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Séance en hémicycle du 4 novembre 2011 à 10h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Pascal Brindeau, député du Loir-et-Cher, d'une mission temporaire auprès de M. le ministre de la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 (nos 3775, 3805).

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nous abordons l'examen des crédits relatifs au travail et à l'emploi (nos 3805, annexes 44 et 45, 3811, tomes 5 et 6).

La parole est à Mme Chantal Brunel, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour les politiques du travail et de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

l'emploi. Madame la présidente, madame la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, chers collègues, le déploiement des crédits de la mission « Travail et emploi », dont j'ai la charge cette année encore, revêt à l'aune de notre contexte économique une importance toute particulière. Cette année plus que jamais, il nous faut respecter ce savant jeu d'équilibriste entre la maîtrise des dépenses d'une part et l'indispensable soutien aux politiques de l'emploi de l'autre.

Le rapport que je présente en donne une illustration probante.

Pour ma part, j'ai procédé à l'analyse du programme 102 « Accès et retour à l'emploi », du programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » et du programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail ». Notre collègue M. Christian Eckert, que je salue et avec lequel j'ai eu plaisir à travailler, rapporte pour sa part les crédits du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Les crédits de paiement de la mission « Travail et emploi » pour 2012 s'élèvent à 10 milliards d'euros.

Cette mission s'adresse aux entreprises et à leurs salariés en favorisant la mise en place de bonnes conditions de travail et un dialogue social de qualité, en assurant la mise en place d'outils de reclassement permettant de répondre aux mutations ou crises économiques, et en finançant des outils conjoncturels d'aide au maintien dans l'emploi, plus que jamais nécessaires.

Dans le présent projet de loi de finances, avec ses 9,98 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et ses 10 milliards d'euros de crédits de paiement, cette mission connaît en apparence une baisse conséquente de 12 % de ses crédits…

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

…qui a été soulignée – et déplorée – par mes collègues socialistes.

Qu'en est-il exactement ?

Une analyse de la répartition de cette diminution prouve en réalité qu'il ne s'agit pas d'une diminution pure et dure des crédits alloués à l'emploi, loin de là. En effet, cette baisse est due à trois facteurs principaux.

Premièrement, l'arrivée à extinction des mesures exceptionnelles du Plan de relance de l'économie se traduit par une diminution de 700 millions d'euros. Il s'agit donc d'une baisse mécanique : le budget revient en réalité à son périmètre d'avant la crise de 2008, avant que ne soient prises les mesures massives de soutien de l'emploi.

Depuis la clôture de la mission spécifique « Plan de relance de l'économie », la mission « Travail et emploi » portait en grande partie les crédits relatifs à ce plan avec la mission « Économie », rapportée par notre collègue Jérôme Chartier. La plus grande part de ces 12 % de diminution représente donc, à cet égard, une baisse en trompe-l'oeil, puisqu'il s'agit de la disparition de crédits qui avait été annoncée depuis longtemps…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Ah, bien sûr, si c'était annoncé depuis longtemps, cela s'explique !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

…et non pas de coupes claires opérées au sein du budget.

Outre l'extinction de ces mesures, la diminution des crédits alloués aux missions dont j'ai la charge s'explique, deuxièmement, par la rationalisation des exonérations sectorielles de cotisations sociales, laquelle équivaut à une diminution de 300 millions d'euros.

Troisièmement, l'extinction progressive des mesures d'âge, de type préretraites, compte, quant à elle, pour 240 millions d'euros.

C'est donc la fin du plan de relance qui justifie, pour sa plus grande part, la forte baisse des crédits de la mission que nous pouvons constater.

Il ne faut pas oublier non plus que les actions en faveur de l'emploi ont dû se déployer cette année dans un contexte de mesure et de très forte contrainte budgétaire. En un mot, il s'est agi de rationaliser et d'optimiser, plutôt que de dépenser. L'investissement demeure conséquent car, plus que jamais, le secteur de l'emploi est en difficulté, mais il est recentré sur les dispositifs qui ont montré leur efficacité et qui justifient leur reconduction. Dans ce contexte hautement délicat, nous ne pouvons nous permettre aucun écart.

L'effort de rationalisation des fonctions support de la mission – programme 155 – est très important et donne une illustration probante de cette logique d'optimisation. À cet égard, je salue les efforts du ministère du travail, particulièrement vertueux avec le non-remplacement de 168 équivalents temps plein en 2012 et une réduction non négligeable des moyens de fonctionnement.

Par ailleurs, la réduction des contrats aidés, pour un montant de 120 millions d'euros, est essentiellement due à l'extinction de dispositifs anciens, pour lesquels aucune entrée nouvelle n'est prévue depuis 2010, en particulier les contrats aidés du plan de cohésion sociale ainsi que les CAE passerelles et CIE jeunes du plan de relance, dont la suppression atteint son plein effet à partir de 2012. Pour 2012, le nombre de contrats aidés est donc identique à celui de 2011, soit 340 000 contrats non marchands et 50 000 contrats marchands.

La diminution des subventions aux maisons de l'emploi s'explique, quant à elle, par la volonté du Gouvernement de maîtriser les dépenses d'intervention de l'État.

Toutefois, leur rôle de déclinaison locale des politiques de l'emploi – auquel notre collègueLaurent Hénart est très attaché – et leur plus grand ajustement aux bassins d'emplois nous ont incités à déposer un amendement octroyant 15 millions supplémentaires à ces maisons de l'emploi. Il a été adopté à l'unanimité en commission des finances.

Pour ce qui est de l'augmentation des crédits, il s'est agi de concentrer nos dépenses sur les outils ayant fait leurs preuves ainsi que sur les publics les plus fragiles ou les plus éloignés de l'emploi.

Un effort est donc consenti pour les dispositifs d'aide à l'emploi des jeunes. Ainsi, le CIVIS doit bénéficier en 2012 à 160 000 nouveaux jeunes.

Pour favoriser l'emploi des handicapés, une augmentation du nombre d'aides au poste en entreprise adaptée a été engagée à hauteur de 14 millions d'euros, afin de respecter les engagements pris lors de la conférence nationale du handicap du 7 juin 2011. Je salue cette initiative.

En outre, je constate avec satisfaction un maintien des crédits pour les missions locales, les écoles de la deuxième chance et l'insertion par l'activité économique, autant de dispositifs d'accompagnement que nous avons choisi de renforcer parce qu'ils ont fait leurs preuves.

Après ce rapide examen des crédits, j'ai quelques observations à formuler.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Je me félicite du bilan plutôt positif, au bout d'un an, du contrat unique d'insertion. Il a en effet permis de simplifier l'architecture du système, pour les employeurs comme pour les salariés.

Je me félicite également de l'amélioration des contrats de professionnalisation que nous avions appelée de nos voeux l'an dernier.

Enfin, ce budget tient compte de la situation fragile de l'emploi, dans la mesure où la subvention à Pôle emploi n'est pas revue à la baisse. En outre, Pôle emploi demeure le seul opérateur à ne pas être concerné par le non-remplacement d'un agent sur deux. Les demandeurs d'emploi continueront donc de bénéficier du même taux d'encadrement, même si je sais que, sur certains bancs, on trouve ce taux insuffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Au chapitre des doléances, je regrette tout d'abord que le nombre de contrats d'autonomie augmente de 1 000 contrats en 2012 alors que j'avais constaté, avec mon collègue Christian Eckert l'année dernière, le coût élevé de ce dispositif – 9 000 euros par contrat – et les résultats peu encourageants en termes de retour à l'emploi, qui rendaient, selon moi, ce dispositif inopérant.

En effet, l'argent déployé sert en grande partie à financer des opérateurs extérieurs. Une évaluation de ces contrats d'autonomie devait être faite. Nous ne l'avons pas eue. Je trouve plus nécessaire et justifié d'affecter ces crédits aux contrats de professionnalisation, dont Mme la ministre vante à juste raison les effets positifs d'insertion dans l'emploi, car ils donnent effectivement de bien meilleurs résultats. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement, voté en commission des finances, visant à rediriger 9 millions d'euros actuellement destinés aux contrats d'autonomie vers le financement des contrats de professionnalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Je sais que mon collègue Christian Eckert a, quant à lui, déposé un amendement de suppression des crédits de contrat d'autonomie, qui a été pour le moment rejeté en commission des finances.

En outre, en ce qui concerne les contrats aidés, si je comprends leur utilité en période de forte montée du chômage, je m'interroge cependant sur l'absence de formation et de suivi proposé aux bénéficiaires de ces contrats par Pôle emploi, ainsi que son faible taux de retour à l'emploi dans le secteur non marchand.

De plus, ces contrats ont une durée trop courte pour mener à bien une véritable formation.

Je partage en cela l'avis de la Cour des comptes dans son rapport demandé par la commission des finances sur l'évaluation des contrats aidés. Je signale d'ailleurs que cette étude de la Cour sera annexée à mon rapport spécial, afin d'éclairer la représentation nationale.

J'ai également présenté en commission des finances un amendement visant à reprendre le dispositif « zéro charge » de l'année dernière dans les entreprises de moins de dix salariés. Il avait coûté 600 millions d'euros.

Pour éviter les effets d'aubaine, pour accroître son efficacité et réduire son coût, je propose qu'il soit réservé aux moins de 26 ans et aux plus de 55 ans, c'est-à-dire aux jeunes et aux seniors, qui ont tant de mal à trouver un emploi. À mon sens, le dispositif « zéro charge » pour le recrutement d'un salarié est un dispositif simple, compréhensible de tous, et qui a été recommandé par le Conseil d'orientation pour l'emploi dans son dernier rapport.

Enfin, j'ai l'intention de présenter un amendement lors de l'examen des articles non rattachés, modifiant la définition des services à domicile donnant droit à la réduction d'impôt sur l'impôt sur le revenu. Il est évident, selon moi, que des activités relevant du loisir ou d'un simple confort ne doivent plus faire partie du champ des activités ouvrant droit à la réduction. Je veux parler, par exemple, d'activités comme le coaching, les cours de danse ou de musique, pour lesquelles de tels allégements fiscaux sont injustifiés, représentent un manque à gagner pour l'État et concernent surtout les ménages particulièrement aisés.

Pour conclure, je dirai que le budget de la mission « Travail et emploi » se place cette année encore sous l'angle d'une très forte contrainte budgétaire. Si je comprends que mes collègues socialistes s'interrogent sur la légitimité de diminuer des crédits destinés à l'emploi, alors même que la crise fait augmenter le chômage, je souhaite faire remarquer que la contrainte du contexte international a incité le Gouvernement à rationaliser les dispositifs et à concentrer les dépenses sur les mesures les plus efficaces pour l'emploi.

Outre la diminution des crédits du plan de relance, les diminutions de crédits portent sur des mesures qui n'ont pas suffisamment prouvé leur efficacité.

Par le passé, le Gouvernement a su ajuster les crédits de la mission en fonction de la conjoncture du marché du travail. Je ne doute pas, madame le ministre, qu'il le fera l'année prochaine encore si la conjoncture venait à se dégrader brutalement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour l'accompagnement des mutations économiques et le développement de l'emploi et le financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Madame la présidente, madame la ministre, ma chère collègue rapporteure spéciale, mes chers collègues rapporteurs pour avis, mes chers collègues, monsieur le président de la commission des affaires sociales, je rapporte la mission « Travail et emploi » depuis plusieurs années. J'en apprécie l'étude, car elle est au coeur des préoccupations des Français. Toutes les enquêtes d'opinion le montrent : l'emploi est placé en tête de leurs attentes.

Pour ma part, j'ai procédé à l'analyse plus détaillée du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Je me félicite de l'excellente coopération qui a pu s'établir avec ma collègue Chantal Brunel, nos travaux portant sur des programmes très proches. Nous avons pu procéder à des auditions communes et nous avons même déposé des amendements souvent convergents, si ce n'est identiques.

Le projet de loi de finances pour 2012 fait apparaître une baisse de 12 % en autorisations d'engagement et crédits de paiement des crédits du programme 103 par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiales pour 2011, soit une réduction de 600 millions d'euros. La mission « Travail et emploi » connaît la plus forte baisse du budget de l'État, suivie par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Le fait que ces deux missions soient ainsi frappées d'austérité semble montrer le désintérêt du Gouvernement pour nos concitoyens les plus touchés par la crise.

Les explications embarrassées du Gouvernement devant cet effondrement des crédits ne tiennent pas. La sortie de la crise mise si souvent en avant ne se constate pas sur le terrain. La fin du plan de relance invoquée n'est pas non plus un argument dans la mesure où une part significative des crédits du plan de relance étaient logés dans un autre programme, que rapportait notre collègue Arlette Grosskost. Les comparaisons qui sont faites ne tiennent absolument pas, d'autant que les crédits logés dans cet autre programme venaient parfois abonder les crédits des missions 102 et 103. Ne nous racontez pas de sornettes, c'est bien une baisse à périmètre constant que vous nous proposez, et vous ne pouvez expliquer cette baisse par la fin du plan de relance.

Pour ce programme, comme d'ailleurs pour l'ensemble de la mission, le Gouvernement semble en réalité avoir improvisé des coupes budgétaires en refusant de prendre la mesure de la crise économique et l'évolution préoccupante du marché du travail. Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi a sensiblement augmenté au deuxième trimestre 2011 et les derniers chiffres publiés la semaine dernière suivent également cette tendance.

Face à cette accélération du chômage, j'en appelle à une relance d'urgence de l'effort budgétaire en faveur de l'emploi au cours de l'année 2012. N'oublions pas que la récession se profile et que cela va obliger le Gouvernement à revoir sa prévision de croissance pendant la navette parlementaire, ce qui se produit très rarement.

Les moyens consacrés à l'anticipation des mutations économiques, c'est-à-dire l'action n° 01 du programme, sont, année après année, rognés : le niveau atteint cette année est dérisoire, avec une baisse de 19 % des crédits. Je rappelle, sans ironie excessive, que ces instruments sont qualifiés « d'anticipation des effets économiques de la conjoncture ».

S'agissant du chômage partiel, que, par un curieux renversement de sémantique, vous appelez maintenant « activité partielle », les crédits sont en forte baisse, passant de 40 à 30 millions d'euros. L'exemple allemand si souvent mis en avant n'a pas été suivi.

Le budget poursuit le mouvement d'extinction des mesures d'âge, en dépit d'une conjoncture qui plaide pour une réhabilitation au moins temporaire de ces dispositifs. Ainsi, les crédits finançant les préretraites progressives diminuent de moitié. La réforme des retraites et l'explosion du chômage des seniors auraient nécessité une approche radicalement différente. L'action du programme intitulée « Développement de l'emploi » connaît la baisse la plus importante du programme : 49,6 %.

Cette baisse drastique des crédits de la mission, et en particulier du programme 103, résulte de la suppression dans la loi de finances initiale 2011 de plusieurs niches sociales et de l'arrivée à échéance de l'aide à l'embauche pour les très petites entreprises, une des premières mesures du plan de relance ; Chantal Brunel en a longuement parlé. À rebours de ces évolutions, le financement de l'exonération de cotisations patronales liée aux organismes d'intérêt général situés dans les zones de revitalisation rurale passe de 60,7 millions d'euros à 151 millions d'euros, sans qu'une explication soit donnée à cette hausse subite. J'attends, madame la ministre, que vous nous apportiez des précisions sur cette augmentation, qui avait d'ailleurs fait l'objet l'an dernier, tout le monde s'en souvient, de discussions approfondies.

Ma dernière remarque générale portera sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. L'article 63 du présent projet de loi propose un nouveau prélèvement du Gouvernement sur ce fonds, de 300 millions d'euros. Ce prélèvement – cette saignée –serait affecté à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, pour le financement de la mise en oeuvre des titres professionnels du ministère de l'emploi à hauteur de 54 millions d'euros et pour le financement de ses activités de service public à hauteur de 21 millions d'euros ; à l'Agence de services et de paiements, pour le financement de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, à hauteur de 200 millions d'euros – les crédits inscrits au titre de ce dispositif sont d'ailleurs nuls en 2012. Bref, le Gouvernement se repose sur ce fonds pour financer des dispositifs loin d'être négligeables en termes tant d'outils d'emploi que de montants financiers. Une dernière partie du prélèvement serait affectée à Pôle emploi pour le financement de l'allocation de formation des demandeurs d'emploi, à hauteur de 25 millions d'euros.

Ce mode de financement est inacceptable : ces fonds qui se multiplient, qui sont alimentés par des cotisations obligatoires qui s'apparentent à de l'impôt indirect, font l'objet de ponctions du Gouvernement, qui se sert de cet argent pour combler les insuffisances de crédits dans des missions qui sont pourtant les siennes. De surcroît, le Parlement n'a pas de moyen de contrôle sur l'utilisation réellement faite par le Gouvernement de ce type de prélèvement. La lisibilité, voire la constitutionnalité, de ce type de pratique ne responsabilise ni le législateur ni les partenaires sociaux, aussi bien dans la levée que dans l'utilisation de l'impôt. Ceci doit cesser, et particulièrement, cette année, avec l'article 63 du projet de loi de finances.

En ce qui concerne Pôle emploi, dont Chantal Brunel a parlé avec beaucoup d'humilité, si la subvention d'équilibre reste inchangée, elle n'empêchera pas cet opérateur d'être déficitaire en 2012, comme il l'a déjà été en 2011. J'ai étudié le recours par Pôle emploi aux opérateurs privés de placement. Ceux-ci représentent une part croissante des dépenses d'intervention de Pôle emploi, supérieure à 10 %, notamment pour les actions de soutien renforcé à certains publics.

Les premiers éléments recueillis, issus de différentes études, internes ou externes à l'opérateur, indiquent des résultats inférieurs à ceux des agents de Pôle emploi, pour des coûts largement supérieurs. Je fais dans mon rapport spécial des recommandations fortes concernant le recours à ces OPP qui, je le dis sans ambages, profitent de systèmes incohérents de rémunération sans aucun résultat sur les taux d'insertion dans l'activité. Le fait que 50 % de la rémunération soient versés dès la prise en charge n'incite pas aux résultats. L'effet d'aubaine du secteur privé sur des fonds publics est évident.

Par ailleurs, les tailles des portefeuilles de chômeurs par agent restent anormalement élevées – ils sont plus du double de ceux annoncés par Mme Lagarde lors de la fusion, avec des écarts encore supérieurs dans certaines agences. Les résultats s'en ressentent, de même que la situation sociale au sein de l'entreprise, malgré des progrès sur les questions statutaires issus de la fusion. La crise, dont le pic n'est pas derrière nous contrairement aux propos tenus ici ou là, n'explique pas à elle seule que les agents de Pôle emploi se retrouvent parfois chargés de plus de deux cents personnes et qu'ils n'arrivent plus à remplir efficacement leur mission.

Quant aux contrats aidés, dont ma collègue a également parlé, je voudrais souligner les effets négatifs de la politique de stop and go, aussi bien sur le plan de la lisibilité budgétaire de l'État que sur l'absence de perspectives dans la durée, pour les publics comme pour les employeurs. Entre un ajustement des chiffres du chômage et une véritable politique de développement de l'insertion et de nouveaux métiers, il est temps de choisir.

Je présenterai quelques amendements de crédits pour corriger au mieux les errements du programme.

Je propose notamment de majorer les crédits de l'allocation équivalent retraite, en voie d'extinction faute d'avoir trouvé le moindre euro pour financer l'allocation transitoire de solidarité, pourtant annoncée avec tambour et trompette par les ministres. L'ATS ne répond d'ailleurs que partiellement à la fin sans cesse repoussée de l'AER, aujourd'hui actée. Ceci crée des situations insoutenables pour ceux qui ont les annuités mais pas l'âge de la retraite à taux plein, et le phénomène est amplifié par la réforme des retraites de M. Woerth et le recours à la trop maigre allocation de solidarité.

Enfin, je pense que la question des emplois à domicile mérite un nettoyage quant à la nature des services à la personne pris en compte. Je déposerai moi aussi un amendement dans le cadre des articles non rattachés pour exclure du champ de la réduction les abus dénoncés sur toutes les travées et que Mme Chantal Brunel a elle aussi relevés.

En respectant scrupuleusement, madame la présidente, mon temps de parole, je porte donc un jugement très sévère sur ce projet de budget pour la mission « Travail et emploi » qui n'est manifestement pas à la hauteur des besoins de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La parole est à M. Arnaud Richard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Richard

Les rapporteurs spéciaux ont déjà mis en lumière, avec beaucoup de talent et de précision, les grandes évolutions de la mission « Travail et emploi » pour 2012. Je me contenterai donc pour ma part de pointer les éléments sur lesquels la commission des affaires sociales a plus particulièrement débattu, ainsi que les principales conclusions des travaux que j'ai menés sur la territorialisation des politiques de l'emploi.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire devant la commission des affaires sociales, face à la grave crise économique et financière que nous connaissons, la tâche du Gouvernement n'est pas aisée car sa détermination ne peut fléchir, tant en matière de lutte contre le chômage et de développement de l'emploi qu'en matière de maîtrise des déficits et de réduction de la dette publique.

Ceci explique en partie que les crédits de la mission « Travail et emploi » soient présentés en baisse de plus de 12 % pour 2012. Cette diminution résulte essentiellement de l'arrivée à échéance d'un certain nombre de dispositifs issus du plan de relance – et il faut, à cet égard, saluer de nouveau la clairvoyance et la réactivité dont a fait preuve le Gouvernement, en mettant en place ces mécanismes et en les dotant de moyens suffisants pour répondre à la grave crise qui menaçait notre économie.

Le sentiment qui domine malgré tout est que la crise est loin d'être derrière nous : la baisse importante des moyens consacrés aux politiques de l'emploi nous permettra-t-elle de disposer, l'an prochain, de marges de manoeuvre suffisantes pour répondre aux besoins des entreprises en difficulté, de demandeurs d'emploi plus nombreux et de territoires soumis aux restructurations ? Telle est la question que nous nous posons tous et à laquelle il est bien évidemment difficile de répondre aujourd'hui.

Le projet de loi de finances pour 2012 reconduit les moyens prévus dans la loi de finances initiale pour 2011 pour financer les contrats aidés et accroît l'effort en direction des publics fragiles, grâce notamment à une hausse des crédits visant à favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

On constate en revanche une très forte contraction des crédits du programme 103 consacrés à l'accompagnement des mutations économiques, ainsi qu'un recul du financement des dispositifs de mesures d'âge – les allocations du Fonds national pour l'emploi et l'allocation équivalent retraite. À cet égard, madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement concernant le financement de l'allocation transitoire de solidarité, dont la création a été annoncée début octobre ? Nous présenterez-vous un amendement abondant les crédits du programme 102 pour doter ce dispositif ?

Beaucoup d'interrogations ont également été soulevées lors de la réunion de notre commission sur le nouveau prélèvement de 300 millions d'euros opéré sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Les deux rapporteurs sur l'application de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, Gérard Cherpion et Jean-Patrick Gille, sont intervenus en commission pour s'inquiéter du risque que ce prélèvement pourrait faire peser sur le fonctionnement du dispositif mis en oeuvre par les partenaires sociaux. En effet, si on ne peut pas laisser dormir des fonds en période de contrainte budgétaire, comment cependant être certain que ce prélèvement n'obère pas la capacité d'intervention du fonds ? Pouvez-vous en outre nous préciser, madame la ministre, où en sont ses réalisations en termes d'accès à la formation des publics prioritaires ?

Pour les maisons de l'emploi, la commission des affaires sociales, comme d'ailleurs la commission des finances, a adopté à l'unanimité, sur ma proposition, un amendement abondant leur dotation à hauteur de 15 millions d'euros, alors que celle-ci est présentée en baisse de plus de 30 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2011. Il y a certes une grande diversité des maisons de l'emploi sur les territoires, mais la plupart des élus reconnaissent l'utilité de ces structures, en dépit de la nécessaire évolution de leurs missions résultant de la création de Pôle emploi.

Beaucoup d'interrogations demeurent néanmoins aujourd'hui sur le rôle qui leur est dévolu par le nouveau cahier des charges et sur les intentions du Gouvernement. De nouvelles diminutions de crédits étant désormais proposées tous les ans, les personnels sont inquiets pour leur avenir. La commission des affaires sociales estime à cet égard qu'il est nécessaire que le Gouvernement procède à une évaluation complète des maisons de l'emploi, analysant leurs performances respectives et leurs perspectives d'évolution, avant de décider de l'évolution de ces crédits. Pour ma part, je constate sur le territoire de Seine Aval que la maison de l'emploi fonctionne, et fonctionne même bien. Elle n'a pas été prise dans les filets des oppositions partisanes et c'est un outil de territorialisation des politiques de l'emploi efficace.

Enfin, la commission des affaires sociales s'est penchée sur l'emploi des jeunes, et en particulier des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le rapport 2011 de l'ONZUS, remis avant-hier au Gouvernement, fait état d'une hausse de 12,3 % du chômage dans ces quartiers entre 2009 et 2010, alors que cette hausse n'était que de 4,4 % dans les entités urbaines environnantes ; la part des chômeurs atteint ainsi 14,5 % chez les 15-24 ans, contre 8,7 % dans les unités urbaines environnantes. Dernier chiffre extrêmement inquiétant, qui touchera certainement l'élu de la Croix de Metz comme celui de Longchamps, Hauts Champs ou du Haut du Lièvre, le chômage, dans ces quartiers, excède 20 % chez les 15-59 ans, soit le double de la moyenne nationale.

Or la commission des affaires sociales a noté que l'allocation CIVIS, qui fait partie du programme d'accompagnement renforcé du même nom mis en oeuvre par les missions locales, n'est plus calibrée sur 150 000 bénéficiaires potentiels comme l'an dernier, mais sur 135 000 : la somme qui lui est affectée, en baisse de 5 millions d'euros, bénéficiera donc à un plus petit nombre de jeunes ou se traduira par des montants distribués plus faibles. Cette allocation constitue pourtant un élément essentiel du contrat d'insertion dans la vie sociale, dans la mesure où elle permet de sécuriser financièrement les trajectoires d'insertion des jeunes qui en ont besoin. La commission des affaires sociales a donc adopté, à l'unanimité également, un amendement visant à abonder les crédits destinés à financer cette allocation à hauteur de 5 millions d'euros.

La commission s'est également intéressée aux autres instruments dédiés à l'insertion professionnelle des jeunes, et en particulier au contrat d'autonomie. Bien que décrié à ses débuts, tant pour des raisons de méthode que de résultats, ce dispositif semble néanmoins avoir porté ses fruits, du moins dans certains départements. Il n'en reste pas moins qu'il représente un coût très important pour les finances publiques, à rapporter à des taux de sortie positive qui ne sont pas supérieurs à ceux des dispositifs similaires, comme le CIVIS. Là aussi, la commission des affaires sociales souhaiterait pouvoir disposer au plus vite d'une évaluation du dispositif. À titre personnel, je pense que réduire ses crédits avant d'avoir cette évaluation ne serait pas du meilleur aloi.

Je souhaiterais enfin attirer votre attention sur certains aspects de la territorialisation des politiques de l'emploi. S'agissant de Pôle emploi, je crois que Xavier Bertrand a constaté la nécessité de donner plus de marges de manoeuvre aux directeurs territoriaux, aux directeurs d'agence et aux conseillers de Pôle emploi, afin d'adapter leur action aux publics qui en ont le plus besoin sur les territoires. Où en est cette réflexion sur la territorialisation et la déconcentration de Pôle emploi ? Dans quelle mesure sera-t-elle prise en compte dans le cadre de la nouvelle convention tripartite, actuellement en phase finale de négociation ?

Une partie de mon rapport pour avis est consacrée à la situation dans les zones urbaines sensibles : plusieurs études, produites par la DARES ou par l'IGAS, font aujourd'hui le constat d'un insuffisant ciblage des mesures de la politique de l'emploi dans ces zones, notamment s'agissant de l'accès des jeunes à l'alternance ou aux contrats aidés du secteur marchand.

Le comité interministériel des villes du 18 février 2011 avait fixé un certain nombre d'objectifs ambitieux et évoqué des pistes intéressantes, dont une plus grande territorialisation des politiques de l'emploi. Où en sont ses réalisations ?

Enfin, je considère que la territorialisation des politiques de l'emploi va bénéficier de la relance du service public de l'emploi local, que le Gouvernement a organisée cette année, madame la ministre, sous l'égide des sous-préfets. J'ai eu la chance d'assister à une réunion du service public de l'emploi local de Mantes-la-Jolie, durant laquelle était notamment examiné le plan d'action de ce SPEL. Avez-vous désormais connaissance du contenu de l'ensemble de ces plans d'action ? Ont-ils été analysés par vos services ? Quels enseignements peut-on d'ores et déjà en tirer ?

La commission ayant émis un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2012 de la mission « Travail et emploi », je vous invite, mes chers collègues, à les approuver également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La parole est à M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, comme l'ont indiqué les précédents orateurs, la mission « Travail et emploi » apparaît particulièrement sollicitée dans le projet de loi de finances pour 2012, dans le but de contribuer à l'objectif de maîtrise des dépenses publiques réaffirmé par le Gouvernement.

Pour la partie « Travail », les programmes 111 et 155, qui ne représentent cependant que 8 % des crédits de la mission, n'échappent pas à ce mouvement.

Au sein du programme 155, la baisse des dépenses de fonctionnement et des effectifs se poursuit, avec une diminution du plafond d'emplois de la mission à hauteur de 169 équivalents temps plein, conformément aux engagements gouvernementaux de réduction de l'emploi public.

Dans ce contexte, j'ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à l'inspection du travail. Les contrôleurs et inspecteurs du travail se sont en effet trouvés, ces dernières années, grâce au plan de modernisation et de développement lancé par Gérard Larcher, à l'abri de l'évolution générale des effectifs dans la fonction publique. Ils ont dû néanmoins faire face à un processus très important de réforme de leur organisation et de leurs modes de travail.

Les services de l'inspection ont par ailleurs dû répondre à une demande sociale très forte liée aux conséquences de la crise, mais aussi à la faiblesse du taux de syndicalisation dans les entreprises. Ils ont également été confrontés de plein fouet à la montée des risques psychosociaux.

Ainsi, bien que les effectifs des agents de contrôle aient progressé depuis cinq ans, l'impression qui domine n'est pas celle d'un allégement de leurs tâches, bien au contraire.

Le plan de modernisation est en outre allé de pair avec des évolutions organisationnelles très importantes, puisque l'ensemble des corps d'inspection ont fusionné en 2009 avant d'être collectivement intégrés aux DIRECCTE l'an dernier.

Le plan de modernisation a également introduit une programmation des contrôles et instauré des priorités qui s'imposent pour partie à l'activité des agents de contrôle. Cette démarche contribue à la valorisation de l'action de l'inspection et à une meilleure évaluation de ces résultats. Elle implique cependant une évolution des pratiques administratives qui n'est pas toujours bien acceptée par un corps très soucieux de ses prérogatives.

Au regard de ce constat, mon rapport formule un certain nombre de recommandations afin de renforcer l'effectivité du droit du travail dont l'inspection du travail est la garante. Je n'en citerai que quelques-unes.

La première, qui me paraît capitale, vise à donner à chaque agent la possibilité de mettre à jour ses connaissances dans de bonnes conditions sur l'ensemble du territoire. En première ligne face aux évolutions légales, réglementaires ou jurisprudentielles du droit du travail, les inspecteurs et contrôleurs doivent disposer des informations pertinentes et avoir les moyens de se former, si nécessaire en réduisant les tâches administratives qui leur incombent.

De même, pour limiter le flux des demandes individuelles qu'ils reçoivent, je propose de créer la fonction de « conciliateur du travail », qui permettrait de libérer les agents de contrôle de tâches qui ne sont pas au coeur de leur activité.

Il me paraît également essentiel de mieux coordonner les relations entre l'inspection du travail et les parquets. Le suivi des procès-verbaux de l'inspection du travail doit en effet être amélioré, et il serait nécessaire de sensibiliser les procureurs de la République à l'importance de ces PV. Ils ne représentent certes que 2 % des observations produites, mais témoignent en général de situations graves, qu'il s'agisse d'un danger pour les salariés ou d'une volonté délibérée d'ignorer la loi de la part des employeurs, notamment en matière de travail illégal.

En outre, au-delà de la seule sanction du PV, une diversification des moyens d'action des agents serait utile qu'il s'agisse de contraventions ou de décisions administratives autorisant par exemple la suspension d'activité ou l'arrêt des machines, en cas de danger grave et imminent pour l'intégrité physique des salariés. De telles dispositions existent déjà, il faudrait sans doute élargir leur champ.

Enfin, il me paraît crucial que les agents de contrôle et les employeurs puissent entretenir des relations apaisées. Je considère que l'on n'atteindra cet objectif que si les différents protagonistes apprennent à mieux se connaître et à se respecter. Aucune situation de crise, aucun sentiment de méfiance n'excuse en effet les actes d'incivilité, voire les agressions dont les agents de contrôle sont parfois victimes, sans parler d'actes plus graves.

Protectrice du salarié, l'inspection du travail est aussi un des éléments d'une concurrence saine et loyale entre les entreprises. C'est sur le fondement de cet équilibre que doivent être menés les contrôles, de façon pédagogique et en ménageant une place accrue à la mission de conseil de l'inspection du travail. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, l'actualité européenne et les risques que font peser les déficits sur notre avenir commun doivent nous conduire à mieux gérer les crédits publics plutôt qu'à dépenser plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Dans ce contexte, je me limiterai à trois questions.

La première concerne l'efficacité des politiques territoriales de l'emploi, qui varie fortement selon les gouvernances locales. Ces politiques doivent donc être évaluées, mais par qui le sont-elles aujourd'hui, au niveau gouvernemental ?

Ce serait un très mauvais signal de diminuer uniformément les crédits alloués aux maisons de l'emploi. En effet, les unes mènent une action remarquable, qui complète celle de Pôle emploi, en parvenant à mobiliser à la fois les entreprises, les associations et les élus locaux, de façon à conduire une politique de l'emploi qui ne soit pas uniquement une politique d'État, mais une politique locale, conjuguant toutes les forces sur le terrain ; d'autres, en revanche, font totalement doublon par rapport à Pôle emploi. Peut-on donc être assuré que la baisse des crédits ne sera pas uniforme ?

Ma deuxième question porte sur l'industrie et les difficultés prévisibles qu'elle rencontrera en 2012.

Pour conserver notre potentiel industriel, particulièrement sa main d'oeuvre, comment le Gouvernement pense-t-il financer le chômage partiel et la formation durant cette période ? A-t-il prévu, le cas échéant, de redéployer des crédits, notamment des crédits de formation professionnelle ?

Enfin, j'écoute les critiques formulées à l'encontre de la défiscalisation des heures supplémentaires pour les salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Elles me paraissent méconnaître la réalité sur deux points.

Tout d'abord, certains bassins rencontrent les plus grandes difficultés pour trouver du personnel qualifié dans de nombreux secteurs, en particulier l'artisanat et l'industrie.

Comment répondre alors, sans recourir aux heures supplémentaires, à la demande de tel ou tel marché, pour quelques semaines ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Par ailleurs, votre expérience locale devrait vous conduire, chers collègues, à constater que, dans un pays où les prestations sociales sont très nombreuses, beaucoup de salariés ne répondent pas à la demande momentanée des entreprises par crainte de perdre la prime pour l'emploi, les allocations logement et les bourses pour leurs enfants.

C'est la raison pour laquelle cette critique de la défiscalisation des heures supplémentaires pour les salariés me paraît excessive.

Pour les employeurs, en revanche, je ne vois pas d'obstacle, même si cette disposition pourrait affecter leur compétitivité.

Le Gouvernement a pris des mesures importantes ces dernières années : les entreprises ont besoin de flexibilité et de souplesse, et les salariés d'un pouvoir d'achat supplémentaire compatible avec les exigences de compétitivité de notre économie.

Je lisais dernièrement dans un journal un article sur l'attrait qu'exercent les études de sciences politiques sur les jeunes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…alors que, dans le même temps, il est de plus en plus difficile de remplir les sections de formation professionnelle et technique malgré le besoin crucial de main d'oeuvre dans ces secteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Si, car nous avons un devoir de considération à l'égard des métiers techniques et industriels. Nous devons faire un immense effort. Le problème du déclin industriel que rencontre notre pays, et que la mission d'information sur la compétitivité a mis en évidence, est d'abord dû au fait que les Français n'aiment pas suffisamment leur industrie et en particulier leur système de formation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Ce dernier budget de notre législature intervient à un moment charnière, dans un contexte contraint de crise économique et financière tant nationale qu'européenne. En cette période difficile où le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A a augmenté de 26 000 au mois de septembre 2011, pour s'établir désormais à 2 780 500, ce budget prouve la détermination du Président de la République et du Gouvernement à soutenir l'activité et à favoriser la croissance.

La mission « Travail et emploi » constitue l'un des principaux budgets d'intervention de l'État, avec 10,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. S'il enregistre une diminution d'environ 10 % en crédits de paiement pour l'ensemble de la mission, c'est essentiellement en raison de l'extinction fin 2011 des mécanismes exceptionnels mis en place par le plan de relance, comme l'allocation temporaire de crise,...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

…mais également grâce à l'important effort de maîtrise des dépenses sur les fonctions supports : non-remplacement de 169 équivalents temps plein dans le cadre de la RGPP, limitation à 1,53 % de la progression des crédits de personnel, baisse de 5 millions des crédits de fonctionnement par rapport à 2011. Surtout, la dotation 2012 de la mission s'établit au-delà des 9,8 milliards prévus par la loi de programmation pluriannuelle, ce qui marque sans ambages la constance des préoccupations du Gouvernement en faveur de l'emploi.

La continuité s'illustre particulièrement dans l'aide aux plus fragiles.

La prise en charge des chômeurs en fin de droits n'est pas remise en cause. Une subvention d'équilibre de 905 millions d'euros vient compléter le produit de la contribution exceptionnelle de solidarité de 1 % perçue sur le traitement des fonctionnaires et des droits sur le tabac afin de financer l'allocation spécifique de solidarité, versée aux allocataires de l'aide au retour à l'emploi, l'allocation de fin de formation, le stock de l'allocation équivalent retraite, et le dispositif d'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise – l'ACCRE.

Concernant l'emploi des jeunes, l'État mobilise 276,8 millions pour financer des dispositifs tels que l'allocation servie aux bénéficiaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale – le CIVIS –, dont on peut toutefois regretter la diminution des crédits ; les missions locales et permanences d'accueil, qui devront accompagner en 2012 150 000 nouveaux jeunes au titre de la mise en oeuvre du CIVIS sur l'année 2011 ; le fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes ; le nouveau contrat de professionnalisation, qui vient remplacer les anciens contrats en alternance ; les parcours de parrainage, qui permettent à des bénévoles d'accompagner des jeunes pour les aider à entrer dans le monde du travail.

L'effort en faveur des seniors demeure une priorité : le dispositif d'aide à l'embauche des chômeurs de longue durée de plus de quarante-cinq ans en contrat de professionnalisation est reconduit pour 2012, ce qui représente un effort de 20 millions d'euros.

Enfin, la hausse des crédits de 4,6 % par rapport à 2011 en faveur des travailleurs handicapés mérite d'être saluée. Ils permettront de distribuer 1000 aides aux postes supplémentaires dans les entreprises adaptées. En cela, le Gouvernement tient les engagements pris lors de la conférence nationale du handicap et suit la voie de l'insertion des travailleurs handicapés par l'activité économique.

Concernant les politiques publiques en faveur de l'emploi, je souhaite souligner deux points. Tout d'abord, les plans territoriaux de mobilisation en faveur de l'emploi traduisent une intensification du recours aux contrats aidés en concertation avec les conseils généraux qui en sont les cofinanceurs. Globalement, l'effort en faveur des emplois aidés est reconduit. Les crédits s'élèvent à 1,75 milliard d'euros en crédits de paiement pour les contrats uniques d'insertion-contrats d'accompagnement dans l'emploi – les CUI-CAE – et 159,37 millions d'euros en crédits de paiement pour les contrats uniques d'insertion-contrats initiative emploi – les CUI-CIE. Compte tenu de ces efforts, une contrepartie du secteur non marchand est indispensable. L'accompagnement financier de l'État doit en parallèle imposer aux organismes bénéficiaires de créer des perspectives d'emplois durables et d'ouvrir aux bénéficiaires de ces contrats des possibilités de formation.

Il faudra faire preuve de vigilance en la matière.

Par ailleurs, rapporteure en juillet 2008 du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi, je ne peux que déplorer que la notion d'offre raisonnable d'emploi ne soit toujours pas appliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Il est à mon sens indispensable de mettre le demandeur d'emploi dans une situation d'obligation de retour à l'emploi face à une offre correspondant à son projet personnalisé d'accès à l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Quant aux acteurs de l'emploi, Pôle emploi incarne désormais la fusion réussie bien que perfectible de l'ANPE et des ASSEDIC. Le triple objectif qui avait présidé à sa création est atteint : simplification administrative pour le demandeur d'emploi, accompagnement sur mesure et efficacité pour le retour à l'emploi. Toutefois, la négociation d'une nouvelle convention tripartite pour la période 2012-2014 doit être l'occasion d'améliorer le système, notamment en matière de personnalisation de la prise en charge. Je constate avec satisfaction que l'État renouvelle sa subvention principale de fonctionnement à hauteur de 1,36 milliard d'euros au titre du budget 2012.

Les maisons de l'emploi, dont je souhaite souligner le rôle important, sont en revanche très atteintes par ce budget. Ces structures sont de véritables valeurs ajoutées pour l'amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi, comme l'a rappelé le président Pierre Méhaignerie. Plus aisément adaptables aux spécificités locales, elles sont un outil de proximité, de diagnostic, d'anticipation et enfin de sensibilisation. En période d'instabilité économique et compte tenu du taux de chômage que nous connaissons aujourd'hui, elles sont un atout indispensable pour accompagner les mutations de nos territoires. L'année dernière déjà, le budget qui leur avait été alloué pour 2011 avait diminué de moitié. Après concertation avec le Gouvernement, j'avais permis l'adoption d'un amendement relevant ce financement de 10 millions. Cette année, les commissaires aux finances saisis au fond et les commissaires aux affaires sociales saisis pour avis ont adopté en commission un amendement rétablissant une partie de la dotation à hauteur de 15 millions d'euros – et je salue l'engagement particulier de Laurent Hénart à ce sujet. Il ne faut pas mettre en péril l'existence de ces structures dont le rôle fédérateur, adapté aux difficultés de chaque bassin d'emploi, apporte des réponses concrètes en lien avec le milieu économique.

Toutefois, il est indispensable de rééquilibrer, et non de réduire de façon identique chaque structure par rapport à ses recettes, les dotations des différentes maisons de l'emploi en harmonisant leur taille en fonction des besoins de chaque territoire. Ma mission d'information pointait déjà en 2008 des écarts de budget de fonctionnement de ces structures allant de un à dix. Pour y remédier, il faut plafonner les subventions de l'État au regard du nombre d'habitants de chaque bassin d'emploi. Pour chaque tranche de 20 000 habitants, la subvention ne doit pas excéder le montant de la rémunération moyenne d'un équivalent temps plein. Celle d'une maison de l'emploi située dans des bassins d'emploi de plus de 200 000 habitants ne doit pas dépasser un montant correspondant à la prise en charge des salaires de dix équivalents temps plein.

De surcroît, suivant les préconisations de mon rapport d'information de 2009, il est nécessaire d'établir des fusions entre les maisons de l'emploi et les plans locaux pour l'insertion ou l'emploi ou les comités de bassin d'emploi. Outre que ce n'est pas irréalisable, cela permettrait de rationaliser les moyens et de rendre cohérentes les missions, ce qui est essentiel.

J'ai mené avec succès cette opération dans le Haut Jura début 2011, avec la création de CITE Haut Jura – le centre d'initiatives territoriales pour l'économie –, qui résulte de la fusion entre la maison de l'emploi et du comité de bassin d'emploi du Haut Jura.

Mes chers collègues, les crédits de la mission « Travail et Emploi » pour 2012 respectent la double mission qui nous incombe : rationaliser notre effort pour respecter notre stratégie de désendettement, tout en protégeant les Français. Je souhaite que nous sachions préserver ce difficile équilibre dans la suite de notre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Dans un contexte de rigueur affirmée, le PLF pour 2012, le dernier budget du quinquennat, se caractérise par un plan de rigueur qui repose sur l'ensemble des Français sans corriger les injustices fiscales, l'absence de mesures destinées à prévenir toute nouvelle dégradation de la situation économique et de fortes baisses de crédits pour des politiques publiques essentielles.

La mission « Travail et emploi » en est malheureusement l'illustration parfaite puisque ses crédits connaissent une baisse historique de 12 %, soit 1,38 milliard d'euros, c'est à dire, et c'est d'une ironie mordante, le montant de la subvention de l'État à Pôle emploi ! Cela donne un ordre de grandeur.

Avec un nombre de demandeurs d'emploi reparti à la hausse et l'explosion du chômage de longue durée – près de 9 % en un an pour atteindre 1,6 million de personnes –, l'emploi devrait être votre première priorité.

Le ministre Xavier Bertrand, qui ne nous fait pas le plaisir d'être présent ce matin, tente de nous faire croire que la baisse des crédits est « faciale » et correspondrait en fait à l'arrêt du plan de relance. On nous a déjà donné cette explication l'année dernière mais il a été intégré à la mission l'année dernière.

Je serais d'abord tenté de lui faire remarquer qu'après un léger frémissement de reprise au premier trimestre, la crise a rebondi, que les chiffres du chômage n'ont jamais été aussi élevés et que nous aurions bien besoin d'un nouveau plan de relance ou de réactiver le fonds d'investissement social.

Les plans sociaux ont redémarré dans l'industrie et, fait inquiétant, après onze années de hausse consécutive, le secteur associatif, qui avait progressé de 370 000 emplois, en perd pour la première fois 26 000.

Quand vous diminuez de plus de 43 % la subvention d'équilibre de l'État au fonds de solidarité, ce n'est pas « facial », puisque ce n'est compensé nulle part, c'est plutôt brutal…

Il est ainsi brutal pour tous les travailleurs seniors au chômage de ne plus bénéficier de l'allocation équivalent retraite AER, alors que leur nombre ne cesse d'augmenter, qu'ils ont validé leurs trimestres de retraite mais qu'ils ne peuvent pas la prendre faute d'avoir atteint l'âge requis. Lors du débat sur les retraites, le Premier ministre s'était pourtant engagé à réactiver l'AER, qui garantissait un revenu minimum à ces chômeurs dont on sait qu'ils ne retrouveront pas d'emploi.

En fait vous économisez plusieurs centaines de millions d'euros en fermant la possibilité d'entrer dans le dispositif et en proposant de le remplacer par une allocation transitoire de solidarité – ATS – qui concernerait les chômeurs nés entre juillet 1951 et décembre 1953. Même si, fort opportunément, le décret est sorti hier, pour le moment nul n'a trouvé la trace budgétaire de cette ATS, qui apparaît bien comme un rideau de fumée. Nous demandons donc, avec les organisations syndicales, le rétablissement de l'AER.

Ce simple exemple de l'arrêt définitif et un peu en catimini de l'AER est à l'image de ce budget injuste, inefficace et insincère. Il est en effet injuste socialement puisqu'il frappe les plus modestes, inefficace économiquement car il aura un impact dépressif sur la consommation et l'activité, insincère budgétairement, puisqu'il opère un basculement vers les autres dispositifs de solidarité, le RSA ou l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, elle-même en forte baisse.

Oui, ce budget est injuste. Ce qui est purement facial, c'est le maintien des crédits d'intervention, qui sont au mieux gelés à des montants datant d'avant la crise. Pour le reste, les baisses des crédits sont bien réelles et se concentrent principalement sur les allocations pour les demandeurs d'emploi en fin de droits, qui seront bientôt plus d'un million dans ce pays.

Car, non contents de supprimer l'AER, vous remplacez l'allocation de fin de formation des demandeurs d'emploi par une allocation low cost, la R2F – rémunération de fin de formation –, et vous sous-évaluez fortement les crédits de l'ASS alors que – les chiffres sont terribles – le chômage de longue durée a augmenté de près de 9 %, que le chômage des plus de 50 ans a progressé de près de 15 % et que le nombre des bénéficiaires de l'ASS a augmenté de près de 13 %. Pour sa part, la subvention d'équilibre que l'État alloue au fonds de solidarité diminue de 700 millions d'euros. L'an passé, dans son rapport, notre collègue Chantal Brunel expliquait que l'augmentation de la subvention de l'État traduisait la dégradation de la situation de l'emploi. Or cette dernière s'est malheureusement encore aggravée.

Nous ne comprenons donc pas pourquoi l'État diminue autant sa subvention, sinon parce que ce budget est profondément insincère pour satisfaire les engagements pris auprès de l'Europe.

L'opacité est grande aussi autour des contrats aidés. On voit d'ailleurs dans le rapport de la Cour des comptes annexé à celui de Chantal Brunel que c'est une forme de tradition : on ne maîtrise pas le financement des contrats aidés. Ce rapport montre ainsi qu'en 2010 l'écart a été de 40 % : sur 2 milliards ce n'est pas rien !

Avec 135 millions d'euros – 120 selon les calculs de la rapporteure – de moins que l'an passé, le Gouvernement continue à afficher un objectif de contrats réalisés identique à celui de 2011. Soit vous êtes dotés de talents de magicien, soit, ce qui me semble vous concernant plus réaliste pour ne pas dire plus cynique, ces contrats seront plus courts et il y en aura beaucoup au premier semestre…

Pour contenir le niveau de déficit de l'État et répondre aux engagements européens, ce budget opère habilement un transfert de déficits sur les opérateurs. Mon collègue Eckert a ainsi évoqué la ponction renouvelée de 300 millions d'euros sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, que nous refusons et qui est une manière de transférer vers ce fonds le paiement de l'indemnisation des stagiaires de la formation professionnelle, qui dépend de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

À cela s'ajoutent au moins 120 millions de déficit pour Pôle emploi et 50 à 80 millions pour l'AFPA. Au total, ces transferts de déficits atteignent 500 millions d'euros et fragilisent la trésorerie de ces opérateurs.

Mais la plus grande insincérité tient aux objectifs de croissance et de reprise de l'emploi sur lesquels vous avez bâti ce budget, dont chacun sait désormais qu'ils ne pourront être atteints. Avant même d'être voté, ce budget est donc caduc et l'on se demande d'ores et déjà où interviendront les prochaines coupes.

Enfin, ce budget est inefficace. On peut comprendre que l'on cherche à faire des économies et à optimiser les dépenses pour l'emploi ; mais on ne peut pas faire 700 millions de coupes claires dans le Fonds de solidarité sans s'interroger sur la pertinence et l'efficacité des 40 à 50 milliards de mesures d'exonération dans le domaine de l'emploi. Je pense bien évidemment aux dispositifs qu'a évoqués Pierre Méhaignerie d'exonération et de défiscalisation des heures supplémentaires, qui doivent être réexaminés, car non seulement ils ne sont pas porteurs d'emplois mais ils sont même contreproductifs pour la création d'emplois, notamment en faveur des jeunes. Nous ne sommes pas opposés aux heures supplémentaires mais ne nous sommes pas favorables à ce qu'elles soient subventionnées. Sans doute faut-il aussi s'interroger sur les aides et crédits d'impôt pour les emplois à domicile.

Faute de se poser la question de la pertinence de ces aides, il y a un vrai problème de méthode dans l'examen de ce budget, mais aussi un problème de fond et de stratégie.

Ainsi, en dépit de la multiplication des rapports, aucune piste n'est clairement tracée pour l'évolution du service de Pôle emploi et la réorganisation du service public de l'emploi. En commission, la majorité a reconnu, avec nous, la nécessité de les améliorer, de les territorialiser, d'améliorer l'accueil et l'accompagnement individualisé des demandeurs d'emploi et de les rapprocher des collectivités locales. J'en appelle désormais à des mesures concrètes, tout comme d'ailleurs pour sauver l'AFPA, qui s'approche de plus en plus de la faillite.

De même, personne n'arrive à savoir quelle est la volonté du Gouvernement en ce qui concerne les maisons de l'emploi et je me félicite que nous ayons trouvé un consensus en commission pour abonder leurs crédits de 15 millions d'euros ainsi que pour rétablir, comme l'a proposé le rapporteur, le niveau des crédits de l'allocation contrats d'insertion dans la vie sociale – CIVIS – pour les jeunes.

Comment comprendre le recul des crédits pour le chômage partiel alors qu'ils risquent hélas d'être fort utiles à l'industrie dans les mois qui viennent ?

Plus généralement, et mon collègue Michel Liebgott y reviendra, quelles sont les initiatives de soutien à l'emploi ?

Vous évoquerez sans doute, madame la ministre, la politique en faveur de l'alternance, mais elle peine à porter ses fruits et nous craignons qu'elle ne joue au détriment de la qualité. Et si nous sommes favorables à l'apprentissage – les régions le démontrent chaque jour – il ne peut se substituer à l'emploi.

Quelles mesures en faveur des jeunes, notamment ceux des quartiers populaires qui paient le plus lourd tribut au chômage ?

En période d'économies, comment expliquer d'une part votre acharnement pour des mesures coûteuses et qui suscitent la perplexité sur tous les bancs, comme l'Établissement public d'insertion de la défense – l'EPIDE – et les contrats d'autonomie, pour lesquels 100 millions d'euros sont inscrits pour seulement 10 000 entrées prévues en 2012, d'autre part votre parcimonie vis-à-vis des missions locales et du CIVIS qui concernent des centaines de milliers de jeunes ?

Quant aux seniors, qui connaissent la plus forte progression du chômage, amplifiée par les mesures d'âge de la réforme des retraites, les 50 millions d'euros qui étaient prévus ont tout simplement disparu.

Ce budget se caractérise par sa brutalité pour les personnes en fin de droits, son absence totale de stratégie et de lisibilité à moyen et long terme. Comme l'a résumé François Chérèque, « la priorité du Gouvernement n'est pas de lutter contre le chômage, mais d'établir un budget qui satisfasse les agences de notation » – j'ajouterai « et d'essayer de tenir les six premiers mois de 2012 ». Pour la suite, advienne que pourra. Dans ces conditions, nous ne pouvons soutenir ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Comme l'année dernière, les crédits de la mission « Travail et emploi » chutent afin d'être dans les clous de la rigueur imposée par l'Europe et les marchés financiers. Ainsi, les actions en faveur de l'emploi et de la formation perdront l'an prochain 1,387 milliard d'euros. Nous sommes pourtant en période de crise : cherchez l'erreur ! La chasse aux économies de bouts de chandelle est ouverte.

Pour les missions locales, la deuxième génération de conventions pluriannuelles par objectif 2011-2013 est censée renforcer la lisibilité des objectifs et des actions conduites. La circulaire du 19 janvier 2011 modifie les conditions du conventionnement des missions locales : elle remet en cause la sécurisation financière initialement prévue, le rôle pivot d'accompagnement des jeunes en difficulté et la gouvernance partagée des missions locales. L'efficacité dans l'accompagnement à l'emploi des jeunes devient le seul critère de financement.

Les 179,13 millions de crédits prévus en 2011 couvraient notamment les frais de fonctionnement de 32 permanences d'accueil, d'information et d'orientation – PAIO – et de 439 missions locales.

Grâce à la mobilisation des acteurs, les crédits prévus pour l'an prochain atteignent 178,80 millions pour 467 structures.

Les crédits des CIVIS sont, quant à eux, en nette diminution. Alors que le PLF 2011 posait le principe de 150 000 bénéficiaires, pour un total de 55,37 millions d'euros, vous prévoyez cette fois 50 millions de crédits pour 135 000 bénéficiaires du CIVIS, soit une baisse de près de 10 %. Qui a dit que les jeunes étaient une priorité ?

Le ministre du travail a récemment exposé les actions prioritaires du plan de mobilisation pour l'emploi. Vous présentez les contrats aidés et l'augmentation des possibilités d'entrée en formation comme un recours. Or le projet annuel performance est formel en ce qui concerne « la réduction mesurée des contrats aidés, pour un montant de 120 millions d'euros ». Quelle mobilisation !

Le Gouvernement met par ailleurs en avant de nouvelles aides à l'alternance et à l'apprentissage. En la matière, les quotas dans les entreprises sont la seule mesure efficace. Il faudrait les renforcer considérablement : en aurez-vous le courage ?

La réforme du service public de l'emploi se poursuit. Pôle emploi est censé assurer un suivi plus personnalisé des demandeurs d'emploi et mieux répondre aux besoins de recrutement. Mais, là encore, avec quels moyens ? Le Gouvernement annonce fièrement que la subvention de fonctionnement versée par l'État sera reconduite, à hauteur de 1,360 milliard. Mais en réalité, compte tenu de l'inflation, le budget de Pôle emploi diminuera.

Ce budget de disette frappe aussi les maisons de l'emploi, ce qui a provoqué une levée de boucliers. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les 18 maisons de l'emploi emploient 220 salariés, dont 67 seraient menacés par la coupe budgétaire.

On aurait pu enfin penser que la droite chercherait à favoriser les entrepreneurs. Ce n'est même pas le cas ! L'encouragement à la création et à la reprise d'entreprises par le dispositif NACRE se réduit encore. En 2009, il avait été substitué aux aides de l'État afin notamment d'accompagner les demandeurs d'emploi créateurs d'entreprise. Il prévoit un accompagnement individuel pendant trois ans et un prêt à taux zéro grâce à la Caisse des dépôts et consignations. La dotation de l'État à ce dispositif était déjà tombée de 40 millions d'euros en 2010 à 27 en 2011 ; elle ne sera plus que de 25 millions l'an prochain.

Bien sûr, vous répétez à l'envi que les caisses sont vides.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Mais pourquoi ne pas aller chercher l'argent où il est ? La majorité a timidement commencé à raboter les niches sociales inefficaces. Il faudrait poursuivre sérieusement ce travail.

Dans un rapport récent, l'inspection générale des finances juge que, sur un total de 38 milliards de niches sociales, 3,3 milliards sont inefficaces et 9,5 milliards peu efficientes. Pourquoi ne pas en tirer les conséquences ?

De manière plus générale, la bataille pour l'emploi passe par une action déterminée pour conforter les conditions de travail. Cela irait résolument à l'inverse des orientations actuelles, qui suivent à la lettre les diktats du MEDEF. L'UMP ne conçoit l'adaptation et la rénovation des règles du marché du travail que pour briser les droits des travailleurs. Je vous invite à lire le livre de notre collègue Martine Billard, qui décrit comment la droite s'acharne à casser le droit du travail depuis dix ans. Cela ne peut pas donner une bonne politique de l'emploi, les chiffres le prouvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Au lieu de m'intéresser au « combien », je préfère traiter du « comment ».

Dans un contexte de rigueur nécessaire, les moyens alloués à cette mission sont évidemment comptés, comme ceux de toutes les autres. Ceux qui sont aujourd'hui dans l'opposition devraient d'ailleurs anticiper et faire montre dès aujourd'hui de la sagesse qui leur sera nécessaire dans les années qui viennent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Je pense en effet qu'il faudra faire preuve de rigueur dans les dépenses publiques non seulement en 2012 mais tout au long de la prochaine législature. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Je veux faire trois propositions, qui s'appuient sur trois idées fortes.

Au-delà de nos clivages politiques, nous devons prendre conscience que, lorsque les moyens sont comptés et que le chômage de longue durée s'installe, quelques mois deviennent une éternité pour un demandeur d'emploi. J'ai été au chômage pendant près d'un an et, durant cette période, j'avoue ne pas avoir senti que j'avais pu devenir rapidement moins opérationnel pour le travail ou moins qualifié pour exercer un emploi. Je l'ai saisi lorsque j'ai eu la chance d'en retrouver un. Dans le cadre de ce budget contraint, il faut que nous traitions davantage du pilotage des moyens et de leur animation sur le terrain.

Une première priorité concerne le pilotage du système. Chers collègues de la majorité, je vous rappelle qu'en défendant les maisons de l'emploi, nous défendons notre bilan ; nous défendons le plan de cohésion sociale et des éléments de politique de l'emploi que nous avons développés et mis en oeuvre depuis 2004. Ces éléments avaient permis, avant la crise, de faire reculer le chômage de près de trois points. Évidemment les maisons de l'emploi sont perfectibles et cette procédure est itérative. Autrement dit, il faut que l'État se donne les moyens d'en faire ce qu'elles doivent être : le pilote unique sur le terrain des politiques de l'État et des initiatives des collectivités locales. Il est prioritaire de s'orienter vers une fusion avec les plans locaux pour l'insertion, comme l'a suggéré Mme Dalloz, et, pourquoi pas, avec les missions locales – mais d'autres initiatives doivent être prises. Il faut donc que l'État maintienne des moyens suffisants pour permettre aux maisons de l'emploi intégrées et à celles qui le veulent d'être animées et fortes. Je ne reviens pas sur le montant de 15 millions d'euros qui fait l'objet d'un consensus, mais je veux insister sur le fait qu'à côté de Pôle emploi, dans un contexte où les chômeurs sont de plus en plus nombreux, les maisons de l'emploi sont les bienvenues, pendant encore quelques années, pour renforcer le travail d'accompagnement.

Une seconde priorité est précisément relative à l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Le contrat unique d'insertion, voulu à l'époque du plan de cohésion sociale et mis en oeuvre en même temps que le RSA, a pour objectif de personnaliser le parcours de chaque demandeur d'emploi. De ce point de vue, je trouve étrange que l'on conteste le coût des établissements publics d'insertion de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Ils concernent des jeunes en très grande difficulté et, si nous ne voulons pas les laisser sur le bas-côté de la route, nous ne pouvons pas nous contenter de l'effort public standard. Défendre la personnalisation et vouloir appliquer un humanisme politique sur-mesure aux personnes en difficulté nécessite de mobiliser plus de moyens pour ceux qui en ont le plus besoin. Il faut piloter les contrats uniques d'insertion dans cet esprit.

Madame la ministre, je vous propose de vous tourner vers les préfets de région pour que leurs arrêtés permettent, notamment pour les seniors, catégorie qui compte le plus grand nombre de chômeurs de longue durée, que les contrats uniques d'insertion durent un an, au lieu de quelques mois, conformément à la loi. Le temps de formation devrait être transformé en temps de travail – ce n'est pas à cinquante-huit ans que l'on va se former – et le contrat devrait pouvoir être prolongé dans la limite de cinq années. Le demandeur d'emploi de cinquante-cinq ou cinquante-six ans pourrait ainsi être amené jusqu'à l'âge de son ouverture de droits à la retraite.

Ce dispositif est conforme à la loi sur le RSA, ce qui avait d'ailleurs amené à modifier le contrat unique d'insertion pour que les seniors puissent bénéficier d'une durée plus longue. Malheureusement, les arrêtés des préfets de régions se sont standardisés, sans doute sous la pression de la régulation budgétaire. Il faut donc à nouveau distinguer les demandeurs d'emploi selon les situations, en consentant un effort majeur selon les tranches d'âge.

Madame la ministre, ma troisième proposition concerne un sujet sur lequel je connais votre engagement : l'alternance.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Au coeur de la bataille pour l'emploi, il y a l'anticipation. Or, en France, nous avons d'un côté des offres d'emploi non pourvues et de l'autre des demandeurs d'emploi qui ne trouvent pas de travail. Il faut donc rapprocher l'offre de formation des besoins des employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Je salue l'initiative d'un alourdissement du système de bonus et malus initialement prévu pour les grandes entreprises, car elles ne sont pas exemplaires aujourd'hui en matière d'accueil des jeunes en alternance. Je rappelle aussi que le secteur public compte cent millions d'agents et seulement cinq mille apprentis. Or le plombier, le peintre et l'assistant de direction exercent le même métier dans une collectivité publique ou dans un hôpital que dans une entreprise.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Nancy est exemplaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Merci, madame la ministre : je n'osais pas le dire.

Dans les mois qui viennent, des initiatives pourraient permettre de développer l'alternance dans le secteur public de manière massive. Il est possible sans aucune difficulté, de passer de cinq ou six mille à cinquante, cent ou cent cinquante mille apprentis en deux à trois ans.

J'espère que ces propositions aideront l'argent public heureusement prévu à être opportunément mobilisé sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, chers collègues, Laurent Hénart vient de laisser entendre que la politique de gauche qui pourrait s'appliquer l'année prochaine serait aux antipodes de la politique de droite.

Il y a une contradiction forte du côté de la majorité actuelle. Lorsque la crise a émergé, vous avez imaginé un plan de relance ; alors qu'elle s'aggrave aujourd'hui, au point que la récession menace même si nous espérons une croissance positive, vous y renoncez. Nos positions sont véritablement aux antipodes car, pour notre part, nous considérons qu'en période d'aggravation de la crise, voire de perspective de récession, il faut poursuivre la relance et prendre des mesures contracycliques, notamment en matière de travail et d'emploi.

Il y tout de même aussi un sacré paradoxe. Pendant les questions au Gouvernement, les députés de la majorité posent les uns après les autres des questions parce que les plans sociaux se multiplient ou menacent dans leurs circonscriptions – je ne pourrais pas citer toutes les entreprises concernées : Peugeot, ArcelorMittal, aujourd'hui BNP-Paribas. Mais plutôt que de permettre à la relance de limiter les dégâts, vous accentuez la tendance en décidant une baisse historique du budget du travail et de l'emploi. C'est en effet la première fois que nous constatons un tel délabrement de ce budget : la baisse de 12 % constitue un record jamais atteint depuis plusieurs décennies. Cette décision paraîtrait totalement surréaliste à ceux qui suivent les questions d'actualité du mardi ou du mercredi mais il est vrai qu'ils n'assistent pas à nos débats ce matin, nous sommes en cercle restreint.

Au-delà de ces considérations générales, je veux évoquer les décisions qu'il semble indispensable de prendre pour mener des politiques contracycliques, en particulier en faveur des publics les plus défavorisés.

Hier, dans ma commune, en présence du procureur et d'un comité local de prévention de la délinquance, le sous-préfet me disait qu'il fallait utiliser les emplois aidés. Nous le faisons, mais ces emplois qui ne durent que six mois n'ont aucun sens. Monsieur Hénart, les collectivités locales ont des apprentis – c'est le cas dans ma propre commune –, mais comment donner une perspective à un salarié s'il n'a qu'un emploi aidé de six mois – même les formations ne peuvent pas être organisées dans un laps de temps aussi court. Vous ne pouvez pas, d'un côté, promouvoir l'apprentissage pour permettre l'insertion dans l'emploi et, de l'autre, ne proposer aux plus défavorisés que des contrats au rabais pour une durée de six mois dans le seul but de faire baisser de façon purement mathématique les chiffres du chômage.

Il faut revenir à des formules comme celle des adultes relais. Sur une durée de cinq ans, elle permettait une véritable intégration dans l'emploi au sein d'une association. Or, comme Jean-Patrick Gille l'a relevé, nous constatons pour la première fois une baisse de l'emploi dans le secteur de l'économie sociale. Ces emplois non délocalisables doivent constituer une priorité absolue.

Il faut aussi être plus soucieux des organismes qui favorisent l'insertion par l'économique. Le budget concerné n'est pas en diminution mais, depuis au moins une dizaine d'années, nous vous demandons une augmentation de l'aide au poste. En effet, pour que les entreprises d'insertion soient efficaces, les encadrants doivent être suffisamment nombreux. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui. Il faut que vous réagissiez.

Je ne reviens pas sur les moyens de Pôle emploi. Ils sont stables, mais ce n'est pas conforme à la dégradation du marché de l'emploi.

Je regrette la chute des crédits consacrés aux dépenses d'indemnisation du chômage : ils baissent de 698 millions d'euros à cause du double effet de la non-réouverture de l'allocation équivalent retraite et de la fin de l'allocation de fin de formation pour les chômeurs en cours de formation. On sait pourtant que le chômage des plus de cinquante-cinq ans explose. Et je ne parle même pas de la disparition du fonds national de l'emploi créé en 1963.

Pour que la politique de l'emploi soit efficace, il faut une adaptation rapide au contexte économique et social, ce qui plaide en faveur de mesures contracycliques qui n'aggravent pas les tendances du cycle en cours. Pourtant, aujourd'hui, la dotation globale de restructuration stagne, alors qu'elle permet de prévenir les conséquences sociales des restructurations d'entreprises de plus en plus nombreuses. Il faudrait augmenter cette dotation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Christian Eckert a eu raison de constater qu'il serait préférable de parler de chômage partiel, comme en Allemagne, plutôt que d'activité partielle.

Nous sommes très en retard par rapport à la plupart des pays européens. Moi qui suis frontalier, je vous propose de comparer les politiques française et allemande.

Durant la crise, du deuxième trimestre 2008 au deuxième trimestre 2011, l'activité économique en Allemagne s'est contractée de 0,6 %. Pourtant, au cours de cette même période, 500 000 emplois ont été créés outre-Rhin. En France, aux mêmes dates, la contraction de l'activité a été moindre, elle a chuté de 0,2 %, mais une perte de 450 000 a été enregistrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

En France, les emplois sont une variable d'ajustement !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

C'est dire si nous avons un véritable problème de qualité de l'emploi, de formation et de chômage partiel dans notre pays.

L'Allemagne a eu massivement recours au chômage partiel : 4 % des salariés allemands ont été concernés et ont eu droit à une formation. Mais ils sont revenus ensuite dans l'entreprise dès qu'une amorce de reprise s'est fait sentir. C'est que l'Allemagne n'a pas tout misé sur la défiscalisation, comme la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

En France, nous avons seulement 1 % des salariés en chômage partiel, ce qui signifie aussi qu'ils ne sont pas nombreux à se former. Et au moindre redémarrage de l'activité, la défiscalisation des heures supplémentaires incite à faire travailler ceux qui sont déjà en activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Les Allemands sont beaucoup plus pragmatiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Cela est d'autant plus grave que cette mesure ne correspond qu'à un dogme issu d'une promesse électorale du Président de la République – peut-être la seule qui trouve encore une traduction pour ceux qui en bénéficient.

Mais il faut revenir sur terre ! Nicolas Sarkozy a cru devoir faire la promotion de cette mesure, le 27 octobre dernier, en affirmant que neuf millions de salariés français y avaient gagné en moyenne 450 euros supplémentaires. Il a tout simplement oublié de préciser qu'il s'agissait de 450 euros par an et non par mois. Ramenée à la feuille de paie mensuelle, la mesure rapporte 42 euros. Ce n'est pas la même chose !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Il n'a jamais dit autre chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

On avait aussi annoncé une prime de 1 000 euros aux salariés des entreprises qui distribuent des dividendes élevés. Nous en sommes loin, et ceux qui perçoivent 100 ou 200 euros ont bien de la chance.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Cela vaut mieux que rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Et je ne parle pas de ceux à qui l'on a proposé, comme une sorte de provocation, que quelques euros par mois !

Le Président de la République a annoncé que l'apprentissage constituait une priorité. Il veut que le nombre d'apprentis passe de 600 000 à 800 000. Je constate que cet objectif ne se traduit pas dans le budget que nous examinons, qui se contente de faire état de 600 000 contrats, loin du chiffre avancé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

J'ajoute qu'il nous faut être particulièrement attentifs aux conditions de vie des apprentis. Aujourd'hui, ils ont très souvent du mal à se loger, à se nourrir, à vivre, tout simplement.

Ils ont aussi souvent du mal, comme le disait Laurent Hénart, à trouver des entreprises pour les accueillir. Il faut agir pour qu'elles fassent un effort : il faut les mobiliser.

Je rappelle, et ce sera ma conclusion, que 75 % des Danois considèrent que leur emploi est sûr, contre 54 % des Français. C'est dire le pessimisme de nos concitoyens, y compris lorsqu'ils ont un emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Vous avez votre part de responsabilité dans cette situation. C'est ubuesque !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel de crise économique et financière, nous nous attendions à discuter d'un budget de combat en faveur de l'emploi et du travail. Hélas ! il n'en est rien, et nous ne pouvons que dénoncer le fatalisme du Gouvernement et de la majorité pour qui, en dehors de la croissance, il n'est point de salut pour l'emploi.

Pourtant, madame la ministre, chers collègues de la majorité, la croissance ne fait pas tout, loin s'en faut : vos choix en matière de politique économique et sociale n'ont en rien contribué à sortir notre pays de la crise qu'il traverse. Au contraire, votre vision court-termiste a marqué du sceau de l'incohérence vos politiques de l'emploi, lesquelles se résument à des mesures qui bénéficient dans leur immense majorité au patronat, aux donneurs d'ordres et aux actionnaires. De cadeaux fiscaux – la TVA à 5.5 % dans la restauration, par exemple – en exonérations de cotisations, vous n'avez eu, au cours des dix dernières années, qu'un leitmotiv : la réduction du coût du travail – alors qu'en Allemagne, cela vient d'être rappelé, celui-ci est, non pas un coût, mais un investissement. La préservation de la fragile vitalité de quelques pans ciblés de notre tissu économique s'est ainsi faite au détriment de l'emploi, de l'amélioration des conditions de travail, de l'augmentation des salaires, des pensions et des revenus de substitution.

Nous ne sommes pas naïfs au point de croire que la politique de l'emploi se résume aux différents programmes de la mission « Travail et emploi ». Cependant, dans le contexte actuel, ces programmes constituent le socle de la politique sociale de l'emploi, qui, avec notre système de protection sociale, concourt à jouer un rôle d'amortisseur de la crise ; même la majorité en convient. La logique la plus élémentaire aurait donc voulu que ces budgets, notamment la mission « Travail et emploi », fussent consolidés. Or la construction de cette mission nous apporte la preuve flagrante que l'emploi n'est pour la majorité que la variable d'ajustement d'une politique économique et budgétaire désormais marquée par la soumission aux diktats de la finance.

En effet, comment expliquer autrement le choix gouvernemental de faire contribuer la dotation de la mission « Travail et emploi » à la réduction des dépenses publiques, au détriment, précisément, du travail et de l'emploi ? Comment expliquer autrement qu'en plein coeur d'une crise dont nous ne voyons pas la fin, vous abandonniez votre plan de relance ? Nous ne le cautionnons pas davantage aujourd'hui qu'hier, mais comment ne pas souligner vos incohérences ?

Alors que notre pays connaît un taux de chômage sans précédent et que, de l'avis d'une majorité d'économistes, cette situation risque de perdurer, la dotation de la mission « Travail et emploi » est en baisse de près de 1 400 millions d'euros, soit une diminution de 12 % par rapport à l'année 2011 ! Cette baisse est historique, et l'on cherche en vain un axe stratégique derrière l'objectif dogmatique et anachronique de réduction des dépenses publiques. Alors même que le budget du travail et de l'emploi devrait être la traduction d'une politique sociale de l'emploi à la hauteur de la crise que nous traversons, vous faites le choix de l'injustice sociale envers les publics les plus défavorisés, les plus éloignés de l'emploi et les travailleurs laissés-pour-compte de vos politiques économiques et sociales.

Ainsi, à l'heure où les publics actifs de plus de 50 ans connaissent un taux de chômage record, vous mettez fin aux dispositifs d'allocation équivalent retraite et d'allocation de fin de formation, qui venaient pallier le manque de ressources de ces ayants droit rencontrant des difficultés d'accès ou de retour à l'emploi. La réduction de 43 % de la dotation du Fonds de solidarité, qui finance l'allocation spécifique de solidarité, touchera directement les travailleurs privés d'emploi qui ont épuisé leurs droits à l'allocation de retour à l'emploi ou à l'allocation de fin de formation, les personnes de plus de 50 ans bénéficiaires de l'aide au retour à l'emploi dont le montant de l'ASS était supérieur à l'ARE et les artistes non-salariés non bénéficiaires de l'assurance chômage.

Parmi les injustices, notons encore – même si elle n'est pas contenue dans ce budget – la réduction de 25 % en cinq ans de l'enveloppe finançant la rémunération des stages de formation professionnelle des travailleurs handicapés. La consigne est donnée par la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle aux DIRRECTE, alors que la formation professionnelle représente pour les personnes en situation de handicap un atout majeur pour retrouver un emploi ou se reconvertir. Cette réduction provoque le report d'admission de formations prévues de longue date ou l'arrêt brutal des rémunérations, qui rend impossible la poursuite d'un parcours de formation et fragilise davantage une situation sociale déjà précaire.

À cette profonde injustice sociale le Gouvernement ajoute l'incohérence de dispositions qui affaiblissent des acteurs de premier plan en matière de formation, de retour à l'emploi ou d'orientation.

Ainsi Pôle emploi, particulièrement fragilisé par la RGPP, ne parvient pas à assumer sa mission historique. Pourtant, l'État lui confie chaque année de nouvelles prérogatives – transfert des psychologues et de la mission d'orientation de l'AFPA – sans mettre en regard les moyens nécessaires. Dans certaines antennes, les conseillers, qui suivent entre 150 et 250 dossiers de demandeurs d'emploi, ne peuvent plus assurer leur mission de service public et sont soumis à d'importants risques psychosociaux. Au final, ce sont les travailleurs en demande d'activité qui en pâtissent et qui finissent par ne plus se rendre dans leur antenne, s'éloignant ainsi durablement de l'emploi.

La reconduction en 2012 de la dotation allouée en 2011 au service public de l'emploi est loin d'être satisfaisante : d'une part, compte tenu de l'inflation, cette reconduction équivaut à une baisse ; d'autre part, l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi risque d'alourdir encore la charge de travail des agents. À Pôle emploi, non seulement on licencie, mais on travaille plus pour gagner moins !

Parallèlement, vous réduisez de plus d'un tiers la dotation des maisons de l'emploi. Cette diminution vient s'ajouter à celle de 20 % décidée pour 2011 – j'ai cru comprendre que nous allions adopter un amendement sur ce point ; nous verrons s'il sera maintenu dans le budget final, car nous nous souvenons de ce qu'a donné la deuxième délibération, l'année dernière. Pourtant, en dépit de résultats mitigés dans certains territoires, les maisons de l'emploi pallient les carences d'un Pôle emploi sous-dimensionné et incapable de faire face à ses missions. Dans certains cas, elles sont complémentaires de Pôle emploi, dans d'autres cas, la question de leur efficacité peut être posée. C'est pourquoi je partage l'idée de les soumettre à une évaluation.

Comment accepter la diminution des crédits de l'AFPA, au moment où la demande sociale de formation, d'accompagnement ou de montée en qualification n'a jamais été aussi forte qu'en cette période de crise sociale aiguë ? Après le transfert de l'activité d'orientation à Pôle emploi, il est désormais question de recalibrer l'offre de formation et de revoir l'implantation territoriale des sites. Une fois encore, les députés communistes, républicains et du parti de gauche dénoncent la logique gouvernementale qui, en entravant la capacité pour l'AFPA de répondre à une demande sociale très forte, conduit à son démantèlement progressif.

La réduction du montant de l'allocation servie dans le cadre des contrats d'insertion dans la vie sociale – les CIVIS – ainsi que du nombre de bénéficiaires de cette allocation – qui passe de 150 000 à 135 000 jeunes, soit une diminution de 10 % – est une des multiples illustrations des incohérences de votre politique. En effet, les CIVIS font intervenir les missions locales et sont d'un coût modique pour les finances publiques, alors que les contrats d'autonomie, qui profiteront de cette coupe budgétaire, coûtent souvent plus de 8 000 euros par contrat – un de nos collègues a même avancé le chiffre de 9 000 euros – en cas de retour à l'emploi, des sommes qui vont directement à des structures privées.

Enfin, pour la deuxième année consécutive vous ponctionnez le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, créé en 2009, qui propose des actions de formation professionnelle aux demandeurs d'emploi et dont le financement relève de la responsabilité des partenaires sociaux. Au-delà du tour de passe-passe budgétaire, c'est un très mauvais signe envoyé par le Gouvernement.

Alors que l'emploi est la première préoccupation de nos concitoyens, ce budget de disette, le dernier avant les échéances électorales de 2012, confirme que l'emploi n'est plus, loin s'en faut, la priorité du Gouvernement et de la majorité. Nous pouvons désormais affirmer que, de la tentative avortée d'instaurer le CPE à la prétendue réhabilitation de la valeur travail, il y a eu tromperie et malhonnêteté intellectuelle de la part du Président et du Gouvernement. Il ne s'est jamais agi d'améliorer les conditions de travail, de revaloriser les salaires, d'établir l'égalité salariale entre hommes et femmes et de pérenniser l'emploi, mais uniquement de répondre aux attentes du patronat, qui, lui, se revalorise.

L'heure est désormais au maintien du « AAA », aux économies de bouts de chandelle, à la réduction des aides, au gel des salaires, à la casse sociale, au chômage de masse, à la dégradation des conditions de travail et à la précarité – CDD, recours massif à l'intérim et au temps partiel –, pour le plus grand bénéfice des patrons et des actionnaires.

Certes, madame la ministre, vous prétendez défendre l'apprentissage. Mais, ainsi que l'ont dit certains de mes collègues avant moi, il ne suffit pas de vouloir augmenter le nombre des apprentis dans notre pays. Encore faut-il que ces derniers puissent être accueillis. Or, pour cela, il faut conserver des entreprises qui soient capables de les accueillir et qui acceptent de leur consacrer un peu de temps, quitte à ralentir la production. Or beaucoup d'entreprises sont, hélas ! exclusivement tournées vers le profit maximum et abandonnent leur devoir social dans ce domaine. Le discours ne suffit pas ; il faut mener une politique volontariste pour qu'il se traduise dans les faits.

Il va sans dire que les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront résolument contre les régressions sociales portées par cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Iborra

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après trois mois consécutifs de hausse et une stabilisation au mois d'août, le nombre des demandeurs d'emploi sans activité a progressé de 0,9 % en septembre, pour atteindre 2 780 000. En incluant celles qui ont une activité réduite, le nombre total des personnes en quête de travail a grimpé à plus de 4 millions, un niveau jamais atteint depuis douze ans. En dépit de ce contexte et alors que la croissance prévue est proche de zéro, vous choisissez de diminuer les crédits de la mission « Travail et emploi » de 12 %. Il s'agit d'une baisse historique !

Si, comme l'affirment certains dans la majorité, seule la croissance crée de l'emploi, peut-être pensez-vous que, celle-ci n'étant pas au rendez-vous, le chômage est une fatalité, les politiques publiques sont vaines et le volontarisme politique superflu. Dès lors, en effet, les politiques d'accompagnement peuvent faire l'objet d'économies. Mais c'est cette démission du politique devant l'économique qui est à l'origine des graves difficultés que nous connaissons aujourd'hui. En atteste par exemple le rapport sur les zones urbaines sensibles, rendu public mercredi et qui confirme l'état de crise et d'abandon des quartiers sensibles, y compris en période de croissance. Déjà, en 2010, alors que le taux de chômage national s'établissait à 9 %, plus de 20 % des actifs habitant ces quartiers étaient sans emploi. Aujourd'hui, ce taux a doublé et le ministre de la ville a déclaré très récemment : « Quand le chômage augmente dans le pays, comment voulez-vous qu'il diminue dans ces quartiers ? » C.Q.F.D. Quel aveu d'impuissance et de résignation ! Ainsi, vous reconduisez les contrats d'autonomie, dont on mesure pourtant année après année les insuffisances et le coût prohibitif.

Sans vouloir être polémique ou désagréable, on peut se demander à quoi sert un ministère de la ville sous la présidence Sarkozy…

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Iborra

…et quel est le rôle du ministère de l'emploi dans ces quartiers.

L'emploi demeure, faut-il le rappeler, la première préoccupation des Français. Certes, vous nous direz, madame la ministre, que vos efforts portent massivement sur les contrats en alternance. Mais ces efforts seraient tout à fait vains sans l'engagement des régions, qui, en la matière, ne date pas d'hier. Surtout, l'alternance ne crée pas d'emplois et n'est pas de nature à régler le problème du chômage, comme vous souhaiteriez parfois le faire accroire.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Je vous répondrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Iborra

Ces jeunes sont en effet avant tout en formation ; ils ne sont pas une main-d'oeuvre au service des entreprises.

Votre budget a déjà été qualifié d'injuste, d'inefficace et d'insincère.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Iborra

Il est également incohérent. En effet, vous appliquez une rigueur accrue à des politiques publiques que vous avez voulues et à des institutions que vous avez réformées à grand renfort de communication afin qu'elles deviennent enfin performantes, qu'elles soient mieux adaptées à la situation économique et sociale et que leur gestion soit plus efficace. Je veux parler notamment de Pôle emploi, de l'AFPA, des maisons de l'emploi et du Fonds de sécurisation des parcours professionnels.

Le précédent ministre de l'emploi n'a pas eu d'autre ambition que de centraliser toutes les politiques de l'emploi et de la formation, les rendant de ce fait inefficaces et finalement peu économes de l'argent public. Cette politique de recentralisation, qui était naturellement celle du gouvernement de M. Sarkozy, se résumait en fait à ponctionner et à se désengager des politiques de l'emploi, alors financées en grande partie par les partenaires sociaux.

Aujourd'hui, vous continuez sur le même registre – ponctions et désengagement – mais paraissez redécouvrir le concept de territorialisation des politiques de l'emploi : n'est-ce pas, monsieur Hénart ? Vous vous rendez compte que la centralisation des politiques menées par Pôle emploi conduit au déficit, à l'impuissance et à l'échec, et que la centralisation de la gouvernance de l'AFPA conduit à un déficit important, les frais de structure reversés par le niveau régional au niveau national étant à l'origine de dysfonctionnements non maîtrisés.

Quant aux maisons de l'emploi, initialement conçues comme des structures partenariales, territoriales, réactives, elles deviennent peu à peu des modèles de technocratie en raison du cahier des charges ubuesque imposé par l'administration centrale sous prétexte de ne pas faire de doublon avec Pôle emploi – un établissement qui, de son côté, n'a pas les moyens d'assurer toutes les missions que vous lui confiez et ne peut même pas assurer le suivi des demandeurs d'emploi les plus en difficulté, ce dont le rapport de la Cour des comptes publié aujourd'hui fait clairement état.

Enfin, le Fonds de sécurisation des parcours professionnels, que vous ponctionnez régulièrement, et dont on dit qu'il est trop tôt pour en évaluer la pertinence, n'est pas non plus régionalisé. Je doute que les salariés ou les demandeurs d'emploi susceptibles de bénéficier de ce fonds sachent qui y fait quoi, pourquoi et comment – et à mon avis, la représentation nationale n'en a elle-même qu'une très vague idée. Ce que nous savons, en revanche, c'est que vous mettez ce fonds en péril en le ponctionnant régulièrement pour alimenter vos politiques de droit commun.

En conclusion, madame la ministre, ce budget est davantage l'expression d'un bricolage comptable que la traduction d'une véritable politique volontariste d'accompagnement vers l'emploi. Alors qu'une nouvelle crise d'austérité s'annonce, nous allons probablement ajouter de la crise à la crise, de l'injustice à l'injustice. Dois-je vous rappeler que vous êtes au pouvoir depuis dix ans et que, durant cette période, vous avez augmenté la dette de 500 milliards d'euros…

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Iborra

…le déficit budgétaire étant, pour les deux tiers, dû à des cadeaux fiscaux inconsidérés. Certes, il est plus facile d'aller chercher des responsables en 1982 ou en 1998, mais c'est sur votre bilan que les Français vous jugeront, sur le bilan des politiques de l'emploi, notamment l'emploi des jeunes, qui constitue pour nous, avec l'éducation, le socle des politiques que nous allons prochainement proposer aux Français. Contrairement à vous, nous considérons que l'éducation n'est pas une charge, mais un investissement. Nous ne sommes pas gênés pour l'affirmer haut et fort, madame la ministre, et pour donner à nos ambitions les moyens qu'elles méritent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crises que nous subissons font bondir les chiffres du chômage. Les jeunes paient au prix fort la dépression du marché du travail, de même que les seniors, dont le nombre d'inscrits à Pôle emploi s'est accru de 56 % depuis 2008. Les femmes sont toujours plus touchées que les hommes : 9,5 % d'entre elles sont au chômage, contre 8,7 % des hommes. Les pertes d'emplois dans l'industrie sont énormes : 355 000 postes ont été détruits ces dernières années.

La durée moyenne du chômage a, elle aussi, considérablement augmenté : elle atteint désormais 453 jours, soit 63 jours supplémentaires par rapport à 2009. Plus d'un million de chômeurs ont perdu leur droit à assurance chômage entre 2010 et 2011. Par ailleurs, la précarité dans l'emploi ne cesse de s'étendre : à l'embauche, les CDI sont en baisse de 23 % en 2010.

Pour 2012, les très faibles perspectives de croissance ne laissent pas espérer une reprise significative de l'emploi, bien au contraire. Enfermés dans vos slogans de 2007 – « haro sur les 35 heures » et « travaillez plus pour gagner plus » –, vous n'avez aucunement tiré les conclusions de la crise économique et de ses effets désastreux sur le marché du travail et sur la situation des chômeurs.

Vous prétendez refuser la notion de partage du travail et des emplois, mais ce partage se pratique pourtant massivement sous nos yeux, de deux manières.

La première de façon particulièrement sauvage et injuste : en période de pénurie de postes et d'heures de travail, le partage se fait aux dépens des deux bouts de la chaîne – d'un côté, les primo-demandeurs d'emploi et les seniors ; de l'autre, les salariés en contrat précaire, qui ont été les premiers à perdre leur emploi fin 2008. Dans chacune de ces catégories, les femmes sont plus touchées que les hommes.

La deuxième forme de partage résulte des choix que vous avez faits à partir de 2007 : favoriser les heures supplémentaires plutôt que les embauches ; reculer l'âge de la retraite sans tenir compte de l'employabilité des seniors ; ne recourir que faiblement, à la différence de l'Allemagne, au temps partiel temporaire dans les entreprises, qui aurait pourtant permis de conserver, particulièrement dans l'industrie, des potentialités d'emploi. En fait, votre politique de l'emploi est hypersélective : elle se fait aux dépens des précaires, des jeunes peu qualifiés, qui ont de moins en moins de chances d'intégrer durablement une entreprise, ainsi que des très nombreux seniors qui devront vivre dans la misère durant parfois une dizaine d'années avant de percevoir une retraite très amaigrie.

En période de crise et de pertes d'emplois, le problème n'est pas le partage des heures de travail en tant que tel puisque, par définition, il est au coeur de ce qu'on appelle le marché du travail. Outre les nécessaires politiques de soutien à la croissance et à la création d'emplois nouveaux, y compris par des soutiens publics temporaires, il s'agit bien de savoir comment introduire de la justice dans les effets de la restriction des offres d'emplois, comment produire des effets contra-cycliques pour enrayer la désespérance et la misère sociale, comment retrouver une nouvelle dynamique. Certes, quand il n'y a pas ou peu de croissance – ce qui sera le cas dans les années à venir –, il n'y a pas de création nette d'emplois. Cependant, vous oubliez un peu vite que, sans emploi et sans sécurité du contrat de travail, il n'y a pas de pouvoir d'achat ni de perspectives permettant l'investissement des ménages. Vous ne voulez pas entendre que soutenir des emplois par une politique publique active contribue aussi à relancer l'activité économique.

À l'occasion de l'examen de ce budget pour 2012, nous attendions des mesures fortes visant à inverser le processus de dégradation du marché de l'emploi. Or, le seul message du rapport consacré à la mission « Travail et emploi » est qu'elle apporte sa contribution à la réduction des dépenses publiques à hauteur de 12 %, ce qui ne peut tenir lieu de politique de l'emploi ! Avec un niveau record de chômage, toutes les priorités catégorielles et territoriales semblent se noyer dans une kyrielle de mesures dont on peine à saisir la cohérence et les articulations. Même la territorialisation de la politique de l'emploi, qui aurait pu être au centre de votre projet pour 2012, ne donne lieu qu'à des rapports et à des commentaires en commission ou en séance publique, sans aucune traduction concrète dans votre budget ni même dans vos orientations.

Ce budget 2012 de la mission « Travail et emploi » ne changera rien à la tendance négative du marché du travail. Pire, la situation et la rémunération des chômeurs vont encore se dégrader, avec un accroissement du nombre de chômeurs sans rémunération. Nous attendions un nouveau souffle, nous n'avons droit qu'à une comptabilité étriquée, sans perspectives, inapte à offrir un espoir de retour à l'emploi aux très nombreux chômeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est après avoir parcouru 8 000 kilomètres et subi cinq heures de décalage horaire que je suis aujourd'hui parmi vous. La première interrogation qui me vient à l'esprit, à la lecture du projet de budget relatif à la mission « Travail et emploi », est de savoir à quoi peuvent bien servir ces longues heures de débat, quand on sait que le projet de loi de finances que nous examinons sera déjà caduc dans quelques jours.

Rigueur et austérité obligent, il vous faudra trouver, dit-on, 8 à 10 milliards d'euros d'économies ou de recettes supplémentaires, en raison d'une mauvaise prévision de croissance de la part du Gouvernement. Ce n'est pourtant pas faute de vous avoir interpellés au sujet de cette prévision trop optimiste lors des discussions sur la première partie du PLF ! Aujourd'hui, votre budget est insincère. Il est donc à craindre que les crédits consacrés à l'outre-mer dans la mission « Travail et emploi » ne soient pas à la hauteur des vrais enjeux : d'abord donner à l'outre-mer les moyens de sortir de la crise où il se trouve plongé depuis 2009, puis créer les conditions d'une reprise économique.

La plupart des économies domiennes ont subi une récession plus forte qu'en métropole, avec une reprise lente et difficile. Le taux de chômage outre-mer s'établit en moyenne à 27 % de la population active – 27 % en Martinique et 30 % à la Réunion. Ce taux est trois fois supérieur à celui de la métropole ! Pouvez-vous imaginer, madame la ministre, le département de Meurthe-et-Moselle afficher un taux de chômage aussi élevé ?

Même si, aujourd'hui, tout le monde s'accorde pour faire de la maîtrise des déficits publics un impératif louable, le Gouvernement ne saurait faire abstraction de la réalité économique et sociale des outre-mer. Le CIOM et ses 137 mesures, présentées par le Président de la République comme un remède à tous les maux dont souffrent les outre-mer, n'ont pas produit les résultats escomptés. Vous aurez compris, après ce terrible constat, pourquoi je m'inquiète de l'évolution des crédits mobilisés en faveur de l'emploi dans les DOM-TOM. Mon inquiétude est d'autant plus grande que 90 % des entreprises martiniquaises sont de petites entreprises individuelles, non créatrices d'emplois.

Vous érigez en dogme la création d'emplois marchands, en niant la réalité du tissu économique de nos régions insulaires. Lors du conseil des ministres du 26 octobre dernier, Xavier Bertrand a affirmé que le nombre de contrats de professionnalisation pour les jeunes avait augmenté de 5 %. Sans entrer dans une querelle de chiffres, je dois tout de même vous dire que, vue des Antilles, la réalité paraît tout autre, et les données qui nous sont communiquées par les services déconcentrés de l'État semblent bien nous donner raison. Dans votre projet de budget, les crédits en faveur de l'outre-mer figurant dans le programme 102, « Accès et retour à l'emploi », sont en baisse sensible depuis plusieurs années. Je concède qu'en 2011, un effort a été fait en faveur des contrats aidés, mais cela n'a été le cas que grâce à la mobilisation des élus, qui se sont inquiétés dès le mois de septembre, notamment à la Martinique, de la rupture brutale de certains contrats pour cause de manque de crédits alloués par l'État. Pour 2012, les crédits baissent encore ! Nous avons donc toutes les raisons d'être à nouveau inquiets.

J'attire particulièrement votre attention sur le problème du chômage des jeunes. Dans nos territoires, 61 % des jeunes, contre 25 % en métropole, sont demandeurs d'emploi, et ce chiffre est en constante progression. Quelles perspectives leur sont offertes ?

Quant au régime de l'auto-entrepreneur mis en place par votre gouvernement, outre qu'il comporte des droits sociaux minorés, il ne répond pas aux aspirations profondes des demandeurs d'emploi. Nombre de salariés sont contraints par leurs employeurs d'adopter le statut d'auto-entrepreneur pour continuer à travailler. De plus, ce régime permet des pratiques abusives, n'ayant rien à voir avec une véritable démarche de création d'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

Développé au détriment des droits des travailleurs et des activités réelles d'insertion dans l'emploi, ce dispositif n'est d'ailleurs pas vu d'un bon oeil par les chambres des métiers.

Face à la situation que je viens de décrire et dans le contexte de crise que connaissent les DOM, nous estimons que les crédits affectés à l'outre-mer dans la mission « Travail et emploi » ne permettront pas l'accompagnement efficace de nos demandeurs d'emploi. La politique timorée menée par le Gouvernement dans nos territoires risque, à terme, d'engendrer une nouvelle dégradation de la situation sociale, avec des jeunes sans perspectives d'insertion, donc sans avenir. Vous aurez compris, madame la ministre, que nous ne soutiendrons pas le projet de budget que vous nous avez présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Madame la présidente, mes chers collègues, j'associe à cette intervention l'ensemble des députés radicaux de gauche et apparentés.

Madame la ministre, vous baissez les crédits octroyés à la mission « Travail et emploi » de 12 % pour 2012. Quelle chance que nous ne soyons pas en 2050 ! (Sourires.)

Au-delà de cette boutade, le sujet est grave et la détresse de nos concitoyens à la recherche d'un emploi préoccupante, pour ne pas dire alarmante. Et pour cause : vous appliquez une baisse des crédits hallucinante, alors que le chômage atteint un pic en cette fin d'année et qu'il augmentera encore en 2012, étant donné les perspectives de croissance plus qu'incertaines.

Vous coupez dans un budget dont l'un des objectifs est de faire office de stabilisateur automatique lorsque l'activité se contracte. Vous le savez, dans une période de chômage fort, les politiques de relance par la consommation sont les mieux à même de relancer l'emploi. Vous avez mené cette politique au lendemain de la crise de 2008, certes de façon timorée, mais aujourd'hui vous l'abandonnez totalement, au risque de faire s'enfoncer notre pays dans la dépression. Il aurait été plus judicieux de conserver les 2 milliards qu'a coûté l'allégement de l'ISF et de s'en servir pour lutter contre le chômage et ainsi relancer l'activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Vous dites avoir élaboré un budget de crise, mais vous ne vous préoccupez absolument pas des victimes de cette crise que sont justement les chômeurs. Ce sont eux les premières victimes de la politique de rigueur que vous menez depuis dix ans et dont vous assumez désormais publiquement la responsabilité.

De quoi les demandeurs d'emploi ont-ils besoin ? D'une indemnisation, pour continuer à pouvoir joindre les deux bouts et tenter de vivre dignement, dans l'attente de jours meilleurs ; mais aussi d'un accompagnement qui fait cruellement défaut actuellement.

Je ne reviendrai pas sur la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, qui, si elle n'a pas été menée de façon idéale puisqu'elle continue à poser de graves problèmes pratiques, n'en était pas moins nécessaire, convenons-en.

Certes, me direz-vous, les crédits destinés à Pôle emploi ne sont pas en baisse ; ils sont même stables, puisque ce sont les mêmes qu'en 2011 et 2010, à savoir 1,36 milliard. Je vous l'accorde, ils n'ont pas baissé. Mais ils auraient dû justement être augmentés, au regard non seulement de l'inflation, mais surtout de l'afflux de chômeurs attendu dans les prochains mois.

Cette subvention ne permettra pas de faire face aux besoins de Pôle emploi, qui a déjà été délesté de 1 800 agents en 2011. Devant cette insuffisance de moyens et de personnels, Pôle emploi a de plus en plus recours à la sous-traitance, avec des opérateurs privés de placement qui, selon une évaluation menée par le ministère du travail en 2010, obtiennent de moins bons résultats et coûtent beaucoup plus cher que le service public.

L'accompagnement des demandeurs d'emploi est une question essentielle. Les études comparatives montrent que les moyens dédiés à l'accompagnement sont plus faibles en France que dans bon nombre d'autres pays, européens notamment. Rappelons l'étude réalisée par l'inspection générale des finances en 2010, qui a souligné le fait que le service public de l'emploi en France comptait un agent pour 120 demandeurs d'emploi, contre un pour 70 en Allemagne. Votre gouvernement aime tant prendre l'Allemagne en exemple : inspirez-vous donc de celui-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Un récent rapport de l'ancien sénateur UMP Jean-Paul Alduy sur Pôle emploi estime « qu'un véritable saut qualitatif en matière d'accompagnement ne peut être obtenu sans augmenter les moyens humains de Pôle emploi ». Même un membre de votre majorité reconnaît le manque de temps des conseillers pour le suivi de leurs dossiers. Voilà pourquoi la situation des demandeurs d'emploi, mais également celle des agents de Pôle emploi, devient extrêmement tendue. L'accompagnement fait cruellement défaut.

Si je prends l'exemple de ma circonscription, l'agence Pôle emploi de Saint-Pierre-et-Miquelon manque elle aussi d'effectifs en raison de postes non renouvelés, alors que l'opérateur local doit justement gérer un afflux de dossiers lourds, suite à la fermeture et au licenciement de tous les employés de la plus grosse usine de traitement du poisson du territoire.

Cette absence de moyens et les pressions qui s'exercent sous forme de tutelle administrative limitent la portée effective des garanties que nous avions pu obtenir ici même au moment de la fusion en matière d'autonomie financière et de prise en compte des spécificités du bassin d'emploi local.

Plus généralement, madame la ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre au niveau national pour permettre aux agents de Pôle emploi de faire correctement leur travail et notamment d'exercer un véritable accompagnement personnalisé de tous les demandeurs d'emploi ?

Il est nécessaire et urgent d'augmenter le nombre d'agents de cette structure. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Vous allez me dire que cela coûte trop cher. Mais en augmentant le nombre de conseillers, vous rétablirez une qualité de service qui permettra un meilleur suivi des demandeurs d'emploi, de mieux cibler leurs besoins en formation, ce qui leur assurera de plus grandes chances de retrouver un travail.

Une telle action du Gouvernement déboucherait inéluctablement sur une baisse du chômage et sur un cercle vertueux de croissance. Au contraire, l'application de la rigueur budgétaire à la politique de l'emploi conduit à une précarisation du travail. Cette précarisation ne sera pas combattue par l'allocation transitoire de solidarité, décrétée dernièrement pour essayer de corriger l'injustice de la réforme des retraites envers les chômeurs les plus âgés.

Cette précarisation touche aussi la jeunesse. À cet égard, les territoires d'outre-mer – entre autres – sont oubliés, comme l'a bien expliqué M. Manscour. Le nombre de chômeurs outre-mer, notamment chez les jeunes, atteint aujourd'hui un niveau très élevé. Dès lors, sachant que l'ensemble des crédits en faveur des actions spécifiques pour l'emploi dans les DOM et les collectivités d'outre-mer sont désormais fondus dans cette mission « Travail et emploi » en baisse de 12 %, on peut être singulièrement inquiet. Je pense que Jeanny Marc vous le dira elle aussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Pour conclure, madame la présidente, je soulignerai qu'au-delà des effets économiques que nous avons évoqués, cette politique risque d'avoir de graves effets sociaux : vous soufflez sur les braises d'une tension civile outre-mer dont l'actualité récente n'a malheureusement de cesse de nous fournir des exemples souvent dramatiques.

Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, madame la ministre, les députés radicaux de gauche et apparentés ne voteront pas les crédits dédiés à la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 65 000 demandeurs d'emploi, dont 50 % sont des chômeurs de longue durée ; un taux de chômage de 24,1 %, alors que la moyenne nationale est de 9,1 % ; 60 % des jeunes de seize à vingt-cinq ans au chômage : voilà les chiffres plus que catastrophiques révélés par les dernières enquêtes de l'INSEE sur l'emploi en Guadeloupe.

Madame la ministre, le marché du travail dans les DOM, et plus singulièrement en Guadeloupe, ne peut plus se satisfaire de la simple analyse tendant à justifier la persistance d'un chômage endémique par des circonstances conjoncturelles. En effet, c'est surtout au regard de contraintes structurelles du marché de l'emploi local qu'il convient désormais d'appréhender les politiques publiques en matière d'emploi pour l'outre-mer.

Les facteurs à l'origine de la persistance de cet important phénomène de chômage n'ont pu échapper au ministre du travail lors de son dernier passage en Guadeloupe. Je veux parler de la rigidité structurelle du marché du travail ; de l'illettrisme ; de l'échec scolaire important ; de l'offre de formation professionnelle inadaptée et insuffisante ; des offres d'emploi dans le secteur marchand qui sont en diminution constante, alors que dans le même temps le secteur non marchand ne peut plus compenser les carences du marché de l'emploi ; du pilotage complexe des politiques de l'emploi et de la formation.

Si j'analyse les derniers chiffres portés à ma connaissance, les inscriptions au chômage pour le dernier semestre sont dues essentiellement aux licenciements pour motifs économiques. Plus inquiétant encore en raison des moyens humains insuffisants du service public de l'emploi en Guadeloupe, les demandeurs d'emploi sont convoqués plus d'un mois après leur inscription à Pôle emploi, ce qui peut les priver durant plusieurs mois du versement de leurs allocations. D'ailleurs, 64 % des demandeurs d'emploi n'en perçoivent aucune.

Par ailleurs, en plus de la mise en oeuvre à marche forcée de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, le service public de l'emploi régional doit aussi faire face au tour de vis sur les subventions aux contrats d'accompagnement dans l'emploi : les subventions de l'État passent de 95 % à 70 % du salaire, la durée du contrat est réduite à six mois et l'amplitude hebdomadaire à vingt-deux heures pour ces publics qui sont aussi les plus éloignés de l'emploi.

Derrière ce constat, nous avons pu observer au niveau local que des possibilités d'insertion professionnelle durables existent, notamment dans les métiers de l'artisanat, de la culture, de l'environnement, du tourisme, des services aux particuliers ou encore pour les ouvriers qualifiés des secteurs primaire et secondaire. Nous avons également pu constater que les contrats aidés et les formations en alternance permettent une meilleure insertion dans l'emploi.

En ce qui concerne les contrats aidés, mes collègues du groupe SRC et moi-même sollicitons une augmentation de 5 millions d'euros des crédits de l'action 2 « Amélioration des dispositifs en faveur de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail » du programme 102 « Accès et retour à l'emploi », pour maintenir en volume les crédits de 2011 dévolus au financement de ces contrats outre-mer.

Pour ce qui est de la formation en alternance, et plus particulièrement en Guadeloupe, les importants retards accumulés par les services de l'État en matière de mise en oeuvre et de versement des mesures incitatives qui y sont dédiées ont définitivement découragé les employeurs d'avoir recours à ces contrats.

Pour remédier aux problèmes que je viens d'évoquer, je vous avais déjà proposé, lors du débat sur la formation et l'emploi des jeunes, une expérimentation ; je vous demande aujourd'hui une réponse sur ce point. Afin de pallier les difficultés d'ordre matériel – je pense notamment au logement et aux transports – des jeunes en situation de précarité, il pourrait être proposé de verser le RSA jeunes par la voie d'une convention avec l'entreprise accueillante, et cela pour la seule première année, aux publics ayant choisi de s'insérer par le biais de la formation en alternance.

Malgré l'année qui leur a été réservée et en dépit des récentes annonces du Gouvernement sur l'état d'avancement des 137 mesures du conseil interministériel sur l'outre-mer, les outre-mer ont surtout besoin aujourd'hui d'une nouvelle logique partenariale avec l'État permettant de remédier immédiatement à leurs retards structurels et aux urgences conjoncturelles auxquelles ils doivent faire face, notamment en matière d'emploi et de croissance économique.

La crise économique et financière ne peut servir de justification à votre politique pour l'emploi outre-mer, qui exclut chaque fois un peu plus les populations les plus éloignées de l'emploi. Le budget de la mission « Travail et emploi » pour 2012 renforcera l'exclusion des personnes les plus fragiles, au lieu de les protéger.

Madame la ministre, quels sont vos engagements pour procéder à une réforme structurelle du marché de l'emploi outre-mer ? Quelles sont les mesures d'urgence que vous comptez prendre pour assouplir les conditions d'entrée sur le marché de l'emploi de nos jeunes ultramarins ? Enfin, allez-vous prendre en compte la grande détresse des personnels de Pôle emploi en Guadeloupe en examinant les demandes de moyens humains et budgétaires dont ils ont souhaité faire part à Xavier Bertrand lors de son récent passage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence de Xavier Bertrand, qui est en ce moment même au sommet du G20 de Cannes afin de faire progresser notre vision d'une régulation sociale de la mondialisation.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Nous examinons aujourd'hui le budget de la mission « Travail et emploi ». J'ai écouté chacun d'entre vous avec beaucoup d'intérêt, et je voudrais saluer d'emblée la qualité des travaux et des auditions de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, qui trouvent leur traduction dans les rapports de Chantal Brunel, de Christian Eckert, d'Arnaud Richard et de Francis Vercamer.

Je rappellerai d'abord le contexte économique et financier. La crise que nous traversons est d'une gravité extrême. Le Président de la République est totalement mobilisé pour le sauvetage de l'euro…

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

…et de la Grèce. Et je ne peux que me réjouir d'entendre Barack Obama dire de Nicolas Sarkozy qu'il assume un leadership impressionnant. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Chacun d'entre nous peut se réjouir de voir que la France joue dans cette situation difficile un rôle majeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

À propos de la mission dont nous examinons les crédits, vous avez raison de rappeler que l'emploi est la première préoccupation de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Cela suppose d'être mobilisé et responsable. Ce budget doit être examiné avec gravité, avec le sens des responsabilités et dans un esprit de mobilisation.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Vous avez évoqué le taux de chômage. Dans la zone euro, il a augmenté de 34 % de la mi-2008 à la mi-2011. La France était en deçà de la moyenne européenne avec une augmentation, certes trop importante, de 29 %, mais contre 33 % aux Pays-Bas, 51 % au Royaume-Uni et 102 % en Espagne.

Cela signifie que la France a fait les bons choix, grâce au plan de relance, que la gauche a dénoncé alors qu'il a permis de soutenir l'activité dans chacun de nos territoires. Je passe sur le remboursement anticipé de TVA et sur le dispositif FCTVA – qui a permis de soutenir, partout dans nos régions, de nombreux chantiers, les projets des communes, et donc l'emploi de nos entreprises sur le terrain.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

On ne peut pas, madame Iborra, toujours reconduire des moyens exceptionnels. La politique, c'est d'abord savoir s'adapter, mener une stratégie de long terme et disposer de marges d'adaptation, pour être efficace au service de nos concitoyens.

C'est pourquoi nous devons agir aujourd'hui, plus que jamais, pour préparer l'avenir,…

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

et faire preuve de responsabilité.

Vous connaissez les chiffres du chômage. Ils doivent nous pousser à poursuivre la mobilisation nationale engagée par le Président de la République. Il s'agit d'une bataille de longue haleine pour laquelle le Gouvernement mobilise tous les leviers nécessaires. C'est le sens de l'action menée par Xavier Bertrand pour développer les formations en alternance et permettre ainsi aux jeunes de s'insérer rapidement et durablement sur le marché du travail.

Dois-je vous rappeler, madame Iborra, que huit jeunes sur dix ayant bénéficié d'une formation en alternance trouvent un emploi dans les trois mois ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Les formations par alternance permettent à nos jeunes de mieux s'insérer sur le marché du travail. Le nombre d'alternants montre qu'en matière de formation et d'emploi des jeunes, l'action est la seule réponse à apporter à la crise. Avec une hausse de 5,7 % des alternants au 30 septembre 2011 par rapport à 2010, nous voyons que notre action en faveur de l'insertion des jeunes commence à porter ses premiers fruits, malgré un contexte économique et financier difficile. C'est un signe encourageant pour notre jeunesse. Autre signe positif : les offres d'emplois satisfaites ont augmenté de 12 % sur un an. Derrière ces chiffres, il faut voir des chômeurs en moins.

La détermination du Gouvernement est également très forte s'agissant des métiers en tension, surtout quand on sait qu'il existe environ 250 000 offres d'emploi non pourvues, faute pour les entreprises de trouver les compétences adéquates.

Sur le terrain, nous poursuivons la mobilisation au travers des services publics de l'emploi local, car la bataille de l'emploi se gagnera bassin d'emploi par bassin d'emploi. Xavier Bertrand et moi-même avons réuni l'ensemble des sous-préfets – la dernière fois le 12 septembre – pour leur demander d'élaborer, dans leurs bassins d'emploi respectifs, un plan d'action visant à rapprocher l'offre et la demande d'emploi, notamment dans les métiers en tension. C'est un exemple concret de la territorialisation des politiques de l'emploi que vous mettez en avant, monsieur Arnaud Richard.

Entrons maintenant dans le détail des crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2012. Je veux commencer par les crédits des programmes 155 et 111, consacrés au travail.

Ces programmes sont essentiels. Ils représentent, à eux deux, 825 millions d'euros de crédits de paiement au sein de cette mission de 10,2 milliards.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Ils jouent un rôle central dans la mesure où ils portent les moyens en personnels et de fonctionnement des services de l'État qui définissent et mettent en oeuvre ces politiques.

Naturellement, ces programmes, comme l'ensemble des budgets des ministères, s'inscrivent dans le cadre de la nécessaire politique de redressement des finances publiques attendue par les Français. Ainsi, la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite a été appliquée et les effectifs diminueront de 168 emplois. Les moyens de fonctionnement, hors baux immobiliers, diminueront de 2,5 % l'an prochain après 5 % cette année. Des efforts de productivité seront aussi demandés aux cinq opérateurs de ces programmes, par exemple l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail et l'Institut du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui forme les inspecteurs du travail.

Malgré ces efforts indispensables, nous avons voulu un budget qui permette de préparer l'avenir. II prévoit ainsi, dans le cadre de la maîtrise des dépenses publiques, le financement nécessaire de la formation syndicale, conformément aux nouvelles conventions triennales entre l'État et les organisations syndicales qui ont été conclues cette année. Il dégage aussi des moyens pour compléter la mesure de l'audience de la représentativité syndicale dans les moyennes et grandes entreprises, tout en tenant compte du vote de la loi du 15 octobre 2010 sur la représentativité syndicale dans les TPE.

Au-delà de l'aspect budgétaire, je souhaite insister sur les trois priorités de la politique du travail.

Notre première priorité est de continuer à faire évoluer l'organisation du dialogue social. C'est l'objectif de la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale, complétée par la loi du 15 octobre 2010 pour les TPE. À ce titre, la mise en place du système de mesure d'audience syndicale est un chantier majeur.

Notre deuxième priorité est de poursuivre l'amélioration des conditions de travail, Le deuxième plan « santé au travail » – 2010 à 2014 – permet de poursuivre les actions engagées en matière de prévention des risques professionnels et d'amélioration de la connaissance sur la santé au travail. La loi sur les retraites comporte ainsi un volet très important sur la pénibilité et sa prévention.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Enfin, notre troisième priorité est de rendre l'application du droit plus efficace dans les entreprises. Le ministère du travail est en effet, comme vous le savez, garant de l'application effective du droit du travail. Il s'appuie pour cela sur les services de l'inspection du travail et sur l'organisation de la justice prud'homale. Je suis d'ailleurs pleinement d'accord avec Francis Vercamer quant au rôle que doit jouer l'inspection du travail. C'est pourquoi je tiens à rappeler que le Gouvernement sera toujours aux côtés des membres de l'inspection quand ceux-ci sont victimes d'agressions ou de menaces dans l'exercice de leurs fonctions, comme c'est encore trop souvent le cas. Ces situations sont inadmissibles. Xavier Bertrand, sur ce sujet, a rappelé, à plusieurs reprises, que la collaboration entre le ministère du travail et le ministère de la justice était exemplaire.

Je souhaite maintenant évoquer les moyens d'intervention des politiques de l'emploi au travers des crédits des programmes 102 et 103.

Je vous ai bien écouté, monsieur Eckert. Aussi tenais-je à préciser certains points et à les remettre en perspective. Au-delà de l'incantation, souvent démagogique, sur la baisse des crédits de la mission (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.),…

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

…l'important est que nous maintenions, voire que nous augmentions, le cas échéant, les moyens consacrés au coeur de notre politique de l'emploi.

Je le rappelle : la très forte augmentation des crédits en 2009 et 2010 était liée à la mise en place du plan de relance.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Je sais que cela vous dérange. Nous avons fait le bon choix politique en lançant le plan de relance pour faire face à la crise, mais il était, par définition, temporaire. Des enveloppes exceptionnelles avaient été mobilisées, Elles seront progressivement arrêtées à partir de cette année. Ainsi, alors que nous avions encore près de 700 millions d'euros de dépenses liées au plan de relance en 2011, le budget pour 2012 prévoit, comme c'était attendu, la fin de ces mesures exceptionnelles.

Si le budget de l'emploi participe à l'effort de réduction des dépenses publiques, c'est aussi parce que nous bénéficions des économies réalisées grâce aux mesures courageuses prises par le Gouvernement. Je pense à la suppression de niches sociales sur les services à la personne ou à celle de l'exonération des plateaux-repas restaurateurs, qui expliquent près de 300 millions d'euros d'économies réalisées cette année.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Grâce à ces deux mesures seulement, l'économie sur le budget de l'emploi a été de près de 750 millions d'euros en deux ans ! Elles sont la preuve que la réduction de la dépense publique est possible.

Enfin, nous enregistrons des gains liés à des dispositifs en extinction comme les pré-retraites publiques, l'allocation équivalent retraite ou l'allocation de fin de formation. Cela explique environ 250 millions d'euros de la baisse.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Grâce à ce budget, nous participons à l'effort indispensable de réduction de la dépense publique et nous mobilisons les moyens nécessaires sur le coeur de notre politique de l'emploi autour de quatre axes prioritaires.

Notre premier axe prioritaire, c'est l'emploi des jeunes, avec le développement des formations en alternance. Pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de 800 000 alternants, dont 600 000 apprentis d'ici à 2015, nous agissons avec Xavier Bertrand sur trois leviers.

Le premier levier est l'incitation des jeunes à choisir ces formations. Une véritable révolution culturelle a été engagée ; au mois de mai, une campagne de communication a permis de véhiculer un message positif et pragmatique : « Un métier, un diplôme, un revenu, c'est ça l'apprentissage.» Les résultats sont là, puisque 65 % des jeunes déclarent que cette campagne leur donne envie de suivre une formation en apprentissage et 91 % des parents se déclarent prêts à recommander ces formations.

Parce que la revalorisation de ces formations est une priorité, je suis allée à Londres, le 6 octobre dernier, pour soutenir, lors des Olympiades des Métiers, les 44 jeunes de l'équipe de France qui ont porté haut les valeurs de l'apprentissage.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Je suis étonnée de votre réaction, madame Iborra. Vous devriez soutenir ces jeunes qui sont allés défendre la qualité leur formation, leur expertise des métiers, face à 51 nations. Ils ont ramené neuf médailles à la France, dont trois médailles d'or, trois médailles d'argent et trois médailles de bronze. Vous devriez être fière de ces jeunes. Nous le sommes et nous comptons continuer à les accompagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il faudrait organiser les Olympiades des employeurs !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Nous avons mobilisé les missions locales, que j'ai réunies, afin que l'orientation des jeunes vers l'alternance devienne un réflexe. Par ailleurs, une carte « étudiants des métiers », introduite grâce à la loi Cherpion, sera délivrée par les CFA, dès la fin du mois de décembre. Elle permettra aux alternants d'accéder aux mêmes réductions tarifaires que les étudiants de l'enseignement supérieur.

Mobiliser les entreprises constitue notre deuxième levier d'action. Pour cela, nous avons augmenté dès cette année le quota de 3 à 4 %, c'est-à-dire le pourcentage de jeunes en alternance que les entreprises de plus de 250 salariés doivent former. Cette mobilisation s'appuie aussi sur deux aides à l'embauche particulièrement incitatives dans les entreprises de moins de 250 salariés : une aide pour l'embauche d'un alternant supplémentaire et une aide pour l'embauche d'un demandeur d'emploi de quarante-cinq ans et plus en contrat de professionnalisation. Au 28 octobre, 23 000 demandes ont été enregistrées. Afin de poursuivre la montée en charge de ces aides, nous avons lancé le 29 septembre une campagne de communication sur toutes les radios.

En complément, la loi sur le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels du 28 juillet dernier, dont toutes les mesures d'application seront publiées au plus tard d'ici à la fin de l'année, a apporté de nombreuses mesures de simplification. Elle a ouvert l'apprentissage au travail temporaire et a permis des avancées majeures pour aider les jeunes qui préparent un baccalauréat professionnel à suivre une formation en alternance.

Avec Xavier Bertrand, nous avons également ouvert un guichet unique de l'alternance, qui permet à un chef d'entreprise, grâce à la simplification et à la dématérialisation de la démarche, de remplir un contrat d'apprentissage en moins de dix minutes. Ce guichet permet aussi aux jeunes d'avoir accès à l'ensemble des offres de formation en alternance disponibles sur le territoire ; plus de 100 000 offres ont été recensées.

Par ailleurs, j'ai organisé plusieurs temps forts pour mobiliser les acteurs économiques : le 27 avril, avec 60 branches professionnelles, et le 28 juin, avec 35 entreprises du CAC 40, qui ont pris des engagements concrets.

Notre troisième levier d'action est le développement d'une offre de formation de qualité et adaptée aux besoins des entreprises et des territoires. À ce titre, l'État investit des sommes très importantes : 500 millions d'euros du grand emprunt pour moderniser l'offre de formation et créer des places d'hébergement, 1,7 milliard d'euros pour garantir le financement à parité avec les régions dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens. L'État met un euro et les régions un euro également, alors qu'elles versaient en moyenne 25 centimes dans les précédents contrats d'objectifs et de moyens.

Treize régions ont déjà signé ce contrat et deux autres un accord-cadre. Huit autres régions devraient avoir signé le contrat d'ici à la fin du mois.

Concernant le volet alternance des investissements d'avenir, soixante dossiers sont en cours d'examen. Neuf projets ont déjà été retenus et bénéficieront de 50 millions d'euros pour créer 2 814 places en formation et plus de 517 places en hébergement, parce que nous avons besoin d'accueillir nos jeunes dans des structures d'hébergement.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Je ne voudrais pas oublier les territoires d'outre-mer. Je dois d'ailleurs me rendre en Guadeloupe dans une quinzaine de jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il faut aller à Mayotte : il s'y passe des choses !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

À la fin de l'année 2010, on dénombrait 1 657 apprentis en Guadeloupe, soit une augmentation de 35 % depuis 2008. Le contrat d'objectifs et de moyens prévoit un abondement de l'État de 5,8 millions d'euros par an, soit une augmentation de 190 %.

En Guyane, où j'étais le 19 octobre dernier, il y a aujourd'hui 591 apprentis alors que l'on en comptait moins de 300 avant 2007. Notre objectif est d'arriver à 1 000 apprentis d'ici à 2015. C'est une augmentation de 150 % du nombre d'apprentis et une augmentation du contrat d'objectifs et de moyens de 76 %.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

En Martinique, monsieur Manscour, le nombre d'apprentis inscrits est estimé à 2468, soit une augmentation de 54 % par rapport à la fin de l'année 2010. Le contrat qui sera prochainement signé en ma présence permettra d'atteindre le chiffre de 4 000 apprentis en 2015, soit une augmentation de 150 % par rapport à 2010 et un budget de l'État de 5 millions d'euros, soit un million d'euros par an, onze fois plus que le précédent contrat.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

En matière de développement des formations en alternance, notre politique est massive sur l'ensemble du territoire et les résultats sont là. Je le répète, nous constatons une hausse de près de 5,7 % par rapport à 2010.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

En dépit de la mauvaise conjoncture, le nombre de demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans a reculé de 2 % en un an.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Laurent Hénart a eu raison de souligner que, si la formation par alternance dans le secteur marchand est une priorité – les emplois se créent essentiellement dans ce secteur –, l'accueil de jeunes en formation dans le secteur public est une possibilité, même si ce n'est pas imposé. Je constate que certaines collectivités – dont Nancy – le font, ce que je salue car il est important d'accompagner les jeunes, même dans le secteur public.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Iborra

Un contrat en alternance, ce n'est pas un emploi !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Madame la députée, un contrat de formation en alternance vous permet d'entrer sur le marché du travail.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Je vous conseille de regarder les chiffres et d'aller sur le terrain. Vous constaterez que les jeunes qui suivent une formation en alternance peuvent plus facilement trouver un emploi. C'est vrai aussi dans les territoires d'outre-mer.

Par ailleurs, en plus des moyens que nous déployons en faveur des formations en alternance, nous avons stabilisé les moyens des missions locales à 178 millions d'euros, du fonds d'insertion professionnelle des jeunes à 20 millions d'euros, et des écoles de la deuxième chance à 24 millions d'euros.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Il est dommage, monsieur Gille, que vous ayez mis en concurrence les dispositifs d'accueil des jeunes les plus en difficulté. Je vous invite à visiter les EPIDE, qui font un travail remarquable. On en compte une vingtaine ; 20 000 jeunes sont déjà passés par ces structures qui leur ont permis de remettre le pied à l'étrier.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Je déplore cette mise en concurrence car les EPIDE ont toute leur place dans cette mission difficile et leurs résultats sont excellents.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Les écoles de la deuxième chance auxquelles vous êtes attaché, monsieur Gille, c'est 24 millions d'euros.

Avec Xavier Bertrand, nous voulons mobiliser toutes les ressources disponibles et faire de chaque mois qui passe un mois utile au service de l'insertion professionnelle des jeunes.

En matière de politique de l'emploi, notre deuxième axe prioritaire est de permettre à ceux qui perdent leur emploi de rester en activité. Plus on reste longtemps éloigné du marché du travail, plus le risque de « décrocher » est grand.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Il faut donc absolument maintenir un lien fort entre le demandeur d'emploi et le marché du travail. Pour cela, les contrats aidés sont l'un des principaux outils dont nous disposons, car il vaut mieux travailler vingt heures par semaine que dépendre uniquement de l'assistanat.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

C'est pourquoi nous avons budgété 340 000 contrats aidés dans ce projet de budget. Nous avons reconduit ce qui était prévu dans la loi de finances pour 2011. Nous comptons, cette année encore, sur les conseils généraux pour mobiliser les contrats aidés au profit des bénéficiaires du RSA.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Notre troisième axe prioritaire est de permettre aux personnes les plus fragiles de s'insérer sur le marché de l'emploi, comme l'a souligné Mme Dalloz.

C'est un enjeu majeur, notamment pour les personnes handicapées, car, dans notre société, avoir un emploi, c'est avoir un moyen de s'insérer socialement.

C'est pourquoi, comme le Président de la République s'y était engagé…

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

…lors de la conférence nationale sur le handicap du 8 juin 2011, nous avons fait un effort particulier pour favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Nous avons ainsi budgété 1 000 aides au poste supplémentaires dans les entreprises adaptées. Cette enveloppe en augmentation permettra de prendre en charge 20 535 travailleurs handicapés en 2012.

En matière d'emploi, notre quatrième axe prioritaire consiste à continuer d'améliorer l'efficacité du service public de l'emploi.

Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, nous allons maintenir notre effort financier à destination de Pôle emploi à hauteur de 1,36 milliard d'euros par an pour les trois ans à venir. C'est un signe fort que nous envoyons à l'opérateur, car je vous rappelle que, dans le même temps, les autres opérateurs de l'État doivent faire des gains de productivité de 1,5 %.

Nous allons aussi donner de nouvelles orientations stratégiques à Pôle emploi pour les trois prochaines années. D'une manière générale, nous voulons que l'on donne plus de marge de manoeuvre au terrain.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Concrètement, cela veut dire apporter plus de souplesse dans l'organisation et dans la prise de décision pour que le niveau local, celui des agences, puisse répondre rapidement aux besoins qu'il détecte.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Nous voulons aussi que le service public de l'emploi fasse plus pour ceux qui en ont le plus besoin. C'est cela la priorité du Gouvernement. On n'a pas besoin du même accompagnement selon que l'on est chômeur de longue durée ou à la recherche de son premier emploi. Pour tout cela, c'est près de 2 000 conseillers à temps plein que nous allons redéployer vers l'accompagnement des demandeurs d'emploi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

« Redéployer » ! Vous n'avez que ce mot à la bouche !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Vous le voyez, notre ambition pour Pôle emploi est intacte. Je fais entièrement confiance aux agents pour relever ces défis, car je connais leur professionnalisme et leur engagement quotidien au service de l'emploi.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

C'est une réalité, monsieur le député. J'espère que vous êtes de mon avis.

S'agissant des maisons de l'emploi, à propos desquelles vous êtes plusieurs à m'avoir interpellée, je tiens à vous rappeler qu'elles ont été créées alors que Pôle emploi n'existait pas.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Il faut tirer les conséquences des réformes et ne pas multiplier les structures. L'État ne peut pas financer plusieurs fois la même chose.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

J'ajoute, monsieur le président Méhaignerie, que la baisse du budget national consacré à ce dispositif ne s'applique pas de façon mécanique et uniforme à toutes les maisons de l'emploi. Certaines voient leur budget maintenu, pour d'autres la baisse peut être importante, mais cela est toujours lié aux actions mises en oeuvre. La méthodologie retenue vise à réduire les écarts entre structures, qui pouvaient aller, dans le cadre de l'ancien dispositif, de 1 à 20.

Vous avez été plusieurs à m'interroger sur l'allocation transitoire de solidarité.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Cette allocation est désormais une réalité, et M. Gille, qui lit le Journal officiel, a noté que le décret avait été publié hier. Ce nouveau dispositif sera financé par redéploiement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), notamment des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, qui pourront désormais recourir à l'allocation transitoire de solidarité, l'ATS.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, dans un contexte difficile pour les finances publiques, ce budget consacre des moyens ambitieux aux politiques de l'emploi pour l'année à venir. Construit dans un esprit de responsabilité, il montre que l'on peut concilier à la fois baisse des dépenses publiques et maintien d'orientations politiques fortes au service de l'emploi, notamment de l'emploi de nos concitoyens les plus fragiles. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Au moment où les Français nous regardent et alors que l'emploi est au coeur de leurs priorités, je déplore que, tous ensemble, vous n'ayez pas fait preuve d'un plus grand sens des responsabilités…

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

..et d'une solidarité plus active. C'est ce que les Français attendent.

Chacun sera jugé sur sa crédibilité (« C'est sûr ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), sur son sens des responsabilités pour faire face à une crise économique et financière majeure,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Que vous avez créée : vous en êtes responsables !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

…dont chacun porte une part de responsabilité. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Mais il appartient à chacun d'entre nous d'apporter des réponses concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe UMP, la parole est à M. Jean Proriol.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Ma question peut se résumer par son titre : comment faire mieux reconnaître les vraies valeurs de l'apprentissage ?

Le Gouvernement, vous-même, madame la ministre, le Parlement également, nous n'avons pas ménagé nos efforts dans ce sens. La loi toute récente du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels apporte de nombreux aménagements en matière d'apprentissage comme en matière de pratique des stages en entreprise. La loi Cherpion, du nom de notre collègue, concrétise de réelles avancées et transpose par ailleurs l'accord national interprofessionnel de sensibilisation. Mais il est encore trop tôt pour en voir le rebond dans l'entrée des jeunes en apprentissage cet automne. L'objectif, vous venez de le rappeler, est de 600 000 apprentis en 2015, mais si peu dans le secteur industriel, qu'il s'agisse des grandes entreprises et même des PME.

Fait-on assez connaître les mérites de l'apprentissage ? Un gain pour l'entreprise, un gain pour l'apprenti, un gain pour la société en général. Fait-on savoir les avantages que présente l'acquisition d'un métier dans les systèmes d'orientation de nos collèges ? La valorisation de l'apprentissage est un point que vous avez abordé dans les missions locales avec des crédits nouveaux, dans l'accès à l'emploi des jeunes et dans les mesures d'accompagnement que la loi promeut.

Bref, il faut mieux faire connaître les aménagements du régime de l'alternance, qui donne un diplôme, qui débouche sur un métier, souvent un métier de passion, comme les métiers de bouche par exemple. C'est la voie la plus rapide et la plus sûre pour un emploi et un revenu.

Quelles actions pratiques, concrètes, comptez-vous lancer pour valoriser mieux encore l'apprentissage ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Vous avez raison, monsieur Proriol, d'interpeller le Gouvernement à ce sujet. Si le Président de la République a choisi de créer pour la première fois un ministère dédié au développement de l'apprentissage et de la formation professionnelle, c'est parce que nous devons mener des politiques dynamiques et pouvoir actionner l'ensemble des leviers à notre disposition.

Cela suppose un changement radical de mentalité dans les familles et chez les jeunes, mais aussi – oserai-je le dire ? – au sein de l'éducation nationale. Il faut cesser d'orienter les jeunes par défaut. Il faut les orienter en fonction de leurs talents, qu'il faut respecter. Avec Luc Chatel, nous réfléchissons à une nouvelle campagne de communication. Nous avons déjà mené une opération à destination des jeunes et des familles, et une autre à destination des entreprises afin de leur expliquer le dispositif « zéro charge » dont peuvent bénéficier pendant un an celles qui ont moins de 250 salariés.

Il y a aussi le volet économique. La formation en alternance suppose la mobilisation des entreprises. C'est pourquoi j'ai réuni les secteurs professionnels, et à cet égard, il faut souligner le fort engagement des branches industrielles et des entreprises du CAC 40.

Vous me parliez de l'apprentissage dans l'industrie. Je rappelle que l'Union des métiers et industries de la métallurgie a consenti un effort majeur en se fixant pour objectif de recruter 40 000 jeunes en alternance. La restauration, quant à elle, souhaite recruter 20 000 apprentis supplémentaires d'ici à 2014 ; le secteur du paysage 10 % d'alternants supplémentaires par an ; le secteur de l'informatique cherche à augmenter de 5 % les contrats de professionnalisation ; l'agroalimentaire vise 3 000 contrats d'ici à 2013 ; la Fédération bancaire française également.

Nous devons mobiliser tous les secteurs d'activité. Nous devons également mobiliser les régions puisque, pour la première fois, elles financeront à parité avec l'État l'aide aux contrats d'apprentissage, euro pour euro.

Cette mobilisation est importante. Nous préférons soutenir le développement de l'emploi des jeunes dans le secteur marchand plutôt que financer des emplois-jeunes dans le secteur public avec de la dette.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nous passons aux questions du groupe SRC.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation alarmante de l'Association nationale pour la formation des adultes, l'AFPA.

Vous avez souhaité que cet organisme soit soumis à une concurrence généralisée. Vous avez organisé le transfert de ses psychologues à Pôle emploi, ce qui a été une catastrophe : si le transfert en lui-même s'est bien déroulé, l'AFPA est désormais confrontée à des problèmes de recrutement qui l'obligent à recréer son propre service en interne. Dans la loi sur la formation professionnelle, vous avez prévu de transférer à l'association le patrimoine que l'État mettait à sa disposition, mesure censurée par le Conseil constitutionnel. Depuis, elle enregistre des déficits d'année en année.

Quelles sont les conséquences de ces décisions ? Nous constatons une dégradation du patrimoine et de l'appareil de formation de l'AFPA, une baisse du taux de remplissage des sessions, qui entraîne un déficit d'exploitation, lequel va jusqu'à provoquer des déficits de trésorerie au point que l'on peut craindre un risque de défaut de paiement avant la fin de l'année 2012.

Avant de poser mes questions, je me permettrai de vous faire quelques propositions. Il faut mettre fin au désengagement de l'État, manifeste dans le budget qui nous est proposé. Il serait bon également de reprendre les discussions avec la Commission européenne pour aboutir à une distinction entre deux niveaux de formation : un niveau de première qualification, qui ne relèverait pas de la directive « Services », une formation dispensée en direction des entreprises, qui pourrait, elle, être du ressort du secteur concurrentiel. Enfin, il conviendrait d'explorer la piste d'un rapprochement avec Pôle emploi et avec les régions.

Quelle solution envisagez-vous, madame la ministre, pour la question du transfert de patrimoine, qui ne connaît pas d'avancées ? Quelles subventions comptez-vous accorder à l'AFPA pour lui éviter un défaut de paiement d'ici à la fin de l'année ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Monsieur Gille, je veux tout d'abord m'inscrire en faux contre votre assertion selon laquelle il y aurait un désengagement de l'État. Les relations entre l'État et l'AFPA s'inscrivent depuis 2008 dans une évolution qui prend en compte le transfert vers les régions de la compétence en matière de formation professionnelle des demandeurs d'emploi. Ainsi, les régions sont devenues, comme vous le revendiquez vous-même, les premières collectivités publiques dans l'achat de formations organisées par l'association, puisque celle-ci réalise près de la moitié de son chiffre d'affaires avec les collectivités locales, soit 500 millions d'euros pour un chiffre d'affaires d'un peu moins d'1 milliard d'euros.

Par ailleurs, un marché public lie l'AFPA à l'État pour la mise en oeuvre des prestations d'accompagnement de publics ciblés – travailleurs handicapés, ressortissants d'outre-mer, détenus, militaires en reconversion. L'activité de certification continuera d'être assurée par l'association, qui, en 2011, a touché à ce titre une contribution de 50 millions d'euros du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, contribution qui sera reconduite en 2012.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

S'agissant de l'immobilier, un rapport élaboré par l'inspection générale des finances et le Conseil d'État préconise, vous le savez, la signature de baux emphytéotiques, donc à long terme, avec l'AFPA. Ces baux lui permettront de gérer dans la durée son patrimoine immobilier. Nous sommes en train de réfléchir à la mise en oeuvre technique de ces mesures afin de donner à l'association la possibilité de continuer à assumer pleinement son rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Madame la ministre, dans la réponse que vous avez faite aux divers orateurs, vous avez peu évoqué le programme 103. J'aimerais y revenir, en évoquant la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, et les mesures visant à inciter les PME à anticiper leurs besoins en matière de ressources humaines.

Les deux outils que sont la GPEC et les engagements de développement de l'emploi et des compétences, les EDEC, connaissent à nouveau une baisse de crédits, mais cette fois-ci assez considérable puisqu'elle s'élève à 34 millions d'euros, soit près de 28 % de moins par rapport à 2011. Vous le savez, en cette période de quasi-récession, les salariés ont besoin de trouver des voies de reconversion interne. A cet égard, ces dispositifs sont importants car ils leur permettent de passer à d'autres fonctions, par le biais notamment de formations adaptées.

J'y suis d'autant plus sensible que je suis issu d'une région industrielle où les opérations de reconversion se succèdent. J'ai pu constater lors de la fermeture de l'aciérie d'ArcelorMittal à Gandrange combien les sous-traitants, dont la production dépendait à 70 ou 80 % de l'entreprise principale, se sont trouvés démunis pour trouver d'autres marchés, notamment parce que leurs salariés n'étaient pas formés pour s'adapter à de nouvelles tâches. Les conventions de revitalisation et d'ancrage territorial mises en oeuvre dans le cadre des plans de modernisation sociale n'ont pas trouvé de concrétisation car les salariés n'ont pas pu changer d'activité.

Ma question est donc double : alors que nous traversons une période de plans sociaux, qu'est-ce qui motive une telle amputation de crédits ? comment s'explique la non-inscription de nouveaux contrats dans le projet annuel de performances ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Monsieur le député, ce budget ne finance par nature que des engagements relatifs aux conventions et accords en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences signés jusqu'à la fin de l'année 2011. Il s'agit d'accords d'une durée moyenne de trois ans que l'État a contractualisés avec les partenaires sociaux dans les branches ou dans les territoires afin d'éviter au maximum les licenciements. Mieux vaut former et développer la mobilité que licencier.

La plupart de ces accords, signés au niveau national ou régional, prennent fin en 2011 ou 2012. En 2011, les nouveaux accords envisagés sont avant tout axés sur le soutien à des démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Pour la période 2009-2012, les dix-neuf accords nationaux conclus visent 260 000 bénéficiaires pour un coût total de 330 millions d'euros, dont 110 millions à la charge de l'État.

Dans les territoires, ce sont près de 250 accords qui ont fait depuis 2009 l'objet d'un co-financement de l'État en région. Ils devraient prendre fin en 2011, voire 2012. Sur trois ans, ces accords mobilisent quelque 550 millions d'euros, dont 180 millions financés par l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Vous vous contentez de dresser un bilan, madame la ministre !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Il faut désormais que les territoires prennent le relais et mettent en oeuvre cette politique impulsée par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Des moyens existent, monsieur Gille : ils sont apportés par les entreprises, les organismes paritaires collecteurs agréés, les collectivités territoriales, mais aussi le Fonds social européen, qui peut être mobilisé davantage.

Je veux aussi dire que les services déconcentrés du ministère resteront fortement mobilisés autour de cette thématique, notamment dans le cadre des plans d'action territoriaux, animés par les sous-préfets bassin d'emploi par bassin d'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Madame la ministre, je souhaite revenir à la question des maisons de l'emploi, qui appelle des éclaircissements après votre intervention.

Les 196 maisons de l'emploi contribuent à faire émerger des stratégies territoriales, assurent des missions d'observation de l'emploi local et animent des partenariats entre le service public de l'emploi, les autres services de l'État, les collectivités territoriales et les acteurs de la société civile mobilisés autour des questions d'emploi, de création d'entreprises, de formation et d'insertion. Je ne vois pas dans leurs missions ce qui ferait double emploi avec le travail effectué par Pôle emploi.

J'ai bien pris note de ce que le président Méhaignerie et d'autres collègues demandaient en commission des affaires sociales et à la tribune en insistant sur la nécessité de procéder à une évaluation permettant de distinguer les maisons de l'emploi dont le fonctionnement est positif des autres. Je suis cependant très étonné que, compte tenu de la finesse des informations demandées aux maisons de l'emploi pour rendre compte de leurs activités, les services de l'État ne soient pas d'ores et déjà en mesure de sanctionner positivement ou négativement leur fonctionnement.

Pensez vous, madame la ministre, que les maisons de l'emploi répondent au besoin de territorialisation de la politique de l'emploi ?

Quels partenariats entre État, collectivités territoriales et partenaires sociaux souhaitez-vous voir instituer dans les territoires ?

Considérez-vous que les maisons de l'emploi préfigurent le schéma de travail territorialisé que devra mettre en oeuvre Pôle emploi ? Quel choix allez-vous faire : celui d'une déconcentration régionale et locale des décisions de Pôle emploi, avec l'appui des acteurs du service public de l'emploi, ou bien celui d'une véritable territorialisation d'une majeure partie des missions de Pôle emploi afin de les mettre au service des priorités régionales et locales définies avec l'ensemble des parties prenantes ? Il me semble que les maisons de l'emploi tracent le chemin de cette deuxième politique.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Monsieur le député, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous ne pouvons pas multiplier les structures : l'État n'est pas en mesure de financer plusieurs fois la même chose. Il faut tirer les conséquences des réformes, notamment de la création de Pôle emploi.

Le nouveau cahier des charges en vigueur depuis 2010 prend en compte cette évolution. Les rapprochements des maisons de l'emploi avec d'autres structures conduisent mécaniquement à des économies.

Il faut savoir que la baisse du budget national consacré à ce dispositif ne s'applique pas de façon uniforme à toutes les maisons de l'emploi : certaines voient leur budget maintenu quand d'autres peuvent enregistrer une baisse importante, mais ces évolutions sont toujours liées aux actions mises en oeuvre.

Ainsi, les maisons de l'emploi doivent se concentrer sur certaines actions : l'élaboration d'un diagnostic du marché local en vue de mettre au point une stratégie des acteurs locaux de l'emploi ; l'aide accordée à l'ensemble des employeurs publics et privés en vue de mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences dans le cadre des mutations économiques ; le développement local ainsi que sur la réduction des freins culturels ou sociaux à l'embauche.

La méthodologie retenue vise à réduire les écarts entre les structures qui, dans le cadre de l'ancien dispositif, pouvaient aller de 1 à 20.

Par ailleurs, il sera procédé en 2012 à une évaluation des actions des maisons de l'emploi puisqu'elles feront l'objet d'une analyse qualitative.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nous passons aux questions du groupe GDR.

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Madame la ministre, s'il faut reconnaître une réelle mobilisation des agents de l'État dans nos territoires, on ne peut passer sous silence la complaisance de votre majorité à l'égard du patronat qui détruit les emplois viables.

Je citerai deux cas révélateurs de ce que devrait être l'action de l'État dans nos territoires.

L'usine M-REAL à Alizay dans l'Eure, usine performante dans le secteur stratégique de la production papetière et porteuse d'un projet biomasse CRE3 novateur en termes de développement durable, de loin le plus important en France. Son propriétaire finlandais ne vise qu'à supprimer l'outil de production en entravant toutes les propositions de reprise, y compris celle portée par le français Fin'Active. Les salariés mettent en avant un droit de réquisition et nous estimons que c'est bien ce qui s'impose pour que vive cette activité.

FRALIB à Marseille, dont vous avez sans doute entendu parler. Hier, une partie de la production était localisée au Havre, ma ville ; aujourd'hui, elle serait délocalisée hors de nos frontières alors que les salariés eux-mêmes ont fait une proposition sérieuse de reprise, soutenue par les services de l'État dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Le groupe UNILEVER entrave la pleine possession du patrimoine de cette usine de thé et d'infusions par les salariés, qui ont pourtant toutes les facultés pour la faire vivre et la développer, sachant que FRALIB dispose de la marque Éléphant, des brevets, des process et que le marché est en plein développement. Les travailleurs doivent pouvoir faire jouer leur droit de préemption. L'État a les moyens de faire céder la multinationale pour pérenniser ce site.

M-REAL et FRALIB doivent être les modèles d'un nouveau type de maintien et de développement de nos industries et de nos emplois.

Quand allez-vous désobéir aux lois qu'imposent vos amis des marchés financiers et du CAC40 ?

Quand allez-vous les contraindre à faire des choix humains, sociaux, pour redresser la France et agir en faveur de l'emploi, comme vous prétendez le faire à travers ce budget ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Vous comprendrez aisément, monsieur le député, que je ne puisse pas répondre à une question qui porte sur deux entreprises particulières sans connaître les dossier, leurs tenants et aboutissants. Je voudrais vous apporter une réponse plus précise, mais cela devra se faire en d'autres circonstances et après examen du fond.

En tout état de cause, sachez que je ne pourrai jamais approuver votre caricature, votre critique systématique du patronat et des chefs d'entreprise, qui bien souvent, vous avez l'air de l'oublier, prennent des risques lorsqu'ils vont chercher les marchés. Quand ils se couchent le soir, je parle notamment des patrons de PME, ils se demandent souvent s'ils arriveront à payer leurs salariés et à faire face à toutes leurs responsabilités, y compris familiales.

Alors, non, je n'entrerai pas dans cette caricature, et je soutiens au contraire ces entreprises dont nous avons besoin pour créer de l'emploi. Nous croyons au secteur marchand, et la situation est bien plus difficile, plus grave et plus complexe que ce que vous venez de dire. Je n'ai rien à ajouter à cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Madame la ministre, la difficulté financière s'ajoute à une atonie économique très directement perceptible, dont on voit les douloureuses répercussions sur l'emploi.

Quand le taux de chômage était en 2007 de 8 %, il passe en 2010 à 9,4 %, et atteint même 9,9 % par la suite, dont 40 % de chômeurs de longue durée. Les jeunes, avec un taux de chômage de 23 %, sont toujours les plus touchés ; et je ne compte même pas la part des emplois précaires, CDD et intérim subis.

Comment entendre que l'emploi est une priorité, alors même que votre budget est en baisse de 15 % ?

Le fléau du chômage est un drame pour toute la France, mais l'Aisne est en métropole le département le plus touché : plus de 13 % de la population active était sans emploi à la fin de l'année 2010, et la situation s'aggrave encore en 2011. Pourtant, en 2011, en Picardie et en particulier dans l'Aisne, la subvention de l'État a été réduite de près d'un tiers, ajoutant aux graves difficultés que connaissait déjà la maison de l'emploi et de la formation du bassin chaunois, ce qui a conduit celle-ci à licencier six salariés, soit un tiers de l'effectif.

Et dans ce contexte, le budget pour 2012 du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » est globalement en baisse de 13 % ! La participation aux maisons de l'emploi et de la formation, qui « visent à mieux ancrer les politiques de l'emploi dans les territoires » et « participent à une stratégie d'action locale partagée », est amputée de 34 %. Cette diminution de l'aide de l'État s'ajoutant à la précédente risque de fragiliser plus encore certaines MEF.

N'est-il pas nécessaire, madame la ministre, de redéployer des lignes budgétaires pour manifester concrètement le souci de l'État d'aider les MEF à remplir tout leur rôle ? Un amendement a été adopté à cette fin en commission des affaires sociales ; s'il venait en discussion, y donneriez-vous un avis favorable ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre

Nous nous mobilisons, face à une conjoncture mondiale difficile, sur les métiers en tension.

La bataille de l'emploi, je l'ai rappelé, se gagnera bassin d'emploi par bassin d'emploi. Nous avons réuni tous les sous-préfets. Au-delà des lignes budgétaires que nous avons détaillées, et auxquelles nous reviendrons sans doute lors de la discussion des amendements, nous devons actionner tous les leviers pour l'emploi. Nous devons mobiliser le secteur économique, avec par exemple le dispositif « zéro charge » pour les jeunes, comme nous devons accompagner les publics les plus en difficulté, mettre en adéquation au mieux l'offre et la demande, mettre en place des mesures comme la préparation opérationnelle à l'emploi. On n'en parle pas suffisamment, mais c'est là une réponse individualisée, et nous devrions atteindre 30 000 POE d'ici à la fin de l'année. C'est un dispositif qui marche et qui est important.

L'État, je l'ai dit, mobilise les moyens nécessaires de façon ciblée, dans le respect de la réduction des déficits publics, que les Français attendent. Les Français veulent que nous soyons efficaces, mais sans avoir à l'esprit de dépenser, dépenser, dépenser ! Des dépenses ciblées, pour plus d'efficacité, avec le sens de la responsabilité, et sans oublier la réduction des déficits publics : c'est ce que nous faisons avec ce budget responsable, en ayant pour priorité l'accompagnement des plus fragiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 :

Suite de l'examen des crédits de la mission relative au travail et à l'emploi ;

Examen des crédits de la mission relative à l'économie.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron