La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Jacques Grosperrin relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres (nos 4151, 4235).
La parole est à M. Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui n'a qu'un but : modifier trois articles du code de l'éducation qui, dans leur rédaction actuelle, confient la formation des maîtres aux instituts universitaires de formation des maîtres, alors que la réforme dite de la mastérisation a donné cette mission aux universités.
Dans le modèle antérieur de formation, les enseignants étaient recrutés au niveau de la licence ou de la maîtrise pour les agrégés. Pendant leur stage probatoire, ils effectuaient une année de formation en alternance entre les établissements et les IUFM où ils étaient initiés, pendant les deux tiers de leur service, à la pratique de l'enseignement.
La réforme a allongé et unifié la formation des maîtres. Les professeurs des écoles et les professeurs des lycées et collèges, certifiés et agrégés, sont désormais recrutés à bac + 5, au niveau du master, diplôme obtenu dans la majorité des cas à l'université. La France s'est mise au diapason européen en faisant le pari que l'université, qui forme déjà les médecins et les juristes, saura préparer les étudiants au métier d'enseignant.
Citons la première proposition de la conférence des directeurs d'IUFM qui figure dans sa contribution destinée aux candidats à l'élection présidentielle : « C'est l'université qui doit être en charge de la formation des enseignants et ce, dans toutes ses dimensions, universitaires et professionnelles. En effet, l'université est le lieu de création et de transmission des savoirs et a pour mission l'insertion professionnelle ». La CDIUFM réitère ce postulat dans sa troisième proposition où il est question de « confier à l'université la formation des enseignants dans toutes ses dimensions, académiques, professionnelles et de recherche. »
Depuis la rentrée 2010, les admis aux concours sont directement affectés en établissement et bénéficient au cours de leur année de stage d'une formation complémentaire dite continuée, organisée par l'université et équivalente à un tiers de l'obligation réglementaire de service.
Les articles du code de l'éducation ne tiennent pas compte de ce contexte renouvelé. L'article L.625-1 dispose que la formation des maîtres est assurée par les IUFM qui accueillent à cette fin les étudiants préparant les concours et les enseignants stagiaires admis à ces concours. Dans le même esprit, l'article L.721-1 indique que les IUFM « conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants », cette disposition faisant référence à l'année de formation en alternance qui n'est plus organisée.
Les modifications proposées par la proposition de loi ont donc un double objet. En premier lieu, il s'agit d'affirmer que la formation des maîtres est désormais assurée par les établissements d'enseignement supérieur, notamment par les universités. À cette fin, ces établissements accueilleront en formation les étudiants, les prépareront aux concours et participeront à la formation complémentaire des enseignants stagiaires admis à ces concours.
Sur ma proposition, la commission a adopté un amendement qui ferme la porte à toute interprétation du texte pouvant laisser croire que des opérateurs de toute nature pourraient s'approprier le dispositif de formation.
Dans mon esprit, la rédaction initiale de l'article 1er, qui utilisait une formulation très ouverte, se référait aux formations proposées par les écoles ou les autres établissements d'enseignement supérieur. En effet, je n'ai jamais, je dis bien jamais, voulu confier la formation à d'autres établissements que ceux-là. Aussi, pour lever tout risque d'ambiguïté, la commission a opté pour une rédaction plus claire et irréprochable sur le plan juridique.
Pourquoi viser les établissements d'enseignement supérieur ? Parce que cette catégorie permet d'englober les différents types d'établissements qui délivrent des masters « enseignement » : les écoles normales supérieures mais aussi les grands établissements comme l'université de Lorraine.
Ces établissements ont été habilités par l'État à dispenser de telles formations. Les universités jouent effectivement le rôle premier – la quasi-totalité d'entre elles participant à la mastérisation – mais elles le font aux côtés d'autres acteurs qui accueillent des milliers d'étudiants et qui ne sauraient être ignorés.
Par ailleurs, la rédaction initiale de la proposition de loi ne consacrait pas explicitement l'élévation du niveau de qualification universitaire des enseignants au diplôme du master. C'est chose faite, l'article 1er faisant expressément référence aux masters orientés vers les métiers de l'enseignement.
En mentionnant ces masters, nous confirmons l'exclusion des officines privées du dispositif de formation. Si celles-ci peuvent aider des étudiants à préparer les concours, elles ne dispensent pas des formations habilitées par l'État.
Deuxième objet de cette proposition de loi : acter la suppression de l'année de formation en alternance, qui n'est plus organisée aujourd'hui. Dans le même temps, elle précise que les IUFM « participent à la formation des personnels enseignants. »
C'est reconnaître que les universités s'appuient désormais sur les IUFM pour organiser les actions de formation des enseignants, que cette formation soit initiale pour les étudiants, complémentaire pour les enseignants stagiaires ou continue pour les titulaires. Ainsi, le texte que nous examinons aujourd'hui étend la compétence d'opérateur des IUFM à l'ensemble de la formation des enseignants. Par conséquent, il conforte les IUFM au lieu de les fragiliser.
S'agissant du cadrage de la formation des maîtres, actuellement assuré par un cahier des charges, le texte initial de la proposition de loi prévoyait d'y substituer un référentiel. En choisissant ce terme, je voulais tenir compte de l'esprit de la loi LRU du 10 août 2007 qui a renforcé l'autonomie des universités.
C'était sans doute juste sur le plan des principes, mais les auditions que j'ai organisées m'ont permis de constater que la communauté enseignante demande un cadre plus détaillé et prescriptif de l'offre de formation. La commission a entendu cette demande et, à mon initiative, elle a adopté un amendement rétablissant la notion de cahier des charges, juridiquement plus adaptée au caractère régalien de la politique de formation des maîtres.
La décision du Conseil d'État du 28 novembre 2011, largement évoquée la semaine dernière en commission, conduit à faire revivre un arrêté interministériel de 2006 qui limite à un tiers de leur service les obligations d'enseignement des enseignants stagiaires. Cependant, le Conseil a sursis à statuer sur la date d'effet de cette décision.
Certains se réjouissent à l'idée que le nouveau dispositif de formation et de recrutement pourrait s'effondrer sous l'effet des recours formés par les enseignants effectuant leur stage cette année. Pour ma part, je ne souhaite pas que les 3 300 professeurs des écoles stagiaires et les 7 800 enseignants du second degré stagiaires de l'année 2011-2012 vivent une situation d'insécurité juridique. Vouloir le contraire, c'est faire preuve d'irresponsabilité.
Dans l'immédiat, je vous propose de légiférer pour prendre acte de la responsabilité première des universités dans la formation des maîtres. Et je vous invite à patienter quelques mois pour que nous redéfinissions ensemble, après les grandes échéances politiques, les modalités pratiques de cette formation qui sont largement perfectibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Monsieur le président, monsieur le ministre,mes chers collègues, grâce à notre rapporteur Jacques Grosperrin, nous revenons aujourd'hui sur unsujet qui nous passionne et qui a donné lieu à des débats nourris en commission : la réforme de la mastérisation pour le recrutement des enseignants.
La proposition de loi qui est soumise à notre assemblée est en elle-même de portée très limitée. Ainsi que l'a rappelé le rapporteur, il s'agit de tirer les conséquences de la mastérisation en consacrant le caractère universitaire de la formation des maîtres. Au passage, le rôle des IUFM est conforté, contrairement à ce que peuvent laisser croire les affirmations péremptoires de certains qui voudraient voir dans la proposition de loi de M. Grosperrin une façon de supprimer ces IUFM.
Mais au-delà de sa portée technique, cette proposition de loi a l'immense mérite de marquer la démarche que nous privilégions pour suivre et apprécier l'impact de la réforme de la mastérisation.
Notre commission, sous la direction de M. Grosperrin, a effectué un travail très approfondi d'évaluation de la réforme et de sa mise en oeuvre. Le rapport d'information que nous avons publié en décembre dernier livre un constat objectif que tous nos collègues de la commission ont déclaré partager. Le bilan, qualifié de contrasté dans le rapport, fait apparaître de nombreuses critiques.
Quant aux propositions du rapport, elles touchent à l'organisation des concours et à l'accompagnement des enseignants débutants. Autant dire, mes chers collègues, que nous sommes conscients des imperfections de la réforme et des pistes à suivre pour en améliorer la mise en oeuvre.
On ne peut donc pas reprocher à cette majorité d'être insensible aux enjeux de la formation et du recrutement des enseignants. Mais une chose est de reprendre des éléments de la réforme et une autre est de réaliser les retouches législatives que l'urgence nous commande de mener à bien.
Nous sommes aujourd'hui clairement dans cette perspective limitée qui consiste à acter dans la loi la mission confiée à l'université de former nos maîtres.
C'est pourquoi je regrette d'avoir entendu, lors des débats en commission, des considérations qui nous entraînent largement au-delà du cadre qui est le nôtre. Car il ne nous appartient pas aujourd'hui de refonder la réforme, ni même d'avoir un débat sur les propositions des uns et des autres dans la campagne qui s'annonce.
Je souhaite donc que notre discussion se déroule sereinement et dans les strictes limites du texte qui nous est proposé et que nous devons adopter pour ne pas fragiliser la situation de nos enseignants.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Martine Faure.
Monsieur le président, madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes à quelques semaines de la fin de cette législature : pourquoi inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale un texte d'initiative parlementaire, dans une semaine réservée au Gouvernement, sur un sujet de cette importance ? Vous l'avez fait remarquer, monsieur le rapporteur.
Et pourquoi la procédure accélérée qui ne laisse aucune place à la concertation préconisée par le Conseil d'État dans son avis du 28 novembre 2011 ?
Parce que ce texte que nous présente notre collègue rapporteur a été dicté par le ministère de l'Éducation nationale, ou celui de l'enseignement supérieur, et parce que, en dehors de la procédure accélérée, une proposition de loi déposée le 10 janvier n'aurait pas pu être examinée avant le 21 février, ce qui laissait trop peu de temps pour une navette complète et rendait l'adoption impossible avant la fin de la session.
Cette précipitation, qui nous paraît tellement malséante, est la conséquence directe de l'avis du Conseil d'État retoquant les articles 3 et 6 de l'arrêté du 12 mai 2010 au motif que « le ministre n'était pas compétent pour abroger les dispositions [...] qui concernent les formations dispensées dans les instituts universitaires de formation des maîtres, cette abrogation ne pouvant être effectuée [...] que par un arrêté interministériel ». Je rappelle que le Conseil d'État a été saisi par le SNES, la FSU, SUD Éducation, l'association « Sauvons l'université », la FCPE, la Fédération des syndicats SUD Étudiant et le SGEN-CFDT, ce qui en dit long sur l'unanimité suscitée par les initiatives du ministre de l'Éducation nationale…
On comprend que vous préfériez éviter la case « concertation » ou « négociation » et passer par la case « initiative parlementaire » pour contourner l'obstacle du Conseil d'État et modifier le code de l'éducation.
Il ne s'agit pas, comme le prétend Jacques Grosperrin, d'un simple « toilettage technique » destiné à satisfaire le Conseil d'État et à rassurer les acteurs de la mastérisation. Sur ce dernier point, la manoeuvre a échoué : depuis l'annonce de la proposition de loi, un concert de protestations s'est élevé, rassemblant associations d'étudiants, syndicats d'enseignants, directeurs d'IUFM, et même Jean-Michel Jolion, auteur du rapport sur la formation initiale des enseignants, qui a soupiré : « C'est un OVNI dont on aurait pu se passer. »
Les mesures proposées ne relèvent pas d'un quelconque ajustement technique ; elles sont loin d'être insignifiantes.
Sinon, pourquoi l'urgence ? Ce qu'elles déguisent, c'est le coup de grâce porté aux IUFM, voués à l'éradication définitive après un travail de sape acharné et méthodique.
Le ministre Chatel n'a pas eu de mots assez durs pour en parler, et ils ne sont plus mentionnés dans la nouvelle rédaction de l'article L. 625-1. Or, dissoudre les IUFM, c'est perdre des compétences. Est-ce vraiment le but recherché ?
Nous n'avons aucune objection contre l'élévation du niveau de connaissances des futurs enseignants, bien au contraire. Mais nous sommes opposés à cette mastérisation fourre-tout qui obsédait tant le ministre Darcos.
La Cour des comptes le dénonce aujourd'hui même : les enseignants stagiaires sont désormais affectés immédiatement en établissement scolaire, avec une obligation de service à temps complet, sans la moindre formation pédagogique, ou si peu. Cette réforme a provoqué de graves dysfonctionnements ; elle a touché à la qualité de l'enseignement et asséché le vivier des candidats au métier d'enseignant. J'y reviendrai. C'est la Cour des comptes qui le dit, monsieur le ministre !
Par ailleurs, et toujours dans l'article L. 625-1, l'introduction de l'adverbe « notamment » crée une ambiguïté que les tentatives laborieuses du rapporteur pour minimiser son importance n'ont pas levée. Après la loi Carle sur le financement des écoles privées par les communes, comment ne pas y voir un signal en direction des institutions privées, voire confessionnelles comme à Bordeaux ? Des fondations visant à développer l'enseignement privé hors contrat ont d'ailleurs été reconnues d'utilité publique.
Les IUFM ne sont pas les seuls à s'être évaporés. Les « actions de formation professionnelle initiale » passent à la trappe en même temps que le quatrième alinéa de l'article L. 721-1 et le mot « continue » est supprimé au cinquième alinéa du même article. Une formation qui n'est ni initiale ni continue est un ectoplasme !
Elle n'existe pas ! Elle existe d'autant moins que le lifting se poursuit à l'article L. 932-3 avec le gommage du quatrième alinéa qui mentionnait l'obligation de formation pour les enseignants de la filière technologique.
Le mode antérieur de recrutement et de formation a été démantelé sans considérer ses aspects positifs et ses nombreux avantages. Pourtant, quoique vous en pensiez, monsieur le ministre, les IUFM ont fait leurs preuves. En tant qu'écoles intégrées à l'université, ils ont démontré leur capacité à mettre en place des masters de grande qualité malgré le cadre imposé, soit au niveau national, soit au niveau local par le biais des universités intégratrices.
Les compétences développées au sein de leurs équipes de formateurs et la cohérence de la professionnalisation dont ils sont les garants doivent être maintenues, améliorées, et non pas balayées d'un revers de main. Enseigner est un métier qui s'apprend.
La compréhension des situations de réussite et d'échec des élèves nécessite une véritable expertise.
Cette proposition de loi est néfaste pour les valeurs qui fondent notre service public d'enseignement. La formation des maîtres est un enjeu national car définir la manière de former les enseignants, c'est déterminer les formes que prendront l'éducation et l'instruction des jeunes générations pendant les quarante années qui viennent.
Une réforme est nécessaire mais elle doit conduire à améliorer la préparation des enseignants et non à la réduire pour de pures raisons d'économies budgétaires.
Ce ne sont pas des foutaises. Je vous en prie, n'essayez pas de nier l'évidence, c'est trop facile.
Nous assistons depuis cinq ans à la liquidation du modèle républicain de l'éducation nationale.
Gauchiste, cela me va bien…
Je voudrais tout de même insister : l'école, qui devrait être un lieu d'enseignement et de transmission, est devenue le lieu de la performance et de la compétition, où l'écart se creuse de plus en plus entre les bons élèves qui deviennent excellents et les autres qui sont condamnés à la stagnation, voire à l'échec.
Le bilan des cinq années écoulées est catastrophique, L'application à marche forcée du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux – 66 000 suppressions de postes depuis 2007 et 15 000 annoncées pour 2012 – a asphyxié un peu plus un système déjà à la peine et aucun échelon de notre système scolaire n'a été épargné !
À la maternelle, la scolarisation des moins de trois ans est désormais une exception au lieu d'être la règle. Lors de l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre le décrochage scolaire, qui a été rejetée par la majorité, vous vous êtes borné à observer – et cela s'adresse à M. Chatel – qu'à l'entrée en CP un enfant pouvait maîtriser 700 mots et un autre 70 seulement. Mais, au-delà du constat, rien n'a été entrepris en faveur de la scolarisation précoce. Vous avez donné la préférence aux jardins d'éveil moins coûteux pour l'État, mais qui pèseront lourd sur le budget des familles et des collectivités territoriales.
Le primaire est devenu la variable d'ajustement : 5 700 postes seront supprimés à la rentrée 2012 et 1 500 classes fermées quand 4 900 élèves supplémentaires sont attendus. Alors que 20 % des élèves sont en difficulté en CM2, vous supprimez progressivement les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, dont le travail auprès des enfants en difficulté est plébiscité par tous, enseignants et parents d'élèves. Le ministre de l'éducation nationale appelle cela la « sédentarisation », un artifice de vocabulaire qui ne trompe personne. Vous prônez les uns et les autres la personnalisation de l'enseignement… et vous sacrifiez l'outil le plus efficace pour lutter contre les inégalités !
On dirait qui ?...
Les collèges et les lycées sont-ils mieux lotis ? Pas vraiment. Face à l'augmentation des effectifs, la réponse demeure la même : diminution du nombre de postes et baisse des dotations horaires globales. Les deux heures d'accompagnement personnalisé ou les stages de remise à niveau à la fin des vacances scolaires, que vous présentez comme une panacée, ne sont qu'un pis-aller. L'encadrement et la surveillance des élèves sont insuffisants et l'installation de portiques,…
C'est le tableau noir. Je répète d'ailleurs : l'encadrement et la surveillance des élèves sont insuffisants.
Vous ne pouvez le nier.
La présence policière dans certains établissements ou la généralisation de la vidéosurveillance ne sont pas des solutions adaptées au milieu scolaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La formation des maîtres est justement ce que nous demandons. Vous nous avez donné l'occasion de dire ce que nous pensions de ce quinquennat, nous allons vous le dire !
Vous avez remis en cause l'enseignement de l'histoire et de la géographie, matières désormais optionnelles dans les séries scientifiques du baccalauréat, comme si les connaissances en sciences humaines étaient superflues pour les lycéens de ces filières. Il est pourtant bien utile, quand on ne sait pas où l'on va, de savoir d'où l'on vient.
Pour ce qui est des universités et des résultats mirifiques de leur autonomie tant vantée – le Président de la République n'a pas hésité à parler de « miracle »…
…les chiffres sont impitoyables. Le « plan Campus » a fait long feu et nombre de ces universités n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre les projets dont elles sont désormais chargées.
Ce n'est pas parce que vous clamez des contrevérités qu'elles deviennent des vérités.
Sur les 19 milliards d'euros promis dans le cadre du Grand emprunt, les établissements d'enseignement supérieur et de recherche n'ont touché, en définitive, que 1,5 milliard d'euros. Les crédits de fonctionnement n'ont augmenté en moyenne que de 1,2 %, c'est-à-dire nettement moins que l'inflation, et fin 2011, certaines universités ont dû être mises sous tutelle des rectorats. À l'évidence, les financements progressent moins vite que les annonces.
Le coût du crédit impôt recherche est évalué à 4,2 milliards par an. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ils sont ridicules !
Les grandes entreprises, qui représentent 10 % des bénéficiaires, captent aujourd'hui 57 % de cet avantage fiscal. Le rapporteur général de la commission des finances, Gilles Carrez, l'a constaté : « La réforme aboutit à attribuer 10 milliards d'euros d'aides aux grandes entreprises – le double de l'effort en faveur de l'université –, ce qui constitue une politique industrielle et de la recherche peu efficace et très coûteuse ».
Je pourrais aussi rappeler la pénurie de remplaçants, la réduction des heures dédiées aux langues vivantes, le sort des AVS, l'accueil de plus en plus problématique des enfants en situation de handicap. Je pourrais évoquer les rapports de l'OCDE, de la Cour des comptes, de l'Inspection générale de l'éducation nationale, ou encore le rapport de Jean-Michel Jolion sur les enjeux et le bilan de la mastérisation.
Je pourrais mais je ne le ferai pas. Ce serait fastidieux et ces questions ont été très souvent abordées sur ces bancs – hélas ! sans amener de réponses satisfaisantes.
L'argument principal réside dans l'augmentation des rémunérations des enseignants. C'est le remède miracle qui va permettre de pallier l'absence de formation pratique, d'affronter les classes surchargées et de susciter des vocations. À cet égard, les résultats aux CAPES externes de juillet 2011 sont édifiants : 574 admis pour 950 postes offerts en mathématiques, 658 admis pour 790 postes en anglais, 77 admis pour 185 postes en lettres classiques, soit à peu près 1 000 postes non pourvus. Fin septembre, 18 734 candidats se sont présentés au concours 2012 de professeur des écoles pour 5 000 postes. Ils étaient 18 136 au concours 2011 pour 3 000 postes. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la perte d'attractivité est évidente, les jeunes ne sont plus séduits par le métier d'enseignant, et il faudrait se demander sérieusement pourquoi.
Comment pourraient-ils l'être ? Le Gouvernement tient constamment un double langage. Le 31 août 2010, lors d'une conférence de presse, M. le ministre de l'éducation nationale affirmait : « Mon ambition, c'est d'accompagner les enseignants de notre pays, de leur donner les moyens d'accomplir pleinement la mission que nous leur confions. » Mais il ajoutait, à propos de la prime de résultat négociée avec les syndicats des proviseurs de lycée et des principaux de collège : « Le Gouvernement a décidé de développer une rémunération variable liée aux performances de nos cadres, comme cela existe dans l'immense majorité des entreprises de notre pays. »
Vous oubliez un peu facilement, chers collègues, que l'école de la République n'est pas une multinationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.) Malheureusement, ce sont les enseignants qui en subissent les conséquences et nos enfants qui, par ricochet, paieront les pots cassés ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cessez de contester tout ce qu'on vous dit alors que c'est la pure vérité.
La réalité, c'est la précarisation du statut des enseignants. Désormais, le recours à des non-titulaires, contractuels ou vacataires, pour faire face aux manques structurels d'enseignants est devenu systématique. Alors que l'on dépasse les 60 000 suppressions de postes entre 2007 et 2011, le nombre de contractuels a bondi de 25 % sur la même période.
Vous assumez d'ailleurs pleinement cette politique, monsieur le ministre, en mettant en scène des job dating de professeurs, du recrutement express par Pôle emploi qui peut puiser dans un vivier d'étudiants en licence, master et doctorat. Mais, depuis la réforme de la mastérisation, on sait que le métier d'enseignant peut ne pas s'apprendre. Dès lors, pourquoi s'inquiéterait-on ?
Au final, le droit à l'éducation est gravement menacé par une série d'initiatives qui favorisent la mise en place d'un système élitiste et inégalitaire. Le discrédit jeté sur l'action des enseignants de l'école publique, les suppressions de postes conduisant à un véritable plan social…
…l'appauvrissement des programmes de l'école primaire, le fiasco de la semaine de quatre jours…
..la réforme précipitée du lycée et de la voie professionnelle, l'obligation pour les maires d'organiser un service minimum d'accueil…
Oui.
Autant de décisions lourdes de conséquences qui placent délibérément au second plan les besoins réels du monde éducatif.
Face à ce bilan désastreux, la proposition de loi relative à la formation des maîtres n'est pas seulement une incongruité, elle assène, c'est même sa véritable raison d'être, un coup de boutoir supplémentaire au service public de l'éducation en enterrant les IUFM et, par voie de conséquence, les formations initiale et continue tout en frayant la voie aux institutions privées. Trois raisons suffisantes pour ne pas poursuivre plus avant.
Forte des remarques et recommandations de la Cour des comptes, je vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter la motion de rejet préalable de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, mes chers collègues, nos raisons sont nombreuses pour soutenir cette motion de rejet préalable présentée par Martine Faure et nos collègues du groupe SRC.
Rien, en effet, ne justifie de soumettre ainsi à notre assemblée cette proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres, dont d'ailleurs nous ne savons pas bien qui la présente, du Gouvernement, de la majorité ou de l'UMP elle-même.
Après la censure du Conseil d'État, après le bilan sans appel dressé par le rapport Grosperrin, après la sanction définitive apportée aujourd'hui par le rapport annuel de la Cour des comptes, après les centaines de témoignages de stagiaires et de parents d'élèves, nous savons toutes et tous qu'il était nécessaire de remettre complètement à plat la réforme de la mastérisation improvisée par le Président de la République en juin 2008. Mais c'est tout le contraire qui nous est proposé aujourd'hui puisque ce texte, discuté en urgence et quasiment sans concertation, j'y reviendrai, a pour but de conforter cette réforme et même d'aller au-delà.
Là où nous attendions un grand chantier qui aurait apporté un peu d'espoir à la crise que rencontre actuellement l'école et aux inégalités de plus en plus grandes qu'elle génère, on nous propose la dissolution des missions des IUFM, une possible privatisation de la formation des enseignants, l'abrogation de la formation initiale et continue des maîtres et la suppression de l'alternance pour les stagiaires. À deux mois et demi de l'élection présidentielle, l'UMP est en fait à la manoeuvre pour liquider définitivement la formation des enseignants !
Les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche entendent continuer à défendre l'abandon de la réforme actuelle, le retour à une vraie formation professionnelle, l'entrée progressive dans le métier, un plan pluriannuel de recrutement. C'est pourquoi ils voteront pour la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je serai très rapide, Mme Martine Faure ayant développé tous les arguments qui militent pour rejeter cette proposition de loi.
La question que je voudrais vous poser, mes chers collègues, est la suivante : pourquoi légiférer aujourd'hui ?
Je reprendrai les termes de M. Grosperrin lui-même, qui nous a dit tout à l'heure qu'on légiférait maintenant, mais qu'on serait peut-être amené à revenir sur cette disposition plus tard, anticipant probablement un échec cuisant de la majorité actuelle. Mais on ne peut légiférer maintenant sur une proposition de loi qui tombe comme ça, en urgence, et qui a fait l'unanimité de tous les acteurs de l'éducation contre elle.
Non seulement, tous les acteurs de l'éducation s'opposent à cette proposition de loi…
…mais ils ont même porté un recours devant le Conseil d'État, qui a justement remis en cause les dispositions sur la formation des maîtres. C'est pour éviter le rejet par le Conseil d'État que nous avons aujourd'hui une proposition de loi. Peut-on légiférer pour contourner les rejets du Conseil d'État ? Cette première question est quand même, au niveau de la forme, bien particulière, vous l'avouerez.
En fin de compte, quel est le sujet et pourquoi faut-il rejeter cette proposition de loi ?
On ne pose pas le problème de la formation des maîtres. Cette proposition de loi a deux objectifs, comme d'ailleurs la réforme de la formation des maîtres.
Le premier, c'est de supprimer les IUFM. Même si le terme existe toujours, ils sont vidés de leur sens puisqu'on supprime les années de stage et les années de formation initiale et continue. Vous réglez enfin leur compte aux IUFM.
Le but est uniquement de faire des économies budgétaires sur le dos de la formation des maîtres. Je n'en dirai pas plus.
Je rappellerai juste deux faits qui militent en faveur du refus de cette proposition de loi. Le premier est le rejet par le Conseil d'État lui-même, le 28 décembre 2011, de cette formation des maîtres pour lancer une longue concertation. En guise de concertation, on a une proposition de loi en urgence. Le second est le rapport de la Cour des comptes qui nous a été remis cet après-midi et qui reconnaît que « l'ambition de cette réforme aurait justifié une réflexion plus approfondie ». En guise de réflexion approfondie, on a la proposition de loi en urgence de M. Grosperrin qui, en fin de compte, s'assoit sur les avis de la Cour des comptes et sur les décisions du Conseil d'État. C'est inadmissible ! Voilà pourquoi nous vous demandons le rejet de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe SRC d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Marie Binetruy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je n'arrive pas à comprendre cette opposition frontale contre un texte qui, finalement, est simplement technique et qui ne devrait pas poser de problème. En effet il s'agit d'abord de donner une meilleure formation aux enseignants en imposant, Mme Faure l'a évoqué, la mastérisation, c'est-à-dire deux années de plus. Je crois que tout le monde peut être d'accord sur une telle mesure. L'Université n'est-elle pas capable de former des élites et des enseignants ? Je trouve que c'est une remise en cause de l'Université. Je suis moi-même enseignant, mais je vous avoue qu'à l'époque, je n'ai pas fait l'école normale. En n'ayant qu'une formation universitaire, j'ai réussi à faire trente-huit ans de carrière dans l'éducation nationale sans problème particulier.
Je ne comprends pas cette remise en cause de l'Université. Souvent, on oppose les grandes écoles et l'Université. Pour une fois qu'on veut donner à l'Université la possibilité de former des enseignants ! Quel drame y a-t-il là ?
Par ailleurs, on a prétendu que la formation proposée n'était ni initiale ni continue. Or le texte parle de « formation ».
La formation, c'est la formation initiale et la formation continue. Je ne vois aucune difficulté à voter cet ajustement technique et je demande bien évidemment au groupe UMP de repousser cette question préalable, ce qu'il saura faire, je n'en doute pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 28
Contre 36
(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Roland Muzeau et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, en venant défendre devant vous, au nom de mon groupe, cette motion destinée à renvoyer en commission la proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres, je formule le voeu que la majorité se range à cette décision de bon sens, comme elle a déjà su le faire, une première fois, en rejetant le rapport issu des travaux de la mission d'information Grosperrin.
Et je ne crois pour cela pas manquer d'arguments. Certains de ces arguments tiennent au rapport lui-même. En dehors de la partie consacrée aux travaux de la commission, ce rapport consiste en seulement vingt-deux pages signées de Jacques Grosperrin, notre collègue de la majorité, par ailleurs auteur de la proposition de loi qui nous occupe aujourd'hui.
Vingt-deux pages desquelles il conviendrait de retrancher trois pages blanches, une page de garde, deux pages de sommaire, deux pages quasiment identiques traitant des modifications apportées par la commission, deux pages reprises d'un précédent rapport d'information…
Bref, je vous invite, mes chers collègues, à faire le compte et à constater avec moi que nous sommes aujourd'hui en présence d'un rapport de douze malheureuses pages… douze pages pour un sujet qui concerne un peu plus de douze millions d'élèves, soit un million d'élèves par page : il fallait oser !
S'agissant de son contenu, sur lequel je reviendrai plus longuement dans la suite de mon propos, j'ose dire qu'un de ses paragraphes devrait, à lui seul, nous conduire, comme le prévoit l'article 91 de notre règlement, à « suspendre le débat jusqu'à la présentation par la commission d'un nouveau rapport ».
Je le cite mais vous retrouverez ce paragraphe de vous-même en bas de la page 7 : « Il est vrai que les changements de titulaire du portefeuille de l'éducation nationale, même s'il n'y en a eu qu'un pendant la période considérée, ne facilitent pas des prises de décision cohérentes et suivies : ce simple constat devrait plaider en faveur d'un ou d'une ministre de l'éducation nationale de “mandature”. » Et je me permets de répéter cette dernière phrase pour ceux qui auraient été inattentifs : « ce simple constat devrait plaider en faveur d'un ou d'une ministre de l'éducation nationale de “mandature”».
Mes chers collègues, si vous acceptez de débattre d'une proposition de loi sur la base d'un rapport de douze pages, acceptez-vous vraiment, en conscience, que ce dernier remette en cause, au détour d'un paragraphe, notre bloc de constitutionnalité, à commencer par le principe de « séparation des pouvoirs » garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?
Acceptez-vous qu'il revienne, au détour de ce paragraphe, sur l'article 8 de notre constitution, qui prévoit que le Président de la République nomme, « sur proposition du Premier ministre […] les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions » ?
Acceptez-vous que ce rapport s'asseye allègrement sur l'article 20 de notre loi fondamentale, qui fixe que le Gouvernement « est responsable devant le Parlement », ou sur son article 50, qui prévoit que l'adoption d'une motion de censure par l'Assemblée nationale entraîne « la démission du Gouvernement » ?
Je n'insiste pas sur la proposition, contenue en page 16 du rapport, de mise en place d' « un grand ministère de l'intelligence », même si je crois qu'il y aurait vraiment matière, en ce moment, à la commenter…
S'il fallait encore vous convaincre de la nécessité de renvoyer en commission cette proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres, je peux alors évoquer les conditions de son arrivée devant notre assemblée et de sa discussion le 1er février dernier en commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 10 janvier 2012 par un seul membre du groupe UMP, cette proposition de loi, étonnamment, a presque aussitôt été inscrite à l'ordre du jour de nos travaux. Elle a été discutée en commission une vingtaine de jours après son dépôt, en une heure et dix minutes, alors que vous n'aviez, monsieur le rapporteur, procédé qu'à deux auditions et organisé une malheureuse table ronde, en omettant d'entendre le premier syndicat de l'enseignement supérieur. Cette façon de travailler n'est pas sérieuse et participe, je vous le dis solennellement, d'un affaiblissement du Parlement que nous déplorons.
Le SNESUP attend d'ailleurs toujours une réponse à la lettre qu'il vous a adressée pour vous faire part de sa consternation d'avoir été exclu de ces auditions. Mais il faut croire que vous vous faites une spécialité d'essayer de vous soustraire à ses critiques, après avoir déjà commis un premier oubli au printemps 2011, lors de la constitution de la mission d'information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants.
« Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l'une ni l'autre », mettait en garde en son temps le philosophe et chef d'État Thomas Jefferson.
Dans un courrier adressé à l'ensemble des députés, la Fédération syndicale unitaire, premier syndicat de la fonction publique, a ainsi dénoncé « une méthode qui tourne le dos au dialogue social », un texte fait « en urgence, juste avant les échéances présidentielles, sans aucune concertation ».
Manque de concertation et précipitation – pour preuve, cette proposition de loi n'est soutenue à ce jour que par une trentaine de députés de la majorité, là où l'on peut voir habituellement le groupe UMP se positionner en bloc –, voilà deux bonnes raisons de renvoyer ce texte en commission !
Mais la majorité osera-t-elle ? Car il est maintenant établi que cette proposition de loi correspond en réalité à une commande ministérielle. Dès l'origine, sa discussion a été inscrite à l'ordre du jour d'une semaine normalement réservée à l'initiative gouvernementale. L'illusion est complètement tombée, le 3 février dernier, lorsque le Gouvernement a annoncé sa décision d'engager la procédure accélérée. Le message a sans doute été clairement passé auprès de la majorité : il faut sauver coûte que coûte la réforme de la mastérisation, et cela sera vite et bien fait grâce au dépôt de cette proposition de loi de notre collègue Grosperrin. Et, en effet, quoi de plus naturel que d'être la plume du ministre de l'éducation nationale, lorsque l'on est soi-même secrétaire national de l'UMP en charge des politiques éducatives ?
La procédure employée est indigne, et mon groupe ne se lassera jamais de s'élever contre elle, car elle permet au Gouvernement d'éviter toutes les formalités inhérentes au dépôt d'un projet de loi : exit la délibération en conseil des ministres, l'avis du Conseil d'État, la réalisation d'une étude d'impact… Mais il est vrai qu'il s'agit d'autant de risques de mauvaise publicité, apparemment peu prisée lorsque l'on souhaite faire adopter un texte en fin de législature et à deux mois et demi de l'élection présidentielle !
Et si le procédé est pratique pour qui ne souhaite pas apparaître en première ligne, pour un parti et un gouvernement qui prétendent être du côté du courage, on repassera ! Au moment même où nos concitoyens sont amenés à juger votre bilan, vous devriez peut-être méditer un peu vos classiques et notamment les pensées d'un certain Napoléon Bonaparte, qui estimait que « le courage ne se contrefait pas, c'est une vertu qui échappe à l'hypocrisie ».
Nous dénonçons par ailleurs l'engagement de la procédure accélérée qui vise à débattre de ce texte à marche forcée seulement quatre semaines après son dépôt au lieu des six semaines normalement requises, pour éventuellement l'adopter après une seule lecture dans chaque chambre.
Autant dire qu'il semble bien loin, le temps où Bernard Accoyer déclarait devant la presse, en février 2010 : « J'ai solennellement fait savoir au Gouvernement, avec le soutien unanime de la Conférence des présidents, que nous ne pouvions pas continuera travailler ainsi pour la qualité de la loi, pour la qualité du débat démocratique et pour le respect des institutions. »
Précipitation et hypocrisie, tels sont peut-être les deux maîtres mots qui auront entouré toute cette réforme de la mastérisation. Après son annonce surprise par le Président de la République, le 2 juin 2008, l'imposture a consisté à prétendre qu'il s'agissait d'élever le niveau de formation requis pour accéder aux concours d'enseignant, alors qu'il était avant tout question de supprimer les postes liés aux emplois de stagiaires !
C'est la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d'État, qui vous a ramenés à la réalité, en décidant, le 28 novembre 2011, sur requête du SNES, du SNESUP, de « Sauvons l'Université », de SUD Éducation, de la FCPE et du SGEN-CFDT, d'annuler en partie l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les compétences à acquérir par les enseignants et CPE stagiaires, et d'annuler d'autre part les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs agrégés, telles qu'elles apparaissaient dans un second arrêté de la même date.
De quoi s'agit-il en fait ? Les décisions du Conseil d'État ont pour conséquence de remettre en vigueur les dispositions antérieures, c'est-à-dire contenues dans un arrêté du 19 décembre 2006, qui prévoyait qu'un tiers de temps de service au maximum se fasse en classe pour deux tiers de formation en IUFM.
Par ces décisions, le Conseil d'État enjoignait aussi le Gouvernement d'entamer la concertation nécessaire pour régler le problème, en consultant notamment le Conseil supérieur de l'éducation et le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mais aujourd'hui, vous avez déposé cette proposition de loi pour contourner cette décision du Conseil d'État et directement modifier le code de l'éducation, autrement dit légaliser une mesure reconnue comme illégale et pérenniser les effets les plus catastrophiques de la formation des enseignants ! Je pense par exemple aux situations de « grande souffrance » dont 165 témoignages ont notamment été consignés dans un Livre noir remis à la mission d'information par le collectif Stagiaire Impossible.
Ce procédé est un pur scandale, d'autant que l'ensemble de la communauté éducative attendait un autre texte fondamental à la suite du chaos qui a suivi la mastérisation.
Je veux citer à nouveau la FSU pour qui « cette proposition est dans la ligne des attaques contre l'école et la formation des enseignants menées jusqu'ici par le Gouvernement. Celui-ci poursuit ainsi son objectif de suppression des IUFM, objectif qu'il n'a pu atteindre suite au fort mouvement de contestation de sa réforme ».
Vous aviez pourtant admis que cette dernière n'était pas bonne, comme en témoigne le bilan contenu dans le rapport issu des travaux de la mission sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants : traduction budgétaire délicate, mise en place d'une offre de formation insatisfaisante, accès diminué des étudiants d'origine modeste au master, déconnection du diplôme et du concours, désorganisation de l'année de stage des professeurs recrutés et affaiblissement du vivier des candidats, démissions en augmentation dans le second degré…
Cette réforme n'est pas bonne, comme en témoigne le rapport annuel que le premier président de la Cour des comptes a présenté aujourd'hui devant notre assemblée. Je me permets de citer ici le Monde de demain, qui consacre, en première page, son éditorial à « L'échec cinglant de la formation des enseignants ». « De la réforme de la mastérisation, qui fait passer le recrutement des enseignants de bac +3 à bac +5, peut-on lire, la Cour des comptes propose de ne rien garder. Ni la date du concours, ni le mode d'affectation des enseignants, ni leur pseudo-formation ».
En réalité, votre rapport fut seulement pour vous l'occasion d'avancer un catalogue de mesures d'inspiration encore plus libérale. Il suggérait par exemple la suppression du concours externe de l'agrégation et le remplacement d'ici dix à quinze ans du concours de recrutement des enseignants par le master, rejoignant en cela le projet de l'UMP pour 2012 qui prévoit, par exemple, de renforcer « l'autonomie » des établissements scolaires avec la possibilité pour le principal et le proviseur, « mais aussi, à terme, le directeur d'école», de « recruter librement » son équipe enseignante et d'administration.
Le rapport Grosperrin n'a pas apporté de solutions pertinentes, pas plus que n'en apporte cette proposition de loi. Mais tout laisse à penser que le propre de l'ensemble des lois adoptées par la majorité au cours de cette législature est peut-être de ne pas affronter les problèmes qui se posent à l'école aujourd'hui, mais de profiter de la crise dans laquelle elle se trouve pour s'attaquer au service public de l'éducation, remettre en cause les droits des salariés ou stigmatiser les familles qui rencontrent des difficultés.
La loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire servit ainsi de prétexte pour tenter de limiter le droit de grève. Celle tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées visait à renforcer le principe chéri par la droite d'un « chèque éducation » ; celle tendant à lutter contre l'absentéisme scolaire, à faciliter la suspension des allocations familiales. Les lois relatives aux libertés et responsabilités des universités et aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur furent un premier pas vers la privatisation de l'enseignement supérieur. Je me félicite toutefois d'avoir participé à la mise en échec, en quelque sorte, de la loi sur l'instauration du vote électronique à l'université, qui visait en réalité à remettre en cause les modalités démocratiques actuelles de représentation des étudiants...
Le temps qui m'est imparti ne me permet pas de revenir sur le reste des mesures prises par la majorité au cours cette législature, mais je vous invite à consulter l'excellente proposition de résolution que les députés communistes et du parti de gauche ont déposée le 3 novembre dernier pour que soit créée une commission d'enquête relative aux conséquences des décisions prises depuis 2007 sur l'état de l'école, l'aggravation des inégalités scolaires et la remise en cause du droit à l'éducation.
Je ne résiste pas cependant au plaisir de citer Philippe Meirieu pour redonner un peu de force au combat de l'opposition dans ce paysage de ruines : « Face à tous ceux et toutes celles qui sont revenus de tout sans jamais y être allés, […] il faut redire qu'en matière éducative, si beaucoup a été fait, il reste encore beaucoup à faire. Nous devons résister, plus que jamais, à l'opinion trop répandue selon laquelle il conviendrait de revenir à des logiques sélectives. En réalité, la démocratisation de l'école reste un chantier à venir. Un immense chantier qui devrait mobiliser [...]. Il faut, dès aujourd'hui et pour demain, opérer des renversements indispensables ».
Pour revenir à notre proposition de loi, c'est probablement la menace, formulée début janvier par les organisations syndicales, d'aider les stagiaires dans leurs recours contre le ministère qui a motivé sa rédaction en toute hâte.
Rien pourtant dans ce texte ne se justifie et nous y reviendrons s'il le faut au cours de la discussion générale ou de l'examen des articles et des amendements.
Je veux maintenant vous démontrer que précipitation et hypocrisie ont encore guidé nos discussions en commission et méritent que ce texte y soit renvoyé – j'ai envie de dire : y soit « enterré ».
Précipitation, puisque le rapporteur a été amené à modifier son propre texte en déposant des amendements. Subitement, il nous a annoncé qu'il regrettait d'avoir proposé de supprimer les références faites au cahier des charges de formation, garant d'un cadre national de formation !
Le caractère interministériel du dossier a toutefois été utilement rappelé car, récemment, même le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ne semblait pas s'y retrouver.
Le 18 octobre dernier, il me répondait en effet, en marge de son audition par la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur les crédits pour 2012 de la mission Recherche et enseignement supérieur : « S'agissant de la formation des maîtres, il ne me revient pas d'arrêter les programmes ni le contenu de celle-ci, qui relèvent du ministère de l'éducation nationale », ce qui finalement apparaît en parfaite contradiction avec l'article L.625-1 du code de l'éducation !
Selon le rapport, « personne n'ignore que de mauvaises relations entre les ministres chargés de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ont pu avoir leur part de responsabilité dans les défauts de conception de la réforme de la mastérisation ». Que peuvent bien nous faire ces états d'âme ? La France attend depuis quatre ans une école et une formation des maîtres entièrement rénovées !
L'hypocrisie est aussi ce qui a caractérisé les réponses apportées par le rapporteur aux questions de fond que nous lui avons posées en commission.
Vous avez prétendu que ce texte correspondait à un simple ajustement « technique ». Le rapport indique même que « la présente proposition de loi a une portée uniquement technique ». C'est faux puisque vous allez bien au delà des modifications que vous estimez nécessaires suite aux décisions du Conseil d'État.
Il n'est ainsi absolument pas nécessaire de liquider les instituts universitaires de formation des maîtres comme vous essayez de le faire en remplaçant à l'article L.625-1 du code de l'éducation les termes « la formation des maîtres est assurée par les IUFM » par : « elle est assurée notamment par les universités », et, après passage en commission, par : « les établissements d'enseignement supérieur », ce qui est encore plus vague ! Vous jurez pourtant vos grands dieux dans le rapport que la présente proposition de loi « tend à conforter [le] rôle de cheville ouvrière » des IUFM, qu'ils jouent d'ores et déjà dans le dispositif mis en place en 2010. Qui peut vous croire ?
Nous sommes en effet nombreux à penser que les IUFM et leur potentiel de formateurs constituent un patrimoine qu'il faut renforcer, une structure dont il faut au contraire mieux définir les contours et les missions dans l'université !
Avec la loi relative à l'autonomie – dont la Cour des comptes vient de juger la mise en oeuvre difficile dans les sept universités parisiennes qu'elle a contrôlées –, cette modification représente un risque supplémentaire que l'État se désengage de ses responsabilités en matière de formation des enseignants. De telles dispositions pourraient en outre entraîner de fortes inégalités entre les territoires quant à l'offre de formation.
D'après le rapporteur, « on notera que c'est grâce à une initiative parlementaire que pourra être consacré, sur le plan législatif, le rôle des universités dans la formation des maîtres ». Cela, après ce que nous avons développé précédemment, pourrait ne pas laisser de nous amuser si le sujet n'était aussi grave : « l'initiative parlementaire » a bon dos et les IUFM sont déjà intégrés aux universités en application de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école !
Cette proposition de loi ouvrirait de surcroît la voie à la privatisation de la formation des enseignants, ce que n'exige absolument pas le Conseil d'État. Il faut croire que cette volonté est inscrite dans le patrimoine génétique de la majorité depuis que Nicolas Sarkozy a déclaré le 20 décembre 2007 à Rome : « Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance »
Monsieur le rapporteur, vous avez clairement essayé de nous tromper lorsque vous avez affirmé en commission qu'il s'agissait « de préciser que les IUFM participent à la formation des personnels enseignants et non plus à leur seule formation continue », puisque selon l'actuel article L.721-1 ces instituts conduisent également des « actions de formation professionnelle initiale ».
Votre texte supprime donc les termes de formation « initiale » et « continue » des enseignants ainsi que la référence expresse à l'alternance. Comment peut-on envisager les évolutions nécessaires du système éducatif sans offrir une formation digne de ce nom aux personnels de l'éducation, s'est interrogée la FSU ?
« Qui ne continue pas à apprendre est indigne d'enseigner », jugeait de son côté le philosophe Gaston Bachelard.
Pour l'instant, ce texte n'est pas rétroactif, c'est à dire qu'il ne règle pas la situation des stagiaires des années 2010-2011 et 2011-2012, mais nous faisons confiance au Gouvernement pour présenter un amendement au moment de la lecture finale...
Ainsi, selon « Sauvons l'université », « le voile est désormais levé sur le projet de destruction de l'appareil de formation des enseignants, comme sur la volonté manifeste de la morceler et d'y introduire les acteurs privés ».
Afin d'éviter tout reproche sur nos propositions, je vous invite à consulter la contribution que nous avons apportée au rapport Grosperrin et toutes les pistes que nous avons avancées dans une perspective de réforme plus profonde. Autant de propositions qui seraient à la base d'un projet porteur d'égalité, d'émancipation et de progrès pour les jeunes de notre pays grâce à tous ceux et toutes celles qui les accompagnent au quotidien de la maternelle à l'université.
Nous sommes en effet convaincus que les pratiques éducatives ont un impact structurant sur le développement de ces jeunes et, partant, sur la construction voire la transformation de la société dans son ensemble.
Pour terminer…
Enfin ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) . Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement !
… je ne résiste pas à un ultime argument en vous lisant les propos qu'a tenus en commission notre collègue René Couanau, pas vraiment connu pour sa proximité avec la gauche de l'hémicycle : « Ce que ce texte ne dit pas est plus dangereux que ce qu'il dit. C'est un modèle de non-dit ! On veut cacher le fait qu'il aurait fallu maintenir les 16 000 postes d'enseignants stagiaires pour assurer la formation professionnelle. On les a supprimés et on se contorsionne pour trouver des compensations ! En outre, le Gouvernement voulait tuer les IUFM. Un bon IUFM est un IUFM mort, comme aurait dit le général Custer s'il avait été ministre de l'éducation nationale. Il bouge encore : il garde un petit rôle. Mais tout est fait pour préparer la disparition des anciennes écoles normales et la suppression de toute formation professionnelle des futurs enseignants. Ce n'est pas admissible ! C'est plus qu'une erreur, c'est une faute ».
Tout ce qui accompagne cette proposition de loi, sa démarche, les conditions de sa discussion, son contenu, constituent un coup de force inacceptable. Les députés communistes, républicains, du Parti de gauche et l'ensemble du groupe GDR vous demandent aujourd'hui de le renvoyer en commission. C'est tout le sens de cette motion qu'ils vous invitent à adopter.
Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur les bancs du groupe SRC.)
Je ne reviendrai pas sur le contenu de l'excellente intervention de notre collègue Marie-Hélène Amiable.
Plusieurs députés UMP. Tant mieux !
Je comprends qu'elle vous ait gênés ! La mienne vous dérangera encore davantage : réservez-vous un petit peu, vous vous agiterez tout à l'heure.
Je voudrais simplement vous faire part de deux remarques.
Je regrette tout d'abord, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, que vous vous obstiniez à vouloir nous faire admettre l'inadmissible. Vous n'aurez pas raison contre tous ! Cette proposition de loi n'est pas du tout le réajustement technique que vous prétendez qu'elle est. Elle revêt une dimension idéologique et politique en ce qu'elle donne une implacable cohérence à un projet qui vise à saper l'école de la République, humaniste, laïque, indépendante des marchés et de l'utilitarisme économique « court-termiste » auquel vous l'avez destinée.
Deuxième remarque : en septembre dernier, sur France-Inter, Luc Chatel a dit ceci : « Personnaliser, cela veut dire que dans une classe aujourd'hui, vous avez à détecter les cinq élèves qui ont du potentiel et que l'on doit porter le plus loin possible dans le système éducatif » ! Vous avez bien entendu ! Et il ajoutait : « Moi, je crois en l'excellence, je crois au mérite républicain. » Cette conception méritocratique et individualiste de l'égalité des chances va complètement à l'encontre d'une véritable politique de réduction des inégalités.
Ce propos en disait long : il faisait écho aux recommandations de l'OCDE, qui préconise de limiter au strict nécessaire les formations les plus qualifiées et de produire le pourcentage le plus élevé possible de qualifiés au niveau 5. C'est dans le, orientations de l'OCDE, et dans celles du traité de Lisbonne, qu'on trouve la justification de fond de votre politique éducative. Là-dessus, vous ne tromperez personne, en tout cas pas les spécialistes des sciences de l'éducation. Vous avez déjà fait l'unanimité contre votre politique éducative et suscité l'indignation collective.
Vous seriez mieux inspirés de retirer cette proposition tant qu'il en est encore temps, c'est-à-dire avant qu'elle n'aggrave les effets délétères des dispositions prises depuis 2007.
Je conclus, monsieur le président : la mise en oeuvre des dispositif Éclair, là où ils ont été imposés, témoigne déjà de ces ravages. A marche forcée…
…vous voulez conduire l'éducation nationale vers une privatisation dont vous feignez de ne pas mesurer les conséquences. C'est la raison pour laquelle j'appelle nos collègues à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC.)
Nous l'avions bien compris.
La parole est à M. Jean-Luc Pérat, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Dans le rapport qu'elle a remis aujourd'hui même, la Cour des comptes est formelle : la réforme de la formation des enseignants est un désastre. La Cour confirme ainsi ce que tous les acteurs de l'éducation dénoncent sans relâche depuis trois ans. Non seulement cette réforme a considérablement dégradé la formation, et donc le niveau des enseignants, mais elle n'a même pas atteint son objectif premier : réaliser des économies budgétaires au détriment de la qualité de l'enseignement.
Réforme conduite sans réflexion pédagogique, concours trop tardif conduisant à des échecs massifs et surtout absence totale de formation pratique sont, à juste titre, montrés du doigt dans ce rapport. Près de 70 % des enseignants recrutés n'ont absolument aucune expérience de l'enseignement avant de prendre leurs fonctions à plein temps. Souvent affectés en zone difficile, parfois sur plusieurs établissements, contraints d'effectuer des heures supplémentaires, ils ont été très peu, voire pas du tout accompagnés. Tout cela a été fait essentiellement pour économiser 10 000 emplois à temps plein, économie réduite à néant du fait du versement de différentes indemnités et du coût de deux années d'études supplémentaires. À force d'improvisation et de cynisme, le Gouvernement n'aura réussi qu'une seule chose : aggraver encore la dette éducative de notre pays. Il ne restera plus qu'à confier la formation à des organismes privés, comme le permettra cette proposition de loi de M. Grosperrin, si elle est adoptée.
C'est pourquoi le groupe SRC votera la motion de renvoi en commission de Mme Amiable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Marie Binetruy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Mme Amiable a présenté sa vision de l'éducation et de la formation des maîtres, pour conclure que l'université est incapable de former des enseignants.
Pour ma part, je souscris totalement aux propos de Bernard Debré en commission : on peut être issu de HEC, de Polytechnique, et faire un très bon enseignant. Aussi, je le cite : « Affirmer qu'il n'est point de salut hors des IUFM me paraît pour le moins réducteur. La formation des maîtres peut, comme dans tous les pays du monde, se faire par la pratique ou par l'acquisition de connaissances plus théoriques. J'ajoute que, si nous ouvrons les portes, le recrutement n'en sera que plus facile. »
Le débat en commission a eu lieu, et il ne me semble pas judicieux d'y renvoyer le texte.
De quoi s'agit-il ici ? De reconnaître, sur le plan juridique, le rôle des universités dans la formation des enseignants. La loi Jospin de 1989 n'affirmait-elle pas que les IUFM devaient être rattachés à l'Université ?
Et lorsque nous avons examiné le texte sur la réduction de la précarité dans la fonction publique, il m'a semblé entendre une collègue de gauche dire que l'on pouvait peut-être tout simplement supprimer les concours de recrutement dans la fonction publique.
J'invite donc mes collègues à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
En présentant ses voeux au monde de la connaissance et de la culture le 19 janvier dernier, le chef de l'État a déclaré : « La question de la place des enseignants dans notre société, de leur formation, et de leur rémunération, est centrale. Pas pour ce gouvernement, pas pour la droite, pas pour la gauche, pas pour la majorité ou l'opposition : elle est centrale. »
Mes chers collègues, le rôle des enseignants est fondamental dans un pays, car ils assurent la transmission des savoirs aux générations futures. Ayant moi-même exercé pendant plus de 35 ans ce beau métier, j'ai toujours le plus grand plaisir à échanger avec d'anciens élèves, surtout quand ils ont réussi et que j'ai l'impression d'avoir servi à quelque chose.
L'avenir des enfants, qui passe par une bonne formation, est une question d'intérêt général pour notre nation. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, soutenu par la majorité, a procédé depuis 2007 à une revalorisation de ce métier et, au-delà de la seule augmentation des moyens – de 80 % depuis 1980 – qui n'a pas apporté les résultats escomptés, c'est une réforme qualitative que nous avons choisi de mettre en place.
Elle s'est traduite, tout d'abord, par une augmentation de salaire de 157 euros net par mois pour les nouveaux professeurs des écoles et professeurs certifiés et de 259 euros pour les professeurs agrégés. Ainsi les 107 000 enseignants débutants commenceront-ils leur carrière avec un revenu brut mensuel de 2 000 euros à partir de février 2012. La hausse de leur salaire brut aura ainsi été de 18 % en cinq ans.
C'est une première mesure concrète, ce n'est pas la seule.
En effet, nous avons également choisi de revaloriser le niveau de recrutement des enseignants. Les ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ont, il y a trois ans, élevé le recrutement au niveau du master et organisé la formation des maîtres sur trois années, soit les deux années de master et la première année d'exercice « en situation » en qualité de professeur stagiaire.
Les modalités de la formation ont donc dû être adaptées, et elles l'ont été avec le concours des universités, pour nous mettre en conformité avec les différentes lois sur l'éducation, à commencer par la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, celle de Monsieur Jospin.
En effet, l'article 17 de cette loi dispose que « sera créé, dans chaque académie, à partir du 1er septembre 1990, un institut universitaire de formation des maîtres, rattaché à une ou plusieurs universités. »
Cette loi marquait donc les prémices du rattachement à l'université de la formation des enseignants. Puis la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 intégra définitivement les IUFM aux universités.
Ce rattachement à l'université de la formation d'un métier n'est d'ailleurs pas une nouveauté dans notre pays : après tout, ce sont bien nos universités qui forment nos médecins et nos juristes.
Il était également nécessaire afin d'adapter notre système aux exigences européennes. Dans la plupart des pays européens, les enseignants sont recrutés à bac + 5. Alain Boissinot, recteur de l'académie de Versailles, a d'ailleurs récemment écrit que dans la plupart des pays étudiés, on constatait, au cours des trente dernières années du vingtième siècle, ce même mouvement de rattachement à l'université de la formation des maîtres.
Un chantier de cette ampleur, et tout le travail qui a été accompli avec les universités pour déboucher sur les masters pluridisciplinaires et en alternance, doivent être consolidés juridiquement.
Certes, nous regrettons d'avoir à apporter ces ajustements techniques en fin de législature, ce qui peut expliquer l'urgence, alors même que la mastérisation date de 2009, et le calendrier est loin d'être idéal.
Mais sur le fond, le principe directeur de la réforme de la formation des professeurs, qui vise à une élévation de leur niveau de qualification universitaire, est ambitieux et doit être soutenu sans hésitation.
C'est la raison pour laquelle Jacques Grosperrin a déposé cette proposition de loi et a tout le soutien du groupe UMP.
Plus précisément, elle tire toutes les conséquences de la réforme dans le code de l'éducation, en reconnaissant le rôle des universités dans la formation des personnels enseignants, tout en respectant leur autonomie pédagogique et scientifique telle qu'énoncée dans ce même code et confortée par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.
Elle s'articule autour de deux grandes idées : la reconnaissance juridique du rôle des universités dans la formation des enseignants ; le réajustement du rôle des IUFM.
L'article premier tend à combler un vide juridique : si le niveau de recrutement des enseignants a été élevé au niveau du master, aucune disposition juridique ne reconnaissait le rôle des universités dans la formation des enseignants, aux côtés des IUFM.
En conséquence de la pleine reconnaissance du rôle des universités, il faut procéder à une révision de l'alinéa 2 qui concerne la définition du contenu de la formation initiale des enseignants par les IUFM dans la version actuelle du code.
Le rapporteur avait initialement proposé que ce soient les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale qui définissent, par arrêté, un référentiel. Ce dernier, composé de dix compétences, alliait l'expertise dans la discipline à la capacité d'enseigner et d'animer une classe, la compétence linguistique et l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Mais, à la suite des auditions qu'il a menées, le rapporteur a souhaité récrire l'alinéa 3 de l'article 1er afin de remplacer la notion de « référentiel » par celle de « cahier des charges ». La Commission des affaires culturelles a donc modifié le texte initial.
Les IUFM continuent, quant à eux, d'être des établissements de formation des personnels enseignants et proposant des formations professionnelles aux étudiants. Ils pourront désormais intervenir à tous les stades de la formation initiale ou continue, et non plus uniquement pendant la formation continue.
Cette proposition de loi va dans le bon sens : tout en reconnaissant juridiquement le rôle des universités dans la formation des maîtres, elle préserve les IUFM, contrairement à ce qui a pu être dit, et elle consolide le processus de recrutement pour tous ceux qui se destinent au métier d'enseignant.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, à moins d'un mois de la suspension de la session parlementaire, qui mettra fin à cette législature, est la traduction législative dans le code de l'éducation de la réforme de la formation initiale et du recrutement des enseignants des premier et second degrés, réforme dite de la « mastérisation », mise en oeuvre à compter de la rentrée scolaire 2010-2011.
Monsieur le ministre, malgré le refus, au printemps dernier, des députés de l'opposition et d'une partie de votre majorité de valider le rapport Grosperrin qui contenait en germe cette proposition de loi, et en dépit, tant du rapport accablant de Jean-Michel Jolion remis en octobre que des conclusions de la Cour des comptes, vous vous obstinez à soutenir une proposition de loi dont l'ambition, selon la Cour, « aurait justifié une réflexion plus approfondie sur les conditions d'une mise en oeuvre efficace et efficiente, notamment au regard de l'objectif de réussite de tous les élèves assigné à l'éducation nationale par le législateur».
En effet, la réforme du recrutement et de la formation initiale des enseignants, mise en place depuis deux ans, a déjà des conséquences catastrophiques, car son application accélérée a entraîné de nombreux dysfonctionnements. Les épreuves du concours, garant d'une équité de recrutement, sont vidées de leur contenu et jugées complètement déconnectées de l'exercice réel du métier d'enseignant. Aucune formation professionnelle n'est donnée aux nouveaux enseignants qui se trouvent immédiatement en charge d'élèves. Les lauréats des concours de recrutement sont désormais affectés immédiatement dans une école ou un établissement scolaire avec une obligation de service à temps complet.
Résultat de cette situation : le vivier de recrutement des enseignants a fondu. On compte aujourd'hui quelque 300 000 étudiants de moins en master qu'en licence. Ce manque d'attractivité est encore accentué par un salaire très largement inférieur à celui constaté en moyenne dans les pays de l'OCDE, et cela malgré les déclarations de janvier 2011 du Président de la République : « Je veux des enseignants mieux payés, mieux formés. »
Par ailleurs, sans engager de bataille de chiffres et sans entrer dans un débat idéologique, nous savons tous que l'éducation nationale a perdu 66 000 postes d'enseignants depuis 2007, alors que les effectifs d'enfants scolarisés en 2010 et 2011 ont augmenté de 50 000 dans le primaire et de 100 000 dans le secondaire. Ne soyons pas naïfs : conçu au moment ou le ministère s'engageait dans le processus du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ce nouveau dispositif avait tout simplement pour objet de tirer parti, le plus rapidement possible, des économies d'emplois qu'il permettait.
Ainsi, avec six enseignants pour cent élèves ou étudiants, la France se retrouve bonne dernière des trente-quatre pays développés classés par l'OCDE en matière d'enseignement scolaire. Ce sont bien là des chiffres communiqués par l'OCDE et non ceux du parti socialiste. Nous avons besoin d'enseignants formés si nous voulons une société de la connaissance et du progrès social.
Enfin, dernier point, et non le moindre, cette proposition de loi précise que la formation des maîtres serait assurée « notamment » par les universités. La formation des maîtres ne serait donc plus, comme cela était précédemment inscrit dans le code de l'éducation, du ressort exclusif des universités via les IUFM. Quelle est donc l'intention du Gouvernement ? Quelle est celle du rapporteur ? Serait-ce la disparition des IUFM et l'ouverture d'établissements privés ? Monsieur le rapporteur, vos propos liminaires disent le contraire ; nous attendons la suite du débat pour être pleinement rassurés.
Permettez-moi une digression, monsieur le ministre. Cet après-midi, durant les questions au Gouvernement, Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, constatait les dérives sectaires de certains organismes de formation professionnelle. Est-ce à cette dérive que vous aspirez ? Nous espérons que non. Cependant, s'agissant de l'école de la République et de la formation de nos enfants, effectivement, nous craignons le pire : des écoles de niveaux inégaux dans une société inégalitaire, loin, très loin de l'égalité des chances donnée à tous les enfants sur l'ensemble de notre territoire, et surtout très loin d'un service public éducatif de qualité en tout point de notre territoire.
À cet égard, les articles 2 et 3 de la proposition de loi retiennent particulièrement notre attention car ils suppriment à la fois la notion de formation professionnelle initiale et toute référence à l'obligation d'une formation professionnelle après le recrutement. Or nous soutenons le principe d'une formation méthodique et organisée tout au long de l'exercice du métier d'enseignant. Reprenant les mots de Jean-Michel Jolion, nous vous répétons qu'enseigner n'est pas « un art mais un métier qui s'apprend et dont la pratique doit être accompagnée ».
Cette proposition de loi soulève donc des questions de fond sur la formation initiale et continue des enseignants, sur l'attractivité du métier d'enseignant et sur l'adéquation de la réécriture du code de l'éducation aux grands objectifs assignés au système éducatif depuis la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005, sous un gouvernement de droite.
C'est pourquoi nous insistons, face au malaise des jeunes enseignants et à la lassitude du corps enseignant tout entier, pour qu'une formation professionnelle digne de ce nom soit dispensée, pour apprendre à apprendre, pour savoir gérer une classe et vivre pleinement le plaisir d'enseigner. Cela passera sans doute par une évolution du rôle des IUFM mais pas par leur liquidation.
Monsieur le ministre, au nom de l'école et des générations d'enfants à venir, nous vous implorons, pour paraphraser Condorcet, de conserver par la sagesse ce que nos aînés nous ont légué dans l'enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il est pour moi très agréable de m'exprimer après Mme Boulestin. J'ai particulièrement apprécié le ton de son intervention et les vraies questions qui ont été posées…
Heureusement que la gauche est là pour le faire, parce que de l'autre côté de l'hémicycle il n'y a plus grand monde ! (Sourires.)
Ces questions sont légitimes d'où qu'elles viennent.
L'édition du journal Le Monde paru cet après-midi fait état des appréciations de la Cour des comptes sur la réforme de la formation des enseignants, parues dans le rapport annuel que le Premier président de la Cour est venu nous présenter tout à l'heure. Monsieur le ministre, il ne vous a pas échappé que le jugement de la Cour est plutôt assez sévère. J'ai toutefois noté que plusieurs points positifs étaient relevés :….
…la revalorisation du traitement en début de carrière, l'augmentation des bourses versées aux étudiants, la progression des indemnités versées pour le tutorat.
Pour autant de vraies questions se posent, parmi lesquelles celle relative à l'inexpérience des enseignants débutants et des stagiaires. Monsieur le ministre, si nous voulons que nos débats permettent d'améliorer la situation, nous ne pouvons pas éluder ces questions.
Madame Faure, vous avez dit être attachée à la réussite des élèves et aux valeurs de l'école de la République. Nous partageons votre sentiment. Aucune partie de l'hémicycle n'a d'ailleurs le monopole de ces préoccupations. Je crois que nous avons une obligation…
Je ne sais pas si cela se voit, cher collègue, mais nous devons nous respecter les uns les autres. Je suis respectueux de vos combats ; nous en avons d'ailleurs partagé quelques-uns à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Certains mots prononcés ont pu être blessants. (« Oh ! »sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, nous débattons ce soir d'un texte relatif à la formation des maîtres. Il n'est pas inutile de rappeler pourquoi il y a eu récemment une réforme en la matière. Tous les rapports concluaient à la nécessité de revoir la formation initiale et continue des enseignants. Nous avons tous à l'esprit ces analyses qui évoquaient la professionnalisation insuffisante, les stages qui n'avaient de stages que le nom, puisqu'ils étaient virtuels, des parcours de formation incohérents. La logique imposait une réforme. Mon groupe parlementaire est solidaire de ce que le Gouvernement a fait en ce domaine au cours de la treizième législature.
Ce soir, l'orateur du groupe UMP a cité le discours du Président de la République au corps enseignant : il n'y avait rien là de choquant mais plutôt l'expression de valeurs que nous pouvons tous partager dans cet hémicycle car nous sommes dépositaires, les uns et les autres, de l'idéal de la République.
Le problème c'est que le Président de la République a fait le contraire de ce qu'il avait dit !
L'esprit de la réforme, consistant à faire en sorte que le master devienne le diplôme nécessaire pour enseigner, devait permettre une meilleure professionnalisation des enseignants, pour une relance de la démocratisation et une revalorisation du métier. Cet objectif ambitieux n'exonère pas le législateur de l'évaluation des réformes qu'il a votées – c'est d'ailleurs ainsi que j'ai compris le rapport de la Cour des comptes dont j'ai pris connaissance cet après-midi dans la presse. En conséquence, certaines questions se posent. Fallait-il pour autant renoncer à réformer ?
Le groupe Nouveau Centre ne regrette pas d'avoir voté les réformes proposées. L'opposition n'a pas le même point de vue que nous, mais pour notre part, nous ne lisons pas la proposition de loi qui nous est soumise ce soir comme une attaque contre l'école et la formation des enseignants. Rien dans l'intervention du rapporteur ne pouvait laisser entendre cela. J'écouterai le ministre avec attention, mais je ne pense pas que M. Wauquiez se trouve ce soir au banc du Gouvernement dans un esprit différent de celui qui anime le rapporteur.
En prévoyant que la formation des maîtres sera désormais assurée « notamment » par les universités qui, à cette fin, accueillent les étudiants préparant les concours d'enseignants et participent donc à leur formation, ce que j'ai compris – mais je me trompe peut-être – c'est que la proposition de loi envisage à côté la participation des écoles et autres établissements d'enseignement supérieur qui proposent des masters d'enseignement. L'université intervient à côté des grandes écoles, mais pas exclusivement.
En tout état de cause, le groupe Nouveau Centre n'acceptera jamais – je crois utile de le rappeler après ce que nous venons d'entendre – que l'État se désengage de ses responsabilités en matière de formation des enseignants,…
…d'autant que de telles dispositions entraîneraient de fortes inégalités entre les territoires en matière d'offre de formation – vous mesurez vous-même en tant qu'élu. monsieur le ministre, quelles en seraient les conséquences. Au demeurant, vous montrez que vous êtes animé par la même exigence.
Par ailleurs, nous sommes favorables à l'élargissement de la mission des IUFM, qui participent à la formation des personnels enseignants et non plus à leur seule formation continue. Cette modification conforte, selon moi, leur place. Nous ne voulons y voir qu'un ajustement technique nécessaire pour pouvoir disposer d'un cadre juridique et réglementaire conforme. Cette proposition de loi n'a pas d'autre objet que celui-ci : tirer les conséquences de l'intégration des IUFM aux universités, puis de la mastérisation du recrutement, que beaucoup appelaient de leurs voeux. En l'état, elle ne nous semble pas soulever d'opposition majeure.
Il ne s'agit – et nous y veillerons – ni de casser le service public de l'éducation ni de remettre en cause la formation de ses personnels. Au Nouveau Centre, nous voyons ce texte comme une amélioration de la formation initiale et continue des enseignants, et nous écouterons attentivement à cet égard, monsieur le ministre, votre intervention.
Nous pouvons nous retrouver sur une véritable ambition, la revalorisation du métier d'enseignant. N'oublions pas que les enseignants ont une lourde responsabilité. Au reste, quelles que soient les appréciations que nous portons sur ce texte, il y a unanimité pour leur exprimer notre solidarité.
Leur tâche est de plus en plus difficile dans l'état actuel de la société. Je veux donc leur rendre hommage et leur témoigner l'admiration de la représentation nationale.
J'ajoute que, quels que soient les programmes défendus par les différents candidats, l'éducation, qui est au coeur de la problématique de la société française, sera un thème majeur de la campagne des élections présidentielle et législatives à venir. On ne mettra jamais trop d'argent dans l'éducation. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Chers collègues de l'opposition, nous n'examinons pas le budget de l'éducation. Nous avons assumé nos responsabilités et vous aurez l'occasion d'exprimer vos différences. En tout cas, il n'est pas inutile de rappeler que l'éducation nationale est le premier poste de dépenses du budget de la nation et, pour ma part, je m'en réjouis.
En conclusion, je souhaiterais évoquer les RASED, les Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, qui sont aujourd'hui indispensables.
Or, nous recevons tous dans nos permanences des parents d'élèves et des enseignants qui nous demandent d'être vigilants, car des incertitudes pèsent sur la pérennité de ce dispositif.
Nous avons fait remonter cette préoccupation au cabinet du ministre, et je sais que Luc Chatel est très attentif à cette problématique. Au-delà des mots, nous savons que l'assistance apportée à chaque enfant dans le cadre de ce dispositif revêt une dimension humaine unique. Vous comprendrez donc que je termine mon intervention sur ce point, même s'il s'éloigne quelque peu de la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis consterné de devoir constater que la trentaine de députés signataires de cette proposition de loi n'a pas tiré tous les enseignements des mots fameux, prononcés il y a pourtant plusieurs siècles par Marius Tullius Cicero, mieux connu sous le nom de Cicéron : « Il y a un art de savoir et un art d'enseigner ».
Près d'un demi-siècle avant la naissance de Jésus-Christ, cet éminent consul de la république romaine aux idéaux humanistes et à la pensée d'inspiration platonicienne avait déjà compris ce que, plus de 2 000 ans après, vous refusez encore d'admettre : l'érudition ne suffit pas à faire un pédagogue – à quelques exceptions près, dont fait partie, ai-je cru comprendre, l'orateur de l'UMP qui m'a précédé à cette tribune. Cicéron, égorgé quarante-trois ans avant notre ère par la volonté de Marc Antoine, vous le tuez une seconde fois sous les injonctions de votre maître à penser, l'actuel Président de la République.
Pourtant, contrairement à ce que vous prétendez, il reste profondément vrai que l'art d'enseigner ne s'improvise pas : il s'apprend. La mastérisation ne suffira jamais à faire d'un étudiant, même savant, un enseignant qui fasse honneur au métier qu'il exerce.
La Cour des comptes vient d'ailleurs de nous rendre, aujourd'hui même, un rapport qui permet à l'éditorialiste du Monde de titrer sa une sur ce sujet, en soulignant l'échec cinglant de la formation des maîtres telle que vous l'avez initiée en 2008. Cela ne surprendra pas ceux d'entre nous qui, dès cette époque, vous avaient alerté sur la nocivité de cette réforme. Aujourd'hui, ce sont les magistrats de la rue Cambon qui viennent vous dire que vos dispositions soulèvent « des questions de fond sur l'organisation de la formation initiale, sur l'attractivité du métier d'enseignant et sur l'adéquation de ce nouveau dispositif aux grands objectifs assignés au système éducatif. »
Comme tout métier, celui d'instituteur, de professeur, exige des compétences que la maîtrise d'une discipline académique ne leur donnera pas. Plus que tout métier, celui d'enseignant, parce qu'il s'exerce sur le matériau le plus complexe, le plus riche de potentialités, le plus noble, le plus fragile aussi : l'humain, exige une formation très spécifique dont vous voulez aujourd'hui le priver.
Votre proposition de loi témoigne d'une conception consternante du métier d'enseignant parce qu'elle ne vise pas l'épanouissement humain, c'est-à-dire l'appropriation par le plus grand nombre de la part la plus élevée possible du patrimoine social et culturel que nos civilisations, dans la richesse de leur diversité, ont accumulé des siècles durant. Votre conception de l'enseignement est d'une pauvreté affligeante, parce que, comme je le rappelais dans mon explication de vote sur la motion de renvoi en commission, elle reste contrainte par les préoccupations mercantiles que vous dictent les marchés et l'utilitarisme économique dans lequel vous voulez l'enfermer.
Nombreux sont, sur ces bancs, les parlementaires qui savent ce qu'ils doivent aux écoles normales primaires, aux IPES, aux écoles normales supérieures et, pour les plus jeunes, aux IUFM, dans leur formation professionnelle et dans leur attachement aux valeurs de notre république laïque. Ils savent ce que leur a apporté de savoir-faire précieux l'enseignement de la pédagogie en théorie et en pratique. Or, vous voulez aujourd'hui retirer de nos bibliothèques ce patrimoine exceptionnel qui a si longtemps distingué, aux yeux de tous les peuples du monde, la qualité de l'enseignement dispensé par les écoles de la République française. Vous vous apprêtez à l'autodafé de tous les manuels des sciences de l'éducation, dont vous voudriez bien qu'ils rejoignent les cendres des écrits de Freud, de Zweig, de Brecht, de Marx et d'Einstein, brûlés sur la place publique par des étudiants de triste mémoire.
Non, mes chers collègues, cette proposition de loi n'est sûrement pas un ajustement technique, comme ses auteurs voudraient nous le faire croire. Elle est sous-tendue par un parti pris idéologique redoutable. Elle participe d'une démarche entreprise ces dernières années qui nous engage progressivement et pernicieusement dans la voie de l'abandon de la formation des maîtres, de la privatisation de ce qui en restera et du recrutement par les chefs d'établissement de personnels inscrits à Pôle emploi, comme c'est déjà le cas depuis deux années avec le dispositif Éclair dont les inquiétants résultats signent l'échec.
Ce que vous préparez s'inscrit dans la cohérence d'ensemble d'une politique qui a délibérément choisi de saper le service public dans tous les domaines, y compris celui de l'éducation, qui est de moins en moins nationale. Vous allez même jusqu'à supprimer l'avis du Haut conseil de l'enseignement dans l'élaboration du cahier des charges, que vous vous apprêtiez aussi à supprimer et que vous confiez aux seuls ministres de l'éducation et de l'enseignement supérieur, en vous privant de l'avis de compétences reconnues, comme vous vous priverez, demain, des compétences des inspections générales, si précieuses à bon nombre d'enseignants.
Cette politique tourne le dos à l'intérêt général ; elle sacrifie la jeunesse de France sur l'autel des intérêts très privés d'une aristocratie financière qui n'a que faire de l'épanouissement humain.
Nous fêtons cette année le tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau. Lisez et relisez Le contrat social. Peut-être y trouverez-vous l'oxygène qui manque à votre inspiration et comprendrez-vous mieux ce que voulait dire Saint-Just lorsqu'il affirmait ne reconnaître de souverain que le genre humain.
Le peuple souverain s'exprimera bientôt. Je forme le voeu qu'il fasse de votre majorité une minorité…
…pour que ce texte finisse là où il doit finir : dans la corbeille des rebuts de l'histoire des institutions éducatives de notre pays.
En attendant, vous aurez compris que le groupe des députés communistes, apparentés et du parti de gauche votera résolument contre cette proposition de loi examinée dans l'urgence. Une urgence que rien ne justifie, mais qui est un aveu de la portée politique des dispositions qu'elle contient et qui prolongent, en la complétant, la panoplie des blessures que, jour après jour, vous voulez porter au meilleur du système éducatif français, plutôt que de lui donner les moyens d'assumer son rôle dans la fidélité aux valeurs qu'ont honorées les philosophes des Lumières et ceux qui, comme nous, continuent de s'y référer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons est, en dépit de son intitulé anodin, l'une des plus authentiquement réactionnaires – au sens premier du terme – qu'il nous ait été donné d'examiner sous cette législature.
En effet, il s'agit, non seulement de porter le coup de grâce aux IUFM après un méthodique travail de sape entrepris depuis cinq ans, mais encore de revenir à des dispositions antérieures à 1833 ! Permettez-moi un bref rappel historique, qui nous fait d'abord revenir sous le règne de Louis-Philippe 1er. Lorsque, sous la monarchie de Juillet, Guizot, ministre de l'instruction publique – qui n'était pas, jusqu'à plus ample informé, un grand progressiste –, fait adopter un texte qui commence à organiser l'enseignement primaire, il impose la création, pour chaque département, d'une école normale d'instituteurs. Je le cite : « Il faut tâcher de former de bons maîtres d'école et pour cela, messieurs, des écoles normales primaires sont indispensables. […] Aussi, nous vous proposons d'établir une école normale primaire par département. »
Évidemment, les lois Ferry, votées de 1879 à 1882, vont, par la création initiale d'une école laïque, gratuite et obligatoire, amplifier très nettement la création des écoles normales. Ces dispositions ont été encore améliorées par les textes votés dans l'immédiate après-guerre, et de nombreux textes législatifs adoptés sous la Ve République par des majorités dites de droite ont renforcé et allongé la formation des maîtres.
Ainsi, en 1969, on a fort opportunément porté d'un à deux ans la durée de la formation, selon les préconisations du plan Langevin-Wallon. Vingt ans plus tard, avec la création des IUFM en 1989, la majorité de gauche et le ministre de l'éducation nationale d'alors, Lionel Jospin, ont voulu rapprocher la formation professionnelle, jusqu'alors cloisonnée, de ces différents corps d'enseignants intervenant dans le même domaine de l'enseignement obligatoire, primaire et secondaire.
Ce rapprochement avait pour objectif de tirer au niveau de la formation des enseignants les conséquences de l'unification de fait du système scolaire : collège unique, scolarisation obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans, développement de l'accès au baccalauréat. Ce n'est donc pas un hasard si les différents gouvernements Fillon, depuis cinq ans, s'en prennent aux IUFM – n'est-ce pas, monsieur le rapporteur, qui me semblez bien dissipé par Mme Coutelle ! (Sourires)
Ce n'est pas un hasard, disais-je : en réalité, c'est justement parce qu'une partie de l'actuelle majorité souhaite revenir sur le collège unique, censé être une lubie de soixante-huitards, alors même que le collège unique a, je le rappelle, été voulu et créé sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, par son ministre de l'éducation nationale, René Haby.
La création des IUFM n'a pas été sans susciter des débats voire des controverses plus ou moins biaisés par des considérations politiques, psychologiques et idéologiques sur le fait de savoir si la transmission des connaissances ne prendrait pas le pas sur l'action éducative. Je ne peux que m'inscrire en faux contre cette vision caricaturale des IUFM. Pour avoir moi-même enseigné les lettres classiques durant une dizaine d'années à l'université et dans un IUFM, je peux témoigner de la nécessité de cette institution, pour perfectible qu'elle fût, pour appréhender le métier d'enseignant dans toute sa complexité.
Loin de remettre en cause la prééminence, pour les futurs enseignants, des savoirs universitaires, les IUFM y ont associé différentes formes de formation initiale et continue, ainsi qu'une réelle préparation à l'entrée dans un métier – ce qui, pour vous, semble, à lire votre texte, quantité négligeable.
La proposition de loi fait passer par pertes et profits toutes formes de formation spécifique, toutes formes de stage, bref, toute qualification digne de ce nom. Loin d'être ce simple ajustement technique que vous avez évoqué en commission, monsieur le rapporteur, elle nie en fait la réalité d'un métier que vous connaissez pourtant bien, si je ne m'abuse. Votre texte, en effet, est plus inquiétant pour ce qu'il ne dit pas que pour ce qu'il dit. Les quelques amendements que vous avez consenti à adopter en commission ne changent rien sur le fond. Votre proposition de loi réactive les idées, contenues dans votre précédent rapport, dont les conclusions avaient été presque unanimement rejetées par les membres de la commission des affaires culturelles.
Si nous adoptions ce texte, le métier d'enseignant serait la seule profession dépourvue de véritable formation initiale et continue. Pourtant, nous savons tous que la formation pédagogique évite bien des écueils dans la conduite d'une classe. Un enseignant, même surdiplômé, se retrouve fort dépourvu devant un public mouvant, pour lequel l'immuabilité illusoire des savoirs ne saurait suffire. Dans l'acte d'enseigner, l'excellence universitaire, la possession de diplômes, pour nécessaires qu'elles soient, ne sont pas suffisantes. Nous savons tous que, malgré un parcours universitaire identique, les enseignants n'exercent pas tous le même métier, tant la diversité des classes est grande.
Comment, avec une formation aussi allégée, un jeune enseignant peut-il faire face à cette diversité et fournir un enseignement efficace et réellement utile aux élèves ? Nous connaissons tous des exemples, dans nos circonscriptions, de situations qui troublent même des enseignants chevronnés. Je pense notamment à des classes de cours préparatoire aux effectifs chargés, dont les élèves peuvent être de vingt-six nationalités différentes, et auxquels les enseignants doivent apprendre à lire. Comment un enseignant novice peut-il se tirer d'une telle situation ?
Nous savons tous aussi, mes chers collègues, monsieur le rapporteur – un rapporteur décidément très bavard qui m'oblige à faire comme en classe ! (Sourires) – qu'au-delà de la transmission des savoirs, les enseignants ont toujours joué un rôle éminent dans l'apprentissage de la socialisation et de la citoyenneté. Alors que certains modules d'IUFM étaient dédiés à la défense de l'égalité entre les filles et les garçons, à la lutte contre la violence, il n'est pas évident que la seule bonne volonté et la formation universitaire disciplinaire suffisent à procurer des compétences vraiment efficientes.
En abandonnant des enseignants sans expérience devant des classes, vous les condamnez à l'échec – tout comme les enfants. Évoquer la formation – puisque vous nous reprochez souvent de ne parler que de moyens – ne se résume pas à ouvrir un débat sur le coût de l'école, mais amène à s'interroger sur la qualité de l'enseignement dispensé.
Votre proposition de loi, si elle était votée malgré le rapport accablant de la Cour des comptes, conforterait les discriminations et les inégalités sociales.
Enfin, monsieur le rapporteur – qui n'écoutez toujours pas –,...
Pour ne pas parler de blâme voire de conseil de discipline ! (Sourires.)
..ce texte amplifierait la désaffection pour le métier d'enseignant, déjà largement engagée, et l'aggravation des performances médiocres de la France en matière d'éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d'abord faire une remarque sur la forme. À écouter M. le rapporteur défendre sa proposition de loi, j'ai eu l'impression qu'il avouait que la suppression de la formation initiale des enseignants était illégale : en évoquant la nécessité de transcrire, dans la loi, une réforme déjà mise en oeuvre dans la pratique, il reconnaissait pour le moins qu'un passage en force avait eu lieu.
C'est sans la moindre concertation, sans le moindre débat, que le Gouvernement a profondément modifié le système de formation des enseignants dans notre pays. Je constate d'ailleurs que, sur cinq ans de mandat, nous n'aurons eu que deux malheureux petits débats sur l'école dans cette assemblée. Sans compter que, pour prendre celui sur le service minimum d'accueil à l'école, le ministre de l'éducation nationale d'alors, M. Darcos, nous opposait la même fin de non-recevoir à chaque fois que nous voulions élargir le débat à l'éducation nationale en général déjà mise à mal à l'époque, au motif que nos propositions étaient hors sujet.
Voilà aujourd'hui que nous abordons le second, un petit texte – vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le rapporteur –, et même un très petit texte, qui vient légaliser a posteriori une réforme déjà mise en oeuvre.
J'ai cependant noté votre remarque selon laquelle il faudrait patienter encore quelques mois pour définir les modalités pratiques de la formation des maîtres. S'il y a bien quelque chose d'inquiétant pour la formation des enseignants dans notre pays, c'est bien une telle observation ! Elle revient en effet à dire que si une loi est nécessaire pour modifier trois articles du code de l'éducation, il faudra attendre pour ce qui est du contenu réel d'une réforme pourtant déjà mise en application ! Et pendant ce temps, on envoie les jeunes enseignants faire cours devant des classes.
Au-delà de ces remarques de forme, il existe des raisons de fond, déjà évoquées par certains des collègues qui m'ont précédé à la tribune. Pour commencer, la droite n'ayant jamais digéré la mise en place des IUFM au début des années 1990, les ministres de l'éducation de la majorité – M. Darcos, puis M. Chatel – n'ont cessé de les poursuivre de leur vindicte. Votre position n'est cependant pas exempte de contradictions : d'un côté, vous proposez trois articles afin de supprimer les références aux IUFM pour la formation des maîtres, de l'autre, vous vous prévalez de renforcer les IUFM. Comprenne qui pourra !
La deuxième, et sans doute principale raison de fond de la suppression d'une année de formation pour les enseignants, est à mettre au compte de manoeuvres budgétaires. La Cour des comptes a, fort opportunément, rendu public aujourd'hui même un rapport sur le sujet, qui chiffre à 700 millions d'euros l'économie pouvant être réalisée – cette économie initiale se trouvant toutefois réduite du fait de l'adoption de certaines mesures complémentaires. Au bout du compte, la réforme aura fait beaucoup de dégâts et permis peu d'économies.
Le bilan est catastrophique. Vous êtes en contradiction totale avec votre discours habituel : alors que vous ne cessez de vanter la formation par alternance pour tous les métiers, il n'en est plus question lorsqu'il s'agit de la formation des enseignants ! Vous avez mis fin au système qui permettait d'alterner cours théoriques et exercices pratiques devant les classes : désormais, les enseignants passent directement de la théorie à la pratique, sans aucune transition. Vous savez pourtant que placer des enseignants devant des élèves tout de suite après la fin des études universitaires, sans transition, constitue une grave erreur.
La Cour des comptes elle-même a pris la peine de le souligner, en disant que « les objectifs fixés par le code de l'éducation devraient normalement se traduire par une formation particulièrement renforcée en matière de gestion de l'hétérogénéité des niveaux des élèves au sein des classes. Or, selon les circulaires, cette formation ne représentait en 2010-2011 que neuf heures pour les enseignants du second degré et entre six et dix-huit heures pour les professeurs des écoles. » C'est d'autant plus frappant que, comme chacun le sait, la Cour des comptes emploie des mots choisis pour désigner une situation extrêmement préoccupante, à laquelle nombre d'enseignants sont confrontés : le fait de devoir enseigner à des élèves de niveaux et d'aptitudes très différents.
Je conclurai en disant que vous avez malheureusement pris de nombreuses mesures budgétaires du même type au détriment de l'éducation. Il y a eu des suppressions de postes, notamment dans les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté. Il y a eu aussi la suppression d'une année en lycée professionnel, qui, bien qu'on parle très peu, répond à la même logique. Mais la suppression de la formation pour les enseignants en lycée est sans doute la pire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons est un étrange objet législatif, dans la mesure où son examen, a priori justifié par un souci de cohérence juridique, peine à mettre en évidence sa pertinence.
Elle vient en conclusion de la réforme de la formation des enseignants, qui est apparue pour ce qu'elle est, à savoir un expédient pour faire des économies à court terme, sans souci de l'efficacité des conditions de transmission des savoirs et de l'apprentissage du savoir vivre ensemble. Cette proposition vise à faire juridiquement des universités la seule référence en matière de formation des maîtres en tirant la conséquence de l'intégration des IUFM dans les universités. Elle se félicite au passage de l'allongement de la formation initiale – et donc théorique – des maîtres et professeurs. Je reviendrai sur cette assertion qui, sur le papier, paraît améliorer les choses, alors qu'elle marque la fin de l'idée de qualité pédagogique acquise par l'enseignement et le métier même.
De plus, la proposition de loi supprime toute référence au cahier des charges de formation, déjà abrogé par un arrêté ministériel qui a lui-même été annulé par le Conseil d'État en novembre 2011 au motif que le parallélisme des formes n'avait pas été respecté eu égard à la nature même de cet élément structurant prévu par le code de l'éducation.
Les organisations syndicales d'enseignants ne s'y sont pas trompées. Certaines voient dans ce texte la volonté d'enterrer, avant inventaire, la moindre trace des IUFM. D'autres y voient le dernier acte de la fin de la formation professionnelle des enseignants. En fait, derrière la cohérence juridique, se cachent la fin d'un monopole, une absence d'évaluation de ce qu'ont été les IUFM et un défaut de pertinence globale de la réforme de la formation de ceux à qui les familles françaises confient leurs enfants et souvent l'espoir d'un avenir meilleur, pour eux comme pour elles.
En ce qui concerne la question de la fin du monopole de l'IUFM, la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 625-1 du code de l'éducation commence de la façon suivante : « La formation des maîtres est assurée […] notamment par les universités ». Les députés les plus éminents de la majorité à la commission des lois ont souvent condamné le recours à des adverbes, en particulier le terme « notamment ». Je suis surprise de voir que, si la majorité ne veut plus que l'on évoque les IUFM, elle laisse entendre que les universités ne seront pas les seules à assurer la formation. Qui sera alors à leurs côtés ?
Derrière cette formulation lâche – au sens d'une rédaction qui n'est pas resserrée –, se profile, au détour d'une phrase, la fin d'un monopole dont les conséquences ne sont ni clairement affichées ni assumées. Au-delà de la formulation, est posée la question plus fondamentale de savoir si les IUFM, qui sont une composante des universités, ne valaient pas mieux que le sort que leur réserve ce texte, qui, derrière un mobile juridique, veut en finir définitivement avec la formation professionnelle en lien avec l'exercice du métier.
On observe aussi une absence d'évaluation des IUFM et une volonté de ne pas reconnaître leurs ressources. Ces dernières, que les universités ayant intégrés les IUFM ont globalement préservées, ont un double mérite. D'une part, elles existent ; d'autre part, elles constituent un capital social d'expériences et de compétences qui devraient être non pas liquidées mais valorisées.
Il aurait été bienvenu, avant de supprimer les IUFM, d'évaluer sereinement et complètement ce qu'ils ont apporté et ce qu'ils n'ont pu faire. Le législateur se serait honoré en le faisant. Je note d'ailleurs que le rapport Jolion, rédigé à la demande du ministre de l'enseignement supérieur, n'a suscité que peu de réactions officielles. Il évalue pourtant les effets de la réforme dite de mastérisation de la formation des enseignants, que la proposition de loi entend parachever. Je me contenterai de citer son auteur sur un seul point. Selon lui, la réforme « pose la question de la mission des IUFM et, de fait, de leur statut ». […] Tout en étant clairement partie intégrante du système universitaire, [les IUFM] ont une mission territoriale très spécifique qui pourrait mieux s'accorder avec le statut de service commun de formation ou d'école professionnelle externe. Bien sûr, cette modification statutaire d'une part implique l'accord de toutes les universités associées et d'autre part ne doit pas remettre en cause la capacité des IUFM à porter pleinement une oeuvre de formation comme les masters associés au concours de professeur des écoles ».
Ce rapport, qui a fait l'objet de nombreux commentaires dans la communauté éducative, semble tout simplement avoir été perdu de vue ici. Je ne peux m'empêcher de voir derrière le mobile juridique qui sert de justification à cette proposition une volonté idéologique et court-termiste d'en finir complètement avec la formation professionnelle.
En 2006 – c'était hier et pourtant, au vu des réformes menées sans conscience depuis 2007, c'est déjà une autre époque – le Haut Conseil de l'éducation rendait un intéressant rapport sur la formation des maîtres. Il y énonçait qu'un professeur doit être un professionnel de l'enseignement de sa ou de ses disciplines à des groupes d'élèves ; qu'enseigner est un métier et que l'enseignant doit disposer de compétences professionnelles ; que la formation en IUFM doit être en prise sur la réalité scolaire ; que tous les formateurs, quel que soit leur statut, doivent justifier d'une expérience directe ou d'une connaissance des classes d'aujourd'hui.
Depuis deux ans malheureusement, à l'encontre de ce que préconisait ce rapport, l'année de stage en alternance de la deuxième année de formation rémunérée est supprimée. Le nouvel enseignant est donc devant sa ou ses classes sans avoir appris à agir de la meilleure façon face à un élève ou un groupe peu réceptifs, par exemple pour leur aider à comprendre une méthode.
Pour conclure, je ne peux que regretter et dénoncer, comme députée et comme ancienne enseignante, que la formation professionnelle des enseignants, avant et après le recrutement, ne soit pas vue comme un investissement. Or, c'est bien un investissement d'avenir, non seulement pour la transmission des savoirs des différentes disciplines, mais aussi pour la qualité des relations avec les élèves et les familles et pour la motivation à réussir.
Cette seule raison suffit, mes chers collègues, à expliquer pourquoi nous ne voterons pas une proposition de loi qui diminue encore la formation qualifiante de nos enseignants en faisant croire qu'elle la conforte. Avec la suppression des IUFM, nous sommes loin du compte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, enseigner, quel beau métier : c'est transmettre le savoir, donner aux enfants l'envie d'apprendre, stimuler leur curiosité, favoriser leur questionnement, tout mettre en oeuvre pour qu'ils puissent devenir des citoyens éclairés.
Pour enseigner, il faut maîtriser le savoir ; c'est évident. Qui peut penser, d'ailleurs, qu'avec un master, c'est-à-dire une formation à bac plus cinq, un adulte n'aurait pas les savoirs académiques indispensables ? C'est d'autant plus vrai en ce qui concerne l'école primaire. Mais, pour être un bon enseignant, il ne suffit pas de maîtriser les connaissances requises : il faut être en capacité de transmettre le savoir, il faut maîtriser la pédagogie, et cela s'apprend – dans les écoles normales, pendant des décennies, au sein des IUFM depuis une vingtaine d'années –, ou plutôt s'apprenait car les IUFM, ou ce qu'il en reste, ne peuvent plus assurer correctement leur mission pédagogique.
Votre majorité, sur ordre du Gouvernement, poursuit en effet le démantèlement de la formation des futurs enseignants, déjà mise à mal par la suppression de l'année de stage pour économiser 16 000 postes. Depuis la rentrée 2010, les enseignants des écoles, collèges et lycées sont recrutés au niveau master 2, soit bac plus cinq, avec l'objectif d'intégrer la formation des enseignants dans le dispositif LMD. Critiquée par des instances officielles comme la Conférence des présidents d'université, par les syndicats d'enseignants et d'étudiants et par les associations de parents d'élèves, votre politique aggrave la crise du recrutement des futurs enseignants.
Le bilan est sans appel : deux fois moins de candidats au concours de recrutement de professeurs des écoles en 2011 par rapport à 2010 ; l'année de stage en alternance de deuxième année rémunérée a été supprimée et le nouvel enseignant est à plein temps devant une classe, alors qu'il n'aura jamais vu d'élèves auparavant.
Le Conseil d'État, dans une décision du 28 novembre 2011, a en partie annulé l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les compétences à acquérir par les enseignants et conseillers principaux d'éducation stagiaires. Cette décision rétablit de fait l'arrêté du 19 décembre 2006 fixant notamment le temps de service en responsabilité des stagiaires à huit heures par semaine et imposant une formation dans le cadre des IUFM.
C'est donc bien pour contourner les décisions du Conseil d'État et pour éviter d'éventuelles concertations sur le sujet que le ministère de l'éducation nationale a chargé notre collègue Grosperrin de passer en force et de modifier le code de l'éducation en recourant à une sorte de procédure accélérée.
Il ne s'agit pas d'une simple mesure technique pour faire en sorte que le Conseil d'État puisse être satisfait. Ce texte prévoit en effet de supprimer du code de l'éducation toute référence aux IUFM. Il propose de remplacer les mots : « La formation des maîtres est assurée par les instituts universitaires de formation des maîtres » par les mots : « La formation des maîtres est assurée par les établissements d'enseignement supérieur, notamment par les universités ». Ainsi, l'existence des IUFM ne serait plus liée qu'au bon vouloir des universités, elles-mêmes autonomes. Le véritable objectif du rapporteur n'est-il pas de faire disparaître les IUFM et de permettre à des établissements privés de participer à la formation des enseignants ?
Cette proposition de loi prévoit également de supprimer du code de l'éducation la notion de formation professionnelle initiale, ainsi que l'obligation de formation après le recrutement des enseignants. Permettez-moi de vous lire le témoignage d'une enseignante stagiaire : « Je n'ai jamais travaillé comme animatrice ou assistante d'éducation. Je n'avais donc pas vraiment de connaissance des adolescents. J'avais seulement fait un court stage d'observation l'an dernier. Au début de l'année, j'ai donc fait d'énormes erreurs dans la gestion de mes classes. De plus, nous n'avons pas eu de formation au début de l'année. » Cela se passe de commentaires.
La formation repose sur les IUFM. Leur potentiel de formateurs constitue un patrimoine qu'il convient de renforcer. C'est une structure dont il faut mieux définir les contours et les missions dans l'université. Leur disparition serait un nouvel affaiblissement du service public d'éducation et de la formation de ses personnels. C'est pourquoi les directeurs d'IUFM proposent notamment – je ne cite que quelques propositions car le temps m'est compté – de consolider les IUFM comme écoles universitaires professionnelles, de dissocier le recrutement et la formation universitaire des enseignants ou encore de construire un dispositif piloté par la formation et non par le concours.
De nombreux pays européens, dont l'Allemagne, ont réformé leur système de formation des enseignants, afin d'accorder plus de place à l'acquisition des compétences pédagogiques. En mettant fin à la formation pratique délivrée dans les IUFM, notre pays est à contre-courant des réformes engagées en Europe.
Faites donc en sorte, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de rétablir une formation des maîtres digne des enjeux du service public de l'éducation.
Comme le préconise François Hollande, il faut créer 60 000 postes supplémentaires dans l'éducation, qui couvriront tous les métiers. Il faut mettre en place un prérecrutement des enseignants avant la fin de leurs études et rétablir, pour tous, une véritable formation initiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close
La parole est à M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j'essaierai de répondre aux différentes questions qui ont été soulevées et d'apporter des éclaircissements sur ce texte et sa portée.
Vous me permettrez d'abord de vous demander d'excuser Luc Chatel, ministre en charge de ce texte, qui m'a prié de le remplacer. Ces sujets sont certes à l'interface entre l'éducation nationale et l'enseignement supérieur, mais ils sont d'abord portés par Luc Chatel.
Ce texte mérite-t-il toutes les déclarations, les interrogations, les pétitions de principe philosophiques sur l'avenir de l'enseignement et de l'éducation,…
…y compris en revenant aux sources de l'enseignement latin, à l'époque de la Rome antique ? Je n'en suis pas totalement sûr, même si c'est un bel hommage rendu au travail accompli par Jacques Grosperrin avec cette proposition de loi. Vous me permettrez d'ailleurs de rendre moi aussi hommage au rapporteur, puisque ce texte est sobre et efficace.
Il répond à un problème technique d'ordre juridique. Cet aspect a d'ailleurs été abordé par la présidente de la commission, Mme Tabarot, ainsi que par Jean-Marie Binetruy qui connaît très bien ces questions, étant lui-même expert de l'éducation nationale.
De quoi s'agit-il ? Tout simplement de tirer les conséquences d'un arrêt du Conseil d'État – et non, d'ailleurs, d'un avis, si vous me le permettez, madame Faure ; il faut que nous soyons précis. Cet arrêt sanctionne et annule, pour vice de forme, un arrêté du 12 mai 2010. Le Conseil d'État a d'ailleurs souligné au passage des points qui devaient être corrigés dans le code de l'éducation, suite à deux réformes : celle de 2005 et la loi de 2007 sur l'autonomie des universités. Voilà, ni plus, ni moins, de quoi il retourne.
Si vous regardez le texte qui vous est proposé – et ce n'est pas à des experts du travail législatif que je l'apprendrai –, vous conviendrez avec moi qu'il s'agit somme toute, dans cette proposition de loi, de deux modifications qui restent très limitées.
La première consiste dans le remplacement, à l'article L. 625-1 du code de l'éducation, de la référence aux IUFM par « les établissements d'enseignement supérieur, notamment les universités ».
La raison est toute simple : les IUFM sont maintenant intégrées aux universités. Il s'agit donc juste, même si l'on peut rejouer nos débats antérieurs, d'en tirer les conséquences. De ce point de vue, l'amendement présenté par Jacques Grosperrin et adopté en commission clarifie totalement les choses.
Parmi ces établissements d'enseignement supérieur, vous avez ceux qui résultent de la fusion des universités, les écoles normales supérieures – qui, loin de mériter la vindicte de la représentation nationale, incarnent plutôt une certaine conception de la République et de la formation républicaine à laquelle je suis attaché – ou encore le Centre national d'enseignement à distance, le CNED, qui délivre aussi des masters et prépare aussi aux concours. Ni plus, ni moins. Cela me paraît somme toute assez sobre.
Les explications données pour éclairer le travail d'interprétation du texte permettent de lever toute ambiguïté.
Le référentiel suscitant, ensuite, des interrogations, il s'agissait donc – c'est la deuxième modification – de prendre en compte le fait de l'autonomie universitaire. Les rapports entre universités et ministère ne sont pas des rapports de tutelle imposée. Certes, je sais que, sur certains bancs, vous ne faites pas confiance aux universités, et que votre approche ne vous conduit pas à leur permettre de se mouvoir dans le cadre de l'autonomie.
De ce point de vue, l'amendement de Jacques Grosperrin permet de lever toute ambiguïté et de dissiper la crainte d'éventuelles arrière-pensées qui sous-tendraient la proposition de loi. Le travail accompli me paraît intéressant.
Enfin, en modifiant l'article L. 721-1 du même code, l'article 2 de la proposition de loi a simplement pour objet de préciser que les IUFM pourront faire et de la formation initiale et de la formation continue. Je ne suis pas sûr, cette fois non plus, que cela justifie des tombereaux de réactions.
Voilà, c'est tout. Il n'y a rien de plus dans la proposition de loi.
Cela doit-il susciter des inquiétudes quant à l'avenir de notre système éducatif ? Cette proposition de loi justifie-t-elle ce déferlement d'inquiétude sur certains bancs, où elle est présentée comme une catastrophe ?
le texte vise juste à apporter un minimum de sécurité juridique.
Je ne sais pas quelle est votre conception de l'État de droit, mais il me semble que l'une des missions de la représentation nationale est, lorsqu'un arrêt est rendu par le Conseil d'État, d'en tirer les conséquences et de respecter la hiérarchie des normes juridiques. Il ne s'agit donc pas de contourner la jurisprudence du Conseil d'État. Il s'agit, au contraire, de tirer les conséquences de l'annulation, pour un pur vice de forme, d'un arrêté.
Cela dit, je tiens, par simple correction à l'égard de la représentation nationale, à répondre aux différentes questions posées. Je m'attache toujours à le faire.
La première question porte sur l'aménagement du territoire. L'ancien système ne permettait qu'à trente sites d'assurer des formations. Le nouveau système le permet à 500 sur l'ensemble du territoire de la République. Il a donc permis d'offrir beaucoup plus largement sur notre territoire des possibilités d'accès à ces masters qui préparent aux métiers de l'enseignement. Je sais, monsieur Hunault, que vous y êtes très attaché, et c'est une préoccupation que je partage. Je tenais donc à clarifier ce point.
Madame Boulestin, je crois que toutes les garanties vous ont été données par le rapporteur. Il est hors de question pour nous de revenir sur le travail d'amendement fait en commission, a fortiori lorsqu'il s'agit d'une proposition de loi.
Las, monsieur Vaxès, je suis helléniste. Cicéron ne compte donc pas parmi mes références les plus familières.
C'est plutôt Socrate que je citerai. C'est peut-être un peu moins bien, mais Socrate avait pour habitude de dire que la seule bonne manière d'apprendre l'enseignement était de le pratiquer. C'est exactement au coeur de nos préoccupations.
Vous voyez donc que les sources latines et grecques de notre rapport à l'éducation peuvent s'équilibrer.
Je vous remercie, madame Martinel, d'être revenue sur le rapport de la Cour des comptes. Tout d'abord, ce dernier est plus équilibré et souligne que les choses progressent. Ensuite, il s'arrête en 2010.
Il vaut mieux, d'ailleurs, lire les rapports plutôt que les articles qui parlent des articles qui parlent du commentaire du rapport. Lisons donc le rapport pour être plus directement en prise avec les chiffres et la réalité.
Surtout, je me permets de vous donner les derniers chiffres. Si la Cour des comptes est en effet une institution précieuse pour la République, ses rapports n'en sont pas moins toujours publiés avec un petit décalage temporel. La représentation nationale étant plus en phase avec l'actualité, il est du devoir de l'exécutif de lui donner les derniers chiffres, ce que je fais avec plaisir.
Peut-on parler d'une chute d'attractivité, d'une désaffection dont seraient victimes les formations à l'enseignement ? Regardons les derniers chiffres. Pour toutes les formations dans le primaire, on comptait 35 000 inscrits à la session externe de l'année 2011 et 37 161 à la session externe de l'année 2012. C'est en progrès.
Qu'en est-il du secondaire ? En 2011, on comptait 19 000 candidats à l'agrégation contre 22 000 en 2012. C'est une progression dont nous pouvons nous réjouir sur tous les bancs. Quant au nombre de candidats à l'ensemble des formations du secondaire, il était, à la session 2011, de 64 000 et, à la session 2012, de 68 500.
Si l'on additionne l'ensemble de ces chiffres, nous parvenons à un effectif de 99 000 candidats à la session 2011 et de 105 700 à la session 2012.
Cela montre – je pense que toute la représentation nationale peut s'en réjouir – qu'après une phase de transition, nous pouvons maintenant parler d'un retour d'attractivité. C'est assez logique : nous sommes passés d'une formation de licence à une formation de master, et après une année de transition, les chiffres repartent à la hausse. D'ailleurs, qui, ici, souhaiterait revenir sur l'élévation de la qualification universitaire des enseignants, sur la mastérisation ?
et je vous remercie de souligner cet aspect positif de la réforme. Je reconnais votre objectivité à cet égard et vous remercie de souligner que cette réforme comporte des aspects intéressants et importants.
Madame Karamanli, je vous sais particulièrement attachée à ces questions, particulièrement à leur dimension européenne. L'élévation au niveau master s'intègre dans le processus global de Bologne, qui nous importe. Cela permet d'insérer l'ensemble de notre système dans cette logique.
S'agissant de l'alternance, sachez, Monsieur de Rugy, que les formations en alternance dans le supérieur sont en hausse de 20 % depuis cinq ans. Je suis particulièrement convaincu de la pertinence de ce système. N'oubliez d'ailleurs pas que la formation aux métiers de l'enseignement comporte, dès la deuxième année de master, un stage, et qu'elle se poursuit ensuite par un exercice de fonctionnaire-stagiaire accompagné par un tuteur. Tout est perfectible, on peut évidemment continuer à travailler sur ces questions – je crois que c'est la volonté de Luc Chatel, qui s'est beaucoup investi –, mais je crois que l'on peut reconnaître que ces formations sont bien destinées à améliorer la professionnalisation.
J'aurai ainsi resitué la proposition de loi dans son contexte. Elle ne mérite sûrement ni excès d'honneur ni excès d'indignité. Cela permettra à la fois à Socrate, Cicéron, Saint-Just, Voltaire et Rousseau, ainsi que Charles X, de dormir tranquilles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires culturelles.
Je demande une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et de la Gauche démocrate et républicaine.)
Tout cela parce que vous êtes minoritaires dans l'hémicycle ! Ce n'est pas très glorieux !
Discussion générale
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 9 février 2012 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure dix.)
J'appelle, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, premier orateur inscrit sur l'article 1er.
L'article 1er de la proposition de loi supprimant la référence aux IUFM dans la formation des maîtres, c'est donc l'occasion de faire le bilan de l'action du Gouvernement.
Vous laissez l'enseignement dans une situation dramatique, puisque la France régresse dans tous les classements et que l'école est devenue plus inégalitaire si l'on en croit l'évaluation Pisa – le programme international pour le suivi des acquis des élèves. Les élèves issus des classes populaires sont moins nombreux dans les universités et les grandes écoles, résultat qui contraste avec celui des pays scandinaves ou de l'Allemagne. Quand cette dernière, que vous donnez tant en exemple, a régressé dans les évaluations Pisa, elle a élevé le niveau de la formation des maîtres ; c'était donc vraiment une évolution en sens inverse de la nôtre.
Tout le monde s'accorde à considérer que, pour lutter contre la crise et le chômage, il est nécessaire d'accroître la formation initiale, voire la formation tout au long de la vie. Seuls les enseignants échapperaient à cette règle : voilà qui est un peu étonnant !
Enseigner – plusieurs l'ont dit – est un métier qui s'apprend. Je vous imagine, les uns et les autres, après un master, passer toute une journée dans une classe d'école maternelle, tenir une classe de CP et apprendre à lire aux élèves ! Vraiment, je vous invite, mes chers collègues, à essayer. Allez donc dans un collège. Je vous mets au défi – M. Couanau s'imagine très bien la situation pour avoir été lui-même un directeur des écoles – de tenir ne serait-ce qu'une journée !
Monsieur le ministre, même si cela ne vous plaît pas, le calendrier est particulièrement cruel pour votre texte puisque la Cour des comptes dresse dans son rapport annuel un bilan sans appel de votre réforme. Il est même sanglant ! Celle-ci « soulève aujourd'hui des questions de fond sur l'organisation de la formation initiale, sur l'attractivité du métier d'enseignant et sur l'adéquation de ce nouveau dispositif aux grands objectifs assignés au système éducatif », qui ne sont pas atteints. Elle évoque une « carence des outils de suivi et de pilotage ». C'est un double échec grave, qui prive la France du levier indispensable à l'amélioration de ses performances.
Vous nous avez donné des chiffres, monsieur le ministre, mais vous avez pris ceux qui vous arrangeaient, c'est-à-dire ceux de 2011 et de 2012, oubliant ceux de 2010. Or, il y avait alors 160 000 candidats aux concours. Ils n'étaient plus que 97 000 en 2011, vous l'avez dit, et, s'ils sont à peu près 100 000 en 2012, il en manque encore quand même 60 000 ! C'est une dramatique chute des inscriptions aux concours. Dans certaines disciplines, il y a autant de places que de candidats, ce ne sont plus des concours !
La diminution du nombre d'inscrits aux concours est la preuve que ce métier n'a plus aucun attrait pour les jeunes Français, parce qu'il est devenu trop difficile et qu'il faut l'exercer sans filets, sans préparation. Comme le souligne la Cour des comptes, les tuteurs suivent parfois de jeunes professeurs enseignant dans deux ou trois établissements différents, ce qui compromet grandement l'efficacité du tutorat.
La formation des maîtres est un acte majeur. On ne peut donc la brader et faire tout et n'importe quoi. C'est pourquoi la mastérisation ne doit pas être purement théorique.
Vous le savez bien pour l'avoir vécu, monsieur le rapporteur, la meilleure formation s'effectue devant des élèves, pendant des périodes de stage en observation, puis durant un stage en alternance, avant d'être confronté à la réalité. Avouez que cette formation vous a rassuré, conforté, enrichi, vous a donné des atouts pour la réussite dans votre activité professionnelle. « Enseigner n'est pas un art, mais un métier qui s'apprend et dont la pratique doit aussi être accompagnée » écrit Jean-Michel Jolion dans son rapport.
Aujourd'hui, à l'article 1er, le texte de la proposition de loi précise que la formation des maîtres serait assurée « notamment » par les universités, ce qui signifie ouvertement que cette formation ne serait plus uniquement de leur seule responsabilité.
Quel est votre objectif, monsieur le rapporteur ? Voulez-vous faire disparaître les IUFM pour permettre à des établissements ou officines privés de participer à la formation des enseignants ? L'adverbe « notamment » doit être supprimé afin de maintenir l'indispensable équité nationale quel que soit le lieu de formation.
L'université doit rester chargée de la formation des enseignants dans toutes ses dimensions, universitaires et professionnelles. C'est le lieu idéal de la création, de la recherche en éducation, de la transmission de savoirs avec une réelle volonté d'insertion professionnelle.
La Cour des comptes vient d'adresser un carton rouge à la réforme des enseignants, qui est un vrai désastre. La Cour confirme que cette réforme a considérablement dégradé la formation et donc le niveau des enseignants.
À force d'improvisation et de cynisme, le Gouvernement n'aura finalement obtenu qu'un seul résultat : creuser plus encore la dette éducative de notre pays.
Monsieur le ministre, à ce stade du débat, permettez-moi de poser quelques questions centrales.
La nouvelle formation des enseignants, la mastérisation, répond-elle aux besoins de formation pratique, professionnelle, pédagogique, des enseignants ? La réponse est unanime, tant de la part des enseignants ou du rapporteur lui-même, qui a dénoncé les défauts de la formation, que de la part de la Cour des comptes, qui aujourd'hui même a démontré que les objectifs initiaux de la réforme n'étaient pas atteints. Nous sommes en train de suivre une voie à rebours des autres pays européens qui sont eux-mêmes revenus sur la formation des enseignants, pour y introduire davantage de formation professionnelle et pratique.
Il ne s'agit pas pour nous, monsieur le ministre et cher ami Binetruy, de nier l'importance de l'université. Ce n'est pas à quelqu'un qui, le premier, a ouvert les écoles normales sur l'université, que l'on apprendra l'importance du rôle de l'université et de l'allongement des études universitaires. Mais, sans formation pratique, cela ne sert à rien.
Bien sûr, quelques-uns – les meilleurs – s'en tireront. Il faut aussi prendre en compte la faculté d'adaptation au métier, que chacun connaît. Mais la plupart ne recevront pas cette formation fine de connaissance de l'enfant et des méthodes pédagogiques.
Par ailleurs, les IUFM ont-ils un rôle à jouer dans la formation pédagogique des professionnels ? L'université elle-même peut transmettre le savoir, mais ne peut, à elle seule, transmettre la façon de transmettre le savoir. Il faut donc faire appel à des spécialistes. La France serait-elle l'un des seuls pays où l'on n'apprendrait pas aux enseignants à exercer leur métier ? Les IUFM ont bel et bien un rôle à jouer. Peut-être fallait-il les réformer, peut-être devaient-ils subir certaines évolutions, mais on ne réforme pas en supprimant purement et simplement. Or la proposition de loi ne précise nullement ce que sera leur rôle.
Ce texte était-il nécessaire maintenant ?
Il l'était si l'on a l'idée de verrouiller. Pour ma part, j'ai plutôt celle de construire quelque chose qui profite aux générations à venir. Chaque année, monsieur le ministre, ce sont 15 000 enseignants qui ne reçoivent plus de formation pratique et pédagogique, et il faut déjà multiplier ce chiffre par quatre années. Si nous perpétuons ce système, si nous n'innovons pas tout de suite, il faudra encore ajouter une année, ou plusieurs ! Vous imaginez les dégâts que cela peut entraîner tant chez les élèves que chez les enseignants.
Ce texte ne s'imposait pas en ce moment, ni même pour répondre au Conseil d'État. Celui-ci avait demandé qu'une large concertation fût ouverte aux fins de réparer les erreurs qui avaient été commises par manque de coordination entre les deux ministères.
J'ai une quatrième question à poser, monsieur le président, et, si vous m'autorisez à déborder un peu, je serai ensuite plus bref pour présenter mes amendements.
Monsieur le ministre, pourquoi persévérer dans l'erreur ? Voilà quatre ans que nous vous signalons tous, ou presque tous – en tout cas quelques-uns de ce côté-ci de l'hémicycle –, les fautes qui ont été commises, les erreurs qui n'ont pas été réparées. Voilà quatre ans que nous tirons la sonnette d'alarme. Faudra-t-il encore la tirer longtemps avant que le Gouvernement prenne conscience qu'il est temps de reconnaître ses erreurs et de changer de voie ?
Voilà ce que nous espérions, ce soir, du grand maître de l'université, car, monsieur le ministre, l'investissement éducatif repose sur les ouvriers de la première heure, ceux qui ont en main l'école maternelle, l'école primaire, le collège, le lycée. Comment pourrez-vous développer les universités sans des professionnels avertis de toutes les données de leur métier ? Tel est le sens de notre plaidoirie. Ce n'est pas une question de lutte politique, mais une question grave, importante pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous ne sommes pas opposés à une réforme des IUFM : il s'agissait d'une bonne idée à construire, mais certainement pas à détruire. Or c'est ce que vous êtes en train de faire.
Lorsque vous nous dites que vous ne voulez pas ouvrir la formation des maîtres à des instituts privés, je veux bien croire que vous êtes de bonne foi, et je le pense même très sincèrement. Mais c'est pourtant bien ce qui se passera, dès lors que vous introduisez l'adverbe « notamment » dans le texte. Si vous aviez voulu réserver cela aux seuls instituts publics, vous auriez écrit « les établissements publics d'enseignement supérieur », et non pas uniquement « les établissements d'enseignement supérieur ». Vous ne l'avez pas fait. Ainsi, même si vous ne le voulez pas, vous ouvrez la porte de la formation à n'importe quoi.
Je reviendrai sur la question essentielle de la formation des enseignants à propos des amendements à l'article 2.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 2 , 5 et 9 , tendant à supprimer l'article 1er.
Sur le vote de ces amendements identiques, je suis saisi par le groupe SRC d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. René Couanau, pour présenter l'amendement n° 2 .
Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir laissé parler tout à l'heure un peu plus longuement. Je ne m'étendrai donc pas sur cet amendement.
Monsieur le ministre, la Cour des comptes écrit aujourd'hui même ce que nous disions depuis longtemps : l'élément fondateur de la réforme a été la volonté de supprimer les 10 000 équivalents temps plein qui servaient à la formation pédagogique des stagiaires.
Le coût calculé par la Cour des comptes est de 370 millions d'euros. Monsieur le ministre, pour 370 millions d'euros d'économies, l'État est peut-être en train de sacrifier l'avenir d'un certain nombre de jeunes scolarisés, voire de compromettre la carrière professionnelle d'un certain nombre d'enseignants. Je ne peux pas l'accepter, et c'est pourquoi je propose la suppression de l'article 1er.
La nouvelle rédaction de l'article L. 625-1 supprime par deux fois les mots « instituts universitaires de formation des maîtres » et le contenu de leur mission. Étrange manière de renforcer leur rôle !
Nous n'avons jamais nié que l'université avait un rôle important à jouer et nous lui faisons confiance. Mais j'insiste sur les compétences, les savoir-faire, les savoir-transmettre des maîtres formateurs des IUFM. Leur disparition du texte est un moment fort : il s'agit bien de les éradiquer.
Dans le même article, vous supprimez l'avis du Haut Conseil de l'éducation, et vous introduisez l'adverbe « notamment » qui ouvre la porte à des établissements publics, mais aussi et surtout à des établissements privés.
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour soutenir l'amendement n° 9 .
L'article 1er retire aux IUFM la responsabilité de former les maîtres, pour la confier aux établissements d'enseignement supérieur, « notamment » aux universités. Nous estimons qu'il s'agit d'un prétexte à la dissolution pure et simple des IUFM, et surtout de leur rôle de formation pédagogique et pratique.
Nous contestons aussi l'utilisation de l'adverbe « notamment ». Vous nous expliquez que nous n'avons pas bien compris, mais nous pensons qu'il pourrait permettre de confier la formation des maîtres à des organismes privés. Le 19 janvier dernier, monsieur le rapporteur, vous déclariez en commission : « Bien sûr, des officines privées pourront être tentées d'investir le créneau, mais elles ne seront jamais habilitées par le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. » Et vous ajoutiez : « L'ouverture au privé relève du fantasme, il n'y a aucune crainte à avoir. » Il ne s'agirait en fait que d'inclure des établissements comme l'ENS de Cachan.
Mais des établissements privés se sont déjà spécialisés dans la formation théorique des maîtres, tel Forprof, qui prépare déjà au concours de professeur des écoles publiques, ou l'Institut libre de formation des maîtres, qui développe ses propres certifications et examens, lesquels donnent accès à l'enseignement au sein des écoles du réseau « Créer son école ». Ces entreprises, qui jouent sur la crainte d'être mal formés qu'éprouvent les jeunes stagiaires ou sur leur désarroi face à une classe, proposent une formation continue, du coaching, pour tous les niveaux.
L'article 1er abroge aussi ce qui ne fonctionnait pas trop mal, le principe de l'alternance entre la formation théorique et la formation pratique, et prévoit surtout de se passer de l'avis du Haut Conseil de l'éducation, c'est-à-dire d'un cadrage national. Pourquoi voulez-vous absolument que le Haut Conseil de l'éducation n'ait plus d'avis à donner sur la formation des enseignants ?
C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 1er.
Cet article procède avant tout à un toilettage technique. À ce jour, le code de l'éducation ne tenait pas compte du nouveau contexte d'universitarisation.
Les amendements de suppression sont motivés par le fait que la proposition de loi exclurait les IUFM du dispositif de formation ou ouvrirait la porte à des opérateurs suspects. C'est inexact.
Premièrement, la proposition de loi ne supprime pas les vingt – je dis bien « vingt » – articles du code de l'éducation consacrés aux IUFM et je ne comprends pas d'où vient l'affirmation selon laquelle ce texte aurait pour objectif de faire disparaître les instituts.
Deuxièmement, si le texte prévoit d'acter la suppression de l'année de formation en alternance en IUFM, la formation des enseignants est en pratique organisée sur trois ans, c'est-à-dire pendant les deux années de master, avec l'organisation de stages pratiques accompagnés et en responsabilité, et pendant l'année de stage au cours de laquelle les enseignants stagiaires suivent une formation complémentaire équivalente à un tiers de leur obligation réglementaire de service.
Concernant, troisièmement, l'intervention d'autres établissements que les universités, la rédaction adoptée par la commission est la plus claire et la plus sûre. Elle reconnaît le rôle premier des universités.
C'est pourquoi nous émettons un avis défavorable à ces amendements.
Concernant cet article, permettez-moi de rappeler que la modification proposée tend à abroger le quatrième alinéa de l'article L. 721-1 qui dispose notamment que « dans le cadre des orientations définies par l'État, les instituts universitaires de formation des maîtres conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants », et à supprimer au cinquième alinéa le mot « continue ». Autrement dit, la formation initiale et continue des enseignants disparaît alors que, figurant dans le code de l'éducation, elle marquait le rôle des IUFM.
Si vous prétendez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous ne voulez supprimer ni la formation initiale et continue des enseignants ni les IUFM, je ne vois pas pourquoi vous faites une proposition de loi pour supprimer ces alinéas !
Vous me direz qu'au fond, c'est faire entrer dans la loi ce qui existe déjà. Vous avez parfaitement raison, sauf que ce qui existe déjà, c'est justement ce que nous contestons comme d'ailleurs la Cour des comptes elle-même qui, si elle ne conteste pas formellement, donne un avis sur ce point. Des études ont en effet été publiées sur la formation des maîtres telle qu'elle est dispensée aujourd'hui et telle que vous voulez la faire entrer dans la loi, et cela en force puisque vous légiférez pour revenir sur un arrêt du Conseil d'État.
Quelle est la réalité aujourd'hui ? Tout le monde l'a dit, à l'exception de quelques orateurs de la majorité que l'on a réveillés pour venir voter ce soir…
Permettez-moi, monsieur le ministre, de citer le rapport de la Cour des comptes, qui est très net s'agissant du manque de qualité de la formation des maîtres. La Cour indique en effet que près de 70 % des enseignants recrutés n'ont eu absolument aucune expérience de l'enseignement avant leur prise de fonction à plein-temps, qu'ils sont souvent affectés en zone difficile, parfois sur plusieurs établissements, qu'ils sont obligés en outre d'effectuer des heures supplémentaires, et qu'ils ont été très peu, voire pas du tout accompagnés.
Ces jeunes étudiants et futurs enseignants ont certes une qualification disciplinaire de bonne qualité et personne ici n'a contesté le fait de pousser jusqu'au master la formation universitaire des étudiants. Ce n'est pas la mastérisation qui est contestable. C'est, à partir de cette élévation de la formation des futurs maîtres, l'absence totale de formation professionnelle. Or, toutes les études internationales démontrent que la qualité de l'enseignement et, par conséquent, la qualité de la formation des élèves pour lesquels cet enseignement est fait, dépend en grande partie, sinon en totalité, de la formation professionnelle des enseignants.
M. le ministre Chatel est allé au Danemark et en Finlande. Il a voulu nous faire croire que ces pays étaient des modèles en matière d'éducation. Or, dans ces pays qui réussissent en matière éducative, l'élément presque essentiel de la réussite des élèves, de leur égalité dans la réussite et de la progression du système éducatif, c'est précisément la formation professionnelle des enseignants. C'est pourtant cette formation que vous supprimez, en faisant graver cette suppression dans le marbre au moyen de votre proposition de loi contre l'avis de tous, que ce soient les chercheurs en pédagogie – il est vrai que vous n'aimez pas beaucoup la recherche pédagogique – ou les enseignants eux-mêmes.
Je veux bien que, à l'exemple de M. Hunault, nous ayons tous ici, dans un grand mouvement, des paroles de reconnaissance pour les enseignants. Mais que l'on ne commence par alors par supprimer la formation professionnelle ! L'appliquer à de jeunes étudiants, certes, très forts dans leur discipline, mais désarmés devant des élèves de plus en plus hétérogènes – je ne dis pas difficiles – et de plus en plus demandeurs, c'est les envoyer au casse-pipe – pour employer une expression un peu triviale. C'est mépriser ces étudiants, la fonction enseignante et les élèves pour lesquels ils auraient dû être formés.
Voilà pourquoi nous sommes contre cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
J'ai déposé cet amendement pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées pour l'ensemble du texte.
Était-il vraiment opportun de glisser dans la proposition de loi cet article 2 qui écarte les IUFM de la formation continue ? De même que la formation initiale des enseignants était « justifiée » à la base par le ministère, par l'obole qu'il devait verser à Bercy sous la forme de postes de stagiaires, la formation continue des enseignants suppose – il ne faut jamais l'oublier – des postes de remplacement. Or, sur quoi a-t-on fait porter l'effort au ministère de l'éducation nationale, ces dernières années, pour ajuster les crédits selon la règle du non-remplacement, laquelle se révèle en définitive inefficace et inopportune ? Sur la suppression des postes de stagiaires, sur la limitation des postes de remplacement, sur la limitation du nombre d'enfants de l'âge de deux ans à trois ans dans les maternelles et sur la suppression des réseaux d'aides – alors que l'on dit par ailleurs qu'il faut tous les moyens pour personnaliser l'enseignement et pour aider les élèves en difficulté ! On marche sur la tête pour des raisons purement financières ! Je me devais de rappeler la gravité de tels agissements.
La parole est à Mme Monique Boulestin, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Je tiens à revenir, avec cet amendement, sur la suppression du mot « continue » dans l'article 2.
Nous insistons sur la nécessité d'une formation continue tout au long de la vie. Nous l'avons déjà dit, le métier d'enseignant – car il s'agit bien d'un métier – serait le seul à ne pas pouvoir bénéficier d'une formation complémentaire, d'une remise à niveau – appelons-la comme on veut – tant disciplinaire que pédagogique, en fonction de l'évolution de la société ou de la recherche universitaire. Les enseignants en ont besoin pour garder ce plaisir d'enseigner dont j'ai déjà parlé. Car, ne l'oublions pas, il s'agit tout de même d'avoir la charge de plusieurs générations d'élèves et d'étudiants, et ce, pendant plus de trente ans. Ce renouvellement est absolument nécessaire si nous voulons garder l'enseignement de qualité dont nous continuons à être fiers en France.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l'article 2.
L'article 2 supprime du code de l'éducation les références aux formations initiale et continue des maîtres.
Avec cet article, l'État renonce à définir des orientations en termes de formation. C'est la fin de tout cadrage. Chaque université construira librement sa maquette de masters. Chaque recteur définira les priorités en fonction des budgets académiques consacrés à la formation continue qu'il souhaite donner à la formation des enseignants stagiaires. Depuis la mastérisation, l'année de fonctionnaire stagiaire, vous le savez, est appelée « formation continuée », terme qui a été inventé pour supprimer la formation initiale présente dans la loi.
La suppression du mot « initiale » entérine donc celle de la formation pendant l'année de fonctionnaire stagiaire telle qu'elle existait auparavant, et la suppression du terme « continue » permet de globaliser l'ensemble des formations et affaiblit le rôle de l'IUFM dans les formations initiale et continue.
La suppression des IUFM, qui est encore confirmée dans l'article 2, annule toute possibilité de penser la formation de la maternelle jusqu'à l'université. Comment penser aujourd'hui que le métier d'enseignant peut se priver de la formation continue à l'heure de l'explosion des connaissances que nous vivons depuis plusieurs années ?
C'est ce qui motive notre demande de suppression de l'article 2.
Défavorable, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 65
Nombre de suffrages exprimés 65
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 30
Contre 35
(L'article 2 est adopté.)
Pourriez-vous recompter les votes à main levée, monsieur le président ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La majorité s'est exprimée on ne peut plus clairement et le vote qui a suivi a été dans la continuité du vote obtenu par scrutin public.
Un vote par scrutin public n'est pas le même qu'un vote à main levée ! On ne peut le transférer ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai très bien compté, mon cher collègue. Je l'avais d'ailleurs déjà fait avant même le scrutin public. Les choses sont on ne peut plus claires.
La parole est à M. Yves Durand, inscrit sur l'article. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, deux députés n'ont pas de délégation de vote : on ne peut donc transférer sur le vote d'un article à main levée, les résultats d'un vote par scrutin public !
Si, monsieur le président. Simplement j'ai cru comprendre qu'il y avait quelques doutes sur le vote intervenu précédemment. Je puis bien sûr prendre la parole pour justifier notre demande de suppression de l'article 3, mais je serais au regret de sortir de l'hémicycle avec un doute sur le vote de l'article 2. Cela m'empêcherait de dormir sereinement, et je tiens à la qualité de mon sommeil !
Mon cher collègue, il n'y a aucun doute sur le vote intervenu à main levée.
Après le scrutin électronique, est intervenu le scrutin manuel, lequel a abouti à un vote par groupe – mis à part le cas de notre collègue Couanau – on ne peut plus clair.
Je ne suis pas un spécialiste comme vous, monsieur le président, des votes électroniques et encore moins d'ailleurs d'électronique, mais il m'est apparu qu'il n'y avait pas eu de totale concordance entre le vote électronique et celui à main levée.
Je vous rappelle, mon cher collègue, que vous avez la parole sur l'article 3.
Je la prends donc, mais pour vous demander s'il y aurait un inconvénient à revenir sur le vote, puisqu'il y a une contestation.
On ne revient pas sur les votes, mon cher collègue. Poursuivez.
Vous demanderez un vote électronique sur le prochain article.
Je reviens avec la sérénité nécessaire sur l'article 3 qui, comme les autres articles, supprime des éléments essentiels du code de l'éducation. Je développerai, hélas, la même argumentation avec la même force et la même inquiétude que pour les deux précédents articles.
Pourquoi sommes-nous ici cette nuit ? Telle est la question que je me pose en abordant cet article 3. On nous affirme que ce texte est uniquement technique, ce que nous contestons tous. Il est, en effet, profondément politique, car il remet en cause la formation des enseignants, donc la conception même que l'on se fait de l'enseignement, par conséquent de l'école. C'est donc tout sauf un texte technique, lequel pose de nombreux problèmes, comme le prouve la réaction des enseignants eux-mêmes et notamment de leurs représentants. Alors que les syndicats enseignants ne sont en général pas tous d'accord sur la formation des professeurs, vous avez d'ailleurs réussi, ce qui est presque une gageure, à ce que cette proposition de loi fasse l'unanimité contre elle dans les rangs des syndicats enseignants !
Proposer au Parlement, à quelques semaines d'une échéance majeure, un tel texte qui remet en cause la formation des enseignants, qui inscrit dans la loi une formation contestée par tous, c'est affronter, avec tous les risques que cela comporte, la communauté éducative et, au-delà, les parents, et c'est aussi, permettez-moi de vous le dire, se moquer quelque peu du Parlement !
Une fois de plus, nous demandons la suppression de cet article, comme d'ailleurs de l'ensemble de la proposition de loi.
Lorsque l'on compare les dégâts que cette destruction de la formation initiale a provoqués chez les enseignants et à l'école avec les économies comptabilisées dans le rapport de la Cour des comptes et sur lesquelles vous vous êtes appuyés pour tenter de justifier cette réforme, on ne peut que comprendre qu'il est temps de revenir au bon sens. Alors que vous allez entrer en campagne électorale, vous auriez tout intérêt, si je puis me permettre ce conseil, à retirer ce texte, car s'il vous fera du mal – mais là n'est pas l'essentiel –, il en fera surtout à l'école ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'article 3 supprime le quatrième alinéa de l'article L. 932-3 du code de l'éducation aux termes duquel les professeurs des disciplines technologiques ou générales reçoivent une formation soit dans leurs établissements, soit dans les IUFM. Cela signifie que la formation, après recrutement, y compris dans les IUFM, est bien supprimée ! C'est la preuve par neuf de ce que nous expliquons depuis le début de cette discussion !
Ce texte a pour objectif de supprimer le rôle de l'IUFM, donc l'établissement lui-même. Je demande, en conséquence, la suppression de cet article qui abroge, lui-même, un alinéa d'un article fondamental du code de l'éducation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Cet article, en supprimant l'obligation de formation après le recrutement, par concours, des étudiants stagiaires et personnels enseignants, fait disparaître les IUFM du champ des possibles formateurs. En conséquence, nous demandons également sa suppression.
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour soutenir l'amendement n° 11 .
Cet article supprime l'obligation de formation après le recrutement et fait très clairement disparaître les IUFM du champ des possibles formateurs. Il ne prévoit aucune obligation de formation, après le concours, des professeurs qui enseignent des disciplines technologiques. En effet, il est clairement mentionné que, pour ces enseignants, seule l'obligation de stages en milieu professionnel est maintenue, ce qui va, bien sûr, dans le sens de l'affaiblissement de toute formation professionnelle, donc de l'éclatement des corps.
C'est ce qui explique également notre amendement de suppression de l'article. Nous attendons des réponses du rapporteur et du ministre.
Avis défavorable ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Les raisons sont les mêmes que celle précédemment détaillées.
Il s'agit d'un amendement de conséquence déposé sur un texte dont j'ai souligné les inconséquences !
Nous avons achevé l'examen des articles.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi, auront lieu le mercredi 15 février, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, jeudi 9 février 2012 à neuf heures trente :
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc sur l'assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des condamnés ;
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relative à l'approvisionnement de la Principauté de Monaco en électricité ;
Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité ;
Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de l'élimination des situations d'urgence ;
Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la mobilité des jeunes ;
Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la mobilité des jeunes ;
Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Nigeria ;
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l'approbation des amendements à l'article 1er et à l'article 18 de l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ;
Ces huit textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 103 ;
Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire ;
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Jacques Pélissard visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 9 février 2012, à zéro heure cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron