Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jacques Grosperrin

Réunion du 8 février 2012 à 21h30
Formation des maîtres — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Grosperrin, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui n'a qu'un but : modifier trois articles du code de l'éducation qui, dans leur rédaction actuelle, confient la formation des maîtres aux instituts universitaires de formation des maîtres, alors que la réforme dite de la mastérisation a donné cette mission aux universités.

Dans le modèle antérieur de formation, les enseignants étaient recrutés au niveau de la licence ou de la maîtrise pour les agrégés. Pendant leur stage probatoire, ils effectuaient une année de formation en alternance entre les établissements et les IUFM où ils étaient initiés, pendant les deux tiers de leur service, à la pratique de l'enseignement.

La réforme a allongé et unifié la formation des maîtres. Les professeurs des écoles et les professeurs des lycées et collèges, certifiés et agrégés, sont désormais recrutés à bac + 5, au niveau du master, diplôme obtenu dans la majorité des cas à l'université. La France s'est mise au diapason européen en faisant le pari que l'université, qui forme déjà les médecins et les juristes, saura préparer les étudiants au métier d'enseignant.

Citons la première proposition de la conférence des directeurs d'IUFM qui figure dans sa contribution destinée aux candidats à l'élection présidentielle : « C'est l'université qui doit être en charge de la formation des enseignants et ce, dans toutes ses dimensions, universitaires et professionnelles. En effet, l'université est le lieu de création et de transmission des savoirs et a pour mission l'insertion professionnelle ». La CDIUFM réitère ce postulat dans sa troisième proposition où il est question de « confier à l'université la formation des enseignants dans toutes ses dimensions, académiques, professionnelles et de recherche. »

Depuis la rentrée 2010, les admis aux concours sont directement affectés en établissement et bénéficient au cours de leur année de stage d'une formation complémentaire dite continuée, organisée par l'université et équivalente à un tiers de l'obligation réglementaire de service.

Les articles du code de l'éducation ne tiennent pas compte de ce contexte renouvelé. L'article L.625-1 dispose que la formation des maîtres est assurée par les IUFM qui accueillent à cette fin les étudiants préparant les concours et les enseignants stagiaires admis à ces concours. Dans le même esprit, l'article L.721-1 indique que les IUFM « conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants », cette disposition faisant référence à l'année de formation en alternance qui n'est plus organisée.

Les modifications proposées par la proposition de loi ont donc un double objet. En premier lieu, il s'agit d'affirmer que la formation des maîtres est désormais assurée par les établissements d'enseignement supérieur, notamment par les universités. À cette fin, ces établissements accueilleront en formation les étudiants, les prépareront aux concours et participeront à la formation complémentaire des enseignants stagiaires admis à ces concours.

Sur ma proposition, la commission a adopté un amendement qui ferme la porte à toute interprétation du texte pouvant laisser croire que des opérateurs de toute nature pourraient s'approprier le dispositif de formation.

Dans mon esprit, la rédaction initiale de l'article 1er, qui utilisait une formulation très ouverte, se référait aux formations proposées par les écoles ou les autres établissements d'enseignement supérieur. En effet, je n'ai jamais, je dis bien jamais, voulu confier la formation à d'autres établissements que ceux-là. Aussi, pour lever tout risque d'ambiguïté, la commission a opté pour une rédaction plus claire et irréprochable sur le plan juridique.

Pourquoi viser les établissements d'enseignement supérieur ? Parce que cette catégorie permet d'englober les différents types d'établissements qui délivrent des masters « enseignement » : les écoles normales supérieures mais aussi les grands établissements comme l'université de Lorraine.

Ces établissements ont été habilités par l'État à dispenser de telles formations. Les universités jouent effectivement le rôle premier – la quasi-totalité d'entre elles participant à la mastérisation – mais elles le font aux côtés d'autres acteurs qui accueillent des milliers d'étudiants et qui ne sauraient être ignorés.

Par ailleurs, la rédaction initiale de la proposition de loi ne consacrait pas explicitement l'élévation du niveau de qualification universitaire des enseignants au diplôme du master. C'est chose faite, l'article 1er faisant expressément référence aux masters orientés vers les métiers de l'enseignement.

En mentionnant ces masters, nous confirmons l'exclusion des officines privées du dispositif de formation. Si celles-ci peuvent aider des étudiants à préparer les concours, elles ne dispensent pas des formations habilitées par l'État.

Deuxième objet de cette proposition de loi : acter la suppression de l'année de formation en alternance, qui n'est plus organisée aujourd'hui. Dans le même temps, elle précise que les IUFM « participent à la formation des personnels enseignants. »

C'est reconnaître que les universités s'appuient désormais sur les IUFM pour organiser les actions de formation des enseignants, que cette formation soit initiale pour les étudiants, complémentaire pour les enseignants stagiaires ou continue pour les titulaires. Ainsi, le texte que nous examinons aujourd'hui étend la compétence d'opérateur des IUFM à l'ensemble de la formation des enseignants. Par conséquent, il conforte les IUFM au lieu de les fragiliser.

S'agissant du cadrage de la formation des maîtres, actuellement assuré par un cahier des charges, le texte initial de la proposition de loi prévoyait d'y substituer un référentiel. En choisissant ce terme, je voulais tenir compte de l'esprit de la loi LRU du 10 août 2007 qui a renforcé l'autonomie des universités.

C'était sans doute juste sur le plan des principes, mais les auditions que j'ai organisées m'ont permis de constater que la communauté enseignante demande un cadre plus détaillé et prescriptif de l'offre de formation. La commission a entendu cette demande et, à mon initiative, elle a adopté un amendement rétablissant la notion de cahier des charges, juridiquement plus adaptée au caractère régalien de la politique de formation des maîtres.

La décision du Conseil d'État du 28 novembre 2011, largement évoquée la semaine dernière en commission, conduit à faire revivre un arrêté interministériel de 2006 qui limite à un tiers de leur service les obligations d'enseignement des enseignants stagiaires. Cependant, le Conseil a sursis à statuer sur la date d'effet de cette décision.

Certains se réjouissent à l'idée que le nouveau dispositif de formation et de recrutement pourrait s'effondrer sous l'effet des recours formés par les enseignants effectuant leur stage cette année. Pour ma part, je ne souhaite pas que les 3 300 professeurs des écoles stagiaires et les 7 800 enseignants du second degré stagiaires de l'année 2011-2012 vivent une situation d'insécurité juridique. Vouloir le contraire, c'est faire preuve d'irresponsabilité.

Dans l'immédiat, je vous propose de légiférer pour prendre acte de la responsabilité première des universités dans la formation des maîtres. Et je vous invite à patienter quelques mois pour que nous redéfinissions ensemble, après les grandes échéances politiques, les modalités pratiques de cette formation qui sont largement perfectibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion