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Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 23 octobre 2007 à 9h30
Maîtrise de l'immigration intégration et asile — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

… ont exprimé leur malaise face à ces dispositifs modernes qui vous fascinent mais qui ne constituent certainement pas un progrès pour les relations humaines.

À l'époque où les marchandises circulent sans délai grâce au transport aérien, où les informations et les capitaux font le tour de la planète en un rien de temps, où l'on correspond sur Internet avec la terre entière, croire que l'on pourra, par des obstacles administratifs, empêcher les Français et les étrangers de se rencontrer, de se connaître et de s'aimer est une prétention encore plus rétrograde et plus vaine que l'édification de la ligne Maginot en son temps.

Montant en épingle quelques cas malheureux, vous aimeriez croire et faire accroire que les mariages des Français avec des étrangers sont principalement motivés par l'intérêt, l'esprit de lucre ou la fraude. Mais, quitte à vous décevoir, je crois vraiment que vous vous trompez : les Français, rebelles, indisciplinés, le plus souvent antiracistes, aiment qui ils veulent, quelle que soit sa couleur de peau ou sa nationalité.

Par vos lois, vous pourrez peut-être les en punir, retarder les échéances et les contrarier en les obligeant à vivre seuls plus longtemps. Mais rien n'y fera, vous devrez admettre que, dans l'immense majorité des cas, c'est librement et en conscience que des Français choisissent d'épouser des Asiatiques ou des Ukrainiennes, que des Françaises s'unissent à des Maliens ou à des Indiens. D'ailleurs, le plus souvent, cela se passe plutôt bien.

Que, pour diverses raisons, y compris à cause des différences de culture ou de religion, certaines de ces unions se concluent par un échec ne signifie pas, comme vous voudriez le faire accroire, qu'elles sont entachées de fraude. L'actualité récente nous montre que les intermittences du coeur existent même dans les plus hautes sphères de notre pays et qu'il ne sert à rien de légiférer d'abondance pour essayer d'y traquer l'impalpable. Et je ne parle pas des couples de Français dits de souche qui adoptent des enfants colombiens, malgaches ou haïtiens. Ils témoignent que l'absence de filiation biologique ne change rien au bonheur que la présence de ces enfants apporte dans leur foyer.

Votre loi va introduire une innovation insolite, puisqu'un époux ou une épouse de Français, devra désormais passer de longues semaines, voire de longs mois, à étudier le français loin de la France et de son foyer, alors qu'il lui aurait été plus facile de progresser en restant auprès de son conjoint. Nous touchons ici à l'absurde. Certes, le Sénat – dont je salue le travail, bien que la majorité n'y soit pas de gauche – et la commission mixte paritaire ont tenté de limiter la nocivité de ces dispositions en supprimant ou en limitant les plus aberrantes ou les plus contestables. Ainsi l'article 1er encadre cette formation par des délais et permet d'en dispenser le conjoint étranger pour des motifs légitimes. Je constate néanmoins que le texte n'est pas très explicite sur ce dernier point.

S'agissant de l'article qui introduit une discrimination dans le droit au regroupement en raison des ressources, le montant du salaire exigé a été limité à une moindre majoration, puisqu'il s'élève au plus à 1,2 SMIC. Quant aux personnes âgées et aux malades, la modification proposée par le Sénat nous semble plus acceptable que la sèche formulation d'origine. Néanmoins, cette modeste amélioration ne change rien au caractère inopportun de telles dispositions, car c'est le principe même de la majoration qui nous choque. Encore une fois, si une famille française peut vivre avec le SMIC, pourquoi la famille étrangère n'est-elle pas autorisée à s'en contenter ? Ne serait-il pas plus simple et plus efficace de se battre pour améliorer tous les salaires ?

Ce texte nous paraît également inutile et inopportun parce qu'il stigmatise l'étranger dans son rôle de parent. D'un côté, la procédure complexe que vous avez élaborée confie au préfet le pouvoir de sanctionner l'étranger qui, parce qu'il manque d'assiduité aux cours sur les droits et devoirs des parents en France, ne serait pas assez bon parent. De l'autre, elle confie aux présidents des conseils généraux le soin de prononcer les sanctions, puisque ces derniers sont seuls compétents en matière de contrats de responsabilité familiale, dont le non-respect sera éventuellement sanctionné par la mise sous tutelle des prestations. Pourquoi donc brandir cette menace et stigmatiser ainsi les populations visées, alors que vous n'agitez en fait qu'un sabre de bois ? Si l'étranger a la volonté caractérisée d'enfreindre les lois et ses obligations de parent, est-il besoin d'un texte spécifique pour lui appliquer les sanctions prévues par la loi en pareil cas ?

S'agissant du conjoint de Français, vous êtes revenu à la raison en acceptant de rétablir une disposition introduite par le Sénat l'an dernier et qui vise à autoriser le conjoint de Français qui réside en France depuis plus de six mois à ne pas repartir dans son pays d'origine pour présenter sa demande de visa de long séjour à l'autorité administrative compétente.

Il aura toutefois fallu bien longtemps pour que le Gouvernement se décide, de mauvaise grâce, à respecter une volonté exprimée clairement, et de longue date, par le Parlement.

Je note enfin la défiance, voire la condescendance que votre texte manifeste à nouveau à l'égard de la magistrature. Bien que la présence des magistrats au sein des commissions du titre de séjour soit une bonne chose, puisqu'ils y apportent leur rigueur juridique et leur connaissance des dossiers, vous les en avez écartés au fallacieux prétexte qu'il y aurait conflit d'intérêts.

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