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Séance en hémicycle du 23 octobre 2009 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2010 (nos 1946, 1967).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 487 rectifié à l'article 5.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 487 rectifié , 488 rectifié , 492 , 491 et 379 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 487 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je défendrai en même temps l'amendement n° 488 rectifié , subtilement différent.

Il s'agit de déterminer le niveau initial de la taxe carbone. Outre le long débat qui s'est tenu sur la question, deux rapports importants ont été rédigés par d'estimables personnalités qui ne sont pas des écologistes patentés, encore moins extrémistes. Je précise au passage que je suis un écologiste patenté mais pas extrémiste… Ces deux personnalités, M. Quinet autant que M. Rocard – entouré, ce dernier, d'une pléiade d'experts de tous bords –, ont, dans leurs propositions, veillé à ce que cette taxe ait un effet réellement incitatif et soit de nature à modifier les comportements, ainsi que le souhaite d'ailleurs le Président Sarkozy lui-même. L'incitation doit donc être « visible » pour nos concitoyens et nos entreprises.

Or en fixant la taxe à 17 euros par tonne de carbone, nous sommes à peu près certains qu'elle restera invisible puisque cela représentera environ 4 centimes par litre d'essence à la pompe, c'est-à-dire même pas la différence entre deux stations service de marque différente dans un même canton ! Cela, sans parler des fluctuations des prix du marché du baril de pétrole.

Notre proposition s'inscrit dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, à l'occasion duquel on avait réuni les forces vives de la nation – MEDEF, syndicats ouvriers, associations –, pour trouver un compromis. Le rapport Quinet puis la commission Rocard sont ainsi parvenus au compromis selon lequel il fallait fixer le prix d'entrée de la taxe carbone à 32 euros, c'est-à-dire ni trop ni trop peu.

Pourquoi, dès lors, le Gouvernement divise ce chiffre presque par deux pour le fixer à 17 euros ? Parce que le montant de 17 euros correspondrait peu ou prou au prix du carbone sur le marché des quotas européens. Mais même le marché des quotas, vous le savez, ça va et ça vient ! Qu'en sera-t-il en 2010 ? Personne ne le sait. De plus, le montant de la taxe carbone et le prix du marché des quotas ne recouvrent pas du tout la même réalité. Nous pensons donc qu'il faut fixer la taxe à 32 euros.

Par ailleurs, les amendements nos 487 et 488 rectifié s redéfinissent l'assiette de la taxe. Il nous paraît abusif de ne pas y intégrer l'électricité. Si elle n'est pas incluse dans la taxe carbone, les gens vont avoir tendance à s'équiper en chauffages électriques. Les commissions départementales de surendettement seront affolées par le nombre des personnes surendettées car le prix du kilowattheure va lui aussi augmenter !

Ensuite, contrairement à ce que l'on croit, pendant les dix ou quinze jours les plus froids de l'année, quand la demande en électricité est la plus forte, notamment pour se chauffer, ce sont les centrales thermiques, parmi les plus polluantes – celles au gaz ou, surtout, au charbon –, qui seront sollicitées. C'est l'effet pervers du système que vous instaurez – et que nous voulons corriger – : vous exemptez l'électricité de taxe carbone prétextant la fable du nucléaire qui ne polluerait pas en dioxyde de carbon, alors qu'en favorisant le chauffage électrique, vous allez augmenter considérablement l'émission de carbone en France.

L'intégration de l'électricité dans l'assiette de la taxe poursuit un but très noble puisqu'il s'agit d'inciter aux économies d'énergie.

Au-delà du seul carbone, nous souhaitons étendre l'idée de cette taxe au climat et à l'énergie, c'est pourquoi nous proposons aussi, par le biais de ces deux amendements, de remplacer les mots : « taxe carbone », par les mots : « contribution climat-énergie ». C'était du reste la formulation retenue par le Grenelle I. Il s'agit d'inciter nos concitoyens à réaliser des économies, même d'électricité.

Puisque, comme moi, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, vous êtes raisonnables, je suppose que vous allez adopter ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission n'a pas retenu ces deux amendements. J'ai eu l'honneur et la chance de participer à la journée conclusive des travaux de la commission Rocard. Le débat fut long et des plus intéressants sur le prix d'entrée de la taxe, fixé à 32 euros par le rapport Quinet,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…ainsi que sur la question de l'électricité. Les membres de la commission étaient très partagés.

Pour ce qui est du prix d'entrée, le rapport Quinet explicite pourquoi le montant de 32 euros lui paraît le plus justifié, avant qu'il ne soit porté à 100 euros à l'horizon 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Cela dit, si vous voulez que la taxe soit de 100 euros dès 2020…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nombreux sont ceux qui parlaient de moment historique : nous allions ajouter au paysage fiscal une nouvelle taxe, une véritable taxe environnementale. Nous nous souvenions tous – j'ai insisté sur ce point car je l'ai vécu à l'époque – des difficultés rencontrées avec la TGAP. Certains, j'en faisais partie, ont par conséquent insisté pour que l'on n'échoue pas dans la fixation du prix d'entrée de la nouvelle taxe, jugée si importante.

Le montant de 32 euros n'est sans doute pas idéal, d'autant que vous savez, comme moi, qu'il est quelque peu arbitraire. Reste qu'il permettait de parvenir plus facilement aux 100 euros prévus pour 2030. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une taxe nette même si elle sera remboursée aux ménages. Nous devons donc réussir cet atterrissage, si je puis dire.

En 1991, en Suède, le prix d'entrée a été fixé à l'équivalent de 27 euros mais, comme la taxe a été aussitôt imputée sur une autre taxe sur les carburants – une sorte de TIPP –, les Suédois n'ont pas vu la différence. Au fil du temps, la taxation des carburants a augmenté mais on a fait porter l'augmentation exclusivement sur cette taxe qui représente aujourd'hui 108 euros. Les Suédois ont donc pris un maximum de précautions au départ.

Je comprends parfaitement le Gouvernement qui, dans le souci de réussir, a fixé le prix d'entrée de la taxe carbone à 17 euros. Vous avez raison, monsieur Cochet, de rappeler que les cours du marché des quotas fluctuent – 17 euros étant la moyenne de ces deux dernières années. Cependant, il eût été erroné de la part de ceux qui souhaitent un avenir à cette taxe, et je crois que c'est notre cas à tous, de démarrer trop haut. Il est vrai, en tout cas, que les marches suivantes seront d'autant plus hautes…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Alors gravissons-en un minimum dès ce soir !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En ce qui concerne l'électricité, les débats ont également été très nourris. La commission Rocard penchait plutôt pour l'inclusion de l'électricité dans l'assiette.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

C'était le cas de la majorité de la commission qu'il présidait, en effet.

Les arguments pour l'en exclure consistaient à observer que nous produisons plus de 80 % d'électricité grâce à l'énergie nucléaire et à l'énergie hydraulique qui ne génère pas de dioxyde de carbone. Toutefois, en période de pointe, notre électricité est produite par des centrales thermiques au fioul ou au gaz, qui émettent, pour leur part, du dioxyde de carbone.

D'aucuns ont fait valoir qu'EDF facturait déjà à ses clients la contribution de service public d'électricité qui sert notamment à racheter de l'électricité produite par des énergies renouvelables à un prix supérieur sinon au prix du marché, du moins au prix de revient de l'électricité d'origine nucléaire.

Ne faut-il donc pas prendre en compte le fait que le tarif payé par le consommateur comporte déjà la CSPE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Vous dites qu'elle est minime…

Selon un autre argument, les comptes d'EDF comportent d'ores et déjà une provision pour les quotas. Car quand on se borne à suggérer, comme vous le faites, qu'il faudrait taxer les centrales thermiques puisque ce sont elles qui polluent, on oublie de préciser que ces centrales participent du régime des quotas. Or comme les quotas dont dispose EDF sont insuffisants, le groupe a été obligé d'en acheter pour une somme non négligeable de 300 ou 400 millions d'euros.

Toutes ces raisons ont conduit le Gouvernement à proposer un prix d'entrée de 17 euros. Sur ce point, je n'ai aucune hésitation et pense qu'il s'agit de la bonne démarche. En revanche, j'ai encore un léger doute quant à l'inclusion de l'électricité dans l'assiette de la taxe.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Reste que les arguments pour ne pas l'y inclure me paraissent très forts.

Un travail très intéressant a été conduit en commission par nos collègues Michel Diefenbacher et Jean Launay,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Au début, en effet.

J'ai préféré vous présenter les éléments du débat de la manière la plus exhaustive possible car nous nous interrogeons tous. Reste que la discussion en commission nous a conduits à rejeter les amendements présentés par M. Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Il est difficile de suivre M. le rapporteur général sur un sujet technique qu'il maîtrise avec autant de talent.

Je réponds à vos deux amendements, monsieur Cochet. Vous proposez de substituer les mots : « taxe carbone » par les mots : « contribution climat-énergie ». Il s'agit-là davantage que d'un débat purement sémantique.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Vous posez par là d'autres questions, notamment celle de la taxation de l'énergie et en particulier de l'électricité.

Le choix opéré pour l'institution de la taxe carbone, taxe que le Gouvernement est fier d'inscrire dans le paysage fiscal français tant il s'agit – et vous avez eu raison de le souligner avec d'autres – d'une profonde novation des principes fiscaux et des assiettes fiscales que nous décidons dorénavant d'utiliser, répond à une formule simple : taxons plus la pollution et moins la production.

Nous avons délibérément choisi de viser les émissions de CO2. À poursuivre trop d'objectifs en même temps, on peut risquer de rater la cible. Notre but est donc de lutter contre les émissions de CO2 et de nous présenter au sommet de Copenhague, dans environ cinquante jours, dans une position suffisamment forte pour pouvoir donner des impulsions et engager un mouvement qui, aujourd'hui, ne se porte pas bien. Nous avons un signal fort à donner à l'ensemble des partenaires qui participent à ces négociations de Copenhague dans le cadre d'un processus onusien assez laborieux. Il serait bon que nous puissions arriver en force, en disant : « En France, nous avons pris la décision, s'agissant du réchauffement climatique, de mettre en place une taxe carbone, comme la Suède, le Danemark, la Finlande, et un certain nombre d'autres pays. » J'espère d'ailleurs que je pourrai compter sur un certain nombre de voix pour soutenir ce projet.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

En ce qui concerne la production d'électricité, M. le rapporteur général l'a indiqué tout à l'heure, nous avons la chance d'avoir de l'électricité qui n'est pas d'origine fossile, et qui couvre un peu plus de 80 % des besoins de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

On a aussi la chance d'avoir des déchets nucléaires dont on ne sait pas quoi faire !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

On évoque le problème des pointes, qui nous obligent à recourir à de l'énergie non pas d'origine nucléaire mais fossile. Il ne concerne cependant que certaines périodes et cela ne nous est pas apparu suffisant pour justifier que l'on intègre l'électricité dans l'assiette. C'est d'ailleurs pour cette raison que les producteurs d'électricité ont été intégrés dans le champ d'application de la directive 200387 établissant un système d'échange de quotas d'émission de CO2 à l'échelon européen.

Contrairement à ce que l'on entend ici ou là, ce dispositif pèse effectivement sur les émissions issues de la production thermique d'électricité. Car, conformément à la directive européenne, le plan national d'allocation de quotas de la période 2009-2012 comporte pour les centrales thermiques un resserrement des permis d'émission qui conduira le secteur à réaliser les investissements nécessaires au respect de nos engagements internationaux.

Dans ces conditions, il serait, nous semble-t-il, économiquement déraisonnable et non conforme au cadre communautaire de soumettre les installations concernées à deux mécanismes concurrents – d'une part, celui qui résulte du régime des quotas, et, d'autre part, celui de la taxe carbone –, instituant ainsi une espèce de double peine,…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

…puisque les entreprises seraient soumises aux deux coûts cumulés.

Voilà pourquoi nous avons décidé de ne pas inclure dans l'assiette la production d'électricité. La taxe carbone doit être bien ciblée sur l'objectif que nous souhaitons poursuivre, à savoir lutter contre les émissions de CO2.

La deuxième question est celle de la détermination du prix. Le rapporteur général a eu tout à fait raison de rappeler que les débats ont été longs. Ils l'ont été également au sein du Gouvernement. Beaucoup de réunions interministérielles se sont tenues sur ce sujet, afin de savoir quelle valeur il était le plus souhaitable de retenir : celle du rapport Quinet, celle du cours du marché, ou encore une moyenne. Notre objectif est la modification des comportements, et je vous accorde qu'à cet égard, il eût été plus efficace de fixer un prix de référence plus haut. Mais nous souhaitions mettre en place le dispositif de la taxe carbone de la manière la plus raisonnable, la plus efficace du point de vue de l'acceptation du corps social. C'est pourquoi nous avons choisi ce taux de 17 euros la tonne, qui est à peu près la valeur moyenne entre le prix du marché le plus élevé et le prix du marché le plus bas. Nous nous inscrivons évidemment dans la perspective, que nous souhaitons, d'une augmentation de ce prix de la tonne de CO2.

Enfin, monsieur Cochet, votre deuxième amendement propose de soumettre à la taxe carbone les produits énergétiques consommés à bord des aéronefs. Or un tel dispositif serait contraire aux engagements pris par la France. De ce fait, la taxation des carburants aériens resterait limitée aux seuls carburants utilisés pour les vols domestiques, au prix d'une contrainte de gestion très importante, qui pénaliserait nos entreprises sans atteindre l'objectif d'une réduction significative des émissions.

Dans ce secteur, nous avons une perspective mieux adaptée pour agir sur les émissions de gaz à effet de serre, puisque la directive européenne 2008101 modifiant la directive 200387, que j'ai citée tout à l'heure, vient d'intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission.

Les différents points que vous avez évoqués dans vos amendements m'ont ainsi permis de clarifier la position du Gouvernement concernant sa détermination à mettre en place une taxe carbone à des conditions acceptables par la population en l'état actuel de la situation économique. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je voudrais répondre à la commission et au ministre.

D'abord, je ne comprends pas pourquoi vous vous acharnez à maintenir la dénomination « taxe carbone ». Je me réfère ici au rapport Rocard, qui n'a pas tranché la question de l'électricité, mais qui parle de « contribution énergie-climat ». En utilisant la dénomination « taxe carbone », vous prêtez le flanc à une critique, celle qui s'appuie sur l'idée qu'il s'agit là d'une taxe supplémentaire.

Or il ne s'agit pas d'une taxe comme les autres, mais d'une contribution dont le produit est intégralement reversé et qui n'a pas vocation à créer des ressources nouvelles pour l'État. Le choix que vous avez fait d'une telle dénomination est l'un des facteurs de l'incompréhension totale de la population. Vous n'avez pas défendu une position qui aurait pu être plus juste et plus compréhensible.

S'agissant de la question du « signal prix », j'entends les arguments du rapporteur et de la ministre sur l'acceptabilité. Ces arguments avaient été développés par Michel Rocard au cours de son audition par la commission du développement durable. C'est d'ailleurs pourquoi le groupe socialiste n'a pas déposé d'amendement tendant à proposer 32 euros. Cela étant, le fait de retenir 17 euros expose le dispositif à un certain nombre de risques.

La taxe carbone, ou la contribution énergie-climat, a pour vocation de changer les comportements. Or à 17 euros, vous prenez le risque que l'augmentation du prix du carburant ne soit pas suffisante pour changer ces comportements. Le consommateur aura peut-être plus tendance à payer un peu plus cher son carburant qu'à l'économiser. C'est là un risque qui pèse sur l'avenir même de cette taxe. En Allemagne, par exemple, une taxe carbone a été créée. Mais elle a été sous-évaluée au départ, et n'a pas progressé de manière suffisante. Aujourd'hui, elle est fortement contestée et plus aucune force politique ne la revendique.

C'est un vrai problème. En choisissant un prix de départ aussi bas, vous prenez le risque, tout simplement, de ne pas atteindre les objectifs qui sont ceux de la taxe carbone. D'autant plus – et ce sera l'objet du débat que nous aurons dans quelques minutes – que vous ne dites rien sur la progressivité. Non seulement vous partez de bas, mais vous ne dites rien de la manière dont va évoluer cette taxe. Ce que l'on redoute, c'est donc que le choix que vous avez fait ne finisse par tuer cette taxe, qui ne pourra pas atteindre les objectifs qu'elle se fixe.

S'agissant de l'électricité, je ne partage pas les arguments du rapporteur. En réalité, si la taxe carbone a pour but de limiter les émissions de gaz à effet de serre, notamment de gaz carbonique, il est évident qu'il faut alors taxer l'électricité. Car une partie de la production électrique est le fait de centrales thermiques et dégage du CO2. Si nous voulons être cohérents, il faut taxer la partie de l'électricité produite par les centrales thermiques. Nous défendrons un amendement en ce sens. Je ne comprends pas qu'il n'y ait pas une application stricte de ce principe. Mais nous y reviendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Au travers de ces amendements, il est proposé de taxer l'électricité. Or je voudrais faire un premier rappel : nous sommes dans le cadre d'une contribution climat-énergie. En la matière, il est une disposition que les membres de la commission des finances connaissent bien, puisqu'elle a fait l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel à l'occasion du débat sur la TGAP énergie, portée à l'époque par Mme Voynet. Qu'a dit le Conseil constitutionnel ? Il a dit qu'on ne pouvait pas taxer l'énergie électrique, qui est une énergie propre, dans notre pays, au nom de la lutte contre le gaz carbonique, contre l'effet de serre. La décision du Conseil constitutionnel est extrêmement claire.

Ce n'est pas la peine de faire non de la tête, monsieur de Rugy. J'ai l'honneur de bien connaître cette décision du Conseil constitutionnel, puisque c'est moi qui ai rédigé le recours. J'ai tout de même pris la peine de lire ce que le Conseil constitutionnel avait écrit à l'époque.

En outre, la taxation de l'énergie électrique aura des conséquences, non seulement pour les particuliers, mais aussi pour les industriels. Il faut être conscient que 80 000 emplois, dans les industries électro-intensives – et je ne parle que des emplois directs –, dépendent du niveau du prix de l'énergie électrique. Nous avons un avantage compétitif par rapport au reste du continent européen. L'urgence est de le préserver, en évitant d'instaurer une nouvelle taxation sur l'électricité, d'autant que se pose le problème des centrales thermiques, qui est un vrai problème.

À cet égard, je ne peux que partager l'analyse selon laquelle c'est une hérésie que de faire tourner les centrales thermiques pour satisfaire la demande en période de pointe. Mais les solutions techniques existent, notamment en renforçant les ouvrages hydrauliques et en procédant à la mise en place des stations de transfert d'énergie par pompage, dont la réalisation est limitée depuis un certain nombre d'années pour de simples problèmes de coût de transport de l'énergie, quand on remonte l'eau dans les ouvrages supérieurs. Nous avons donc des solutions techniques, autres que le recours aux centrales thermiques, pour accroître les capacités de production hydraulique en période de pointe.

En tout état de cause, taxer l'énergie électrique dans le contexte actuel est une très mauvaise idée pour l'industrie, et c'est une aberration s'il s'agit de lutter contre l'effet de serre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir les amendements nos 492 et 491 .

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

La question de l'appellation se pose. Le Gouvernement et le Président de la République ont hésité entre deux appellations. Je dois reconnaître que le Président de la République a toujours parlé de « taxe carbone ». Mais Jean-Louis Borloo, ministre d'État dont je m'étonne d'ailleurs qu'il ne soit ni présent ici, ni représenté par ses secrétaires d'État, nous a dit en commission qu'il était le notaire scrupuleux, sourcilleux, du Grenelle de l'environnement, qu'il était là pour l'appliquer puisque nous l'avions voté. Or, le Grenelle, dans son article 2, si j'ai bonne mémoire, parle d'une « contribution climat-énergie », et non pas de la « taxe carbone ».

Mon cher collègue Bouvard, nous parlons donc bien ici de la contribution climat-énergie. Il ne s'agit pas seulement de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. C'est un double défi que nous avons à relever : le défi climatique et le défi énergétique. Car vous savez comme moi que, pour produire de l'électricité, les ressources, quelles qu'elles soient, ne sont pas infinies. Elles sont même toutes en train de s'amenuiser. La question de l'appellation recouvre donc une question centrale, elle n'est pas purement terminologique.

S'agissant de l'électricité, j'ai eu l'occasion de dire tout à l'heure que le but n'était pas de passer du « tout fossile » au « tout électrique ». Vous avancez la question du nucléaire. Je ne veux pas me lancer ici dans un débat sur le nucléaire, ce serait trop long. Mais enfin, ne dites pas, parce que je crois que vous ne seriez pas crédible, que le nucléaire est une énergie propre !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Tous ceux qui habitent à côté d'un site de stockage des déchets nucléaires savent que ce n'est pas une énergie propre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je n'ai pas dit qu'elle était propre, j'ai dit qu'elle était sans incidence sur le climat.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Et d'ailleurs, ce n'est pas compliqué : chaque fois que l'on essaie d'implanter un site de stockage de déchets nucléaires en un endroit donné, tout le monde se lève en masse contre un tel projet.

S'agissant des périodes de pointe, vous n'avez pas répondu, madame la ministre. La question de la pointe est fondamentale. On sait qu'elle est liée principalement, pour ne pas dire totalement, au chauffage électrique.

Or, Yves Cochet l'a très bien expliqué, si l'on dit qu'il n'y a pas de taxation de l'électricité, très logiquement, nos concitoyens vont changer leur chauffage au fuel ou au gaz pour un chauffage électrique. Et ils vont tomber dans un triple piège.

D'abord, la pointe va déclencher de fortes émissions de carbone. Il est vrai, cher collègue Bouvard, que l'hydraulique est la deuxième technique après le thermique pour y faire face. Mais vous savez comme moi que les capacités hydrauliques sont actuellement quasiment au maximum en France.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ensuite, il y a le problème du réseau, qui est aujourd'hui, RTE vous le confirmera, extrêmement fragile. Pourquoi ? À cause des période de pointe ! Si on les accentue, on aggravera les problèmes de réseau.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Aujourd'hui, 45 % de la facture de nos concitoyens sont liés au coût du transport de l'électricité du site de production jusqu'à leur domicile.

Enfin, le dernier piège qui se refermera violemment sur ceux qui auront opté pour le chauffage électrique, c'est bien sûr le prix. Aujourd'hui, c'est déjà le mode de chauffage le plus cher, non pas à l'investissement mais en fonctionnement. C'est comme cela que les gens se font avoir. Le prix de l'électricité, quel que soit le mode de production, va augmenter dans les années à venir. Et, pour finir, notre collègue Michel Diefenbacher l'a bien expliqué en commission, on va inventer une surtaxe de la pointe. Les gens qui voudront se chauffer à l'électricité entre dix-huit heures et vingt heures, au moment de la pointe, se verront appliquer une surtaxe à laquelle ils ne pourront pas échapper.

C'est pourquoi nous maintenons des amendements, qui sont en quelque sorte de repli, puisque nous proposons, dans le n° 492, un tarif relativement modeste, et dans le n° 491, un tarif encore plus modeste de 1,30 euro par mégawatheure.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Nous discutons de fiscalité écologique dans l'objectif, certes prioritaire et essentiel, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi d'améliorer notre efficacité énergétique. Je rappelle que l'objectif de diminution de 20 % des gaz à effet de serre s'accompagne d'un objectif d'amélioration de 20 % de notre efficacité énergétique. Il s'agit de l'efficacité énergétique globale, il est donc tout à fait normal que cela inclue l'électricité.

Au moment des périodes de pointe, que ce soit en hiver pour le chauffage ou en été pour la climatisation, on fait appel, pour fournir l'énergie électrique, aux centrales thermiques, qui produisent des gaz à effet de serre, tout comme le transport des matières liées à l'industrie nucléaire. Il est tout à fait normal que l'électricité soit incluse dans l'assiette d'une fiscalité écologique, que nous considérons indispensable d'appeler contribution climat énergie universelle.

Rappelons que le niveau de taxation de l'électricité en France est extrêmement bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Vous irez expliquer ça à ceux qui vont se faire licencier chez Alcan parce que le prix de l'électricité augmente !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

En Angleterre, l'électricité est taxée à 5 euros le mégawatheure, à 20 euros en Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Et vous leur expliquerez comment on fabrique de l'aluminium avec autre chose que de l'électricité !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Demander que l'on élargisse l'assiette d'une contribution climat énergie à l'électricité, c'est permettre la transition énergétique de notre économie, c'est notamment permettre à nos industries de se reconvertir aussi vers l'économie et les technologies vertes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Dans leurs circonscriptions, nos collègues critiquent l'électricité trop chère et, à l'Assemblée nationale, ils veulent l'augmenter !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

On admet la nécessité de changer les comportements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais on ne reconnaît pas la part de l'électricité. Or, cela a été dit à plusieurs reprises, l'électricité est concernée. Mais la question est plus globale : veut-on aller vers une réduction de la consommation énergétique, tout simplement ne pas gaspiller ?

La taxe carbone telle qu'elle est conçue va pousser au report sur l'électricité sans chercher à convaincre, tant les ménages que les entreprises, de rechercher la sobriété énergétique. Or on ne peut pas continuer à avoir une consommation énergétique exponentielle. Même pour les défenseurs du nucléaire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Heureusement qu'on l'a et avec lui l'indépendance énergétique !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Des tas d'autres pays s'en sortent autrement. Si on gaspillait moins, on n'aurait pas besoin des centrales nucléaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

C'est très sérieux. Avec l'exportation des déchets nucléaires en Sibérie, vous êtes en train de remplacer le goulag politique par le goulag nucléaire. Vous n'osez pas les stocker en France, mais il n'est pas correct de se décharger de nos déchets sur l'Afrique, sur les pays asiatiques pauvres ou sur la Sibérie. Nous devons assumer ce que nous produisons, notamment les déchets. Nous devons assumer notre consommation de produits polluants et ne pas en renvoyer la production dans les pays pauvres,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La Sibérie n'est pas un pays pauvre ! C'est méprisant pour les Russes !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

…où il n'y a pas de protection pour les populations ou les travailleurs, pour la réimporter à des coûts inférieurs et maintenir des prix bas. Il faut changer notre mode de vie, sinon nous n'y arriverons pas.

Votre taxe carbone n'est pas à la hauteur : il est trop tard pour passer par des mesurettes. Vous reportez le problème sur la note d'électricité des ménages qui va exploser, et du même coup les aides sociales pour payer ces factures. Cette mesure ne change rien sur le fond. On continue à aller droit dans le mur parce que vous n'osez pas prendre les décisions politiques et économiques qu'il faudrait.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je suis d'accord avec bon nombre des commentaires de Mme Billard. La taxe carbone, lorsqu'elle sera votée – je l'espère – aura le mérite d'exister. Elle se transformera certainement au fil du temps. On peut envisager que son champ d'application s'élargisse grâce à de meilleurs mécanismes pour identifier et mesurer le carbone. Son prix aussi pourrait évoluer, comme indiqué dans l'exposé des motifs. En tout cas, elle aura le mérite d'entrer dans le paysage fiscal.

Ce n'est pas, madame Filippetti, le seul instrument que nous prévoyons en matière de fiscalité environnementale. De multiples dispositions existent maintenant dans l'arsenal fiscal français, dont certaines que nous allons améliorer dans le projet de loi de finances pour les « verdir » en vue d'avoir une politique plus large, qui ne soit pas « monoproduit ». Avoir ce produit-là est déjà important en soi. J'espère que vous serez nombreux, sur tous les rangs de cette assemblée, à soutenir ce projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Christophe Caresche, qui a déjà présenté son amendement mais qui veut rajouter quelque chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le président, vous globalisez des amendements qui ne sont pas identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

S'ils sont en discussion commune, c'est qu'ils traitent des mêmes sujets. Or ils donnent lieu à deux débats intellectuels : l'un sur l'inclusion ou non de l'électricité, l'autre sur le montant.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Pour la clarté de nos débats, je veux préciser que l'amendement n° 379 tend à inclure dans l'assiette de la taxe la part de l'électricité qui est liée à la production thermique. Il ne s'agit pas de taxer la production nucléaire ou la production par les énergies renouvelables, mais les 10 % d'électricité produits par les centrales thermiques.

M. le rapporteur semblait plutôt d'accord sur le principe, mais il a refusé cet amendement au motif que « si la taxe carbone était appliquée à ce reliquat d'électricité d'origine fossile, elle aurait un effet quasi-nul sur les prix, sur la consommation et, donc, sur les émissions. » Le rapporteur serait donc d'accord pour considérer que l'électricité liée à la production thermique doit être taxée tout en estimant que cette taxation serait trop faible pour donner un signal prix suffisant. C'est assez contradictoire avec ce qu'il vient de nous dire sur les 17 euros. On pourrait en effet considérer qu'ils ne sont pas suffisants pour envoyer un signal prix susceptible de changer les comportements.

Pour moi, c'est une question de principe et de cohérence : si la taxe carbone doit frapper la production de CO2, il n'est pas compréhensible que la part de CO2 produite par l'électricité ne soit pas taxée. Cet amendement ne vise qu'à cela.

Les experts estiment que la production d'un kilowattheure émet en moyenne 80 grammes de CO2, quelle que soit l'origine de la production. C'est sur cette base que le tarif est calculé pour aboutir au prix de 1,30 euro par mégawatheure. Ce montant, certes assez faible, permet de respecter le principe de taxation du CO2 et d'avoir une certaine cohérence.

(Les amendements nos 487 rectifié , 488 rectifié , 492 , 491 et 379 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel n° 94 de M. Carrez.

(L'amendement n° 94 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel n° 95 de M. Carrez.

(L'amendement n° 95 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 380 .

La parole est à M. Christophe Caresche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cet amendement traite d'un sujet soulevé à plusieurs reprises dans nos débats, je veux parler du kérosène qui échappe à toute taxation, TIPP et taxe carbone. Il a été décidé que la taxe carbone ne s'appliquerait pas aux combustibles qui rentreraient dans les marchés d'émissions. Nous ne proposons donc pas de l'appliquer aux carburéacteurs puisque ceux-ci vont y entrer aux alentours de 2012.

En revanche, la TIPP pourrait s'appliquer, et les carburéacteurs seraient concernés au même titre que les autres carburants. Ainsi, l'orateur de l'UMP qui s'inquiétait de la réaction des Français lorsqu'ils constateront qu'ils paient l'essence plus cher alors que le kérosène n'est pas taxé, serait rassuré. Nous proposons donc de taxer le kérosène.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission a rejeté cet amendement, et M. Caresche sait bien pourquoi. S'agissant des vols internationaux, la convention de Chicago, signée par la France, s'applique. S'agissant des vols intracommunautaires, cette taxe étant considérée comme une accise, le dispositif fiscal relève du droit communautaire. Il existe une directive 200396CE qui exonère les vols intracommunautaires de TIPP et donc, puisqu'elle s'y ajoute, de taxe carbone. Seuls les vols nationaux pourraient être assujettis, ce qui n'aurait pas de sens. Il faut donc exclure cette hypothèse.

Dans le cadre d'un accord européen, l'aviation civile sera intégrée dans le régime des quotas, à partir de 2012. Attendons cette date puisque le cadre légal et réglementaire est extrêmement précis.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Nous soutenons cet amendement. Il faut être clair sur la question des vols nationaux. Lorsque nos concitoyens apprennent que le kérosène est exonéré de TIPP, ils sont choqués. Nous avons parlé de justice sociale : tout le monde sait que les voyageurs qui prennent l'avion font partie des catégories sociales les plus aisées. Pour les déplacements professionnels, ce sont les entreprises qui paient. Pourtant, seul le carburant utilisé par M. ou Mme Tout le monde est imposé au maximum. Lorsque l'on connaît les nuisances – pas seulement l'effet de serre – causées à l'environnement immédiat par le transport aérien, taxer les vols nationaux prend tout son sens.

L'argument de la compétitivité sur les vols nationaux n'est pas recevable. Toutes les compagnies qui officient sur notre territoire – Air France ou une compagne étrangère – seraient sur un pied d'égalité. S'il s'agit d'un problème de concurrence ou de compétitivité à l'égard des trains, notamment du TGV, il faut l'avouer franchement. Ce serait en contradiction avec une politique de bon sens qui vise à transférer le trafic passager aérien sur des distances de 500 à 1 000 kilomètres vers le train. Tout le monde sait que c'est bon pour lutter contre l'effet de serre et contre le bruit, par exemple.

(L'amendement n° 380 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de trois amendements, nos 372 rectifié , 493 et 494 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean Launay, pour défendre l'amendement n° 372 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Les amendements présentés par nos camarades écologistes du groupe GDR soulevaient plusieurs problèmes : le nom de la taxe ou de la contribution, l'inclusion de l'électricité dans l'assiette et le prix à la tonne.

C'était une bonne entrée en matière, mais, comme je l'ai évoqué dans mon intervention liminaire sur l'article, il faut rappeler que nous sommes à la fois devant ce que l'on appelle « le facteur 4 » et sur les « objectifs du trois fois vingt » du paquet énergie climat.

Le paquet énergie climat présenté au début de 2008 par la Commission est un plan d'action ambitieux au niveau de l'Union européenne – ce n'est pas neutre. Il vise trois objectifs : réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre avec le mécanisme d'enchères des quotas d'émission, atteindre 20 % de parts d'énergie renouvelable et augmenter de 20 % l'efficacité énergétique.

C'est la raison pour laquelle je voudrais revenir sur l'intervention de M. Michel Bouvard, qui était tout à l'heure dans son rôle d'agitateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Je ne suis pas dupe, mais il n'est pas acceptable d'assimiler les élus socialistes, y compris leurs dirigeants, à l'augmentation des tarifs de l'électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Lorsque Aurélie Filippetti a évoqué l'efficacité énergétique, elle s'est contentée de reprendre le troisième objectif du « trois fois vingt ».

L'amendement n° 372 rectifié vise à nous amener à réfléchir sur la progressivité du taux. Nous prenons acte du choix fait dans le cadre de la loi de finances de suivre « l'arbitrage » – terme magique qui revient souvent – du Président de la République. Il est parti de 17 euros la tonne de carbone en 2010. Mais nous savons qu'il faut dans le cadre du « facteur 4 » parvenir à 100 à l'horizon 2020 et à 200 à l'horizon 2050, il faut décrire la forme de la progressivité. C'est pourquoi nous proposons par cet amendement une revalorisation de 9,26 % chaque année. On intègre et neutralise ainsi l'inflation. Ce chiffre nous permettra d'arriver en 2020 à la somme de 100 euros la tonne pour atteindre, à terme, un signal prix efficace.

Notre amendement prévoit également la progression à due concurrence du produit supplémentaire de la taxe perçue sur les ménages, du crédit d'impôt forfaitaire prévue par l'article 6 du projet de loi de finances pour compenser la taxe carbone.

On ne peut pas se contenter d'instaurer une taxe sans voir les conditions de sa redistribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est àM. François de Rugy, pour présenter l'amendement no 493 .

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il s'agit d'une question d'efficacité, de principe et d'honnêteté.

Nous pourrions être d'accord sur le choix d'un niveau de départ relativement bas au titre de l'acceptabilité politique et sociale du dispositif, même si nous ne sommes pas convaincus. Acceptons-en le principe et projetons-nous dans le temps. Il faut une progression si l'on veut que cela ait un effet de levier dans le changement de comportement de nos concitoyens. Nous partons du postulat qu'ils sont prêts à changer de comportement et également demandeurs. Il faut tracer la voie, c'est le rôle du politique.

Mais il faut aussi agir dans la transparence et l'honnêteté vis-à-vis des Français. En effet, si le type et le niveau de progression ne sont pas indiqués, vous prenez le parti de les prendre en traître puisque vous ne les aurez pas prévenus. Peut-être pendant un an ou deux n'y aura-t-il pas d'augmentation. En 2011 et 2012, sans vouloir faire de procès d'intention, alors que les élections approcheront, rien ne bougera. Puis en 2013 : coup de bambou, une marche très haute devra être franchie.

C'est ce que l'on peut faire de pire, tant pour l'acceptabilité sociale, car les Français ressentiraient légitimement un sentiment de tromperie, que pour l'efficacité en termes de changement de comportement. Madame la ministre, tous les experts qui ont étudié le comportement, la rationalité économique vous diront que le changement est d'autant plus facile que l'on dispose de visibilité dans le temps.

Nous proposons donc un système progressif d'augmentation chaque année avec une hausse plus rapide sur la fin de la période. M. Cochet présentera, quant à lui, un système d'augmentation linéaire de 4,15 euros par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Yves Cochet, pour présenter l'amendement n° 494 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Si l'on veut parvenir à 100 euros la tonne de carbone en 2030, même en partant de 17 euros, il faut foncer.

On peut y parvenir, en proposant une augmentation en pourcentage, comme le proposait l'amendement précédent. C'est une manière douce. Le niveau initial de 17 euros la tonne est assez bas et une augmentation de 10 % ne représente que 1,7 euro. C'est peu ! L'année suivante la progression sera un peu plus forte et l'on assistera à une accélération vers la fin de la période. L'avantage des exponentiels, c'est que la pente est très faible au début. Mais lorsqu'on arrive vers la fin, la pente augmente. On fait donc porter aux gouvernements futurs en 2020 la responsabilité d'annoncer une très forte augmentation.

L'amendement n° 494 prévoit une augmentation linéaire afin que tout soit clair pour les entreprises et les ménages. La pente sera identique de 2010 à 2030 et l'augmentation sera de 4,15 euros par an – en tenant compte de l'inflation corrigée. C'est donc une croissance arithmétique et tout le monde sait où il va. L'inconvénient est que cela démarre plus vite : l'augmentation sera de 4,15 % en 2011 par rapport à 2010, et non de 1,7 %.

Cela permet de compenser le faible niveau de départ de la taxe. En effet, dès la deuxième année on va jusqu'à 21,15 euros. La meilleure manière d'atteindre 100 euros en 2030 est de faire en sorte que la progression soit très visible et compréhensible. Nos concitoyens comprennent parfaitement ce que signifie une augmentation linéaire de 4,5 % par an, alors qu'ils identifient mal une courbe exponentielle qui progresse énormément vers la fin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission a donné un avis défavorable à ces trois amendements. Nous avons estimé qu'il fallait conserver une certaine liberté de manoeuvre. Si nous voulons que cette taxe carbone soit un succès, il faut pouvoir tenir compte de facteurs extérieurs, comme le prix du pétrole, qui risque de modifier les différentes marches de progression.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Si nous fixons dès le départ une trajectoire ne varietur, nous risquons d'échouer dans cette nécessaire augmentation progressive.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Avis défavorable.

Je voudrais indiquer les raisons pour lesquels ces schémas d'augmentation ne nous paraissent pas souhaitables même si l'objectif de progression est inscrit dans l'exposé des motifs.

D'abord parce que les conclusions de la commission Rocard prévoient – nous y faisons droit – qu'« une commission verte » soit consultée, intervienne et fasse des propositions. Cela faisait partie des éléments auxquels l'ancien Premier ministre tenait beaucoup.

Deuxième raison : nous poursuivons un objectif non pas de fixation de prix, mais de réduction des émissions. On peut imaginer que dans les années à venir un certain nombre de facteurs interviendront – innovation technologique, évolution des matières premières – qui pourront faire varier la courbe d'une façon ou d'une autre.

Enfin, dernière raison qu'a évoquée M. le rapporteur général : il faut tenir compte de la situation économique générale, du degré d'acceptabilité, en gardant à l'esprit l'objectif du changement des comportements. L'objectif de réduction de CO2 n'est pas nécessairement liée à une fixation de prix.

Pour toutes ces raisons, un mode de fixation linéaire progressif ou autre mode de calcul ne nous permettrait pas de conserver une liberté de manoeuvre nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Monsieur le rapporteur général, vous avez mentionné l'éventualité de l'augmentation du prix du pétrole dans les années à venir. Je pense que les chocs pétroliers que nous avons connus il y a un an et demi se reproduiront. Si vous pensez que l'augmentation du prix du baril de pétrole pourrait justifier que l'on agisse plus sur le niveau de la taxe carbone, je suis très inquiet.

Nous cherchons une progressivité dans le signal prix de la taxe carbone parce que nous sommes persuadés qu'une crise énergétique s'ajoute à la crise climatique et que nous connaîtrons des périodes où la raréfaction des énergies fossiles nous entraînera tendanciellement vers une hausse des prix.

Quant à la « commission verte », vous ne vous en prévalez, madame la ministre, que pour ne pas prendre de décision en la matière et ne pas vous engager sur une linéarité de la progression du prix de la taxe carbone et de sa réévaluation.

Nous étions partis d'un prix bas en raison d'un choix présidentiel. Afin de garantir la linéarité de la progression, nous proposons de l'inscrire dans la loi. Elle seule garantit la possibilité d'atteindre l'objectif visé. C'est une décision politique qui doit être assumée en tant que telle. Attention au risque de s'exonérer de l'augmentation progressive du taux de la taxe carbone ! Agir ainsi reviendrait à faire supporter aux générations futures des augmentations forcément plus importantes pour atteindre l'objectif de 100 euros à l'horizon de 2030.

Il ne suffit pas d'afficher les objectifs du Grenelle pour la première année dans le projet de loi de finances. Il faut aussi être capables d'écrire les pages suivantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

À mon tour, je veux exprimer mon désaccord sur les arguments de Mme la ministre. Derrière la flexibilité du discours qui consiste à prôner l'adaptation aux fluctuations du prix du pétrole et à d'autres considérations économiques, car on ignore ce qui se passera dans trois, cinq ou dix ans, se profile une opacité totale rejetée par le Président de la République lui-même lorsqu'il a présenté la taxe carbone il y a un mois. Il avait à ce moment-là préconisé que la progression soit précisée afin que les entreprises, qui doivent savoir exactement où elles vont, ainsi que nos concitoyens puissent adapter leurs comportements en fonction d'un objectif à long terme, jusqu'à 2030. Si, au contraire, on dit qu'on ne sait pas où on va et que, dans deux ans, il n'y aura peut-être même plus de taxe carbone, personne ne changera de comportement. Votre position est en totale contradiction avec les arguments du Président de la République que nous partageons : lutter contre les gaz à effet de serre et faire changer les comportements.

Vous évoquez une sorte de taxe contra cyclique : si les prix augmentent trop, notamment le prix du baril, vous baisserez la taxe. Permettez-moi de vous dire que c'est une catastrophe politique. En fait, vous vous adapterez en fonction des élections. Vous allez déjà distribuer le chèque vert un mois avant les élections régionales alors que la taxe aura à peine commencé à être prélevée. C'est plutôt bien joué en termes de démagogie électorale. Vous pourrez aussi, pourquoi pas, recourir au même procédé avant d'autres élections : supprimer la taxe avant l'élection et en proposer une très importante juste après.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

François de Rugy l'a dit, c'est de la mauvaise politique. Il n'y a aucune visibilité pour les acteurs économiques, entreprises, ménages, collectivités. Ce n'est pas ainsi qu'il faut agir. Il faut suivre les propositions du Président de la République et fixer un calendrier de progression de la taxe jusqu'en 2030.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il est vrai, madame la ministre, que le rapport Rocard recommande la création d'une commission. Mais il comporte également un long passage sur la progressivité avec la question de savoir si celle-ci doit être dépendante ou non du prix du pétrole et des autres combustibles concernés. La conclusion est sans ambiguïté : c'est non.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Le rapport propose clairement que la taxe carbone évolue indépendamment de l'évolution du prix des combustibles.

Je rappelle également que Mme Jouanno s'est exprimée sur cette question : que la taxe carbone soit fixée à dix-sept euros n'est pas très grave, ce qui est important, affirmait-elle, c'est la progressivité. Or avec ce que vous nous proposez, madame la ministre, vous ne garantissez pas la progressivité de la taxe.

(L'amendement n° 372 rectifié n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 493 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 494 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de trois amendements, nos 49 rectifié , 190 et 532 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 49 rectifié fait l'objet d'un sous-amendement n° 746 .

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 49 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Il s'agit de demander à l'État de rétrocéder aux collectivités territoriales une partie du produit de la taxe correspondant aux sommes perçues au titre des transports publics pour lesquels elles sont compétente et du chauffage des établissements recevant du public.

Dans mon département, l'Eure-et-Loir, nous avons 8 000 kilomètres de routes départementales – c'est le deuxième de France, à ce titre, après la Manche. Nous avons aussi du transport ferroviaire. Nous avons, depuis de longues années, augmenté considérablement l'offre en liaison avec la région. Certains transports routiers étant obligatoires, la pénalisation sera forte. Les services du département l'ont évaluée à plus d'un million d'euros. Pourtant, 30 % de la flotte utilise des carburants et des énergies renouvelables. Nous sommes également précurseurs, en matière de construction, car nous sommes en train de faire bâtir un deuxième collège recourant à la géothermie pour le chauffage du bâtiment, ce qui devrait faire plaisir à M. de Rugy et à M. Cochet.

Il semble logique que les collectivités territoriales qui concourent à la protection de l'environnement et ont un comportement exemplaire en la matière perçoivent la même fiscalité que celle dont bénéficiera l'État. Ce serait une incitation pour faire évoluer les comportements. Les collectivités territoriales doivent, au même titre que les entreprises, les familles, contribuer à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre dans les années qui viennent.

Depuis quelques années, nombre de collectivités se sont investies dans cette voie. Les taxer au même niveau que celles qui ont eu un comportement moins vertueux reviendrait à leur envoyer un mauvais signal.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 532 rectifié est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir le sous-amendement n° 746 .

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Le sous-amendement vise à entrer pleinement dans la logique d'une taxe écologique. Il est normal de reverser le montant de la taxe aux collectivités territoriales. Nous proposons de le faire proportionnellement à la DGF : séparer le reversement aux régions de la taxe elle-même afin d'inciter les collectivités territoriales à faire, comme tous les agents, des économies d'énergie, sans pour autant les pénaliser, puisque cela sera reversé sous la forme d'une augmentation de la DGF.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 190 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le Président de la République a décidé de faire créer par le Parlement, selon sa pratique coutumière et anticonstitutionnelle, une taxe carbone fort éloignée de la contribution climat énergie à laquelle le candidat Nicolas Sarkozy avait souscrit, peut-être un peu rapidement, dans l'euphorie de la campagne présidentielle.

En dépit de la bénédiction peu convaincante de cette taxe carbone par Nicolas Hulot, nous avons le sentiment de nous trouver devant un ovni : un objet verdi non identifié. C'est ainsi que la mouture présidentielle comporte toute une série de dérogations et de remboursements de la taxe.

Dans ce contexte, la situation des collectivités locales vis-à-vis de la taxe carbone appelle un examen attentif au moment où elles sont malmenées en matière de fiscalité locale et sont en première ligne pour répondre aux difficultés quotidiennes de nos concitoyens frappés par la crise.

Les collectivités supportent beaucoup de dépenses d'énergie pour les activités dont elles ont les compétences : crèches, écoles, gymnases. Si l'on veut être cohérent et inciter les usagers à faire des efforts, il ne faut pas pénaliser les collectivités locales qui ont vocation à être exemplaires. Il serait illégitime de les taxer sur les consommations énergétiques sans leur rembourser le surcoût. Nous ne verrions pas d'inconvénient à ce que ce remboursement soit affecté à des économies d'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

En tout état de cause, la restitution nous semble tout à fait indispensable, sinon vous n'empêcherez personne de considérer qu'il s'agit d'une nouvelle arnaque pour un prélèvement supplémentaire sur les fonds des collectivités locales. C'est en prenant en compte la situation concrète des collectivités que cet amendement a été voté par la commission des finances et nous vous invitons à l'adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je me suis pour ma part opposé à l'amendement adopté par la commission car il n'est pas opérationnel. J'estime que les collectivités locales et l'État sont solidaires et doivent montrer l'exemple.

L'État n'exonère plus les consommations d'énergie au titre de ses véhicules militaires. Pendant très longtemps, les véhicules militaires faisaient l'objet d'une exonération de TIPP. Pour autant que je sache, il n'est pas question d'exonérer de taxe carbone les véhicules militaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

L'État et les collectivités locales sont, sur de multiples sujets, solidaires pour mener des politiques de développement durable. Il est gênant de donner le sentiment que les collectivités locales s'inscrivent dans une logique de droit de retour par rapport à l'État alors qu'il faudrait, au contraire, développer le partenariat en matière de politiques de sauvegarde de l'environnement et de développement durable. J'avoue que ces amendements m'ont beaucoup gêné.

Par ailleurs, les collectivités locales bénéficient d'aides de l'État. Dans ma commune, nous développons, aux côtés de l'État, un système de financement de diagnostics auprès des particuliers en diffusant l'information sur les Éco PTZ auprès d'habitants de pavillons qui nécessitent des travaux en matière d'économies d'énergie.

Nous sommes à la fois élus nationaux et locaux. Ce type de politique ne se partage pas. Elle se conduit conjointement.

Tel est le point de vue du rapporteur dans le cadre du débat qui a eu lieu au sein de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Je ne suis pas favorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Les transports publics ne sont pas concernés par la taxe carbone. Vous avez donc en partie satisfaction. Un conseil général qui fait beaucoup de transport scolaire est exonéré. Les transports publics urbains sont également exonérés. Les choses sont claires.

Je le répète, que les conseils généraux se rassurent : ils ne seront pas assujettis à la taxe carbone en raison des dizaines de milliers de kilomètres que représentent les trajets des enfants auxquels ils permettent de se rendre au collège chaque matin, et il en ira de même pour les transports publics en ville.

Quant au chauffage dans les gymnases, les écoles ou les crèches, comment l'État pourrait-il mener une politique visant à convaincre nos concitoyens et les entreprises de changer de comportement tout en autorisant les collectivités locales, c'est-à-dire l'intérêt public, à ne pas acquitter la taxe carbone ? Quel message adresseriez-vous ainsi à nos concitoyens et à nos entreprises ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Il est naturel qu'il n'existe pas de compensation pour les collectivités publiques. L'État ne se compense pas lui-même ! Comment le pourrait-il, du reste ? Grâce à quel fonds, au nom de quelle invention l'État ou tout opérateur public serait-il dispensé de payer cette taxe pour lui-même ? La puissance publique, représentée par l'État, mais aussi par les collectivités locales, doit donner l'exemple.

En outre, les collectivités bénéficient de dispositifs qui leur assurent des financements. Je songe par exemple au fonds chaleur.

Il ne faut donc pas voter ces amendements. En le faisant, vous donneriez un drôle de signal à vos concitoyens ! Les collectivités doivent évidemment payer cette taxe. Elles doivent évoluer, comme tout le monde envisage de le faire aujourd'hui – ceux qui entreprennent de changer de chaudière, par exemple. Compenser la taxe carbone des collectivités locales me semble impossible. Un tel signal serait incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Idiart

Après le MEDEF, vous stigmatisez les élus locaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le ministre, votre argumentation me semble contestable à plusieurs égards.

Sur le premier point, mon objection pourrait rencontrer un écho favorable jusque sur les bancs de nos collègues du groupe UMP. Vous assimilez purement et simplement l'État aux collectivités locales, ce qui me paraît totalement abusif. En effet, ni leurs missions, ni leur échelon d'élection, ni leurs responsabilités ne permettent de les identifier ; quant à la fiscalité, on sait ce qu'il en est depuis hier.

En outre, vous excipez du fait que l'État ne paie pas la moindre taxe carbone pour justifier que les collectivités locales ne soient pas remboursées. C'est oublier que si l'État payait la taxe carbone pour se la rembourser, cela compliquerait probablement votre projet de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État. Pourquoi employer des fonctionnaires à faire payer la taxe carbone et d'autres à la rembourser, si c'est l'État qui encaisse et reverse ?

Premièrement, il ne vous a pas échappé que les caisses des collectivités locales ne sont pas exactement comparables à celles de l'État. Dès lors, le fait que l'État ne paie pas la taxe carbone ne justifie en rien que les collectivités ne soient pas remboursées. Les collectivités sont un agent économique – vous l'avez vous-même reconnu à propos du plan de relance – qui se voit soumis à une taxe supplémentaire. Il n'y a aucune raison que cette taxe ne soit pas remboursée, le cas échéant de manière forfaitaire, comme pour les entreprises au titre de la réforme de la taxe professionnelle ou pour les particuliers au titre du reversement forfaitaire que vous avez décidé.

Deuxièmement, vous dites que ce remboursement ne donnerait pas le signal requis. Mais, monsieur le ministre, si faire payer une taxe aux ménages puis la rembourser de manière forfaitaire permet de leur adresser un signal positif, pourquoi cela ne vaudrait-il pas également pour les collectivités ? Cet argument me paraît donc extrêmement curieux.

Troisièmement, les collectivités locales sont, on le sait, dans une situation délicate. Les charges vont s'abattre sur elles et les ressources de certaines d'entre elles vont se faire rares du fait d'une réforme que vous avez voulue et dont les modalités nous paraissent contestables : l'allégement de 8 milliards est accordé aux entreprises au détriment du financement des collectivités locales. À cette situation, vous ajoutez une taxe qui ne sera pas remboursée. Décidément, la barque est trop pleine.

Voilà pourquoi nous voterons l'amendement adopté par la commission des finances, que nous considérons comme un amendement de repli par rapport au sous-amendement défendu par Pierre-Alain Muet. Nous préférions en effet ce dernier au vôtre, M. Vigier – pardonnez-nous –, car il proposait que la taxe soit remboursée par l'intermédiaire de la dotation globale de fonctionnement, c'est-à-dire selon des critères qui permettraient de procéder à un reversement non forfaitaire, à nos yeux beaucoup plus juste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur le vote de l'amendement n° 49 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je souhaite répondre au ministre. Nous n'avons pas déposé d'amendements identiques, mais nous soutenons pleinement l'amendement en discussion.

Le raisonnement du Gouvernement opère un recul très important. J'ignore si Mme Jouanno a l'intention de s'exprimer pour clarifier la position gouvernementale. Quoi qu'il en soit, lorsque vous parlez de compensation là où nous parlons de redistribution, c'est le principe même de la taxe carbone qui s'écroule.

Monsieur le ministre des comptes publics, votre raisonnement signifie tout simplement que la taxe carbone équivaut pour les collectivités locales à un prélèvement de l'État sur leur budget. On a pourtant bien expliqué qu'il s'agit pour les particuliers d'une incitation à changer de comportement, et non d'un prélèvement qui irait au budget général de l'État.

Cela signifie que l'on n'applique pas aux collectivités locales le principe du « bonus-malus ». Or cette redistribution – et non cette compensation, j'y insiste – constitue un bonus offert en sus aux collectivités qui font des efforts. Quant à celles qui n'en feront pas, elles paieront davantage au titre de la taxe carbone qu'elles ne bénéficieront de la redistribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

À M. le ministre, je répondrai simplement que l'État ne paie pas la taxe, mais la perçoit. Il est donc bénéficiaire.

Quant à l'objection de Gilles Carrez selon laquelle, en remboursant les collectivités, on annulerait le signal donné aux particuliers, je peux la comprendre. Mais le problème est résolu par notre proposition. En effet, celle-ci est pleinement conforme à la logique d'une taxe écologique : les collectivités locales se font rembourser non le montant de la taxe que chacune a payée, mais le montant global proportionnellement à la DGF.

C'est exactement la logique du double dividende : d'une part, on pousse les collectivités territoriales à faire des économies d'énergie et de carbone ; d'autre part, on leur reverse ce montant. En outre, le dispositif est redistributif puisque la DGF possède un aspect redistributif.

Il me semble donc que Gilles Carrez devrait voter l'amendement modifié par le sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Monsieur Muet, il est vrai que l'État perçoit la taxe ; mais il la restitue intégralement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il ne s'agit pas pour lui d'un bénéfice : il la paie comme tous les autres.

Par ailleurs, j'ai été surpris d'entendre M. Cahuzac comparer les collectivités territoriales à des agents économiques. Il est évident que les collectivités jouent un rôle économique qui exerce des effets sur la situation économique et sur la situation de l'emploi. Mais n'oublions pas qu'il s'agit de personnes publiques qui poursuivent une mission d'intérêt général et qui doivent, exactement comme l'État, se montrer tout à fait exemplaires s'agissant des grandes politiques publiques. Je ne vois donc pas pourquoi elles bénéficieraient d'un traitement différent.

Troisièmement, si l'on veut traiter les collectivités territoriales d'une manière particulière en leur restituant ce qui a été dépensé, pourquoi ne pas faire de même pour les groupements de communes et les EPCI ? Mais, dans ce dernier cas, pourquoi ne pas faire de même pour les hôpitaux ? Et, dès lors, pourquoi ne pas en faire autant pour les ambulances ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Et pour les CCI ? (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Et ainsi de suite. Le système ne s'appliquerait alors plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Il n'y a que les préfets qui ne vont pas payer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est toujours un plaisir d'écouter notre collègue Diefenbacher, car il enfile les perles comme on égrène un chapelet, sur le ton de l'évidence, mais sans être véritablement convaincant. (Rires.) Peut-être est-ce à l'ENA que l'on apprend à faire ainsi…

Le ministre nous dit que nous sommes incroyables ; mais c'est lui qui est incroyable, au sens propre ! « Incoillable », comme on disait juste après la Révolution ! Il énonce des contre-vérités sur le ton de l'évidence. Par exemple : « comment rembourser les communes alors que l'on ne va pas rembourser l'État ? Qui va payer ? ». Mais la différence, c'est que l'État se paie à lui-même ; ce n'est donc pas tout à fait la même chose…

Monsieur le ministre, s'agissant de la taxe carbone, l'opinion publique ne vous croit pas. En repoussant cet amendement, vous la confortez dans sa méfiance vis-à-vis de l'usine à gaz que vous avez montée. Demandez à nos collègues – au hasard, MM. Lequiller, Siffredi, Vigier, Scellier, Bouvard, Martin-Lalande, Schneider ou Mme Montchamp. Eux qui administrent ou ont administré des collectivités locales savent qu'il faut faire les comptes, mais aussi rendre les politiques publiques crédibles. Et, pour cela, il faut payer et être remboursé, y compris pour investir l'argent dans des économies d'énergie.

Très franchement, on n'a pas attendu votre texte pour le faire. Mais cette politique d'incitation donne de la crédibilité aux politiques publiques. Je pense que vous vous apprêtez à vous tirer une balle dans le pied, et j'espère que nos collègues sur tous les bancs veilleront, comme ils l'ont déjà fait plusieurs fois au cours de la discussion budgétaire, à vous éviter cet accident désagréable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, à un moment ou à un autre, il faut un signal déclencheur.

Dans mon département, c'est très simple : il s'agit du premier collège chauffé par géothermie. Savez-vous quel coût supplémentaire cela entraîne-t-il par rapport au mode de chauffage initialement prévu ? Plus de 1,5 million d'euros.

Nous construisons également une maison de retraite de quatre-vingt-quatorze lits, dont je vous invite à venir poser la première pierre, madame la ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Elle sera chauffée au bois. Savez-vous ce que cela coûte de plus que le mode classique de chauffage ?

Enfin, je viens de faire construire une piscine ; or, dans ce cas, la réglementation oblige à prévoir deux types de chauffage. Nous devrons donc chauffer au bois et au gaz.

À un moment ou à un autre, nous devons faire preuve de pédagogie. Cela relève de l'initiative publique. Dans le cas contraire, les discours ne se traduisent pas en actes. La Suède a entrepris de créer une filière écologique en 1990, il y a près de vingt ans. Si nous voulons faire de même en France, pour bénéficier de la technicité et des emplois afférents, il faut donner ce type de signaux.

Du reste, l'aide qui sera consentie dans les prochaines années ne perdurera pas nécessairement par la suite. Ainsi a-t-on instauré une fiscalité dégressive pour les biocarburants.

Je vous invite vraiment à adresser ce signal, plutôt que d'envoyer un message négatif aux ménages, aux entreprises et, naturellement, aux collectivités locales.

(Le sous-amendement n° 746 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 49 rectifié .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 70

Nombre de suffrages exprimés 70

Majorité absolue 36

Pour l'adoption 29

Contre 41

(L'amendement n° 49 rectifié n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 190 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 96 rectifié .

La parole est à M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Favorable.

(L'amendement n° 96 rectifié est adopté.)

(M. Tony Dreyfus remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 489 .

La parole est à M. Yves Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

L'article 5 comprend un tableau où figurent des fluides bien connus, qui font l'objet d'autres taxes sur lesquelles nous nous prononçons tous les ans comme la TIPP. Mais je m'étonne que l'alinéa 6 exclue la tourbe, charbon jeune, du champ de la taxe carbone.

Il existe plusieurs types de charbon : l'anthracite, charbon de très bonne qualité d'une grande intensité énergétique ; les charbons subbitumineux, de moyenne qualité, qui, à tonnage égale, donnent moins d'énergie ; le lignite, charbon de moindre qualité produisant quatre fois moins d'énergie que l'anthracite à tonnage égal ; la tourbe, enfin, qui produit six moins d'énergie et qui est beaucoup plus polluante. Pourquoi, parmi tous les charbons, est-ce celui que l'on exonère ? Je ne peux croire que Mme Jouanno ignore ces données et ce serait une faute, du point de vue écologique, que de maintenir cette exonération.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission a rejeté cet amendement.

La tourbe est une matière combustible de couleur noirâtre, (Rires sur tous les bancs) formée par l'accumulation sur une longue période de matières organiques mortes, essentiellement végétales, dans un milieu saturé en eau. Pendant très longtemps utilisée, elle l'est encore dans des régions comme la Silésie.

Comme notre vieille Europe est marquée par son histoire, la tourbe a bénéficié d'une exonération dans le cadre du droit communautaire qui régit toutes les taxes, ou accises, portant sur les carburants. Sans doute prise à l'initiative de pays qui l'utilisent depuis des siècles, cette disposition figure dans la directive relative à la taxation des produits énergétiques.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Même avis.

(L'amendement n° 489 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 115 , 416 et 496 .

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 115 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La logique du dispositif du Gouvernement, sur lequel j'ai déjà émis des réserves, repose sur la distinction entre deux catégories d'entreprises : celles qui sont soumises à la nouvelle taxe ; celles qui y échappent, parce qu'elles relèvent du régime des quotas. Je m'interroge toutefois sur cette distinction.

Je me suis fait communiquer la liste de l'ensemble des entreprises soumises aux quotas. L'examen de cette épaisse liasse, que je mets à la disposition de mes collègues, m'a montré qu'il s'agit principalement de très grandes entreprises, de grands pollueurs, comme Lafarge ou les pétroliers. Si elles n'ont pas à acquitter la taxe carbone, devront-elles pour autant payer pour les quotas ?

La page 41 du volume I de l'excellent rapport de notre rapporteur général nous apprend que les quotas vont être progressivement mis aux enchères, mais seulement en 2013 où 60 % seront soumis à cette procédure. Autrement dit, avant cette date, ces entreprises, grands pollueurs, bénéficieront des quotas gratuits mis en place pour lancer le nouveau système.

Ainsi, certaines entreprises devront payer et d'autres pas. Est-ce constitutionnel ? Vous me direz que les entreprises qui doivent payer la taxe carbone bénéficient tout de même d'un remboursement grâce à la réforme de la taxe professionnelle. Mais celles qui ne paient rien en bénéficient tout autant.

Quelle est la logique de tout cela ? Il pourrait s'agir de faciliter l'accès aux quotas. Je crois à ce marché mais à la condition de ne pas le laisser aux seules grandes entreprises. Il peut être source d'initiatives intelligentes. Je suis convaincu que l'agriculture pourrait y avoir sa place, car elle contribue aussi à absorber le carbone. Je suis également convaincu que les communes y ont un rôle à jouer. Je vous renvoie à l'excellente initiative prise dans les Côtes-d'Armor où le syndicat de l'électricité, présidé par mon collègue Jean Gaubert, s'est mis sur le marché des quotas, décidant de mutualiser les économies de l'ensemble des communes adhérentes permettant aux plus petites d'entre elles d'y avoir accès.

Le système actuellement prévu, qui exonère de la taxe les plus gros pollueurs, est difficilement compréhensible, que ce soit pour des raisons constitutionnelles, pour des raisons économiques ou pour des raisons de simple bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 416 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Exception faite de l'appréciation favorable donnée au principe des quotas, je dois avouer que je me retrouve pleinement dans la démonstration faite par Marc Le Fur.

Les entreprises qui bénéficient des quotas d'émissions de dioxyde de carbone fixés par le ministère sont exonérées jusqu'au 31 décembre 2012 de tout paiement, ce qui conduit à une distorsion de concurrence avec les entreprises redevables de la taxe carbone.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Alors qu'elles appartiennent au même secteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Même à partir du 1er janvier 2013, où les quotas commenceront de devenir payants, elles ne paieront pas grand-chose, sans compter que certaines pourront revendre leurs quotas si elles ne les ont pas utilisés en totalité et en tirer des bénéfices. On sait qu'à l'heure actuelle Arcelor-Mittal fait d'ores et déjà des bénéfices de cette manière. Nous nous trouverons dans une situation invraisemblable.

Certaines entreprises devront payer la taxe carbone, dont le but, rappelons-le, est de modifier leurs comportements en matière de production – nous verrons plus tard que celle-ci n'est pratiquement pas taxée –, en matière de transports ou de modes de chauffage. Toutefois, compte tenu de toutes les exonérations prévues à l'article 5, le poids de la taxe pèsera plutôt sur les entreprises de services, encore que ce ne soit pas dans de larges proportions – le secteur informatique, gros consommateur d'énergie, utilise l'électricité – mais surtout sur les ménages.

Lors de l'audition de M. Borloo devant la commission des finances, M. Diefenbacher a souligné que le système posait problème puisque les entreprises soumises aux quotas ne paieraient pas pendant quelques années et a évoqué l'application d'une taxe différentielle. Vous voulez éviter qu'une double peine ne vienne les frapper mais pourquoi ne pas faire en sorte qu'elles acquittent la taxe carbone jusqu'au 31 décembre 2012 puis une taxe différentielle, en fonction du prix du carbone et du prix des marchés des quotas. Cela permettrait d'éviter les distorsions de concurrence.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 496 .

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

J'aimerais apporter des arguments complémentaires.

Dans notre proposition de loi pour la création d'une contribution climat énergie, nous avions précisé que nous étions favorables à une redistribution aux entreprises. Il s'agissait pour nous d'appliquer le principe de la taxe carbone de la même façon aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités locales. Nous estimions que le même raisonnement s'appliquait aux entreprises : certaines consentent des efforts en y gagnant – il y a le bonus de la redistribution. Nous comptions même en faire un levier pour l'emploi puisque nous avions choisi le nombre de salariés comme critère.

Ce n'est pas le principe que vous avez retenu et le principal problème de la taxe carbone telle que vous l'avez conçue est le sentiment d'injustice qu'elle génère. Il oppose tout d'abord les petites entreprises aux grandes. D'après nos sources, 93 % des émissions industrielles de dioxyde de carbone seront totalement exonérées du paiement de la taxe carbone par l'alinéa 8. Ce sentiment oppose également les ménages et les entreprises. Les Français auront l'impression qu'ils sont les seuls à payer devant la multiplication des exonérations et des exemptions – routiers, kérosène, entreprises soumises aux quotas – qui viennent considérablement limiter la portée et l'efficacité de la taxe. Or un membre de la commission Rocard a affirmé que les exemptions et les exonérations étaient autant d'ennemis mortels pour la taxe.

L'un des ministres a affirmé que le Gouvernement appliquait le principe du « polleur-payeur ». Or, ici, on en revient à cette maladie française et européenne qui consiste à appliquer le principe « polleur-payé ». Ce que notre collègue a discrètement sous-entendu, c'est que les entreprises sous quotas sont parmi celles qui bénéficieront le plus de la suppression de la taxe professionnelle. Plutôt que d'une double peine, c'est d'un double bénéfice qu'il faudrait parler, au profit, qui plus est, de ceux qui émettent le plus de dioxyde de carbone.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission a donné un avis favorable.

Je précise à l'intention de Marc Le Fur, qui a pris le temps de lire mon rapport, que je n'y ai pas évoqué le cas d'EDF. Cette entreprise, ayant dépassé le taux d'émissions de dioxyde autorisé par les quotas gratuits dont elle dispose, a été conduite à acquérir sur le marché des droits d'émission, pour une valorisation d'environ 15 euros, ce qui, au total, aboutit à la somme non négligeable de 397 millions d'euros de provisions.

Une entreprise éligible aux quotas peut donc fort bien être conduite à faire des dépenses réelles. Bien entendu, les entreprises qui se satisfont des montants de quotas attribués gratuitement, n'ont pas dans l'immédiat de dépenses à subir. Mais si l'on faisait payer la taxe carbone à ces entreprises, elles risqueraient de subir une double imposition : au titre des quotas qu'elles sont susceptibles d'acheter et au titre de la taxe.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je crois que l'on entretient la confusion. Sur un même secteur, il y aura des entreprises imposées et des entreprises épargnées. Je connais bien l'industrie agroalimentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Les entreprises de ma circonscription, pourtant d'une taille assez importante, ne bénéficient pas du régime des quotas alors que Nestlé-France oui. Autrement dit, ce groupe échappe à la taxe carbone dont devront s'acquitter ses concurrents. Que puis-je ensuite dire à ces entreprises qui se battent pour sauvegarder des emplois ?

Vous me dites qu'il y aura un marché, que les entreprises achèteront des quotas. Vous auriez pu dire d'ailleurs que les prix seront certainement assez proches de ceux en vigueur pour la taxe. Seule différence : on ne peut pas comparer une taxe et l'achat d'un patrimoine car ceux qui achèteront des quotas pourront le revendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

On ne peut donc pas comparer un impôt, qui est de l'argent perdu, et un élément de patrimoine que l'on achète et que l'on revend. Les entreprises à quotas qui réaliseront des économies d'énergie, et c'est louable, seront payées de leurs efforts en revendant leurs quotas à des entreprises faisant moins d'efforts ou qui sont en développement.

Où est la justice puisque le gros est épargné tandis que le petit paye ? Du reste, c'est un peu ce qui se passe pour les particuliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Marc Le Fur est sur les chemins de la découverte !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il n'y a pas de raison juridique pour que la taxe ne soit pas appliquée aux activités qui relèvent des quotas. On aurait pu imaginer, en effet, que ces activités soient également taxées, et mettre en place un système de taxe différentielle, comme l'envisageait le rapport Rocard. Nous ne l'avons pas fait parce que le marché des quotas est loin d'être stabilisé. En effet, les règles du jeu vont changer puisque l'on va passer à des quotas payants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Par ailleurs, les pratiques des acheteurs et des vendeurs ne sont pas encore très claires.

Un certain nombre d'entreprises qui relèvent des quotas en ont acheté massivement à certaines périodes, peut-être pour se fabriquer un matelas de sécurité...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

..ou pour empêcher d'autres entreprises d'en acheter afin de se constituer une sorte de rente de situation. Il est donc urgent aujourd'hui de réguler le marché des quotas. Une fois le prix de la tonne de CO2 fixé, on pourra alors examiner comment cumuler la taxe et le système des quotas.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Mme Billard prétend que ce sont surtout les ménages qui vont payer. Mais le montant total des prélèvements, soit 5 milliards, sera partagé pour moitié entre les entreprises et les ménages.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

J'ajoute que ce que paieront les ménages et les entreprises sera compensé. À cet égard, je rappelle à M. de Rugy que les quotas ne sont pas remboursés, tandis que la taxe l'est.

(Les amendements identiques nos 115 , 416 et 496 ne sont pas adoptés.)

(M. Marc Le Fur remplace M. Tony Dreyfus au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 486 .

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

(L'amendement n° 486 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 417 et 497 .

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 417 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

L'alinéa 9 de l'article 5 prévoit d'exonérer de la taxe carbone les produits destinés à être utilisés par des entreprises dont les achats de produits énergétiques et d'électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production pour les installations intégrées dans le système communautaire à compter de 2013.

Pendant trois ans, ces entreprises ne seront ni dans le marché carbone ni assujetties à la taxe carbone. Il y a donc distorsion de concurrence.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Voilà pourquoi je propose la suppression de l'alinéa 9, quitte à revoir cette question dans trois ans, lorsque ces entreprises seront dans le marché carbone.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 497

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Tel qu'il est rédigé, l'alinéa 9 nous pose un double problème.

D'abord un problème de forme puisqu'il fait référence à l'article 9 bis de la directive n° 200387CE. Or, après vérification, il s'avère que cette directive ne comporte pas d'article 9 bis. Je ne vois donc pas comment on peut y faire référence dans un projet de loi. Madame la ministre, je pense que vous allez nous éclairer sans tarder sur ce problème.

Ensuite un problème de fond. L'alinéa 9 mentionne – et c'est amusant au regard de la discussion que nous avons eue tout à l'heure sur l'intégration ou non de l'électricité dans la taxe carbone – que les entreprises peuvent être exonérées au-delà d'un certain seuil et on cumule les « achats de produits énergétiques et d'électricité ». On retrouve ainsi le cas d'entreprises ayant une double capacité à se trouver exonérées, ce qui est en totale contradiction avec le raisonnement général de votre projet de taxe carbone qui n'inclut pas l'électricité.

Enfin, cet alinéa nous semble poser un problème d'égalité, donc de constitutionnalité. J'espère que M. Bouvard, qui a été très virulent tout à l'heure quant à la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000 concernant la TGAP, réagira.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Le Conseil constitutionnel, qui avait mis l'accent sur le respect du principe d'égalité devant l'impôt, devrait donc annuler l'alinéa 9 de l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission est défavorable à ces amendements.

En Suède, où je me suis rendu au mois de septembre, avec M. Migaud et où la taxe carbone a été introduite dès 1991, l'industrie a été totalement protégée. Les Suédois nous ont clairement indiqué qu'entre l'emploi, la compétitivité de leurs entreprises et la préoccupation environnementale, ils avaient été obligés de choisir les deux premiers.

Les entreprises grandes consommatrices d'énergie ont absolument besoin d'exercer leur activité dans un cadre concurrentiel équitable. C'est précisément le raisonnement qui a été tenu au niveau européen. Ces entreprises n'entreront dans le dispositif des quotas qu'en 2013. Il n'est pas possible de les assujettir d'ici là à la taxe carbone car elles seraient alors les seules en Europe à supporter cette taxe, alors que Bruxelles veille précisément à réserver un traitement équitable sur l'ensemble du territoire européen. Il nous faut adopter une démarche pragmatique qui prenne en compte les contraintes extérieures.

Tout à l'heure, nous avons indiqué que nous étions tous d'accord sur l'objectif de la taxe carbone. Toutefois, il nous faut parvenir à l'insérer dans le paysage d'un point de vue social, mais aussi en matière de concurrence et de compétition auxquelles sont exposées nos entreprises. Il faut le faire de la façon la plus harmonieuse possible, sinon nous n'aboutirons pas à l'objectif que nous recherchons tous, à savoir une bonne intégration et une bonne acceptation de cette taxe.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Je tiens tout d'abord à rassurer M. de Rugy : l'article 9 bis existe bien. Le Journal officiel de l'Union européenne du 5 juin 2009 le mentionne. Il s'agit en fait d'une directive de 2003, révisée en 2008, qui, dans sa nouvelle numérotation comporte un article 9 bis.

Sur le fond, je partage les remarques formulées par le rapporteur général sur la nécessité d'introduire un nouvel instrument fondamental dans notre paysage fiscal, qui note un changement de culture, tout en préservant la compétitivité de nos entreprises, conformément à ce que prévoient la jurisprudence et la réglementation en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le rapporteur, vous avez dit que nous étions tous d'accord pour créer une taxe carbone. Nous verrons bien… Mais si l'on multiplie les dérogations et les exemptions pour certaines catégories, cela revient à dire que si nous sommes tous d'accord pour l'affirmer, nous ne le sommes pas pour le faire.

Pour ma part, je ne suis pas du tout favorable à la disparition des industries du territoire français ou européen. Au contraire, je fais partie de ceux qui plaident pour la relocalisation des activités. Et je souhaite que les raisonnements sur la concurrence internationale nous conduisent à réfléchir et à agir sur la régulation du commerce mondial qui serait un levier autrement plus puissant.

Prenons l'exemple des cimenteries, industries à forte intensité énergétique. Il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de visiter la cimenterie Lafarge, au Havre. Une tonne de ciment représente 800 kilos de CO2. On voit donc tout de suite l'effet d'une taxe carbone sur le prix du ciment. Lorsqu'il a présenté son rapport, Michel Rocard avait déclaré qu'une des premières choses à faire pour lutter contre l'émission de gaz à effet de serre serait d'utiliser moins de ciment dans la construction. L'augmentation du prix du ciment est donc inéluctable, sinon on n'agira pas sur les industries à forte intensité énergétique qui émettent le plus de CO2.

J'en viens maintenant à la taxe carbone aux frontières. Êtes-vous en train de nous dire qu'en réalité ce n'est qu'un discours et que cette taxe ne sera jamais mise en place ? Pourtant, en introduisant une telle mesure aux frontières pour les pays qui n'auraient pas de taxe carbone, on rééquilibre la concurrence, on évite les délocalisations et on est dans un cercle vertueux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La solution idéale est celle de la taxe carbone aux frontières qui peut être utile dans certains secteurs, comme les cimenteries.

En mettant en place une taxe supplémentaire sur l'électricité, on va toucher aussi des industries à la production entièrement recyclable. C'est le cas du secteur cartonnier, de l'aluminium ou des industries qui travaillent à la mise en place de silicium industriel afin qu'il soit utilisé demain pour fabriquer des capteurs solaires. Mme Lagarde s'est battue pour obtenir de Bruxelles l'aboutissement de l'accord sur le consortium Excelsium, qui réunit les entreprises électro-intensives. Il aura fallu trois ans pour obtenir un accord de Bruxelles puis un an pour boucler un tour de table avec les banquiers et aboutir à 42 ou 43 euros le mégawatt. Or on sait très bien que des usines sont rentables ou non à un ou deux euros près.

Je me permets d'insister avec virulence sur ce point, car aujourd'hui, il y a des sites industriels, en France, où, à un ou deux euros près, c'est la fermeture assurée et les licenciements à la clé. Au regard de ces enjeux, lorsque le prix de l'énergie représente, dans certaines industries, 40 % du prix de revient du produit fini, nous ne pouvons pas prendre de risques. D'autant que, dans le même temps, certains pays, qui fabriquent de l'électricité avec des turbines à gaz, sont beaucoup plus concurrentiels, le coût de la main-d'oeuvre y étant nettement inférieur.

Le risque est donc grand d'une concurrence parfaitement déloyale par rapport au socle industriel des industries électro-intensives en Europe, lesquelles ont déjà vu nombre de sites fermer depuis le début de la crise, dans d'autres pays que la France. Nous ne pouvons donc pas prendre le risque, en créant une taxe supplémentaire, de condamner ce type d'industrie.

(Les amendements identiques nos 417 et 497 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 99 , de M. Gilles Carrez, est de précision.

(L'amendement n° 99 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le rapporteur général pour défendre l'amendement n° 139 .

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Jean-Luc Warsmann et Charles de Courson m'ont demandé de défendre cet amendement, qui a été accepté par la commission.

Il s'agit d'une exonération de taxe carbone en faveur des entreprises de déshydratation de luzerne, à deux conditions : soit ces entreprises sont soumises au marché des quotas, soit elles ont passé des accords volontaires de réduction de gaz à effet de serre permettant d'atteindre les objectifs environnementaux recherchés.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Le Gouvernement est également disposé à accueillir favorablement cet amendement qui propose d'exonérer certaines entreprises de taxe carbone. Dans la nomenclature douanière, il s'agit de certaines entreprises de valorisation de la biomasse, mentionnées au 4° du 5. de l'article 266 quinquies B du code des douanes, autrement dit la luzerne. Ces entreprises, à la fois grandes consommatrices d'énergie et intervenant sur des marchés internationaux, sont soumises à des obligations environnementales.

Sous réserve des conditions que vous avez évoquées, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement est prêt à accepter cet amendement et à lever le gage.

(L'amendement n° 139 , modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de trois amendements, nos 418 , 419 et 420 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à Mme Martine Billard pour les soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Ces amendements concernent les exonérations de taxe carbone couvertes par la directive européenne. Il conviendrait que la France soit plus dynamique et volontaire sur l'évolution de cette directive au niveau européen. Certes, tout n'est pas possible au niveau strictement français, mais ce qui se passe au niveau de l'Europe dépend aussi de ce que font les gouvernements européens. Il est facile de dire que c'est la faute de l'Europe, mais le Conseil européen est tout de même formé de représentants des gouvernements !

Il y a une bataille à mener. Oui pour la taxe carbone aux frontières – c'est l'une des solutions mais, je le répète, il faut faire évoluer la directive européenne. Si l'on veut pouvoir faire quelque chose, notamment dans certains secteurs où il peut y avoir un problème de concurrence, il faut se battre pour que l'Europe prenne ces questions à bras-le-corps. On ne peut pas se contenter de dire que l'on va faire de la fiscalité incitative. Parfois, il est nécessaire d'aller plus loin et plus vite, parce qu'il y a urgence. Si nous avions eu ce débat il y a cinquante ans, nous aurions pu penser que, le réchauffement climatique étant lent, nous avions du temps. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus avoir une telle position, car nous sommes dans l'urgence ; ce doit être la priorité absolue, car c'est la vie sur terre qui est en jeu. La planète, elle, continuera d'exister. Mars tourne très bien et de nombreuses planètes n'ont aucun problème pour exister. En revanche, il semble que la vie humaine, à ce jour, n'existe que sur la Terre.

Certes, on peut penser que, après tout, dans quelques siècles ou même avant, il n'y aura plus de vie sur Terre. Et puisqu'on aura vécu, ce n'est pas grave ! Mais le problème ne se pose pas de cette façon. C'est pourquoi je voulais axer le débat sur la directive européenne.

Cela étant, toutes les dispositions contenues dans la directive ne sont pas obligatoires. Il existe différentes possibilités. Ainsi, l'article 14 concerne les produits énergétiques et l'électricité utilisée pour maintenir la capacité de produire l'électricité. Néanmoins, il est indiqué que les États membres peuvent taxer ces produits pour des raisons ayant trait à la protection de l'environnement, sans avoir à respecter les niveaux minima de taxation prévus par la précédente directive.

Il y a donc, dans cette directive, des possibilités que la France – comme sans doute tous les autres pays européens – n'utilise pas. Je le regrette, car il faut, selon moi, aller beaucoup plus loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Défavorable, dans la mesure où ces exonérations sont explicitement prévues par la directive. L'article 2 de ladite directive prévoit en effet des exonérations pour les produits énergétiques destinés à des usages autres que ceux de carburant et de combustible, les produits énergétiques à double usage, l'électricité utilisée principalement pour l'adduction chimique et l'électrolyse.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

D'abord, je me réjouis que Chantal Jouanno nous ait rejoints à ce stade du débat.

Madame Billard, on ne peut pas remettre en doute la détermination du gouvernement actuel pour faire avancer, au niveau tant national qu'européen, ces questions qui sont de véritables enjeux pour la planète, comme vous l'avez indiqué.

La conclusion du paquet Climat-énergie, grâce à l'implication de l'ensemble du Gouvernement, en particulier de Jean-Louis Borloo et du Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est la neuvième fois que vous le citez ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

…a été déterminante pour faire avancer une question cruciale. Vous pouvez, madame Billard, compter sur nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je retire les trois amendements.

(Les amendements n° 418 , 419 et 420 sont retirés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 381 , 421 et 490 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 381 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 421 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Cet amendement porte sur l'exonération de taxe carbone dans le transport aérien. Nous devons faire en sorte qu'il n'y ait que très peu de transport aérien national en France. Aujourd'hui, il est possible, grâce notamment au TGV, d'aller aussi vite avec le train pour la plupart des destinations. Afin de réduire la pollution et les émissions de gaz à effet de serre, il faut privilégier le train sur notre territoire national, d'autant que nous avons la chance de ne pas avoir à couvrir de très grandes distances.

Voilà pourquoi mon amendement propose de supprimer l'exonération de taxe carbone dans le transport aérien.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. François de Rugy pour soutenir l'amendement n° 490 .

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je veux à mon tour défendre la suppression de l'alinéa 13.

Nous avons déjà évoqué la question du transport aérien. Cela étant, nos concitoyens sont choqués de savoir qu'il y a une absence totale de taxation des carburants pour les avions, qu'il s'agisse des vols internationaux ou des vols intérieurs. A fortiori, s'agissant des vols intérieurs, on ne peut même pas arguer d'une distorsion de concurrence pour les compagnies françaises ou pour les avions qui atterriraient ou décolleraient en France. Les membres du Gouvernement ici présents doivent savoir que mon département est l'un des rares endroits de France à être concerné par un projet aéroportuaire. Comme moi, la population est donc très sensible à cette question.

Enfin – c'est un trait symptomatique – vous ne pourrez pas objecter qu'il s'agit d'une difficulté de perception, puisque vous avez indiqué, dans l'alinéa 13, que seront exonérés de taxe carbone les carburants pour les avions, sauf si ce sont des avions de tourisme privés. Je ne conteste pas cette mesure, mais je constate, une fois de plus, que les particuliers sont invités à payer, contrairement aux entreprises.

Surtout, cet alinéa prouve qu'il est tout à fait possible de percevoir cette taxe, puisqu'on peut le faire pour de très petites quantités. Or vous avez tenté d'expliquer tout à l'heure que cela était difficile pour de grandes quantités de carburant et de grosses compagnies, alors que celles-ci ont précisément une comptabilité et des fournisseurs de carburants pour lesquels une telle mesure serait très facile à mettre en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission ?

(Les amendements identiques nos 381 , 421 et 490 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 97 , de M. Gilles Carrez, est rédactionnel.

(L'amendement n° 97 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Martine Billard pour défendre l'amendement n° 422 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Cet amendement vise à supprimer l'exonération de taxe carbone sur les carburants utilisés pour les transports internationaux et intracommunautaires maritimes.

Aujourd'hui, les transports par bateaux produisent 9 mégatonnes de CO2, ce qui est loin d'être anodin. Outre le fait d'exonérer le transport maritime, vous incitez à augmenter le transport de marchandises d'un bout à l'autre de la planète. Or, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique et afin de favoriser la création d'emplois dans tous les pays, je défends la relocalisation des productions et les circuits courts entre production et consommation. Il n'y a donc aucune raison d'exonérer le transport maritime de taxe carbone.

(L'amendement n° 422 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements, nos 763 et 359 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 763 .

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Cet amendement vise à réduire la durée d'application de la mesure et à la faire entrer en vigueur, dans les départements d'outre-mer, à compter du 1er juin 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je me réjouis de voir que le Gouvernement a repris à son compte ma proposition, à savoir subordonner l'entrée en vigueur de la taxe carbone dans les outre-mer à la révision des formules de fixation des prix des carburants dans ces départements.

Cela consisterait à ajouter 4 à 5 centimes d'euro, notamment sur le supercarburant. Nous avions encore très récemment l'essence la plus chère du monde. Le litre coûtait 1,77 euro en Guyane, alors qu'à deux encablures, il y a Trinidad et le Vénézuela. Chez nous, en Guadeloupe le litre coûtait 1,53 euro, avant que nous ne gelions les prix.

Sortir du système de gel provisoire que nous connaissons sans pour autant modifier l'économie générale du secteur des carburants serait une faute politique. J'avais subordonné cette mesure, sans fixer de date, à la révision de la formule de fixation des prix.

Madame la ministre, vous nous proposez un délai de six mois et je prends acte de votre engagement. Aujourd'hui, nous avons une augmentation des carburants de 6 centimes d'euro, à laquelle s'ajouteraient 5 centimes, plus la TGAP, mais un autre amendement sera, je l'espère, adopté ce soir à ce sujet. Faute de quoi, une telle augmentation risquerait de déclencher à nouveau des mouvements sociaux de grande ampleur.

Je retire l'amendement n° 359 au bénéfice de l'amendement n° 763 du Gouvernement.

(L'amendement n° 359 est retiré.)

(L'amendement n° 763 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. François de Rugy pour défendre l'amendement n° 498 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Cet amendement, qui vise à supprimer les alinéas 16 à 47, concerne le transport routier, qui est l'un des principaux facteurs d'émissions de gaz à effet de serre ; nous sommes tous d'accord sur ce point. Je parle, bien sûr, du transport routier de marchandises car, s'agissant du transport routier individuel de passager, il n'y a pas d'exonération de la taxe carbone.

D'autres amendements ont été déposés par différents collègues à ce sujet.

Le problème posé est celui des exonérations. Un certain nombre de dispositifs, opaques pour nos concitoyens, permettront d'exonérer les transporteurs routiers d'une grande part de la taxe carbone. On prétend qu'ils sont assujettis, mais des dispositions sont prises qui, en définitive, les exonèrent directement ou indirectement. Ils n'acquittent pas, par exemple, la TGAP. À l'initiative de deux collègues, nous avons eu un déjeuner-débat avec des représentants de la Fédération nationale des transporteurs routiers. Ils ont dénoncé la taxe carbone et, pour se justifier, ils ont expliqué que, pour un chiffre d'affaires de 50 milliards d'euros, en France, le cumul de la TGAP, de la taxe carbone et de la taxe poids lourds, qui n'est pas encore en vigueur, représenterait 1,2 milliard. Or c'est un chiffre relativement modeste comparé au chiffre d'affaires. Cela reste donc très faible par rapport au coût réel du transport routier.

Nous devons donc nous poser une question de fond. Je ne sais pas si Mme Jouanno souhaite intervenir dans ce débat...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Nous voudrions bien ! Il ne faudrait pas qu'elle soit venue pour rien ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

..mais il serait souhaitable qu'elle nous dise si ce qui a été précisé dans le Grenelle de l'environnement est toujours d'actualité. Le chiffre affiché par le Président de la République était, je vous le rappelle, le doublement de la part modale du transport de fret ferroviaire dans le transport de fret global, ce qui est considérable, alors que la part du fret ferroviaire tend à régresser. Ces engagements sont-ils toujours d'actualité, quand on constate un recul, chaque fois qu'il s'agit de passer à l'acte ? Tel est le cas avec la taxe carbone, entre autres. Nous devons vraiment avoir un débat approfondi sur ce sujet.

Je sais que nos collègues de Bretagne ont déjà obtenu de nombreuses dérogations sur la taxe poids lourd. Ils voudraient, encore, en bénéficier pour cette taxe. Or, je rappelle qu'il n'y a pas d'autoroute concédée sur ces territoires. Tout le réseau routier est entièrement gratuit, et le transport routier représente, dans ces secteurs, quasiment 100 % du fret transporté. On ajoute donc des avantages à un mode de transport ultra-dominant, pourtant principal responsable des émissions de gaz à effet de serre.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

La question posée par cet amendement est celle des exonérations. À la demande du président de la commission des finances, nous avons travaillé sur le sujet avec Michel Diefenbacher. Nous sommes convenus qu'il fallait en limiter strictement le champ et la durée. En effet, nous avons pensé que, à défaut, la lisibilité globale du système en serait affectée.

Nous avons pris en compte le fait que certains secteurs – l'agriculture, la pêche et les transports, objet de cet amendement – étaient peut-être plus fragiles que d'autres. Compte tenu des contraintes particulières du contexte international pour les transports, les dérogations ne pouvaient être que ponctuelles et temporaires. De la même façon, nous préférons les compensations aux exonérations.

Ces deux principes méritaient d'être rappelés à ce stade du débat, et, alors que l'on s'engage dans un nouveau système, décider, d'entrée de jeu, d'exonérations, serait fausser l'ensemble de la base taxable. Il aurait été plus judicieux de donner le signal-prix à tout le monde, quitte à recourir ensuite à des compensations pour les secteurs en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Madame la ministre, je veux réagir à votre réponse, qui a été d'une intensité et d'une brièveté remarquables, et interpeller Mme Jouanno, présente ce soir.

La profession routière est déjà très exonérée. L'objectif est de l'exempter du paiement de la taxe carbone de près de 75 %. Qu'est-ce que cela représente comme cadeau, d'un point de vue quantitatif ? Dans la loi de finances, cela représente une réduction de la TIPP de l'ordre de 450 millions d'euros alors que le paiement d'une nouvelle TGAP, non pas par les transporteurs, mais par les chargeurs, produira environ 200 millions d'euros. Le coût estimé pour la dette publique sera donc de 250 millions d'euros.

L'utilité de la taxe carbone pour les transports routiers est avérée. Il ne s'agit pas de taxer par principe les transporteurs, encore qu'ils sont nombreux en France. Notre pays compte, en effet, environ 40 000 entreprises et, du fait de la concurrence internationale et européenne, il faudra sans doute en diminuer le nombre et prévoir la reconversion des patrons et des conducteurs. Il serait préférable que la profession elle-même, qui en est consciente, s'y prépare.

De plus – et je m'adresse directement à Mme Jouanno – ce n'est absolument pas équitable, si l'on se réfère au Grenelle 1 qui prévoit le report modal de la route vers les modes de transport alternatif. Nous avons ainsi le sentiment que les marchandises transportées par la route ne paient pas le coût du CO2.C'est tout à fait anormal ! Je citerai l'exemple de ces fameuses tomates qui se baladent aux quatre coins de l'Europe et qui émettent du CO2, si je peux me permettre cette ellipse quelque peu rapide !

Nous sommes favorables à l'égalité devant l'impôt de tous les modes de transport, tout comme il existe l'égalité de nos concitoyens devant l'impôt. Pourquoi faire payer une taxe carbone au rail et au fluvial et pas à la route ?

(L'amendement n° 498 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Martine Billard pour défendre l'amendement n° 414 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je serai brève puisqu'il s'agit du même sujet.

On ne peut pas constamment repousser le problème de la reconversion du secteur du transport de marchandises. En effet, plus on évitera d'affronter la question, plus la situation sera dramatique pour les chefs d'entreprise et pour les salariés du secteur. Tels que nous sommes partis, nous risquons d'avoir à affronter une crise de la sidérurgie. En effet, le prix du carburant, denrée limitée, en voie de restriction totale, va repartir à la hausse. Avec ou sans taxe carbone, le secteur routier finira par poser un problème.

Par conséquent, remettre à plus tard des politiques de reconversion est absurde, voire irresponsable, pour les salariés et les chefs d'entreprise du secteur.

De plus, la SNCF va supprimer les wagons isolés dans le cadre de son plan fret, renvoyant ainsi encore davantage de marchandises sur la route, donc des milliers de camions supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Nous marchons sur la tête !

Puisque ce gouvernement passe son temps à faire des Grenelle et des états généraux, il serait préférable de décider de la tenue d'états généraux du transport routier, afin de prévoir la sortie de cette civilisation du tout transport routier, évitant ainsi de se retrouver, dans deux ou trois ans, avec des milliers de licenciés et des routes barrées par les transporteurs routiers.

(L'amendement n° 414 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme la ministre pour défendre l'amendement n° 766 .

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

L'article 5, tel qu'il est libellé, prévoit de reporter la taxation des transports routiers de marchandises vers l'aval du circuit économique en créant un prélèvement de taxe sur les activités polluantes dû par le bénéficiaire de la prestation, lorsqu'elle est réalisée dans le cadre de son activité économique au moyen de véhicules de 7,5 tonnes de PTAC et plus. Ce mécanisme permettait de facturer aux chargeurs.

Il apparaît que ce dispositif est mal compris par les milieux professionnels pour lesquels une application au stade du transport routier est perçue comme plus simple, à l'image de la solution applicable pour les véhicules de moins de 7,5 tonnes. Le présent amendement propose donc de supprimer la TGAP sur le transport routier de marchandises et de faire supporter réellement la charge de la taxe carbone sur le gazole utilisé par les transporteurs routiers.

Cela étant, il est nécessaire de prendre en compte le contexte de concurrence internationale. En effet, les risques de distorsions entre États membres sont notoires dans le transport de marchandises effectué au moyen de tels véhicules, notamment en raison des pratiques de tourisme à la pompe que les instances communautaires ne parviennent pas à résorber, faute de progrès dans les négociations sur le rapprochement du niveau minimal de l'accise appliqué sur le gazole professionnel.

Alors qu'un camion parcourt aujourd'hui plus de 1 500 kilomètres avec un seul plein, les transporteurs étrangers sont, par nature, mieux placés pour intervenir en France, sans avoir à y faire le plein, en profitant de la concurrence fiscale pratiquée par certains de nos voisins. Cette situation d'extrême concurrence a été brutalement accentuée par le règlement sur la libéralisation du cabotage de 2008, élargie aux pays de l'Est en 2009.

Un tel contexte concurrentiel justifie de prendre des mesures d'adaptation spécifiques pour ce secteur par une mise en oeuvre progressive de la taxe carbone applicable au gazole utilisé par les véhicules de 7,5 tonnes de PTAC et plus. Il est donc proposé une atténuation pour la première année, assortie d'une montée en régime étalée sur quatre ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Mme la ministre nous présente un amendement qui, je l'avoue, est plus facile à comprendre que le dispositif prévu initialement, comme elle l'a reconnu dans son exposé, ce que j'ai constaté avec une certaine satisfaction.

J'invite tous ceux qui ont tenté de comprendre le dispositif à lire le commentaire de l'article 5 dans le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter. Il est limpide. J'y explique, en particulier, comment un chargeur polonais peut utiliser les services d'un transporteur allemand pour livrer un produit à Bordeaux, tout en étant assujetti à la TGAP. J'avoue qu'il a fallu s'y reprendre à plusieurs fois pour parvenir à bien décrire le système. Cependant, je vous rassure, il fonctionne !

Cela étant, cet amendement me paraît procéder d'une bonne démarche. Si je comprends bien, l'exonération ne serait que d'un tiers. Dès la première année, les deux tiers de la taxe devront être acquittés par les transporteurs, la mise en oeuvre de la taxe étant progressive et étalée sur quatre ans. Je ne sais pas comment les transporteurs se situent face au problème de la concurrence, préoccupation majeure du dispositif de « TGAP miroir ». Peut-être nous l'expliquerez-vous.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Cela améliore la situation !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Pour ma part, je donne un avis favorable à cet amendement beaucoup plus clair, même si certains collègues ont peut-être compris parfaitement le système de la « TGAP affréteurs ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Le transport à vide est-il contenu dans votre amendement ?

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Oui, monsieur le député.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Le rapporteur général a appelé notre attention sur le caractère complexe et opaque de tous ces dispositifs dont le but est, en fait, d'exonérer le transport routier d'une partie de la taxe carbone.

Je vais vous interpeller sur deux sujets.

Le premier est indiqué dans l'exposé de Mme la ministre qui a précisé qu'il était nécessaire de prendre en compte le contexte de concurrence internationale auquel sont confrontées les entreprises de ce secteur, l'ouverture du cabotage ayant accentué l'avantage que les concurrents peuvent tirer du tourisme à la pompe à nos frontières. Cet argument, qui est réel, m'étonne quelque peu. J'en ai discuté avec les transporteurs routiers.

Aujourd'hui, le principal problème, pour un transporteur routier français, n'est pas le coût du carburant, mais la concurrence internationale introduite par la dérégulation du cabotage. Cela signifie qu'un routier lituanien, tchèque ou hongrois peut faire du transport de marchandises en France, alors qu'il s'agit d'un départ et d'une arrivée en France. On ne se situe même plus dans le cadre du transport international. Nous avons eu, vous vous en souvenez, tout un débat, sur le plombier polonais, mais la directive Bolkestein y a mis un terme. Ce n'est, en revanche, pas le cas pour le routier polonais, lituanien… De grandes entreprises de transport routier sous-traitent déjà avec des transporteurs étrangers.

Je m'étonne que vous essayiez de jouer sur la taxe carbone, qui a un enjeu environnemental, pour régler ce problème qui est beaucoup plus large. Vous auriez déjà dû refuser le cabotage. Il faudrait être porteur d'un message très clair vis-à-vis de la Commission européenne – et je n'ai pas l'impression que ce soit le cas du Gouvernement français – pour qu'il y ait une régulation sociale des conditions du transport routier.

Concernant plus spécifiquement la taxe carbone, madame la ministre, vous n'avez pas répondu à Yves Cochet sur le fait de savoir pourquoi le transport fluvial et le transport ferroviaire allaient être assujettis à la taxe carbone alors que le transport routier bénéficierait de nombreuses dérogations alors que tout le monde sait très bien que les émissions de CO2 rapportées à la tonne transportée sont beaucoup plus faibles dans le transport fluvial et dans le transport ferroviaire que dans le transport routier. D'ailleurs tout le monde dit qu'il faut développer le transport ferroviaire et le transport fluvial.

(L'amendement n° 766 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je voulais simplement, en mon nom, en celui de tous nos collègues et, j'espère, des membres du Gouvernement, souhaiter un très bon anniversaire à Dominique Baert qui, depuis une minute, a cinquante ans. (Applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous nous associons à vos voeux. C'est un mauvais moment à passer, je le sais bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 35 est défendu.

(L'amendement n° 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 98 de M. Carrez est rédactionnel.

(L'amendement n° 98 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 87 et 343 rectifié .

La parole est à M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Merci, monsieur le rapporteur général, de me permettre de présenter ces amendements qui ont été adoptés en commission sur la base d'une proposition que j'avais faite.

Il s'agit de traduire dans la loi de finances en temps utile la proposition n° 21 du rapport de la mission d'information parlementaire commune aux commissions des finances et des affaires économiques sur le prix des carburants dans les DOM qui a pour objet d'y supprimer l'application programmée de la TGAP relative aux carburants à compter du 1er janvier 2010.

En effet, ces départements ont été exonérés jusqu'au 1er janvier 2010 de la TGAP sur les carburants applicable en métropole depuis le 1er avril 2006– c'était l'article 19 de la loi de finances de 2006 – en raison de la production très insuffisante de biocarburants. L'exonération porte seulement sur les carburants et non sur toutes les activités polluantes ; je le précise puisqu'une polémique récente a été ouverte dans nos départements à ce sujet.

Quatre ans après, il n'y a toujours pas de production de biocarburants, d'éthanol ou d'agrocarburants qu'on pourrait mettre dans le supercarburant. C'est la raison pour laquelle il serait sage de différer l'entrée en vigueur de cette TGAP sur les carburants, et j'espère très sincèrement que le Gouvernement y sera favorable.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Comme je vous le laissais entendre tout à l'heure, le Gouvernement est favorable à ces amendements, mais à condition qu'ils soient rectifiés car nous ne voulons pas renoncer définitivement à la mise en oeuvre de la TGAP. En raison des retards pris et de l'augmentation significative du coût de l'incorporation du biocarburant compte tenu de l'absence de stations de production, nous souhaitons en reporter l'application jusqu'au 1er janvier 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je retire l'amendement n° 343 .

(L'amendement n° 343 rectifié est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous de rectifier votre amendement dont le premier alinéa serait ainsi rédigé :

« G. – Au premier alinéa du VI de l'article 266 quindecies, l'année : « 2010 » est remplacée par l'année : « 2013 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Philippe Vigier pour soutenir l'amendement n° 529 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

L'amendement est défendu.

(L'amendement n° 529 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur le vote de l'article 5, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Nous en venons à deux amendements identiques, nos 51 et 495 rectifié .

La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° 51 .

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ces amendements ont pour but d'instaurer une commission de suivi de la taxe carbone.

Compte tenu tout ce qui a été voté précédemment et les différentes exemptions, il est très important qu'il y ait la plus grande transparence sur la collecte qui sera effectuée, les recettes qui seront perçues et la réalité de la redistribution. Ce sont les trois points susceptibles de susciter la confiance ou au contraire la défiance et la méfiance de nos concitoyens.

J'espère donc que le Gouvernement y sera favorable.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Favorable. Il est absolument nécessaire, en effet, que cette commission soit instituée et puisse indiquer si, oui ou non, les mesures sont suivies d'effet, si les prix doivent être révisés. Il n'est pas absolument indispensable que cela figure dans la loi, ce pourrait être réglementaire, mais c'est rassurant et c'est un signal.

(Les amendements identiques nos 51 et 495 rectifié sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Philippe Vigier pour défendre l'amendement n° 540 .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Défendu !

(L'amendement n° 540 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article 5 tel qu'il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 62

Nombre de suffrages exprimés 58

Majorité absolue 30

Pour l'adoption 42

Contre 16

(L'article 5, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 5.

La parole est à M. Georges Siffredi pour défendre l'amendement n° 301 .

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Siffredi

Toute la soirée, nous avons entendu dire que la taxe carbone avait été instaurée pour inciter nos compatriotes à changer leurs comportements afin que nous émettions moins de gaz à effet de serre. Pour autant, l'absence de réseau de transport public adapté oblige un certain nombre de nos compatriotes, en particulier les handicapés, à utiliser des véhicules personnels adaptés et parfois même sur mesure. Il convient dès lors de ne pas contraindre ces personnes à payer la taxe carbone car elles n'ont aucune autre option.

Cette disposition pourrait évoluer en fonction de la mise en conformité du réseau de transport public avec la norme européenne.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

Le Gouvernement partage évidemment votre souci, monsieur Siffredi, et a essayé de remédier à la situation en mettant en place d'autres mécanismes, notamment l'exonération du malus sur les voitures particulières polluantes prévue par l'article 1011 bis du code général des impôts, exonération qui s'applique depuis le 1er juillet 2009 aux certificats d'immatriculation des véhicules immatriculés dans le genre « véhicule automoteur spécialisé » ou voiture particulière carrosserie « handicap » et sur les certificats d'immatriculation des véhicules acquis par une personne titulaire de la carte d'invalidité mentionnée à l'article L.241-3 du code de l'action sociale et des familles.

Il serait extraordinairement compliqué de mettre en place un mécanisme tel que celui que vous évoquez. Vu les mesures qui existent déjà, je vous suggère de retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Siffredi

Je suis tout prêt à retirer cet amendement dans la mesure où j'ai entendu il y a quelques instants l'un de nos collègues de l'opposition expliquer que la commission des finances, dans son ensemble, souhaitait des compensations plutôt que des exonérations.

L'article 6 prévoit un crédit d'impôt majoré à 61 euros pour les contribuables « ruraux » dans la mesure où, dans ces secteurs, l'accès au transport public est limité. Or, en milieu urbain, pour les handicapés, le transport public n'est pas seulement limité : ils n'y ont pas accès puisqu'il n'est pas aux normes.

S'il peut y avoir une compensation à hauteur de 61 euros à l'article 6, je suis prêt à retirer mon amendement.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

J'ai déjà expliqué que c'était extrêmement compliqué et qu'il existait d'autres mesures comme l'exonération du malus pour les véhicules lourds.

Sous le bénéfice de ces explications, j'espérais que vous retireriez votre amendement. Vous n'êtes prêt à le faire que sous réserve d'un engagement au titre de l'article 6. C'est un point qui sera évoqué un peu plus tard. Je ne peux pas prendre cet engagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Siffredi

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 301 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jérôme Cahuzac pour soutenir l'amendement n° 383 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Dès lors que la taxe carbone est censée donner un signal-prix, il est peu cohérent de rendre le montant de cette taxe déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. De deux choses l'une : ou bien la volonté du Gouvernement est d'inciter à des modifications de comportement aux fins d'utilisation d'énergies moins polluantes et compatibles avec l'objectif climatique, ou bien ce n'est qu'un faux-semblant et, dans ce cas, nous le dénonçons.

La façon dont le Gouvernement réagira à cet amendement nous permettra de faire la part de la sincérité et du faux-semblant.

(L'amendement n° 383 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Philippe Vigier pour défendre l'amendement n° 541 .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Cet amendement propose la création d'une commission d'experts indépendants, de représentants de l'État, des collectivités locales et des organisations syndicales et patronales chargée de suivre l'évolution de la taxe carbone et ses impacts sur la compétitivité des acteurs économiques. Elle proposera, au plus tard en juin 2010, des modalités de compensation pour les entreprises.

L'exemple de la Suède a souvent été invoqué. Alors que ce pays ne taxe pas ses entreprises, ses émissions de CO2 ont, depuis 1990, diminué de 9 % tandis que son produit intérieur brut a augmenté de 44 %.

Il y a quelques jours, le Président de la République a affirmé, à propos de la création de la taxe carbone : « Cette fiscalité nouvelle n'a qu'un seul objectif : inciter les ménages et les entreprises à modifier progressivement leurs comportements pour réduire la consommation des énergies fossiles qui émettent du dioxyde de carbone. » La seule et unique vocation de cette fiscalité est donc le changement des comportements ; il ne s'agit en aucun cas de volonté de rendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Comme elle est créée, il est important que nous ayons confirmation qu'elle s'occupera d'un élément essentiel à nos yeux : qu'en fonction des variations du prix du pétrole, il y aura un impact limité dans le temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

L'amendement est satisfait puisqu'une « commission verte » a été inscrite dans la loi par un amendement de M. de Rugy.

(L'amendement n° 541 , repoussé par le Gouvernement, est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

À l'article 6, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Michel Diefenbacher.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mme Jouanno est partie sans avoir pris la parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

« La taxe ne doit pas conduire à un alourdissement des prélèvements obligatoires. » « La taxe ne doit pas renflouer les caisses de l'État mais changer les comportements. » Ces deux conclusions du Grenelle de l'environnement conduisent à organiser la restitution aux ménages des sommes payées par eux au titre de cette taxe carbone.

Globalement, cette restitution se fait à l'euro près. Cela n'est cependant pas possible dans chacun des ménages, parce que nous serons confrontés à des situations et à des comportements très différents. Les mécanismes de restitution doivent donc nécessairement obéir à des règles de caractère forfaitaire. Le Gouvernement a toutefois eu la sagesse de prévoir deux assouplissements ou adaptations à ce principe en faisant varier la restitution en fonction, d'une part, de la composition de la famille et, d'autre part, de la proximité ou non d'un réseau de transports collectifs.

Il est évident que, au cours de nos débats, nous allons tous être tentés de déposer des amendements de manière à tenir compte très précisément des charges réelles qui pèseront sur les familles : l'altitude, la latitude, le climat et, bien entendu, les revenus des ménages. Je crois qu'il ne faut pas trop alourdir le système prévu par le Gouvernement.

L'une des difficultés que nous rencontrons est qu'une bonne partie de l'opinion publique a du mal à comprendre la manière dont le système va fonctionner. Plus il sera sophistiqué, plus il sera compliqué et difficile à comprendre.

Comme je l'ai souligné lors de ma première intervention sur le sujet, nous sommes en présence d'un système qui va évoluer au fil du temps. Nous ne réglerons pas tous les problèmes dès cette année. Il faut par conséquent rester sur un dispositif simple et intelligible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Avec cet article 6, nous abordons le crédit d'impôt sur le revenu forfaitaire pour les ménages. C'est ainsi la question de la compensation-redistribution qui est posée.

Le traitement de l'urgence climatique, dont nous débattons depuis l'examen de l'article 5, va de pair avec celui de l'urgence sociale. C'est vrai dans le long comme dans le court terme. Dans le long terme, si rien n'est fait, une perte moyenne de 5 à 10 % du produit intérieur brut mondial est probable au cours du siècle prochain. C'est le rapport Stern qui le dit.

Avec cet article 6, nous sommes plutôt sur le court terme : il s'agit d'organiser les conditions de la compensation-redistribution en faveur des ménages. Pour les entreprises, on a vu que le coût de la taxe carbone évalué sur la base de 17 euros la tonne allait produire environ 2 milliards d'euros, et nous avons considéré, avec Michel Diefenbacher, que les exonérations de taxe professionnelle représentaient en elle-même l'élément de compensation.

Pour les ménages, il en va autrement. Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale – nous y reviendrons dans nos amendements –, il nous semble que cette compensation-redistribution devrait être différenciée et tenir compte de la situation individuelle des ménages et de leurs niveaux de revenu. Nous avons également souligné que le bouclier fiscal s'appliquerait et que ses bénéficiaires recevraient, comme les autres, un chèque de 46 euros, 92 euros s'ils sont en couple. À travers cet exemple, et cet excès, c'est bien la question de la compensation et de la redistribution qui est posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Nous abordons le chapitre de la redistribution. Encore une fois, nous regrettons qu'il ait fallu distinguer le travail que nous avons effectué sur l'assiette, la progressivité – que nous n'avons malheureusement pas pu inscrire dans la loi – et la redistribution, parce que l'urgence environnementale est aussi une urgence sociale.

C'est pourquoi, d'ailleurs, nous regrettons que la secrétaire d'État chargée de l'écologie, Mme Jouanno, ait quitté son banc alors que nous poursuivons la discussion sur la taxe carbone, à l'article 6, sous l'aspect de la redistribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Elle avait trop parlé ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

L'objectif d'une fiscalité écologique ne doit pas être un objectif punitif. Il s'agit de permettre à l'ensemble de nos concitoyens, en particulier aux plus modestes, de modifier leurs comportements pour avoir une empreinte écologique moindre. C'est pourquoi il nous semble important d'insister sur la nécessité d'inclure la fiscalité écologique dans une réforme plus globale pour rendre notre fiscalité à la fois plus redistributive et plus écologique.

Nous présenterons donc des amendements visant à exempter du crédit d'impôt forfaitaire lié à la taxe carbone la dernière tranche de l'impôt sur le revenu ainsi que les bénéficiaires du bouclier fiscal, qui n'ont, les uns et les autres, absolument pas besoin qu'on les aide à effectuer la transition de leurs comportements puisqu'ils disposent des moyens d'accéder aux produits actuellement plus chers et plus sobres écologiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Ceux qui ont besoin d'être accompagnés dans la transition énergétique sont les ménages les plus modestes. L'aide à la transition écologique, ce que nous aurions aimé voir appeler une « prime pour l'environnement », doit être concentrée sur les ménages les plus modestes et les classes moyennes.

En outre, le critère de l'accès aux transports en commun que vous avez retenu nous semble peu pertinent et extrêmement difficile à appliquer. En particulier, nos compatriotes des banlieues de grandes villes, quand bien même celles-ci seraient reliées par des transports en commun aux centres urbains, vivent souvent dans des logements extrêmement gourmands du point de vue énergétique, notamment pour ce qui est du chauffage. De même, ils peuvent, s'ils sont éloignés des gares, avoir besoin de prendre leur voiture. Ils nous semblent être les grands perdants du mécanisme que vous mettez en place.

Voilà l'esprit dans lequel nous présenterons nos amendements : un esprit de justice sociale, qui est l'autre versant de la médaille de l'efficacité écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

L'aspect redistributif est tout à fait fondamental. Vous dites que la redistribution forfaitaire que vous avez choisie est juste parce que les dépenses énergétiques croissent avec le revenu des ménages. Cependant ce ne sont pas les moyennes qui comptent, dans ce domaine ; pour être à la fois juste et efficace, il faut regarder la situation de chacun.

La justice fiscale est assurée non par des versements forfaitaires, mais par des versements proportionnels aux facultés contributives. La compensation doit donc être plus forte pour les ménages les plus modestes et moins élevée pour les ménages les plus riches.

Vos documents donnent l'exemple d'un couple en milieu rural avec deux enfants, auquel seront reversés 142 euros, ce qui compense la moyenne du coût de la taxe carbone. Or, pour de nombreux ménages en milieu rural avec deux enfants, le coût sera plus élevé que cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Il pourra atteindre 250 à 300 euros. Cela fait donc une différence de plus de 100 euros. Pour un ménage qui a des revenus élevés, ce n'est pas un problème ; la taxe va l'obliger à changer sa chaudière et à adopter des comportements plus attentifs à ses émissions de carbone. En revanche, pour un ménage au SMIC, pour lequel toutes ces dépenses sont complètement prédéterminées, ce sera un prélèvement.

De plus, c'est inefficace au plan écologique parce que, pour des ménages modestes qui n'ont pas les moyens de faire les investissements pour accompagner cette augmentation des prix, ce ne sera qu'un prélèvement et cela n'aura aucun effet écologique.

C'est pourquoi nous estimons qu'il faut redistribuer beaucoup plus aux ménages modestes et qu'une taxe carbone efficace aurait dû s'inscrire dans une grande réforme de l'imposition des revenus, comme l'ont fait la plupart des pays qui ont adopté un tel dispositif.

L'article 6 est non seulement injuste, mais il nuit à l'efficacité de cette taxe. Nous proposerons des amendements pour y remédier.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Madame la ministre, monsieur le ministre, on ne le répétera jamais assez : il s'agit bien, avec cet article, de débattre de la redistribution. En effet, le mot « redistribuer » figure dans l'exposé des motifs, et je crois que les mots ont un sens. Il ne s'agit ni de compensation ni même de restitution car il ne faut pas faire croire à nos compatriotes que l'on va leur rendre ce qu'on leur a prélevé ; si c'était l'objet du dispositif, ce ne serait évidemment pas la peine de créer la taxe carbone.

Il est important de souligner que celui qui change son comportement pour moins consommer d'énergie fossile va y gagner avant même de bénéficier du crédit forfaitaire d'impôt. Ce versement n'est qu'un bonus qui s'ajoute au gain. Le but premier, c'est le gain, et le bonus ne constitue qu'un coup de pouce.

Par ailleurs, vous avez fait le choix d'un régime quasi-uniforme. Or le risque est que l'application d'un tel dispositif soit aveugle devant la diversité des situations individuelles, notamment des situations sociales, et suscite donc des injustices. Vous avez retenu un critère géographique : le lieu d'habitation, plus exactement la domiciliation dans une commune selon qu'elle est intégrée ou non dans un périmètre de transports urbains. Toutefois j'attire votre attention sur le fait que ce critère sera source de nouvelles injustices, peut-être pires encore que celles qu'il est censé corriger.

Ainsi, prenons l'exemple d'une personne qui habite dans une commune située dans le périmètre des transports urbains : vous savez comme moi que ce périmètre se situe souvent dans de grandes agglomérations, dont les parties les plus éloignées sont très mal desservies, ce qui veut dire qu'on va appliquer le même régime à des personnes se trouvant dans des situations très différentes.

Autre exemple : une personne qui habite dans le périmètre mais qui travaille à l'extérieur n'aura, elle, aucun crédit d'impôt supplémentaire, alors que je suis persuadé qu'elle a moins choisi sa situation que dans le cas précédent. Je pense ainsi à quelqu'un qui habite dans un périmètre de transports urbains, mais qui a trouvé un emploi d'aide ménagère à temps partiel à la campagne – parce que c'est souvent là qu'il y a des offres à pourvoir – : elle aura des déplacements contraints ; pourtant elle ne recevra rien de plus.

Et puis je voudrais, en posant plusieurs questions, que l'on s'interroge sur les effets du dispositif : qui subit les prix de l'immobilier les plus élevés ? Est-ce à l'intérieur ou à l'extérieur des périmètres de transports urbains ? Qui subit les taux d'imposition locaux – taxe d'habitation, taxe foncière – les plus élevés ? A contrario, qui profite le plus des dispositifs d'éco-prêts à taux zéro ? Ce sont ceux qui habitent dans une maison car, dans les immeubles, l'isolation ou la pose de panneaux solaires peut difficilement être le fruit d'une décision individuelle ; elle correspond à une logique de copropriété. Or les maisons sont beaucoup plus souvent que les immeubles implantées en dehors des périmètres de transports urbains.

Qui profite le plus du crédit d'impôt, pour s'équiper d'un nouveau chauffage par exemple ? Et qui peut le plus facilement changer son comportement ? Celui qui prend déjà les transports en commun pour aller au travail ou celui qui décide de faire régulièrement du covoiturage et qui va alors largement économiser plus que le crédit d'impôt ? Je pourrais multiplier les questions : où les transports en commun sont-ils les plus chers au kilomètre parcouru : à l'extérieur ou à l'intérieur des villes ?

En conclusion, je crois que le seul critère vraiment incontestable est celui du revenu. Certes, il est difficile d'instituer un dispositif individualisé – vu les sommes en jeu, ce serait en plus ingérable –, mais il faut protéger les classes moyennes. Nos amendements proposent donc que les tranches les plus élevées du barème de l'impôt sur le revenu, les contribuables concernés par le bouclier fiscal ou l'impôt de solidarité sur la fortune ne bénéficient pas de la redistribution. Ce ne serait que justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous en venons aux amendements à l'article 6.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac pour défendre l'amendement n° 385 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Madame la ministre, monsieur le ministre, conformément aux propos tenus par les orateurs inscrits sur l'article, nous allons soutenir plusieurs amendements afin de tenter de vous convaincre de rendre le mécanisme du crédit d'impôt plus juste.

Cet amendement propose que le crédit d'impôt, actuellement fixé forfaitairement à 46 euros pour une personne seule, et au double pour un couple, profite en premier lieu aux ménages non-imposables. Pierre-Alain Muet etAurélie Filippetti ont expliqué pourquoi. En effet, on envoie un signal-prix avec cette taxe carbone, mais il ne s'agit pas de majorer les ressources de l'État : l'objectif est d'inciter à une modification des comportements. Or le mécanisme de restitution forfaitaire ne modifiera pas le comportement d'une très grande partie des ménages, en particulier celui des plus modestes.

Il est clair que le fait d'appartenir au décile le plus élevé offre déjà les conditions nécessaires pour modifier son comportement avant même l'application de la taxe carbone. En revanche, pour les ménages disposant d'un revenu disponible mensuel faible qui les place dans les premiers déciles, il va de soi que cette restitution forfaitaire ne permettra en rien la modification des comportements.

À travers cet amendement, nous souhaitons rendre cette taxe plus efficace d'un point de vue écologique. À défaut, celle-ci apparaîtrait pour ce qu'elle risque d'être : un faux-nez.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission n'a pas adopté cet amendement, et j'ai fait alors observer à M. Cahuzac qu'il y avait une légère redistribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Elle est légère, monsieur le rapporteur général !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Sur les cinq premiers déciles, les plus bas dans l'échelle des revenus, le montant forfaitaire compensé sera un peu supérieure à la dépense moyenne engagée au titre des consommations d'énergie. Cela étant, c'est une réponse partielle. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Toute redistribution ou compensation comporte sa part d'injustice. La meilleure façon de la limiter, c'est de redistribuer forfaitairement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Notre dispositif prévoit donc une redistribution forfaitaire qui prend en compte deux éléments : un critère géographique – la domiciliation ou non dans un périmètre de transports urbain – et un critère familial : célibataire ou en couple, avec ou sans enfants. Ces deux éléments incontestables permettent de déterminer un mode de remboursement clair et forfaitaire.

La redistribution s'effectue autrement : par le système des prestations sociales. La France est une énorme machine à redistribuer les revenus. Nous sommes un des pays qui redistribuent le plus ; mais ce n'est pas ici le sujet. Il s'agit non pas de redistribuer à l'euro près, parce que ce serait impossible, mais simplement de rendre aux Français ce qu'ils ont consommé.

J'ajoute que le rapporteur général a raison : pour certains déciles, il y aura une légère redistribution. Les déciles inférieurs, et même les six ou sept premiers déciles, vont, en moyenne, toucher plus que ce qu'ils dépenseront ; et inversement la somme forfaitaire que recevront ceux qui se situent dans les déciles les plus élevés consommant plus ne compensera pas le niveau de leurs dépenses.

Monsieur de Rugy, je vous rappelle que tous les crédits d'impôt verts, notamment celui destiné à favoriser l'installation d'un système de chauffage consommant moins d'énergie, sont extraordinairement prisés par les Français, et pas uniquement par les plus riches. Ce sont bien sûr les Français de catégorie moyenne qui achètent le plus d'équipements. Cette année, l'État va dépenser plus de 2,5 milliards en crédits d'impôts pour des équipements de chauffage, soit autant que le montant de la taxe carbone prélevée sur les ménages.

Il y a d'un côté des outils fiscaux très puissants pour aider les Français à changer de comportement,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

…et, de l'autre, une taxe carbone remboursée de façon forfaitaire en prenant en compte les spécificités que j'ai rappelées.

En conséquence, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le ministre, vous nous dites que la justice, c'est la redistribution forfaitaire. Si votre argument était juste, cela signifierait que, quand on prélève ou verse 100 euros à quelqu'un, l'effet serait exactement le même que cette personne ait un très bas ou un très haut revenu. Pensez-vous que pour un titulaire du bouclier fiscal qui a 15 millions d'euros de patrimoine et reçoit 380 000 euros de restitution, la taxe carbone aura le même effet que pour un salarié au SMIC ?

Si vous considérez que votre argument est juste, vous devez penser que la seule imposition des revenus acceptable et juste, c'est la flat tax, c'est-à-dire l'impôt forfaitaire. Pourtant, dans tous les pays, on a institué un impôt progressif sur les revenus parce que l'on considère que la justice fiscale consiste à tenir compte des facultés contributives. C'est ce que nous proposons dans cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

J'ai eu du mal à percevoir chez le rapporteur général une absolue conviction quand il m'a répondu que la très légère redistribution pour les déciles les plus bas permettrait à ces ménages de trouver enfin les moyens de modifier leur comportement. (Sourires.)

Je comprends qu'il s'oppose à notre amendement, mais à la manière dont lui et le ministre ont présenté la taxe carbone, on se rend compte de ce qu'est ce dispositif que la majorité s'apprête à adopter sans malheureusement, je le crains, voter nos amendements : c'est une taxe de plus, qui n'incitera en rien l'écrasante majorité de nos concitoyens à changer leur comportement.

(L'amendement n° 385 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de quatre amendements, nos 424 , 500 , 386 et 246 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 424 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Les propos de M. le ministre sont surprenants. On devrait diffuser massivement sa réponse auprès de tous nos concitoyens. En effet, il nous explique qu'il est impossible de rendre à l'euro près parce que ce serait trop compliqué. À ce propos je rappelle que la commission Rocard avait proposé que la restitution se fasse sous condition de ressources.

L'amendement que j'ai co-signé avec mes collègues du groupe GDR propose donc que les contribuables assujettis à la dernière tranche de l'impôt sur le revenu ou à l'ISF ne perçoivent pas de restitution. Ainsi que Pierre-Alain Muet l'a dit à juste titre : la restitution ne modifie pas le comportement quand celui qui la reçoit perçoit de gros revenus. Les 112 euros de restitution, quand on gagne 30 000 euros par mois ou plus, on ne les voit pas, on ne se rend pas compte qu'on les a récupérés. Tandis que quand vous êtes au SMIC ou en dessous, là oui, vous les voyez les 112 euros. Il serait juste que la restitution tienne compte du niveau de revenu, donc que ceux qui gagnent le plus n'en bénéficient pas.

De plus, comme la consommation d'électricité d'origine non fossile n'est pas prise en compte et que le critère du PTU va créer des inégalités, on va se retrouver face à des situations tout à fait injustifiables. Je suis députée de Paris, et je peux vous dire que nombre de contribuables parisiens n'ont pas de voiture en raison de l'efficacité de notre réseau de transports en commun et se chauffent à l'électricité. Ils ne vont à aucun moment payer la taxe carbone, mais ils percevront pourtant la restitution.

En outre, à Paris, si certains habitants ont de très petits revenus, d'autres bénéficient de très hauts revenus. Rappelons que Paris figure parmi les villes où les assujettis à l'ISF et les bénéficiaires du bouclier fiscal sont les plus nombreux. Ainsi donc, les contribuables parisiens à très hauts revenus – qui profitent du bouclier fiscal, qui n'ont pas besoin de voiture pour se déplacer, qui n'ont pas forcément un chauffage au fioul ou au gaz – vont percevoir la restitution.

Cette conception de la justice sociale est un peu bizarre. Si l'on veut convaincre nos concitoyens d'avancer dans la démarche écologique, on ne peut pas le faire sans justice sociale. Or vous êtes en train de faire le contraire : finalement, vous allez déconsidérer l'écologie aux yeux de nos concitoyens à faibles revenus. C'est dramatique. Franchement, je pense que c'est totalement irresponsable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l'amendement n° 500 .

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Cet amendement qui tend à exclure les personnes redevables de l'impôt sur la fortune du mécanisme de restitution a surtout une portée symbolique car les sommes en jeu ne sont pas énormes.

Cela étant, monsieur le ministre, il y a manifestement un problème de compréhension. Cet été, après la publication du rapport Rocard, j'avais cru lire dans la presse que, dans le fond, vous étiez contre soit la taxe carbone dans son ensemble, soit surtout sa redistribution : vous souhaitiez que son produit rentre dans les caisses de l'État pour boucher les trous.

Au passage, je remarque que ce n'est pas la première fois, depuis 2007, que vous vous plaignez – on sent bien dans le ton de votre voix que c'est une plainte – que le crédit d'impôt pour les énergies renouvelables coûte 2,5 milliards d'euros par an. Mon Dieu que c'est énorme ! Pourtant, cet été, vous avez signé un chèque de milliards pour la restauration en supprimant la TVA, sans même froncer les sourcils !

Quant au paquet fiscal qui a coûté 15 milliards d'euros, vous l'avez défendu avec beaucoup de conviction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Idiart

C'était une promesse du Président de la République, ce n'est pas pareil !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

On voit quels sont vos ordres de priorité ; comme cela les choses sont claires et les Français savent à quoi s'en tenir.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Pour les redevables de l'impôt sur la fortune ou les bénéficiaires du bouclier fiscal, c'est quelque chose de symbolique. Dommage que M. Brard ne soit plus là, il aurait été sensible à la suite de mon propos.

Monsieur le ministre, je sais que vous êtes très attentif à la bonne santé et à la bonne forme physique et morale de ceux qui paient trop d'impôts selon vous, et auxquels il faut donc faire une restitution.

Attention ! Si vous leur envoyez un chèque de 46 euros, ils risquent d'avoir de graves palpitations : ils vont croire que le bouclier ne leur rapporte finalement que 46 euros, contre 300 000 euros l'année précédente. (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour présenter l'amendement n° 386 .

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Cet amendement de bon sens tend à exclure les personnes assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune du bénéfice du crédit forfaitaire de 46 euros pour une personne seule ou 92 euros pour un couple, des sommes assez ridicules au regard des revenus et du patrimoine des personnes concernées.

La restitution n'incitera absolument pas ces ménages à modifier leur comportement. Or, nous l'avons dit et martelé depuis l'ouverture de ce débat, l'objectif de la fiscalité écologique doit être d'inciter à modifier les comportements dans un sens de davantage de sobriété énergétique.

La mesure est donc à la fois totalement inefficace du point de vue écologique et injuste socialement. Ces sommes – 46 euros ou 92 euros – seraient bien mieux utilisées et auraient un impact beaucoup plus fort si elles étaient redistribuées non pas aux assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune mais aux catégories les plus modestes de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour défendre l'amendement n° 246 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Défavorable également, parce qu'il ne faut pas tout confondre : politique sociale, politique écologique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

À un moment donné, des cohérences s'affichent avec une recherche d'efficacité sélective.

Nous avons des politiques sociales très redistributrices et on en est très heureux ; la France fonctionne comme cela. Nous avons une politique écologique très simple : orienter la consommation par le prix tout en rendant aux Français ce que nous leur prenons, selon les critères que j'ai déjà évoqués.

D'ailleurs les ménages les plus riches – puisque vous aimez ce terme – consomment plus ; ils paieront donc plus de taxe carbone, comme ils paient plus de TVA, etc. Les taux sont les mêmes, mais les gens qui consomment plus paient plus d'impôts. Ces ménages en paieront donc davantage et recevront une faible redistribution contrairement à ceux qui consomment peu d'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Madame la ministre, monsieur le ministre, j'essaie de me mettre à la place d'un bénéficiaire du bouclier fiscal (Sourires)…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

…qui va recevoir un chèque de 46 euros au mois de février. Je crois qu'il va s'interroger sur la façon dont l'État français est gouverné !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Par ailleurs, cette personne qui va recevoir un chèque de 46 euros peut avoir une situation particulièrement aisée mais se trouver dans une situation où elle ne paie pas d'impôt sur le revenu.

Soit elle va considérer que vraiment nous gérons mal, parce qu'envoyer un chèque a un coût. D'ailleurs, dans les cas de restitutions d'impôts, il existe un seuil minimum en deçà duquel les services fiscaux n'effectuent pas l'envoi, considérant qu'il s'agit d'un trop grand nombre de chèques de montants insuffisants. À ma connaissance, ce seuil a été relevé récemment.

Soit elle va croire qu'il s'agit de son chèque de restitution et cela risque de lui faire un choc violent. (Sourires).

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

En recevant un chèque de 46 euros alors qu'elle en attend un de plusieurs centaines de milliers d'euros, elle va se demander : Que se passe-t-il ? Qu'ai-je fait ? Que m'arrive-t-il ? En fait, ils sont revenus sur le bouclier fiscal ! (Sourires)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

C'est ce qu'il faut faire : envoyer 46 euros et supprimer le bouclier fiscal !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Cette situation a quand même un côté ridicule que je me permets de souligner.

Madame la ministre, monsieur le ministre, on aurait pu éviter que les bénéficiaires du bouclier fiscal et les assujettis aux tranches supérieures de l'impôt sur le revenu reçoivent ce chèque, et utiliser ces sommes pour augmenter la redistribution et la rendre plus efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Cela témoignerait d'une bonne méthode sur le plan administratif, d'une bonne gestion de l'État, tout en étant une mesure de justice sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Le président Didier Migaud vient de démontrer à M. le ministre la situation dans laquelle nous allons nous trouver au mois de février, en ce qui concerne les bénéficiaires du bouclier fiscal. Le dogme du bouclier fiscal est ainsi démontré par cette situation absurde dans laquelle nous allons nous trouver.

Monsieur le ministre, même en le répétant deux fois, votre argument ne suffira pas à nous convaincre. Je pense même que vous desservez la cause que, en tant que membre du Gouvernement, vous êtes censé défendre : l'instauration de la taxe carbone. Peut-être même que Mme Jouanno est partie pour ne pas entendre ce que vous venez d'énoncer.

Le but de l'instauration par l'article 5 de la taxe carbone est d'entrer dans la fiscalité écologique. C'est du moins ce que j'en ai compris et la raison qui m'a poussé à l'approuver ; je suis le seul à l'avoir fait sur ces bancs de l'hémicycle.

Or le retour forfaitaire est tout sauf de la justice fiscale. Prendre 4 centimes d'euros sur le litre d'essence et rendre la même chose à chacun – 46 euros par personne, 92 euros pour un foyer fiscal –, c'est justifier l'incompréhension actuelle de l'opinion qui nous interroge sur le thème : pourquoi on nous prend pour nous rendre ? Si, en plus, la restitution se fait de manière uniforme, sans tenir compte des différences de situations, la démarche n'a rien de pédagogique.

Il était essentiel de dire aussi qu'il fallait s'engager vers des modes de production et de consommation différents. Or, dans votre argumentaire, vous venez de dire que les plus riches ne changeraient rien à leur comportement, qu'ils continueraient à consommer et contribueraient ainsi à alimenter vos caisses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Vous démontrez ainsi, en banalisant la consommation, que vous ne croyez finalement pas du tout à cet outil.

Je suis un peu affligé à ce moment du débat, même s'il est tard. Vous démontez la crédibilité de l'outil que vous vouliez créer et vous allez finir par me faire regretter mon vote, qu'en conscience, j'avais décidé d'assumer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le ministre, après vos explications, je veux attirer votre attention sur un phénomène qui me paraît très grave.

Supposons que quelqu'un soit éligible au bouclier fiscal ; cela existe. Supposons que cette personne – en raison de sa frilosité et de ses moyens de locomotion – consomme beaucoup d'énergies fossiles et paie une taxe carbone très importante, en tout cas supérieure à la restitution que l'État va lui consentir, qu'elle vive seule ou en couple. Résultat : une partie de la taxe carbone acquittée sera remboursée, mais pas toute. Il y a donc un défaut dans le bouclier fiscal ! Cette personne risque en effet de travailler plus d'un jour sur deux pour l'État !

Vous demandez donc à votre majorité d'accepter un système qui bat en brèche le sacro-saint principe du bouclier fiscal réaffirmé avec force par le Président de la République. Vous êtes en train de mécontenter le Président de la République, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je vous mets en garde ! Il est infiniment probable que certains de nos concitoyens bénéficiant du bouclier fiscal vont payer une taxe carbone nettement supérieure au chèque de restitution. Monsieur le ministre, vous êtes en train d'inventer l'impôt qui écorne le bouclier fiscal. Mes chers collègues de la majorité, prenez garde ! (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(Les amendements nos 424 , 500 , 386 , 246 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 387 et 501 .

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour présenter l'amendement n° 387 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l'amendement n° 501 .

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Cet amendement se situe dans la même logique que ceux dont nous venons de débattre. Il tend à attirer l'attention du Gouvernement sur l'un des facteurs d'inégalité devant la taxe carbone : le statut de locataire ou de propriétaire.

Les locataires n'ont pas le choix de leur mode de chauffage et, surtout, ils n'ont pas la possibilité de prendre des décisions pour isoler plus ou moins bien leur logement.

Dans notre proposition de loi sur la transformation écologique de l'économie figurait le droit au logement isolé, mais cela n'a pas été adopté. Nous sommes dans le symbole. Quand on parle du bouclier fiscal, de l'impôt de solidarité sur la fortune, des personnes qui sont imposées à la tranche supérieure de l'impôt, il s'agit sans doute à 99,9 % de propriétaires. Cette symbolique supplémentaire me paraît importante.

Je partage à 100 % les propos de Jean Launay. Je suis moi aussi assez atterré de voir à quel point, au sein même du Gouvernement, le principe de la taxe carbone n'est absolument pas partagé. Finalement, l'acculturation nécessaire n'a pas du tout été faite sur ces sujets pourtant majeurs d'écologie et de lutte contre les défis climatique et énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Je voudrais tout de même vous signaler que la taxe carbone, c'est nous qui la créons.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Eh oui, si vous l'aviez fait, nous n'aurions pas à le faire !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Vous êtes en train de nous faire tout un cinéma, mais c'est nous qui créons cette taxe.

Deuxième point : les crédits d'impôt sont neutres pour le bouclier fiscal.

(Les amendements identiques nos 387 et 501 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements, nos 57 et 347 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur général pour défendre l'amendement n° 57 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je m'interroge, eu égard aux frais de gestion de la fiscalité, sur la restitution de 46 euros à des contribuables très aisés. (Approbations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nos collègues de l'opposition ont néanmoins eu tort d'associer cette question à celle du bouclier fiscal : ce type de raisonnement, en maniant le symbole, conduit à des positions purement théoriques. Néanmoins, du point de vue des frais de gestion, la question reste posée ; nous y reviendrons peut-être plus tard.

J'en viens à l'amendement.

Issu d'un amendement et d'un sous-amendement, il engage deux problématiques différentes relevant toutefois d'un même sujet : la compensation due aux habitants des zones rurales. La première problématique concerne les territoires de montagne, soit, dans la trilogie du rapporteur général – longitude, latitude et altitude –, l'altitude. Objectivement, les charges liées à la consommation d'énergie sont en effet supérieures dans les territoires de montagne. L'État le reconnaît lui-même, qui a institué, pour les taxis, un tarif différencié entre la plaine et la montagne : un véhicule consomme davantage d'énergie et doit disposer d'une motorisation supérieure lorsqu'il roule en montagne.

Les mêmes données s'appliquent pour l'habitat : les températures sont plus fraîches en altitude et les hivers plus rigoureux. C'est d'ailleurs à Mouthe, commune située en montagne, que l'on enregistre les températures les plus froides de notre pays. J'ajoute que la mesure proposée est simple à mettre en oeuvre, l'ensemble des communes de montagne faisant l'objet d'une classification par l'État : celle-ci permet de verser aux collectivités territoriales des dotations complémentaires pour les charges induites par ces communes. Il s'agit d'ailleurs, ni plus ni moins, que de la déclinaison de la loi Montagne de 1985, selon laquelle les lois et les règlements doivent s'adapter à la réalité des territoires montagneux. Dans cet esprit, l'amendement, adopté par la commission, prévoit un traitement différencié et une restitution légèrement supérieure pour les habitants de ces zones.

Le deuxième volet concerne les communes qui, bien qu'intégrées dans un périmètre de transport urbain, sont de taille modeste. La qualité du transport urbain n'y a évidemment rien à voir, en termes de densité, de couverture et de fréquences de circulation, avec les communes d'Île-de-France ou d'autres grandes agglomérations : bien souvent, le service est assuré le matin et le soir ; il reste ponctuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Tel est le sens de cette proposition, initialement adoptée par la commission sous la forme d'un sous-amendement, à l'initiative du président de séance de ce soir, Marc Le Fur.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

L'amendement porte sur deux sujets différents : la montagne et les petites villes.

S'agissant de la montagne, je comprends la problématique exposée par Michel Bouvard. Les communes de montagne sont juridiquement reconnues dans un classement ; elles sont d'ailleurs deux fois plus nombreuses aujourd'hui que dans les années soixante-dix, bien qu'il n'y ait pas davantage de montagnes ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

C'est sans doute l'abaissement du niveau de la mer ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Oui, un effet du réchauffement climatique ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Plus probablement l'action du lobby montagnard !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Refermons cette parenthèse ; mais il faudra bien arrêter la liste un jour.

Reste qu'il fait plus froid en montagne, et que gravir les pentes demande plus d'énergie, mais puisqu'il en faut moins pour descendre, cela peut faire une moyenne. (Sourires.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Soit ; je referme cette autre parenthèse, non sans rappeler que le froid induit des revenus…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

…dont sont privées d'autres zones géographiques.

Le système que nous proposons vise à redistribuer le plus simplement possible ; c'est pourquoi il passe, pour les contribuables, par l'impôt sur le revenu, en l'occurrence par une réduction d'impôt – sans frais de gestion, donc –, et, pour les autres, par des chèques de restitution. Il prend par ailleurs en compte deux critères : la taille de la famille d'une part, la possibilité d'accès à des transports publics de l'autre, donc, le plus souvent, la distance entre le lieu d'habitation et celui du travail ou les centres de consommation. Il est évidemment impossible de faire du sur-mesure en la matière.

Je retiens votre idée en faveur des zones de montagne, car elle me semble juridiquement fondée. Cependant elle vient un peu tôt : il est préférable, pour l'heure, de laisser vivre le dispositif du Gouvernement avec ses deux barèmes – quitte à en ajouter à l'avenir un troisième –, afin d'en analyser le fonctionnement, qu'il s'agisse de la redistribution ou de la taxe elle-même. Comment celle-ci s'inscrira-t-elle dans le paysage économique, fiscal et écologique français ? Changera-t-elle les comportements et, si oui, comment et combien de temps ? Nous devrons évaluer ces données afin d'ajuster la mesure, notamment par rapport à la progressivité dont parlait Christine Lagarde. Je vous invite donc à faire le point l'an prochain sur toutes ces questions ; nous verrons alors s'il convient de prendre en compte la situation que vous avez présentée.

Quant aux petites villes, il n'y a plus de logique. De deux choses, l'une : ou l'on habite dans un périmètre de transport urbain, ou l'on n'y habite pas. Dans le premier cas, le remboursement est minoré ; il faudrait donc le « remajorer » pour les habitants des villes de moins de 15 000 habitants. Pourquoi 15 000, d'ailleurs ? Grâce notamment aux élus, beaucoup de villes de 15 000 habitants, et même moins, ont de vrais réseaux de transports publics, que les habitants peuvent donc choisir d'utiliser. Où s'arrêterait-on, à ce compte ? On dira que la chaleur, dans le sud, rend nécessaire la climatisation,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Cela fonctionne à l'électricité, laquelle n'est pas incluse dans l'assiette de la taxe !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

…et que le froid désavantage certaines régions non montagneuses. Bref, chacun jugera selon sa propre situation. Ne rentrons pas dans ce débat.

Le périmètre de transports urbains est-il le bon critère ? Le fait est que, pour évaluer la proximité d'un transport urbain, il n'en existe pas d'autre ; mais les choses pourront évoluer si l'on crée des instruments plus fins. En attendant, le remboursement forfaitaire, assorti des deux conditions que j'ai rappelées, assure une lisibilité pour nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jérôme Cahuzac pour défendre l'amendement n° 347 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je comprends votre argumentation, monsieur le ministre, et je conçois la grande difficulté qu'il y aurait à faire du sur-mesure, pour reprendre votre expression. Pour autant, je connais une commune rurbaine de 25 000 habitants et de 8 000 hectares dont le plan de transport urbain ne couvre qu'une infime partie, en l'occurrence le centre-ville. Toutes les autres zones, qui accueillent un bon tiers des habitants, ne sont pas desservies. Tous les habitants verront ainsi leur taux de restitution minoré alors que seule une minorité d'entre eux bénéficie des transports publics.

Vous dites qu'il faut laisser vivre le système quelque temps ; j'ignore s'il durera, mais je pense que ce type d'inégalités territoriales ne pourra pas subsister très longtemps.

Je reviens un instant, monsieur le ministre, sur l'exemple que je vous ai donné, afin de lever un malentendu.

Je n'ai jamais pensé que le crédit d'impôt, par exemple celui de 46 euros octroyé à un célibataire, majorait la restitution que l'État effectuait au profit de ce contribuable au titre du bouclier fiscal. Cependant si le même célibataire habite en montagne, il paiera, compte tenu du froid, beaucoup plus que 46 euros au titre de la taxe carbone. Je vous repose donc la question : cela n'écorne-t-il pas, selon vous, le principe du bouclier fiscal ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Idiart

Je suis toujours choqué d'apercevoir, lorsque l'on évoque le handicap de la montagne, certains sourires en coin. Cela fait sans doute partie d'une certaine culture répandue en ces lieux.

Je m'inquiète beaucoup de la perception que certains ont des habitants de la montagne : on est en train d'en faire des adversaires résolus des questions environnementales. On les brime dans certaines de leurs activités, alors qu'ils ont déjà de faibles revenus. La montagne est toujours belle lors du Tour de France : on y fait passer les coureurs car ils y dépensent beaucoup d'énergie sur de nombreux kilomètres. Ma circonscription compte cinq cols, et certains habitants, pour se rendre au bourg principal, doivent franchir un ou deux cols. Peut-on imaginer ce que cela signifie en termes de distance parcourue et de coût ? Ils font pourtant ce choix pour faire vivre le territoire, comme nous les y invitons.

Très souvent, d'ailleurs, on nie le terme de handicap, à l'instar d'un inspecteur d'académie, que l'on avait invité l'an dernier à un entretien avec des parents d'élèves. Il est venu un jour où il avait beaucoup neigé et il a fallu aller le chercher à mi-chemin, car il ne pouvait plus s'en sortir.

Les gens qui vivent là subissent déjà ces handicaps, et voilà qu'on leur impose une nouvelle taxe et qu'on veut les faire payer un peu plus. La semaine dernière, des milliers de personnes ont défilé à Foix pour protester contre certaines décisions. Dans ces territoires, les gens sont brimés dans leurs activités ; on les frappe au portefeuille. Il faut faire très attention. Il est, en France, des conditions de vie particulièrement difficiles, et il serait grave de ne pas en tenir compte.

Dès que les gens ont entendu parler de la taxe carbone, dès qu'ils ont su comment cela allait se passer en aval, ce qu'ils allaient payer et ce qui leur serait restitué, ils ont eu une raison de plus de considérer qu'on ne tient jamais compte de leur opinion et de leur façon de vivre. Ne laissons pas passer cette occasion d'examiner ensemble toutes ces questions dans leur globalité : dans certaines régions, nous créons des écorchés vifs. Dans des périodes comme celle que nous traversons, où la vie est encore plus dure, il faut être très prudent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je remercie Éric Woerth d'avoir considéré qu'il était légitime de poser le problème pour les zones de montagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Tout de même, il n'a pas montré un grand enthousiasme !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

L'intervention de Jean-Louis Idiart vient de le montrer, la question est très sensible.

Je suis cependant dans une situation un peu délicate. Comme il s'agit d'un amendement de la commission, je n'ai pas la possibilité de le retirer, d'autant qu'il traite de sujets liés mais distincts. J'entends bien vos explications, monsieur le ministre.

Vous proposez d'observer les choses pendant les premiers mois de fonctionnement de la taxe carbone, d'essayer d'avoir des données objectives sur les surcoûts éventuels liés aux zones de montagne. Il est vrai que nous avons fait les choses de manière empirique, que nous avons placé les curseurs sans disposer de la finesse des moyens d'analyse que peuvent avoir l'administration du ministère des finances ou celle du ministère de l'environnement. Il serait raisonnable que ce sujet fasse l'objet d'une étude, que, par exemple, le Conseil national de la montagne, qui doit être réinstallé par le Premier ministre dans les tout prochains jours, s'en saisisse et que, à partir de données objectives, nous puissions faire des propositions à l'occasion d'une prochaine loi de finances.

Le dispositif va s'appliquer à partir du 1er janvier. Une partie de l'hiver, la saison la plus rigoureuse, sera passée. On peut bien attendre quelques mois pour étudier des données objectives. Je voulais vous donner acte de cette avancée. Je ne peux retirer l'amendement, mais je comprendrais que l'on attende l'année prochaine pour en reparler.

(Les amendements nos 57 et 347 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements, nos 713 et 106 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 713 .

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Il s'agit d'un amendement rédactionnel. Nous nous sommes aperçus en effet que, en raison de l'existence du Syndicat des transports d'Île-de-France – le STIF –, l'Île-de-France n'est pas couverte par la loi qui a créé les périmètres de transport urbain. Elle serait donc éligible au taux majoré, ce qui ne serait pas normal, compte tenu de la proximité des transports publics. Nous vous proposons donc de faire comme si, en zone STIF, l'Île-de-France était en PTU.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 106 est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

C'est le « ressort territorial du Syndicat des transports d'Île-de-France ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Jego

En effet, il y a Île-de-France et Île-de-France. Entre les départements de la petite couronne, dont le réseau de transports est dense et va encore se densifier avec le projet du Grand Paris…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Jego

…et les départements, dont celui que je représente, qui sont très éloignés, aux portes de la province, on note de fortes différences. On ne peut pas considérer que les habitants du Provinois, du Gâtinais ou de la partie la plus éloignée des Yvelines bénéficient d'un réseau de transports au même titre que ceux de la proche banlieue parisienne. Je souhaite donc que cet amendement fasse la distinction entre petite et grande couronne à l'intérieur de l'Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Il n'y a qu'une couronne : à l'Élysée ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Jego

Les départements de Seine-et-Marne, des Yvelines et du Val-d'Oise présentent, sur toute une partie de leur territoire, des caractéristiques qui méritent qu'on les exclue de la logique que propose le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Comme mon collègue Yves Jégo, je pense qu'on ne peut pas confondre l'Île-de-France et le ressort territorial du STIF. On trouve même, dans cette région, des territoires urbains extrêmement enclavés qui n'ont pas accès aux transports urbains. Il est, par exemple, extrêmement difficile, pour les habitants de certaines villes voisines de Roissy, de se rendre sur la plateforme aéroportuaire et ils sont obligés de prendre leur voiture. Ce sont d'ailleurs souvent les populations les plus fragiles qui sont le plus exclues des transports en commun, qui prennent le plus leur voiture et qui polluent le plus.

En outre, en Île-de-France, plus on est loin du centre et plus on paie le transport cher. Certains n'en ont pas les moyens. Le paradoxe, c'est qu'on a éloigné les populations les plus fragiles et que ce sont elles qui paient le plus cher leurs transports.

Même si l'amendement paraît aller dans le bon sens, il faut peut-être affiner un peu les choses, car il y a Île-de-France et Île-de-France.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Tout cela n'est pas faux, mais il est difficile d'entrer dans un tel détail.

De même que, comme je l'ai dit à Michel Bouvard, il faut étudier la question pour les villes de montagne, on peut voir si certaines zones d'Île-de-France sont vraiment désavantagées. La logique de notre amendement, c'est d'envisager le ressort territorial du STIF. Habiter l'Île-de-France, cela offre certains avantages, telle la Carte Orange. La population qui ressort du STIF doit être traitée de la même façon que celles qui sont dans un périmètre de transport urbain.

Les gens qui vivent en province dans un périmètre de transport urbain ne comprendraient pas que les habitants d'Île-de-France bénéficient d'un remboursement majoré. Étudions calmement la manière dont le système se mettra en place, et il sera toujours temps, ensuite, de le modifier si l'on est capable de mieux appréhender la situation de chacun face au développement de la taxe carbone. J'insiste donc pour que l'amendement soit voté en l'état.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

On voit bien, avec la question de l'Île-de-France, que le critère retenu, la distinction entre zones urbaines et zones rurales, n'est pas pertinent. Il aurait fallu appliquer un critère de revenus, le seul qui permette une juste redistribution de la taxe carbone.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Permettez-moi d'évoquer un sujet un peu particulier, mais qui est lié à ce dont nous parlons : c'est souvent dans les grands ensembles les moins bien desservis par les transports en commun que le problème du chauffage est le plus criant. Les gens vivent en effet dans des logements sociaux mal isolés, voire dans des taudis, chez des marchands de sommeil. Ils sont obligés de se chauffer dans des conditions dramatiques et ce sont eux qui paieront le plus de taxe carbone.

Monsieur le ministre, nous allons nous pencher sur le problème de la ruralité et de la montagne : ne serait-il pas possible de regarder aussi certaines situations très spécifiques en Île-de-France, car on ne peut pas tout traiter de manière uniforme ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Monsieur Pupponi, vous parlez d'or, comme d'habitude : je veux bien qu'on le fasse, je n'ai pas d'opposition particulière à votre proposition, et je ne peux d'ailleurs pas en avoir. Ce que disait Yves Jégo est également vrai. Nous devons essayer de respecter une cohérence, mais ce n'est pas si simple. Vous souhaitez qu'on le fasse en fonction des revenus : je respecte votre opinion, mais ce n'est pas la solution que nous avons privilégiée. Nous préférons le faire en fonction de l'accès aux transports publics. Nous lions la problématique de la taxe carbone au mode de vie de chacun.

Nous aurons, par la suite, à voir si des populations ne sont pas moins bien traitées que d'autres, parce qu'elles sont plus éloignées des transports, et nous pourrons affiner ce remboursement. En tout cas nous ne pouvons pas le faire au moment où nous l'instaurons. C'est pourquoi il fallait que nos critères soient aussi simples et justes que possible. Nous pourrons, ensuite, les affiner pour la montagne ou pour certaines zones urbaines ou périurbaines.

Nous savons bien qu'il n'est parfois pas simple, dans certaines régions ou à certaines heures, d'avoir accès aux transports en commun, comme autour de la plateforme de Roissy. Néanmoins il vaut mieux s'en tenir à l'amendement du Gouvernement. Il est logique que les députés d'Île-de-France défendent leur point de vue et ils connaissent bien leur population, mais leurs collègues de province auraient du mal à comprendre que, en Île-de-France, on bénéficie d'un remboursement majoré, alors que certains départements auraient un remboursement minoré : ils se sentiraient maltraités. Il est bien normal que nous vivions en fonction de nos propres territoires, mais il faut aussi savoir développer une vision qui dépasse les problèmes locaux.

Aujourd'hui, on peut considérer que l'Île-de-France relève d'un périmètre de transport urbain. Cela ne s'appelle pas comme ça, mais cela revient au même.

(L'amendement n° 713 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

En conséquence, l'amendement n° 106 tombe.

La parole est à M. Georges Siffredi pour défendre l'amendement n° 756 .

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Siffredi

Il me semble que, mon amendement portant article additionnel après l'article 5 et concernant l'exonération ayant été adopté, l'amendement n° 756 devrait tomber.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Siffredi

Comme c'était un amendement de repli, je le retire.

(L'amendement n° 756 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 100 de M. Carrez est rédactionnel.

(L'amendement n° 100 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le ministre pour défendre l'amendement n° 765 .

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Cet amendement propose, en conséquence du vote intervenu tout à l'heure, de réduire de moitié le montant du crédit d'impôt dans les départements d'outre-mer pour l'année 2010.

(L'amendement n° 765 , accepté par la commission, est adopté.)

(L'article 6, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2010.

La séance est levée.

(La séance est levée, le samedi 24 octobre 2009, à une heure trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma