Que nous ont légué nos aînés ? Des principes et avant tout celui selon lequel la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » – vous aurez reconnu l'article 1er de la Constitution.

Si le législateur et le Conseil constitutionnel ont accepté une entorse à ce principe pour faits de terrorisme, c'est en raison de la nature particulière de ces actes qui manifestent clairement l'intention de ceux qui les commettent, non seulement de se placer en dehors de la République, mais de se poser en ennemi de la République.

Pour ce qui concerne les crimes de droit commun, nous ne devons accepter aucune dérogation : un crime est un crime, un criminel est un criminel, un Français est un Français – et quelle que soit sa généalogie, le châtiment qu'il encourt doit être identique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Qu'apporterait la double sanction que vous proposez ? Rien en matière de dissuasion, et pas davantage pour ce qui est de la peine.

La déchéance de la nationalité n'a d'autre vocation que d'ouvrir un débat dangereux au sein de la communauté nationale. Je dirai même un débat nauséabond, comme celui que vous aviez lancé autour de l'identité nationale et qui a trouvé son prolongement dans l'amalgame scandaleux entre délinquance et immigration pratiqué à Grenoble par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La brèche est ouverte dans laquelle le ministre de l'intérieur s'est déjà engouffré, qu'il s'agisse de la polygamie ou de la proposition, relayée ici par votre rapporteur, de limiter l'accès aux soins de personnes gravement malades, au risque de les renvoyer chez elles pour une mort certaine. En dehors de cet hémicycle, un parti extérieur à l'arc républicain trouve dans ces mesures la légitimation de son discours. Le moment présent n'est donc pas anodin.

Mes chers collègues, je le dis avec gravité : la conquête du pouvoir et le combat pour sa préservation n'autorisent pas toutes les outrances. Derrière ces clivages que l'on creuse, il y a des êtres que l'on blesse, des enfants dont on entrave le désir sincère d'intégration. Derrière ces oppositions que l'on accroît, cette peur de l'autre que l'on agite, il y a l'image de la France qu'on abîme.

Qui n'a pas été gêné, dans cet hémicycle, en apprenant, en début d'après-midi, que la Commission européenne était sur le point d'ouvrir une procédure d'infraction après les récents renvois de Roms ? C'est pourquoi je remercie à nouveau les députés de la majorité – Étienne Pinte comme d'autres – qui ont affirmé avec courage qu'ils n'accepteraient pas de voter cette disposition.

J'ai bien conscience qu'il ne doit pas être facile de s'opposer au chef de l'État quand on appartient à la majorité. J'imagine la pression à laquelle on doit être exposé. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Mais c'est parce qu'au cours des deux derniers siècles…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…des hommes et des femmes ont su, comme vous, Étienne Pinte, et comme d'autres aujourd'hui, par-delà leurs différences, se retrouver sur l'essentiel, que la République a pu naître. Je vous remercie donc, mes chers collègues, de placer la morale et les valeurs au-dessus de vos intérêts personnels. En ce moment singulier, la République a votre visage et laissez-moi encore vous exprimer toute mon estime, au-delà des clivages politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Je m'adresse maintenant au ministre de l'immigration et de l'identité nationale pour lui lire les quelques lignes suivantes : « Chaque fois qu'il se trouve en difficulté ou se voit obligé de se justifier de son action, Nicolas Sarkozy se saisit d'un fait divers pour enfiler la combinaison, qu'un Le Peng laisse parfois au vestiaire, de celui qui dit tout haut ce que les Français pensent tout bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

« Un jugement à l'emporte-pièce, une provocation suivie d'une polémique, le tout conclu par un sondage qui démontrerait que Nicolas Sarkozy a les élites contre lui mais le peuple avec lui, et le tour est généralement joué. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

De qui sont ces mots ? Ils sont de vous, monsieur Besson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je souhaite seulement que ce tour, vous renonciez à le jouer à la France et aux Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Comme vient de le rappeler Jean-Marc Ayrault, nous entamons la partie du texte qui ébranle la nationalité. Au cours de l'examen des premiers amendements, nous avons pu vérifier que, depuis trente ans, un trouble identitaire agite la droite française et l'amène à s'interroger sans cesse sur ce qu'est la France et sur ce qu'elle devrait être. Il est très étonnant que, tous les cinq ans environ, la droite française exprime ses doutes sur le modèle républicain, sur la force d'intégration de la France, et signifie, à travers des textes de loi et de funestes discours, qu'elle ne croit pas en la France. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Eh bien, nous, nous croyons en la France, nous proposons de régler les problèmes avec les moyens adéquats sans diviser ni trier les Français. Nous proposons de retrouver cette foi en la capacité de la République à accueillir largement les étrangers et à « fabriquer du Français », comme dirait M. Besson.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Ce n'est pas son expression mais celle d'un lecteur du Parisien !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Pour paraphraser Simone de Beauvoir, que l'on naisse de parents français depuis plusieurs générations ou bien de parents étrangers, on ne naît pas Français, mais on le devient. Or, en repoussant en permanence à la lisière de la société ceux qui pourtant la construisent, vous détruisez cette foi, vous détruisez cette force motrice qu'ils constituent.

Vous ne vous interrogez jamais – chose extraordinaire de la part d'élus – sur la responsabilité de la société, de la République vis-à-vis de l'individu. Le projet de la France consiste à arracher l'individu à ses déterminations sociales, culturelles, familiales, géographiques. Eh bien, vous en doutez ou, plus précisément, vous considérez qu'il revient à l'individu et seulement à lui de faire sans cesse la preuve de sa capacité à être, pour reprendre les mots de M. Besson, un « bon Français », à rester français, et que la société n'aurait aucune responsabilité en la matière.

Or nous devons nous interroger sur le fonctionnement de la société, sur le pacte républicain, et apporter des réponses aux difficultés rencontrées par nos concitoyens et par ceux qui, n'ayant pas la nationalité française, vivent dans notre pays. Voilà pourquoi nous nous opposerons à la plupart des dispositions de la première partie du texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Cet article 1er, sous des dehors anodins, marque déjà, notamment par l'introduction de critères socio-économiques, le point de départ de la conception de l'immigration choisie. Jean-Marc Ayrault a eu raison de souligner l'importance et la gravité de ce débat, et surtout d'introduire la question de la déchéance de la nationalité.

J'ai choisi cet article pour m'exprimer globalement sur ce texte, parce que je pense qu'il s'agit là d'un vrai débat. Il oppose deux conceptions de la société. Une conception élective de la nation : le vivre-ensemble ; une conception essentialiste de la nation : les origines communes.

Le débat sur cet article renvoie donc à un débat beaucoup plus général sur l'idée que nous nous faisons de la nation, et surtout sur la question de la migration, tant du point de vue global que de celui de nos territoires.

Il faut le dire clairement, nous ne pouvons rester inertes devant les choix que vous avez faits. Car vous en avez fait. Vous ne devez pas en avoir honte, vous ne devez pas en avoir peur. Il faut les assumer.

Premièrement, vous alimentez la résurgence des identités négatives. Vous alimentez aussi les identités inférieures, ce qui ne concerne pas seulement la personne, mais aussi le rang social. Nous y reviendrons tout à l'heure.

En second lieu, vous réactivez ce qu'on appelle l'assimilation. On peut ne pas contester cette notion en soi. Mais lorsqu'elle engage un processus d'aliénation de l'individu, cela commence à devenir extrêmement dangereux, car il s'agit de la négation de soi-même.

Troisièmement, vous établissez un lien entre étranger et délinquance, entre immigration et voyoucratie. Dès lors que l'on a le statut d'immigré, on est automatiquement suspecté d'être dans la voyoucratie et la délinquance. C'est d'ailleurs ce qui explique votre proposition concernant la déchéance de la nationalité, et j'espère que le Conseil constitutionnel pourra se prononcer de manière extrêmement pertinente sur cette question.

Et puis, vous vous arrogez un droit, celui de définir et d'imposer la définition de ce qu'est un « bon Français », un Français légitime, un vrai Français, un Français pur. Et vous le faites en exigeant sa mise en conformité avec un certain type culturel. Vous allez même encore plus loin, puisque, à l'archétype du « bon Français », vous opposez une sorte d'antithèse, tout aussi réductrice, qui réside dans une certaine manière de concevoir son statut d'étranger.

Monsieur le ministre, je m'excuse de le dire comme cela, mais vous opérez un glissement dangereux, nous devons bien le constater, vers une xénophobie d'État. Je n'ai pas d'autre terme pour le désigner. Vous utilisez les trois directives pour introduire, mécaniquement, subtilement, juridiquement, toute une série d'éléments qui visent à réduire le droit des immigrés et la capacité d'entrer en France. En fait, c'est une loi contre l'immigration.

Quelques exemples. La rétention administrative, qui n'est rien d'autre, qu'on le veuille ou non, qu'un emprisonnement, devient un automatisme de procédure, voire un régime d'exception, puisque la durée maximale de la rétention est portée à quarante-cinq jours. Je vous ai entendu dire : « Ah, mais non ! La France est certainement le pays où la durée de la rétention administrative est la plus courte. » Mais il faut assumer aussi l'histoire de la France, les valeurs républicaines dont elle est porteuse. Le problème ne réside pas dans le fait de porter la durée maximale de trente-deux à quarante-cinq jours. Il est dans le fait même de l'augmenter. Vous le faites, dites-vous, en application de la directive, alors que celle-ci évoque la seule rétention correspondant à des circonstances exceptionnelles.

Autre exemple : les délais de procédure, en particulier ceux de notification des décisions d'enfermement. Ou encore la réduction des pouvoirs du juge judiciaire, qui est pourtant, comme le veut la Constitution, gardien des libertés. En l'occurrence, le juge des libertés et de la détention ne pourra intervenir qu'au bout de cinq jours.

En outre, les décisions du juge des libertés et de la détention quant aux causes de nullité et d'irrégularité des procédures sont pour ainsi dire neutralisées.

Je vois surgir une interdiction de séjour qui pourra aller jusqu'à cinq ans, et ce au mépris des conséquences humaines. Elle ouvre, sur l'ensemble du territoire européen, la possibilité d'un « bannissement » de type moyenâgeux.

Vous inventez les « zones d'attente flottantes », qui pourront être créées n'importe où. On pourra y retenir – c'est un concept nouveau que vous avez forgé – les « groupes d'étrangers ».

Les privations de liberté pourront concerner les parents, mais aussi les mineurs, ce qui met à mal la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La disposition transposant la directive « carte bleue européenne » va créer de vrais problèmes. Car il s'agit purement et simplement d'un pillage des capacités intellectuelles des pays en voie de développement. Cette méthode fait courir un grand risque à ces pays, en créant, dans le territoire de la République, un statut particulier pour les immigrés diplômés, qui pourront bénéficier de certaines mesures. En particulier, ils n'auront pas à subir les tests d'entrée, notamment ceux portant sur l'apprentissage de la langue. Les autres, quant à eux, ne bénéficieront pas des mêmes dispositions.

La liberté comme bien précieux de tous, la dignité comme attribut incontournable de tous, la civilisation à renforcer pour tous, et le respect des droits humains applicables à tous, voilà ce qui nous conduit, monsieur le ministre, à ne pas accepter votre loi, et à nous y opposer de la manière la plus respectueuse mais la plus déterminée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

Immigration, intégration, nationalité : ce projet est malvenu. J'ai presque envie de dire, en pesant mes mots : je ne comprends pas comment nous avons pu être, en deux ans, dépouillés des valeurs de solidarité, de fraternité et d'humanisme qui nous habités pendant très longtemps. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Je le dis parce que je le pense.

Le texte dont nous discutons est le cinquième relatif à l'immigration en l'espace de sept ans. N'est-ce pas un aveu d'échec de la politique migratoire mise en oeuvre par votre majorité depuis 2002 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

C'est une inflation législative, en même temps qu'une indigestion législative, qui traduit clairement une instrumentalisation des questions relatives à l'immigration.

De surcroît, ce texte arrive dans un contexte particulier, marqué par la stigmatisation de certaines populations. Du débat sur l'identité nationale aux expulsions de Roms, en passant par les effets d'annonce sur la déchéance de la nationalité, tout est fait pour rendre ceux que vous rejetez responsables de tous les maux.

Il n'était question que d'ordre républicain et d'État de droit, dans le discours de votre Président, M. Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

Notre président, en effet. Je vous le concède. Je suis un démocrate, je suis au suprême degré un partisan de la démocratie. Le Président est notre Président.

Dans son discours, disais-je, le Président de la République n'a eu de cesse de parler d'ordre républicain et d'État de droit. Mais ce projet de loi, qui traduit les mesures qu'il a annoncées, est en tous points antirépublicain et contraire à l'État de droit qu'est la France. Ce texte est donc inacceptable, monsieur le ministre.

Inacceptable est sa défiance à l'endroit du juge judiciaire, qu'il tente de neutraliser.

Inacceptable est la restriction de l'accès au séjour pour les étrangers malades. À cet égard, il est même inhumain.

Inacceptables sont les mesures anti-Roms, entre autres.

Inacceptables sont les propositions d'amendements qui ont été faites cet après-midi. Et heureusement, il s'est trouvé certains d'entre vous, chers collègues de la majorité, pour les rejeter.

Le titre Ier, relatif à la nationalité et à l'intégration, est plus inacceptable encore. Il appelle plusieurs remarques.

Immigration, intégration et nationalité : tel est l'objet de ce projet de loi. Mais où est l'intégration dans ce texte ? Force est de constater qu'il ne répond en rien au défi de l'intégration des populations immigrées dans notre pays. Sur les quatre-vingts articles que compte le projet de loi, moins de cinq sont d'ailleurs consacrés à l'intégration des migrants. Et la seule réponse que vous nous proposez est la signature d'une énième charte.

Votre texte consacre la nécessité de l'assimilation des étrangers. Or l'assimilation suppose qu'un individu abandonne totalement sa culture d'origine. Si ce terme figure de longue date dans le code civil en matière de naturalisation, nous lui préférons aujourd'hui le terme d'intégration, parce qu'il désigne la capacité de la France à accepter les différences et à vivre avec elles. N'y a-t-il pas une certaine régression conceptuelle à utiliser le terme d'assimilation, qui aboutit à la négation culturelle des personnes demandant leur naturalisation ? La République doit garantir la diversité culturelle comme une des composantes de la liberté individuelle et personnelle.

De plus, monsieur le ministre, vous ne pourrez pas faire de l'intégration en France tant que la nationalité sera contestée. Le président Ayrault a longuement développé ce point et vous a mis en garde.

La déchéance de la nationalité que vous proposez est inefficace car peu dissuasive, et inutile car elle ne concernera que très peu de cas, vous l'avez vous-même reconnu hier soir à la télévision. L'objectif de cette mesure essentiellement symbolique est en réalité de développer une vision caricaturale de l'immigré – forcément délinquant, forcément fraudeur, forcément malhonnête – et d'établir un lien de causalité entre immigration et délinquance. Elle participe de la justification du durcissement de votre politique à l'égard de l'immigration. C'est inacceptable.

Voilà, monsieur le ministre, les quelques remarques que je voulais faire sur votre projet de loi, et en particulier sur le titre Ier que nous examinons actuellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Depuis plusieurs siècles, la France, comme d'autres pays, est sujette à l'immigration. Mais curieusement, selon les moments de l'histoire, on n'a pas le même regard sur les étrangers. Entre 1914 et 1918, ou entre 1939 et 1945, on porte un intérêt à la chair à canon, aux troupes nécessaires à la défense de la patrie. Cet intérêt se fait très accueillant. En ces moments-là, l'étranger devient notre frère, notre frère d'armes. Et l'unanimité est extraordinaire. Tout à l'heure, le rapporteur a cité un exemple datant d'avant la Guerre de 14. Mais, quand les ouvriers français demandaient que leurs collègues étrangers épousent le même combat, ils demandaient une égalité de droits et de devoirs, ce que nous continuons de faire. Il n'y a donc pas de contradiction. C'est bien cette égalité que nous réclamons. C'est une égalité de droits et de devoirs. Une vraie égalité.

Lorsque, dans des périodes de développement économique, on a besoin d'une force de travail, alors les immigrés, d'origine européenne ou non, sont les bienvenus. Il est même un éminent responsable de votre majorité, M. Juppé, qui déclarait il y a quelques années : « Nous aurons besoin d'un flot d'immigration pour faire face aux besoins de main-d'oeuvre. » C'est bien lui qui l'a dit. Ce n'est personne d'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Et c'est là un fait objectif, que nous serons tous amenés à constater.

Ce projet de loi « assimile », pour reprendre votre propre terme, immigration, insécurité et délinquance. C'est en cela qu'il est pernicieux et inacceptable. On désigne l'étranger, l'immigré, comme la cause de tous les maux. Il n'y a là rien de nouveau sous le soleil. Ces temps paraissaient pourtant révolus. Eh bien non, ils reviennent régulièrement. La xénophobie est vivace.

Plutôt que de vous attaquer aux véritables problèmes, vous préférez invoquer le cas de quelques immigrés et diviser les Français pour mieux régner. Vous évoquez l'immigration choisie, mais choisie par qui et pour quoi ? Vous préoccupant uniquement de ceux dont la France a besoin (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), vous omettez de vous intéresser également à ceux qui ont besoin de la France. Ce serait pourtant plus conforme à nos traditions républicaines et au principe selon lequel tous les hommes naissent libres et égaux en droits, principe que nous savons rappeler quand il nous sert mais que nous oublions quand il nous dessert.

Par ailleurs, nous avons déposé des amendements tendant à substituer au mot « assimilation » le mot « intégration ». Il ne s'agit pas d'ouvrir une querelle sémantique : derrière les mots, il y a des idées, des réalités. Il nous semble en effet que l'on peut être d'origine étrangère et accepter de s'intégrer à la nation française, d'y être inclus, de participer à sa cohésion. Cette conception est tout à fait conforme à la tradition républicaine,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

… laquelle suppose que l'on respecte chaque individu, quelles que soient sa famille, sa culture, son histoire ou ses origines géographiques, sociales ou familiales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

La notion d'intégration, qui doit donc nous unir et non nous diviser, est, reconnaissez-le, très différente de celle d'assimilation, qui voudrait rendre tout le monde semblable. Non, nous sommes tous différents ! Il faut accepter ces différences, ce qui ne signifie pas pour autant que nous ne puissions pas nous respecter et vivre ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Je terminerai en citant quelques exemples. Croyez-vous que Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire ou Gaston Monnerville aient gommé leur négritude ? Non, ils l'ont toujours assumée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Non, ils ont pleinement vécu leur différence, l'ont assumée – et non assimilée –, et même sublimée. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ils en ont été les chantres, rendant leur dignité à des peuples qui l'avaient perdue. Peut-on pour autant les soupçonner de ne pas s'être intégrés, de ne pas avoir été fidèles aux valeurs de la République, de ne pas avoir exercé pleinement leurs responsabilités, en conscience, jusqu'au Parlement même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

On peut donc être d'origine étrangère, être différent, privilégier sa culture tout en étant loyal et fidèle à la République. C'est à cette République ouverte et loyale que j'aimerais que l'on pense davantage dans le cadre de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Je débuterai mon propos par une remarque qui a trait à la méthode et qui relève du bon sens. Lors de l'examen des articles par la commission des lois, notre collègue Mariani, rapporteur du projet de loi, a présenté un certain nombre d'amendements allant dans le sens de la réforme du droit de la nationalité qu'il appelle de ses voeux. « Toutefois, a-t-il ajouté, le Président de la République a annoncé son intention de nommer un sage chargé de réfléchir à une telle réforme. Si le ministre s'engage à ce que cette réflexion aboutisse rapidement, je retirerai mes amendements portant sur l'acquisition de la nationalité et donnerai un avis négatif à tous les autres amendements similaires de mes collègues. »

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Répondant à l'interpellation de notre rapporteur, le ministre de l'immigration déclara : « Le Président de la République s'est en effet engagé à ce qu'un sage et une commission soient rapidement nommés pour travailler sur ce sujet sensible. » Mes chers collègues, comment confier à un sage ou à une commission le soin de réformer le code de la nationalité sans les saisir également de la déchéance de la nationalité ?

L'extension des cas de déchéance de la nationalité française est à mes yeux, et je le prouverai tout à l'heure, inconstitutionnelle, inapplicable, et rétablit ce que j'appellerai une forme de double peine. Si cette proposition était acceptée, elle créerait de graves inégalités entre nos concitoyens en raison de leur appartenance à telle ou telle catégorie civile. En effet, pour un même crime, aussi odieux soit-il, les punitions seraient différentes selon que l'on est naturalisé depuis moins de dix ans sans bénéficier de la double nationalité, que l'on est naturalisé depuis plus de dix ans ou que l'on a conservé sa nationalité d'origine. La proposition de déchéance de la nationalité est, en outre, une nouvelle forme de double peine, laquelle avait pourtant été profondément modifiée et en grande partie supprimée en 2003, lorsque le Président de la République était ministre de l'intérieur. Ce retour en arrière me paraît incohérent.

Rappelons l'histoire de la déchéance de la nationalité française. Jusqu'au régime de Vichy, il s'agissait d'une sanction exclusivement destinée à réprimer l'espionnage et les actes contraires à l'intérêt de la nation. L'ordonnance du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité a étendu la possibilité de déchoir de leur nationalité française toutes les personnes ayant commis un crime ayant entraîné une condamnation à une peine au moins égale à cinq ans de prison. La constitutionnalité de cette extension n'a jamais été examinée par le Conseil constitutionnel, lequel s'est prononcé le 16 juillet 1996 sur la seule extension de la déchéance de nationalité aux auteurs d'actes de terrorisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

À cette occasion, le Conseil constitutionnel a d'abord rappelé le principe d'égalité entre les personnes nées françaises et celles devenues françaises, en indiquant qu'au regard du droit de la nationalité ces personnes sont dans la même situation, pour n'admettre cette extension qu'eu égard à la gravité toute particulière que revêtent par nature les actes de terrorisme. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement à l'appui de son amendement, ce dernier n'est conforme à la Convention européenne sur la nationalité qu'en ce qu'il évite l'apatridie, mais il ne l'est pas en ce qu'il crée un nouveau cas de déchéance étranger aux intérêts essentiels de l'État. Au surplus, aucun autre pays européen ne possède un arsenal juridique aussi extensif.

Enfin, l'amendement du Gouvernement tend à rétablir partiellement le texte du décret-loi du 12 novembre 1938 relatif à la situation et à la police des étrangers, prémices des lois xénophobes du régime de Vichy. Rappelons que, jusqu'en 1938, la déchéance de nationalité était exclusivement réservée aux auteurs de faits de trahison, espionnage ou désertion et relevait de l'autorité judiciaire. Puis, la loi du 23 juillet 1940 relative à la révision des naturalisations a permis de retirer la nationalité française pour de simples questions d'opportunité à toutes les personnes l'ayant acquise depuis 1927 et de déchoir de leur nationalité tous les Français ayant quitté la France entre le 10 mai et le 30 juin 1940 sans autorisation du Gouvernement, dont notamment le général de Gaulle. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Si cet amendement était adopté, il ne manquerait pas d'être censuré par le Conseil constitutionnel au regard des considérants très clairs de sa décision du 16 juillet 1996. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement de suppression de cette disposition présentée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Liberté, égalité, fraternité, monsieur le rapporteur ! Votre remarque est particulièrement révélatrice de l'état d'esprit qui nous a conduits à ce débat consternant.

Monsieur le ministre, vous prétendez faciliter, grâce à ce texte, l'assimilation – terme auquel nous préférons celui d'intégration – des étrangers, des enfants nés de parents étrangers et des étrangers ayant acquis la nationalité française. Or ce texte est à rebours de vos intentions, car, s'il est adopté, il agira contre l'intégration. En effet, toutes les dispositions sur lesquelles nous nous sommes exprimés jusqu'ici vont rendre plus difficile la cohésion nationale.

Tout à l'heure, nous avons évoqué les délais de naturalisation. À ce propos, je veux, moi aussi, rendre hommage aux préfets qui, face à des situations inacceptables, essaient d'accélérer les procédures. Mais ce sont bien les procédures mêmes que vous avez créées qui sont à l'origine des grandes difficultés rencontrées par ceux qui souhaitent acquérir la nationalité française. Nous avons également discuté de l'acquisition de la nationalité par les enfants de parents étrangers nés en France. Aucune des dispositions de ce texte ne méritait que nous en débattions, tant elles vont compliquer l'intégration.

Je veux revenir, après M. Pinte, sur la question de la déchéance de la nationalité. Tout d'abord, la loi du 16 mars 1998 ne l'a pas supprimée ; M. Pinte vient de rappeler l'histoire de cette mesure. Cette loi a conservé quatre motifs de déchéance de la nationalité, qui ont tous trait à des atteintes graves à la sûreté de l'État : actes de guerre, de terrorisme ou de trahison. Ces motifs sont légitimes, car il s'agit d'atteintes portées à ce qui constitue le coeur même de la nationalité française que l'on a voulu acquérir. Dans ces cas précis, la déchéance peut donc être prononcée, la procédure étant toutefois entourée de précautions qui la rendent très exceptionnelle.

La loi de 1998 a supprimé le cinquième alinéa de la loi précédemment en vigueur, qui permettait la déchéance de nationalité pour des crimes de droit commun. Nous avons entériné les quatre autres motifs de déchéance, correspondant à des atteintes à la sûreté de l'État, à la condition que cela n'ait pas pour résultat de rendre la personne concernée apatride.

Les dispositions visant à réintroduire les crimes de droit commun dans les motifs de déchéance ne nous paraissent absolument pas justifiées sur le fond, puisqu'elles reviendraient à établir une différence profonde entre les personnes françaises depuis plusieurs générations et celles ayant acquis la nationalité française récemment. Vous établiriez d'une part une acquisition de la nationalité à deux vitesses, d'autre part une double peine. Pour ma part, je considère qu'il n'est pas moins grave d'assassiner un policier quand on est français depuis plusieurs générations ! Les crimes de droit commun n'ont rien à faire dans les motifs de déchéance : ils relèvent du droit pénal qui, à juste titre, les sanctionne gravement. Veillons par conséquent à ne pas confondre droit pénal et droit de la nationalité !

Par ailleurs, vous avez dit à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que le Conseil constitutionnel n'avait pas remis en cause les lois précédentes, qui prévoyaient, en un cinquième alinéa, la possibilité de déchéance pour des crimes de droit commun. Mais comme vient de le rappeler M. Pinte, en 1980, le Conseil constitutionnel n'a pas été consulté sur le cinquième alinéa ; d'autre part, quand il a été consulté, en 1996, il l'a été sur l'introduction du terrorisme – un motif que nous avons conservé. À cet égard, il a souligné que la déchéance devait être prononcée pour des actes de terrorisme d'une extrême gravité, qu'il ne pouvait s'agir que d'une disposition exceptionnelle, et qu'au regard du droit de la nationalité, « les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation ».

C'est pourquoi nous considérons que votre proposition est inconstitutionnelle, choquante au regard des principes républicains – double peine, nationalité à deux vitesses. En outre, elle ne concernera qu'un tout petit nombre de personnes. Entre 1998 et 2007, c'est-à-dire en une dizaine d'années, sept personnes ont été déchues, toutes pour des actes de terrorisme – et aucune depuis 2007. En réalité, cet article ne vise qu'à stigmatiser des étrangers ou des personnes françaises depuis peu de temps, à assimiler ces personnes à la délinquance. Il contrevient à un principe républicain fondamental selon lequel il n'y a pas des Français de souche et des Français d'origine étrangère : il y a des Français, point final ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Je veux remercier M. le ministre, M. le rapporteur et plusieurs de nos collègues de l'opposition d'avoir convié à ce débat un grand nombre de personnalités de la Ve République – et même d'avant. Ont ainsi été cités Clemenceau – j'espère que cela ne donnera de mauvaises idées à personne, car on ne lui doit pas seulement la mise en place des brigades mobiles, mais aussi le recours aux fiches anthropométriques, en 1905 –, François Mitterrand, Lionel Jospin, Paul Quilès, Daniel Vaillant…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

…et Jean-Pierre Chevènement, auquel j'allais venir. Mes collègues socialistes mis en cause à ce sujet ont déjà répondu, pour ma part je voudrais simplement citer la réponse faite par Jean-Pierre Chevènement lors de son audition au Sénat : « Votre politique, monsieur le ministre, aiguise les faux débats entre la gauche et la droite en favorisant tous les extrêmes. » Il concluait en disant : « Votre politique est une politique de surenchère sur le Front national. »

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Votre ministère est entaché d'une faute originelle, monsieur le ministre, à savoir son intitulé, qui a surpris le monde entier : le ministère « de l'immigration et de l'identité nationale ». Il est inconcevable de mélanger ainsi immigration et identité nationale, tout comme il est inconcevable de mélanger la délinquance et l'immigration, car cela crée un amalgame inadmissible.

Vous avez affirmé tout à l'heure que votre projet était « purement républicain ». Pour moi, ce n'est pas le cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Il est très difficile de conduire une politique de l'immigration : de l'aveu même de Jean-Pierre Chevènement, la loi RESEDA n'a pas été simple à élaborer. Il y a eu des affrontements, des combats, impliquant notamment Noël Mamère, Patrick Braouezec, ainsi qu'un certain nombre de députés que l'on retrouve, pour la plupart, dans le débat actuel.

Je pense que pour vous, monsieur le ministre, c'est encore plus compliqué. Nous avons un Président de la République que l'on peut qualifier d'épidermique : quand une mouche le pique, il a toujours des réactions extrêmement vives.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Cela peut l'amener à supprimer, un soir, la publicité sur les chaînes publiques, avec une conséquence budgétaire de 300 millions d'euros.

Le Président peut aussi se piquer de philosophie et faire du civilisationnisme – ce qui n'était sans doute pas très grave, puisque tout le monde semble avoir déjà oublié. Une autre fois, il peut se piquer de chiffres émanant du ministère de l'intérieur. Comme cela a été dit très justement tout à l'heure, il n'y a rien de plus attentatoire à l'humanité que les chiffres. Comment voulez-vous qu'un administratif, un préfet puisse faire preuve d'humanité quand on lui impose une politique de chiffres ?

Enfin, à l'issue d'un incident extrêmement regrettable survenu à Grenoble, il y a eu un discours que vous considérez comme fondateur, alors que nous l'estimons destructeur pour la République – un discours très grave, qui appelle à la guerre, bref, un discours que l'on pourrait qualifier de dérapage. Je ne suis pas fier lorsque je découvre aujourd'hui, en couverture de l'hebdomadaire américain Newsweek, le portrait de notre président illustrant le titre Europe's New Extreme. Quand on sait ce que le mot extreme évoque pour les Anglo-Saxons, on ne peut que trouver cela « extrêmement » impressionnant, sans vouloir faire de jeu de mots.

Une douzaine de députés ont voté, tout à l'heure, en oubliant complètement le principe selon lequel la France est une et indivisible. Plus modéré, M. le rapporteur a évoqué l'année 1889. Bien que n'étant pas un grand historien, je suis assez fier de cette période, lors de laquelle Ernest Renan a donné la définition de la nation.

En 1889, donc, la nation a été définie en fonction de la citoyenneté, l'intégration ethnique étant, elle, abandonnée. Il y avait, là, de quoi être fier.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Ernest Renan est un auteur d'extrême-droite ! On voit bien que vous ne l'avez jamais lu !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

La surenchère que le Président de la République va s'employer à entretenir dans les dix-huit mois à venir, nous allons, nous, la combattre durant ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Un socialiste qui fait référence à Renan ! On aura tout entendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Vous accusez la gauche d'être laxiste, mais la gauche, c'est la raison – au sens de l'universalité. La gauche n'est pas angélique, mais humaniste. La gauche, ce n'est pas le « sans-papiérisme » aveugle que vous pourfendez, mais le pacte républicain et les valeurs éternelles de liberté, d'égalité et de fraternité. La gauche, c'est le droit à la sécurité et à la sûreté, en particulier pour les plus précarisés, que nous défendons beaucoup plus que d'autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Comment peut-on entendre des choses pareilles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

La gauche, c'est le droit à la santé, dont nous parlerons lors de la discussion sur l'aide médicale d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Monsieur Goasguen, j'ai tout autant que vous le droit de m'exprimer, sans que vous fassiez des moulinets de bras !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Et moi j'ai le droit de chasser les mouches, puisque vous parlez de mouches !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

…c'est-à-dire la volonté d'abolir la discrimination à l'emploi, ce qui est essentiel dans le cadre de l'intégration.

Enfin, la gauche, c'est aussi l'école. Emmanuel Todd a publié une étude intéressante sur les enfants et les adolescents, qui ne font pas de différence raciale. Il est dommage que certains adultes se mettent à penser autrement et estiment nécessaire d'établir des discriminations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Vous avez demandé tout à l'heure de quoi nous parlions, monsieur Mariani. Je vous rappelle que, si notre temps de parole est limité, nous parlons de ce que nous voulons, en l'occurrence du projet de loi que vous nous soumettez.

M. Raoult a repris, tout à l'heure, Louis-Joseph Manscour, qui avait fait un lapsus en disant « votre Président ». Plutôt que de reprendre notre collègue, vous feriez mieux de vous interroger sur ce qui peut amener l'opposition sur ces bancs, mais aussi l'opinion publique, à dire « votre Président » plutôt que « notre Président ».

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

La Ve République a été marquée par une tradition – existant d'ailleurs déjà dans les républiques précédentes – selon laquelle le Président de la République représentait tous les Français…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

…et gardait la distance nécessaire pour être au-dessus de la mêlée.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Or, notre Président de la République a fait le choix d'être chef de gouvernement, pour ne pas dire chef de parti.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

J'ai beaucoup de respect pour l'ensemble des Présidents de la République. J'ai eu l'occasion, dernièrement, de rencontrer le président Jacques Chirac, venu visiter la basilique Saint-Denis. Je l'ai accueilli courtoisement, comme il se doit, et cela m'a fait plaisir, car si je ne partageais pas grand-chose avec lui sur le plan politique, je lui reconnaissais la faculté à se situer au-dessus de la mêlée pour représenter l'ensemble du peuple français.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Nous faisions la même chose avec le président Mitterrand !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Bien sûr, parce que François Mitterrand se comportait de la même manière ! Tout ce que je vous dis, c'est que vous devriez vous interroger sur notre réticence à voir en Nicolas Sarkozy le Président de tous les Français.

J'ai remarqué que vous aviez tous écouté l'intervention d'Étienne Pinte avec beaucoup de sagesse et de discipline. Si je m'en suis félicité, je me suis également fait la réflexion que, si l'un d'entre nous avait dit la moitié de ce qu'a dit M. Pinte, cela aurait déclenché un tollé ! Ce qu'il a dit vous a donc sûrement remués un peu, en tout cas je l'espère. Comme Sandrine Mazetier et moi-même, Étienne Pinte faisait partie des députés ayant reçu une délégation de jeûneurs, ce groupe de personnalités scientifiques et d'ecclésiastiques ayant entrepris un jeûne afin d'éveiller nos consciences – surtout les vôtres, en l'occurrence !

Votre vote ne devrait pas être déterminé par une discipline de parti. Vous devriez voter en votre âme et conscience, et par rapport à ce qu'a justement évoqué Étienne Pinte à l'instant.

En outre, Élisabeth Guigou a eu parfaitement raison de faire la distinction entre les crimes de droit commun et les crimes relevant de la sûreté de l'État. Autant il est légitime – même si l'on peut en discuter – d'enlever la nationalité française à quelqu'un qui pratique l'espionnage contre les intérêts de notre pays ou qui se livre à des actes de terrorisme, autant on se demande de quel droit et au nom de quoi on l'enlèverait à quelqu'un qui commet un crime, étant entendu que ce crime est punissable et sera puni.

Je passe d'ailleurs sur les différences ainsi établies entre les crimes, qui font qu'un gendarme vaut plus qu'un professeur – et même qu'un parlementaire – et un pompier qu'une femme de ménage. Pourquoi de telles distinctions ?

Enfin, vous me permettrez de dire un mot sur l'article 1er, puisque c'était aussi le souhait du rapporteur Thierry Mariani. Cet article, qui est assez anodin, permet à certaines catégories de personnes de faire un « stage » non plus de cinq ans, mais de deux ans, au vu de leur exemplarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Mais il s'agit d'un comportement « exceptionnel » dans certains domaines seulement. Bien entendu, on ne vise pas les ouvriers du bâtiment : ceux-là auront beau faire tout ce qu'ils veulent, travailler le mieux possible, ils ne seront jamais pris en considération. Non, il s'agit des milieux scientifiques et universitaires. D'ailleurs, Jacques Myard l'a dit tout à l'heure : ce sont les gens bien intégrés, ceux qui ont des diplômes supérieurs.

On voit bien que votre projet de loi, au-delà de tout ce que l'on a dit sur les questions d'immigration et les assimilations entre immigration et insécurité, est aussi un projet de classe. Vous n'oubliez jamais, finalement, de défendre les intérêts de certaines classes que vous protégez. Le petit peuple des immigrés – les ouvriers et les salariés –, il pourra tout à fait attendre encore cinq ans pour obtenir la naturalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Il y a des mots de la langue française, monsieur le ministre, qui ont un poids de sens, bien souvent un poids d'histoire, quelquefois un usage littéraire, leur donnant la force d'une marque au fer rouge.

C'est le cas de la « déchéance », que Zola décrit comme « le dernier degré de la misère et de l'abjection » ; c'est le cas du bannissement, de lourde mémoire ; c'est le cas des camps, qui ont émaillé notre été, qu'on les démonte, qu'on les détruise ou qu'on les construise à destination de ceux que l'on a au préalable marqués d'un des mots précédents.

Votre gouvernement le sait bien, qui n'en utilise jamais aucun au hasard ; votre ministère plus encore, qui a subtilement associé identité nationale et immigration.

Bannissement, déchéance, camps illégaux, lancés dans le débat politique, ont une double mission : subtilement marquer d'une sorte de péché originel ceux à qui ils sont explicitement adressés, mais aussi faire office de chiffon rouge pour distraire le chaland électoral des échecs et de l'iniquité de votre politique.

Vous vous souvenez que le Président de la République – notre Président – avait dit : « Je veux du rouge, du gros rouge qui tache » au moment du débat sur l'identité nationale. Il tache en effet et c'est aujourd'hui la France qui est tachée et montrée du doigt.

Le supplément de sanction que constitue la déchéance de nationalité ne sera d'aucun effet dissuasif, ne serait-ce que – mais ce n'est pas la seule raison – parce qu'elle ne concernera qu'un nombre très restreint de personnes, puisque doivent être réunies les deux conditions suivantes : la double nationalité et le caractère récent de la nationalité française.

On a insisté sur le caractère inconstitutionnel de cette mesure. Les textes, depuis ceux de la Révolution, veulent que l'on ne fasse, selon une belle formule, « aucune section » du peuple français, et l'on se souvient des débats soulevés à ce sujet par la loi sur la parité.

L'entorse est ici d'un autre ordre quand il s'agit de sanction et de l'introduction d'une double peine. Elle est, de plus, étymologiquement imbécile : l'assassinat du préfet Érignac serait-il plus ou moins coupable, plus ou moins odieux, selon que son auteur est né d'un côté ou de l'autre, voire au milieu de la Méditerranée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

C'est aujourd'hui sur la gravité d'étendre cette déchéance à ceux dont la nationalité française est récente que je veux vous alerter, sur tous les bancs. Le fait d'instiller de manière sournoise et pernicieuse l'opprobre sur une section du peuple français n'est pas digne de la France et de l'envie qu'elle doit donner d'être français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Noël Mamère, dernier orateur inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble normal et nécessaire que nous accordions beaucoup de temps à ce sujet puisque, en fait, il est le coeur du projet qui nous est proposé : il s'agit d'une certaine manière de contribuer à démanteler la conception universaliste que nous avons de la nationalité.

C'est en ce sens, d'ailleurs, qu'il n'est pas utile de faire de séparation entre la droite et la gauche. Il faut rechercher ce qui peut nous rassembler, d'un côté et de l'autre de l'hémicycle, autrement dit ce qui constitue notre pacte républicain et la façon d'assumer notre héritage historique.

L'arrière-pensée qui domine ce projet – comme d'autres qui nous ont été présentés, en attendant ceux qui viendront sans doute d'ici à l'élection de 2012 et qui risquent d'être pires –, c'est bien, en effet, cette volonté qu'il y a, venant du plus haut sommet du pouvoir, de stigmatiser une partie de la population et, au fond, de porter un coup terrible à ce qui a été jusqu'à maintenant respecté par l'ensemble des partis politiques de notre pays, à l'exception d'un certain parti non représenté dans cet hémicycle.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce qui a été dit tout à l'heure par notre collègue Jean-Marc Ayrault. J'ai écouté aussi avec beaucoup d'intérêt ceux qui ont mis le doigt sur ce qui a été le vice originel de cette politique. Je pense au jour où le Président de la république a décidé d'accoler le terme d'« identité nationale » à celui d'« immigration ». Il fallait bien que cela arrive un jour et cela s'est produit à Grenoble, lorsque le Président de la République a fait le lien entre l'immigration et la délinquance, reprenant en cela de vieux thèmes lepénistes que je ne rappellerai pas ici.

Quelle que soit notre préférence partisane, nous ne pouvons pas accepter cela, au nom de l'idée que nous nous faisons de la République, de la part du premier des Français, celui que vous voudriez que nous considérions comme « notre » Président de la République, et qui instrumentalise de manière cynique et perverse ce thème, en pleine crise sociale et économique, pour aller braconner sur les terres de l'extrême droite.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cette position, cette stratégie est d'autant plus dangereuse qu'elle s'inscrit dans un contexte qui n'est pas simplement national, mais aussi européen. Regardez en effet ce qui vient de se passer en Suède, que l'on décrivait comme le modèle des modèles de l'Europe. Regardez ce qui est en train de se passer en Hollande, en Italie ou encore en Hongrie. Vous comprendrez alors que notre continent européen, que l'on croyait être un espace de démocratie et de liberté, est menacé par la montée des populismes et d'une démagogie extrêmement dangereuse.

À ce moment de mon intervention, je ne peux pas m'empêcher de penser à L'Étrange Défaite de Marc Bloch.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je ne peux pas m'empêcher de penser à Fernand Braudel et à son Identité de la France. Je ne peux pas m'empêcher de penser à ceux qui ont passé une grande partie de leur vie à nous démontrer que l'identité nationale française est construite de nos différences.

Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur, il n'est pas possible de procéder à une étude que je qualifierais de « balkanisée » des articles 1er, 2 et 3 : ils forment un ensemble. L'article 1er n'est pas indépendant de l'article 2, qui veut supprimer l'intégration pour la remplacer par l'assimilation, l'article 3 venant en quelque sorte boucler le cercle de vos mauvaises intentions.

Bien évidemment, j'ai entendu les arguments développés par notre collègue Étienne Pinte. Je sais qu'il y a, sur les bancs de la droite, un certain nombre de nos collègues qui ne sont pas d'accord avec cette dérive.

Pourquoi ? Je ne dis pas que nous soyons dans une dictature. Je ne dis pas que la Ve République, telle qu'elle est interprétée par le Président de la République et par son clan, soit Vichy. Je dis simplement ceci : lorsque l'on prend le risque de cibler une population, comme cela a été fait par le ministère de l'intérieur pour ce qui concerne les Roms, et alors même que cela vient après la stigmatisation des étrangers – nous en avons débattu ici –, des sans-papiers et aujourd'hui des migrants, on peut se demander : à qui le tour demain ?

Lorsque l'on entre dans cette logique qui est une spirale infernale, on trouve toujours à côté de soi quelqu'un de moins pur que soi. Et nous savons jusqu'où cela a été ; nous savons où cela a mené. Il y a eu les lois de 1938…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…puis il y a eu le régime de Vichy.

Je le dis avec solennité, et ce n'est pas de la provocation. Je vous préviens : livrer ainsi une partie de notre population en pâture au peuple français, alors que celui-ci souffre d'une crise sociale et économique, qu'il se sent vulnérable, que ce soit du point de vue de sa situation familiale – avec l'avenir de ses enfants – ou du réchauffement climatique et de la globalisation, c'est évidemment jouer avec le feu.

En effet, nous savons qu'aujourd'hui la priorité, ce n'est pas de faire une nouvelle loi sur l'immigration, mais de lutter contre les causes qui font que notre monde va mal, tandis que, dans notre pays, les plus faibles sont de plus en plus stigmatisés et paient de plus en plus cher le prix de vos outrances, de votre populisme, de vos folies et de vos démesures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C'est pour cette raison que nous ne devons pas, les uns et les autres – socialistes, écologistes, communistes, ou bien encore représentants de cette droite humaniste qui croit encore à quelques valeurs républicaines (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP) –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…accepter que vous instilliez le poison que Le Peng a lancé il y a déjà quelques années. Cela se passait en 1983, à Dreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Non, nous ne vous laisserons pas empoisonner notre société – car c'est bien ce que vous voulez faire.

Vous êtes en train de proposer des solutions qui sont intolérables et qui, à une certaine époque, auraient fait descendre des millions de Français dans les rues. Aujourd'hui, ces Français sont tellement touchés par la crise, tellement préoccupés par leur sort et par leurs fins de mois qu'ils n'ont plus ni la force ni le courage de le faire. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Jour après jour, parce que vous instillez le poison, vous leur faites accepter ce qui pourtant est inacceptable.

Eh bien, le rôle des représentants du peuple, des partis politiques, des associations et de ceux qui croient à certaines valeurs, c'est d'empêcher le poison de gagner. Notre rôle, c'est de refuser d'accepter l'inacceptable ; c'est de ne pas nous résigner à ce scandale, à cette honte, cette honte terrible dont parle Boris Cyrulnik. Nous n'avons pas le droit de l'accepter et nous devons nous révolter, aussi longtemps que vous persisterez dans le cynisme et la démagogie !

Voilà pourquoi nous nous battons contre ce projet de loi. Voilà pourquoi nous passons autant de temps sur ces questions de la nationalité, qui sont fondamentales et que vous voulez remettre en cause. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

À l'attention de MM. Braouezec et Mamère, je voudrais d'abord rappeler que, quand M. François Mitterrand était président, nous, à droite, nous disions « notre président ». C'est peut-être ce qui nous différencie : la plupart d'entre nous n'avaient certainement pas voté pour lui, mais nous sommes respectueux des institutions républicaines. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

D'autre part, vous avez raison, monsieur Braouezec, le temps législatif programmé permet de dire ce que l'on veut quand on veut. Mais, en me tournant vers les parlementaires de la majorité, je rappelle que, normalement, nous sommes en train de discuter de l'article 1er, sur lequel j'espérais que les députés de gauche pourraient nous rejoindre.

Certes, le « 20 heures » approche, et un certain nombre d'entre vous sont peut-être préoccupés par le calendrier médiatique, mais cet article traite du raccourcissement de la durée de résidence requis pour la naturalisation des étrangers dont le parcours d'intégration est exceptionnel. Cela concernera une centaine de personnes particulièrement méritantes.

Je pensais que cette mesure aurait pu faire l'unanimité, et je regrette que vous cherchiez systématiquement à caricaturer ce texte. Il ne comporte pas seulement la mesure que vous citez sans cesse, mais aussi une série de mesures généreuses ; celle-ci en est une. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Et ils s'étonnent de ne pas avoir le temps de finir !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement n° 199 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Le ministre ne répond pas ! Le ministre n'a rien à dire : il a honte, incapable qu'il est d'assumer ses responsabilités et ses contradictions !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je comprends que Jean-Marc Ayrault, qui nous fait pour la première fois l'honneur de venir dans l'hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), soit offusqué que je ne réponde pas à sa diatribe majestueuse. Je le fais bien volontiers.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je réponds à Jean-Marc Ayrault : c'est lui qui l'a souhaité ; j'étais prêt à ne pas intervenir, c'est lui qui a sollicité mon intervention. C'est bien volontiers que je lui réponds.

Comme plusieurs de ses collègues, il semble attristé que la commission n'ait pas mis en cause la France pour discrimination. Les propos de Viviane Reding qu'il a cités sont faux. J'ai ici la lettre qu'elle a adressée à Brice Hortefeux et à moi-même cet après-midi. Je vous en lis un extrait : « Je prends note que vous assurez que la circulaire du 5 août 2010 n'a eu ni pour objet, ni pour effet de créer une quelconque discrimination. J'observe également avec satisfaction que cette circulaire a été abrogée et remplacée par celle du 13 septembre 2010. »

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Quelques lignes plus loin, elle nous demande effectivement la communication d'éléments additionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Autrement dit, elle n'a pas l'air bien convaincue !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Au lieu d'essayer de monter cette lettre en mayonnaise, vous devriez vous réjouir de ce que la Commission européenne prenne acte du fait qu'il n'y a pas eu de discriminations dans nos actions de cet été.

Pour le reste, Mme Guigou a dit des choses importantes, mais, comme je n'ai pas le plaisir de parler devant elle, je lui répondrai tout à l'heure, et aurai l'occasion de corriger certains de ses propos, lorsque nous aborderons la question de la déchéance de la nationalité.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

J'indique également à plusieurs députés socialistes que j'assume totalement les deux mots qui vous marquent le plus dans l'intitulé de mon ministère : « immigration » et « identité nationale ». Je vous indique toutefois que cet intitulé comporte aussi l'« intégration » et le « développement solidaire », deux piliers auxquels je suis très attaché.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Et les mots que vous avez écrits sur Sarkozy, est-ce que vous les assumez encore ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Enfin, monsieur Hutin, vous demandez quelle mouche a piqué le Président de la République.

La mouche qui a piqué le Président de la République, monsieur le député, ce sont tout simplement des rafales d'armes automatiques tirées contre des policiers dans un quartier de Grenoble.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

C'est aussi l'attaque d'une gendarmerie, des voitures brûlées, un village mis à sac au mois de juillet. C'est à cela que le Président de la République a voulu réagir en annonçant un certain nombre de mesures sur la sécurité et en voulant rétablir l'autorité de l'État.

Tout à l'heure, j'aurai l'occasion de vous dire dans quel contexte nous voulons procéder à ce rétablissement indispensable de l'autorité de l'État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

La misère des forces de police et de gendarmerie, voilà ce que nous avons surtout vu cet été !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement n° 199 .

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Monsieur le ministre, cette circulaire visait les Roms comme devant être expulsés prioritairement ; elle a été corrigée par la suite, mais sa philosophie n'en demeure pas moins. Il faut le dire clairement. On veut traiter un problème d'installation de camps, mais le nomadisme fait partie de l'Europe : n'oublions pas que ces gens ont droit au même respect que chacun d'entre nous. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

M. le rapporteur a indiqué que l'article 1er représentait une petite bonification supplémentaire. Mais c'est la méthode, c'est l'esprit même du texte qui fait problème ! Ce n'est même pas systématique ; c'est systémique : comme le disait tout à l'heure Patrick Braouezec, on brandit une mesure, qui permettra à ceux qui ont réussi, à ceux qui ont les moyens, de bénéficier d'une réduction de la durée de résidence nécessaire à la naturalisation. Quant à ceux qui n'ont pas eu de succès, à ceux qui n'ont pas les moyens, aux ouvriers dont on aura besoin ou aux pauvres qui ont décidé de venir chez nous, ils ne bénéficieront pas de cette mesure. Entre deux ans et cinq ans, la différence est grande !

Votre politique instille un esprit de discrimination. Vous pratiquez la discrimination sociale, et comme nous savons que ce sont les immigrés qui seront principalement concernés, vous pratiquez même une discrimination que j'appellerai socio-raciale.

Il faut être très vigilant sur cet article 1er, et je demande donc sa suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

C'est tout de même paradoxal ! Nous proposons de mettre en valeur ceux qui ont un mérite particulier, comme cela existe déjà dans d'autres ministères depuis 1993, et vous nous expliquez exactement le contraire de ce que vous nous dites depuis des heures, c'est-à-dire qu'il ne faut surtout pas raccourcir les délais pour ceux qui présentent un parcours exceptionnel d'intégration.

Je vous laisse à vos contradictions. Cet article 1er montre qu'à l'égard des individus qui jouent le jeu et qui ont un parcours exceptionnel, nous savons nous montrer généreux.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Défavorable, bien évidemment.

Aujourd'hui, le ministre de la défense peut proposer la naturalisation accélérée d'un certain nombre de personnes qui ont contribué à la défense de notre pays. Il en va de même pour le ministre des affaires étrangères, s'agissant de favoriser le rayonnement de notre pays et de tenir compte des services rendus à la France.

Cet article propose que le ministre en charge de la nationalité puisse en faire autant pour des personnes qui contribuent significativement au rayonnement de notre pays.

Monsieur Braouezec, je vais vous donner des exemples. Certaines grandes entreprises emploient des chercheurs qui détiennent des brevets : elles nous demandent une accélération de la naturalisation, parce qu'elles en ont besoin. De même, sur tous les bancs, vous êtes nombreux à me solliciter pour que, lorsqu'un étranger est champion de France, il puisse participer à des compétitions sportives internationales sous les couleurs de la France. Mais j'ai les plus grandes difficultés à agir.

Cet article concernera quelques dizaines de personnes par an : la commission des lois, qui m'avait demandé des engagements précis, a en effet sous-amendé l'article initial afin d'encadrer et de limiter cette mesure. Ainsi, une contribution exceptionnelle au rayonnement et à l'activité de notre pays pourra être reconnue par un accès plus rapide à la nationalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

J'ai entendu tout à l'heure des attaques extrêmement fortes contre le Président de la République. Il y a un moment, je crois, où il faut apporter une réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Nos collègues socialistes et communistes n'ont cessé d'évoquer un Président de la République « cynique et pervers » – ce sont les termes employés par Noël Mamère – par opposition à ses prédécesseurs qui étaient de parfaits républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Je suis toujours ému, voire émerveillé, d'entendre nos collègues de l'opposition regretter les anciens présidents de la République issus de notre famille politique.

Pourtant, rappelez-vous, mes chers collègues, ces cortèges organisés par la gauche des années 60 dans lesquels les slogans mettaient à égalité de Gaulle, Franco et Salazar. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Aujourd'hui, ils insultent Nicolas Sarkozy en le classant parmi les « extrêmes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

C'est l'utilisation du même procédé détestable : manipulation et désinformation.

Chers collègues de gauche, j'ai le regret de constater qu'en cinquante ans, vous n'avez pas évolué. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Voilà une intervention qui fait avancer le débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je voudrais seulement demander, pour éliminer toute ambiguïté, de quels ministres il s'agit. Auront-ils tous la possibilité d'exercer ce pouvoir ?

Dans le texte de l'article, ce n'est pas évident.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Tous les ministres, sauf celui des bâtiments ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Peut-on ajouter le ministre des bâtiments, puisque M. Braouezec le demande ? (Sourires.)

Le texte de l'article mentionne « le Gouvernement ». Cela fonctionne déjà, comme vous l'avez dit, pour la défense et les affaires étrangères. Je n'ai rien contre le fait que certains ministres utilisent cette possibilité élargie, mais je ne voudrais pas que, d'un coup, tous les ministres décident d'octroyer des passe-droits ! Pour le coup, ce serait une généralisation du subjectif.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Sans doute par excès de modestie ou par habitude juridique, je n'ai pas été assez clair : en l'occurrence, dans cet article, le Gouvernement, c'est nécessairement le ministre en charge de la nationalité et de la naturalisation. Il n'y a aucune ambiguïté : il sera, à l'avenir, le seul concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

C'est la deuxième fois dans l'après-midi que l'on rattache des événements à l'héritage d'une gauche infréquentable. Je dirai simplement, notamment à l'adresse de M. Bodin, que si nous nous amusions à dresser l'inventaire de ce qui est totalement indéfendable dans l'héritage de la droite, nous y passerions quelques mois…

Je ne crois pas qu'il soit utile au débat que vous rappeliez constamment des slogans, des banderoles ; ce n'est pas cet héritage-là qui inspire nos interventions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Concernant le respect dû à M. le Président de la République, nous sommes tous républicains et respectueux des institutions. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Nous respectons le Président de la République tant que lui-même tient en haute estime la fonction qu'il assume.

C'est dans vos rangs, et particulièrement de la bouche du Premier ministre lui-même il y a quelques jours, que nous avons entendu quelques réserves, quelques formules assez bien frappées sur le fonctionnement du Président de la République et les difficultés qu'elles engendrent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Nous constatons surtout que vous tenez à ce que nous nous l'appropriions, comme si la charge était quelque peu lourde pour vous seuls…

Quant à cet article 1er, il illustre parfaitement vos contradictions. Vous dites souhaiter que les immigrés respectent les valeurs françaises, les règles et les lois françaises, et se conforment à tous les devoirs d'un citoyen normal. Nous le souhaitons tous.

Mais alors, pourquoi n'accorder des facilités qu'à ceux qui se distinguent par des exploits, des diplômes, des postes haut placés et fortement rémunérés ? Pourquoi l'ouvrier qui va travailler tous les jours à l'heure, qui est loyal, qui paie ses impôts et ses taxes, ne pourrait-il pas profiter, lui aussi, d'une réduction du délai en raison d'un parcours exceptionnellement républicain et civique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Cet article est en contradiction avec le reste du texte. En effet, alors que dans cet article, vous dites vouloir récompenser des comportements respectueux des règles de la République, et vous nous racontez que l'étranger est intéressant, dans la suite, vous cherchez à rendre difficile son intégration.

Merci, monsieur Goasguen, d'avoir parlé de passe-droit, car il s'agira bien de cela : d'un passe-droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Il s'agira d'arbitraire. Il s'agira d'instrumentalisation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Il s'agira d'utilisation d'événements et de personnes à des moments donnés…

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

…pour faire croire que ce Gouvernement est généreux, au moment même où il prévoit de regrouper des étrangers dans des centres d'attente partout sur le territoire et où il durcit les conditions permettant à ceux qui travaillent dans ce pays d'accéder à la nationalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je rappelle à Mme Taubira qu'il existe en France des tribunaux administratifs et qu'une décision à caractère réglementaire est toujours attaquable devant la juridiction administrative.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Mais vous réduisez le nombre des fonctionnaires !

(L'amendement n° 199 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement n° 202 .

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Cet amendement est cohérent. Puisque vous faites preuve de magnanimité envers certaines personnes ciblées, celles qui font partie de l'élite et qui ont la capacité, au détriment de tous ceux qui n'ont pas cette chance, comme les ouvriers dont vient de parler Mme Taubira, alors qu'ils ont certainement autant de mérite à construire des universités, des logements sociaux, ou même à réparer les bâtiments de l'Assemblée nationale, au 101 rue de l'Université ou ailleurs, je propose que le délai de naturalisation soit ramené à deux ans pour tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Très bien !

(L'amendement n° 202 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma