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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 4 novembre 2011 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel de crise économique et financière, nous nous attendions à discuter d'un budget de combat en faveur de l'emploi et du travail. Hélas ! il n'en est rien, et nous ne pouvons que dénoncer le fatalisme du Gouvernement et de la majorité pour qui, en dehors de la croissance, il n'est point de salut pour l'emploi.

Pourtant, madame la ministre, chers collègues de la majorité, la croissance ne fait pas tout, loin s'en faut : vos choix en matière de politique économique et sociale n'ont en rien contribué à sortir notre pays de la crise qu'il traverse. Au contraire, votre vision court-termiste a marqué du sceau de l'incohérence vos politiques de l'emploi, lesquelles se résument à des mesures qui bénéficient dans leur immense majorité au patronat, aux donneurs d'ordres et aux actionnaires. De cadeaux fiscaux – la TVA à 5.5 % dans la restauration, par exemple – en exonérations de cotisations, vous n'avez eu, au cours des dix dernières années, qu'un leitmotiv : la réduction du coût du travail – alors qu'en Allemagne, cela vient d'être rappelé, celui-ci est, non pas un coût, mais un investissement. La préservation de la fragile vitalité de quelques pans ciblés de notre tissu économique s'est ainsi faite au détriment de l'emploi, de l'amélioration des conditions de travail, de l'augmentation des salaires, des pensions et des revenus de substitution.

Nous ne sommes pas naïfs au point de croire que la politique de l'emploi se résume aux différents programmes de la mission « Travail et emploi ». Cependant, dans le contexte actuel, ces programmes constituent le socle de la politique sociale de l'emploi, qui, avec notre système de protection sociale, concourt à jouer un rôle d'amortisseur de la crise ; même la majorité en convient. La logique la plus élémentaire aurait donc voulu que ces budgets, notamment la mission « Travail et emploi », fussent consolidés. Or la construction de cette mission nous apporte la preuve flagrante que l'emploi n'est pour la majorité que la variable d'ajustement d'une politique économique et budgétaire désormais marquée par la soumission aux diktats de la finance.

En effet, comment expliquer autrement le choix gouvernemental de faire contribuer la dotation de la mission « Travail et emploi » à la réduction des dépenses publiques, au détriment, précisément, du travail et de l'emploi ? Comment expliquer autrement qu'en plein coeur d'une crise dont nous ne voyons pas la fin, vous abandonniez votre plan de relance ? Nous ne le cautionnons pas davantage aujourd'hui qu'hier, mais comment ne pas souligner vos incohérences ?

Alors que notre pays connaît un taux de chômage sans précédent et que, de l'avis d'une majorité d'économistes, cette situation risque de perdurer, la dotation de la mission « Travail et emploi » est en baisse de près de 1 400 millions d'euros, soit une diminution de 12 % par rapport à l'année 2011 ! Cette baisse est historique, et l'on cherche en vain un axe stratégique derrière l'objectif dogmatique et anachronique de réduction des dépenses publiques. Alors même que le budget du travail et de l'emploi devrait être la traduction d'une politique sociale de l'emploi à la hauteur de la crise que nous traversons, vous faites le choix de l'injustice sociale envers les publics les plus défavorisés, les plus éloignés de l'emploi et les travailleurs laissés-pour-compte de vos politiques économiques et sociales.

Ainsi, à l'heure où les publics actifs de plus de 50 ans connaissent un taux de chômage record, vous mettez fin aux dispositifs d'allocation équivalent retraite et d'allocation de fin de formation, qui venaient pallier le manque de ressources de ces ayants droit rencontrant des difficultés d'accès ou de retour à l'emploi. La réduction de 43 % de la dotation du Fonds de solidarité, qui finance l'allocation spécifique de solidarité, touchera directement les travailleurs privés d'emploi qui ont épuisé leurs droits à l'allocation de retour à l'emploi ou à l'allocation de fin de formation, les personnes de plus de 50 ans bénéficiaires de l'aide au retour à l'emploi dont le montant de l'ASS était supérieur à l'ARE et les artistes non-salariés non bénéficiaires de l'assurance chômage.

Parmi les injustices, notons encore – même si elle n'est pas contenue dans ce budget – la réduction de 25 % en cinq ans de l'enveloppe finançant la rémunération des stages de formation professionnelle des travailleurs handicapés. La consigne est donnée par la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle aux DIRRECTE, alors que la formation professionnelle représente pour les personnes en situation de handicap un atout majeur pour retrouver un emploi ou se reconvertir. Cette réduction provoque le report d'admission de formations prévues de longue date ou l'arrêt brutal des rémunérations, qui rend impossible la poursuite d'un parcours de formation et fragilise davantage une situation sociale déjà précaire.

À cette profonde injustice sociale le Gouvernement ajoute l'incohérence de dispositions qui affaiblissent des acteurs de premier plan en matière de formation, de retour à l'emploi ou d'orientation.

Ainsi Pôle emploi, particulièrement fragilisé par la RGPP, ne parvient pas à assumer sa mission historique. Pourtant, l'État lui confie chaque année de nouvelles prérogatives – transfert des psychologues et de la mission d'orientation de l'AFPA – sans mettre en regard les moyens nécessaires. Dans certaines antennes, les conseillers, qui suivent entre 150 et 250 dossiers de demandeurs d'emploi, ne peuvent plus assurer leur mission de service public et sont soumis à d'importants risques psychosociaux. Au final, ce sont les travailleurs en demande d'activité qui en pâtissent et qui finissent par ne plus se rendre dans leur antenne, s'éloignant ainsi durablement de l'emploi.

La reconduction en 2012 de la dotation allouée en 2011 au service public de l'emploi est loin d'être satisfaisante : d'une part, compte tenu de l'inflation, cette reconduction équivaut à une baisse ; d'autre part, l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi risque d'alourdir encore la charge de travail des agents. À Pôle emploi, non seulement on licencie, mais on travaille plus pour gagner moins !

Parallèlement, vous réduisez de plus d'un tiers la dotation des maisons de l'emploi. Cette diminution vient s'ajouter à celle de 20 % décidée pour 2011 – j'ai cru comprendre que nous allions adopter un amendement sur ce point ; nous verrons s'il sera maintenu dans le budget final, car nous nous souvenons de ce qu'a donné la deuxième délibération, l'année dernière. Pourtant, en dépit de résultats mitigés dans certains territoires, les maisons de l'emploi pallient les carences d'un Pôle emploi sous-dimensionné et incapable de faire face à ses missions. Dans certains cas, elles sont complémentaires de Pôle emploi, dans d'autres cas, la question de leur efficacité peut être posée. C'est pourquoi je partage l'idée de les soumettre à une évaluation.

Comment accepter la diminution des crédits de l'AFPA, au moment où la demande sociale de formation, d'accompagnement ou de montée en qualification n'a jamais été aussi forte qu'en cette période de crise sociale aiguë ? Après le transfert de l'activité d'orientation à Pôle emploi, il est désormais question de recalibrer l'offre de formation et de revoir l'implantation territoriale des sites. Une fois encore, les députés communistes, républicains et du parti de gauche dénoncent la logique gouvernementale qui, en entravant la capacité pour l'AFPA de répondre à une demande sociale très forte, conduit à son démantèlement progressif.

La réduction du montant de l'allocation servie dans le cadre des contrats d'insertion dans la vie sociale – les CIVIS – ainsi que du nombre de bénéficiaires de cette allocation – qui passe de 150 000 à 135 000 jeunes, soit une diminution de 10 % – est une des multiples illustrations des incohérences de votre politique. En effet, les CIVIS font intervenir les missions locales et sont d'un coût modique pour les finances publiques, alors que les contrats d'autonomie, qui profiteront de cette coupe budgétaire, coûtent souvent plus de 8 000 euros par contrat – un de nos collègues a même avancé le chiffre de 9 000 euros – en cas de retour à l'emploi, des sommes qui vont directement à des structures privées.

Enfin, pour la deuxième année consécutive vous ponctionnez le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, créé en 2009, qui propose des actions de formation professionnelle aux demandeurs d'emploi et dont le financement relève de la responsabilité des partenaires sociaux. Au-delà du tour de passe-passe budgétaire, c'est un très mauvais signe envoyé par le Gouvernement.

Alors que l'emploi est la première préoccupation de nos concitoyens, ce budget de disette, le dernier avant les échéances électorales de 2012, confirme que l'emploi n'est plus, loin s'en faut, la priorité du Gouvernement et de la majorité. Nous pouvons désormais affirmer que, de la tentative avortée d'instaurer le CPE à la prétendue réhabilitation de la valeur travail, il y a eu tromperie et malhonnêteté intellectuelle de la part du Président et du Gouvernement. Il ne s'est jamais agi d'améliorer les conditions de travail, de revaloriser les salaires, d'établir l'égalité salariale entre hommes et femmes et de pérenniser l'emploi, mais uniquement de répondre aux attentes du patronat, qui, lui, se revalorise.

L'heure est désormais au maintien du « AAA », aux économies de bouts de chandelle, à la réduction des aides, au gel des salaires, à la casse sociale, au chômage de masse, à la dégradation des conditions de travail et à la précarité – CDD, recours massif à l'intérim et au temps partiel –, pour le plus grand bénéfice des patrons et des actionnaires.

Certes, madame la ministre, vous prétendez défendre l'apprentissage. Mais, ainsi que l'ont dit certains de mes collègues avant moi, il ne suffit pas de vouloir augmenter le nombre des apprentis dans notre pays. Encore faut-il que ces derniers puissent être accueillis. Or, pour cela, il faut conserver des entreprises qui soient capables de les accueillir et qui acceptent de leur consacrer un peu de temps, quitte à ralentir la production. Or beaucoup d'entreprises sont, hélas ! exclusivement tournées vers le profit maximum et abandonnent leur devoir social dans ce domaine. Le discours ne suffit pas ; il faut mener une politique volontariste pour qu'il se traduise dans les faits.

Il va sans dire que les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront résolument contre les régressions sociales portées par cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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