La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est àMme Marisol Touraine.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous abordons ce débat sur le PLFSS dans un climat quelque peu étrange puisque le Gouvernement constate les déficits, et choisit, au nom d'une hypothétique reprise, de ne rien faire.
de la commission des affaires sociales, pour l'assurance vieillesse. Oh !
Ce sentiment d'étrangeté est conforté par l'attitude de la majorité qui, on l'a encore entendu cet après-midi, hésite entre rébellion et résignation ;…
…et il est renforcé par le vote sur la première partie du projet de loi de finances de certains membres éminents de l'UMP, dont le président de la commission des affaires sociales, vote de nature à introduire un doute quant à la confiance que porte la droite elle-même envers les propositions faites par le Gouvernement.
Ce PLFSS est en effet une fuite en avant, au mieux inconsciente – ce que je ne crois pas –, et plutôt destructrice. Au lieu d'engager des réformes de fond, madame la ministre, messieurs les ministres, vous préférez faire les poches des assurés sociaux, avec la multiplication des franchises et autres remboursements médicaux, ou la baisse des pensions. Le déficit effraie mais, je le dis avec une certaine solennité, ce qui est en jeu pour nous, ce n'est pas quelque principe d'équilibre budgétaire – même s'il faut évidemment se préoccuper de l'équilibre –, pas davantage l'idée que les dépenses sociales, en particulier les dépenses d'assurance maladie, deviendraient excessives : c'est tout simplement le fait qu'à ne pas vous donner les moyens de rétablir l'équilibre de la sécurité sociale, vous en préparez peut-être le démantèlement, en tout cas la dénaturation.
Qu'il s'agisse de la maladie ou de la retraite, vous encouragez très concrètement les Français, par votre inaction, à se tourner vers les assurances privées qui finiront par devenir une assurance de base et non plus complémentaire pour une partie de la population. Pour nous, l'enjeu est bien là : il ne porte pas sur la générosité de notre système de protection sociale, mais bien sur son efficacité sociale vis-à-vis de l'ensemble de la population, classes populaires comprises bien évidemment, et sur sa capacité à garantir l'égalité des prestations quelle que soit l'origine sociale.
Ce que nous pensons de ce texte, madame, messieurs les ministres, tient en trois mots : inconséquence, imprévoyance, provocation.
L'inconséquence, elle est évidemment financière. 30 milliards de déficit en 2010 toutes branches confondues, et sans doute 173 milliards en 2013. De quoi donner le vertige ! Et pourtant, ces chiffres ne sont absolument pas sincères. L'impact de la reprise sur l'emploi et donc sur la masse salariale, reprise que nous espérons tous mais qui n'est pas encore confirmée, ne se fera que très progressivement. Dès lors, tabler comme vous le faites sur une croissance annuelle de la masse salariale de 5 % à partir 2011 grâce à une croissance du PIB de 2,5 % apparaît au mieux optimiste, au pire mensonger, quand on sait qu'entre 2000 et 2007, période de croissance importante, la masse salariale n'a crû que de 3,7 % par an. On voit donc bien qu'il est totalement illusoire d'envisager d'atteindre, dans le contexte actuel, les perspectives que vous indiquez.
Le déficit pour 2009, vous le présentez comme principalement conjoncturel. La baisse attendue d'au moins 2 % de la masse salariale en 2009 se soldera par une perte de recettes de 11 milliards minimum pour le régime général.
Ce constat, nous pouvons le partager. Mais nous contestons vos réponses : si ce ne sont pas les dépenses qui dérapent, pourquoi ne pas rechercher vraiment de nouvelles recettes plutôt que de taxer encore les assurés sociaux ?
Vous allez les faire payer cash et très cher votre obsession de ne pas toucher au bouclier fiscal !
Cette obsession, elle se traduit d'abord par le forfait hospitalier. Vous nous dites toujours que celui-ci a été créé par la gauche. Certes, mais dans quel esprit ? Il s'agissait de ne plus laisser les frais de repas à la charge de la sécurité sociale. Qui peut le contester ?
On est largement au-delà du forfait initial. Il était de 3 euros au départ, de 10 euros en 2002, et vous l'aurez presque doublé en sept ans : 18 euros par jour pour des repas, surtout à l'hôpital, je trouve que c'est exagéré. Quinze jours seulement d'hospitalisation, et c'est la moitié de l'allocation mensuelle adulte handicapé qui sera prélevée, soit un quart du SMIC. Les classes moyennes, elles aussi, seront directement concernées. Il ne s'agit pas d'imaginer que ceux qui vont trinquer font partie exclusivement des catégories les plus fragiles et les plus populaires de notre pays.
Autre mesure surréaliste dont on entend aussi parler ces derniers jours : la création d'une nouvelle catégorie de médicaments remboursés à 15 %. Madame la ministre de la santé et des sports, cela devient ubuesque : un médicament est efficace ou il ne l'est pas. Certes, on peut admettre qu'il y ait plusieurs catégories de remboursement parce que l'efficacité est susceptible d'évoluer, mais si un médicament est efficace, il doit être remboursé, et si le service médical rendu devient faible, voire inexistant, il est hautement recommandé de ne pas encourager des pratiques qui peuvent être problématiques. J'insiste sur cette question des remboursements car le seul résultat tangible de votre politique en ce domaine, c'est qu'entre 2004 et 2008, le reste à charge des ménages, hors complémentaires, a augmenté de 14 %, et que le transfert des prestations de l'assurance maladie vers les complémentaires s'est accru de 1, 5 point depuis deux ans. Si on enlève ce qui relève des affections longue durée ou de l'hospitalisation, et que l'on prend en compte les prestations qui concernent 80 % des Français, le taux de remboursement hors complémentaire tombe à moins de 55 % au grand maximum. Ainsi, alors que l'on se gargarise de chiffres de remboursement par la sécurité sociale qui atteindraient 77 % à 78 %, la réalité est que, pour la plupart de nos concitoyens, ce remboursement n'est que de 50 % à 55 %. C'est une remise en cause très concrète de l'assurance maladie, remise en cause qui va évidemment s'accélérer avec les mesures que vous proposez.
D'un côté, plus de charges pour les assurés, de l'autre, pratiquement rien pour les nouvelles recettes.
En effet, la lutte contre la fraude, par principe nécessaire, n'est évidemment pas la réponse au déficit, compte tenu de l'ampleur de celui-ci. Cela permet à certains membres de la majorité de stigmatiser un peu plus les assurés, mais une telle réponse n'est évidemment pas à la hauteur de l'enjeu.
En outre, vous brandissez, comme un étendard de vertu, les quelques recettes tirées de la réduction de quelques exonérations concernant les retraites chapeau, les contrats d'assurance-vie et les plus-values de cession de valeurs mobilières. Sur ce dernier point, je tiens à souligner qu'il s'agit d'une pure mesure d'affichage puisque, par principe, elle ne rapportera rien en 2010 ! Zéro euro de plus dans le budget de la sécurité sociale ! Vous nous proposez, monsieur le ministre du budget et des comptes publics, un cavalier inconstitutionnel en guise de politique budgétaire. Le compte n'y est pas : moins de 800 millions si l'on tient compte du forfait social, ce n'est pas sérieux !
Alors, qu'en est-il des exonérations dont bénéficient les heures supplémentaires, qui pénalisent l'emploi et coûtent 4 milliards d'euros ? Rien. Qu'en est-il du manque à gagner du fait du bouclier fiscal qui, comble de l'indignité – sentiment partagé jusque dans votre majorité –, exonère les plus riches de toute contribution solidaire, CSG ou CRDS ? Rien. Quant à la mise en place d'un régime de droit commun pour les stock-options ou les retraites-chapeau ? Toujours rien !
Et qu'en est-il de la remise en question des exonérations dont bénéficient les employeurs pour les salaires jusqu'à 1,6 fois le SMIC ? Rien de rien ! Or non seulement ces exonérations constituent une trappe à bas salaires, ce qui en soi devrait être préoccupant, mais elles n'ont manifestement aucun impact sur l'emploi. Nous proposons donc de limiter les exonérations aux 1 000 premiers emplois par entreprise. Nous suggérons aussi de suivre la recommandation du comité des prélèvements obligatoires, qui constate que des employeurs usent et abusent du recours à des rémunérations complémentaires, versées par exemple sous la forme de treizième et de quatorzième mois, ce qui leur permet de bénéficier d'exonérations pour des emplois rémunérés en réalité au-delà du seuil de 1,6 fois le SMIC. Le comité estime à 3 milliards d'euros le manque à gagner ; la Cour des comptes avait déjà évalué à 3 milliards les cotisations à récupérer sur les stock-options ; vous avez, depuis 2002, fait exploser les niches et les exonérations sociales puisqu'elles ont augmenté de 65 %, et se montent à environ 58 milliards. À un moment où l'on débat d'un déficit de la sécurité sociale qui se chiffre en dizaines de milliards d'euros, on voit bien que le lien entre ces exonérations sociales et le déficit s'impose.
Cela dit, nous sommes les premiers à considérer et à affirmer qu'au-delà des mesures que nous préconisons pour obtenir de nouvelles recettes s'imposera une réorientation du financement de la protection sociale. En effet, les prélèvements sur les seuls revenus du travail atteignent aujourd'hui leurs limites – en tout cas tels qu'ils existent aujourd'hui.
Nous sommes prêts à cette discussion, sans refuser de réfléchir au montant des prélèvements. La CSG, instrument principal du financement actuel, doit elle-même évoluer vers plus de progressivité. Il faut s'interroger sur la manière d'aboutir à ce résultat nécessaire – plusieurs pistes sont possibles – si l'on veut se donner les moyens de financer de façon juste notre modèle social, au lieu de l'abandonner au nom de la stabilité des prélèvements obligatoires qui n'est qu'un dogme : le fait d'augmenter le forfait hospitalier, les déremboursements et les franchises se traduit bien par une baisse du pouvoir d'achat des Français.
Affirmer que vous ne voulez pas augmenter les prélèvements obligatoires pour ne pas ponctionner le pouvoir d'achat est un argument qui trouve ses limites. D'un côté, nous aurions un prélèvement qui pourrait être solidaire, alors que de l'autre c'est une taxe qui pèse de manière très différente selon le niveau social des assurés.
Pour engager cette réflexion sur la réorientation du financement de la protection sociale, il est vain d'imaginer que les dépenses de santé vont diminuer, nous l'affirmons haut et fort. C'est sans doute un point qui peut nous différencier. Nous pensons que les dépenses de santé sont appelées à s'accroître...
… à la fois parce que la population vieillit et que les techniques s'améliorent, et surtout parce que la préférence pour la santé s'affirme. Nous pensons que c'est une bonne chose.
Si vous êtes d'accord pour considérer que les dépenses de santé vont augmenter, donnez-vous les moyens – c'est le seul débat – de faire en sorte qu'elles soient financées. Vous ne pouvez pas d'un côté affirmer, comme à l'instant, que vous êtes d'accord pour que les dépenses de santé augmentent, et de l'autre ne prévoir aucune nouvelle recette et ne proposer rien d'autre que des taxations supplémentaires ou des diminutions de dépenses. Se pose une question de cohérence, mais je suis sûre que vous aurez l'occasion de vous expliquer.
Sur le front des recettes, vous faites preuve d'une inconséquence coupable. Tant qu'à laisser filer la dette, en proposez-vous au moins une gestion efficace ? Je ne m'attarderai pas sur ce point, brillamment démontré par plusieurs membres de la majorité. Nous partageons l'inquiétude que suscite votre choix de faire porter la dette sur l'ACOSS, qui devra émettre des billets de trésorerie pour environ 30 milliards d'euros supplémentaires, ce qui paraît d'une irréalité complète au vu des conditions actuelles du marché.
Inconséquence financière, mais aussi imprévoyance structurelle. Une partie du déficit reste due à un déséquilibre structurel. Il y a bien évidemment la branche vieillesse : l'échec de la loi Fillon de 2003 est patent, et votre action depuis n'a rien amélioré.
Concrètement, cela signifie que le niveau des retraites baisse dans notre pays. Votre choix, non assumé et non revendiqué, c'est celui de la baisse des pensions comme solution au problème du financement de notre régime par répartition, et cela sape la confiance des Français dans l'avenir de ce système…
…alors que la crise a démontré qu'on ne pouvait s'en remettre aux fonds de pension.
Nous savons tous que les leviers pour équilibrer le système de retraite ne sont pas infinis. C'est pour cela que nous dénonçons votre immobilisme sur la prise en compte de la pénibilité au travail…
…qui seule permettra de rendre justes les efforts nécessaires. Nous constatons l'absence de toute politique en faveur de l'emploi des seniors, à un moment où la tentation de départs anticipés en retraite refait surface, ce qui est aussi malheureux que compréhensible.
Cette absence de politique en faveur de l'emploi des seniors rend perverse toute idée de relever l'âge légal de départ en retraite. L'année dernière, ici même, Xavier Bertrand, alors ministre des affaires sociales, le disait d'ailleurs à notre collègue Yves Bur qui préconisait de s'engager dans cette voie.
Excellente référence !
Le Fonds de réserve des retraites, qui doit faciliter le passage du cap des années 2020, est en déshérence. Vous ne l'alimentez plus. Initialement prévu pour disposer de 150 milliards d'euros à cette date, il disposera d'à peine 83 milliards d'euros.
À ce manque de réserves – qui le rendra inefficace – s'ajoute un manque de stratégie quant à son utilisation. Comme l'année dernière, nous proposons de flécher certaines recettes vers le fonds de réserve, comme une augmentation du forfait social ou les cotisations sur les stocks-options.
Dans ces conditions, le rendez-vous de 2010 s'annonce comme le couperet de la rigueur, et il pourrait bien s'abattre notamment sur les avantages familiaux.
À ce stade, je voudrais dire un mot sur l'article 38. Pourquoi est-il franchement insupportable de remettre en cause la majoration de durée d'assurance dont bénéficient les femmes ? Pas au nom de je ne sais quelles valeurs qui feraient des femmes les piliers de l'ordre familial. Pas au nom, monsieur le ministre, de la politique familiale. Mais au nom de cette réalité persistante, violente, qui veut que l'inégalité dont souffrent les femmes au travail aboutisse à ce que leur retraite moyenne soit de 40 % inférieure à celle des hommes.
Dans ces conditions, comment justifier de faire disparaître la maigre compensation que représente la majoration de la durée d'assurance pour répondre aux contraintes indiscutables que pose la jurisprudence ?
Le Gouvernement, après avoir été tenté de le faire – et avant peut-être d'y revenir –, propose un système compliqué pour essayer de pallier la difficulté. Je ne reviens pas sur la description de ce système que tout le monde connaît désormais et qui nous paraît insuffisant et insatisfaisant.
Pour notre part, nous demandons que la totalité des huit trimestres de majoration soit attribuée au titre de la grossesse et de la naissance, et rien au titre de l'éducation. On me rétorque que l'on ne peut pas accorder huit trimestres pour neuf mois de grossesse et trois mois de congé maternité.
Mais la discrimination dont souffrent les femmes au travail ne se résume pas aux mois d'absence après une naissance. Elle dure tout au long de la vie professionnelle. Elle commence même avant que les femmes aient des enfants puisque les employeurs anticipent le fait qu'elles vont être absentes pour ce motif. Les employeurs inventent je ne sais quel sous-investissement dans leur travail des femmes ayant des enfants, et prennent très concrètement prétexte des périodes de maternité pour les marginaliser dans l'entreprise.
Il ne s'agit donc pas de compenser le temps de la maternité, mais le retard professionnel accumulé parce qu'elles sont des femmes. Les données disponibles confirment cette approche : les femmes n'ayant pas eu d'enfant ou un seul enfant ont une pension de 25 % supérieure à celle de l'ensemble des femmes, alors que l'impact de la paternité est nul sur le montant des retraites des hommes.
On ne nous a pas apporté la preuve que notre dispositif était impossible à adopter pour des raisons juridiques. Nous proposons de ne rien faire porter sur l'éducation, pour laquelle le principe de non-discrimination s'applique à plein, du fait de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Nous proposons de faire porter les huit trimestres sur le seul fait de la naissance et de la grossesse, pour compenser non pas le congé de maternité mais l'inégalité dans le monde du travail. Il n'y a pas là de discrimination vis-à-vis des hommes. Au contraire, il s'agit de corriger une autre discrimination. Il ne nous a pas été démontré que c'était juridiquement impossible.
Toujours sur l'article 38, nous pensons qu'il est inique de ne pas comptabiliser la totalité de cette majoration, en vertu de ce que je viens de dire, dans le calcul des carrières longues.
Après les retraites, l'assurance maladie : les politiques de régulation ne sont manifestement pas votre priorité. Qu'on ne nous dise pas que les mesures de régulation n'ont pas leur place dans un PLFSS : elles sont présentes notamment au travers des missions du FICQS. Il s'agit de financer globalement une politique de santé.
L'augmentation inévitable des dépenses de santé n'empêche pas de rechercher le système globalement le plus efficace : un euro dépensé doit être un euro utile pour la santé de nos concitoyens.
Or quelle est la situation ? La loi HPST, nous la trouvons vide.
Peut-être faut-il attendre la suite des événements ? Mais la situation est assez préoccupante, étant donné les décisions que vous prenez – comme la fermeture des blocs opératoires – alors même que les ARS ne sont pas mises en place.
Le système conventionnel est à bout de souffle, et les tentatives de réanimation sont inutiles à ce stade. Les déserts médicaux s'agrandissent, la prévention et la santé publique sont les dernières roues d'un carrosse qui ressemble de plus en plus à une citrouille, les refus de soins demeurent, les dépassements d'honoraires explosent.
C'est évident : 2 milliards sur 18 milliards, il n'y a que vous pour ne pas vous en rendre compte !
Le secteur optionnel est une fausse bonne idée. Vous permettez à des médecins du secteur 1 de pratiquer des dépassements d'honoraires, sans exiger de ceux qui sont en secteur 2 et qui les multiplient déjà, de revenir à des tarifs plus raisonnables voire opposables. Le secteur optionnel, c'est à très court terme la fin des tarifs opposables. Nous n'avons aucun doute à cet égard.
La régulation du système passe par la consolidation du rôle de l'hôpital public, qui doit sans doute maintenir les efforts vigoureux qu'il a déjà engagés pour une meilleure efficience financière mais aussi sociale : accueil du public, délais d'attente des patients.
En quelques années, l'hôpital s'est davantage transformé que la médecine libérale, mais votre seule réponse, c'est la restriction financière qui va signifier concrètement des centaines de médecins en moins dans les hôpitaux.
La comparaison avec le secteur privé trouve vite ses limites. Je veux affirmer ici avec force que la campagne de presse orchestrée par le secteur privé est proprement scandaleuse. On aurait aimé, madame la ministre, vous entendre davantage sur ce point. Votre silence vaut approbation, ce qui est problématique.
Qui forme ? Qui cherche ? Qui accueille 85 % des urgences ? Qui prend en charge la précarité, la totalité des pathologies, notamment les plus graves, sans jamais refuser un patient parce qu'il ne serait pas assez rentable ? L'hôpital public, évidemment !
Votre seule réponse, c'est la fermeture annoncée, sur des critères technocratiques, de centaines de blocs opératoires, sans qu'il soit tenu compte des réalités démographiques, géographiques, sanitaires locales.
Nous répétons notre opposition au principe même de la convergence tarifaire entre le privé et le public. Son renvoi à 2018 est un leurre puisque vous introduisez les premières étapes de la convergence dès ce PLFSS.
Le fonctionnement de la médecine libérale doit être revu. Nous n'approuvons pas l'égalité de l'ONDAM entre l'hôpital et la médecine ambulatoire. Nous proposons de diminuer l'ONDAM de ville pour financer ce qui servira d'ailleurs la médecine de ville, à savoir le FICQS, le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins.
Ce fonds, qui finance les projets structurants, diminue année après année. Madame la ministre, vous nous dites que la totalité des crédits n'étant pas consommés, il est logique de retirer des fonds.
Mais que se passe-t-il très concrètement ? En région, la répartition de l'enveloppe nationale se fait selon des critères purement démographiques. Résultat : dans certaines régions, des tas de projets ne sont pas financés. Les régions qui sont en retard doivent rendre les fonds et se trouvent ainsi privées d'une partie de la dotation annoncée. De facto, la sous-consommation des crédits est encouragée par votre pratique politique.
Beaucoup de sujets sont renvoyés aux calendes grecques : la rémunération forfaitaire des professionnels – indispensable à la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse de prévention –, les délégations de tâches, et, à un degré moindre, l'impulsion donnée aux pratiques de groupe. Nous avons eu l'occasion d'en débattre en commission avec vous, madame la ministre, au moment de l'appréciation des résultats du PLFSS de l'année dernière.
Vous nous annoncez régulièrement de grandes réalisations. En théorie, les expérimentations sur la rémunération forfaitaire sont possibles. Dans la pratique, rien n'a été mis en oeuvre. Il serait temps de passer aux actes.
Dans votre projet, la régulation de la consommation médicamenteuse se résume à des déremboursements, alors qu'il convient d'accentuer encore la diffusion des génériques et de réserver les nouvelles molécules aux patients pour qui elles représentent une avancée effective. Sans cela, rien ne pourra avancer de manière constructive.
Le système conventionnel expire sous nos yeux.
Il est temps, sans doute, de passer à une autre étape de l'organisation de la médecine de ville.
Le reste du texte est à l'avenant. Comme l'a clairement démontré Marie-Françoise Clergeau, il ne comporte qu'un pauvre article sur la politique familiale, consacré aux travaux chez les aides maternelles, alors que les besoins d'accueil en structures collectives sont loin d'être satisfaits, que le gel des prestations familiales est contreproductif économiquement en cette période de crise, et que le fonds national promis pour le financement de la protection de l'enfance a été abandonné.
Quant au secteur médico-social, l'inquiétude est grande : son ONDAM est certes fixé à 5,8 %, mais cela ne profitera pas aux établissements existants et, manipulation suprême, vous n'y arrivez qu'en siphonnant 150 millions du budget de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie : c'est autant en moins, donc, pour l'accompagnement des personnes âgées dépendantes. Demander aux plus dépendants de payer pour ceux qui ne le sont pas encore complètement est un comble !
Tout cela, et j'en viens à ma conclusion, finit par tourner à la provocation. Beaucoup de nos collègues de la majorité ont, au nom de la nécessaire rigueur dans la gestion des comptes, exprimé leur préoccupation sur ce texte. Les socialistes partagent cette préoccupation, mais l'essentiel n'est pas là. À s'intéresser seulement à l'équilibre des comptes sans se préoccuper du contenu des politiques suivies, on prépare en effet le terrain à une remise en cause de notre système beaucoup plus fondamentale.
Nous n'entonnons pas le grand air du complot contre la sécurité sociale. Ce n'est pas notre état d'esprit, mais nous constatons que les signes concrets d'un changement d'approche sont déjà là. À force de réduire les retraites à la portion congrue, on pousse les Français à multiplier, quand ils le peuvent, les placements complémentaires. Pour l'assurance-maladie, l'objectif a été clairement énoncé par le Président de la République au congrès de la Mutualité française : les complémentaires doivent prendre le relais. La belle affaire, dites-vous, puisque le patient, qui est remboursé par sa mutuelle, ne voit pas la différence ! Mais c'est faux. Ce n'est pas à un ajustement de tuyauterie que nous assistons, mais bel et bien à un changement de système. Si la prise en charge par la sécurité sociale est solidaire, le remboursement par les complémentaires est antiredistributif, puisque les prestations dépendent du contrat choisi, et que ce contrat est déterminé en fonction de la capacité à payer. Plus on est riche, plus on peut se payer une bonne complémentaire ; meilleure est la complémentaire, meilleurs sont les remboursements excédant la part de la sécurité sociale. Ce faisant, le remboursement solidaire est progressivement remplacé par un remboursement partiellement – car il ne l'est pas encore complètement – indexé sur les revenus des assurés : on l'observe avec le forfait hospitalier, les déremboursements ou les dépassements d'honoraires, sans parler de l'optique et des soins dentaires. Seuls les contrats les plus chers prévoient la prise en charge de ces frais ; on voit d'ailleurs que la Mutualité française a décidé une augmentation de ses tarifs comprise entre 5 % et 10 % l'année prochaine.
Autre exemple de transfert de responsabilités : la participation des organismes complémentaires à la prise en charge de la grippe A. Solidarité élémentaire en apparence mais tour de passe-passe en réalité, car cette dépense aurait dû être assumée par le budget de l'État et non par celui de la sécurité sociale, dans la mesure où elle relève d'une mission de santé publique. On regrettera d'ailleurs la précipitation et l'imprévoyance du Gouvernement, qui a commandé 94 millions de doses de vaccins et pris, de façon insensée et sans aucun recul, un engagement de paiement alors qu'une seule dose devrait suffire dans la plupart des cas. Franchement, l'industrie pharmaceutique s'en sort plus que bien !
Notre groupe, mes chers collègues, vous appelle donc à rejeter dès à présent le PLFSS car, s'il peut sembler relever d'une posture, celle d'un attentisme tranquille, il est en fait une imposture (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), un fric-frac de plus dont souffriront les ménages, et qui cache de vraies transformations de notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l'équilibre général.
Vous venez, madame Touraine, de vous livrer à un formidable exercice de zapping, parcourant un PLFSS où rien ne trouve grâce à vos yeux.
Cette posture excessive ne saurait tenir lieu de projet alternatif. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je note que, comme l'a dit M. Migaud, vous ne contestez pas l'impact de la crise sur nos finances sociales ; c'est déjà une bonne chose.
Vous ne semblez pas non plus contester très vigoureusement la nécessité de ne pas augmenter les prélèvements de façon significative, la crise étant loin de toucher à son terme.
En tout cas ce n'est pas la crise pour les laboratoires pharmaceutiques ! Ils font des millions de bénéfices !
Au milieu de ces multiples critiques, comme d'habitude, vous ne proposez rien d'autre que de vous en prendre aux grandes entreprises, puisque vous qualifiez ainsi les entreprises de plus de mille salariés. Or, chez nos voisins allemands, une entreprise de mille salariés n'est qu'une grosse PME, un Mittelstand. Vos amis socialistes du SPD n'ont cessé, pendant les douze ans où ils étaient au pouvoir, de soutenir très activement ces entreprises.
Je comprends que vous fassiez vos choux gras des avantages dont bénéficieraient les grandes entreprises ; mais, je le dis en présence de Gérard Bapt, qui a présidé la mission d'information sur les exonérations de cotisations sociales dont j'ai moi-même été le rapporteur, un consensus s'est dégagé chez les experts pour dire que ces exonérations ont créé ou maintenu de 700 000 à 800 000 emplois.
Toucher à cet équilibre de façon aussi violente que vous le proposez reviendrait à menacer ces emplois, ce qui serait pour le moins fâcheux en ce moment.
On pourrait effectivement croire que les entreprises de plus de 1 000 salariés n'ont pas besoin de ces exonérations. Mais réfléchissons bien à ce que nous faisons, car les problèmes se posent au cas par cas. Si vous supprimez les exonérations dont bénéficie telle entreprise de nettoyage qui, sur l'ensemble du territoire, emploie 50 000 personnes, celle-ci verra ses charges augmenter de 80 millions d'euros, alors que son excédent est de 30 millions.
Allons donc ! Les grosses entreprises gagneront peut-être moins, mais encore beaucoup !
De deux choses, l'une : ou c'est l'emploi qui trinquera, ou c'est le client qui paiera beaucoup plus cher une prestation très concurrentielle.
L'entreprise dont vous parlez ne délocalisera pas ! C'est le plus mauvais des exemples !
Méfiez-vous donc des mesures simplistes que vous proposez.
Quant au Fonds de réserve des retraites, madame Touraine, prétendre qu'il serait la solution pour le financement des futures retraites est une imposture. C'est d'ailleurs la seule mesure que le gouvernement Jospin, fuyant ses responsabilités, avait proposée en 1999 ; depuis lors, vous n'avez eu de cesse de vous opposer à tout ce qui permettrait d'assurer un financement pérenne des retraites.
Vous avez attaqué la politique de santé courageusement mise en oeuvre par Mme Bachelot. Or l'assurance-maladie est, pour l'heure, le seul domaine n'ayant pas souffert de la crise, puisque ses dépenses ont augmenté de 3,5 % en 2008, à quoi s'ajouteront encore 3 % en 2010, soit 5 milliards supplémentaires. Personne ne peut donc parler de rationnement (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), même s'il vous est loisible de répéter le contraire.
Nous sommes en revanche partisans d'une véritable rationalisation du système de santé (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : chaque euro dépensé doit être un euro bien dépensé ; c'est la logique que nous défendrons pour chacune des mesures.
Aussi convient-il de rejeter la présente motion, ramassis de critiques dénué de la moindre proposition, qui illustre la vacuité de la pensée socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Madame la députée, vous avez décrit notre projet en des termes qui ne se voulaient pas aimables.
Votre intervention était en tout cas amnésique, confuse et caricaturale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous maniez plus facilement l'art de la critique que celui de la proposition : en une demi-heure de discours, pas une seule proposition !
Dès que l'une de nos propositions est adoptée, le Gouvernement demande une seconde délibération !
Je voudrais, à l'exemple de M. le rapporteur, vous inviter à regarder dans le rétroviseur. En 2000 ou 2001, vous avez gaspillé les fruits de la croissance en laissant filer les dépenses, et manqué, ce faisant, une occasion historique de réformer structurellement la sécurité sociale : la croissance de l'ONDAM était de l'ordre de 6 %, et le déficit de la CNAM est passé de 1,6 milliard à 11 milliards d'euros. L'irresponsabilité, madame Touraine, est donc de votre côté et non du nôtre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
De même, vous avez élégamment passé sous silence le fait que, entre 2004 et 2007, le déficit de l'assurance-maladie est passé de 8 milliards d'euros à 4,4 milliards ; sans la crise, Roselyne Bachelot et moi l'aurions ramené à 3 milliards. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ces chiffres sont le résultat du travail que nous avons mené pour réduire et maîtriser les dépenses de l'assurance-maladie.
Autre accusation habituelle : nos mesures pénaliseraient les assurés. Mensonge ! La prise en charge par la sécurité sociale, vous semblez complètement l'ignorer, n'a que très peu diminué depuis 1995, passant de 77 % à 75 %. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous louez toujours l'exemple allemand ; mais en Allemagne, le reste à charge pour un assuré social est de 13 %, contre 7 % en France.
Or cet écart équivaut exactement au déficit de la sécurité sociale française ! Cessez donc de nous donner des leçons : elles sont inacceptables. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quant à la sincérité des prévisions, êtes-vous mieux placée que nous, madame Touraine, pour en juger ? Je ne le pense pas. Le chiffre de 5 % de masse salariale, par exemple, est-il totalement irréaliste ? Je ne le crois pas non plus, car il ne représente que 2,6 % d'augmentation par rapport à 2008, la crise étant arrivée depuis : faites un peu de calcul plutôt que de rester le nez collé sur la vitre !
Rapportée à une croissance du PIB de 5 % entre 2008 et 2011, une progression de 2,6 % de la masse salariale est certes ambitieuse mais elle n'a rien d'insincère. J'ajoute que les prévisions sont transparentes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) :…
…si vous souhaitez les contester, libre à vous de refaire les calculs !
Vous proposez par ailleurs, pour faire entrer de nouvelles recettes, de taxer les contribuables plutôt que les assurés sociaux. (« Les riches ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Ces propos prendraient toute leur valeur si vous les répétiez un peu plus souvent et un peu plus fort à vos électeurs !
Sur les stock-options, nous avons fait ce à quoi vous ne vous êtes jamais résolus. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes sans arrêt dans la dénonciation ; jamais dans l'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Entre 2007 et 2008, nous avons doublé les cotisations sociales des salariés et des employeurs sur les stock-options. Celles-ci sont désormais taxées à 24,6 %, ce qui nous place dans la moyenne européenne. Par ailleurs, nous avons mis en place un système qui permettra aux plus-values mobilières de participer au financement de la sécurité sociale.
Enfin, la majorité taxera les retraites chapeau, ce que vous n'avez jamais fait. Que ne vous y êtes-vous employés lorsque vous étiez aux affaires ? Ce qui vous paraît scandaleux aujourd'hui devait pourtant l'être déjà ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Une fois encore, c'est l'actuelle majorité qui agit. Dès lors que nous doublons le taux de taxation des retraites chapeau, rien ne vous autorise à dire que nous ne faisons rien.
Mme Touraine s'en est prise aux allègements généraux, qui visent à diminuer les charges des entreprises. Mesdames, messieurs les députés du groupe socialiste, pensez-vous qu'il faudrait les alourdir, au moment où le chômage augmente ? Dans ce cas, allez donc l'expliquer aux entreprises, dans vos circonscriptions !
Si vous voulez, je peux même vous faire un modèle de lettre. Nous verrons combien d'entre vous accepteront de signer ! Demandez donc aux patrons des PME de vos circonscriptions s'ils souhaitent voir augmenter les charges sociales sur les bas salaires ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Voulez-vous tuer la compétitivité française et les bas salaires ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Continuez donc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous qui citez si volontiers les rapports de la Cour des comptes, relisez-les : vous verrez que les mesures que vous préconisez risquent de détruire 800 000 emplois. Croyez-vous vraiment qu'en pleine crise il faille jouer les apprentis sorciers ?
D'ailleurs, vous critiquez en fait les charges qui ont été instaurées par l'actuelle première secrétaire du parti socialiste. Le montant des allégements Aubry était de 15 milliards d'euros, et les 35 heures, qui ont affaibli les entreprises et diminué le pouvoir d'achat, ont limité les ressources de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En outre, madame Touraine, quand vous avez évoqué la lutte contre la fraude, vous êtes allée trop loin. À vous entendre, il ne faudrait pas stigmatiser les fraudeurs.
Si ! Vous avez affirmé qu'il ne fallait pas stigmatiser les assurés sociaux.
Ni Mme Bachelot ni M. Darcos ni M. de Raincourt ni moi-même n'avons parlé de stigmatiser les assurés sociaux. Nous considérons seulement que, dans un pays qui redistribue plus de 578 milliards de prestations sociales, il est naturel de lutter contre la fraude. Beaucoup de droits, c'est beaucoup de contrôles. La démocratie ne connaît pas d'autre système, et j'aimerais bien que vous assumiez davantage la lutte que nous menons contre les faux arrêts-maladie ou la fraude aux prestations sociales. Ce serait moins irresponsable de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous nous reprochez d'avoir pris de l'argent à la CNSA. Mais celle-ci possède aujourd'hui 1 milliard d'euros de trésorerie, après avoir encaissé un excédent de 470 millions en 2007 et de 510 millions en 2008. Dès lors que des excédents se dégagent dans la sphère sociale, on doit les employer à combler les déficits. Si vous n'êtes pas capable de comprendre ce principe de bonne gestion, vous n'avez aucune leçon à nous donner.
Mme Bachelot vous répondrait mieux que moi sur l'hôpital. Mais sachez que l'ONDAM prévoit pour lui une augmentation de 2,8 %. Comment pouvez-vous prétendre que nous supprimons ses crédits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cette augmentation de 2,8 % correspond à plus de 2 milliards de crédits supplémentaires. Alors que nous sommes en pleine crise, nous aurons créé cette année 5 000 emplois dans les hôpitaux, soit, depuis 1999, un total de 120 000 emplois supplémentaires. Caricatures ou mensonges, je ne sais, mais vos affirmations ne correspondent à rien.
Pour la famille, dites-vous, la majorité n'a prévu qu'un « pauvre article ». Mais nous allons injecter 1,3 milliard d'euros avant 2012, pour créer 100 000 nouvelles places de crèche, et les crédits progresseront de 7,5 %. N'est-ce donc rien ? Notre politique familiale est la plus forte et la plus vigoureuse du monde ! A-t-on le droit de parler d'un « pauvre article », quand nous prévoyons de consacrer 80 milliards d'euros à la famille ? Vous ne vous rendez pas compte des efforts consentis par le pays en matière de prestations sociales, parce que votre vision est purement idéologique.
Les complémentaires – faut-il le rappeler ? – versent le supplément, qui, au-delà des 75 % pris en charge par l'assurance maladie, permet d'atteindre le prix de la prestation. Nous les aidons à y parvenir. L'an dernier, Mme Bachelot a mis en place une aide à l'acquisition des complémentaires, dont le résultat est spectaculaire, puisque le nombre d'acquisitions a augmenté de 31 %. Par ailleurs, nous avons continué à développer les CMUC. Autant dire que le dispositif que nous avons mis en place est très complet. Décidément, les socialistes n'ont rien à dire de sérieux aux assurés sociaux ni aux acteurs du système de santé ni à la sécurité sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements nourris sur les bancs du groupe UMP.)
Aucun autre membre du Gouvernement ne demande la parole.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Philippe Vitel.
Monsieur le président, il ne me reste qu'à confirmer les propos que M. le ministre a tenus avec brio (« Avec prétention ! » sur les bancs du groupe SRC.) Si Mme Touraine nous a accusés d'inconséquence, d'imprévoyance et d'insincérité, je me contenterai de lui reprocher son incohérence. Comme à nous, madame, on vous a appris quand vous étiez au lycée que tout raisonnement scientifique devait s'appuyer sur une hypothèse, une thèse et une synthèse. En l'espèce, votre hypothèse est fausse, de sorte que toute la suite ne peut que l'être aussi.
M. le ministre l'a rappelé : dès les années 2000, à l'époque où ils étaient au pouvoir, les socialistes étaient incapables de distinguer le conjoncturel du structurel. C'est pourquoi le raisonnement qu'ils tiennent est tordu ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Aujourd'hui, le conjoncturel représente 12 milliards d'euros. L'augmentation du déficit est due intégralement à la baisse des recettes. Qui pourrait aller contre cet état de fait ? En revanche, pour le structurel, on enregistre une diminution des dépenses entre 2009 et 2010. En 2009, l'ONDAM a été respecté.
Pour la première fois, l'augmentation des dépenses est limitée à moins de 3 % depuis deux ans. Ce résultat n'avait jamais été obtenu auparavant, même à l'époque où les socialistes bénéficiaient de l'embellie de la croissance.
Vous n'avez pas tort de dire que nous avons un dogme : en période de crise, nous considérons qu'il faut soutenir l'économie et respecter le contribuable.
C'est pourquoi nous nous engageons formellement à ne pas augmenter les prélèvements en période de crise.
Vos idées sur le forfait hospitalier sont assez simplistes. Personne ne remet en cause l'augmentation à laquelle nous allons procéder,…
…et qui ne vise qu'à rattraper le retard des dernières années.
Enfin, allez donc répéter vos critiques sur la mise en place du secteur optionnel à ceux qui attendaient cette mesure depuis quinze ans. Je ne vous donne pas le droit de la blâmer…
…au moment où la situation évolue enfin de manière profitable à tous, pour faire droit à une demande de l'ensemble des professions de santé.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas la motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, chers collègues, on peut ne pas être d'accord avec Mme Touraine, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
…mais nul ne peut nier que la situation des comptes sociaux est extrêmement grave et que le Gouvernement ne propose aucune mesure d'envergure pour augmenter les recettes.
Nos ministres se gargarisent de ce qu'ils nomment la maîtrise des dépenses, ce qui, en français, signifie simplement que l'on fait payer davantage les patients. Mais comment M. Woerth, qui instaure la franchise, le supplément d'un euro par consultation, les déremboursements de médicaments, l'augmentation du forfait hospitalier et des complémentaires, peut-il prétendre que la charge n'augmente pas pour le patient ?
C'est à peine si le Gouvernement consent à égratigner quelques niches, pour affirmer qu'il met à contribution les plus fortunés – ce qui, je vous le concède, vaut mieux que rien –, mais, comme l'a démontré Mme Touraine chiffres à l'appui, ces sommes sont dérisoires tant au regard du niveau de taxation, beaucoup plus faible que celui que vous appliquez aux salariés, autrement dit à ceux qui vivent de leur travail, qu'au regard des besoins de financement.
M. Woerth prétend que tout va aller mieux, comme il nous assurait l'an dernier que la masse salariale augmenterait de plus de 2 %, alors qu'elle a baissé. Suffit-il de vous écouter, de vous croire et de prier Dieu pour que cela marche ? Ce n'est pas sérieux ! En outre, ce n'est pas dans nos habitudes. C'est pourquoi nous voterons la motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Vous pouvez vous mentir à vous-même, monsieur le ministre du budget, mais vous ne parviendrez à mentir ni à l'opposition ni aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Revenons donc sur le taux de remboursement, que vous prétendez maintenir à 76 % par les régimes obligatoires. Je ne suis pas titulaire de la médaille Fields, mais tout le monde comprend que l'augmentation annuelle du nombre de ceux qui bénéficient des 100 % affection longue durée induit nécessairement une baisse de la prise en charge des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous prétendez aussi que l'opposition ne fait pas propositions. Pourtant, Mme Touraine a passé son temps a vous en faire ! (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Depuis sept ans, monsieur Woerth, vous nous renvoyez en permanence les mêmes arguments (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et, quand ce n'était pas vous, c'étaient vos amis. Des propositions, nous en avons, et vous en trouverez aussi du côté de la Cour des comptes, qui évoque les niches fiscales et les niches sociales dans chacun de ses rapports annuels.
Quant au bouclier fiscal, sur lequel vous ne voulez pas revenir, il aurait déjà commencé à se fissurer sans l'injonction que vous avez adressée à votre majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Selon les propos tenus par l'une de nos collègues de la majorité dans un quotidien : « Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale à venir ne font que souligner que l'exécutif nous parle d'autre chose que de la réalité. »
Monsieur Woerth, vous voulez que nous parlions de la gestion de la gauche. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Depuis sept ans que votre majorité est au pouvoir, le déficit cumulé de la sécurité sociale s'élève à plus de 134 milliards d'euros. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cette situation est exactement à l'opposé de celle qu'a laissée la gauche lorsqu'elle a perdu le pouvoir.
Au passage, je vous rappelle qu'en 2007, alors que le pays connaissait la croissance, la sécurité sociale a connu un déficit de 2 milliards d'euros. Il s'agissait donc d'un déficit structurel.
N'en déplaise au président de la commission des affaires sociales, M. Méhaignerie, qui affirmait que les Français n'étaient pas en train de perdre leurs acquis sociaux, c'est bien cela qui se passe aujourd'hui. Lorsqu'on parle de capitalisation pour les retraites, et que la protection en matière de santé est transférée aux mutuelles et aux assurances, cela s'appelle bien une perte des acquis sociaux ; c'est même une privatisation. (« Deux minutes, deux minutes ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Madame Lemorton, vous avez épuisé votre temps de parole. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pour toutes ces raisons, avec responsabilité et conviction, nous voterons cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je ressens une certaine électricité dans l'ambiance de nos débats, qui vont pourtant encore durer trois jours. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Éric Woerth et Yves Bur sont intervenus avec beaucoup de calme, mais avec une certaine passion, pour présenter des arguments d'une grande objectivité. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) À la limite, il n'y a plus grand-chose à ajouter ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Bien entendu, le groupe Nouveau Centre ne votera pas la motion de rejet préalable défendue par Mme Marisol Touraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le projet de loi de finances concerne les régimes obligatoires de base qui financent les dépenses de santé et de retraite ainsi que la politique familiale. Nos concitoyens l'attendent avec le plus grand intérêt.
Si nous pouvons débattre, c'est grâce à la réforme d'Alain Juppé. Éric Woerth doit s'en souvenir puisque, à l'époque, il travaillait, je crois, tout près de Matignon. Il s'agit d'un réel progrès : le Parlement peut enfin se prononcer sur les dépenses sociales du pays, ce qu'il ne pouvait pas faire auparavant.
Les dépenses concernent la santé, la retraite et la politique familiale. Les recettes dépendent de l'emploi, mais elles pèsent aussi sur le coût du travail, ce qui pose aujourd'hui quelques problèmes. Ce débat est essentiel pour le pays et il n'est donc pas question d'y renoncer.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est présenté cette année dans un contexte économique et financier particulièrement difficile. Les dépenses ont été à peu près tenues, mais les recettes se sont effondrées : nous sommes donc confrontés à un important déficit que nous ne voulons pas transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants.
La proposition d'autoriser l'ACOSS à emprunter 65 milliards d'euros n'est pas satisfaisante ; le transfert à la CADES avec une augmentation modérée de la CRDS serait logique et raisonnable. Il est également possible de trouver d'autres recettes en toilettant les niches sociales et fiscales.
Les mesures relatives à la santé et aux retraites ne sont pas toutes parfaites, mais les débats et la discussion des cinquante-quatre articles et des quelque quatre cents amendements devraient permettre d'améliorer ce texte.
Impossible : il est trop mauvais !
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, en apparence modeste, est, en fait, celui de tous les records.
Le déficit prévu, de 31,5 milliards d'euros, est en effet le plus important depuis la création de la sécurité sociale, devant celui de 25 milliards d'euros enregistré cette année. Nous en sommes au point où la commission des finances n'a pas osé donner un avis favorable à ce texte !
Le Gouvernement voudrait nous convaincre – M. Woerth s'y est beaucoup employé – que la crise explique ces déficits ; nous contestons cette thèse.
Bien sûr, avec l'accentuation du chômage qu'elle a provoquée, la crise a aggravé les comptes sociaux, mais ce déficit existe depuis des années. Il est même structurel puisque la sécurité sociale souffre d'une insuffisance criante et persistante de recettes.
Cela devrait nous conduire à revoir en profondeur l'assiette de cotisation. Or vous vous y refusez obstinément : tout se passe comme si vous aviez décidé de laisser pourrir la situation. En effet, finalement, ce déficit vous est plutôt utile pour expliquer que notre système, essentiellement fondé sur les revenus du travail, est dépassé : il permet de justifier les charges de plus en plus lourdes que vous faites supporter aux usagers.
Peu vous importe qu'au fil des ans s'installe une inégalité d'accès aux soins de plus en plus marquée et qu'elle soit ressentie par tous. Cette évolution démontrée par plusieurs études s'accompagne d'une dette sociale dont le remboursement des intérêts coûte chaque année plus de 7 milliards d'euros de prélèvements sociaux et fiscaux.
Or vous savez aussi bien que moi que cette situation grave n'a aucune chance d'être surmontée grâce à l'augmentation du forfait hospitalier, aux nouveaux déremboursement de médicaments ou à la fiscalisation des indemnités d'accidents du travail, qui ne devrait rapporter que 150 millions d'euros. Ces mesures pèsent lourd pour les usagers, mais elles ne pèsent pas grand-chose dans le budget de la sécurité sociale face aux défis actuels.
En fait, vous avez décidé de mettre en cause durablement le système solidaire qui, en prélevant une part de la richesse produite, permettait à chacun, quelles que soient ses ressources et la gravité de son état, de bénéficier de soins de qualité.
Vous faites progressivement glisser notre modèle vers un système où prédominera la prise en charge individuelle : finalement, seuls ceux qui pourront payer seront bien soignés.
Aussi, au nom de la compétitivité, vous exonérez les entreprises de charges sociales sans aucun contrôle sur les résultats attendus, alors que vous savez que ces derniers sont quasiment nuls au regard des 32 milliards d'euros engloutis en 2009 dans ces dispositifs. Pourtant, avec le recul, nul ne peut nier que les chiffres du chômage progressent au fur et à mesure qu'augmentent les exonérations de cotisations sociales patronales. Mais cela ne vous empêche pas de poursuivre sur cette voie qui gangrène littéralement notre société.
En vérité, le déficit de la sécurité sociale n'est qu'un des symptômes d'un système économique malade, fondé sur la spéculation, qui ne crée rien et qui dévalorise le travail.
Ainsi, en 2006, la part des salaires dans la valeur ajoutée se situait autour de 66 %, alors qu'elle s'élevait à 70 % dans les années soixante et qu'elle avait atteint 74 % en 1982. Or une variation d'un point de la masse salariale modifie le solde du régime général de près de 2 milliards d'euros. L'explication du déficit de la sécurité sociale est essentiellement là.
Nous avons également des conceptions différentes de ce que représente la santé pour notre pays. Pour nous, la bonne santé d'une population, comme son éducation, est un investissement pour le présent et l'avenir. Les dépenses de santé ne sont pas un boulet pour notre économie mais, au contraire, une richesse sur le plan humain comme sur le plan économique.
C'est pourquoi nous considérons qu'il faut partir des besoins et adapter les financements, car loin d'être une charge, la protection sociale contribue et participe pleinement au développement économique.
Ce préambule illustre manifestement deux conceptions opposées de la place de la santé et de la protection sociale dans notre société. Des réponses différentes sont donc apportées aux besoins, qu'il s'agisse de l'accès aux soins, de la médecine générale, des hôpitaux, de la famille, des retraites, ou encore de la santé au travail.
Nous sommes devant une accentuation sans précédent des inégalités. Je suis d'ailleurs frappée par le fait que vous n'en parlez pas. Pourtant, les écarts d'espérance de vie entre les cadres et les ouvriers ont encore augmenté depuis le début des années quatre-vingt. Selon l'INSEE, un cadre de trente-cinq ans peut aujourd'hui espérer vivre jusqu'à quatre-vingt-un ans, alors que l'espérance de vie d'un ouvrier du même âge plafonne à soixante-quatorze ans. De plus, les ouvriers, durant leur vie plus courte sont davantage victimes d'incapacités et de handicaps.
Selon l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, en 2006, 14 % de nos concitoyens ont renoncé à des soins pour des raisons financières. Ce taux s'élève à 23 % chez les étudiants et à 32 % chez les personnes ne disposant pas d'assurance complémentaire. Mais, de tout cela, nos ministres ne parlent pas.
Cette situation n'a rien d'étonnant quand on voit s'ajouter au ticket modérateur et aux franchises sur les boîtes de médicaments, sur les actes paramédicaux et sur les transports en ambulance, le « un euro » par consultation et par acte de biologie, les déremboursements répétés de médicaments et l'augmentation de deux euros du forfait hospitalier, fixé désormais à dix-huit euros par jour.
Ainsi, depuis sa création en 1982, le forfait hospitalier a augmenté de près de 500 % alors que le SMIC, dans la même période, n'a augmenté que de 175 %. Mesurez-vous qu'à dix-huit euros par jour une hospitalisation de dix jours correspond à plus du quart du montant du minimum vieillesse ?
Et à tout cela, il faut encore ajouter les dépassements d'honoraires qui accentuent considérablement les inégalités d'accès aux soins. C'est peu dire que, dans bien des cas, le « tact et la mesure » sont largement dépassés. Lors de l'examen du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, vous aviez rejeté notre amendement visant à encadrer ces dépassements. Nous déposerons à nouveau un amendement en ce sens, car l'objectif que nous poursuivions est plus que jamais d'actualité.
Vous nous présentez le secteur optionnel comme la réponse à ce problème ; nous n'y croyons pas. En fait, les médecins exerçant en secteur 2 y resteront pour l'essentiel – ils le disent d'ailleurs eux-mêmes –, tandis que ceux exerçant en secteur 1 accéderont à leur tour aux dépassements. C'est en réalité la disparition programmée du secteur 1 qui se profile
Dans le même temps, les centres de santé, qui pratiquent des tarifs opposables et le tiers payant, participant ainsi activement à la lutte contre les inégalités dans l'accès aux soins, ne sont pas reconnus pour le service qu'ils rendent.
Ainsi, l'assurance-maladie oublie systématiquement de transposer aux centres de santé les dispositions contenues dans les conventions avec les professionnels libéraux. Nous avons déposé un amendement pour résoudre ce problème : j'espère que vous lui réserverez un sort favorable.
Par ailleurs, notre amendement prévoyant que les caisses d'assurance-maladie prennent en charge les frais induits par la pratique du tiers payant dans les centres de santé, ce qui est tout de même la moindre des choses, a été déclaré irrecevable. Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous le reprendre ?
Aux obstacles financiers à l'accès aux soins s'ajoute la pénurie de médecins qui est la conséquence, à la fois, de la baisse inconsidérée du numerus clausus dans les années quatre-vingt et de l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération de praticiens issue du baby-boom. D'ores et déjà, certaines régions et certains quartiers manquent de médecins.
Cette pénurie concerne toutes les spécialités mais particulièrement la médecine générale qui souffre, certes, d'idées préconçues mais aussi de réelles difficultés d'exercice. Cette année encore, six cent douze postes, d'internes en médecine générale sont restés vacants, certains étudiants préférant redoubler plutôt que de choisir cette discipline.
Pour surmonter cette situation, outre le relèvement, d'ailleurs insuffisant, du numerus clausus, nous avons adopté à l'unanimité, en février 2008, une proposition de loi donnant un statut aux enseignants de la filière universitaire de médecine générale. Par ailleurs, la loi HPST prévoit la nomination tous les ans, pendant quatre ans, d'au moins vingt professeurs des universités de médecine générale, de trente maîtres de conférence des universités et de cinquante chefs de clinique.
Or, cette année, la ministre de l'enseignement supérieur a procédé à la nomination de seulement dix professeurs des universités titulaires et n'a créé que quatorze postes d'enseignants associés. Si ces décisions vont dans le bon sens, elles restent très insuffisantes au regard des besoins, notamment dans la perspective d'une généralisation – enfin ! Serais-je tentée de dire – du stage auprès d'un médecin généraliste dès le deuxième cycle.
Il ne vous reste plus beaucoup de temps pour vous conformer aux objectifs fixés par la loi HPST en ce domaine. Pourtant, trente-huit enseignants reconnus aptes à la titularisation par la Commission nationale d'intégration pourraient être nommés. Par ailleurs, il est indispensable de donner un statut de chargé d'enseignement aux 4 000 enseignants cliniciens ambulatoires maîtres de stage, qui accueillent les internes dans leur cabinet et leur transmettent le goût de la médecine générale, et de revaloriser leurs honoraires pédagogiques.
S'agissant des hôpitaux publics, je voudrais revenir un instant sur la loi Hôpitaux, patients, santé et territoires. Ce texte, auquel s'est opposée la grande majorité du personnel soignant et non soignant des hôpitaux publics,…
…aura notamment pour effet de démotiver les praticiens hospitaliers, en leur refusant toute implication dans la gestion des hôpitaux…
…et en modifiant de fait le statut de PH par l'introduction de la contractualisation et du paiement à l'acte. Ainsi, tout est fait pour accélérer la fuite des praticiens hospitaliers vers les cliniques commerciales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comment ne pas voir que votre projet de décret prévoyant la fermeture de 182 blocs opératoires va encore accélérer ce mouvement, puisqu'un quart des établissements publics devraient être concernés ? Déjà, 60 % des actes chirurgicaux se déroulent dans le privé. Mais cela ne vous suffit pas, vous voulez aller plus loin. C'est extrêmement préoccupant.
En ce qui concerne la convergence tarifaire, nous nous félicitons que vous reconnaissiez enfin les différences et spécificités du service public et que vous repoussiez à 2018 la date de fin du processus. Mais nous regrettons que vous persistiez dans votre démarche, car celle-ci n'est pas réaliste. La Cour des comptes elle-même…
…a indiqué : « S'il est souhaitable que la convergence ne conduise pas les établissements à produire la même activité de soins, ce qui serait contraire aux besoins de la population, il est alors sans doute illusoire de penser que la convergence tarifaire peut se mettre en place. En effet, les coûts de production ne peuvent pas être les mêmes selon qu'une activité est centrale ou marginale. » J'ajouterai pour ma part : selon que l'on reçoit tout le monde ou certains patients seulement, selon qu'on les reçoit jour et nuit ou à certaines heures seulement.
Quant au volet concernant la branche famille, il contient peu de choses, comme le reconnaît M. Darcos lui-même. En effet, aucune revalorisation des aides familiales n'est prévue. C'est pourtant au moment où les ménages subissent de plein fouet la crise économique qu'il faudrait augmenter les prestations et tenir les promesses faites par le Président de la République, c'est-à-dire le versement des allocations familiales dès le premier enfant et la définition d'un nouveau mode d'indexation pour leur revalorisation.
La seule avancée que comporte ce projet de loi concerne l'extension aux assistantes maternelles du prêt pour l'amélioration de l'habitat. Si cette mesure est utile dans certains cas, elle est surtout cohérente avec votre politique, qui vise à favoriser des modes de garde individuels et à transférer vers les particuliers des charges jusqu'ici supportées par l'État, puisque les assistantes maternelles sont plus onéreuses pour les familles que les crèches collectives.
Ajoutées à la mise en place des jardins d'éveil et au décret « crèches », que vous concoctez afin d'abaisser les critères d'expérience des professionnelles et d'augmenter le nombre d'enfants qu'elles pourront prendre en charge, ces mesures entraîneront une diminution de la qualité des services. Vous savez bien que les parents demandent surtout des places en crèche, a fortiori lorsqu'il s'agit de familles modestes. Mais, à vos yeux, cela coûte trop cher. C'est pourtant de l'argent bien placé, pour les enfants comme pour les parents.
Pour la branche vieillesse également, on peut parler d'un service minimum, avant le rendez-vous de 2010, que vous avez judicieusement fixé après les élections régionales. Vous n'avez pas pour autant omis de remettre en cause un droit très important pour les femmes. Je veux parler de la majoration de durée d'assurance qui leur est accordée dans le calcul de leurs retraites, en raison non seulement de l'incidence de la maternité et de l'éducation des enfants sur leur vie professionnelle, mais aussi de l'insuffisance de leurs pensions de retraite, liée aux discriminations qu'elles subissent tout au long de leur vie professionnelle, que ce soit en matière de salaires ou de déroulement de carrière.
En effet, les femmes gagnent en moyenne 24 % de moins que les hommes et, à compétences égales, leur salaire est inférieur de 7 % à celui des hommes. En outre, elles sont plus souvent victimes du chômage et du temps partiel subi. Tous ces facteurs ont une incidence sur le montant de leurs pensions de retraite. Faut-il rappeler qu'actuellement 83 % des femmes retraitées perçoivent une pension qui se situe en dessous du minimum vieillesse et qui est en moyenne inférieure de 38 % à celle des hommes ? La MDA, qui correspond encore aujourd'hui à 19 % du montant des retraites des femmes, sert à compenser ces insuffisances. C'est pourquoi nous ne pouvons accepter ce recul.
Des raisons juridiques sont invoquées pour remettre en cause ces dispositions. Or nous ne doutons pas de la possibilité d'y trouver des réponses adaptées, qu'elles soient d'ordre juridique ou qu'elles visent à prendre en considération les éventuels préjudices liés à l'éducation des enfants sur les carrières professionnelles des hommes comme des femmes. Ces réflexions devraient d'ailleurs s'inscrire dans une démarche plus globale de définition d'une politique familiale ambitieuse.
Enfin, mon collègue Roland Muzeau consacrera son intervention à la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Je m'attarderai donc, pour ma part, quelques minutes sur la souffrance au travail. Les événements dramatiques qui se sont multipliés récemment traduisent de graves problèmes, directement liés au travail. Du reste, le nombre des consultations pour souffrance au travail augmente, ainsi que les recherches et les travaux conduits sur ce thème.
Face à cette situation, le Gouvernement serait bien inspiré d'entreprendre une réflexion sur certaines méthodes d'organisation du travail – de management, comme on dit en franglais –, uniquement focalisées sur le taux de profit à court terme. Hélas ! plutôt que de remettre en cause cette philosophie, vous préférez suspecter les salariés de fraude et renforcer, dans la loi, les contrôles des arrêts de travail et les sanctions.
Avant de conclure, je voudrais revenir sur les questions de financement, car elles sont essentielles et relèvent de choix politiques. Notre pays a la chance de disposer de beaucoup de moyens, pour peu qu'ils soient mieux répartis et mieux utilisés. Vous proposez, dans ce PLFSS pour 2010, de mettre enfin à contribution les retraites chapeau et les revenus des placements mobiliers, ainsi que d'augmenter le forfait social. Ces mesures, préconisées depuis plusieurs années par beaucoup d'entre nous…
…ainsi que par la Cour des comptes, vont dans le bon sens. Toutefois, elles sont bien timides et risquent de ne pas rapporter grand-chose, vu les taux retenus, qui sont très inférieurs à ceux appliqués aux revenus du travail.
Nous déposerons des amendements visant à corriger cette anomalie et à aligner la taxation des produits des placements financiers des particuliers sur celle des revenus du travail.
Quant aux exonérations de cotisations sociales patronales accordées par l'État, elles sont estimées à 32 milliards en 2009, dont 2,8 milliards non compensés, et devraient atteindre 31,5 milliards en 2010, dont 3 milliards à la charge de la seule sécurité sociale. Il s'agit, selon la Cour des comptes, d'un « dispositif incontrôlé », au coût « très élevé » et à « l'efficacité incertaine ». Se fondant sur cette analyse, la Cour propose d'abaisser le seuil d'exonération de 1,6 à 1,3 SMIC et d'en limiter le bénéfice aux entreprises de moins de vingt salariés, ce qui permettrait d'économiser, selon elle, 7 milliards d'euros. Madame, messieurs les ministres, pourquoi ne mettez-vous pas en oeuvre ces préconisations raisonnables, issues de l'expérience et qui seraient extrêmement utiles ?
Dans le même souci d'utilité et d'efficacité, nous proposons d'aller plus loin et de réformer l'assiette des cotisations sociales, afin de la moduler en fonction de la politique salariale et de la politique de l'emploi menées par l'entreprise. À niveau de charges constant, cette réforme permettrait de favoriser les bonnes pratiques en allégeant les charges de celles qui, plutôt que de spéculer, choisissent d'investir, de créer des emplois et d'offrir des salaires décents, et en alourdissant le montant des cotisations de celles qui préfèrent limiter la masse salariale et spéculer.
Afin de dégager de nouvelles recettes, nous proposons également de taxer les revenus financiers des entreprises. Actuellement, seuls sont soumis à la CSG les revenus financiers des ménages ; ceux des entreprises et des institutions financières y échappent. Nous proposons donc de créer une nouvelle cotisation, à hauteur de la cotisation patronale sur les salaires. En 2008, les produits financiers des entreprises non financières s'élevaient à 254,6 milliards d'euros et les revenus financiers nets des sociétés financières à 13,7 milliards d'euros, ce qui constitue une base financière totale de l'ordre de 270 milliards d'euros. Si l'on soumettait cette base de revenus financiers au taux actuel des cotisations sociales patronales, on obtiendrait 70 milliards de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale.
Vous ne voulez pas aller aussi loin, soit. Mais faites au moins un pas dans cette direction. Il s'agit bien, j'y insiste, des revenus des placements financiers, autrement dit de la spéculation, réalisée au détriment des investissements utiles et créateurs d'emplois.
Madame, messieurs les ministres, contrairement à ce que vous dites, je fais de nombreuses propositions et je vous propose d'en débattre. Il est temps de décider d'orienter les richesses produites vers des dépenses efficaces pour les hommes et les femmes de ce pays ainsi que pour l'économie. La crise que nous vivons devrait nous conduire à prendre des dispositions audacieuses. En dissuadant la spéculation, qui est à l'origine de la crise, vous tiendriez enfin la promesse présidentielle de revaloriser le travail et vous introduiriez de bons mécanismes incitateurs dans le modèle économique que vous défendez.
Comme vous le voyez, beaucoup d'éléments de ce texte méritent d'être retravaillés. C'est pourquoi nous insistons pour demander son renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
Madame Fraysse, dans votre intervention, vous avez davantage exposé votre opposition globale au projet de loi que justifié la nécessité de renvoyer celui-ci devant la commission. Du reste, personne, je crois, ne conteste que notre commission a examiné sérieusement ce texte, en y consacrant le temps qu'il fallait. Nous avons même dû organiser une nouvelle audition des ministres pour laisser à tous la possibilité de poser leurs questions. Nous avons, de surcroît, consacré trois séances à la discussion des articles et examiné plus de trois cents amendements, ce qui représente environ douze heures de discussion, laquelle s'est globalement déroulée dans un excellent climat et dans la sérénité.
En outre, la commission a adopté de nombreuses améliorations, à l'initiative non seulement de ses cinq rapporteurs, mais également de chacun des groupes, dont un ou deux présentés par votre excellent collègue Roland Muzeau. Au total, la commission a accepté plus de 90 amendements. Par conséquent, rien ne justifie, madame Fraysse, que nous adoptions votre motion de renvoi en commission.
Je profite de cette réponse pour vous indiquer que j'approuverai l'une de vos propositions et que j'en rejetterai quatre.
Premièrement, les charges de plus en plus lourdes pour les usagers – 300 millions d'euros – ne sont rien en comparaison des 9 milliards d'euros de politique sociale que représentent le revenu de solidarité active, les allégements d'impôt sur le revenu, la montée de 6 % des dépenses sociales et le financement du chômage partiel. D'un côté 300 millions d'euros, de l'autre, entre huit et neuf milliards d'euros !
Effectivement.
Deuxièmement, vous nous accusez d'exonérer les entreprises au nom de la compétitivité, pour un résultat nul. Non, vous ne pouvez pas dire que le résultat de l'allégement des charges sociales sur les bas salaires soit nul ! Qu'il y ait des corrections à apporter, nous en discuterons. En revanche, l'allégement des charges sociales est vital car, sans compétitivité, il n'y a pas d'emplois.
Troisièmement, vous nous reprochez d'accepter l'aggravation des déficits pour mieux remettre en question le système social. Je rappelle que lorsque nous avons abordé le débat sur la dépendance, en 2007, l'ONDAM augmentait moins vite que la masse salariale. Nous pensions tous, cette année-là, que le transfert d'un point et demi à deux points de cotisations UNEDIC pourrait financer, pour les cinq années à venir, non seulement le cinquième risque, mais aussi les dépenses supplémentaires de vieillesse.
Quant à la prise en charge des dépenses hospitalières par la collectivité, le niveau de 97 % atteint par notre pays le place certainement au premier rang en Europe.
La convergence, madame Fraysse, consiste en l'absolue nécessité de prendre en compte, dans le débat sur les retraites, le différentiel d'espérance de vie entre les salariés et les catégories socio-professionnelles. Il aura fallu attendre 2003 et la loi Fillon pour que soit corrigée l'inégalité majeure que constitue le différentiel d'espérance de vie : jusqu'alors, ceux qui avaient les durées d'activité les plus longues avaient les retraites les plus réduites et l'espérance de vie la plus faible ! Et ce n'est pas vous qui avez corrigé cette inégalité majeure, mais bien notre majorité !
Je suis heureux d'avoir pu répondre, en toute courtoisie, à certaines de vos critiques qui me paraissent vraiment excessives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi.
La parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe UMP.
Madame Fraysse, je dois reconnaître que vous faites mieux que Mme Touraine, puisque vous formulez quelques propositions. Je citerai certaines d'entre elles. Vous voulez supprimer l'exonération de charges pour les bas salaires, ce qui fragilise 800 000 emplois, et vous voulez faire cotiser davantage les entreprises, ce qui fragilise également l'emploi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous voulez majorer les déficits en partant des besoins, sans que l'on s'interroge sur l'utilisation des fonds.
Puisque vous voulez nous aider à lutter contre l'argent de la spéculation, je suppose que vous voterez pour les propositions que nous avons faites sur les revenus mobiliers et les stock-options.
Quand vous nous dites que la santé est un investissement, nous ne pouvons qu'être d'accord, mais nous ne comprenons pas pourquoi vous voulez systématiquement détruire les industries de santé dans notre pays, pourquoi vous jetez la suspicion sur les professionnels de santé, comme vous venez encore de le faire à l'instant.
Vous êtes systématiquement contre nos propositions…
C'est simplement le reflet de ce qui vient d'être dit à l'instant. Dois-je rappeler que vous avez voté, en commission des affaires sociales, l'amendement proposant d'indexer le forfait hospitalier sur le coût de la vie – ce qui signifie que vous êtes favorables à l'augmentation du forfait hospitalier, contrairement à ce que vous prétendez par ailleurs ?
Notre collègue ne sait manifestement pas compter, il faudrait qu'il prenne des cours !
Vous refusez les négociations conventionnelles en critiquant a priori le secteur optionnel. Est-ce à dire que ce qui est valable pour certains syndicats ne le serait pas pour les syndicats des professions de santé ? Ceux-ci ne seraient-ils pas capables de négocier ?
Enfin, vous avez évoqué le numerus clausus. Dois-je rappeler que c'est un ministre communiste, M. Jack Ralite, qui a fait chuter le numerus clausus et supprimé l'internat des régions sanitaires, avec toutes les conséquences que l'on connaît aujourd'hui sur la démographie des professions de santé ?
Vous critiquez systématiquement notre position, mais n'avez manifestement aucun argument sérieux à invoquer à l'appui de votre motion de renvoi en commission. Le groupe UMP ne la votera donc pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous dites que nous n'avons pas de propositions, monsieur Lefrand, mais vous ne risquez guère de nous entendre si vous vous bouchez les oreilles chaque fois que nous évoquons le bouclier fiscal ! Vous vous obstinez à protéger les banques en refusant de taxer leurs bénéfices, alors que vous taxez les Français qui, eux, sont de moins en moins protégés par la sécurité sociale ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Aujourd'hui, plus de 30 % des Français se refusent des soins ou les retardent. Notre système de santé, si longtemps vanté, est passé du premier au septième rang européen, ce qui devrait vous faire réfléchir, mais cela n'a pas l'air d'être le cas, puisque vous allez enfoncer le clou encore un peu plus cette année.
Alors que vous dites vouloir préserver notre protection sociale solidaire, chaque année apporte son lot de mesures qui nous en écartent : déremboursements ou baisses de remboursement de médicaments, hausse du forfait hospitalier, franchises médicales – pour lesquelles, d'ailleurs, nous avons eu le plus grand mal à nous procurer le rapport…
Mais ce n'est pas tout : vous prévoyez également les dépassements d'honoraires – ce n'est pas le secteur optionnel qui nous rassurera – et la sortie du régime des ALD pour certaines catégories de malades.
Alors que deux millions de personnes précaires, voire modestes, pourraient bénéficier de l'aide à l'acquisition d'une mutuelle, seuls 500 000 en profitent. Pourquoi, madame la ministre ? Est-ce l'effet de votre volonté, je ne peux le croire.
Allez-vous accepter encore longtemps l'afflux toujours croissant de personnes dans les centres d'accueil, de soins et d'orientation, les CASO, tels que ceux de Médecins du Monde, créant ainsi un système de soins parallèle destiné aux pauvres ? Le candidat Nicolas Sarkozy se qualifiait lui-même d'Américain (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Devenu Président de la République, il ferait bien de regarder de l'autre côté de l'Atlantique, où le président Obama s'efforce, au prix de grandes difficultés, de sortir du système que lui-même voudrait imposer en France.
Parce qu'aucune réponse satisfaisante n'est apportée à la moindre de ces questions, le groupe SRC votera la motion de renvoi en commission, afin que ce texte soit retravaillé dans le sens d'un accès équitable au système de soins et que vous preniez conscience que, réforme après réforme, PLFSS après PLFSS, vous diminuez sans cesse la protection sociale des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, il est toujours agréable de se réunir à l'Assemblée nationale pour légiférer sur la pérennité du formidable système d'accompagnement médico-social, si utile et si apprécié par nos compatriotes et qui, depuis plus de soixante ans, rend à chacun d'entre nous les plus appréciables des services.
Qu'il est agréable pour les Françaises et les Français de savoir qu'ils pourront recevoir les meilleurs soins des mains de professionnels compétents et performants en tout point du territoire. Qu'il est appréciable, pour la mère gravide, de savoir qu'elle disposera d'un accompagnement de qualité tout au long de sa grossesse et que, dès son premier cri, sa progéniture pourra bénéficier de tous les dispositifs destinés au bien-être de la petite enfance. Toute la petite famille bénéficiera alors des bienfaits d'une politique équilibrée, structurée au service de son harmonie et de son épanouissement.
Qu'il est rassurant, au crépuscule de notre vie, que l'allongement de son espérance ne fait que repousser, de savoir le niveau d'excellence vers laquelle tend notre système de prise en charge de la longévité, de la dépendance et de cette redoutable maladie qu'est la maladie d'Alzheimer.
Le travailleur sait qu'en cas d'accident ou de maladie professionnelle, il sera accompagné ; qu'en cas de perte d'emploi, il sera pris en charge et aidé dans sa réinsertion professionnelle ; enfin, qu'au terme de sa vie active, il pourra bénéficier d'un système de retraite encore solide, d'un minimum vieillesse ou d'une pension de réversion qui, même si elle n'est pas mirifique, permet de subvenir aux besoins de chacun.
La personne handicapée sait, elle aussi, que de nombreuses mesures sont à sa disposition pour améliorer son autonomie, sa mobilité, son intégration sociale et professionnelle, sa possibilité de formation, avec l'objectif que les difficultés qui sont les siennes au quotidien soient le moins pénalisantes possible pour sa qualité de vie.
Bien sûr, nous savons tous que rien n'est parfait ! Nous sommes conscients et avons la volonté, de quelque côté que l'on se trouve dans cet hémicycle, de perfectionner notre système, de lui donner la meilleure efficacité et la meilleure réactivité, afin qu'il continue à être reconnu comme le système le plus performant existant sur notre planète.
Bien sûr, cela a un coût, et force est de constater que malgré les efforts qui sont les nôtres depuis maintenant sept ans, nous avons beaucoup de mal à atteindre sur ce point nos objectifs. Il faut d'emblée séparer dans notre esprit le déficit structurel du déficit conjoncturel – ce que certains ont, semble-t-il, beaucoup de mal à faire. Le déficit conjoncturel, résultat de la récession que nous vivons malheureusement depuis deux ans, est lié à un effondrement des recettes qui explique 65 % du déficit 2009 et 75 % du déficit 2010, ce qui représente 12 milliards d'euros en année pleine.
Seul un retour rapide à meilleure fortune permettra d'en limiter le niveau. En ce sens, nous espérons que les mesures volontaristes prises dès le début de la crise sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy permettront d'en percevoir les effets dès le début de sortie de celle-ci.
C'est sur les déficits structurels que nous pouvons agir, c'est donc sur eux que nous devons concentrer nos efforts. On peut tenter de se rassurer en constatant que l'ONDAM va être respecté en 2009 et que, pour la première fois, nous parvenons à maîtriser les dépenses de santé deux années de suite à moins de 3 %. C'est là, madame et messieurs les ministres, le résultat d'une manifeste responsabilisation des comportements de tous les acteurs, que nous avons entreprise dès 2004. Toutefois, il faut désormais s'attaquer plus radicalement au socle de ces dépenses.
En 2004, par exemple, nous attendions beaucoup de la mise en place du dossier médical partagé – ou personnel, peu importe sa dénomination. Nous constatons aujourd'hui que nous n'avons pas beaucoup avancé sur ce point. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Qu'en attendez-vous à l'avenir ?
En 2004, nous envisagions la possibilité d'une convergence tarifaire permettant de mieux gérer les établissements hospitaliers publics comme privés. D'année en année, la Cour des comptes refait le constat qu'avait déjà établi le président Larcher dans son rapport : incapacité des hôpitaux publics à développer une gestion dynamique des ressources humaines, non-fiabilité des comptes des hôpitaux du fait de leur propension à masquer des déficits, à occulter des excédents, à méconnaître des actifs et des passifs, tout cela du fait d'outils de comptabilité analytique insuffisants et obsolètes. Alors même que la réforme de la tarification et la généralisation de la T2A suppose une connaissance fine, par service et activité, des coûts internes, les outils d'analyse ou de ventilation de ces coûts restent le plus souvent embryonnaires ou insuffisamment fiables.
Bien sûr, tous les hôpitaux publics ne sont pas inflationnistes et toutes les cliniques privées ne sont pas vertueuses. Toutefois l'analyse des données des trente groupes homogènes de séjour qui génèrent le plus de dépenses confirme qu'une convergence intelligente aurait un impact significatif sur les dépenses de santé, pourvu qu'elle ait pour objectif une diminution des dépenses, et non une simple redistribution des cartes à budget constant. Il faut pour cela aller à la convergence vers le plus cohérent, ce qui nécessite pour chaque GHS l'étude précise du prix de revient réel des actes. Un tel système laisserait la possibilité de dotations spécifiques pour l'égalité d'accès aux soins de tous les citoyens sur tout le territoire.
J'en viens à notre régime de retraite. Lors de la réforme de 2003 nous avions fixé un rendez-vous en 2008. Nous sommes aujourd'hui en 2009, et le rendez-vous a été renvoyé en 2010. Nous vous demandons, madame la ministre, messieurs les ministres, d'être très vigilants quant au respect de cet agenda : le déficit du régime de retraite augmente chaque année, et il ne doit pas devenir le boulet qui provoquera la noyade de tout notre système de santé.
Je souhaitais aussi évoquer avec vous la dette que nous transférons régulièrement à la Caisse d'amortissement de la dette sociale : 27 milliards l'an dernier. La CADES est un outil remarquablement géré ; je tiens d'ailleurs à féliciter ceux qui y travaillent au quotidien pour diminuer, par leur action en temps réel, la charge des intérêts.
Vous avez déclaré ne pas envisager de transfert de dette avant 2011. Je ne vois pas d'autre explication à ce refus de transfert d'année en année que la volonté de ne pas augmenter la CRDS.
Toutefois, vous envisagez de transférer de nouvelles dettes à la CADES en lui versant une recette supplémentaire par redéploiement d'autres ressources, sans augmenter les impôts. Quelles sont, monsieur le ministre du budget, ces autres ressources que vous souhaitez redéployer ?
Voilà, mes chers collègues, quelques-uns des sujets que nous allons débattre dès demain. Bien sûr, nous débattrons, au-delà des grandes lignes budgétaires,…
Avec 31 milliards de déficit, il vaut mieux en rester aux grandes lignes !
…de diverses mesures catégorielles, sectorielles, corporatistes ou à périmètre défini. De très nombreux amendements ont été déposés et étudiés en commission, et beaucoup ont été adoptés. Ils méritent une attention particulière en séance publique.
Le débat sera parfois vif, toujours intense mais toujours franc et loyal, comme on peut le vivre sur un terrain qui m'est cher – le terrain de rugby. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Chers collègues, nous devons reconnaître à ce PLFSS une énorme vertu : il répond aux priorités du moment – un moment où, plus que jamais, dans une conjoncture difficile, nous devons veiller à ce que notre système social reste solidaire et responsable et à ce qu'il respecte les valeurs fondamentales d'universalité que nous défendons avec acharnement et détermination depuis plus de soixante ans.
Madame et messieurs les ministres, les députés UMP, eux aussi solidaires et responsables, s'y engagent à vos côtés. Vous pouvez compter sur notre soutien sans faille. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale présente une caractéristique essentielle : il ne comporte rien, ou si peu de chose.
Il ne comprend que très peu de mesures, et aucune d'entre elles n'est de nature à apporter une solution aux problèmes qui se posent à la sécurité sociale.
Ce qui frappe, ce qui choque, c'est l'ampleur du déficit prévisionnel : 31 milliards d'euros, ce qui portera à 60 milliards d'euros le déficit consolidé pour la période allant de 2008 à 2010. C'est énorme, gigantesque ! Et pourtant, cela ne semble pas vous perturber outre mesure.
Ce déficit-là, qui remet en cause la protection sociale, n'est pas acceptable. La sécurité sociale est le bien commun de tous les Français ; ils lui sont profondément attachés. Nous leur devons de revenir à l'équilibre le plus vite possible.
Vous invoquez la crise. Elle justifie, certes, une partie de ce déficit ; et on peut admettre que la sécurité sociale fasse fonction d'amortisseur social : cette partie conjoncturelle est acceptable. Mais ce qui est plus grave, c'est que vous ne donnez pas l'ombre de la moindre mesure de redressement pour la partie structurelle des déficits, que l'on peut situer autour de 10 milliards d'euros depuis plusieurs années maintenant.
Et qui plus est, vous vous lancez dans une prospective complètement irréaliste. Dans l'annexe B, vous affichez un déficit de 29 milliards d'euros à la fin de l'année 2013 – et encore, à la condition que d'ici là la croissance du PIB s'élève à 2,5 % par an, et la croissance de la masse salariale à 5 % par an. Nous avons parlé tout à l'heure de ces hypothèses avec M. Woerth : ces chiffres sont pour le moins peu probables, pour ne pas dire irréalistes.
Ces hypothèses, qui relèvent de la méthode Coué ou de la boule de cristal, ne sont pas des outils de gouvernance dignes d'un ministre des comptes publics.
En fait, vous n'y croyez pas vous-même, mais votre phobie idéologique des prélèvements obligatoires vous amène à penser que dès 2010 la reprise de la croissance fera mécaniquement le travail que vous n'osez entreprendre.
Pendant ce temps, notre sécurité sociale est en banqueroute.
En demandant à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, de financer le besoin de trésorerie à hauteur de 65 millions d'euros, vous lui faites supporter une dette dont la destination devrait être la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Mais là, il eût fallu augmenter la contribution au remboursement de la dette sociale, ce qui eût donné un signe courageux en faveur du rétablissement des comptes publics.
Vos choix politiques apparaissent très nettement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous nous proposez.
Le premier choix, c'est l'injustice sociale. En repoussant l'idée de sortir la CRDS du bouclier fiscal, vous rejetez un effort de solidarité. Et pourtant, cette idée juste provient de parlementaires UMP. Je cite le rapport Warsmann : « Compte tenu de la situation exceptionnelle de la dette sociale, son financement est un devoir moral et suppose la solidarité de tous. » Bravo, monsieur Warsmann – il n'est pas là ce soir, mais je crois tout de même que vous pourriez le féliciter. Néanmoins, même issu de votre propre camp, ce geste – qui n'est certes pas à la hauteur des enjeux, mais n'en est pas moins ô combien symbolique – n'a pas ébranlé votre position dogmatique sur le bouclier fiscal.
Le deuxième choix politique de ce PLFSS, c'est le report des déficits sur les générations futures, alors même qu'à longueur de journée, vous prônez des choix courageux. À défaut de la moindre mesure significative de redressement dès 2010, c'est tout le système qui est durablement endetté, et même surendetté.
Et quand on atteint ces niveaux-là, tout report de solutions ne fait qu'aggraver et rendre les mesures correctrices plus douloureuses. Pourra-t-on attendre l'après 2012 ? Il est évident que non.
Je dirai quelques mots des mesurettes du PLFSS, pour constater qu'elles sont d'une ampleur ridicule, qu'elles ne sont pas à la hauteur des déficits et surtout qu'une fois de plus elles touchent les plus faibles : déremboursements et forfait hospitalier passant de seize à dix-huit euros en sont l'illustration.
On le voit, le PLFSS est désespérant d'absence de solutions à même de redresser au moins la partie structurelle du déficit. Et pourtant les solutions existent. Elles sont abondantes, chiffrées, argumentées, au fil des nombreux rapports sur le sujet. On peut citer celui de la Cour des Comptes – que vous contestez quand cela vous arrange, mais qui recommande pourtant des mesures urgentes et fortes. On peut citer également le très fouillé rapport de nos collègues Gérard Bapt et Yves Bur, qui donnent eux aussi de très nombreuses pistes. Vous reprochez souvent à la gauche de ne pas avoir d'idées ; on veut bien vous en donner, mais on peut craindre une fois de plus que vous ne les entendiez pas !
Un chiffre devrait vous alerter : les allégements, exonérations et niches sociales représentent 58 milliards d'euros de pertes pour les finances publiques. Je n'entrerai pas dans le détail de chacune de ces niches, mais quelques-unes méritent, à notre sens, d'être rapidement réaménagées.
Je pense d'abord à la remise à plat des allégements généraux sur les salaires. Véritables trappes à bas salaires, ils sont d'une efficacité douteuse sur l'emploi.
Abaisser les seuils ou en limiter le champ aux très petites, petites et moyennes entreprises permettrait l'efficacité, sans l'effet d'aubaine. Ce sont quelques milliards d'euros qui pourraient être ainsi dégagés.
La correction de la perte de recettes liée à l'exonération des cotisations sociales des heures supplémentaires dans le cadre de la loi TEPA de 2007 représente une autre piste prometteuse.
Je suis désolé d'y revenir, mais si ce mécanisme augmente peut-être le pouvoir d'achat de quelques salariés, il représente plus sûrement des fonds perdus pour la sécurité sociale.
Quant à la participation et à l'intéressement, véritables salaires déguisés, leur taxation, même à un taux intermédiaire de 25 % – très loin des cotisations de droit commun –, rapporterait également 4 milliards d'euros.
Vous n'avez que mollement touché à la taxation des stock-options : c'est encore une piste qu'il faut suivre.
On ne pourra pas tenir comme cela jusqu'à 2012. Il en va là de l'avenir de la protection sociale. Et l'on peut redouter de vos choix pour sortir de la crise. Vous risquez de nous expliquer que le système de protection sociale, véritable outil de solidarité, doit être complété par des complémentaires pour la santé et par la capitalisation par les retraites. Et dans ce schéma, on voit bien quels sont les grands perdants ; ce sont toujours les mêmes : nos concitoyens les plus modestes.
C'est parce que nous ne voulons pas de cette société-là, que nous vous demandons, madame et messieurs les ministres, de tout mettre en oeuvre dès aujourd'hui pour sauver la protection sociale, seule à même de préserver la cohésion sociale dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous avez, je crois, bien écouté l'intervention de Mme Fraysse : elle a brossé un tableau d'ensemble et fait un certain nombre de propositions. Je ne reviendrai pas sur ce qu'elle a indiqué.
Mais il faut vraiment se demander si nos collègues, et le Gouvernement, ont conscience de la réalité de la vie des gens de ce pays.
On dit que les recettes de la sécurité sociale diminuent. C'est vrai.
Je vous l'ai toujours expliqué, et vous ne m'avez jamais cru : plus il y a de chômage, moins il y a de cotisants, et – il n'y a besoin d'être grand philosophe ou grand mathématicien pour le dire – moins il y a de rentrées pour la sécurité sociale. Cela me paraît évident.
Mais n'expliquez surtout pas que la crise que nous vivons aujourd'hui est la responsable de cette situation !
Personne ne vous croira ! Car ce déficit n'est pas d'aujourd'hui, il est structurel.
Mais il est structurel, ce déficit ! Depuis des années, depuis que je suis député…
Dès que je parle, vous vous énervez, parce que vous savez que je vais dire la vérité, et la vérité toute crue !
Ce déficit est structurel ; la Cour des comptes elle-même, et son président, ont dans un rapport consacré spécialement à la sécurité sociale montré notamment que si on n'avait pas plus d'emplois, si le chômage augmentait, le déficit se creuserait ; et en même temps, ce rapport montrait que si on laissait perdurer des exonérations sans conditions, y compris pour les grands groupes…
Vous semblez traiter de haut notre proposition, rappelée par Mme Fraysse, qui concerne les entreprises de plus de vingt salariés.
Que représentent les 27 milliards d'exonérations de cotisations sociales patronales sinon une profonde injustice dans la mesure où les entreprises de vingt salariés ou moins bénéficient de la même retenue que les groupes, les grandes entreprises ? Vous parlez des PME, mais regardez les statistiques. Vous verrez que les entreprises qui se portent bien et qui sont responsables de la crise profitent de cette crise et bénéficient, comme les autres, d'exonérations de cotisations patronales jusqu'à 1,6 SMIC.
Je reconnais que les torts sont partagés. Nous n'avons jamais été d'accord avec la décision de Martine Aubry de passer de 1,3 à 1,6 SMIC.
Les comptes étaient équilibrés du temps de Martine Aubry, cher collègue.
Franchement, est-il juste qu'en pleine crise ces exonérations soient maintenues pour des entreprises comme Goodyear, Continental, Nexans ?
Le ministre picard M. Woerth est parti, il savait que j'allais lui dire que, dans notre région, nous battons des records.
Prenons l'exemple de l'entreprise Nexans, dans l'Aisne ; c'est un dossier tout chaud.
Nexans a bénéficié de milliards de francs d'exonérations de cotisations patronales. Considérant que ce n'était pas assez, l'entreprise a demandé que le fonds d'investissement lui octroie 58 millions d'euros. Mais ce n'était pas encore suffisant, et l'entreprise a demandé – je suis intervenu aujourd'hui auprès du ministre de l'emploi (M. le ministre du budget regagne son banc.)…
Dois-je repartir ? (Sourires.)
…je vous ai écrit aussi, monsieur le ministre – Nexans, disais-je, a demandé que l'État prenne 5 % du capital. Le lendemain, vous qui êtes de la même région que moi vous me direz si je mens, les salariés apprenaient que leur entreprise, qui avait récupéré tout cet argent, qui faisait des profits extraordinaires, s'en allait. Les cotisations seront moindres puisque les salariés seront au chômage. On a accordé des exonérations, on a versé 58 millions, l'État a pris 5 % du capital et, au final, l'entreprise s'en va !
Je ne mets pas l'État spécialement en cause, je crois que tout le monde est responsable, mais je ne comprends pas que le Gouvernement, quand je lui fais remarquer qu'il ne peut pas laisser faire ça, qu'il doit au moins demander que Nexans rembourse l'argent public dont elle a bénéficié et qui lui a servi à fermer pour délocaliser dans un pays où les salaires coûtent moins et réaliser le maximum de profits pour les actionnaires, me réponde qu'il ne peut rien récupérer. Si l'État ne peut pas récupérer, qui peut le faire ? Les régions, elles aussi, donnent des fonds puis voient les entreprises bénéficiaires délocaliser, comme Procter & Gamble, grand groupe qui fait des profits extraordinaires.
Nous proposons donc d'abord de moduler la cotisation de façon que ceux qui créent de l'emploi, qui veulent investir, qui veulent se développer, qui veulent former, payent moins de cotisations patronales que ceux qui justement réalisent des profits extraordinaires, licencient, délocalisent ou restructurent en abandonnant des chômeurs. Ceux-là doivent payer beaucoup plus. Cela me paraît juste. Sinon, c'est de l'égalitarisme et l'égalitarisme est injuste. Donc, s'agissant des recettes, il y a quand même des choses qu'on peut améliorer immédiatement.
Le président de la Cour des comptes lui-même a reconnu que, souvent, les exonérations étaient injustifiées, qu'elles n'étaient pas conditionnées et qu'elles représentaient un effet d'aubaine pour des entreprises. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le président de la Cour des comptes dans son rapport, pas le dernier mais un précédent dans lequel il s'attaquait aux déficits structurels de la sécurité sociale.
C'est vrai qu'il fait beaucoup de rapports.
On continue à jouer les généreux, le chômage continue d'augmenter, on n'interdit aucun licenciement et on se plaint du déficit de la sécurité sociale alors que les salariés, eux, paient leurs cotisations sociales, tout comme les PME à qui on réclame quand elles ne les ont pas payées, mais les autres entreprises, on les laisse faire. Vous n'êtes pas obligé de me croire, mais relisez le rapport de la Cour des comptes et vous verrez.
La deuxième chose…
Monsieur Gremetz, j'espère que vous ne comptez pas faire une troisième remarque.
Je suis très honnête en effet.
Il faudrait augmenter les salaires un petit peu, alors que vous, vous faites l'inverse. Quant au forfait hospitalier, vous l'augmentez. Certes, vous pourriez dire que ce n'est pas vous qui l'avez inventé, c'est vrai, mais vous vous en êtes bien servi. Et à chaque fois, vous dites qu'un euro d'augmentation, c'est rien du tout. Pour vous, c'est rien du tout, mais pour les millions de gens qui vivent sous le seuil de pauvreté, c'est beaucoup. Ils ne peuvent pas le payer et, du coup, ne vont pas se faire soigner. Ça, c'est une réalité également.
Nous proposons donc une modulation de la cotisation en fonction de l'attitude des entreprises, cela nous semble tout à fait normal, et une révision du forfait hospitalier pour ne pas donner toujours aux mêmes et prendre toujours aux autres, à ceux qui n'ont rien.
Je conclus. Mais, monsieur le président, je crois que vous êtes avocat et qu'en général vous dépassez largement votre temps.
Moi, je ne suis pas avocat, je suis ouvrier, donc je n'ai pas l'habitude…
Monsieur Gremetz, nous pourrons bénéficier de votre talent dans la discussion des amendements.
La sécurité sociale est un sujet de société. Pour beaucoup de gens, il est quand même tout à fait paradoxal de voir un pays comme la France, qui est enviée par le monde pour sa santé, sa justice, connaître de telles difficultés alors que pouvoir se soigner, c'est quand même un droit universel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Obama, lui, se bat contre les conservateurs pour mettre en place une véritable sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Il s'agit d'un moment majeur de l'année parlementaire puisque nous sommes amenés à nous prononcer sur la somme considérable de 453 milliards d'euros pour les régimes obligatoires de base et le FSV. Chacun de nos concitoyens est concerné puisqu'il s'agit des dépenses prises en charge par la collectivité nationale concernant la santé, la retraite, la famille. Nous devons assurer leur financement, leur répartition en sachant que les recettes dépendent de la situation économique, de l'emploi, et qu'elles pèsent sur le coût du travail.
Cette année, le contexte économique est particulièrement difficile en raison de la crise. De plus, nous nous retrouvons en face d'incertitudes en raison de la mise en oeuvre de la loi HPST, que certains ont appelée loi Bachelot, loi à laquelle Mme Bachelot tenait beaucoup…
…avec notamment la création des ARS et des négociations conventionnelles dont l'aboutissement est moins que certain.
Je reconnais bien volontiers que les dépenses en 2009 ont été à peu près tenues pour la branche vieillesse, mais aussi pour la branche maladie, même si l'on note quelques dérapages, notamment pour les indemnités journalières, plus 6,8 %, les transports sanitaires, plus 7,8 %, et les auxiliaires médicaux, plus 5,2 %. La médecine de ville et les établissements restent globalement dans les clous, mais il est vrai que certains établissements connaissent des déficits, que les généralistes, devenus en principe spécialistes, n'ont pas obtenu la consultation à 23 euros et que les spécialités cliniques souffrent, comparativement aux spécialités techniques.
Il demeure des possibilités de progrès en matière d'efficience, comme l'a démontré une nouvelle fois la Cour des comptes. Nous souhaitons un accès de tous à une médecine de qualité, en veillant à ce que chaque euro dépensé le soit à bon escient. C'est possible en améliorant la formation initiale et la formation continue, en mettant en oeuvre les référentiels de bonnes pratiques, en assurant évaluation et contrôle. Il existe des marges de manoeuvre très importantes.
Mais cette année, le problème majeur est celui de la dette, du déficit et du financement de celui-ci. Ce déficit très important ne provient pas d'un dérapage des dépenses mais d'un effondrement des recettes lié à la crise.
L'année dernière, monsieur le ministre du budget, alors que la crise était déjà présente, j'avais d'ailleurs émis de grands doutes sur vos prévisions et votre proposition quelque peu surréaliste du transfert de 0,3 % des cotisations UNEDIC vers la branche retraite, et j'avais regretté le transfert d'une partie de la CSG du FSV vers la CADES, avec pour conséquence de mettre le FSV en déficit. En 2009, le déficit, en y incluant celui du FSV, sera donc pour les régimes de base au minimum de 26,5 milliards et, en 2010, de 35,1 milliards, soit au total 61,6 milliards d'euros !
Vous ne proposez pas de financer ce déficit, mais d'autoriser l'ACOSS à emprunter 65 milliards. Pour le Nouveau Centre, cette mesure est déraisonnable. Le conseil d'administration de l'ACOSS n'a pas approuvé cette proposition, par ailleurs dénoncée par la Cour des comptes. Que proposerez-vous l'année prochaine ? Quel sera alors le plafond ?
Nous sommes tous d'accord pour dire, et c'est une position constante du Nouveau Centre, qu'il n'est pas possible de transférer à nos enfants et a fortiori à nos petits enfants le financement de nos déficits. Chaque génération doit financer ses propres dépenses. La seule solution logique, tout le monde ou presque en convient, est de transférer ces déficits à la CADES, dont c'est la vocation, et d'augmenter la CRDS de 0,2 %. Cette augmentation modeste rapporterait 2,7 milliards.
Monsieur le ministre, une augmentation de 0,2 % ne grèverait guère le pouvoir d'achat, serait à peine visible sur la feuille de paye et permettrait de financer le déficit. D'ailleurs, plusieurs impôts et taxes ont été créés ou augmentés ces deux dernières années, notamment pour financer le RSA. La DRESS vient d'indiquer, pour en rester à la santé, que la part laissée à la charge des ménages directement ou par l'intermédiaire des complémentaires a augmenté, avant la mise en oeuvre des franchises médicales, de 1,7 milliard en trois ans.
De plus, dans ce projet de loi, vous proposez divers transferts vers les malades : augmentation du forfait journalier, déremboursements de médicaments. Le Nouveau Centre, pour prendre date, a déposé des amendements proposant le transfert du déficit à la CADES et l'augmentation de la CRDS de 0,2 %.
Nous vous demandons également d'augmenter certaines recettes et de revoir certaines niches sociales. Nous souhaitons ainsi que l'ensemble des revenus du travail et du capital participent équitablement au financement de la protection sociale. Le Nouveau Centre demande de revoir les exonérations de cotisations sociales qui n'ont pas prouvé leur efficacité en termes d'emploi et qui peuvent constituer des trappes à bas salaires. Nous proposons d'en exclure les entreprises de plus de 2 000 salariés en dehors du secteur automobile, de diminuer à 1,50 % du SMIC les exonérations, à l'exclusion des entreprises qui embauchent des jeunes ou des seniors.
Le déficit de notre protection sociale et son financement est, cette année, le problème majeur. Où en serons-nous l'année prochaine ? Il est vrai que vous prévoyez une reprise économique rapide et, pour les prochaines années, à partir de 2011, une augmentation de la masse salariale de 5 % par an. Avec l'ensemble des Français, je souhaite que vous ayez raison, mais je me permets d'émettre quelques doutes. Malgré cet optimisme pour les recettes, le déficit annuel des régimes de base demeurerait à 30 milliards d'euros.
L'essentiel de ce projet de loi concerne l'assurance maladie, les seules dépenses remboursables par le régime de base. Nous ne discutons pas de la totalité des dépenses de santé du pays qui comprennent les assurances complémentaires, la prévention, l'éducation à la santé.
Nous n'abordons pas non plus les préoccupations majeures de nos concitoyens que sont les problèmes de démographie des professionnels de santé, leur répartition sur le territoire, l'accès des patients à des médecins de secteur 1 et les dépassements d'honoraires. Nous en avons discuté lors de la loi HPST. Les décrets sont en préparation, mais les problèmes demeurent aujourd'hui.
Le paysage va sous doute changer avec la création des ARS et les négociations conventionnelles en cours, dont nous ne pouvons préjuger des conclusions. Quelles seront-elles ? Seront-elles applicables en février 2010 ou dans un an ? Quel sort sera réservé à la permanence des soins, au secteur optionnel ?
L'article majeur est donc l'ONDAM. Il est fixé à 162,4 milliards, en augmentation de 3 %, mais seulement de 2,8 % pour la médecine de ville et les établissements. Dans ce contexte économique, une augmentation de 2,8 % est importante. Cependant, l'augmentation tendancielle, depuis de nombreuses années, est de l'ordre de 4 % par an. Respecter cet objectif demandera donc des efforts de tous. Nous savons que des gains en termes d'efficience sont possibles, mais difficiles.
Madame la ministre, permettez-moi d'exprimer un regret. La loi HPST crée les ARS, corrigeant ainsi l'un des défauts majeurs de notre système de santé : la séparation absurde prévention-soins, ville-établissements, sanitaire et médico-social. Un responsable unique de la santé au niveau régional constitue donc, de mon point de vue, un progrès important. Mais alors, pourquoi conserver des sous-objectifs nationaux pour la ville, les établissements, le médico-social ? La logique voudrait que l'on vote des objectifs régionaux calculés selon des critères objectifs et confiés aux ARS.
Il faut d'abord les installer !
Nous y viendrons un jour, mais pourquoi attendre ? D'ailleurs, Pierre Méhaignerie y est, semble-t-il, tout à fait favorable.
Les dépassements d'honoraires deviennent un problème majeur et insupportable, surtout lorsqu'ils sont excessifs, ce qui arrive. Dans certaines régions, et pour certaines spécialités, les patients ne peuvent avoir accès à des praticiens de secteur 1. Ce problème serait sans doute moins aigu si les revalorisations des actes avaient suivi le coût des charges.
Dans la loi HPST, un amendement dont j'étais cosignataire, avec notamment Yves Bur et Jean-Pierre Door, avait laissé jusqu'au 15 octobre aux partenaires conventionnels pour mettre en oeuvre le secteur optionnel prévu depuis 2004. Un protocole a été effectivement signé le 15 octobre. Le secteur optionnel n'est pas la panacée. Il ne concerne pas les spécialités cliniques. Il prévoit le financement des dépassements par les complémentaires. Mais le secteur 2 demeure et la date de mise en oeuvre du secteur optionnel est repoussée à l'élaboration de la convention, à sa conclusion, à son agrément, c'est-à-dire à de nombreux mois.
Madame la ministre, prévoyez-vous une date limite pour prendre l'arrêté prévu dans la loi ? Souhaitez-vous que les mesures de prévention, de bonnes pratiques, de meilleur suivi des patients contenues dans le CAPI soient inscrites dans la convention pour que ces mesures logiques et souhaitables deviennent une obligation pour tous les professionnels ?
Ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux, comme le propose le Nouveau Centre, que le forfait journalier soit indexé sur l'inflation ? Trouvez-vous équitable et politiquement souhaitable de fiscaliser les indemnités journalières des victimes d'accidents du travail ?
Pour tenter de respecter l'ONDAM 2010, la CNAM a proposé un plan d'économies de 2,2 milliards. Parmi ces mesures, le directeur général propose de développer la chirurgie en cabinet avec un cahier des charges précis. Je pense notamment à la cataracte – 480 000 interventions par an – qui ne nécessite le plus souvent qu'une anesthésie locale par collyre. Cette pratique est autorisée sans augmenter la morbidité dans la quasi-totalité des pays. Allez-vous l'autoriser et accéder à la demande de la CNAM ?
La dispensation des médicaments en EHPAD pose des problèmes de sécurité. La PDA sous blister constitue un réel progrès. Un décret est prêt depuis le printemps. Va-t-il sortir ? Ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux de l'étendre aux personnes âgées dépendantes à domicile ?
Pour la santé, nous aurons, au cours du débat sur les articles et les amendements, l'occasion d'évoquer d'autres sujets, mais la loi de financement concerne aussi les branches famille et retraite. Je ne reviens pas sur les remarques de la Cour des comptes concernant la certification des comptes, convaincu que les efforts sont en cours pour tirer les conséquences de ses observations et remédier aux insuffisances qu'elle relève.
La branche famille est, si j'ose dire, le parent pauvre de cette loi de financement qui ne lui consacre que deux articles et une seule proposition nouvelle, relative au prêt à l'amélioration de l'habitat des assistantes maternelles. Cette amélioration, certes modeste, est la bienvenue. Il est vrai que, dans cette période économiquement difficile, le moment n'est pas à des largesses nouvelles et que la politique familiale de notre pays est plutôt exemplaire.
Pour la branche vieillesse, en revanche, nous avons de nombreuses interrogations. La première est celle de la revalorisation des retraites qui doit intervenir en avril. A quel niveau est-elle envisagée ?
Surtout, le problème qui se pose clairement est celui de l'avenir de notre système de retraite basé sur la répartition, auquel nous sommes tous très attachés. Soumis à l'allongement de la durée de vie le plus souvent en bonne santé, au papy boom, à la diminution des recettes, il est fragilisé. Une mise à plat après les réformes précédentes, importantes mais incomplètes, est prévue en 2010. Nous aurons l'occasion d'en discuter. Je vous rappelle dès à présent les propositions très claires du Nouveau Centre : un régime universel géré en toute responsabilité par les partenaires sociaux, à points, avec mise en extinction des régimes spéciaux, la valeur d'achat et de liquidation du point équilibrant financièrement le régime.
Il sera également nécessaire d'avancer dans les deux domaines majeurs que sont la pénibilité du travail et l'employabilité des seniors.
Cette nouvelle réforme sera l'occasion de réexaminer les difficultés des veuves, des conjoints survivants. Certains, surtout les jeunes veuves, connaissent de grandes difficultés. Il convient certes d'augmenter le pourcentage, le taux de la pension de réversion, mais surtout d'augmenter le plafond des ressources, car c'est bien lui qui limite le niveau de la réversion et non le taux. Il conviendrait également de se pencher sur le sort des orphelins, bien différent de celui des enfants de divorcés.
Ce projet de loi propose de modifier la retraite des mères de famille. Actuellement, la majoration de la durée d'assurance de deux ans par enfant dans le régime général constitue une juste compensation. Malgré cette bonification, la retraite moyenne des femmes est inférieure de 38 % à celle des hommes.
L'arrêt récent de la Cour de cassation obligeait à modifier la législation. La proposition est satisfaisante, même si elle n'est pas parfaite. Il demeure quelques interrogations dans la pratique, notamment le délai d'option.
Il reste à évoquer le problème de la dépendance, défi majeur qu'il nous faut relever. Certes, chaque année, et ce sera encore le cas en 2010, nous créons de nouvelles places de service à domicile et en établissement. Mais le problème majeur est le coût financier laissé à la charge des familles. Un projet de loi nous sera-t-il soumis en 2010 ? Irons-nous, comme beaucoup le souhaitent, vers la création d'un cinquième risque faisant appel à la solidarité nationale, ou vers un système d'assurance dépendance ?
J'aurais voulu aborder beaucoup d'autres sujets, mais le temps limité dont je dispose ne me le permet pas. Je veux cependant rappeler que si nous pouvons aujourd'hui discuter de la protection sociale à l'Assemblée, nous le devons à Alain Juppé. C'est, de mon point de vue, un progrès majeur et une avancée de la démocratie. Il faudra aller plus loin et pouvoir discuter aussi des assurances complémentaires. Comment se contenter de parler des seules dépenses remboursables par le régime général de base et ne pas évoquer l'ensemble des dépenses de santé du pays !
Nous aurons l'occasion, au cours des débats, de reparler de ces problèmes importants, notamment de la dette sociale, qu'il nous faudra bien entendu financer. Je vous remercie par avance, madame et messieurs les ministres, de votre écoute. Je ne doute pas que vous serez attentifs à nos amendements. En les adoptant, nous pourrons améliorer ce projet de loi…
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est dans un contexte particulièrement difficile que nous abordons cette année la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les difficultés et inquiétudes que nous ressentons les uns et les autres dans nos circonscriptions nous poussent à réagir avec volonté et réalisme. C'est pourquoi je défendrai un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vise à ne fragiliser personne, à ne laisser personne sur le bord du chemin.
C'est la noblesse de notre démocratie que de maintenir une cohésion sociale fondée sur des valeurs intangibles et, cette année, nous devons veiller à ne pas laisser s'enfoncer les plus fragiles d'entre nous. C'est également pourquoi je souhaite que nous continuions à les aider à bénéficier de soins de qualité. La fixation de l'ONDAM à 3 % pour 2010 est la meilleure preuve de la volonté de maintenir cette qualité.
Mais cela ne doit pas nous empêcher de moraliser le système par une lutte acharnée contre les fraudes ou la chasse à certaines niches sociales. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J'ai du mal à croire, chers collègues, que vous n'êtes pas favorables à la lutte contre les fraudes.
Tout d'abord, il faut veiller à ne fragiliser personne, et en premier lieu aucun de nos concitoyens, en refusant toute augmentation des prélèvements obligatoires. C'est une ligne de conduite dont nous ne devons pas dévier. Et nous refuserons tout ce qui peut fragiliser les personnes les plus sensibles et leur faire perdre pied. C'est pourquoi nous n'accepterons pas d'augmentation de la CRDS cette année.
De même, nous devons veiller à ne pas multiplier les taxes diverses et variées proposées dans plusieurs amendements. Si certains sont cohérents avec une politique globale de limitation de la fiscalité, d'autres apparaissent incohérents et risquent de brouiller le message que nous souhaitons donner. Je pense notamment aux prélèvements proposés sur les chèques-vacances ou les avantages en nature des employés de restaurant.
Mais nous devons aussi veiller à ne pas désespérer les professionnels de santé, dont nous avons plus que jamais besoin pour dispenser partout des soins de qualité tout en s'assurant de la maîtrise des dépenses de santé. Laissons-les travailler à une vie conventionnelle renouvelée, et donnons-nous le temps de voir le secteur optionnel porter ses fruits. Ce n'est pas par de nouvelles contraintes, sur le secteur 2 notamment, que nous donnerons confiance aux partenaires conventionnels.
Respectons les établissements de santé en favorisant un rythme de convergence adapté à leurs possibilités financières et humaines actuelles, même si l'on peut regretter le manque de réactivité de certains jusqu'à présent. Les nouvelles règles de gouvernance mises en place par la loi HPST doivent déjà permettre de profondes améliorations et nous devons nous donner le temps de produire leurs effets.
Évitons enfin de fragiliser notre tissu industriel, surtout en ce moment. Si nous devons faciliter la diffusion des génériques, cela ne doit pas passer par une suspicion constante envers nos laboratoires ni par la limitation des possibilités de recherche en France. Nous avons besoin également de l'industrie pharmaceutique pour protéger l'emploi ; elle est souvent porteuse de progrès économique pour nos régions.
Nous pensons à l'industrie pharmaceutique, monsieur Gremetz, mais c'est également valable pour les industries agro-alimentaires, dont nous aurons particulièrement besoin lors de la reprise.
Non seulement personne ne doit être exclu, mais il faut encore aider ceux qui en ont besoin à bénéficier de toute la solidarité de la nation. Je vous proposerai des amendements à cet effet, notamment afin d'améliorer l'accès à la cessation anticipée d'activité pour les personnes ayant travaillé en contact avec l'amiante. Il s'agit de modifier les conditions d'attribution du droit à la cessation anticipée d'activité, dans un sens de justice et d'équité,…
…notamment en supprimant la liste des établissements et en croisant une liste de métiers avec une liste de secteurs d'activité. Il faut également étudier les conditions de mise en place d'une filière individualisée dans ce secteur. Nous avons des propositions à vous faire à ce sujet.
C'est également le sens des amendements que je vous proposerai sur la protection des conjoints collaborateurs ou sur l'aménagement des cotisations ASV pour les médecins retraités qui accepteront de reprendre une activité à temps partiel.
Nous voterons également la poursuite de la perception des indemnités jusqu'à soixante-cinq ans pour les invalidités de première catégorie.
Enfin, nous nous réjouissons du financement de 6 000 places de services de soins à domicile, de 3 000 places d'accueil de jour et d'hébergement temporaire, ainsi que de la création des unités d'hébergement renforcé pour les patients victimes de la maladie d'Alzheimer.
Mais cela ne doit pas nous empêcher de moraliser notre système de protection sociale, et donc d'en améliorer la justice et l'équité, par la chasse aux niches sociales. Nous allons avoir à discuter longuement de ces sujets dans les heures et les jours qui viennent. Je pense notamment à la taxation des valeurs mobilières au premier euro, au doublement du forfait social, aux propositions concernant les retraites chapeau ou encore à l'équité entre les différents systèmes d'assurance-vie.
C'est dans cette optique également que doit s'intensifier la lutte contre toute forme de fraude, car la fraude concourt à fragiliser notre système de protection sociale. C'est une volonté clairement affichée par le Gouvernement, que nous soutiendrons avec force.
Ne nous y trompons pas, cependant. De nombreux efforts resteront à fournir dans les mois et les années à venir – certains l'ont déjà dit ce soir – pour assainir les dépenses publiques et assurer l'avenir de notre protection sociale. Simplement, nous ne pouvons parler et agir aujourd'hui comme si nous étions déjà dans l'après-crise. Ne nous laissons pas abuser par certains…
…et sachons prendre les bonnes décisions au bon moment. Et le moment est à la protection de nos concitoyens, fragilisés par une période de crise sans précédent.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais aborder un sujet traité à l'article 43 du projet de loi de financement de la sécurité sociale : la situation des travailleurs frappés par le drame de l'amiante. Au-delà des différences qui peuvent nous séparer, quelques éléments de consensus sont sans doute possibles sur ce sujet.
Je rappellerai d'abord l'ampleur du drame, à travers quelques données statistiques. Chaque jour, l'amiante provoque la disparition de dix salariés ; chaque année, ce sont entre 3 000 et 5 000 salariés qui disparaissent. On s'attend à quelque 100 000 victimes d'ici à la fin de ce drame sanitaire.
Ces chiffres me conduisent à évoquer trois questions.
La première concerne l'injustice du dispositif qui s'applique aux travailleurs de l'amiante et, par conséquent, la nécessité de le corriger. La deuxième est celle de la contribution des entreprises au financement des fonds dédiés à l'indemnisation des victimes de l'amiante. Enfin, je dirai quelques mots sur les dispositifs judiciaires qui permettent de faire reconnaître devant les tribunaux le préjudice des victimes de l'amiante et ouvrent droit, par conséquent, à une juste réparation.
Le premier sujet concerne donc l'injustice du dispositif. Vous le savez, lorsque des salariés sont victimes de cette fibre très souvent mortelle, ils peuvent entrer en cessation anticipée d'activité et, à ce titre, bénéficier d'une indemnisation. Dans la plupart des cas, celle-ci représente 65 % du salaire qu'ils percevaient. Toutefois, comme ils touchaient des salaires très modestes, l'indemnisation ne leur permet pas de quitter leur emploi dans des conditions qui leur garantissent de vivre décemment. À plusieurs reprises, notre groupe a demandé que l'allocation de cessation anticipée d'activité soit revalorisée. Il semble que le Gouvernement ait prévu de l'augmenter, par voie réglementaire, de 10 %, en la faisant passer à 75 %. Nous demandons instamment au Gouvernement de profiter de ce débat pour confirmer cette évolution réglementaire et l'augmentation du taux.
D'autre part, on note d'importantes disparités dans les situations des salariés, selon le dispositif d'affiliation sociale des entreprises ayant utilisé ce produit mortel. Un amendement du groupe socialiste demande que la totalité des années de travail des salariés soit prise en compte, de manière que le dispositif d'indemnisation soit plus favorable qu'il ne l'est aujourd'hui.
Enfin, vous savez que le système d'indemnisation repose sur une liste d'entreprises ayant utilisé l'amiante, et que seuls les salariés y ayant travaillé peuvent en bénéficier. Nous continuons à souhaiter que cette liste soit élargie et que l'on puisse même avoir accès à l'allocation de façon individuelle, quitte à assortir cette dernière possibilité de conditions qu'il appartiendrait au législateur et au Gouvernement de préciser.
Ma deuxième interrogation concerne la contribution des entreprises au financement des différents fonds qui permettent de verser aux salariés des indemnisations et des allocations. L'an dernier, le Gouvernement a décidé de supprimer cette contribution, qu'il a remplacée par une dotation de l'État, sous prétexte que le rendement de la contribution était trop peu élevé : à l'origine, on s'était en effet attendu à récolter 100 millions d'euros, et on n'en avait obtenu que 30. Certains arguments étaient justes, qui insistaient sur la difficulté que rencontraient les petites entreprises pour alimenter ces fonds sans préjudice pour leur activité, notamment en cas de transmission ou de succession. Nous aurions toutefois préféré que l'on redéfinisse le taux et le plafond plutôt que de supprimer la contribution. Vous ne nous avez pas suivis. Nous vous proposons une nouvelle disposition qui, en outre, paraît plus juste, dans la mesure où elle éviterait à des entreprises qui n'ont jamais utilisé l'amiante de payer pour celles qui l'ont fait : elle rétablirait ainsi le principe pollueur-payeur.
Je veux insister, pour conclure, sur un troisième point, qui concerne les moyens mis en oeuvre au sein de l'administration de la justice pour faciliter l'instruction des dossiers. Voilà vingt ans que les premiers dossiers ont été ouverts et que des instructions sont en cours sans que l'indemnisation ait pu être engagée. Nous insistons sur le fait qu'il faut renforcer le pôle qui suit ces dossiers au sein du tribunal de grande instance de Paris, en coordonnant l'action des tribunaux locaux, en le dotant d'une quinzaine de juges supplémentaires, dix pour l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique et six assistants de justice qui permettraient d'accélérer le traitement de ces dossiers.
Sur tous ces sujets, madame et messieurs les ministres, nous attendons de votre part des réponses concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans le violent contexte de crise économique et sociale que nous connaissons, la question du travail est passée sous silence, et les conséquences dramatiques sur la destruction de la santé des salariés sont trop souvent banalisées.
Il est pourtant difficile de nier que, dans ses formes contemporaines, le travail blesse, casse. Il est rendu responsable d'un problème de santé sur cinq. On dénombre officiellement, chaque année, plus de 700 000 accidents du travail avec arrêt, dont plus de 44 000 entraînant une incapacité permanente de travail. Les troubles musculo-squelettiques ont littéralement explosé, croissant de plus de 20 % par an depuis une dizaine d'années. À elles seules, ces affections articulaires représentent plus de 74 % des maladies professionnelles.
Le travail, tel qu'il est conçu, continue d'empoisonner et de tuer. L'INVS considère que 5 000 à 10 000 cancers par an sont directement attribuables à une exposition professionnelle. Le nombre de décès consécutifs à une maladie professionnelle est de nouveau en augmentation. D'ici à 2020, cela a été dit, l'amiante devrait faire 100 000 morts.
L'OMS parle de la crise actuelle comme « d'une catastrophe épidémiologique majeure ». Elle se traduit par la dégradation de la santé des salariés, « une augmentation forte du stress, des dépressions, des troubles cardio-vasculaires, des comportements addictifs et, au sommet de l'iceberg, de la mortalité et des suicides », comme l'explique Claude-Emmanuel Triomphe, coauteur, en janvier dernier, d'un rapport européen qui préconise une meilleure prise en compte de la santé en cas de restructuration.
Le rapport HIRES, snobé par le précédent ministre du travail, est pourtant fort intéressant. Il objective l'impact des restructurations sur la santé des salariés, en mettant en garde contre une « individualisation et une médicalisation » de cette question, et appelle les employeurs à éviter « de traiter les symptômes du stress au lieu d'intervenir sur ses différentes causes ».
Ce rapport reste d'actualité car, si les suicides ou tentatives de suicide de salariés chez EDF, IBM, Renault, ou, plus récemment, chez France Télécom, Thales, Peugeot, ont permis de mettre en lumière la violence extrême de ces situations, révélant du coup l'ampleur du phénomène du mal-être au travail, les tentations sont encore fortes d'attribuer au hasard ces morts au travail.
Patrick Légeron, psychiatre et auteur d'un rapport sur le stress au travail remis à Xavier Bertrand en mars 2008, remarque pour sa part que « la souffrance au travail semble nettement plus développée que dans beaucoup d'autres pays, et [que,] paradoxalement, la France est l'un des pays où les entreprises en font le moins pour réduire le stress ».
C'est pourquoi les députés communistes et du parti de gauche demandent la création d'une commission d'enquête sur le sujet. Comment croire en la volonté du Gouvernement de prévenir activement les risques professionnels, les risques psychosociaux en particulier, alors que l'État lui-même n'est pas exemplaire ? Le cas de France Télécom n'est pas isolé : n'oublions pas la situation faite aux agents de Pôle emploi et à ceux de La Poste.
Il faut aussi aborder le sujet de la réforme de la médecine du travail. En présentant un texte qui altère encore davantage les conditions d'exercice des médecins du travail, le MEDEF porte une lourde part de responsabilité dans l'échec des négociations. Si, d'évidence, le Gouvernement n'a pas d'autres choix que de reprendre la main, le fera-t-il pour asseoir la légitimité d'indépendance financière et organisationnelle de cette médecine professionnelle avant tout préventive ? Les médecins du travail seront-ils enfin renforcés en moyens humains et juridiques ? Autant de questions dont, cette année encore, nous n'aurons pas l'occasion de débattre.
L'attitude des organisations patronales est tout aussi inconséquente en ce qui concerne la sous-déclaration des accidents du travail et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles. Le MEDEF et l'UPA en sont encore à nier l'existence même d'un phénomène de sous-déclaration dont l'ampleur est pourtant établie. En reconduisant d'une année sur l'autre un montant de reversement de la branche AT-MP à la branche maladie sans rapport réel avec les dépenses supportées par la branche maladie, le Gouvernement contribue à entretenir l'irresponsabilité des employeurs en matière de prévention des risques au travail.
Il est impossible de voir dans ce PLFSS la traduction d'une volonté du Gouvernement de promouvoir la santé au travail, d'améliorer l'indemnisation des victimes du travail, celles de l'amiante en particulier : bien au contraire.
Le solde de la branche AT-MP devrait devenir très déficitaire en 2009 – 605 millions d'euros contre 241 millions en 2007 – et c'est à juste titre que l'on s'en préoccupe, mais sans plus en ce qui concerne notre rapporteur. La décision intervenue l'an dernier et privant le FCAATA de la contribution spécifique des employeurs n'est pas, non plus, remise en cause. Le fait que la branche AT-MP continue de supporter seule 90 % des dépenses des deux fonds amiante, les alertes répétées de la présidente du FCAATA et celles de la Cour des comptes à propos du FIVA, ne prêtent même pas à discussion. Le rapport justifie que rien ne change. Il est fort à craindre que l'on attende de longues années encore la réforme du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Nous apprécierons au cours du débat la portée de l'amendement de notre collègue Guy Lefrand, qui propose de combiner une liste de secteurs d'activité et une liste de métiers pour l'accès au FCAATA. Espérons du moins qu'il aura résisté à l'article 40.
Nous regrettons la pauvreté des dispositions du volet AT-MP de ce PLFSS. Pour que le débat puisse s'ouvrir sur l'ensemble des sujets, y compris ceux traités en dehors du périmètre du PLFSS, nous avons déposé de nombreux amendements. Un seul a retenu l'attention de la commission, celui prescrivant un rapport sur l'évolution des tableaux des maladies professionnelles dans la perspective de voir les troubles psychosociaux reconnus comme des maladies professionnelles.
Nous serons, par ailleurs, particulièrement attentifs au sort réservé à un autre de nos amendements envisageant l'évolution du système de réparation forfaitaire vers la réparation intégrale des AT-MP. Cette solution est rendue très urgente après que le Gouvernement a confirmé son soutien à un amendement de l'UMP à la loi de finances qui fiscalise scandaleusement les indemnités d'accidents du travail-maladies professionnelles.
Sachez enfin qu'au cours des débats, nous nous attacherons également à dénoncer le parti pris du Gouvernement contre les victimes du travail, les personnes en arrêt maladie, suspectées de fraude, que d'aucuns ne désespèrent pas de faire télétravailler durant leurs arrêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale revêt, cette année, un caractère particulier. Nous abordons en effet ce texte dans un contexte exceptionnel dont l'économie mondiale et, en particulier, celle de la France se seraient bien passées. Les problèmes touchant aux finances sociales sont effectivement suffisamment difficiles à traiter dans notre pays, où beaucoup estiment qu'il est toujours plus facile d'en appeler aux réformes que d'en accepter les exigences.
Selon les données de l'OCDE, la France consacre près de 11 % de son PIB à la santé. Cela correspond à une dépense de près de 2 700 euros par habitant. Ce chiffre est nettement meilleur que celui, par exemple, des États-Unis, qui, bien que consacrant 16 % de leur PIB à la santé, soit 4 700 euros par habitant, arrivent loin derrière nous en ce qui concerne l'universalité des soins, leur qualité et l'espérance de vie.
Cette comparaison peut nous rassurer mais elle ne doit pas nous satisfaire. À l'heure où nous abordons l'examen de ce texte, un seul chiffre doit nous préoccuper, celui de la dette de la sécurité sociale : 30 milliards d'euros. Le déficit structurel de la sécurité sociale doit nous alarmer plus encore que le déficit conjoncturel. Faut-il rappeler qu'il était déjà, en 2007, c'est-à-dire hors crise économique, de plus de 11 milliards d'euros ?
Il est grand temps que la prise de conscience du danger que constitue le déficit chronique de la sécurité sociale se traduise en actes.
Comment préserver la qualité des soins tout en endiguant ce déficit ? Voilà finalement l'équation que nous avons à résoudre. Elle n'est pas insoluble, loin s'en faut.
Plusieurs pistes d'économies figurent dans ce projet de loi de financement. Je m'en tiendrai à la plus emblématique d'entre elles : le déremboursement de plus d'une centaine de médicaments. Avant que cette liste de médicaments ne soit publiée, je souhaite attirer votre attention sur ce qui devra être un principe déterminant pour l'inscription ou non d'un médicament sur cette liste : son utilité avérée. Soit un médicament présente une efficacité avérée et il doit être remboursé, soit son efficacité est insuffisante, et il ne doit pas l'être, même à 15 %.
En effet, les conclusions de la Haute autorité de santé devraient permettre de convenir d'un taux unique de remboursement à bon niveau pour les médicaments jugés efficaces. S'ils ne le sont pas, maintenir un remboursement, même faible, constituerait une source de dépenses injustifiées. Il ne doit plus y avoir, aujourd'hui, de remboursements de complaisance.
En revanche, sur un certain nombre de sujets, ce texte offre de réels motifs de satisfaction.
Je pense, en particulier, au maintien de la majoration des retraites des mères de famille. Vous savez, monsieur le ministre de la famille, combien cette mesure était essentielle aux yeux de chacune d'entre elles ; je vous avais d'ailleurs interpellé à ce sujet voici quelques mois. Cette majoration est à la fois légitime, juste et nécessaire.
La hausse du prix du tabac est aussi une mesure que je qualifierai de juste et symbolique. Sur ce point, vous pourrez donc, madame la ministre, compter sur mon soutien.
Cependant, et je terminerai sur ce point, j'attire votre attention sur une situation très préoccupante. Je veux parler des transferts de charges insidieux qui s'opèrent vers les départements, auxquels l'État donne de plus en plus de responsabilités dans les domaines sanitaire et médico-social, sans prévoir les financements correspondants. Les départements sont aujourd'hui dans l'incapacité de prévoir d'une année sur l'autre quelles vont être leurs ressources dans le secteur médico-social.
On pourrait objecter que ce n'est pas l'objet de ce texte, mais celui des lois de décentralisation. Ce n'est pas vraiment le cas.
Laissez-moi vous donner un exemple. Concernant la prise en charge des personnes handicapées, la question du financement se pose non seulement pour les services d'accueil médico-sociaux des adultes handicapés mais aussi pour les foyers d'accueil médicalisés, qui fonctionnent grâce à des doubles financements émanant des conseils généraux et de l'assurance maladie. Cette dernière accorde une dotation de soins forfaitaire et plafonnée, d'un montant d'environ 65 euros par jour, sans considérer les besoins réels en accompagnement médical et paramédical des usagers. Au final, on constate bien souvent, notamment dans les foyers d'accueil médicalisé, qu'il ne reste pas assez d'argent dans le cadre des forfaits soins pour financer les postes d'aides-soignants nécessaires. Cette situation ne sera bientôt plus tenable si elle ne s'accompagne pas d'une mesure de compensation.
Au-delà de la seule question du budget de la sécurité sociale, l'enjeu de ce texte est de garantir – on l'a bien compris – la solidarité nationale, ce qui signifie aussi qu'il faut savoir redéployer les ressources au sein de notre système de protection sociale afin de tenir compte, à la fois, des évolutions de la démographie et des besoins sociaux. Garantir la solidarité nationale, cela implique également d'avoir le sens des responsabilités pour ne pas faire porter le poids de nos dettes aux générations futures.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, chers collègues, nous avons l'un des systèmes de santé les plus performants. On peut regretter, cependant, que les budgets accordés à la prévention ne soient pas abordés lors la discussion du budget de la sécurité sociale.
J'attends beaucoup, pour ma part, de la loi de santé publique qui sera débattue l'an prochain pour aborder ce sujet si important, ainsi que celui du dossier médical personnel.
Ce projet de loi s'inscrit dans un contexte difficile.
Les objectifs de dépenses de la sécurité sociale pour l'année à venir sont fixés à 435 milliards d'euros. Il est nécessaire de rappeler que ces dépenses dépassent largement celles de l'État qui s'élèvent, elles, à 352 milliards d'euros. En tout état de cause, les déficits cumulés devraient s'établir, pour l'année 2010, à environ 110 milliards d'euros.
La conjoncture n'est pas bonne : la crise aggrave le déficit, notamment par une forte baisse des recettes.
Structurellement, il ne faut pas non plus oublier que notre population vieillit, que les pathologies chroniques augmentent et que le coût de la recherche médicale et des médicaments est de plus en plus élevé. Ce sont autant de facteurs d'augmentation rapide de nos dépenses de santé.
Le grand défi est donc de maîtriser les dépenses de santé sans toucher à la qualité des soins, voire en l'améliorant.
La réponse ne peut pas être que budgétaire. La mise en oeuvre de la loi Hôpital, patients, santé et territoires » et la mise en place des nouvelles agences régionales de santé doivent permettre de mieux coordonner et d'assurer un équilibre entre les progressions de dépenses des soins ambulatoires, hospitaliers et médico-sociaux.
S'agissant justement, madame la ministre, de la qualité des soins, je souhaite aborder avec vous, ce soir, la problématique des dépassements d'honoraires. Représentant 2 milliards d'euros sur les 18 milliards que coûtent chaque année les honoraires, ces dépassements, au-delà de leur coût, constituent des sources de revenus non permises par une revalorisation des honoraires, précisément parce qu'on veut maîtriser les dépenses. Dans certaines régions, ils se concentrent dans certaines spécialités médicales et constituent une réelle atteinte à l'accès aux soins, avec un reste à charge que beaucoup de Français ne peuvent pas supporter. C'est une injustice qui ne fait que s'aggraver depuis quelques années et à laquelle, je le sais, vous cherchez à répondre.
Des négociations sont en cours sur la mise en place du secteur optionnel. Pourriez-vous nous dire, madame la ministre, où elles en sont ?
Je voudrais rapidement évoquer la problématique des déficits des hôpitaux. Comme vous le savez, je travaille actuellement avec les services du ministère et l'agence régionale de l'hospitalisation de Champagne-Ardenne sur les difficultés importantes qui viennent d'être mises au jour par le nouveau directeur du centre hospitalier de Charleville-Mézières. Un déficit hospitalier dans les Ardennes n'a rien à voir avec un déficit hospitalier dans le Sud de la France ou dans d'autres régions attractives de notre pays ; les Ardennes ont besoin, pour attirer des médecins dans leurs hôpitaux, d'offrir des plateaux techniques très performants et sont touchées, plus que beaucoup d'autres régions, par la problématique de la démographie médicale. Les dépenses liées au remplacement des médecins sont donc très importantes. C'est pourquoi, madame la ministre, l'emploi et les possibilités d'investissement doivent absolument y être préservés.
Enfin, je voudrais insister sur la dépendance des personnes âgées. Si nous voulons assumer l'allongement de l'espérance de vie, dont nous nous félicitons, nous devons améliorer la qualité de vie de nos aînés qui perdent leur autonomie. Certes, depuis 2002, la prise en charge de la dépendance s'est nettement améliorée, mais le reste à charge pour les familles aux revenus moyens est encore élevé.
C'est tout l'enjeu de la future cinquième branche de la protection sociale.
La commission des affaires sociales a décidé de s'emparer de ce sujet et une mission d'information commence actuellement ses travaux. La formation initiale et continue des personnels en charge de la dépendance devra être évoquée dans ce débat. C'est pourquoi, par voie d'amendement, j'ai demandé au Gouvernement, d'étudier la création d'une véritable filière, valorisante et offrant de réelles perspectives de carrière, dédiée à la prise en charge des personnes âgées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, voire, parfois, du chômage, …
Ne commencez pas !
… madame la ministre de la santé, monsieur le ministre du budget et du déficit, messieurs les rapporteurs, mes chers et courageux collègues qui veillez en ce début de nuit, je voudrais vous parler – vous n'en serez pas surpris – du problème de l'amiante.
Comme vous le savez, ce drame qui fait dix morts par jour – notre collègue Cazeneuve l'a rappelé – est sans équivalent. Ces morts ne sont pas accidentelles, puisque l'on sait avec certitude, depuis le début des années 50, que l'amiante est un poison mortel, et l'on a pourtant laissé faire. Exposer ainsi les salariés est évidemment un crime, non un accident.
Si des mesures ont été prises, d'ailleurs par la gauche, telles l'instauration du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ou du Fonds commun des accidents du travail agricole, si l'amiante a été interdit, il est un domaine dans lequel les choses patinent sérieusement depuis environ treize ans, et c'est à ce propos que je voudrais vous interpeller, madame et messieurs les ministres : le procès pénal. Des plaintes ont été déposées et une instruction a été ouverte, mais elle n'avance pas. Si tel est le cas, c'est parce que – j'en suis convaincu mais je ne demande pas mieux que d'être convaincu du contraire – le Gouvernement fait tout ce qu'il peut pour la freiner.
J'en veux pour preuve le fait que, lorsque les victimes, les plaignants et les députés – j'en étais – ont demandé à Mme Dati de mettre des enquêteurs à la disposition du juge saisi, cette dernière a affirmé, la main sur le coeur, dans cet hémicycle même, que ce dossier était le plus important qui soit et que l'on pouvait compter sur elle pour mobiliser des moyens. Pourtant, rien ne s'est passé !
Au lendemain de sa nomination, Mme Alliot-Marie nous fait les mêmes promesses, toujours dans cet hémicycle, en indiquant que sa porte est grande ouverte et que nous pouvons y frapper quand nous voulons. Toute l'Assemblée applaudit ; j'applaudis moi-même.
Je constate cependant qu'elle a refusé de nous recevoir, parlementaires et victimes, déléguant cette tâche à son secrétaire d'État, qui, lors d'une fort sympathique réunion matinale, nous a assuré, la main sur le coeur, qu'il s'occupait de cette affaire… sans y affecter le moindre moyen. Il ne s'agit pourtant que de dix postes d'enquêteur et de six postes d'assistant de justice, ce qui est vraiment minime au regard du budget national.
Trois mois et demi après la promesse faite ici même, début juin, le Gouvernement continue de prétendre qu'il ne dispose pas de moyens et persiste à ne pas affecter le début de l'ombre d'un demi-poste à l'enquête, tout en nous invitant à lui faire confiance, tout en prétendant que l'on peut compter sur lui.
La farce a assez duré et, très franchement, je suis en colère ! Je rappellerai donc au Gouvernement, chaque fois que je le pourrai, officiellement ou officieusement, que ce procès pénal doit avoir lieu.
Mes chers collègues, nous poursuivrons demain, ou plutôt cet après-midi, la discussion générale.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 28 octobre à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 28 octobre 2009, à zéro heure trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma