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Commission des affaires sociales

Séance du 10 janvier 2012 à 17h00

Résumé de la séance

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La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 10 janvier 2012

La séance est ouverte à dix-sept heures dix.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires sociales organise une table ronde, ouverte à la presse, réunissant des organisations représentatives d'employeurs sur la proposition de loi de M. Nicolas Perruchot sur le financement des comités d'entreprise (n° 4090).

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Mes chers collègues, notre première réunion de 2012 me donne l'occasion de souhaiter à chacun d'entre vous une bonne année, ainsi qu'à vos proches. J'exprime également le voeu que notre commission reste jusqu'à la suspension des travaux de l'Assemblée nationale aussi active qu'elle le sera au cours de ce mois de janvier, pendant lequel nous serons saisis de cinq propositions de loi.

Aujourd'hui, nous commencerons à entendre les partenaires sociaux sur la proposition de loi de notre collègue Nicolas Perruchot relative au financement des comités d'entreprise. Ayant dû modifier le calendrier de ces auditions pour permettre aux parlementaires d'assister aux voeux du Président de la République, cérémonie à laquelle ils sont tous conviés demain, je remercie nos invités d'avoir accepté de venir devant nous ce mardi.

Nous accueillons donc M. Benoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), accompagné de Mme Sandra Aguettaz, directrice de mission à la direction des relations du travail, et de M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques de cette organisation, et M. Jean Lardin, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA), accompagné de M. Pierre Burban, secrétaire général, et de Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement. J'ai reçu hier du président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) qui, bien sûr, était également convié, une lettre m'informant de sa décision de ne pas participer à cette table ronde.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

L'objectif et les conditions de cette réunion appellent une déclaration préalable de ma part. Il faut d'abord rappeler le contexte dans lequel s'inscrit la proposition de loi de notre collègue. Celle-ci vient clore le parcours chaotique de la commission d'enquête sur le financement des acteurs du dialogue social, parcours qui a dès le début nourri la défiance vis-à-vis des syndicats de salariés. Les travaux de cette commission, qui n'ont pas été publiés faute d'accord au sein de la majorité, ont fait l'objet de fuites nauséabondes dans la presse, atteignant ainsi l'objectif que visaient ses auteurs : attacher aux organisations syndicales de salariés le soupçon de fraudes et de gabegie.

Nous sommes fondés aujourd'hui à nous interroger sur l'objet réel des tables rondes ouvertes à la presse organisées par la Commission des affaires sociales. S'agit-il, comme le prétend la convocation, de recueillir le sentiment des partenaires sociaux sur cette proposition de loi-alibi ? D'un moyen pour la majorité de donner aux partenaires sociaux l'occasion d'apaiser les querelles comme vous en avez, après le président Accoyer, exprimé le souhait, monsieur le président ? Si la majorité avait eu effectivement à coeur de lever tous les doutes sur le rapport Perruchot, la Commission aurait pu décider d'entendre son auteur présenter les grandes lignes de son travail, après quoi nous aurions pu légiférer sereinement, à condition toutefois qu'une intervention législative se justifie et qu'elle respecte le temps de la consultation des partenaires sociaux et ne vienne pas court-circuiter les travaux en cours. Or tel n'est pas le cas aujourd'hui puisqu'un groupe de travail a été créé, sous l'égide de la direction générale du travail, pour combler les lacunes de la réglementation actuelle relative aux comptes des comités d'entreprise. Cette initiative législative est donc inacceptable.

Invoquant dans un exposé des motifs orienté le rapport de la Cour des comptes consacré à la gestion des activités sociales de la RATP, cette proposition de loi contribue à alimenter la campagne de dénigrement des organisations de salariés comme les doutes sur un fonctionnement prétendument « anormal » des comités d'entreprise. Un tel exposé des motifs est, en outre, pour le moins incomplet puisqu'il oublie de mentionner le fait que, depuis sa recodification, le code du travail dispose dans son article R. 2327-37 que « le bilan établi par le comité est approuvé par le commissaire aux comptes de l'entreprise. ». Cette disposition, qui s'impose de fait à tous les comités d'entreprise sans distinction de niveau de ressources, les oblige déjà à faire certifier leurs comptes, comme un décret l'avait fait pour les organisations syndicales et professionnelles. Elle soulève cependant de nombreuses difficultés d'application que se propose justement de lever le groupe de travail constitué par M. Xavier Bertrand. Laissons ce groupe aller au terme de ses travaux.

Dans ces conditions, nous n'avons d'autre option que de réitérer notre condamnation de la manoeuvre politicienne menée par le groupe Nouveau Centre et par une partie de la majorité, et de nous opposer aux solutions largement prématurées quand elles ne sont pas fausses que l'on prétend, avec cette proposition de loi, substituer à l'indispensable réflexion sur les moyens de rendre plus transparents les comptes des comités d'entreprise.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Je voudrais profiter de la présence à cette table ronde de certains représentants des partenaires sociaux pour déplorer que notre Commission ne soit pas saisie, ne serait-ce que pour avis, de la proposition de loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers. Étrangement, ce texte ne sera soumis qu'à l'examen de la Commission du développement durable, alors qu'elle relève de la compétence de notre Commission.

Or, notre assemblée a établi un protocole selon lequel une proposition de loi qui modifie le droit du travail doit faire l'objet d'une consultation préalable des organisations représentatives des salariés et des employeurs. Il serait inacceptable que ce texte sur le transport aérien échappe à cette règle, sous prétexte qu'il est soumis à une autre commission que la nôtre.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Premièrement, monsieur Muzeau, cette proposition de loi fait partie des textes que le Nouveau Centre a décidé de soumettre à nos débats dans le cadre de sa niche : c'est son choix, et nous n'avons pas à le discuter. Deuxièmement, ce sont les organisations syndicales elles-mêmes qui ont demandé à être entendues par la Commission des affaires sociales.

S'agissant de la proposition de loi relative aux entreprises de transport aérien, je vous rappelle que les questions de transport relèvent des compétences de la Commission du développement durable. Il nous aurait été en tout état de cause difficile de l'examiner, notre ordre du jour étant déjà très chargé.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Il s'agit surtout de contourner l'obligation de consultation préalable des partenaires sociaux posée par notre protocole.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

La question de la commission saisie et celle de la mise en oeuvre du protocole sont deux questions distinctes.

PermalienBenoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail du MEDEF

Le MEDEF répond favorablement à toutes les invitations du Parlement, et il s'est déjà exprimé devant la commission d'enquête sur le financement des syndicats. Il répond aussi favorablement à celles du groupe de travail mis en place par le ministre du travail, dont la première réunion s'est tenue la semaine dernière.

Quant au fond, cette proposition de loi me semble répondre à des préoccupations tout à fait légitimes en matière de transparence et de gouvernance, et le MEDEF lui-même a pris des initiatives en ce sens au cours des dernières années. En revanche, se pose la question de son opportunité au moment où les partenaires sociaux sont engagés dans deux négociations essentielles, en vue d'une modernisation du dialogue social et du paritarisme. Ces négociations, qui ont commencé il y a plus d'un an, sont très avancées, et les partenaires sociaux doivent se retrouver en ce début d'année, selon un calendrier fixé de longue date. Le moment choisi par le législateur pour se saisir de cette question nous semble d'autant plus inopportun que le groupe de travail créé par le ministre du travail ne s'est réuni qu'une fois, le 6 janvier dernier. Les partenaires sociaux sont surpris que le législateur considère comme une urgence le traitement d'une question, certes pertinente, mais qui relève du champ de la négociation sociale, dans le respect des rôles respectifs des partenaires sociaux et du législateur pour la détermination de la norme sociale. Or cette question a été inscrite à l'agenda social dès la réélection de la présidente du MEDEF, il y a un an et demi, et il nous semble que la négociation sur la rénovation du paritarisme, voire celle sur le dialogue social sont assez près d'aboutir à un accord

PermalienJean Lardin, président de l'UPA

Je vous remercie de permettre à l'UPA de donner son sentiment sur cette proposition de loi relative au financement des comités d'entreprise. Certes, l'institution d'un comité d'entreprise n'est obligatoire que pour les entreprises comptant au minimum cinquante salariés. Mais, même si cette proposition ne concerne que quelques centaines d'entreprises relevant de l'artisanat et du commerce de proximité, la question ne nous laisse pas indifférents. En effet, depuis que nous avons signé l'accord du 12 décembre 2001 et surtout depuis son extension en 2008, nous expérimentons dans certaines régions la mise en place d'organes équivalents aux comités d'entreprise, selon des modalités adaptées aux entreprises que nous représentons.

Cette question nous intéresse donc et je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Le groupe du Nouveau Centre a choisi de soumettre cette proposition de loi à l'examen de l'Assemblée le 26 janvier, dans le cadre de sa niche parlementaire. Ce texte vise à imposer aux comités d'entreprise dont les ressources excèdent 230 000 euros la publication et la certification de leurs comptes, et à soumettre leurs achats à une procédure d'appel à la concurrence. Cela concernerait les 1 800 à 2 000 principaux comités d'entreprise, dont les budgets peuventt s'élever à des millions, voire à des dizaines de millions d'euros. Il est d'autant plus nécessaire de faire évoluer la loi que les comités d'entreprise sont les seules personnes morales de droit privé qui échappent à l'obligation de publier et de faire certifier leurs comptes.

Le législateur ne découvre pas ce sujet puisque la loi du 20 août 2008 a institué la même obligation pour les organisations syndicales. Il s'agit simplement pour nous de poursuivre notre réflexion sur la question, loin de toute considération d'opportunité. Si le rapport publié en décembre par la Cour des comptes ne concerne qu'un comité d'entreprise, il fait suite à de nombreux autres travaux qui pointaient déjà les mêmes dérives, d'ordre principalement financier.

Quant à la procédure d'appel à la concurrence à laquelle nous proposons de soumettre les achats de ces comités d'entreprise, elle régit déjà la commande publique.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons ce texte, simple et bref. Quant à l'opportunité de la présenter aujourd'hui, si on doit écouter les uns et les autres, ce ne serait jamais le bon moment. Notre groupe a décidé de saisir l'occasion qui lui était donnée de le soumettre à l'examen de l'Assemblée : c'est à elle qu'il reviendra de décider si elle veut donner suite à notre proposition.

PermalienPhoto de Dominique Dord

Sur le fond, nul ne peut contester l'intérêt pour tout le monde, et pour la démocratie française, que les comités d'entreprise soient soumis aux mêmes obligations de transparence financière que les partis politiques ou les syndicats, même si on peut regretter que le moment choisi pour présenter ce texte puisse laisser penser qu'il s'agit d'un texte d'opportunité. Le principal problème vient d'être évoqué par les partenaires sociaux : c'est celui du télescopage avec le calendrier des négociations sociales en cours. Il faudrait que ces auditions nous permettent de déterminer si l'initiative doit revenir au Parlement, notamment à travers cette excellente proposition de loi, ou si les partenaires sociaux sont capables d'aboutir sur ce sujet. Cette dernière solution, même si elle prend plus de temps, aurait l'avantage d'être plus cohérente.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

La question de l'articulation entre l'initiative du législateur et la négociation sociale en cours est en effet essentielle, et la réponse ne peut être laissée au caprice et aux circonstances : il ne saurait y avoir qu'une règle. Pour notre part, nous pensons qu'il faut, avant de légiférer, laisser à la négociation collective le temps requis pour l'élaboration d'un accord, et c'est un principe que nous souhaitons voir inscrit dans la Constitution. De ce point de vue, la loi Larcher, qui impose une obligation de négociation préalable, est une avancée incontestable. Cependant, elle ne s'applique qu'aux projets de loi et certains ont contourné l'obligation en empruntant la voie de la proposition de loi, voire de l'amendement. Mon expérience de parlementaire me fait craindre tout spécialement les propositions de loi de simplification du droit telles qu'en dépose le président Warsmann, dans lesquelles apparaissent régulièrement des dispositions relevant normalement de la négociation collective. D'une manière générale, quand le législateur intervient alors qu'on est au milieu d'une négociation sociale, il commet une faute.

Quant au fond du texte, l'idée de renforcer les obligations comptables des comités d'entreprise me paraît mériter d'être étudiée, sous réserve de vérifier que le droit positif n'y pourvoit pas déjà. Je crois savoir d'ailleurs qu'une telle évolution n'est pas rejetée par les partenaires sociaux, mais je ne m'engagerai pas plus avant dans l'interprétation d'une négociation en cours, afin de ne pas outrepasser mon rôle.

Restent deux questions d'ordre plus pratique. Les comptes des comités d'entreprise devront-ils être certifiés par le commissaire aux comptes chargé de certifier les comptes de l'entreprise ou par un autre ? Deuxièmement, il me semble contestable d'imposer à une personne morale de droit privé des modalités d'appel à la concurrence qui ne s'appliquent qu'aux marchés publics.

PermalienPhoto de Dominique Tian

Je tiens d'abord à féliciter Nicolas Perruchot pour le courage assez exceptionnel dont il a fait preuve, et ce, d'abord, dans son enquête sur le financement des syndicats, dont je regrette que les conclusions aient été enterrées. Qui peut contester le besoin de plus de transparence dans le financement des organisations syndicales, qu'il s'agisse des organisations patronales ou des syndicats ouvriers ?

Je m'étonne de la manière dont on confond cette exigence de transparence avec le sujet des négociations en cours, comme s'il y avait un rapport : en quoi soulever la question des comptes des comités d'entreprise pourrait-il troubler des négociations sociales ?

Cela dit, je comprends votre colère, monsieur Muzeau, car nombre de procédures judiciaires en cours concernent directement la CGT et le financement du parti communiste. Les trois plus gros comités d'entreprise de France sont dans le collimateur de la justice, et c'est désormais au juge de régler le problème, puisque ni les parlementaires ni les partenaires sociaux n'ont eu le courage de le faire.

Quant à vos interrogations, monsieur Vidalies, sur l'opportunité de soumettre les marchés des comités d'entreprise à la procédure d'appel à la concurrence, lisez ce que dit le rapport de la Cour des comptes sur l'absence de transparence, sur le favoritisme, sur le mélange des genres, etc. qui entachent les marchés des comités d'entreprise. Cette proposition est conforme aux préconisations de la Cour en matière de transparence.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Moi qui ai travaillé vingt ans en usine, je suis fier d'avoir été syndiqué pour défendre mes intérêts individuels et collectifs de salarié. En revanche, certains d'entre vous auraient avantage à se montrer plus circonspects sur les questions de moralité.

La question que j'ai soulevée a été évoquée dans une lettre du 7 février 2011, par laquelle l'ensemble des organisations syndicales appelait l'attention du ministre du travail sur la difficulté d'application de l'article R. 2323-37 du nouveau code du travail. En effet, alors que l'article R. 432-14 de l'ancien code précisait que les comptes des comités d'entreprise devaient être « éventuellement » approuvés par le commissaire aux comptes de l'entreprise, la suppression de cet adverbe à l'issue de la recodification rend obligatoire cette certification de leurs comptes. Ce sont donc les syndicats eux-mêmes qui ont alerté le ministre sur ce problème, et cela dès le 7 février 2011, bien avant le dépôt de cette proposition de loi à vocation politicienne.

À la suite de cette lettre, le ministre a fait part aux organisations syndicales de son intention de constituer, au sein de la direction générale du travail, un groupe de travail chargé de régler cette difficulté objective. Dans son courrier, daté du 22 novembre 2011, il reconnaît que le code du travail pose déjà l'obligation de contrôle et de publication des comptes des comités d'entreprise. Il ajoute qu'« il est entendu que tout projet qui, au-delà de l'adaptation technique des dispositions de l'article R. 2323-37 du code du travail en vue d'en permettre une application effective, réformerait le fonctionnement du comité d'entreprise, entrerait dans le cadre défini par l'article L. 1 du code du travail, lequel dispose que tout projet de réforme du Gouvernement portant sur les relations collectives du travail et relevant du champ de la négociation collective doit faire l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ». Le ministre parle d'or, même s'il ne fait que rappeler la loi en vigueur. Prétendez-vous passer outre une disposition que vous avez fait voter, et qui impose une concertation préalable avec les partenaires sociaux avant de légiférer ?

PermalienPhoto de Bernard Perrut

Cette proposition de loi est une proposition de bon sens, puisqu'elle contribue à la transparence que nous souhaitons tous. Cette transparence, qui s'impose à l'État et aux collectivités locales, se justifie également pour les comités d'entreprise, étant donné les budgets considérables qu'ils peuvent être amenés à gérer. Qui, s'il n'a rien à se reprocher, peut s'opposer à un tel progrès, alors que ces organes sont aujourd'hui simplement tenus à l'établissement d'un compte rendu annuel indiquant les recettes et les dépenses ?

D'autre part, les activités sociales et culturelles des comités d'entreprise justifient pleinement l'article 4 de la proposition de loi, qui fixe pour les marchés que passent ceux-ci des règles de mise en concurrence similaires à celles auxquelles sont soumis les collectivités locales, les associations et les services publics.

Nul ne songe à remettre en cause le rôle des comités d'entreprise, qui ont amplement démontré toute leur utilité depuis leur création par la loi de 1946. Cependant, il revient au législateur de leur tracer une ligne de conduite très claire en matière de transparence. Certes, il convient de faire confiance aux partenaires sociaux pour en définir très précisément les modalités d'application, car cela relève pleinement du dialogue social, mais encore faut-il que celui-ci permette de faire émerger des positions partagées.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Je salue à mon tour la démarche de Nicolas Perruchot, qui vise à assurer une transparence que tous les parlementaires appellent de leurs voeux. Les travaux engagés de longue date par notre collègue, notamment au sein de la commission d'enquête, suffisent à faire justice de l'accusation d'opportunisme qui lui est adressée. Cette proposition de loi ne contrevient en rien au nécessaire respect du dialogue social, dont elle a vocation, au contraire, à pérenniser les conditions.

Quant à l'article 4, il est conforme aux préconisations de la Cour des comptes, même si la notion d'appel à la concurrence, trop générale, me semble mériter d'être précisée.

PermalienPhoto de Martine Billard

J'aimerais que les représentants des employeurs nous disent comment appliquer ce type de dispositions dans les petites entreprises. Certes, le texte fixe un seuil de ressources, mais certaines interventions de nos collègues finissent par donner l'impression qu'il s'agit de stigmatiser l'ensemble des comités d'entreprise. La transparence existe, même si on peut améliorer encore les dispositifs – et les syndicats eux-mêmes souhaitent cette amélioration. Mais il ne faudrait pas sous ce prétexte remettre en cause l'utilité des missions assurées par ces organes, qu'il s'agisse de l'information sur le fonctionnement de l'entreprise ou des oeuvres sociales. Alors qu'aucune entreprise privée n'est soumise aux procédures d'appel d'offres, je ne vois pas pourquoi un comité d'entreprise devrait être contraint de passer par la mise en concurrence pour organiser les activités relevant de sa mission sociale. Je vous appelle à faire preuve d'un peu plus de réalisme et à faire confiance aux partenaires sociaux, qui ont tous exprimé leur volonté d'améliorations.

J'aimerais connaître les préconisations des représentants des organisations d'employeurs sur le sujet.

PermalienBenoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail du MEDEF

Le MEDEF est très attaché au respect du dialogue entre les partenaires sociaux, et il a prouvé sa bonne volonté en signant de très nombreux accords sur la base de compromis acceptables par tous et conformes à l'intérêt général.

L'esprit de la proposition de loi, tel qu'il se dégage de son exposé des motifs, n'appelle aucune objection de notre part. Nous craignons simplement que les partenaires sociaux ne voient dans ce texte un signe de défiance en raison du moment choisi pour le proposer. Nous ne disons pas que tel est l'objectif, mais que telle peut être la conséquence. Et c'est pourquoi nous demandons à la représentation nationale de laisser les partenaires sociaux terminer un travail entamé de très longue date.

Le sujet de cette proposition de loi fait partie des très nombreux thèmes examinés par les groupes de travail réunis dans le cadre des deux négociations collectives en cours au niveau national. Nous poursuivons un objectif de transparence totale et, de ce point de vue, poser la question des modalités du contrôle des comptes – détermination de seuils, libre choix du commissaire aux comptes, modalités de publication – est pertinent, mais cette question appelle sans doute des réponses variables en fonction de la taille et du type des entreprises.

De même, le problème né de la suppression de l'adverbe « éventuellement » à l'occasion de la recodification du code du travail ne me paraît pas insurmontable dans le cadre du dialogue avec nos partenaires, pourvu que ce point puisse être discuté avec eux de façon apaisée. Il existe déjà suffisamment de sujets de désaccord pour qu'on n'ait pas besoin d'en inventer d'autres.

PermalienJean Lardin, président de l'UPA

Je suis heureux d'assister à un exercice de démocratie en acte…

Au-delà de cette remarque qui ne se veut que souriante, que le fonctionnement des organisations syndicales, patronales ou salariales, doive être transparent, voilà un point qui ne souffre aucune contestation pour l'UPA, qui satisfait d'ailleurs déjà à l'obligation de publier ses comptes. L'exercice d'un contrôle rigoureux peut toutefois avoir des effets pervers, notamment pour les structures départementales ou régionales ne disposant que de faibles ressources : le coût de la publication de leurs comptes pourrait excéder le montant de leurs fonds propres – je tiens des exemples concrets à votre disposition.

S'agissant du financement des comités d'entreprise, nous sommes intéressés à la mise en place d'un système d'oeuvres sociales en faveur des salariés des plus petites entreprises, car nous ne voulons pas que ceux-ci soient tenus à l'écart de la vie du pays. Tout notre travail, depuis de nombreuses années, consiste, non à copier le fonctionnement des grandes institutions, tel que vous le mettez en lumière, mais à inventer des dispositifs peu coûteux et adaptés à notre public, applicables sur l'ensemble du territoire et au bénéfice des salariés de tous types d'entreprises.

Notre réflexion et notre action ne se veulent pas polémiques, pas plus que nous ne cherchons à profiter, dans le contexte actuel, du débat sur le fonctionnement des comités d'entreprise. Nous souhaitons seulement qu'on prenne en considération l'existence de 1,2 million d'entreprises des secteurs de l'artisanat et du commerce de proximité, occupant plus de 4 millions d'actifs.

C'est pourquoi nous nous tenons à votre écoute pour apprendre éventuellement quelles sont les erreurs à ne pas commettre en matière de gestion d'oeuvres sociales et pour nous appuyer sur des orientations approuvées de part et d'autre de l'échiquier politique.

PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Je note que personne ne met en cause la légitimité de la question posée par notre collègue Nicolas Perruchot : le seul problème posé porte sur l'articulation entre démocratie sociale et démocratie politique.

Je rappelle que c'est notre majorité qui, par la loi du 31 janvier 2007, a introduit l'article L. 1 dans le code du travail. Nous avons, en effet, souhaité un dialogue social préalable à l'examen de tout projet de loi concernant les relations du travail. Désormais, ce dispositif fonctionne et l'accord intervenu entre les présidents Accoyer et Larcher a permis de l'étendre aux propositions de loi. Nous l'avons déjà expérimenté avec ce qui est devenu la loi du 28 juillet 2011. En application du protocole, nous avons accordé un délai aux partenaires sociaux qui leur a permis de conclure trois accords nationaux interprofessionnels. Sur le point où les négociations n'ont pu aboutir, relatif aux groupements d'employeurs, la loi votée a laissé un délai supplémentaire pour un accord éventuel jusqu'au 1er novembre. Nous disposons donc d'une certaine souplesse.

Même si le temps de la démocratie sociale ne s'écoule pas à la même vitesse que celui de la démocratie politique, vient un moment où les négociations doivent se terminer. Or M. Benoît Roger-Vasselin a évoqué des discussions syndicales en cours depuis un an et demi tandis que notre collègue Alain Vidalies a fait remarquer que le législateur intervenait « au milieu de la négociation sociale ». Est-ce à dire que nous aurions encore un an et demi à attendre pour qu'un accord intervienne ? Le MEDEF confirme-t-il ce calendrier ? Cela doit-il nous empêcher de prendre un certain nombre de mesures que nous sommes unanimes à tenir pour nécessaires et qui pourraient encadrer l'accord à venir ?

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

M. Roger-Vasselin a cité deux négociations, l'une sur la rénovation du dialogue social et l'autre sur la rénovation du paritarisme. Il s'agit là de questions complexes qui nécessitent des discussions approfondies, pouvant donc paraître un peu longues à des élus politiques, mais ces deux groupes ont-ils abordé la question du financement des comités d'entreprise, ou sera-t-elle bientôt à l'ordre du jour ?

PermalienPhoto de Roland Muzeau

L'auteur de la proposition de loi sur le financement des comités d'entreprise me semble insuffisamment informé : il existe également un groupe de travail, constitué à la demande unanime des organisations syndicales et réuni une première fois le 6 janvier dernier par M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail. Dans son courrier de convocation du 21 novembre dernier, celui-ci indiquait que l'objectif du groupe était « de remédier aux difficultés d'application et aux lacunes de la réglementation actuelle relative aux comptes des comités d'entreprise. » Laissons-le donc travailler, au lieu de bafouer l'article L. 1 que la majorité se flatte d'avoir introduit dans le code du travail mais que nous avons également voté.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Spécificité française qui vaut d'ailleurs aussi pour les partis politiques, l'ensemble des organisations professionnelles comme des comités d'entreprise de ce pays vit largement de taxes parafiscales et de subventions publiques. Mais est-ce vraiment un facteur de vitalité du dialogue social ?

PermalienBenoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail du MEDEF

Je partage le point de vue de M. Gérard Cherpion en ce qui concerne l'articulation, souvent complexe et subtile, entre le rôle du législateur et celui des partenaires sociaux.

Bien que l'application du nouveau mécanisme n'en soit qu'à ses débuts, nous avons déjà signé plusieurs dizaines d'accords et si ce n'est pas encore le cas pour la rénovation du paritarisme, c'est que, comme l'a souligné M. Nicolas Perruchot, la question est extraordinairement complexe : songez que les documents annexes comportent pas moins de onze pages de tableaux extrêmement compliqués afin de couvrir toutes les institutions et tous les organismes existants. Nous espérons toutefois aboutir à un accord pour le printemps prochain.

La rénovation du dialogue social devrait, en elle-même, s'avérer plus simple mais elle est en fait encore plus difficile car il n'existe pas d'accord entre les partenaires sociaux sur deux ou trois points, sur lesquels la négociation bloque donc. Les compromis sont d'autant plus malaisés à trouver que des divergences d'appréciation existent parfois aussi au sein même des organisations syndicales de salariés.

Nous n'avons pas de désaccord sur le fond avec la proposition de loi. Nous demandons simplement, au nom de l'intérêt général et dans l'intérêt du dialogue social – non celui du MEDEF –, de pouvoir mener à leur terme les négociations engagées.

PermalienBenoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail du MEDEF

Bien entendu.

PermalienJean Lardin, président de l'UPA

L'UPA tient bien sûr sa place à la table des négociations. Il nous faut d'abord dégager un fort dénominateur commun dans le camp des employeurs. Le même exercice doit avoir lieu dans celui des salariés. En croisant les deux, il nous faudra ensuite trouver un « terrain d'atterrissage ». Aucun des problèmes posés n'est insoluble mais l'expérience est nouvelle. Dernière arrivée autour de la table et partant donc avec un handicap, l'UPA doit mettre les bouchées doubles pour ne pas être distancée.

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Jean-Pierre Door, la proposition de loi relative à l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne (n° 4105).

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Comme vous le savez, le 15 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a censuré, en tant que cavalier, l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, qui encadrait les conditions d'exercice de certains professionnels de santé titulaires d'un diplôme obtenu hors de l'Union européenne, plaçant ces derniers, comme certains hôpitaux, dans une situation extrêmement difficile. En effet, les praticiens concernés ne sont habilités à poursuivre leur activité, sous des statuts d'exercice restreint – j'insiste sur ce terme –, que jusqu'au 31 décembre 2011, dans le cadre de la procédure dérogatoire d'autorisation sur examen. Si aucune mesure législative n'intervient, quelque 4 000 d'entre eux auront le plus grand mal à continuer d'exercer leurs fonctions.

La présente proposition de loi vise donc à régler cette question et à garantir, en particulier, la continuité du fonctionnement de nombreux centres hospitaliers généraux et établissements psychiatriques, où ces praticiens comptent parfois pour 20 à 30 % du personnel médical.

Il s'agit de prolonger la procédure dérogatoire sur examen jusqu'au 31 décembre 2014 et, ainsi, de permettre aux praticiens qui en bénéficieront de poursuivre leur activité, sous des statuts d'exercice restreint, à condition qu'ils se soumettent à une nouvelle épreuve de vérification de leurs connaissances. La fixation de cette date « butoir » vise à inciter les praticiens concernés à se présenter à cette épreuve dans les meilleurs délais, afin de diminuer au plus vite le nombre de professionnels ne bénéficiant pas de la plénitude d'exercice dans les établissements de santé.

En sus de la prolonger, la proposition de loi vise également à réformer cette procédure dérogatoire. Nous instituons ainsi une nouvelle épreuve annuelle de vérification des connaissances, consistant en un examen sur titres et sur travaux suivie d'un entretien avec un jury. Elle serait organisée chaque année, jusqu'en 2014.

Sur le fondement de cette réforme, le texte tend ensuite à limiter à une année la durée de la période d'exercice probatoire à effectuer une fois l'examen réussi. Pendant celle-ci, les praticiens concernés ne pourront travailler que sous des statuts d'exercice restreint et donc sous la responsabilité d'un professionnel de plein exercice, à la fois sur le plan juridique et sur celui de la responsabilité.

Pour bénéficier de la procédure dérogatoire rénovée, et donc poursuivre leur activité jusqu'en 2014, les praticiens devront remplir trois séries de conditions, relatives à leur diplôme, à leur date de recrutement ainsi qu'à la durée et à la nature des fonctions qu'ils ont exercées en France. Les médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens devront en particulier avoir été recrutés avant août 2010, et les sages-femmes avant janvier 2012. Ils devront aussi justifier d'un exercice professionnel d'une durée d'au moins trois ans, sous des statuts et dans des conditions déterminées par décret. La fixation d'une condition de durée minimale d'exercice hospitalier vise à réserver cette procédure dérogatoire aux praticiens réellement installés en France depuis un certain temps.

La proposition de loi fixe au 1er janvier 2012 la date d'entrée en vigueur de ses dispositions, qui s'appliqueront donc de manière rétroactive. En effet, depuis le 31 décembre 2011, les praticiens concernés ne peuvent plus en théorie exercer. Nous avons donc déjà perdu huit jours. La mesure apparaît nécessaire pour régulariser, a posteriori, la période d'exercice professionnel comprise entre le 1er janvier 2012 et la date d'entrée en vigueur de notre proposition loi.

À titre d'information, je vous indique que la masse salariale des quelque 4 000 praticiens concernés, dont 95 % de médecins, s'élève à environ 180 millions d'euros par an pour le budget des hôpitaux.

Je rappelle que la discussion de ces mesures, en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, s'était déroulée de manière consensuelle, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, et s'était conclue par une adoption à l'unanimité. J'espère qu'il en sera de même aujourd'hui car il y a urgence.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Chacun mesure l'importance pratique de cette proposition de loi.

PermalienPhoto de Dominique Tian

À titre strictement personnel, je ne suis pas très favorable à cette proposition. Comment faire comprendre à nos concitoyens que, d'un côté, s'applique aux études médicales un numerus clausus extrêmement sévère – chaque année, des milliers d'étudiants français de bon niveau sont empêchés d'embrasser la carrière médicale – et que, d'un autre côté, perdure cette procédure dérogatoire ? Comment expliquer aux étudiants que des médecins venus de pays non européens vont occuper les places dont eux rêvent, tout en se faisant exploiter par les hôpitaux ? Comment justifier auprès des patients que les soins leur soient dispensés par des médecins de pays lointains, ne parlant parfois qu'imparfaitement le français et aux compétences approximatives ? La situation me semble vraiment choquante.

En 2007 déjà, une initiative législative avait visé à régler ce problème. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) avait elle-même été saisie du caractère discriminatoire, voire humiliant, du statut des médecins étrangers en France. Ceux-ci sont moins bien payés que leurs homologues français, travaillent davantage et n'ont pas le droit de s'installer. D'où l'idée d'un examen destiné à vérifier leurs compétences et leur capacité à s'intégrer pleinement dans le corps médical français. Et voici qu'on nous propose un texte se limitant à prolonger le régime transitoire parce qu'on n'a pas dégagé de solution satisfaisante ! Le problème reste donc entier et porte sur l'organisation des études médicales en France, que l'on devrait aborder au fond plutôt que de se contenter de mesures provisoires et inefficaces. Il n'est pas acceptable que des étudiants français soient incités à poursuivre leurs études médicales dans d'autres pays, comme la Roumanie ou la Belgique. Bientôt, seuls les enfants de familles riches pourront poursuivre des études de médecine !

Pour toutes ces raisons, ce texte ne me plaît guère.

(M. Bernard Perrut, vice-président de la Commission, remplace le président Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance.)

PermalienPhoto de Catherine Lemorton

M'exprimant au nom du groupe SRC, j'abonderai dans le même sens que notre rapporteur. Notre recours auprès du Conseil constitutionnel ne portait pas sur l'article 51 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, issu d'un amendement du Gouvernement qui avait été préféré à celui que nous proposions. La décision du Conseil nous a étonnés – nous ne voyons pas en quoi la disposition constituait un cavalier –, mais elle a autorité de chose jugée.

Le problème des praticiens dont les diplômes ont été obtenus hors de l'Union européenne avait été pris très tôt en considération par les socialistes : dès le projet de loi de financement pour 2007, nous avions déposé un amendement sur ce sujet.

Les propos tenus par Dominique Tian à l'égard des médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes et sages-femmes étrangers sont proprement inacceptables. Notre collègue plagie là le président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF), M. Guy-Marie Cousin, qui invitait naguère les patients mécontents des compléments d'honoraires à aller « à l'hôpital se faire soigner par des patriciens à diplôme étranger qui manifestent pour obtenir un statut identique à celui des médecins français sous prétexte qu'ils sont en France depuis dix ans. » Il s'agit de propos méprisants à l'égard de praticiens qui font fonctionner les services hospitaliers, dont les services d'urgence, particulièrement en été, et qui sont souvent moins bien rémunérés que leurs homologues français… Mais Dominique Tian défend sans doute la priorité aux Français !

PermalienPhoto de Dominique Tian

J'ai dit exactement le contraire en dénonçant le statut précaire des médecins étrangers !

PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Il est regrettable que, confronté à ce problème, le Gouvernement se soit borné à réagir par un amendement tardif, alors que des réunions et des manifestations avaient eu lieu en juin et en octobre 2011 et que nous avons tous pu mesurer l'enjeu, qu'il s'agisse des déserts médicaux ou du numerus clausus.

Il n'est que temps de revenir à plus de sérieux : les praticiens concernés sont compétents et, après dix années passées en France, ils parlent parfaitement le français ! Nous voterons donc la proposition de loi, d'autant que nous avons déposé la même.

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Notre collègue Dominique Tian est décidément incorrigible !

Cette proposition de loi, attendue, va dans le sens d'une meilleure reconnaissance du travail des médecins, sages-femmes et chirurgiens-dentistes concernés, lesquels représentent près de 30 % des praticiens hospitaliers, et jusqu'à 50 % dans les « déserts médicaux ».

PermalienPhoto de Roland Muzeau

Bien sûr que non. Mais depuis dix ans que vous détenez le pouvoir, vous n'avez rien réglé.

Le Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne (SNPADHUE), après avoir travaillé en concertation avec le ministère, s'est déclaré très satisfait de ce texte, le jugeant adapté à la situation de la plupart des praticiens concernés.

Quatre points ont cependant été soulevés, non seulement par ce syndicat, mais aussi par l'Association des médecins à diplôme hors Union européenne évoluant sur des postes non médicaux (AMHUE).

Tout d'abord, ne serait-il pas plus prudent de fixer l'échéance à 2017 plutôt qu'à 2014 ?

Pourquoi le dispositif ne couvre-t-il pas aussi les infirmiers ?

Les médecins français titulaires d'un diplôme obtenu hors de l'Union européenne n'exerçant pas des fonctions médicales car travaillant dans le secteur paramédical ou pharmaceutique ne sont-ils pas également exclus du dispositif ? Pour se présenter à l'examen, il faudra en effet occuper un poste médical depuis trois ans, ce qui écarterait environ 3 000 professionnels.

Enfin, les praticiens ayant commencé d'exercer après le 3 août 2010 ne seront pas non plus pris en compte. Le problème demeure donc entier pour tous les nouveaux médecins et pour les étudiants. Mais la raison de cette lacune s'éclaire probablement si l'on fait le lien avec la circulaire Guéant sur l'accès des étudiants à l'emploi…

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Notre rapporteur a expliqué pourquoi il était aujourd'hui indispensable de légiférer. Si les praticiens étrangers devaient demain cesser leur activité faute de cadre juridique, il en résulterait un grave problème de santé publique. En effet, alors que 10 000 postes de titulaires sont vacants dans les hôpitaux, ce sont 4 000 praticiens en fonction qui n'ont pas encore passé l'examen de compétence. Or ceux-ci rendent des services importants et ont acquis des compétences : on ne saurait se passer d'eux.

On a peut-être mal compris le propos de Dominique Tian mais on ne saurait nier la réalité des problèmes de démographie sanitaire : existence de déserts pour ce qui est de la médecine ambulatoire et, pour les hôpitaux, impossibilité de pourvoir les postes vacants. Or nous éliminons beaucoup d'étudiants : il faut quasiment avoir décroché une mention « très bien » au baccalauréat scientifique pour passer le cap de la première année en faculté de médecine ! L'inadéquation du système de formation aux besoins de santé est patente. Et ce texte ne la résoudra pas. Il permettra seulement de valider l'expérience, par un nécessaire examen des connaissances car la qualité des soins exige de vérifier la compétence de ces 4 000 personnes.

J'espère que, d'ici à 2014, tous les praticiens concernés auront réussi leur examen, grâce notamment à la formule de l'entretien avec un jury et aux épreuves pratiques, mieux adaptées que des épreuves théoriques.

Il nous faut donc voter cette proposition de loi, assortie d'un amendement que je proposerai afin d'étendre les terrains de stage à l'ensemble des établissements de santé.

PermalienPhoto de Vincent Descoeur

Je comprends l'urgence qu'il y a à prolonger la procédure dérogatoire, notamment dans les établissements confrontés à la « déprise » médicale qui sévit dans certaines régions.

Dominique Tian a soulevé la question de l'avenir des étudiants qui ne franchissent pas la première année d'études. Ses propos n'étaient pas excessifs. À l'heure où l'on s'inquiète beaucoup de la démographie médicale, je m'étonne que la proposition de loi limite son champ aux seuls praticiens exerçant dans des établissements de santé. Non seulement, comme on l'a signalé, les infirmiers ne sont pas concernés par ce texte, mais on néglige une occasion de combler le manque de médecins libéraux et de chirurgiens-dentistes grâce au recours à des praticiens étrangers – ainsi, d'ailleurs, qu'à des praticiens français qui, ayant effectué leurs études à l'étranger, éprouvent les plus grandes difficultés à venir exercer sur le territoire national.

Nous avons donc tout intérêt à simplifier les procédures pour faciliter l'accueil de ces professionnels, au moins aussi longtemps que le relèvement du numerus clausus n'aura pas produit tous ses effets. Mais la prochaine législature ne devra plus s'en tenir au traitement de situations d'urgence et envisager l'élargissement du dispositif, d'une part à d'autres professionnels de santé, d'autre part en dehors des établissements.

PermalienPhoto de Michel Issindou

Peut-être ce texte arrive-t-il tardivement, mais mieux vaut tard que jamais. Nous voterons ces dispositions car nous sommes nombreux, dans notre groupe, à les avoir demandées. Aujourd'hui, le secteur de la santé a besoin de ces 4 000 praticiens : même si l'on adoptait un numerus clausus moins restrictif, il n'est pas acquis que les jeunes médecins français accepteraient d'exercer n'importe où sur notre territoire.

Dès lors que ces 4 000 professionnels accomplissent un travail remarquable et indispensable, il est juste de reconnaître leur valeur. Pourquoi prétendre qu'ils ne parlent pas le français ? Si tel a été le cas pour certains d'entre eux à leur arrivée, ils l'ont appris très rapidement. J'espère que l'examen professionnel ne servira pas de variable d'ajustement, par une sévérité excessive. Il serait en effet dramatique de recaler des praticiens dont la valeur est reconnue, puisqu'ils exercent en hôpital.

PermalienPhoto de Rémi Delatte

Le texte résoudra un problème qui se pose à court et moyen termes, mais il aurait mieux valu qu'il prenne en compte les terrains de stage en établissement privé. Cela aurait été plus cohérent avec le dispositif de la « loi HPST » relatif aux internes, et permettrait de satisfaire les besoins de terrains de stage qui ne sont pas couverts actuellement. Certes, à terme, il n'y a pas d'autre manière d'assurer la permanence des soins que d'augmenter le numerus clausus, mais il y a nécessairement un temps de latence entre le moment où cette décision est prise et celui où elle commence à porter ses effets.

PermalienPhoto de Bernard Perrut

Ceux d'entre nous qui président le conseil de surveillance d'un hôpital apprécient la contribution de ces praticiens, médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens ou sages-femmes. Comment sont-ils répartis sur notre territoire ? Sont-ils plus nombreux dans la capitale ou dans les grands centres hospitaliers ?

Le texte permettra de prolonger et de réformer la procédure dérogatoire, ainsi que de régulariser leur situation. Son adoption est urgente, car, depuis le 1er janvier, ces praticiens ne peuvent plus exercer sans déroger aux règles d'assurance ou de responsabilité professionnelle.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Nous n'en serions pas là si le Conseil constitutionnel n'avait pas censuré, pour des raisons que j'ai du mal à comprendre, l'article du projet de loi de financement visant à prolonger la procédure dérogatoire d'autorisation sur examen, ce qui nous contraint à intervenir dans l'urgence. En 2004-2005, j'étais à la manoeuvre, avec le regretté Paul-Henri Cugnenc, pour résoudre le problème des praticiens adjoints contractuels (PAC), qui servaient de « bouche-trous » un peu partout. Nous avons demandé qu'ils puissent passer des épreuves de validation. En 2007, le concours a revêtu sa forme définitive. Les épreuves de connaissances et de compétence se déroulaient devant un jury composé en partie de membres du Conseil de l'ordre. Un échéancier a été arrêté, dont le terme était fixé au 31 décembre 2011. La moitié des 7 000 à 8 000 praticiens détenant un diplôme extra-européen a passé les épreuves avec succès. L'autre moitié a tardé et ne peut plus exercer depuis le 1er janvier.

Je précise, monsieur Tian, que 60 % au moins de ces praticiens sont français. Ils ont acquis la nationalité soit en restant sur notre territoire pendant dix ans, soit en épousant un citoyen français, dont ils ont parfois des enfants. Que leur diplôme ait été délivré au Brésil, au Pérou ou en Europe de l'Est, nous devons absolument le reconnaître. Il ne s'agit pas d'étudiants mais bien de praticiens étrangers, dont la compétence, en matière de chirurgie ou de médecine générale, doit être validée. La proposition de loi concerne uniquement les praticiens à diplôme hors de l'Union européenne recrutés avant 2010 et qui n'ont pas validé l'épreuve de vérification des connaissances.

J'en viens à votre question, monsieur le président. C'est non dans les CHU mais dans les centres hospitaliers généraux qu'exercent la plupart de ces praticiens. Ils ont été recrutés parce que les directeurs de ces établissements peinaient à trouver des médecins.

Pour avoir interrogé il y a deux jours le président de la commission médicale d'établissement, je peux citer les chiffres de l'hôpital situé dans ma circonscription : trente praticiens sur 160 ont un diplôme extra-européen. Ils gèrent la réanimation, les urgences, la permanence des soins ou la chirurgie. Selon la direction générale de l'offre de soins (DGOS), la proportion de ces praticiens se situe, au niveau national, entre 20 et 30 %. C'est dire quelles difficultés connaîtraient nos hôpitaux, surtout les établissements psychiatriques qui emploient beaucoup de ces médecins, si nous ne réglions pas leur situation. J'insiste sur la nécessité d'un vote conforme des deux assemblées, faute de quoi nous ne pourrions pas légiférer dans les temps.

Enfin, monsieur Descoeur, une fois leur diplôme validé, les praticiens pourront solliciter, après trois ans d'exercice restreint et une année probatoire, une autorisation de plein exercice de la médecine. En somme, il ne s'agit que de mettre en place, pour les diplômes extra-européens, une équivalence semblable à celle qui existe pour les diplômes belges, allemands ou anglais.

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Elle existe déjà pour les diplômes québécois.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Quand je me suis présenté au Canada, lorsque j'étais étudiant, j'ai dû passer un examen pour obtenir une équivalence. En l'espèce, nous demandons seulement aux praticiens de repasser un examen une fois qu'ils ont accompli trois années d'exercice puis d'effectuer une année probatoire, pour obtenir la possibilité d'exercer pleinement. Ils ne pourront toutefois exercer pendant leur année probatoire que dans un établissement public ou un établissement de santé privé d'intérêt collectif (ESPIC). En effet, l'exercice restreint de la médecine auquel ils sont soumis à l'hôpital public n'est pas compatible avec la liberté d'exercice de mise dans les cliniques privées.

PermalienPhoto de Dominique Tian

Je comprends qu'on interdise aux cliniques privées de recruter ces praticiens, puisque l'ensemble du secteur privé est exclu des règles qui s'appliquent à l'hôpital, mais pourquoi les ESPIC les accueilleraient-ils ? Qu'est-ce qui les distingue des cliniques privées, hormis leur statut ? Dans la « loi HPST », nous avons voté plusieurs mesures visant à rapprocher les secteurs public et privé. Il serait incompréhensible de créer une nouvelle exception. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à permettre à ces praticiens d'effectuer leur année probatoire dans l'ensemble des établissements publics et privés.

PermalienPhoto de Bernard Perrut

Nous en venons à l'examen des articles.

Article 1er: Procédure dérogatoire d'autorisation de plein exercice sur examen des praticiens titulaires d'un diplôme obtenu hors de l'Union européenne

La Commission adopte successivement l'amendement de simplification AS 5 et les quatre amendements rédactionnels AS 6 à AS 9, tous du rapporteur.

Puis elle examine les deux amendements identiques AS 2, de M. Dominique Tian, et AS 3, de M. Jean-Luc Préel. L'amendement identique AS 1 de M. Jean-Marie Rolland n'est pas défendu.

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Quand bien même les décrets n'auraient pas été pris, la « loi HPST » autorise les établissements privés à recevoir des internes qui exercent de manière limitée, sous l'autorité du praticien diplômé. L'amendement AS 3 vise à introduire la même disposition pour les praticiens concernés par la proposition de loi.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Avis défavorable. Sur le fond, je suis d'accord avec vous, mais l'amendement nous fait courir le risque d'une divergence avec les sénateurs.

PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Si la situation est ce qu'elle est, c'est parce que le Gouvernement n'a pas anticipé le problème, alors qu'il connaissait l'échéance du 31 décembre 2011.

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Oui, mais le groupe socialiste a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel…

PermalienPhoto de Catherine Lemorton

L'exercice de la médecine par des médecins formés hors de l'Union européenne risque de se prolonger car, comme le déplorent les syndicats, on augmente le numerus clausus mais non le nombre d'enseignants en médecine générale. De ce fait, par souci de cohérence, nous allons expliquer aux sénateurs à quel point il est important de sécuriser le parcours de ces 4 000 médecins dont nos établissements ont besoin pour fonctionner.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Je maintiens l'avis défavorable, mais j'utiliserai les quelques jours qui restent pour examiner la question avec mon homologue du Sénat. En outre, nous pourrons interroger le ministre en séance.

PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Si l'Assemblée vote nos amendements, ce sera aux sénateurs d'émettre un vote conforme !

PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Je n'ai pas à me prononcer à la place des sénateurs.

PermalienPhoto de Bernard Perrut

Étant donné les conditions d'urgence, peut-être le retrait serait-il préférable ?

PermalienPhoto de Dominique Tian

Puisque le rapporteur est d'accord sur le fond, le débat porte uniquement sur la forme. D'un point de vue stratégique, je pense qu'il vaut mieux voter l'amendement et négocier ensuite avec le Sénat. Le bon sens finira par l'emporter.

La Commission rejette les amendements AS 2 et AS 3.

Elle adopte ensuite, successivement, les cinq amendements rédactionnels AS 10 à AS 14 du rapporteur.

Puis elle adopte l'article 1er modifié.

Article 2 : Entrée en vigueur

La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 15 du rapporteur.

Elle adopte l'article 2 modifié.

Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à dix-neuf heures.