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Intervention de Jean-René Marsac

Réunion du 4 novembre 2011 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Marsac :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crises que nous subissons font bondir les chiffres du chômage. Les jeunes paient au prix fort la dépression du marché du travail, de même que les seniors, dont le nombre d'inscrits à Pôle emploi s'est accru de 56 % depuis 2008. Les femmes sont toujours plus touchées que les hommes : 9,5 % d'entre elles sont au chômage, contre 8,7 % des hommes. Les pertes d'emplois dans l'industrie sont énormes : 355 000 postes ont été détruits ces dernières années.

La durée moyenne du chômage a, elle aussi, considérablement augmenté : elle atteint désormais 453 jours, soit 63 jours supplémentaires par rapport à 2009. Plus d'un million de chômeurs ont perdu leur droit à assurance chômage entre 2010 et 2011. Par ailleurs, la précarité dans l'emploi ne cesse de s'étendre : à l'embauche, les CDI sont en baisse de 23 % en 2010.

Pour 2012, les très faibles perspectives de croissance ne laissent pas espérer une reprise significative de l'emploi, bien au contraire. Enfermés dans vos slogans de 2007 – « haro sur les 35 heures » et « travaillez plus pour gagner plus » –, vous n'avez aucunement tiré les conclusions de la crise économique et de ses effets désastreux sur le marché du travail et sur la situation des chômeurs.

Vous prétendez refuser la notion de partage du travail et des emplois, mais ce partage se pratique pourtant massivement sous nos yeux, de deux manières.

La première de façon particulièrement sauvage et injuste : en période de pénurie de postes et d'heures de travail, le partage se fait aux dépens des deux bouts de la chaîne – d'un côté, les primo-demandeurs d'emploi et les seniors ; de l'autre, les salariés en contrat précaire, qui ont été les premiers à perdre leur emploi fin 2008. Dans chacune de ces catégories, les femmes sont plus touchées que les hommes.

La deuxième forme de partage résulte des choix que vous avez faits à partir de 2007 : favoriser les heures supplémentaires plutôt que les embauches ; reculer l'âge de la retraite sans tenir compte de l'employabilité des seniors ; ne recourir que faiblement, à la différence de l'Allemagne, au temps partiel temporaire dans les entreprises, qui aurait pourtant permis de conserver, particulièrement dans l'industrie, des potentialités d'emploi. En fait, votre politique de l'emploi est hypersélective : elle se fait aux dépens des précaires, des jeunes peu qualifiés, qui ont de moins en moins de chances d'intégrer durablement une entreprise, ainsi que des très nombreux seniors qui devront vivre dans la misère durant parfois une dizaine d'années avant de percevoir une retraite très amaigrie.

En période de crise et de pertes d'emplois, le problème n'est pas le partage des heures de travail en tant que tel puisque, par définition, il est au coeur de ce qu'on appelle le marché du travail. Outre les nécessaires politiques de soutien à la croissance et à la création d'emplois nouveaux, y compris par des soutiens publics temporaires, il s'agit bien de savoir comment introduire de la justice dans les effets de la restriction des offres d'emplois, comment produire des effets contra-cycliques pour enrayer la désespérance et la misère sociale, comment retrouver une nouvelle dynamique. Certes, quand il n'y a pas ou peu de croissance – ce qui sera le cas dans les années à venir –, il n'y a pas de création nette d'emplois. Cependant, vous oubliez un peu vite que, sans emploi et sans sécurité du contrat de travail, il n'y a pas de pouvoir d'achat ni de perspectives permettant l'investissement des ménages. Vous ne voulez pas entendre que soutenir des emplois par une politique publique active contribue aussi à relancer l'activité économique.

À l'occasion de l'examen de ce budget pour 2012, nous attendions des mesures fortes visant à inverser le processus de dégradation du marché de l'emploi. Or, le seul message du rapport consacré à la mission « Travail et emploi » est qu'elle apporte sa contribution à la réduction des dépenses publiques à hauteur de 12 %, ce qui ne peut tenir lieu de politique de l'emploi ! Avec un niveau record de chômage, toutes les priorités catégorielles et territoriales semblent se noyer dans une kyrielle de mesures dont on peine à saisir la cohérence et les articulations. Même la territorialisation de la politique de l'emploi, qui aurait pu être au centre de votre projet pour 2012, ne donne lieu qu'à des rapports et à des commentaires en commission ou en séance publique, sans aucune traduction concrète dans votre budget ni même dans vos orientations.

Ce budget 2012 de la mission « Travail et emploi » ne changera rien à la tendance négative du marché du travail. Pire, la situation et la rémunération des chômeurs vont encore se dégrader, avec un accroissement du nombre de chômeurs sans rémunération. Nous attendions un nouveau souffle, nous n'avons droit qu'à une comptabilité étriquée, sans perspectives, inapte à offrir un espoir de retour à l'emploi aux très nombreux chômeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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