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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 23 octobre 2007 à 9h30
Maîtrise de l'immigration intégration et asile — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

Je ne suis d'ailleurs pas le seul à utiliser le terme : Emmanuel Terray, le président de la ligue des droits de l'homme ou la Cimade, qui est assez experte en la matière, n'hésitent pas à utiliser le mot.

Les personnes arrêtées n'ont commis aucun délit, sauf celui d'être là et d'avoir migré, ce qui est un droit humain fondamental et élémentaire pour tout citoyen, quelle que soit son origine. Le Gouvernement les désigne aujourd'hui pourtant comme responsables et causes sous-jacentes des difficultés et des problèmes sociaux. Cette loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile vient renforcer, une fois de plus, l'arsenal déjà existant conçu contre la migration.

Examinons le texte article par article. Dans l'article 1er, il est fait référence à une formation dont la durée ne peut excéder deux mois. Or il avait été souligné que la procédure actuelle de regroupement familial était déjà longue. Il faut, en effet, dix-huit mois de séjour régulier depuis la loi du 24 juillet 2006, puis six mois d'attente – à l'issue desquels le préfet fait connaître sa décision après le dépôt du dossier de demande de regroupement familial –, et enfin, des délais importants, voire exorbitants, pour obtenir le visa auprès des services consulaires, alors que théoriquement le délai de réponse ne doit pas excéder deux mois. Ce délai supplémentaire dans la procédure de regroupement familial porte donc une nouvelle fois atteinte au droit de mener une vie familiale normale. Cette mesure est d'ailleurs anticonstitutionnelle et ne répond pas à l'exigence, fondamentale dans une démocratie, de conciliation équilibrée entre les droits individuels et l'intérêt général.

Pour l'article 2, il aurait été préférable de reprendre la position exprimée par le Sénat en 2006 concernant les conditions de ressources. Les sénateurs estimaient alors qu'il « n'y a pas lieu d'établir de distinction, s'agissant des ressources, entre la situation des familles étrangères et celle des familles françaises. Si un revenu égal au SMIC permet à une famille française de vivre dans des conditions acceptables, il en va de même pour une famille étrangère ». Ces éléments ont été rappelés, la semaine dernière, mais sans succès.

Cette mesure discriminatoire ne laisse pas aux familles la possibilité d'exercer leurs droits issus notamment de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, et de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui impose que l'intérêt de l'enfant soit une considération primordiale dans toute décision administrative ou juridictionnelle. Cette disposition laisse entrevoir des dérives dangereuses en termes de respect des droits humains.

En ce qui concerne les violences faites aux femmes, les associations ont été entendues. Les victimes mises à la rue, avant la délivrance du premier titre de séjour, pourront obtenir un titre auprès des services de la préfecture. Mais, parce qu'elle peut toujours laisser un espace à l'arbitraire, nous aurions d'ailleurs préféré que la possibilité ouverte au préfet soit transformée en obligation.

Quant au regroupement familial pour les conjoints de Français, rien n'a changé malgré plusieurs amendements demandant l'annulation de la formation. En effet, ils devront s'y soumettre pour une durée maximum de deux mois dans le pays où ils sollicitent le visa. Mais cette formation est-elle pertinente ? À l'heure actuelle, les couples mixtes sont victimes de nombreuses procédures leur interdisant le regroupement familial : difficultés pour obtenir la transcription des unions célébrées à l'étranger, multiplication des refus de visa ou de titre de séjour, éloignement des conjoints de Français en situation irrégulière, arrestations à domicile, enquêtes de police sur la communauté de vie, non-reconnaissance du droit au séjour des couples mixtes vivants hors mariage… Ils sont de plus en plus mis au ban de la société. Cette obligation d'évaluation et de formation n'est qu'une mesure supplémentaire pour déclarer hors-la-loi l'amour avec les étrangers.

Rien n'arrête votre Gouvernement. Le droit à vivre en famille et le droit à la vie privée sont aujourd'hui interdits à une partie des citoyens vivant ou voulant vivre en France. Mais votre texte contient d'autres violations des droits. Ainsi, il est maintenant possible, pour le ressortissant d'un pays qui présente des carences en matière d'état civil et qui souhaite rejoindre ou accompagner l'un de ses parents, de demander une identification par empreintes génétiques. C'est l'objet du fameux amendement de M. Mariani. Rien n'a fait reculer le Gouvernement, ni les déclarations de l'évêque de Saint-Denis et de l'évêque de Belfort-Montbéliard, ni celle de la Fédération protestante de France, ni l'appel des scientifiques, ni même la pétition qui a réuni quelque 78 000 signatures en trois semaines. Certes, quelques améliorations sont apparues mais elles ne retirent rien au caractère inadmissible de cet article. Et contrairement à ce qu'en a dit le Premier ministre, il ne s'agit pas d'un détail. Laissez-moi citer un extrait du communiqué de presse émis par l'Union juive française pour la paix.

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