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Intervention de Yves Durand

Réunion du 8 février 2012 à 21h30
Formation des maîtres — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Durand :

Concernant cet article, permettez-moi de rappeler que la modification proposée tend à abroger le quatrième alinéa de l'article L. 721-1 qui dispose notamment que « dans le cadre des orientations définies par l'État, les instituts universitaires de formation des maîtres conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants », et à supprimer au cinquième alinéa le mot « continue ». Autrement dit, la formation initiale et continue des enseignants disparaît alors que, figurant dans le code de l'éducation, elle marquait le rôle des IUFM.

Si vous prétendez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous ne voulez supprimer ni la formation initiale et continue des enseignants ni les IUFM, je ne vois pas pourquoi vous faites une proposition de loi pour supprimer ces alinéas !

Vous me direz qu'au fond, c'est faire entrer dans la loi ce qui existe déjà. Vous avez parfaitement raison, sauf que ce qui existe déjà, c'est justement ce que nous contestons comme d'ailleurs la Cour des comptes elle-même qui, si elle ne conteste pas formellement, donne un avis sur ce point. Des études ont en effet été publiées sur la formation des maîtres telle qu'elle est dispensée aujourd'hui et telle que vous voulez la faire entrer dans la loi, et cela en force puisque vous légiférez pour revenir sur un arrêt du Conseil d'État.

Quelle est la réalité aujourd'hui ? Tout le monde l'a dit, à l'exception de quelques orateurs de la majorité que l'on a réveillés pour venir voter ce soir…

Permettez-moi, monsieur le ministre, de citer le rapport de la Cour des comptes, qui est très net s'agissant du manque de qualité de la formation des maîtres. La Cour indique en effet que près de 70 % des enseignants recrutés n'ont eu absolument aucune expérience de l'enseignement avant leur prise de fonction à plein-temps, qu'ils sont souvent affectés en zone difficile, parfois sur plusieurs établissements, qu'ils sont obligés en outre d'effectuer des heures supplémentaires, et qu'ils ont été très peu, voire pas du tout accompagnés.

Ces jeunes étudiants et futurs enseignants ont certes une qualification disciplinaire de bonne qualité et personne ici n'a contesté le fait de pousser jusqu'au master la formation universitaire des étudiants. Ce n'est pas la mastérisation qui est contestable. C'est, à partir de cette élévation de la formation des futurs maîtres, l'absence totale de formation professionnelle. Or, toutes les études internationales démontrent que la qualité de l'enseignement et, par conséquent, la qualité de la formation des élèves pour lesquels cet enseignement est fait, dépend en grande partie, sinon en totalité, de la formation professionnelle des enseignants.

M. le ministre Chatel est allé au Danemark et en Finlande. Il a voulu nous faire croire que ces pays étaient des modèles en matière d'éducation. Or, dans ces pays qui réussissent en matière éducative, l'élément presque essentiel de la réussite des élèves, de leur égalité dans la réussite et de la progression du système éducatif, c'est précisément la formation professionnelle des enseignants. C'est pourtant cette formation que vous supprimez, en faisant graver cette suppression dans le marbre au moyen de votre proposition de loi contre l'avis de tous, que ce soient les chercheurs en pédagogie – il est vrai que vous n'aimez pas beaucoup la recherche pédagogique – ou les enseignants eux-mêmes.

Je veux bien que, à l'exemple de M. Hunault, nous ayons tous ici, dans un grand mouvement, des paroles de reconnaissance pour les enseignants. Mais que l'on ne commence par alors par supprimer la formation professionnelle ! L'appliquer à de jeunes étudiants, certes, très forts dans leur discipline, mais désarmés devant des élèves de plus en plus hétérogènes – je ne dis pas difficiles – et de plus en plus demandeurs, c'est les envoyer au casse-pipe – pour employer une expression un peu triviale. C'est mépriser ces étudiants, la fonction enseignante et les élèves pour lesquels ils auraient dû être formés.

Voilà pourquoi nous sommes contre cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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