La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris le 16 octobre 2007,
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 287).
La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, mes chers collègues, après plus de cinq semaines de débats au Parlement, nous nous apprêtons à adopter définitivement le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile. Malgré l'intensité de nos débats, la commission mixte paritaire est rapidement parvenue, le 16 octobre dernier, à un accord sur ce texte, qui n'est pas un texte de fermeture ou de repli. Au-delà des polémiques, souvent exagérées, je suis persuadé que l'application de ces dispositions favorisera une gestion plus moderne des flux migratoires, l'intégration des étrangers en France et permettra aux demandeurs d'asile de mieux faire valoir leurs droits.
La commission mixte paritaire est tout d'abord parvenue à un accord sur ce qui constitue le coeur et la raison d'être de ce projet de loi, à savoir les dispositions visant à favoriser l'intégration dans le cadre de l'immigration pour motif familial.
Ainsi, désormais, une évaluation et une formation à la langue et aux valeurs de la République seront organisées, dans leur pays d'origine, à l'intention des personnes souhaitant s'installer en France, dans le cadre du regroupement familial ou pour rejoindre un conjoint de nationalité française.
La commission mixte paritaire a décidé que la formation aurait une durée maximale de deux mois, alors que le Sénat avait souhaité ramener cette durée à quinze jours pour les conjoints de Français, durée manifestement insuffisante pour apporter des rudiments de français à une personne qui ne maîtriserait pas notre langue.
En revanche, la CMP a accepté la dispense judicieusement prévue par le Sénat pour les personnes mariées à un Français établi hors de France, contraint de revenir dans notre pays pour des raisons professionnelles. La CMP a également considéré qu'il n'était pas justifié de supprimer le mécanisme créé en 2006 concernant la possibilité pour un conjoint de Français résidant en France depuis plus de six mois de déposer son dossier de visa long séjour à la préfecture, le dispensant ainsi de retourner dans son pays d'origine.
Toujours dans le domaine de l'intégration, le projet de loi innove en créant un « contrat d'accueil et d'intégration pour la famille ». La CMP a accepté les modifications apportées par le Sénat à ce contrat, notamment l'inclusion du respect de l'assiduité scolaire parmi ses stipulations. Par ailleurs, nous avons décidé de revenir au texte initial du projet de loi concernant l'intervention du président du conseil général. En effet, il semble indispensable de faire précéder toute sanction d'une réponse progressive, par la signature d'un contrat de responsabilité parentale.
Le projet de loi avait également pour but de mettre en oeuvre l'engagement présidentiel de disposer de revenus du travail suffisants pour faire venir les membres de sa famille. La CMP a finalement retenu le dispositif initialement envisagé par le Gouvernement, c'est-à-dire une modulation des ressources en fonction de la taille de la famille, pouvant aller jusqu'à 1,2 fois le SMIC. Cette formule est intermédiaire entre celle de l'Assemblée nationale – 1,33 SMIC – et celle du Sénat – modulation à 1,2 SMIC possible, mais seulement pour les familles de six personnes ou plus. La modulation sera concrètement fixée par le pouvoir réglementaire. La CMP a d'ailleurs exprimé le souhait que le plafond maximum envisagé de 1,2 fois le SMIC ne soit exigé qu'à partir d'une famille de moins de six personnes.
Enfin, concernant les dispositions relatives au regroupement familial, je n'insisterai pas sur la possibilité qui sera désormais offerte aux candidats au regroupement familial qui ne peuvent faire valoir la réalité de leur état civil de solliciter la comparaison de leurs empreintes génétiques pour établir leur filiation.
La CMP a globalement retenu le dispositif du Sénat, calqué sur la procédure applicable en France en cas de contestation de la filiation, puisque le recours à un test devra être autorisé par le juge civil. Par certains aspects, le dispositif est même plus contraignant que la procédure qui existe dans le code civil puisque la recherche de filiation est limitée à la mère afin d'éviter d'éventuels révélations remettant en cause la « paix des familles », précaution que n'avait pas retenue le législateur en 1994. Rappelons enfin que ce dispositif, gratuit pour les demandeurs, sera appliqué de façon expérimentale pour dix-huit mois. Je suis d'ailleurs persuadé que sa mise en oeuvre montrera à quel point les polémiques suscitées par cet amendement étaient infondées.
Par ailleurs, ce projet de loi confortera le droit d'asile. Le projet initial proposait d'offrir aux étrangers, dont l'entrée au titre de l'asile avait été refusée, la possibilité de saisir sous vingt-quatre heures le juge administratif par la voie d'un référé-liberté, de plein droit suspensif. Les juridictions judiciaires considérant que la Cour européenne des droits de l'homme – CEDH – exigeait un recours au fond plutôt qu'un référé-liberté, l'Assemblée nationale a remplacé la procédure du référé par celle d'un recours en annulation. Le Sénat a souhaité que ce recours puisse être déposé dans les quarante-huit heures suivant le refus d'entrée. Ce délai sera suffisant, d'autant que nous avons prévu que l'étranger serait systématiquement informé des voies et délais de recours lorsque le refus d'entrée lui sera notifié. Le dépôt du recours suspendra aussitôt tout éloignement jusqu'à ce que le juge se soit prononcé, dans un délai maximal que l'Assemblée nationale a souhaité fixer à soixante-douze heures plutôt qu'à quarante-huit heures. Nous avons ici privilégié le parallélisme avec la procédure d'urgence déjà prévue par la loi pour les recours en annulation dirigés contre les arrêtés de reconduite à la frontière. Le maintien de l'étranger en zone d'attente sera d'office prorogé jusqu'à la décision du juge administratif. Le Sénat a précisé que le juge de la liberté et de la détention en serait informé.
Si le refus d'entrée est annulé, l'étranger sera libéré et pourra obtenir un document provisoire de séjour pour déposer sa demande d'asile. Alors que le Sénat dispensait l'étranger de demander ce document, la commission mixte paritaire a rétabli la solution de l'Assemblée nationale prévoyant la délivrance de ce document sur simple demande, car, en pratique, seules les préfectures peuvent remettre ce type de documents.
L'ensemble de cette procédure donne de nouvelles garanties aux demandeurs d'asile et permettra à la France de respecter pleinement les exigences de la CEDH.
La tutelle de l'OFPRA, largement formelle, relèvera non plus du ministère des affaires étrangères, mais du ministère chargé de l'asile, en l'occurrence le nouveau ministère de l'immigration, qui est compétent pour l'ensemble des flux migratoires. L'Assemblée nationale a souhaité conforter l'indépendance juridictionnelle de la Commission des recours des réfugiés – CRR – en la rebaptisant « Cour nationale du droit d'asile », ce qui est plus clair et juridiquement plus exact. Il s'agit d'un signal fort avant que le budget de cette juridiction ne soit clairement séparé de celui de l'administration dont elle juge les décisions : l'OFPRA. Nous avons aussi souhaité élargir le conseil d'administration de l'OFPRA à un représentant de la France au Parlement européen, pour tenir compte de l'importance croissante des enjeux européens en matière d'asile. Le Sénat a accepté l'ensemble de ces propositions. Il a en revanche refusé de ramener d'un mois à quinze jours le délai laissé aux demandeurs d'asile pour saisir la CRR lorsque l'OFPRA a rejeté leur demande, alors que ce délai, supérieur à la moyenne européenne, nous avait paru excessif. Dans un souci d'apaisement, la CMP a suivi le Sénat sur ce dernier point. La CMP a également accepté la proposition d'origine gouvernementale, adoptée au Sénat, d'offrir aux réfugiés un accompagnement personnalisé pour l'accès à l'emploi et au logement lorsqu'ils ont signé un contrat d'accueil et d'intégration.
S'agissant de l'outre-mer, le Sénat a accepté que les observatoires de l'immigration dans les départements d'outre-mer se réunissent dans les six mois suivant la publication de la loi. Il a en revanche supprimé une disposition que nous avions introduite pour préciser par la loi la composition de ces observatoires, celle-ci ayant, pendant la navette parlementaire, été fixée par un décret le 2 octobre dernier, ce qui est suffisant. La CMP a accepté cette suppression, ainsi que le rétablissement par le Sénat de la possibilité laissée à l'étranger d'avertir un conseil lorsqu'une mesure d'éloignement lui est notifiée. Elle a également accepté des dispositions d'origine gouvernementale, adoptées au Sénat, habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances pour codifier les textes relatifs à l'immigration outre-mer au sein d'un code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer, auxquelles nous avons ajouté la Nouvelle-Calédonie ; pour adapter les dispositions législatives relatives à l'action sociale ainsi que celles du code civil, à l'exclusion du droit de la nationalité, aux contraintes existant à Saint-Martin en matière d'immigration clandestine.
En ce qui concerne les autres dispositions du projet de loi, je n'entrerai pas dans le détail des nombreux articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale ou le Sénat comme, par exemple, la création d'un livret d'épargne co-développement, d'une carte de résident permanent ou la généralisation du bilan de compétences professionnelles dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration.
Ces dispositions ont en effet fait l'objet d'un large accord entre les deux assemblées, comme cela a d'ailleurs été le cas de l'article autorisant la mise en oeuvre de traitements automatisés permettant la conduite d'études sur la diversité. En effet, le Sénat a accepté le dispositif proposé par l'Assemblée nationale, en précisant seulement, comme l'avait souhaité la HALDE, que les traitements menés dans ce cadre ne permettent pas l'identification des personnes concernées.
Enfin, dans un souci d'apaisement, la commission mixte paritaire a souhaité, à notre demande, supprimer l'article 21 relatif à l'hébergement de stabilisation des personnes en situation irrégulière. La mesure proposée visait bien sûr non pas à interdire l'hébergement d'urgence pour les sans-papiers, mais seulement à limiter le droit d'exiger un hébergement de stabilisation pour les personnes en situation irrégulière. Cependant, dans les faits, il semble qu'il soit pour le moins difficile d'opérer une distinction entre hébergement de stabilisation et hébergement d'urgence.
Au total, le projet de loi tel qu'il nous est proposé aujourd'hui constitue une nouvelle étape dans la mise en place d'une véritable politique d'immigration insistant sur l'impératif d'intégration. En effet, au moment où nous allons voter définitivement ce texte, n'oublions pas que ses mesures les plus importantes concernent l'apprentissage anticipé de la langue française dans le pays d'origine. La commission mixte paritaire vous demande donc de l'adopter. Nous concrétiserons ainsi l'une des promesses faites par Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielles, une promesse tenue quelques mois après son élection.
La parole est à M. ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, m'exprimer devant vous aujourd'hui me permet de constater à quel point ce texte a pu être, en peu de temps, non seulement commenté, débattu, mais aussi enrichi. C'est à l'honneur du Parlement d'avoir été à l'origine d'échanges aussi constructifs et c'est, à travers eux, notre démocratie qui s'en trouve confortée.
Après quarante-cinq heures de débat parlementaire, ce projet de loi parvient à son point d'orgue. La commission mixte paritaire a adopté, la semaine dernière, un texte équilibré, qui a entièrement l'accord du Gouvernement.
Je remercie tout particulièrement le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann, et celui de la commission des lois du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, ainsi que les deux rapporteurs, M. Thierry Mariani et M. François-Noël Buffet.
Le moment est donc venu de soumettre ce texte au vote de chacune des deux assemblées. Plus qu'un aboutissement, ce vote constituera une étape vers une meilleure maîtrise de l'immigration. La nouvelle loi permettra, en effet, de répondre à la double ambition du Président de la République et du Gouvernement d'être plus fermes à l'égard des immigrés qui ne respectent pas les lois de la République et, dans le même temps, plus protecteurs à l'égard de ceux qui respectent nos règles et nos valeurs. C'est ainsi que nous favoriserons l'intégration des immigrés légaux et que nous préserverons la cohésion de la communauté nationale.
J'observe, pour m'en réjouir, que les dix-huit articles du projet de loi que j'ai soumis au Parlement ont été adoptés, avec des améliorations, sans être dénaturés. Ils traduisent les engagements fondamentaux pris par le Président de la République devant les Français.
La première réforme nous donnera les moyens de mieux encadrer le regroupement familial. Désormais, les personnes souhaitant rejoindre la France dans ce cadre, tout comme les conjoints étrangers de Français, seront soumis dans leurs pays de résidence à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République.
Cette réforme est le fruit d'une conviction très largement partagée à l'échelon européen. La langue est le meilleur vecteur d'intégration. Elle est la clef de l'accès à l'emploi, au logement, aux services publics et à une vie normale au sein du pays d'accueil. Notre idée est très simple et très claire : il ne faut pas attendre l'arrivée en France pour s'initier à la langue française.
À l'évidence, cette mesure est attendue par nos compatriotes, puisque selon une enquête d'opinion publiée le mois dernier, ils sont 74 % à l'approuver. Demander aux candidats à l'immigration familiale de passer un test de français et d'apprendre notre langue, c'est à la fois combattre le communautarisme et récompenser les efforts des étrangers qui souhaitent vraiment s'intégrer.
De même, l'étranger souhaitant faire venir sa famille dans notre pays devra prouver qu'il dispose de revenus adaptés à la taille de celle-ci. Sans revenir sur les explications fournies par le rapporteur, je rappelle qu'une telle mesure relève du bon sens : comment une famille étrangère de quatre enfants, arrivant en France et devant financer des dépenses liées à son installation, pourrait-elle se loger décemment et vivre dignement avec des revenus trop modestes ?
Enfin, nous renforçons le parcours d'intégration grâce à la création du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille. Après avoir signé ce contrat avec l'État, les parents des enfants ayant bénéficié du regroupement familial recevront une formation sur les droits et devoirs des parents en France. Ils s'engageront notamment – j'insiste sur ce point, comme je l'avais fait en première lecture – à respecter l'obligation d'instruction. Ce faisant, ils renforceront les chances qu'auront leurs enfants de réussir leur intégration dans notre pays.
En second lieu, nous confortons les procédures d'examen des demandes d'asile, en respectant, comme par le passé, notre tradition d'accueil des réfugiés politiques, qui est l'honneur de la France. La formule du Préambule de la Constitution de 1946 – « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République » – témoigne de l'attachement ancien, jamais démenti, de notre République pour le droit d'asile. Cette tradition, nous la respectons : 124 000 personnes bénéficient aujourd'hui, en France, du statut de réfugié politique.
La question de l'asile et celle de l'immigration sont distinctes et doivent le rester. Garanti par la convention de Genève, l'asile a sa finalité propre, qui doit être de protéger les personnes qui ne le sont plus par leur propre État. Il n'est pas et ne sera pas une variable d'ajustement de la politique d'immigration.
Dans cet esprit, le projet de loi tient compte de la nouvelle organisation gouvernementale, en me confiant très logiquement la tutelle de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; mais ce n'est pas moi qui, demain, déciderai si tel ou tel étranger doit être reconnu comme réfugié. L'OFPRA restera souverain dans ses décisions sur les cas individuels, sous le contrôle de la Commission de recours des réfugiés. Je me réjouis d'ailleurs que le débat parlementaire ait permis de renforcer l'indépendance de cette juridiction, qui devient la Cour nationale du droit d'asile.
Au-delà des dix-huit articles qui vous avaient été soumis, vous avez souhaité enrichir le projet de loi par un travail parlementaire d'une grande qualité, complétant le texte tout en respectant la cohérence de son architecture.
Le texte initial de dix-huit articles a été étoffé de près de cinquante articles. Le total en représente donc soixante-cinq. En tout, sur quatre cent soixante amendements discutés, cent cinquante ont été adoptés, sans préjuger de leur origine partisane. Sur tous les bancs, des idées ont entraîné l'adhésion. Ainsi, quarante et un amendements ont été adoptés à l'initiative de l'UMP, cinq à celle du Nouveau Centre, quinze à celle du groupe socialiste, quatre à celle des Verts et deux à celle des communistes.
J'ajoute que trente-quatre amendements ont été adoptés à l'unanimité. Je me félicite de la capacité de la représentation nationale à dépasser les clivages, malgré l'engagement des uns et des autres, et à trouver des points d'accord sur des sujets rassembleurs.
Je mentionnerai tout particulièrement quatre amendements importants.
Le premier concerne la création du livret épargne codéveloppement, qui manifeste l'engagement du Parlement en faveur du codéveloppement. Il permettra aux immigrés de verser leur épargne sur un livret donnant droit, s'ils investissent dans leurs pays d'origine, à une prime versée par l'État. C'est un progrès incontestable.
Un deuxième amendement, généralisant le bilan de compétences pour tous les étrangers s'installant en France, a marqué votre souhait d'améliorer l'intégration par le travail. Puisque nous nous efforçons de rééquilibrer les flux migratoires en augmentant la part de l'immigration de travail, il est logique que, dans le même temps, l'ensemble des immigrés s'installant en France – y compris les migrants familiaux – bénéficient d'un bilan de compétences pour les orienter vers le marché du travail.
De même, vous avez marqué votre refus absolu des régularisations massives, en confirmant le caractère tout à fait exceptionnel que doivent conserver les régularisations. Dans ce cadre, vous avez souhaité donner aux préfets la possibilité de tenir compte, au cas par cas, de la capacité d'intégration par le travail. Afin d'éviter toute ambiguïté, je répète dans l'hémicycle, comme je l'ai indiqué hors de cette enceinte, qu'il ne s'agit évidemment pas de régulariser tous les travailleurs clandestins, mais d'admettre au séjour, à titre tout à fait exceptionnel, quelques étrangers en situation irrégulière dont la compétence professionnelle est particulièrement recherchée. Enfin, sur ma proposition, vous avez souhaité créer une carte de résident permanent d'une durée illimitée, pour faciliter la vie des étrangers parfaitement intégrés qui séjournent depuis très longtemps dans notre pays.
J'en viens à l'amendement qui a suscité les débats les plus denses. Il proposait de créer la possibilité, dans le cadre du regroupement familial, d'apporter une preuve de filiation au moyen d'un test ADN. Nous savons tous à quel point cet amendement, proposé par le rapporteur de l'Assemblée nationale, Thierry Mariani, a suscité de riches débats dans l'hémicycle comme dans les médias.
Chacun a pu s'exprimer en son âme et conscience, autant qu'il le souhaitait. Bien sûr, il y a eu des caricatures, des excès, de faux procès et la tactique politique s'est parfois confondue avec les désaccords de principe. Mais peu importe. Ce sont sans doute les règles du jeu démocratique. L'important est ailleurs : entourée des garanties nécessaires au respect de la vie privée, la procédure des tests ADN donnera aux étrangers de bonne foi un droit nouveau, qui leur permettra, s'ils le souhaitent – j'insiste sur ce point –, d'apporter un élément de preuve de leur filiation, au soutien d'une demande de regroupement familial. Il s'agit de cela et il ne s'agit que de cela.
Faut-il rappeler, une nouvelle fois, les garanties entourant la nouvelle procédure ? Ce dispositif ne sera pas obligatoire, mais entièrement facultatif et fondé sur le volontariat. Il ne sera pas général et permanent, mais expérimental, puisque, pour commencer, il sera mis en oeuvre dans un certain nombre de pays dont le système d'état civil est déficient, et que le Parlement débattra à nouveau, dix-huit mois après l'entrée en vigueur du décret d'application, au vu d'un rapport d'évaluation établi par une commission de sages.
De même, cette mesure ne constituera pas un obstacle financier pour les candidats au regroupement familial puisqu'elle sera gratuite, quelle que soit l'issue du test. Elle ne conduira naturellement à aucun fichage génétique. Il n'est nullement question de cela.
J'ajoute que seul un élément de preuve de la filiation avec la mère pourra être recherché au moyen du test ADN. Cette limitation permettra d'éviter, comme je l'ai déjà indiqué, la révélation publique d'un viol.
Surtout, nous avons souhaité que le test soit explicitement autorisé par le juge civil : c'est l'autorité judiciaire qui décidera d'autoriser, ou non, l'identification du demandeur de visa par ses empreintes génétiques. Ainsi, dans son principe, la procédure est similaire à celle de l'actuel article 16-11 du code civil, issu de la loi de juillet 1994 relative à la bioéthique, qui prévoit que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques puisse être recherchée en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant à l'établissement ou à la contestation d'un lien de filiation. En réalité, la seule différence est que, dans le cadre de l'instruction de la demande de regroupement familial, c'est un élément de preuve de la filiation – et non l'établissement de la filiation – qui sera recherché grâce au test ADN.
Ainsi entouré de garanties, le dispositif concernant ces tests pourra être mis en oeuvre par la France à titre expérimental, aux côtés des douze pays européens qui le pratiquent déjà ou sont en passe de le mettre en oeuvre. Quels sont ces pays ? Pour la plupart, ils sont aujourd'hui dirigés par des gouvernements d'origine social-démocrate ou socialiste. Je pense par exemple au Royaume-Uni, où je me suis rendu il y a quelques jours. J'y ai rencontré mon homologue travailliste, avec lequel je me suis entretenu de ce sujet. Lors d'une conférence de presse où j'indiquais que le Royaume-Uni, pays de l'habeas corpus, pratiquait 10 000 tests, il est même intervenu pour corriger ce chiffre : c'est 12 000, et cela ne pose pas la moindre difficulté.
L'Espagne, dont le Gouvernement est certainement le plus à gauche de toute l'Europe, le pratique à l'égard de trois pays, et envisage d'étendre cette mesure à huit autres pays, ce qui ne soulève, là non plus, aucun problème.
Quand vous parlez de la gauche, monsieur le ministre, c'est inquiétant !
Cette procédure est également pratiquée par l'Italie, gouvernée elle aussi à gauche, par l'Allemagne, dirigée par une coalition dans laquelle une formation de gauche joue un rôle important, par la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l'Autriche, la Finlande, la Lituanie, la Norvège et la Suède.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés lui-même a relevé, dans une note datant du mois de mai, que les tests ADN sont de plus en plus utilisés comme moyen de prouver les liens de parenté dans le cadre du regroupement familial. Pour lui, offrir la possibilité d'y recourir pour prouver la filiation correspond à une évolution logique et inéluctable. Je rappelle pour mémoire que c'est aussi la position de la Commission européenne, qui, le 4 octobre, a indiqué publiquement que ces tests étaient totalement compatibles avec le droit européen.
Au moment de conclure nos débats, je mesure l'importance de la mission qui nous incombe : en décidant aujourd'hui de la politique d'immigration, nous dessinons le visage de la France d'après-demain. À la tête d'un ministère novateur, je souhaite, au nom du Gouvernement et conformément aux engagements du Président de la République, contribuer à définir une politique d'immigration qui permette à la fois l'enrichissement et l'équilibre de notre communauté nationale.
Parce qu'il est ferme et parce qu'il protège, le projet de loi qui vous est soumis va dans le bon sens, celui d'une France vigilante, fière d'elle-même, désireuse de préserver son équilibre, mais ouverte à l'autre, accueillante à celles et à ceux qui veulent la rejoindre pour s'y intégrer. Il va dans le sens d'une France diverse mais unie, riche de son harmonie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Patrick Braouezec.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ainsi ce projet revient devant nous, après les allers-retours entre les deux chambres et un travail en commission mixte paritaire. Mais, à mes yeux, même en dépit de quelques améliorations, de nombreuses questions restent en suspens.
Nous avons été écoutés mais peu entendus. Aujourd'hui, la raison, le respect et 1'effectivité des droits humains seront-ils enfin pris en compte ? On pourrait l'espérer, mais je suis quelque peu sceptique, quand j'entends le Gouvernement affirmer qu'un certain nombre de femmes et d'hommes installés sur notre territoire et vivant parmi et avec nous sont indésirables. Il a décidé de s'en débarrasser en les mettant dehors.
Techniquement parlant, quand on veut interpeller des indésirables, il faut aller les chercher là où ils sont. Pour augmenter et le chiffre et le rythme des interventions, il existe des techniques rodées : la convocation piège dans les préfectures ou les commissariats, l'interpellation des enfants – ou de leurs parents – dans les écoles, l'interpellation des hommes ou des femmes à leur domicile, comme à Amiens et Paris, avec les conséquences tragiques que l'on connaît, ou encore les interpellations lors de la distribution de repas par les Restaurants du coeur, ou dans les hôpitaux.
Et, le fait que la police française se soit vue fixer des objectifs chiffrés, sur lesquels les responsables sont jugés par leur hiérarchie, a pour conséquence que cette chasse tient désormais de la rafle. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je sais que ce mot choque, qu'il est connoté et peut paraître excessif, mais regardons quelle définition en donne le dictionnaire. Les rafles sont des « arrestations massives opérées à l'improviste » et c'est bien ce à quoi nous assistons aujourd'hui.
Je ne suis d'ailleurs pas le seul à utiliser le terme : Emmanuel Terray, le président de la ligue des droits de l'homme ou la Cimade, qui est assez experte en la matière, n'hésitent pas à utiliser le mot.
Les personnes arrêtées n'ont commis aucun délit, sauf celui d'être là et d'avoir migré, ce qui est un droit humain fondamental et élémentaire pour tout citoyen, quelle que soit son origine. Le Gouvernement les désigne aujourd'hui pourtant comme responsables et causes sous-jacentes des difficultés et des problèmes sociaux. Cette loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile vient renforcer, une fois de plus, l'arsenal déjà existant conçu contre la migration.
Examinons le texte article par article. Dans l'article 1er, il est fait référence à une formation dont la durée ne peut excéder deux mois. Or il avait été souligné que la procédure actuelle de regroupement familial était déjà longue. Il faut, en effet, dix-huit mois de séjour régulier depuis la loi du 24 juillet 2006, puis six mois d'attente – à l'issue desquels le préfet fait connaître sa décision après le dépôt du dossier de demande de regroupement familial –, et enfin, des délais importants, voire exorbitants, pour obtenir le visa auprès des services consulaires, alors que théoriquement le délai de réponse ne doit pas excéder deux mois. Ce délai supplémentaire dans la procédure de regroupement familial porte donc une nouvelle fois atteinte au droit de mener une vie familiale normale. Cette mesure est d'ailleurs anticonstitutionnelle et ne répond pas à l'exigence, fondamentale dans une démocratie, de conciliation équilibrée entre les droits individuels et l'intérêt général.
Pour l'article 2, il aurait été préférable de reprendre la position exprimée par le Sénat en 2006 concernant les conditions de ressources. Les sénateurs estimaient alors qu'il « n'y a pas lieu d'établir de distinction, s'agissant des ressources, entre la situation des familles étrangères et celle des familles françaises. Si un revenu égal au SMIC permet à une famille française de vivre dans des conditions acceptables, il en va de même pour une famille étrangère ». Ces éléments ont été rappelés, la semaine dernière, mais sans succès.
Cette mesure discriminatoire ne laisse pas aux familles la possibilité d'exercer leurs droits issus notamment de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, et de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui impose que l'intérêt de l'enfant soit une considération primordiale dans toute décision administrative ou juridictionnelle. Cette disposition laisse entrevoir des dérives dangereuses en termes de respect des droits humains.
En ce qui concerne les violences faites aux femmes, les associations ont été entendues. Les victimes mises à la rue, avant la délivrance du premier titre de séjour, pourront obtenir un titre auprès des services de la préfecture. Mais, parce qu'elle peut toujours laisser un espace à l'arbitraire, nous aurions d'ailleurs préféré que la possibilité ouverte au préfet soit transformée en obligation.
Quant au regroupement familial pour les conjoints de Français, rien n'a changé malgré plusieurs amendements demandant l'annulation de la formation. En effet, ils devront s'y soumettre pour une durée maximum de deux mois dans le pays où ils sollicitent le visa. Mais cette formation est-elle pertinente ? À l'heure actuelle, les couples mixtes sont victimes de nombreuses procédures leur interdisant le regroupement familial : difficultés pour obtenir la transcription des unions célébrées à l'étranger, multiplication des refus de visa ou de titre de séjour, éloignement des conjoints de Français en situation irrégulière, arrestations à domicile, enquêtes de police sur la communauté de vie, non-reconnaissance du droit au séjour des couples mixtes vivants hors mariage… Ils sont de plus en plus mis au ban de la société. Cette obligation d'évaluation et de formation n'est qu'une mesure supplémentaire pour déclarer hors-la-loi l'amour avec les étrangers.
Rien n'arrête votre Gouvernement. Le droit à vivre en famille et le droit à la vie privée sont aujourd'hui interdits à une partie des citoyens vivant ou voulant vivre en France. Mais votre texte contient d'autres violations des droits. Ainsi, il est maintenant possible, pour le ressortissant d'un pays qui présente des carences en matière d'état civil et qui souhaite rejoindre ou accompagner l'un de ses parents, de demander une identification par empreintes génétiques. C'est l'objet du fameux amendement de M. Mariani. Rien n'a fait reculer le Gouvernement, ni les déclarations de l'évêque de Saint-Denis et de l'évêque de Belfort-Montbéliard, ni celle de la Fédération protestante de France, ni l'appel des scientifiques, ni même la pétition qui a réuni quelque 78 000 signatures en trois semaines. Certes, quelques améliorations sont apparues mais elles ne retirent rien au caractère inadmissible de cet article. Et contrairement à ce qu'en a dit le Premier ministre, il ne s'agit pas d'un détail. Laissez-moi citer un extrait du communiqué de presse émis par l'Union juive française pour la paix.
Oui, M. Prasquier !
Je cite ce communiqué : « le fichage génétique et la traçabilité des origines raciales rappellent et font remonter à des périodes historiques les plus sombres de l'humanité où les Juifs avaient été l'objet de mesures similaires. En ce sens, ces mesures ne sont pas "un détail", pas plus que ne l'était la traçabilité des origines raciales mise en place par l'Allemagne des années trente et par d'autres pays européens, ce qui a mené à des dérives et aux crimes les plus atroces. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire .) C'est précisément par des "détails" simplistes et profondément idéologiques qui assimilent les migrants à des voleurs, à des criminels, à des terroristes et à des profiteurs, que l'on aboutit à des dérives ».
je ne fais que citer le communiqué de presse émis par l'Union juive française pour la paix.
L'introduction légale de ces mesures, à rencontre de migrants, se révèle incompatible avec les valeurs et les pratiques démocratiques. Pour ma part, je ne peux accepter une mesure qui sous couvert de légalité, établit une discrimination entre les femmes et les hommes en raison de leur origine.
La même remarque vaut pour l'article 20 et la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration. En aucun cas, et quelle que soit la complexité de l'étude, il ne peut être fait état de la diversité de l'origine des personnes. Ce n'est certainement pas en focalisant sur des populations que les discriminations vont se réduire. Pour en revenir à l'ADN, je citerai un journal qui n'est ni L'Humanité ni l'organe officiel de Cuba ou de la Chine, le New York Times rappelle ainsi dans son éditorial du 21 octobre que les familles françaises, comme américaines, sont aujourd'hui constituées de sang et de génétique mêlés. Le journaliste précise que « les tests ADN sont utiles pour établir une culpabilité ou une innocence, mais n'ont pas leur place dans une loi sur l'immigration », il affirme que « les questions d'immigration font ressortir les pires instincts des hommes politiques ». Pour mieux demander de supprimer un texte qu'il qualifie « d'hideux », le New York Times souligne que "les notions pseudo-scientifiques de lignée pure ont été introduites en France avec des conséquences tragiques".
En définitive, même s'il y a respect de la vie privée puisque la filiation ne sera établie qu'à l'égard de la mère – cela dit, permettez-moi de m'interroger sur le cas d'un regroupement demandé par le père alors que la mère est ou décédée ou introuvable – ; même si les pays concernés doivent, au préalable, donner leur avis ; même si ce test est réalisé aux frais de l'état, il n'en reste pas moins que cet article est inadmissible au regard de ce qui fonde notre République et les valeurs de la démocratie. Il met en danger de nombreux droits fondamentaux, dont le droit de vivre en famille ainsi que celui d'avoir une vie privée. Je rappelle que les tests ADN sont essentiellement utilisés pour prouver une filiation après décision de justice et demandés pour les coupables de crimes et délits. À ce jour, l'ADN de plus de 500 000 personnes est stockée dans le fichier créé en 1998. Mais les migrants demandant un regroupement familial ont-ils commis des crimes ou des délits ? Non, ce ne sont ni des délinquants, ni des criminels alors que le traçage ADN, lui, est liberticide et attentatoire aux libertés privées.
Le droit à l'asile n'est pas mieux traité que le regroupement familial. Ce projet de loi limite le droit à un recours suspensif aux seuls demandeurs d'asile et ne prévoit toujours rien pour les autres étrangers maintenus en zone d'attente, qu'ils soient mineurs, malades ou victimes de violences. Pourtant, à l'Assemblée comme au Sénat, plusieurs amendements tendaient à l'élargissement de ce recours, en vain. Il aurait été opportun de créer un recours suspensif pour l'ensemble de ces personnes.
En outre, l'obligation d'un recours effectif, c'est-à-dire nécessairement suspensif, devrait bénéficier à tous les étrangers dont le refoulement risque d'entraîner la violation d'un droit protégé par la Convention européenne des droits de l'homme. Ainsi, les articles 2 et 3 de cette Convention concernent non seulement les demandeurs d'asile mais également les étrangers dont l'état de santé nécessite des soins dont le défaut aurait de graves conséquences et dont ils ne pourraient effectivement pas bénéficier dans le pays où ils sont refoulés. Le refoulement peut aussi porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention, par exemple à un étranger en situation irrégulière vivant habituellement en France avec sa famille et, qui, à la suite d'un voyage, se trouve bloqué hors du territoire ou à un mineur isolé.
En ce qui concerne le délai de recours, si celui-ci a été augmenté de vingt-quatre heures, il n'en demeure pas moins que ce délai de quarante-huit heures n'est toujours pas suffisant pour assurer un recours effectif. En effet, n'oublions pas qu'il s'agit d'un recours complexe, dit référé-liberté, prévu à l'article L 521-2 du Code de justice administrative, qui peut faire l'objet d'un rejet « au tri », et que les conditions de recevabilité des requêtes sont draconiennes car il s'agit de prouver une atteinte grave et manifeste à une liberté fondamentale. Au-delà de ce délai, la police aux frontières est libre de renvoyer un demandeur d'asile, quels que soient les autres recours qu'il souhaiterait exercer – et notamment la saisine de la CEDH en vue de mesures provisoires ou saisine du juge pour enfants, lorsqu'il s'agit d'un mineur isolé.
Afin d'éviter ce véritable filtrage, la requête en référé doit être très circonstanciée et sa rédaction nécessite un long travail préalable. Rappelons que dans l'affaire Gebremedhin, c'est précisément l'usage abusif de cette procédure au « tri » qui a valu que la Cour européenne des droits de l'homme prononce en 2005 une mesure provisoire à rencontre de la France pour empêcher le renvoi du demandeur.
En l'état, ce projet de loi ne permet pas de mettre en conformité le droit français avec les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme et avec d'autres obligations découlant des instruments internationaux de protection des droits de l'homme auxquels la France est partie.
Ce temps insuffisant constitue une atteinte au droit d'asile et aux droits de la défense, il a pour effet de rendre irrecevables de nombreux recours. Combinée avec la possibilité de rejeter par simple ordonnance, sans audition des demandeurs, les recours insuffisamment motivés, cette disposition prive ainsi un grand nombre de réfugiés d'un examen au fond de leur situation.
Ainsi, parce que je crois que cette loi vise l'institutionnalisation de la xénophobie et porte en elle de nombreuses formes de racisme, – cela a d'ailleurs été pointé dans plusieurs rapports du Conseil des droits de l'homme de l'ONU –, et parce qu'elle met à mal de nombreux instruments garantissant le respect et l'effectivité des droits humains, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine considère que ce texte est, en l'état, irrecevable. S'il était adopté, nous nous joindrions évidemment à une saisine du Conseil constitutionnel. La démocratie, l'exercice des libertés démocratiques, la pleine et entière jouissance des droits humains, sont incompatibles avec des mesures légales qui établissent et institutionnalisent la discrimination.
Nous passons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
La parole est à M. Eric Diard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur Braouezec, le groupe de l'Union pour un mouvement populaire est un peu choqué de vous entendre parler de « rafle ».
Malheureusement, vous ne vous contentez pas de faire de la caricature, vous insultez la mémoire de ces millions de juifs, de tsiganes, de résistants qui ont été arrêtés, torturés, et qui pour la plupart ne sont jamais revenus. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.-Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En ce qui concerne le texte, il faut rappeler que le test relatif à la langue française et aux valeurs de la République permettra une meilleure intégration. En effet, dois-je vous rappeler qu'un immigré qui ne sait par parler notre langue ou qui ne connaît pas notre culture se retrouve d'autant plus facilement à la merci d'aigrefins ou de voyous qui vivent souvent sur son dos.
Les Pays-Bas ont d'ailleurs institué en 2006 un test de connaissance de la langue et de la société néerlandaises.
Ce projet de loi renforce les parcours d'intégration des immigrés puisque ces derniers signent un contrat avec l'État : les parents des enfants ayant bénéficié d'un regroupement familial s'engageront alors à réussir l'intégration de leur enfant.
En ce qui concerne le test ADN, vous maniez toujours la caricature et le mensonge. Vous le savez bien pourtant, puisque cela a été cent fois répété, ce test se fonde sur le volontariat. Il ne peut y avoir de traçage puisque les résultats des tests sont détruits et non stockés. Ce test ADN ne s'appliquera qu'à titre provisoire et une évaluation sera faite au plus tard le 31 décembre 2009. Le dispositif ne crée pas de barrage financier puisque le test est intégralement remboursé par l'État, quel que soit le résultat. Il ne nuit pas à l'intégrité de la cellule familiale puisque la filiation sera uniquement recherchée par rapport à la mère. Ce test empêche t-il les enfants de rejoindre leur famille en France ? Non, il est à l'initiative du demandeur et si l'enfant est adopté, par définition, le père ou la mère ne demandera pas le test ADN.
Le groupe UMP se félicite que ce débat, qui aura duré quarante-cinq heures, ait été enrichi non seulement par l'Assemblée nationale, mais aussi par le Sénat et la commission mixte paritaire, dont je faisais partie. Plus d'une centaine d'amendements ont en effet été adoptés, dont une quinzaine émanant du groupe socialiste, quatre des Verts et deux du Parti communiste. Le débat a donc été riche et ouvert.
Si l'article 21 a été supprimé, les dix-huit articles conformes au programme du Président de la République ont été respectés. Le groupe UMP votera donc contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est àM. Serge Blisko, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains ont pu être choqués par la description que vient de faire notre collègue Braouezec, mais elle est, hélas ! tout à fait exacte. Un climat de défiance, de peur et d'incompréhension…
… s'est instauré à la fois à l'intérieur de notre pays et dans nos relations avec un certain nombre de pays amis.
Le groupe socialiste ne conteste nullement le droit qu'a un État de bâtir une politique d'immigration, pourvu qu'elle soit mesurée et intelligente, qu'elle respecte la nécessité d'aller et venir de millions de personnes dans le monde et qu'elle prenne en compte les besoins économiques, sociaux, culturels, universitaires et scientifiques des pays européens. Nous n'avons jamais prétendu le contraire. Ainsi, nous avons toujours cherché à construire une politique de l'immigration respectueuse des personnes et de leurs conditions de vie non seulement dans leur pays d'origine – c'est pourquoi nous soutenons le co-développement –, mais aussi dans le nôtre afin que leur intégration soit la plus réussie possible.
Dans un rapport sur la « carte bleue » – qui serait l'équivalent européen de la carte verte américaine –, la Commission vient de rappeler qu'en 2020, l'Union européenne aura besoin de 20 millions d'immigrés supplémentaires. Une fois que les personnes sont arrivées, il faut pouvoir les intégrer en respectant leurs libertés fondamentales, les droits de l'homme et les droits de l'enfant. Or votre texte en est loin.
Par ailleurs, ainsi que l'a très bien démontré M. Braouezec, nous avons le devoir de respecter de manière absolue le droit d'asile, car la France n'est pas n'importe quel pays. Traditionnellement exemplaire dans ce domaine – elle a ratifié dès 1952 la Convention de Genève de 1951 –, la France reste, avec 30 000 demandes d'asile par an, une terre d'accueil – même si d'autres pays accueillent des centaines de milliers voire, dans des zones très troublées, des millions de demandeurs d'asile. Aussi devons-nous veiller à ce que les droits des demandeurs d'asile soient effectifs, et non purement théoriques.
En matière d'immigration, l'équilibre est instable. Vous l'avez continuellement remis en cause depuis 2002 et il est une nouvelle fois gravement menacé par le projet de loi de M. Hortefeux, rectifié par M. Mariani comme on modifiait certains canons pendant la Première guerre mondiale pour qu'ils fassent plus de dégâts, sans toujours discerner d'ailleurs le camp ennemi et le camp ami. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce texte aggrave en effet la situation. S'agissant du fichage génétique,…
… toutes les églises et les forces spirituelles, ainsi qu'un certain nombre d'éminentes personnalités gaullistes ou de l'UMP ont dit ce qu'il fallait en penser.
C'est donc moins une question d'opposition que de bon sens et de respect de la démocratie. Ainsi que vous l'a dit M. Diard de façon maladroite, n'oublions pas les dérives qu'a connues notre pays il y a soixante ans.
Quant à la possibilité de réaliser des statistiques ethniques et raciales, introduite à l'article 20, nous n'en avons nul besoin, car nous savons bien qui est discriminé et nous disposons d'ores et déjà d'outils qui permettent de mesurer ces discriminations.
La CNIL n'est donc pas sérieuse ?
De telles dispositions ternissent l'image de la France, singulièrement altérée depuis le grossier discours du Président de la République devant les jeunes étudiants de Dakar. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En désignant nommément les onze pays d'Afrique subsaharienne dont l'état civil serait prétendument entaché de nombreuses erreurs,…
… vous dégradez nos relations avec ces pays. Au lieu de les aider, vous édifiez un mur d'incompréhension. Ne vous étonnez donc pas si les jeunes choisissent massivement de tourner le dos à notre pays malgré leur éducation francophone : plutôt que de leur tendre la main, vous avez dressé de nouvelles barrières à leur entrée sur notre territoire !
Notre tradition d'accueil est bien écornée et les quelques garde-fous – le mot est bien choisi – que le Sénat a introduits n'empêcheront pas ce texte d'être contraire à tous les traités internationaux, notamment à la Convention européenne des droits de l'homme et à la Convention internationale des droits de l'enfant. C'est pourquoi le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité de M. Braouezec. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Monsieur le ministre, nous voici donc à nouveau rassemblés pour examiner votre projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration. Il est vrai que vous n'avez pas ménagé vos efforts pour permettre l'émergence de ce texte hâtif, dérangeant et peu applicable, qui présente l'avantage considérable, pour le Gouvernement et sa majorité, d'envoyer le signal attendu à la frange la plus dure de votre électorat, celle que l'on a habituée à considérer que tous ses problèmes viennent de l'immigration et qu'elle mènerait une vie plus enviable si celle-ci était diminuée ou arrêtée.
Aussi avancez-vous imperturbablement, sourd aux appels d'une fraction non négligeable du peuple français, des églises, des associations, des intellectuels, des autorités morales qui se sont toutes exprimées contre vos innovations et l'utilisation malsaine des questions relatives à l'immigration. Certains parlementaires de votre majorité et même certains ministres…
… ont exprimé leur malaise face à ces dispositifs modernes qui vous fascinent mais qui ne constituent certainement pas un progrès pour les relations humaines.
À l'époque où les marchandises circulent sans délai grâce au transport aérien, où les informations et les capitaux font le tour de la planète en un rien de temps, où l'on correspond sur Internet avec la terre entière, croire que l'on pourra, par des obstacles administratifs, empêcher les Français et les étrangers de se rencontrer, de se connaître et de s'aimer est une prétention encore plus rétrograde et plus vaine que l'édification de la ligne Maginot en son temps.
Montant en épingle quelques cas malheureux, vous aimeriez croire et faire accroire que les mariages des Français avec des étrangers sont principalement motivés par l'intérêt, l'esprit de lucre ou la fraude. Mais, quitte à vous décevoir, je crois vraiment que vous vous trompez : les Français, rebelles, indisciplinés, le plus souvent antiracistes, aiment qui ils veulent, quelle que soit sa couleur de peau ou sa nationalité.
Par vos lois, vous pourrez peut-être les en punir, retarder les échéances et les contrarier en les obligeant à vivre seuls plus longtemps. Mais rien n'y fera, vous devrez admettre que, dans l'immense majorité des cas, c'est librement et en conscience que des Français choisissent d'épouser des Asiatiques ou des Ukrainiennes, que des Françaises s'unissent à des Maliens ou à des Indiens. D'ailleurs, le plus souvent, cela se passe plutôt bien.
Que, pour diverses raisons, y compris à cause des différences de culture ou de religion, certaines de ces unions se concluent par un échec ne signifie pas, comme vous voudriez le faire accroire, qu'elles sont entachées de fraude. L'actualité récente nous montre que les intermittences du coeur existent même dans les plus hautes sphères de notre pays et qu'il ne sert à rien de légiférer d'abondance pour essayer d'y traquer l'impalpable. Et je ne parle pas des couples de Français dits de souche qui adoptent des enfants colombiens, malgaches ou haïtiens. Ils témoignent que l'absence de filiation biologique ne change rien au bonheur que la présence de ces enfants apporte dans leur foyer.
Votre loi va introduire une innovation insolite, puisqu'un époux ou une épouse de Français, devra désormais passer de longues semaines, voire de longs mois, à étudier le français loin de la France et de son foyer, alors qu'il lui aurait été plus facile de progresser en restant auprès de son conjoint. Nous touchons ici à l'absurde. Certes, le Sénat – dont je salue le travail, bien que la majorité n'y soit pas de gauche – et la commission mixte paritaire ont tenté de limiter la nocivité de ces dispositions en supprimant ou en limitant les plus aberrantes ou les plus contestables. Ainsi l'article 1er encadre cette formation par des délais et permet d'en dispenser le conjoint étranger pour des motifs légitimes. Je constate néanmoins que le texte n'est pas très explicite sur ce dernier point.
S'agissant de l'article qui introduit une discrimination dans le droit au regroupement en raison des ressources, le montant du salaire exigé a été limité à une moindre majoration, puisqu'il s'élève au plus à 1,2 SMIC. Quant aux personnes âgées et aux malades, la modification proposée par le Sénat nous semble plus acceptable que la sèche formulation d'origine. Néanmoins, cette modeste amélioration ne change rien au caractère inopportun de telles dispositions, car c'est le principe même de la majoration qui nous choque. Encore une fois, si une famille française peut vivre avec le SMIC, pourquoi la famille étrangère n'est-elle pas autorisée à s'en contenter ? Ne serait-il pas plus simple et plus efficace de se battre pour améliorer tous les salaires ?
Ce texte nous paraît également inutile et inopportun parce qu'il stigmatise l'étranger dans son rôle de parent. D'un côté, la procédure complexe que vous avez élaborée confie au préfet le pouvoir de sanctionner l'étranger qui, parce qu'il manque d'assiduité aux cours sur les droits et devoirs des parents en France, ne serait pas assez bon parent. De l'autre, elle confie aux présidents des conseils généraux le soin de prononcer les sanctions, puisque ces derniers sont seuls compétents en matière de contrats de responsabilité familiale, dont le non-respect sera éventuellement sanctionné par la mise sous tutelle des prestations. Pourquoi donc brandir cette menace et stigmatiser ainsi les populations visées, alors que vous n'agitez en fait qu'un sabre de bois ? Si l'étranger a la volonté caractérisée d'enfreindre les lois et ses obligations de parent, est-il besoin d'un texte spécifique pour lui appliquer les sanctions prévues par la loi en pareil cas ?
S'agissant du conjoint de Français, vous êtes revenu à la raison en acceptant de rétablir une disposition introduite par le Sénat l'an dernier et qui vise à autoriser le conjoint de Français qui réside en France depuis plus de six mois à ne pas repartir dans son pays d'origine pour présenter sa demande de visa de long séjour à l'autorité administrative compétente.
Il aura toutefois fallu bien longtemps pour que le Gouvernement se décide, de mauvaise grâce, à respecter une volonté exprimée clairement, et de longue date, par le Parlement.
Je note enfin la défiance, voire la condescendance que votre texte manifeste à nouveau à l'égard de la magistrature. Bien que la présence des magistrats au sein des commissions du titre de séjour soit une bonne chose, puisqu'ils y apportent leur rigueur juridique et leur connaissance des dossiers, vous les en avez écartés au fallacieux prétexte qu'il y aurait conflit d'intérêts.
Si c'est cela, dites-le, mais n'omettez pas de vous demander si l'absence que vous leur reprochez n'est pas due à la faiblesse des pouvoirs réels conférés à ces commissions !
Alors qu'une grande partie des syndicats entendus invoquaient une surcharge de travail et s'inquiétaient du fait que le contentieux des étrangers soit en train de supplanter toutes les autres tâches qu'ils doivent accomplir au service des citoyens français, vous créez en matière de demande d'asile à la frontière un recours de droit commun devant les tribunaux administratifs, avec l'obligation de statuer dans le délai très court de 72 heures. Cela va encore accroître la pression sur les juges administratifs, qui apprécieront la manière dont ils sont traités.
Certes, la discussion parlementaire a permis d'améliorer le texte initial, puisque vous avez dû, pour donner le change, accepter l'introduction de quelques mesures positives. Je me réjouis, par exemple, de la possibilité accordée à un étranger de solliciter une carte de séjour à validité permanente. Vous êtes également revenus à la raison au sujet de l'hébergement d'urgence pour les sans-papiers, devant l'émotion que ce texte avait suscitée dans tous les milieux. Je me félicite également de l'amendement adopté sur le compte épargne développement, hommage mérité à l'effort d'épargne des migrants qui, malgré leur situation souvent modeste, contribuent mieux que toutes les structures officielles ou internationales au développement et à l'équipement de leur pays d'origine. L'intérêt de cette disposition ne pourra toutefois être déterminé que lorsque sera connu le montant de la prime allouée, seule justification de l'intervention de l'État dans ce dispositif. Nous apprécions, enfin, l'introduction de la disposition que nous réclamions, permettant à la femme victime de violences de ne pas perdre son titre de séjour. Sur tous ces points, l'activité parlementaire a permis d'améliorer ce projet de loi initialement constitué de bric et de broc et manquant de consistance.
Au demeurant, ce texte inutile a surtout pour effet de distiller le soupçon à l'égard des étrangers et de leur droit légitime à vivre en famille. Il est également dangereux, dans la mesure où il met en péril des principes fondamentaux pour faire la chasse à quelques enfants étrangers sur la base de leur filiation biologique. Vous avez introduit ces tests ADN condamnés par l'opinion et avez voulu coûte que coûte en maintenir le principe – leur application devenant, elle, très encadrée – après l'examen du texte par les sénateurs.
Il aurait été préférable, comme un sénateur du centre vous le demandait, de décomposer la démarche et de revenir clairement à la possession d'état, comme il est la règle en France. C'est alors seulement, si le tribunal de grande instance de Nantes constatait que tous les documents et la possession d'état ne suffisaient pas, que l'on aurait pu recourir à des moyens complémentaires pour établir la filiation. Vous avez préféré confirmer la stigmatisation des étrangers en leur appliquant un dispositif dérogatoire au droit commun.
Même limité, ce dispositif reste inacceptable, car il est discriminatoire pour les parents étrangers et il ne repose pas, contrairement à ce que vous affirmez, sur un accord volontaire : en droit français, il ne saurait y avoir consentement libre quand il y a contrainte. Or, il est impossible à l'étranger de refuser cette vérification biologique, sous peine de voir sa demande de regroupement familial rejetée. En tout état de cause, ce dispositif va donner lieu à d'inextricables difficultés de procédure, puisque le tribunal de Nantes devra statuer sur des documents provenant d'une multitude de pays étrangers. J'attends d'ailleurs avec intérêt de connaître, lors de l'examen du budget qui aura lieu prochainement, quels moyens vont être mis en oeuvre pour permettre au tribunal de Nantes de faire face à la charge de travail supplémentaire et aux difficultés qui vont évidemment résulter de la mise en oeuvre de ces mesures.
Les audiences vidéo pour les demandeurs d'asile me paraissent tout aussi inacceptables. L'introduction de cette pratique revient à mettre le doigt dans un engrenage sans en mesurer les conséquences, et témoigne de la désinvolture avec laquelle on traite les magistrats. Avec sa généralisation, nous assisterons bientôt à des simulacres de procès – les juges et les avocats d'un côté, les prévenus ou les étrangers de l'autre – où il n'y aura plus d'échange ni de dialogue entre les parties. On expérimente en fait avec les étrangers des procédés néfastes qui risquent tôt ou tard de s'appliquer à l'ensemble des Français.
En dépit des explications qui en ont été données dans la presse par un très médiatique ministre de l'intérieur, les précédentes lois sur l'immigration ont fait preuve, comme l'ont montré les chiffres, d'une piètre efficacité par rapport aux objectifs définis. Nul doute que nous allons nous trouver dans une situation semblable : les malheureuses familles qui ne supporteront plus de vivre séparées chercheront coûte que coûte à se réunir. Vous allez en fait, monsieur le ministre, encourager l'immigration irrégulière.
Nous n'accepterons pas ce texte, même modifié, pas plus que ces statistiques ethniques introduites sans vrai débat et sans garanties particulières, qui vont à l'encontre des traditions de notre pays. Nous vous demandons donc de retirer ce projet de loi. À défaut, nous voterons contre, et irons jusqu'à saisir le Conseil constitutionnel, car il nous est insupportable de voir traiter de la sorte les principes fondamentaux régissant notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe UMP.
À l'exception de votre conclusion, madame Pau-Langevin, vos propos m'ont paru beaucoup plus mesurés que ceux de M. Braouezec. Je me félicite que vous ayez su sortir de l'excès, de l'outrance, de la caricature, pour exposer des arguments que nous respectons, même si nous les contestons.
Le débat sur l'immigration est un débat sérieux et important, puisqu'il va conditionner la vie de millions de personnes dans les décennies qui viennent. Il mérite que nous le dépassionnions et que nous trouvions, ensemble, la voie du consensus qui a jusqu'à présent fait défaut dans notre pays – un consensus qui s'est imposé dans la plupart des pays de l'Union européenne qui ont su se rassembler au-delà des clivages idéologiques sur ces questions de l'immigration et les solutions qu'il convient d'y apporter dans un cadre républicain.
Ce consensus me paraît pouvoir se bâtir sur trois grandes idées : favoriser l'intégration, lutter contre l'immigration clandestine, assurer le développement des pays d'où provient l'immigration. Notre débat aurait été beaucoup plus utile si nous nous étions limités à évoquer ces trois questions qui devraient nous rassembler. Malheureusement, l'opposition a une nouvelle fois préféré engager des polémiques, des débats politiciens qui font peur en soulevant de fausses inquiétudes, des débats nourris de contrevérités et de fantasmes.
J'appelle nos collègues à accomplir leur révolution idéologique afin de nous permettre d'avancer concrètement sur la question de l'immigration. Il faut pour cela que vous changiez, que vous preniez la mesure de la réalité des choses. Il en va de l'intérêt des étrangers dans notre pays, car il n'est plus acceptable que des étrangers soient victimes du racisme et de la haine de l'autre, des sentiments que nous devons tous condamner avec force. Vous y contribuerez en bannissant de vos propos certains excès, certaines outrances qui n'ont pas leur place dans notre débat. Le texte qui nous est proposé est utile et pertinent et j'aimerais que nous saluions ensemble l'action du ministre de l'immigration, Brice Hortefeux, qui a considérablement fait avancer l'appréciation des Français en faveur d'une immigration choisie.
Nous considérons que les motivations de la question préalable qui vient d'être exposée ne sont pas pertinentes. Ainsi, il n'y a pas lieu de prêter à ceux qui soutiennent ce texte des arrière-pensées qui ne seraient pas conformes aux valeurs de la République. Vous n'avez pas le monopole de la générosité et de l'antiracisme, nous y sommes attachés tout autant que vous !
Ce texte, nous vous le rappelons, offre des protections aux étrangers en favorisant leur parcours d'intégration. Comment pouvez-vous contester que l'on favorise l'apprentissage de la langue française pour les étrangers s'apprêtant à rejoindre le sol national ?
Comment pouvez-vous contester que les immigrants aient à connaître les valeurs de la République ? La connaissance de ce qui devrait nous rassembler est-elle inutile ? Ce texte, qui offre des garanties fondamentales en la matière et aidera les étrangers à réussir leur parcours d'intégration, constitue un atout dont une république ne saurait se dispenser.
Nous considérons, contrairement à vous, que ce texte est très utile dans la mesure où il favorise le codéveloppement et le parcours d'intégration, et offre des protections nouvelles aux étrangers. Il nous semble que, loin d'être dangereux, il constitue au contraire un garde-fou contre certaines dérives. Ce qui nous différencie de vous, c'est notre volonté de lutter de toutes nos forces contre l'immigration clandestine, qui porte atteinte en permanence à la cohésion de notre pacte social et républicain. Ce sont les mesures de régularisation massive engagées en 1997 qui ont fait le plus de tort aux étrangers. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous pouvons aujourd'hui adopter un texte de nature à réparer les erreurs coupables du passé. C'est pourquoi le groupe UMP rejettera cette question préalable.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Les socialistes soutiennent bien évidemment la question préalable déposée par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et approuvent les termes en lesquels Mme Pau-Langevin l'a exposée.
Le texte qui nous est soumis est dangereux, et s'inscrit d'ailleurs dans le droit-fil d'autres lois sur l'immigration, votées lors de la dernière législature, qui attendent toujours leurs décrets d'application. Ainsi, une fois effective, la loi Clément permettra de repousser non seulement un enfant immigré, mais aussi la mère de cet enfant, et c'est la validité du mariage que l'on mettra en cause.
Non, mes chers collègues, ce texte n'est absolument pas abouti, j'en veux pour preuve l'amendement ADN.
Vous rendez-vous compte que, dorénavant, c'est le soupçon qui l'emportera dans les consulats ? Et que les enfants d'immigrés, pour avoir une chance de venir en France, devront en passer par la preuve par le sang ? La possession d'état va rapidement s'estomper comme preuve de filiation au profit de la preuve ADN, qui répond à une logique scientiste très étrangère à notre tradition.
Je ne partage pas non plus l'argument développé par M. Ciotti et selon lequel ce projet permettra de lutter contre l'immigration clandestine. Non, tel ne sera pas le cas. Ce texte ne vise qu'à stigmatiser l'immigration, qui fut pourtant une richesse pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Depuis 2002, à chaque fois que la majorité présente une loi sur l'immigration, elle nous annonce que c'est la bonne et la dernière.
Ce n'est pas la dernière : un autre texte sur l'immigration va venir prochainement en discussion.
Autre texte que vous présenterez, une fois encore, comme le dernier et le bon ! La majorité nous reproche toujours de tenir des propos excessifs. Le problème, c'est que la réalité nous donne raison, monsieur Ciotti. Les rafles, dont font état de nombreuses organisations dans la presse, sont bien réelles pour un certain nombre de personnes, que vous le vouliez ou non. Les faits en question répondent parfaitement à la définition du dictionnaire du mot « rafle ». Comment qualifier autrement ce qu'ont vécu des dizaines de Roms, que la police a forcé à monter dans des cars, au petit matin, pour les raccompagner dans leur pays, lequel, soit dit en passant, appartient désormais à l'espace européen ?
Par ailleurs, ce texte ne fait que renforcer des dispositifs visant à désigner l'étranger comme la source des difficultés que nous connaissons. Vous tendez ainsi à dissuader de recourir au regroupement familial. Avec ce texte, des familles vont donc se retrouver divisées, des enfants seront sans leur père ou leur mère, un père pourra être privé de ses enfants. Deux exemples cités dans Le Parisien de ce matin montrent bien combien il est difficile de vivre en famille pour des personnes qui vivent pourtant sur notre territoire d'une manière tout à fait sereine, tout à fait légale, et qui ne sont à l'origine d'aucun trouble ni d'aucune violence.
Quant à l'amendement dit Mariani, il a été, au fil du temps, vidé de son contenu. Il n'en reste que l'aspect idéologique, car, en l'occurrence, vous faites bel et bien de l'idéologie.
Nul ne croit d'ailleurs qu'il y aura de nombreux contrôles d'ADN, surtout s'il s'agit de rechercher la filiation avec la mère. À l'origine, l'amendement avait un tout autre objectif. Aujourd'hui, son maintien est purement idéologique. Sa principale vertu, à vos yeux, consiste à désigner l'étranger comme un bouc émissaire. C'est sa seule raison d'être dans le texte. Pourtant, bon nombre de personnes – y compris sur vos bancs – qui partagent l'objectif de cette loi, s'interrogent sur le bien-fondé de cet amendement.
Pour toutes ces raisons, et pour celles que j'ai précédemment évoquées, nous voterons la question préalable, qui nous semble parfaitement justifiée. Bien sûr, nous voterons également contre l'ensemble de ce texte et nous serons aux côtés de ceux qui déposeront un recours devant le Conseil constitutionnel pour que l'amendement sur l'ADN soit au moins retiré de la loi.
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai cette intervention en citant un extrait de la déclaration publique faite par l'Union juive française pour la paix, qui rappelle que les mesures prises dans le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à l'asile « ne sont pas “un détail”, pas plus que ne l'était la traçabilité des origines raciales mise en place par l'Allemagne des années trente et par d'autres pays européens, ce qui a mené à des dérives et aux crimes les plus atroces ».
En effet, cette loi n'est pas un détail, elle ne réglemente pas un détail et ses conséquences ne sont pas des détails. Les chiffres concernant les expulsions ne sont pas un détail. Une frontière dangereuse a été franchie : la loi sur l'immigration, l'intégration et l'asile se place dans la droite ligne de ce qui est appelé « nouvelles formes de xénophobie, de racisme et de discrimination » au sein du Conseil des droits de l'homme de l'ONU.
Le migrant, le demandeur d'asile est le tricheur, le profiteur, l'escroc, le danger public, le criminel, le destructeur d'une prétendue identité nationale. Cette loi institutionnalise la répression, les rafles, les razzias, les expulsions, les menaces des préfets contre les élus, députés et maires. Cette loi met en péril la démocratie elle-même.
Le Gouvernement et les députés de la majorité UMP remettent substantiellement en cause la normativité internationale, la normativité de protection des droits humains et les règles concernant le droit d'asile. Le fait que l'asile tombe sous la compétence d'un ministère à la dénomination alambiquée est le reflet de la paranoïa dont la majorité UMP est frappée. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je rappelle aux députés de la majorité que l'asile n'est pas une faculté pour un État, l'asile ne relève pas du bon vouloir du prince, des caprices conjoncturelles, démagogiques et opportunistes : l'asile est un devoir, une obligation internationale et l'État français est tenu d'aménager les conditions pour en assurer l'exercice effectif.
L'amalgame entre droit d'asile et flux migratoire relève de la pure démagogie. Plus grave encore, ce droit humain fondamental est remis en cause dans le contexte d'une politique de criminalisation des migrants, d'une politique répressive à leur encontre et d'une politique discriminatoire et rétrograde.
Si les pauvres fuient leur pays, si des demandeurs d'asile arrivent en France et dans d'autres pays développés, c'est parce qu'il existe des relations économiques, commerciales et financières dont l'un des effets les plus graves est justement la violation massive des droits humains. La politique menée par la France au sein des institutions financières internationales n'est pas étrangère au pillage des ressources des pays du Sud et à ces violations.
Si des citoyens fuient leurs pays, c'est parce que les pays dits occidentaux, dont les États-Unis en tête, sont en train de créer l'enfer sur terre. Guerres d'agression, invasion de pays souverains, occupation territoriale par la violence, utilisation de la torture comme méthode systématique et à grande échelle, enlèvements de citoyens européens sur territoire européen, menaces de nouvelles agressions, exécutions sommaires en Irak et ailleurs : voilà les vraies causes du désordre international ! Comment s'étonner dès lors que des citoyens veuillent s'enfuir de cet enfer et demander l'asile ?
Il est également inadmissible et intolérable qu'un ministère, fondé sur un slogan démagogique, soit compétent en matière d'aide au développement. Le fait que l'aide au développement ait été transféré vers ce ministère montre l'amalgame démagogique fait à l'égard des migrants et des demandeurs d'asile.
La droite au pouvoir révèle une fois de plus son immoralité et son inhumanité. Cette loi est une vraie dérive qui nous rappelle les heures les plus sombres de l'histoire de la France et de l'Europe. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les voix qui s'élèvent à cet égard dans notre pays sont là pour vous le crier.
Nous avons prévenu les députés de la majorité de ce dérapage, qui met en cause nos valeurs démocratiques et l'humanisme. Nous avons voulu avertir sur les conséquences et les effets pervers de cette loi discriminatoire et xénophobe, qui se font déjà sentir. Nous vous avons mis en garde contre les dangers de l'institutionnalisation de la xénophobie par la voie de cette loi liberticide.
À vous d'assumer les conséquences de vos actes ignobles (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), à vous d'assumer vos responsabilités devant l'histoire et les citoyens !
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux tout d'abord vous faire part de mon indignation devant les propos que nous venons d'entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Certains mots n'ont pas leur place dans cet hémicycle.
« Actes ignobles », « loi xénophobe », « rafles » : soyez donc plus mesuré dans vos propos, monsieur Lecoq ! Ils sont tellement excessifs qu'ils en sont ridicules.
Mais on ne peut pas se laisser insulter. Tout comme vous, nous sommes attachés aux principes de la République. Et nous les défendons depuis des années beaucoup mieux que vous !
Nous voici donc parvenus au terme du débat qui, incontestablement, fera date.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Une bien triste date !
Monsieur le ministre, vous avez maintenu le cap en dépit des attaques les plus outrancières, pour réaffirmer la nécessité pour notre pays de conduire, sans faille, une politique d'immigration choisie. Ce débat fut passionné jusqu'à la démesure, mais il fut utile. Je voudrais vous rendre hommage pour la considération, le respect et 1'écoute dont vous avez fait preuve à l'égard du Parlement dans ces débats, mais aussi pour l'équilibre entre fermeté et humanisme dont vous avez fait preuve en toutes circonstances durant l'examen du texte.
Ce texte répond à une attente clairement affirmée par nos concitoyens lors de la dernière élection présidentielle. Les Français souhaitent une politique de l'immigration dans laquelle l'arrivée des migrants est voulue, préparée, organisée et maîtrisée. C'est à la poursuite de ces objectifs que le Président de la République s'était engagé. C'est à leur respect que nous nous attelons, aujourd'hui, avec ce texte, qui définit une politique d'immigration concertée reposant sur la maîtrise des flux migratoires, la réussite de l'intégration des immigrés et l'aide au développement des pays d'origines.
L'immigration et l'intégration constituent des sujets importants et graves.
Chers collègues de l'opposition, pourquoi avoir si peu parlé du dispositif de préparation au parcours d'intégration républicaine, qui est le pilier de ce projet, des ressources requises pour réussir l'intégration, du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille, de la nécessaire connaissance des valeurs de la République ?
Vous vous êtes bien gardés de mettre en avant les mesures améliorant la situation des immigrés. De même, on a peu parlé, et vous avez très peu parlé, des mesures améliorant la situation des immigrés, telle que l'application jurisprudentielle de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de recours, ou de celle permettant le développement des pays d'immigration avec le livret d'épargne codéveloppement qui va donner à cette politique une tout autre ampleur.
C'est l'ensemble de ces mesures qui dessine un projet juste, équilibré et efficace.
Le principal enjeu de ce projet de loi concerne l'immigration familiale. Nous réaffirmons bien sûr notre attachement à l'immigration familiale, mais il n'était plus possible de laisser dériver « au fil de l'eau » une immigration aussi importante sans s'interroger sur notre capacité à intégrer ces primo-arrivants.
Je le rappelle, l'immigration familiale est le principal vecteur d'immigration sur notre territoire. En 2005, 92 380 titres de séjour ont été délivrés au titre de cette immigration et 11 000 au titre de l'immigration économique. Personne ne peut se satisfaire de ce déséquilibre.
Il devenait donc urgent de mieux encadrer cette immigration et de privilégier l'immigration économique choisie.
Il était tout aussi indispensable de faciliter et d'améliorer l'intégration des immigrés. Pour nous, une intégration réussie repose d'abord sur le respect de notre identité nationale. La maîtrise de la langue française constitue une condition sine qua non de l'intégration de l'étranger dans le pays d'accueil, comme l'est l'apprentissage des valeurs de la République.
La France s'est construite au cours des siècles sur un socle de valeurs qui nous rassemblent : la laïcité, l'égalité entre les hommes et les femmes, la liberté des consciences.
Pour que l'intégration réussisse, il faut expliquer et transmettre sans relâche ces valeurs à ceux qui souhaitent rejoindre notre pays. C'est à cet objectif que répond le contrat d'intégration pour la famille.
Nous avons aussi la conviction que l'intégration ne peut réussir que par le travail, non par l'assistance. C'est tout le sens de l'engagement du Président de la République, pour lequel l'étranger sollicitant le regroupement familial devra disposer des ressources lui permettant de faire vivre décemment sa famille, sans recourir aux prestations sociales. Ce projet de loi prévoit ainsi que les ressources exigibles seront au minimum équivalentes au SMIC, voire à 1,2 SMIC pour les familles nombreuses.
Pour certains, cette mesure serait attentatoire aux droits de l'homme, au droit de mener une vie familiale normale. Mais en quoi le fait de laisser rentrer sur notre territoire des étrangers qui n'ont pas les moyens d'y vivre dignement est-il plus conforme aux droits de l'homme ? Le droit à une vie familiale normale n'est-il pas réduit à sa plus simple expression, lorsque des familles de dix personnes vivent dans quelques mètres carrés ?
Pour sa part, le groupe UMP considère qu'il est du devoir de la République de ne plus laisser des situations de précarité insupportables et inacceptables se développer, pour ne plus voir des familles entières perdre la vie dans des immeubles insalubres, comme ce fut le cas à Paris en août 2005.
Il est trop simple de se cacher derrière des grands principes, lorsque des gens vivent dans la misère et le dénuement. Nous, nous faisons le choix du courage, de la responsabilité et du pragmatisme.
Enfin, je voudrais insister sur un point essentiel. Nous sommes convaincus que la réussite de l'intégration des étrangers en France ne sera possible que si l'immigration clandestine est combattue avec la plus extrême vigueur. C'est cette immigration clandestine qui explique, sans l'excuser, le sentiment de rejet des étrangers qui s'est beaucoup trop développé, et de façon dangereuse, dans notre pays. Le caractère massif des régularisations conduites par les gouvernements socialistes successifs ont, à cet égard, beaucoup coûté à notre pays et ont complètement déséquilibré nos politiques d'immigration, en ouvrant un formidable appel d'air à l'immigration clandestine.
Malheureusement, je crois que vous n'avez toujours pas compris vos erreurs. Comment ne pas évoquer dès lors l'irrationalité et le caractère totalement irréel du débat sur le test ADN ? Thierry Mariani lui-même l'a dit, cet amendement ne méritait ni la publicité ni l'indignité dont il a été l'objet.
J'ai approuvé personnellement, comme l'immense majorité du groupe UMP, le recours à ce test, qui, ne l'oublions pas, offre d'abord des droits aux étrangers, mais répond aussi à cette impérieuse nécessité de mieux lutter contre les fraudes.
La fausse générosité et l'humanisme de salon ne répondront pas au problème de l'intégration des étrangers ni au problème de l'immigration, que certains continuent toujours de nier.
Je salue l'approche équilibrée, dans un contexte particulièrement difficile, que le ministre a su avoir face à ce débat. Les garanties qu'il a apportées, notamment le caractère gratuit du test, mais aussi le recours à un juge dans la procédure, nous ont permis de nous rapprocher d'une disposition déjà appliquée, sans drame, sans polémique stérile, dans douze pays de l'Union européenne.
Mais le débat a incontestablement dérivé, et je le regrette. Certains ont délibérément voulu masquer la réalité et tromper les Français. À gauche, caricatures, contrevérités et outrances ont été au rendez-vous ; elles ont servi de paravent à l'absence totale de position cohérente sur l'immigration. De façon plus surprenante, elles se sont aussi manifestées de l'autre côté de l'échiquier politique, de la part de quelques-uns qui ont voulu à bon compte se racheter une virginité morale qu'ils avaient perdue depuis bien longtemps.
Monsieur le ministre, il est à votre honneur d'avoir, dans le respect des valeurs fondamentales de la République, tenu fermement le cap pour maintenir l'efficacité de votre projet de loi. C'est pourquoi nous voterons ce texte avec conviction et avec la certitude qu'il sera efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quelle surprise !
(M. Marc Laffineur remplace M. Rudy Salles au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le ministre, ce jour est important : c'est celui, malheureusement, d'une occasion que nous allons perdre de traiter avec humanité et efficacité de l'immigration.
Cette loi est la traduction d'une proposition présidentielle qui est un leurre politique. Elle ne va pas donner de meilleures bases à la politique de lutte contre l'immigration clandestine et illégale, qui devrait être notre première priorité. Elle ne va réussir qu'à troubler les valeurs auxquelles un pays fort devrait être attaché.
Que retiendront nos concitoyens de nos débats ? Que l'immigré doit parler français, notre langue, avant son arrivée sur notre sol. Dans bon nombre de pays, une condition de connaissance de la langue est exigée, non pour venir, mais pour acquérir la citoyenneté – ce qui est complètement différent de ce que vous proposez aujourd'hui.
Je suis d'origine grecque et, demain, si une telle condition était posée pour qu'une de mes filles ou mon fils rejoigne son grand-père ou sa grand-mère en Grèce, ils ne le pourraient peut-être pas.
La mesure ne s'applique pas aux pays de l'Union européenne. Vous dites n'importe quoi !
Ce n'est pas n'importe quoi, monsieur Mariani, car c'est comme cela que l'on ouvre des portes dangereuses. Aujourd'hui, nous sommes en démocratie, mais demain ? Vous n'avez pas connu le régime des colonels. Cela vous interdit de me donner des leçons. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
De plus, dans les pays recourant à cette mesure pour l'acquisition de la citoyenneté, des recommandations ont été faites afin que les immigrés et réfugiés puissent accéder à l'éducation et s'entraîner à parler la langue, ce que garantira difficilement notre propre loi.
C'est une mauvaise manière faite aux valeurs de la République que l'on veut inculquer aux autres mais que l'on incarne bien mal.
Que retiendront encore nos concitoyens ? Que l'immigré légal, pour faire venir sa famille, « peut » recourir à des tests biologiques. J'ai entendu dire tout à l'heure que ces tests se font dans d'autres pays. Mais d'autres pays appliquent également la peine de mort ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne faisons donc pas n'importe quoi !
Nous, députés socialistes et de progrès, nous croyons aux valeurs de la famille et au droit que les familles ont d'être réunies, sans vexation, sans méfiance. Je n'en dirai pas plus, espérant que l'escalade qu'une minorité nous proposait s'arrêtera vraiment là.
Nous avons choisi de faire peur à ceux qui respectent la loi et de laisser tranquilles les réseaux, les passeurs et les employeurs clandestins.
Que retiendra encore l'opinion de nos débats en matière d'immigration légale ? Que nous avons décidé, sous la pression de la Cour européenne des droits de l'homme, d'instaurer un délai pour déposer un recours suspensif contre une décision de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile, que nous l'avons prévu mais que son application ne sera pas effectivement garantie par une assistance juridique aux personnes, dont le fonctionnement continu serait prévu et assuré par l'État. Nous sommes défenseurs des droits de l'homme, mais nous sommes bien regardants lorsqu'il s'agit d'en faire profiter tous les hommes.
Que retiendra encore l'opinion ? Une grande confusion entre candidats à l'immigration légale et immigrés illégaux. De façon plus générale, traitant d'immigration légale, nous aurions dû et pu célébrer les valeurs de l'immigration et son dynamisme ; nous aurions pu nous féliciter que de nouveaux immigrants renforcent notre pays par leur détermination, leur optimisme et leurs valeurs familiales. Au lieu de quoi, nous avons choisi, non pas la fermeté et l'ouverture, mais la méfiance et la peur, comme les pays faibles.
Enfin, nous, députés de l'opposition, que retiendrons-nous ? Que la volonté présidentielle s'est accomplie sans recherche de concession et d'accord intelligent entre majorité et opposition pour améliorer la loi.
Aux États-Unis, dans un vrai régime présidentiel, c'est le Président qui propose, mais ce sont les parlementaires qui font la loi. Je dis bien : les parlementaires, et non le fait majoritaire qui écrase tous ceux qui ne sont pas d'accord, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Aux États-Unis, une initiative bipartisane a modifié fondamentalement la grande loi sur l'immigration qu'avait présentée le Président. Là encore, nous avons raté une occasion. C'était possible sur le papier, ça ne l'a pas été dans les faits. Je le regrette, et peut-être finirons-nous par tous le regretter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le ministre, les lois pensées par les gouvernements successifs depuis 2003 renforcent les mesures liberticides et réduisent aussi bien les libertés individuelles que collectives.
La violence contenue dans la plupart des articles de ces lois se manifeste tous les jours dans la vie des migrants qui en sont victimes. Le moindre interstice de liberté est scruté, analysé et aussitôt comblé par un autre article, qui vient renforcer l'arsenal répressif.
La vie des migrants est fracassée par cette violence institutionnelle. Qu'un membre de la famille soit détenu en centre de rétention ou expulsé suite à un contrôle, et c'est l'espoir d'une vie dans la sécurité et hors de la misère qui s'éloigne. L'horreur fuie là-bas resurgit ici.
Vous me permettrez de prendre un seul exemple, celui de Xing, que j'ai parrainée ici, le 2 octobre, lors d'un parrainage soutenu par plusieurs députés. M. Qiu, le père de cette enfant de douze ans, a été expulsé le 11 octobre, par un vol d'Air China en direction de Shanghai, alors qu'une décision de libération avait été prise par le préfet de police de Paris quelques heures avant le départ.
Qui était M. Qiu ? Une personne arrivée en France en 1999, il y a près de neuf ans, mais dont la demande d'asile avait été rejetée. Cet homme est pourtant resté ; il a appris le français, trouvé du travail et fait venir sa femme en 2002, puis sa fille en 2006, après la mort de sa mère. Cette dernière est scolarisée à Pantin, où elle s'est parfaitement intégrée au sein de la communauté scolaire et poursuit une bonne scolarité. Mais aujourd'hui, elle se retrouve sans son père, qui est en Chine, alors qu'il avait été demandé par les services qu'il demeure ici. Quand se reverront-ils et seront-ils enfin réunis ? Non seulement l'ordre d'annulation d'expulsion n'a pas été appliqué, mais ce sont ces lois, censées réguler l'immigration, qui imposent une séparation aussi brutale et un traitement aussi inhumain à une famille entière.
D'autres vies encore sont brisées, celles de citoyens européens expulsés manu militari. C'est ce qui s'est passé le 10 octobre à six heures du matin à Saint-Denis, quand la police a fait irruption dans un camps de Roms, où vit depuis plus de trois ans une communauté de quatre-vingts personnes. Elle était là pour procéder à une expulsion groupée, nouvelle procédure sur laquelle nous n'avons encore obtenu aucun détail.
Les familles, brutalement réveillées, se sont vu offrir un choix honteux à mes yeux : être embarquées par la police ou monter dans deux bus en partance immédiate pour la Roumanie.
Même si ces femmes et ces hommes ne peuvent satisfaire à l'obligation de revenus, sont-ils pour autant des criminels ? Avant toute chose, ils sont dans la précarité. Rappelons enfin que ce sont des citoyens européens. Là encore, cela rappelle des procédés inadmissibles ! Ces familles ont en commun d'avoir fuit la peur, le harcèlement, les menaces de mort, mais aussi la misère imposée aux pays en voie de développement.
Si des femmes et des hommes fuient leur pays, c'est parce qu'il existe des relations économiques, commerciales et financières, dont l'un des effets les plus graves est la violation massive des droits humains par le biais de la mise en place de politiques de démantèlement des compétences des pouvoirs publics. Ce sont des pays où la réduction radicale des dépenses publiques pour la santé, pour l'éducation, pour la culture, et pour d'autres domaines sensibles, est malheureusement un fait quotidien.
C'est la refondation substantielle de cet ordre international de la misère qui doit être visée, avec une politique de développement, notamment par l'apport de 0,7 % du PIB. Même si, effectivement, il y a des progrès dans ce domaine, on n'en est pas arrivé à ce 0,7 % destiné au développement des pays du Sud.
Force est de constater que cette politique de l'immigration choisie est contraire à l'ensemble des droits fondamentaux et humains.
Je terminerai en affirmant qu'un pays se juge par la façon dont il accueille ses étrangers. Alors, pour éviter que nous ne soyons montrés du doigt, notre groupe demande que le droit d'asile redevienne, dans les faits, un droit fondamental, que les droits de vivre en famille et de bénéficier du respect des liens privés soient reconnus et que toutes les restrictions au regroupement familial soient supprimées.
La Convention internationale des droits de l'enfant doit être prise en compte, afin que l'intérêt supérieur de l'enfant soit réellement la préoccupation essentielle dans toutes les décisions administratives ou judiciaires.
Le droit à la santé doit être garanti pour tous, Français ou étrangers, avec ou sans papiers.
Enfin, il est urgent que les pratiques policières, judiciaires et administratives soient respectueuses de la dignité et du droit de la personne.
C'est à ce prix qu'une politique de l'immigration doit être pensée et établie. Aujourd'hui, ce n'est pas la France qui est en danger : ce sont les migrants qui y sont en danger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La discussion générale est close.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le texte de la commission mixte paritaire auront lieu cet après-midi, après les questions au Gouvernement.
Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
Questions au Gouvernement ;
Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2008, n° 189 ;
Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile ;
Prestation de serment d'un juge de la Cour de justice de la République ;
Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, n° 284 :
Rapport, n° 295, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales :
Tome I de M. Yves Bur : Recettes et équilibre général ;
Tome II de M. Jean-Pierre Door : Assurance maladie et accidents du travail ;
Tome III de M. Hervé Féron : Famille ;
Tome IV de M. Denis Jacquat : Assurance vieillesse ;
Tome V de MM. Yves Bur, Jean-Pierre Door, Denis Jacquat et Hervé Féron : tableau comparatif et amendements non adoptés par la commission ;
Avis, n° 303, de Mme Marie-Anne Montchamp, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à onze heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton