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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 4 novembre 2011 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Dans un contexte de rigueur affirmée, le PLF pour 2012, le dernier budget du quinquennat, se caractérise par un plan de rigueur qui repose sur l'ensemble des Français sans corriger les injustices fiscales, l'absence de mesures destinées à prévenir toute nouvelle dégradation de la situation économique et de fortes baisses de crédits pour des politiques publiques essentielles.

La mission « Travail et emploi » en est malheureusement l'illustration parfaite puisque ses crédits connaissent une baisse historique de 12 %, soit 1,38 milliard d'euros, c'est à dire, et c'est d'une ironie mordante, le montant de la subvention de l'État à Pôle emploi ! Cela donne un ordre de grandeur.

Avec un nombre de demandeurs d'emploi reparti à la hausse et l'explosion du chômage de longue durée – près de 9 % en un an pour atteindre 1,6 million de personnes –, l'emploi devrait être votre première priorité.

Le ministre Xavier Bertrand, qui ne nous fait pas le plaisir d'être présent ce matin, tente de nous faire croire que la baisse des crédits est « faciale » et correspondrait en fait à l'arrêt du plan de relance. On nous a déjà donné cette explication l'année dernière mais il a été intégré à la mission l'année dernière.

Je serais d'abord tenté de lui faire remarquer qu'après un léger frémissement de reprise au premier trimestre, la crise a rebondi, que les chiffres du chômage n'ont jamais été aussi élevés et que nous aurions bien besoin d'un nouveau plan de relance ou de réactiver le fonds d'investissement social.

Les plans sociaux ont redémarré dans l'industrie et, fait inquiétant, après onze années de hausse consécutive, le secteur associatif, qui avait progressé de 370 000 emplois, en perd pour la première fois 26 000.

Quand vous diminuez de plus de 43 % la subvention d'équilibre de l'État au fonds de solidarité, ce n'est pas « facial », puisque ce n'est compensé nulle part, c'est plutôt brutal…

Il est ainsi brutal pour tous les travailleurs seniors au chômage de ne plus bénéficier de l'allocation équivalent retraite AER, alors que leur nombre ne cesse d'augmenter, qu'ils ont validé leurs trimestres de retraite mais qu'ils ne peuvent pas la prendre faute d'avoir atteint l'âge requis. Lors du débat sur les retraites, le Premier ministre s'était pourtant engagé à réactiver l'AER, qui garantissait un revenu minimum à ces chômeurs dont on sait qu'ils ne retrouveront pas d'emploi.

En fait vous économisez plusieurs centaines de millions d'euros en fermant la possibilité d'entrer dans le dispositif et en proposant de le remplacer par une allocation transitoire de solidarité – ATS – qui concernerait les chômeurs nés entre juillet 1951 et décembre 1953. Même si, fort opportunément, le décret est sorti hier, pour le moment nul n'a trouvé la trace budgétaire de cette ATS, qui apparaît bien comme un rideau de fumée. Nous demandons donc, avec les organisations syndicales, le rétablissement de l'AER.

Ce simple exemple de l'arrêt définitif et un peu en catimini de l'AER est à l'image de ce budget injuste, inefficace et insincère. Il est en effet injuste socialement puisqu'il frappe les plus modestes, inefficace économiquement car il aura un impact dépressif sur la consommation et l'activité, insincère budgétairement, puisqu'il opère un basculement vers les autres dispositifs de solidarité, le RSA ou l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, elle-même en forte baisse.

Oui, ce budget est injuste. Ce qui est purement facial, c'est le maintien des crédits d'intervention, qui sont au mieux gelés à des montants datant d'avant la crise. Pour le reste, les baisses des crédits sont bien réelles et se concentrent principalement sur les allocations pour les demandeurs d'emploi en fin de droits, qui seront bientôt plus d'un million dans ce pays.

Car, non contents de supprimer l'AER, vous remplacez l'allocation de fin de formation des demandeurs d'emploi par une allocation low cost, la R2F – rémunération de fin de formation –, et vous sous-évaluez fortement les crédits de l'ASS alors que – les chiffres sont terribles – le chômage de longue durée a augmenté de près de 9 %, que le chômage des plus de 50 ans a progressé de près de 15 % et que le nombre des bénéficiaires de l'ASS a augmenté de près de 13 %. Pour sa part, la subvention d'équilibre que l'État alloue au fonds de solidarité diminue de 700 millions d'euros. L'an passé, dans son rapport, notre collègue Chantal Brunel expliquait que l'augmentation de la subvention de l'État traduisait la dégradation de la situation de l'emploi. Or cette dernière s'est malheureusement encore aggravée.

Nous ne comprenons donc pas pourquoi l'État diminue autant sa subvention, sinon parce que ce budget est profondément insincère pour satisfaire les engagements pris auprès de l'Europe.

L'opacité est grande aussi autour des contrats aidés. On voit d'ailleurs dans le rapport de la Cour des comptes annexé à celui de Chantal Brunel que c'est une forme de tradition : on ne maîtrise pas le financement des contrats aidés. Ce rapport montre ainsi qu'en 2010 l'écart a été de 40 % : sur 2 milliards ce n'est pas rien !

Avec 135 millions d'euros – 120 selon les calculs de la rapporteure – de moins que l'an passé, le Gouvernement continue à afficher un objectif de contrats réalisés identique à celui de 2011. Soit vous êtes dotés de talents de magicien, soit, ce qui me semble vous concernant plus réaliste pour ne pas dire plus cynique, ces contrats seront plus courts et il y en aura beaucoup au premier semestre…

Pour contenir le niveau de déficit de l'État et répondre aux engagements européens, ce budget opère habilement un transfert de déficits sur les opérateurs. Mon collègue Eckert a ainsi évoqué la ponction renouvelée de 300 millions d'euros sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, que nous refusons et qui est une manière de transférer vers ce fonds le paiement de l'indemnisation des stagiaires de la formation professionnelle, qui dépend de l'État.

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