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Intervention de Michèle Delaunay

Réunion du 29 septembre 2010 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay :

Il y a des mots de la langue française, monsieur le ministre, qui ont un poids de sens, bien souvent un poids d'histoire, quelquefois un usage littéraire, leur donnant la force d'une marque au fer rouge.

C'est le cas de la « déchéance », que Zola décrit comme « le dernier degré de la misère et de l'abjection » ; c'est le cas du bannissement, de lourde mémoire ; c'est le cas des camps, qui ont émaillé notre été, qu'on les démonte, qu'on les détruise ou qu'on les construise à destination de ceux que l'on a au préalable marqués d'un des mots précédents.

Votre gouvernement le sait bien, qui n'en utilise jamais aucun au hasard ; votre ministère plus encore, qui a subtilement associé identité nationale et immigration.

Bannissement, déchéance, camps illégaux, lancés dans le débat politique, ont une double mission : subtilement marquer d'une sorte de péché originel ceux à qui ils sont explicitement adressés, mais aussi faire office de chiffon rouge pour distraire le chaland électoral des échecs et de l'iniquité de votre politique.

Vous vous souvenez que le Président de la République – notre Président – avait dit : « Je veux du rouge, du gros rouge qui tache » au moment du débat sur l'identité nationale. Il tache en effet et c'est aujourd'hui la France qui est tachée et montrée du doigt.

Le supplément de sanction que constitue la déchéance de nationalité ne sera d'aucun effet dissuasif, ne serait-ce que – mais ce n'est pas la seule raison – parce qu'elle ne concernera qu'un nombre très restreint de personnes, puisque doivent être réunies les deux conditions suivantes : la double nationalité et le caractère récent de la nationalité française.

On a insisté sur le caractère inconstitutionnel de cette mesure. Les textes, depuis ceux de la Révolution, veulent que l'on ne fasse, selon une belle formule, « aucune section » du peuple français, et l'on se souvient des débats soulevés à ce sujet par la loi sur la parité.

L'entorse est ici d'un autre ordre quand il s'agit de sanction et de l'introduction d'une double peine. Elle est, de plus, étymologiquement imbécile : l'assassinat du préfet Érignac serait-il plus ou moins coupable, plus ou moins odieux, selon que son auteur est né d'un côté ou de l'autre, voire au milieu de la Méditerranée ?

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