COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 1erdécembre 2010
La séance est ouverte à dix heures trente.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission, puis de M. Christian Kert, vice-président)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend M. Philippe Bélaval, directeur général des patrimoines au ministère de la culture et de la communication, Mme Marie-Christine Labourdette, directrice, chargée des musées au ministère de la culture et de la communication, accompagnée par M. Bruno Saunier, sous-directeur du département des collections, M. Alain Seban, président du Centre Pompidou, M. Alfred Pacquement, directeur du musée national d'art moderne du Centre Pompidou, Mme Anne Baldassari, présidente du musée national Picasso, accompagnée par M. Hervé Cassagnabère, directeur général du musée national Picasso, M. Dominique Viéville, directeur du musée Rodin, M. Vincent Pomarede, directeur du département des peintures au musée du Louvre, Mme Yannick Lintz, chef du service du récolement des dépôts « antique » et « islam », du musée du Louvre, et M. Yves Badetz, conservateur au musée d'Orsay.
Mesdames, messieurs, mes chers collègues, qu'il me soit d'abord permis de souhaiter la bienvenue à une délégation de femmes parlementaires qui effectuent une visite de travail dans le cadre du Programme des Nations unies pour le développement. Je salue ainsi nos collègues qui viennent de Mauritanie, du Burundi, de Djibouti, de Tunisie, du Maroc et d'Algérie. Très honorée par leur venue, je leur souhaite, après qu'elles auront assisté à l'ouverture de nos travaux, une bonne continuation de leur programme de travail.
Notre Commission est également heureuse de souhaiter la bienvenue aux représentants des institutions culturelles les plus prestigieuses de notre pays, qui ont bien voulu accepter notre invitation de participer à une table ronde sur le thème de la gestion des collections des musées nationaux.
Je salue donc :
– pour le ministère de la culture et de la communication, M. Philippe Bélaval, directeur général des patrimoines, Mme Marie-Christine Labourdette, directrice, chargée des musées, et M. Bruno Saunier, sous-directeur du département des collections ;
– pour le Centre Pompidou, M. Alain Seban, président, et M. Alfred Pacquement, directeur du Musée national d'art moderne ;
– pour le Musée national Picasso, Mme Anne Baldassari, présidente, et M. Hervé Cassagnabère, directeur général ;
– pour le Musée Rodin, M. Dominique Viéville, directeur ;
– pour le Musée du Louvre, M. Vincent Pomarède, directeur du département des peintures, et Mme Yannick Lintz, chef du service du récolement des dépôts antiques et des arts de l'Islam ;
– enfin, pour le Musée d'Orsay, M. Yves Badetz, conservateur.
Nous avons souhaité organiser cette table ronde pour mieux connaître la façon dont nos musées valorisent désormais leurs collections – celles qui sont présentées au public de manière continue et celles qui se trouvent dans les réserves.
Nous avons vu ces derniers mois éclore des initiatives qui témoignent d'une volonté de gestion dynamique des collections. Dans le même temps, de grands projets aboutissent ou se poursuivent dans le sens du rayonnement des musées français à l'international. Au sein même du territoire, le Centre Pompidou-Metz est un grand succès et Le Louvre-Lens est attendu avec impatience.
Nous voyons donc se dessiner une nouvelle ère pour nos musées avec la démultiplication des lieux de présentation des collections, une dynamique de visibilité internationale, des mises en commun fructueuses pour le montage d'expositions, toutes choses pour lesquelles nous serons attentifs à ce que nous entendrons ce matin.
Nous allons donc vous demander, mesdames, messieurs, d'exposer brièvement les axes que vous privilégiez en matière de gestion des collections, sachant que nous sommes désireux d'approfondir ce qui fait l'originalité de chacune de vos institutions.
Vous nous présenterez vos projets et vous nous direz comment vous répondez à ces impératifs que sont la démocratisation de l'accès à la culture, l'aménagement culturel du territoire, la valorisation des collections françaises sur le plan international et la coopération avec les institutions étrangères.
En qualité de responsable, sous l'autorité du ministre de la culture et de la communication, de la politique nationale patrimoniale, je tiens à souligner le bien-fondé d'une table ronde sur la gestion des collections. La politique de prêt et de dépôt est une composante essentielle de la politique nationale des musées telle que l'État entend la poursuivre. Or, la politique nationale des musées ne se résume pas à créer de nouveaux établissements – à ce titre nous avons plusieurs projets en cours, dont le plus important est le MuCEM à Marseille – ni à accompagner l'investissement des collectivités territoriales en faveur de leurs musées, objet du plan Musées que le ministre a annoncé en septembre. La politique nationale des musées consiste à promouvoir une gestion des collections qui permette au plus grand nombre d'y accéder.
Même s'il faut réfuter la légende selon laquelle des dizaines de milliers d'oeuvres de grande valeur ou d'un grand intérêt dormiraient dans les réserves des musées, il n'en demeure pas moins que la gestion des collections des musées les plus importants permet d'alimenter et de compléter, à la faveur d'opérations ponctuelles, les collections de musées de taille plus réduite, ce qui leur permet d'enrichir leur projet scientifique et culturel. Cette politique des dépôts est une arme essentielle, que l'État utilise depuis longtemps et qu'il entend utiliser encore.
Notre politique en matière de dépôts comporte trois axes.
Le premier a trait à la valorisation des dépôts par les musées dépositaires. Depuis plusieurs décennies en effet, le Louvre et certaines autres institutions déposent une partie de leurs oeuvres dans différents musées de nos régions. Mais ces dépôts ne sont pas toujours valorisés comme ils le mériteraient, et s'ils l'ont été lors du dépôt, certains ne le sont plus. C'est la raison pour laquelle nous entendons revisiter rapidement les musées qui détiennent les dépôts les plus anciens pour nous assurer qu'ils les intéressent toujours, afin, si ce n'est pas le cas, de prévoir des redéploiements et d'en faire bénéficier d'autres institutions.
Un dépôt n'est en aucun cas une relégation d'oeuvres de second plan auxquelles nous entendons renoncer. Il correspond au contraire à une logique scientifique et culturelle et permet de compléter les collections existantes du musée dépositaire. Si cet objectif est perdu de vue, il ne faut pas hésiter à remettre en cause le dépôt.
Le deuxième axe de notre politique, qui n'est nullement contradictoire avec le premier, porte sur la poursuite et l'amplification de la politique de transfert aux collectivités territoriales des dépôts les plus anciens, la loi permettant de transférer aux collectivités responsables des musées la propriété des oeuvres mises en dépôt avant 1910. Le législateur a en effet considéré qu'après plus de cent ans de dépôt, l'oeuvre s'est agrégée aux collections permanentes du musée et le public s'y est accoutumé.
Cette politique a déjà donné des résultats substantiels puisque 113 villes et deux conseils généraux ont pu bénéficier d'un transfert de propriété, pour un nombre total de 5 365 biens culturels. La ville qui en a le plus tiré avantage est Toulouse, qui a obtenu le transfert de 572 oeuvres, preuve que l'État et les musées nationaux ne font preuve d'aucun malthusianisme pour procéder à ces transferts.
Nous souhaitons poursuivre cette politique, ce qui suppose l'accord des collectivités dont les positions sont contrastées – mais nous sommes toujours disposés à engager un dialogue sur cette question.
Le troisième axe consiste à encourager de nouveaux dépôts dès que les collections de l'État s'accroissent de manière significative. Ainsi, lorsque le musée d'Orsay a reçu récemment la très importante collection Meyer, une partie des peintures a été déposée à Aix-en-Provence ; autre exemple symbolique, le dépôt des plâtres originaux du Monument aux bourgeois de Calais de Rodin à la Ville de Calais.
Cette politique permet au réseau des musées de France de bénéficier du rayonnement des musées nationaux et, à côté des grands projets comme le Centre Pompidou-Metz et le Louvre-Lens, que nous soutenons de tout notre coeur, elle permet un aménagement culturel du territoire efficace.
L'État a confié au Centre Pompidou le soin de conserver une collection qui lui appartient et qui retrace l'histoire des arts visuels depuis 1905, dans les disciplines qui vont de la peinture à la sculpture, à la photographie, au cinéma, en passant par l'architecture et le design. Cette collection est très vaste puisqu'elle compte 65 000 oeuvres, dont un peu moins de 6 000 peintures et à peu près autant de sculptures.
La gestion la plus dynamique possible de cette collection est une préoccupation constante du Centre Pompidou en même temps qu'une affaire d'intérêts bien compris, car cette collection est le socle de son rayonnement, aussi bien en région qu'à l'étranger.
Le premier aspect de cette gestion dynamique se situe dans le bâtiment même de Piano et Rogers. Nous nous attachons à renouveler régulièrement la présentation de la collection permanente, car une collection est à la fois un objet d'études pour les historiens d'art et un motif de visite pour le public. L'histoire de l'art du XXe siècle est un chantier permanent. Renouveler la présentation permet aux historiens d'art et aux conservateurs de poser de nouvelles hypothèses, d'ouvrir de nouvelles perspectives et d'offrir de nouvelles lectures.
En 2006, nous avons présenté l'exposition « Le mouvement des images », qui relisait l'histoire des arts visuels à travers le cinéma. En 2009, nous nous sommes lancés dans une entreprise inédite, qui a eu un grand retentissement dans le monde des musées, avec l'exposition « Elles », dont l'objet était de ne présenter, pendant plus de deux ans, que les artistes féminines de la collection contemporaine. Cette proposition a suscité l'intérêt des visiteurs puisqu'elle a permis d'augmenter de 21 % la fréquentation moyenne quotidienne des collections permanentes.
Nous avons pour objectif le renouvellement biennal de la totalité de l'accrochage sur les deux étages du musée, de 7 500 m2 chacun, en alternant le renouvellement des collections contemporaines et des collections historiques. Cette année, à l'occasion de l'ouverture du Centre Pompidou-Metz, nous avons inauguré une nouvelle présentation des collections modernes et, au printemps prochain, nous proposerons une nouvelle lecture de la collection contemporaine.
La collection est un outil privilégié de notre action décentralisée. Le Centre Pompidou, depuis son origine, a l'ambition de s'inscrire dans le territoire français. C'est Michel Guy qui disait devant votre Assemblée, en défendant le texte qui allait devenir la loi n° 75-1du 3 janvier 1975 portant création du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, que le Centre Pompidou serait la « centrale de la décentralisation ». Cette formule souvent reprise est quelque peu obsolète, mais cette préoccupation d'une action décentralisée reste très présente. C'est pourquoi nous menons une politique active en matière de prêts et de dépôts, avec plus d'un millier de prêts consentis chaque année aux musées régionaux et des expositions dites hors les murs, que nous avons initiées pendant la période, particulièrement active, de fermeture du centre. Nous avons poursuivi cette politique avec l'exposition Gaudier Brzeska au musée d'Orléans en 2009, avec l'exposition Étienne Martin cette année à Vannes, et l'an prochain nous présenterons au musée de Grenoble une exposition consacrée à Chagall et à l'avant-garde russe.
Quant au Centre Pompidou-Metz, il est le premier exemple de décentralisation d'une grande institution culturelle. Il a ouvert ses portes le 17 mai 2010 et lundi dernier nous franchissions le seuil des 560 000 visiteurs. Nous envisageons la possibilité d'atteindre, voire de dépasser le million de visiteurs dès la première année d'ouverture. Ce succès considérable va au-delà de nos espérances et de celles des collectivités territoriales qui sont nos partenaires dans cette aventure : la Ville de Metz, la communauté d'agglomération de Metz Métropole, la région Lorraine et le département de la Moselle.
Le Centre Pompidou-Metz est un lieu d'exposition dépourvu de collections. Ses 5 000 m2 de surface d'exposition sont principalement irrigués par la collection de Paris. L'exposition inaugurale bénéficie cependant de quelques prêts particulièrement remarquables provenant des grands musées nationaux, notamment le Louvre. Pour le Centre Pompidou, il s'agit d'une importante opération de prêt puisque nous avons prêté pas moins de 800 oeuvres pour l'exposition inaugurale qui a pour objet d'interroger le visiteur sur la notion de chefs-d'oeuvre au XXe siècle, et nous poursuivrons avec une rotation continue d'expositions temporaires qui emprunteront des oeuvres de notre collection ou s'appuieront sur elle, sachant que cela offrira au musée la possibilité d'emprunter des oeuvres à d'autres grands musées, français ou étrangers.
Notre dernier projet est le Centre Pompidou mobile. Ce musée nomade, que nous envisageons d'inaugurer dès la fin de l'année prochaine, est une première mondiale. Il s'agit d'une structure démontable et transportable, conçue pour s'adapter à tout type d'environnement et de terrain, et destinée à présenter le coeur de la collection historique du Centre Pompidou, c'est-à-dire aussi bien de l'art contemporain que des peintres comme Matisse, Picasso, Léger ou d'autres noms illustres du XXe siècle qui sont les artistes phares de la collection.
Le Centre Pompidou mobile se déplacera dans des zones que l'offre culturelle traditionnelle a du mal à pénétrer du fait d'obstacles géographiques – je pense aux nombreuses zones enclavées de nos régions. Nous pensons que présenter nos oeuvres au coeur des territoires, là où vivent les gens, est un signal fort d'ouverture et une excellente façon de créer un désir. Il existe également dans notre pays des zones qui sont éloignées de la culture par des obstacles sociologiques – je pense aux quartiers défavorisés de la périphérie des grandes agglomérations : elles aussi pourront accueillir le Centre Pompidou mobile.
Ce centre, nous l'imaginons accueillant et sans prétention. Son architecture, conçue par Patrick Bouchain dans l'esprit du cirque et de la fête foraine, ne se veut pas impressionnante et n'a pas vocation à faire de ce musée une sorte d'OVNI parisien ou de soucoupe volante luxueuse. À l'intérieur de ce chapiteau, l'environnement sera celui d'un musée, parfaitement sécurisé et répondant aux conditions de conservation des oeuvres. Nous y proposerons une médiation, adaptée à des publics peu familiers des musées, et que nous imaginons conduite davantage par des danseurs ou des comédiens que par des conférenciers professionnels.
La construction de la structure est financée par un certain nombre de mécènes et nous discutons avec les collectivités territoriales, notamment les conseils régionaux, pour déterminer les étapes de l'itinérance de cette structure, qui devrait être inaugurée fin 2011 ou début 2012.
La collection doit également rayonner à l'étranger. Nous allons ainsi inaugurer une exposition consacrée à Mondrian et au mouvement De Stijl alors que nous ne disposions que d'une base très réduite puisque les collections du Centre Pompidou ne conservent que deux oeuvres de Mondrian. Il a donc fallu emprunter à des musées étrangers des oeuvres extrêmement précieuses, ce qui a nécessité des négociations très délicates qu'Alfred Pacquement, directeur du Musée national d'art moderne, et les conservateurs ont menées durant plusieurs années. Ces négociations devraient aboutir à des succès car il existe un réseau de musées détenteurs de collections importantes qui sont des prêteurs réguliers dans le circuit des grandes expositions internationales et qui organisent des expositions en coproduction de manière à créer des complémentarités. C'est ainsi que l'exposition Kandinsky, en 2009, réunissait les trois plus importantes collections publiques d'oeuvres du peintre.
Bien entendu, la position d'un musée dans ce réseau est étroitement dépendante de la force, de la qualité et de l'étendue de sa propre collection. Une collection forte permet aussi de concevoir des expositions entièrement fondées sur la collection, ce qui permet à l'institution de travailler avec des musées qui n'ont pas eux-mêmes des collections suffisamment fortes pour s'insérer dans le réseau. C'est ainsi que le Centre Pompidou a pu défricher de nouveaux territoires, en particulier en Asie – au Japon, en Corée, à Taïwan, à Singapour, à Hong Kong –, mais aussi en Australie, au Canada et dans certains pays d'Europe.
La collection est un actif dont la valorisation participe de la dynamisation indispensable des ressources propres du Centre. Dans le contexte contraint des finances publiques que nous connaissons, nous avons ainsi valorisé nos ressources propres de 50 % au cours des trois dernières années, ce qui représente plus de 10 millions d'euros supplémentaires sur les 110 millions qui sont apportés chaque année à l'établissement. Sur ce surplus de recettes propres, celles que nous tirons des itinérances internationales ont connu la plus forte progression, passant de 930 000 euros en 2008 à 2,7 millions d'euros en 2010. Ces recettes nettes, qui correspondent à un revenu net pour l'établissement, sont très significatives et ont de belles perspectives de croissance. En effet, dans la mesure où partout dans le monde, on construit des milliers de mètres carrés de musées sans avoir les collections pour les remplir, les collections des grands musées européens seront de plus en plus sollicitées.
Mais cette dynamique a une limite, car ce sont toujours les mêmes segments de la collection qui sont demandés. Pour le Centre Pompidou, il s'agit du coeur de la collection moderne. À nous de faire des propositions originales susceptibles de créer du désir à l'égard d'autres segments de notre collection. C'est ce que nous faisons avec les accrochages de la collection contemporaine. Ainsi, l'exposition « Le mouvement des images », créée en 2006, sera présentée à la fin de cette année dans une version réduite à Dortmund, à l'occasion de l'inauguration, après sa rénovation, du Museum Ostwall, dans le cadre de la saison « EssenRuhr 2010, capitale européenne de la culture ». De même, des versions réduites de l'accrochage de l'exposition « Elles » nous sont demandées un peu partout dans le monde, notamment aux États-Unis. Cela montre que des propositions extrêmement contemporaines et à certains égards dérangeantes peuvent trouver des débouchés intéressants.
La question des dépôts m'amène à évoquer deux projets du musée Rodin.
Le premier a trait au dépôt à Calais, en 2008, de 23 oeuvres issues de nos collections, relatives à l'élaboration du Monument aux bourgeois de Calais, dans le cadre d'un partenariat ancien entre le musée et la Ville de Calais. Outre l'importance de l'oeuvre, ce dépôt a donné lieu à une convention entre nos deux institutions et à la relance d'un partenariat en vue de présenter des expositions ou des expositions-dossiers, ce qui suppose le prêt pendant une période de cinq ans d'oeuvres issues des collections du musée Rodin.
Ce dépôt est important pour nous dans la mesure où il acte un partenariat dans le cadre d'une politique de décentralisation. Car c'est bien à la Ville et au musée de Calais que reviennent les initiatives en matière de conception et de réalisation d'expositions pour lesquelles le musée Rodin pourrait être prêteur et collaborateur scientifique en vue de l'élaboration du catalogue.
Le second projet, situé à Salvador de Bahia, est issu d'une convention passée en 2002 entre le ministre de la culture et de la communication français et son homologue de l'État de Bahia. Cette convention a donné lieu, en 2009, au dépôt de 62 oeuvres du musée de Paris à un nouveau musée Rodin, construit dans un bâtiment rénové et mis aux normes par l'État de Bahia. La convention précise que le dépôt résulte d'un accord commun autour d'un projet scientifique et culturel instruit par le musée Rodin de Bahia et prévoit la mise en place au sein de ce musée d'une direction scientifique. Le dépôt est acté pour une durée de trois ans, à l'issue de laquelle un bilan sera fait du partenariat culturel en vue d'éventuels échanges et de l'organisation de manifestations communes et de journées d'études.
J'insiste sur ce partenariat et sur le fait que si cette convention a été signée, c'est qu'elle a été précédée d'une politique, menée par le musée Rodin avec un certain nombre de villes du Brésil, qui a permis de présenter plusieurs expositions : celle de Rio de Janeiro en 1995, qui a attiré plus de 200 000 visiteurs, celle de San Paolo en 1995, qui a enregistré plus de 150 000 visiteurs, et celles de Recife, de Salvador de Bahia et à nouveau de San Paolo.
Au Brésil comme sur le territoire français, les expositions précèdent généralement les partenariats, de la même manière que les expositions hors les murs du Centre Pompidou ont précédé la création du Centre Pompidou-Metz. L'expérience « Les Beffrois de la Culture » organisée par la région Nord-Pas-de-Calais en 2004, à laquelle ont participé les musées qui sont représentés ici, est à ce titre exemplaire. Il s'agissait de douze expositions, organisées dans le respect des normes de conservation et de sécurité, présentées dans des villes ne possédant pas de musée. Ces présentations ont donné lieu à la publication d'un catalogue et ont enregistré une fréquentation importante de plus de 100 000 personnes.
J'insiste sur ce point : les expositions, qui sont des opérations de partenariat avec les collectivités locales ou territoriales – régions, villes, départements – précèdent de véritables opérations de décentralisation.
Cette politique d'expositions et de diffusion est l'une des deux missions principales du musée Rodin, l'autre étant la conservation des collections et des oeuvres. Elle s'inscrit dans le projet scientifique et culturel du musée, dans le contrat de performances du musée et dans le projet annuel de performances du ministère de la culture : il s'agit ici d'encourager les initiatives culturelles locales et de développer les liens entre la politique culturelle de l'État et celle des collectivités territoriales.
En 2009 et 2010, le musée Rodin a organisé une exposition hors les murs à Angers et à Amiens sur le thème du portrait, « La fabrique du portrait ». L'exposition « Matisse & Rodin », en coproduction avec la ville de Nice, fut une grande réussite – elle fut présentée d'abord à Nice dans un souci de décentralisation. Et je pourrais citer d'autres exemples comme l'exposition « Rodin et les arts décoratifs », présentée à Évian en 2009.
Le musée a également organisé une exposition en Espagne, avec dix villes espagnoles, en collaboration avec la Fondation de la Caixa, qui joue le même rôle qu'un organisme public. Cette expérience s'inscrit dans la politique des oeuvres sociales de la Fondation de la Caixa. Depuis 2007, dans le cadre du programme « Arte en la calle », le musée Rodin présente, trois à quatre fois par an et dans de bonnes conditions de sécurité et de conservation, sept oeuvres monumentales. Cette expérience a attiré environ trois millions de personnes.
Je tiens avant tout à vous présenter les excuses d'Henri Loyrette, président-directeur du Louvre, qui n'a pas pu se joindre à nous ce matin. Retenu par le comité de pilotage du Musée du Louvre-Lens, il travaille en ce moment même sur ce dossier avec Daniel Percheron et les élus de la région Nord-Pas-de-Calais, particulièrement sur la question des statuts du futur musée.
Cette coïncidence de calendrier me permet ainsi de mettre l'accent sur ce projet du Louvre-Lens, qui va mobiliser les équipes du musée au cours des prochaines années et qui sera le début d'une histoire entre une région, une ville et notre musée.
Ce projet a été engagé après la décision de Jean-Pierre Raffarin, en 2005, de choisir la ville de Lens pour accueillir le musée. Depuis, nous avons travaillé avec les équipes de la région et de la ville sur ce projet qui entre dans sa phase finale puisque son inauguration est prévue le 4 décembre 2012 – le jour de la Sainte-Barbe, patronne des mineurs. Il nous reste donc deux ans pour terminer la construction du musée, dont les travaux avancent très rapidement.
Ce projet est une chance pour la région Nord-Pas-de-Calais et la ville de Lens pour qui ce projet constitue un levier important sur les plans culturel, pédagogique, mais également social, économique et touristique. Mais ce projet, du fait de sa nouveauté, est également une chance pour le musée du Louvre. C'est en effet la première fois que nous construisons un musée avec des partenaires territoriaux – nous avons plutôt l'habitude, dans le palais historique qui est le nôtre, des rénovations.
Ce projet, qui fait par ailleurs naître de nombreuses interrogations au sein de nos équipes et qui remet parfois en cause certaines habitudes de travail ou certains découpages scientifiques retenus depuis parfois deux siècles, a une triple finalité.
La première tient à l'implantation du Louvre, comme tous les musées nationaux, dans la capitale. Musée de la Nation, sa présence à ce titre sur le territoire est obligatoire. Nous avons donc pensé, et les élus de la région Nord-Pas-de-Calais nous ont suivis, qu'il serait intéressant de débuter une histoire avec une région avec laquelle nous entendons entretenir des liens forts sur le long terme, presque des liens intimes.
La deuxième finalité du projet est de pouvoir faire en dehors du Louvre ce que nous ne pouvons faire dans le cadre du palais. Car si les visiteurs se déplacent autant pour le bâtiment historique que pour les collections, il nous confronte à certaines contraintes et nous oblige à des choix historiques. Par exemple, la présentation de l'histoire des arts par département et par technique est un choix contraignant. Le Louvre-Lens nous permettra d'envisager d'autres manières de présenter les oeuvres, notamment en cassant les chronologies, en les abordant de manière thématique ou en comparant les collections entre elles.
Le Louvre-Lens sera divisé en deux grandes ailes, dont l'une sera consacrée aux expositions temporaires, d'une durée de trois à quatre mois. La première de celles-ci, l'exposition « Renaissance », présentera exclusivement des oeuvres du musée du Louvre, qui prêtera à cette occasion 250 oeuvres. Pour les suivantes, dont la programmation est en cours, nous serons amenés à emprunter des oeuvres du monde entier.
L'autre aile, nommée pour l'instant « l'aile des collections », recevra des prêts de longue durée du musée du Louvre, en respectant deux obligations fortes : d'une part, tous les départements seront concernés et participeront de manière égale, et, d'autre part, le musée devra prêter des oeuvres importantes et pas uniquement des pièces issues des réserves.
Cette aile comportera trois parties : la première, la « Galerie du temps », présentera l'histoire des arts depuis l'antiquité jusqu'en 1848 en mettant en exergue les aires géographiques concernées, ce qui représentera environ 220 oeuvres. La grande majorité de ces oeuvres seront prêtées pour cinq ans. La deuxième partie de l'aile, le « Pavillon de verre », qui comportera environ 80 oeuvres, sera un lieu d'exposition thématique. Quant à la troisième partie, elle sera un parcours de retour permettant de « contextualiser » les oeuvres en expliquant leur valeur d'usage.
Le Louvre-Lens représente un véritable effort pour le musée, mais nous nous attachons à l'accompagner d'une politique de médiation culturelle, d'une politique didactique et pédagogique extrêmement développée, tout en faisant profiter la région Nord-Pas-de-Calais d'un apport touristique. Car nous espérons surtout que ce musée, dont la fréquentation est évaluée à 550 000 visiteurs, attirera un public de proximité et les habitants de la région.
La troisième finalité de ce projet, auquel les équipes du musée sont très attachées, est de nous amener à réfléchir à notre avenir et à rechercher un équilibre dans trois domaines.
Tout d'abord, le choix de présenter des oeuvres qui sont en salle plutôt qu'en réserve nous oblige à trouver un équilibre entre les oeuvres prêtées au Louvre-Lens et celles qui restent à Paris de manière que les visiteurs, étrangers ou habitués, ne souffrent pas de l'absence de certaines oeuvres. Nous réfléchissons donc à la durée des prêts.
Nous voulons ensuite poursuivre notre politique de prêt. Le musée du Louvre prête chaque année plus d'un millier d'oeuvres à des expositions, dont 60 % en France et 40 % à l'étranger. Et nous souhaitons continuer à organiser des expositions, en région et à l'étranger – je pense aux accords de partenariat que nous avons passés avec des villes de taille diverse comme Autun, Arles, Reims, Lyon, qui font l'objet de conventions.
Enfin, notre accord avec la région Nord-Pas-de-Calais ne nous empêchera pas de poursuivre notre politique de dépôt.
Ces trois exigences impliquent une grande rigueur dans la gestion des collections.
Contrairement au Centre Pompidou et au musée du Louvre, le musée Picasso est un petit musée. Sa collection est une petite collection, plus proche de celle du musée Rodin, puisqu'elle comporte 5 000 oeuvres, qui, compte tenu de leur valeur patrimoniale, constituent un trésor à l'échelle de la France, mais aussi à l'échelle mondiale.
Notre première responsabilité en matière d'accès aux collections nationales est de rouvrir le musée Picasso. Fermé depuis l'été 2009, le bâtiment a besoin d'une mise aux normes, d'une rénovation et d'une extension qui permettra de répondre aux demandes du public, en particulier en termes d'accessibilité. Les dernières années ont été particulièrement difficiles, car les ascenseurs étaient en panne et certains accès aux collections étaient impossibles. Ce chantier est notre priorité.
La collection du musée Picasso a été obtenue par dation et par donation dans le cadre de la succession Picasso. La loi sur la dation a permis de réunir au musée une collection sans égale au monde puisque 5 000 oeuvres sont ainsi entrées dans les collections nationales. Elles n'étaient qu'une vingtaine auparavant, essentiellement données par l'artiste et quelques particuliers, notamment au musée national d'art moderne.
La loi sur la dation a été élaborée dans la perspective de la création du musée Picasso qui, depuis, a enrichi ses collections avec une deuxième dation et une politique d'acquisition aussi régulière et ambitieuse que possible compte tenu de la valeur d'acquisition des oeuvres de Picasso sur le marché.
Depuis la fermeture du musée, nous avons créé un centre de réserve en banlieue parisienne et nous menons un grand chantier d'inventaire, de restauration et de numérisation, dans le cadre du plan de numérisation du ministère. De même, nous mettons à profit ces deux années pour effectuer le récolement général de nos dépôts. Au moment de la deuxième dation, le musée Picasso a déposé plus de 300 oeuvres dans les plus grands musées de France. Ces oeuvres restent sur notre inventaire et sous notre responsabilité. Nous présenterons bientôt un bilan au ministère, en l'occurrence à Philippe Bélaval et à Marie-Christine Labourdette et nous tirerons des conclusions concernant les modalités de valorisation, de présentation et de conservation et les protocoles d'enrichissement et de gestion commune, car nous avons constaté que certains points laissaient parfois à désirer.
Le musée Picasso, par sa collection, est au coeur d'un dispositif international majeur. Peu après la présentation de la première dation au Grand Palais, celle-ci a déjà fait un premier tour du monde dans les années 1980 pour être présentée au musée d'art moderne de New York, en Grande-Bretagne et dans divers pays d'Europe.
Le musée Picasso dispose d'une collection réduite, mais mène une politique de prêts ambitieuse. Ainsi, si le centre Pompidou prête près de 3 000 oeuvres par an, le Louvre un millier, le musée Picasso prête entre 800 et 1 000 oeuvres par an, ce qui, compte tenu de la taille de sa collection, est peut-être trop.
Avec l'accord du ministère de la culture, nous conduisons le grand chantier scientifique des collections, qui comprend un plan de restauration et de révision globale de la collection, des opérations de montage, d'encadrement, de changement de format, cela dans la perspective d'une réouverture que nous faisons tout pour hâter. Nous espérons pouvoir ouvrir la première tranche du musée au printemps 2012 et la totalité, y compris l'extension, au début 2014, ce qui triplera les espaces des collections présentées au public et se traduira par le déménagement à proximité d'espaces techniques, notamment les bureaux. Nous considérons en effet que l'équipe du musée n'a pas à occuper un étage du plus bel hôtel baroque du Marais. Mais il est important que cette équipe, constituée de 18 personnes, qui seront lors de la réouverture le noyau actif du musée, avec 90 personnes dédiées à la gestion de la collection et à sa valorisation, puisse travailler à proximité du musée.
Nous pourrons vous présenter plus en détail ce projet de musée – soutenu avec force par le maire du troisième arrondissement –, mais sachez que sa surface a été triplée et qu'un petit bâtiment sera construit le long des jardins publics. En effet, aujourd'hui, la façade du musée située rue Vieille du Temple est quasiment à l'abandon, ce qui constitue une friche urbaine en plein coeur de Paris. Il est temps de redonner sa dignité à cet ensemble patrimonial majeur.
Depuis sa création, le musée Picasso collabore avec tous les grands musées d'art moderne dans le monde. Vous imaginez la pression qui pèse sur ce musée, dont l'extraordinaire collection couvre l'ensemble de l'oeuvre de l'artiste – de 1895 à 1972, quelques mois avant sa mort – dans tous les domaines : peinture, sculpture, papier collé, gravures, estampes, dessins ou constructions, etc. sans compter ses archives, entrées par donation : plus de 200 000 pièces manuscrites, photographies, correspondance, maquettes d'ouvrages, etc. C'est un trésor dont on a à peine commencé la valorisation et dont l'étude demanderait des moyens que nous n'avons pas pour l'instant, mais que nous allons obtenir.
Cette collection qui fascine le monde entier nous soumet à une obligation de prêt, mais elle nous permet aussi de monter de grandes expositions internationales. Depuis 2008, nous avons par exemple présenté une exposition modulaire qui change à chaque étape en s'adaptant au contexte de réception. C'est ainsi que nous avons montré la collection à Madrid, sur 4 000 mètres carrés, avec 420 oeuvres autour de Guernica ; à Abou Dabi, avec 190 oeuvres et un dossier spécial, inédit, dédié aux racines hispano-mauresques de l'oeuvre de Picasso ; à Tokyo, à l'occasion des 150 ans de la présence française au Japon, dans deux expositions, avec près de 300 oeuvres ; à Helsinki, avec 250 oeuvres au coeur d'une exposition sur l'influence de Picasso et du cubisme sur les écoles finlandaises ; et, dans le cadre de l'année France-Russie, à Moscou, au musée Pouchkine, où nous avons accueilli 350 000 visiteurs ; à Saint-Pétersbourg, au musée de l'Hermitage, où 800 000 personnes l'été dernier ont pu admirer environ 250 oeuvres. Aujourd'hui, la collection est présentée dans une autre configuration à Seattle, où nous avons dépassé le pic des 10 000 personnes par jour.
En dix-huit mois, la collection du musée Picasso a donc touché près de 3 millions de visiteurs, l'équivalent de la fréquentation sur six ans du musée Picasso, dans la configuration qui était celle d'avant la fermeture. C'est un effort très lourd pour nous, comme pour le service des musées de France qui nous accompagne dans cette opération majeure. Reste que cette dernière, dont certaines étapes sont encore à venir – à Richmond en Virginie, à San Francisco en Californie, et en Australie – nous permettra, en nous apportant plus de 22,5 millions d'euros, de financer à 50 % le projet de rénovation du musée Picasso.
Comme la presse s'en est fait l'écho, le musée d'Orsay mène, surtout depuis deux ans, une politique d'exposition extrêmement dynamique, grâce à laquelle nous pouvons aujourd'hui financer d'importants travaux, devenus nécessaires dans un bâtiment qui a déjà vingt-cinq ans.
Paradoxalement, nous sommes confrontés à un problème lié à nos dépôts. En effet, beaucoup de nos chefs-d'oeuvre ont été envoyés dans des musées de province à des dates relativement anciennes et sont devenus des pièces identitaires pour certains d'entre eux. Aujourd'hui, nous essayons de faire tourner davantage les dépôts que par le passé, afin de présenter de manière temporaire sur les cimaises du musée d'Orsay quelques pièces qui n'y ont jamais été accrochées. C'est ainsi qu'à l'occasion d'une opération de restauration, nous avons pu montrer le chef-d'oeuvre de Gervex, « Rolla », avant qu'il ne regagne la ville de Bordeaux. Nous avons également procédé à l'échange de quelques dépôts avec la ville de Nice, de manière à recadrer le parcours du musée Chéret. Nous avons l'intention, de manière très ponctuelle, de faire d'autres interventions de cet ordre.
Au musée d'Orsay, le récolement des dépôts est assez complexe, dans la mesure où l'État a envoyé en province, à des dates anciennes, avant que le musée ne soit créé, de nombreuses oeuvres – qui étaient peut-être moins considérées. Mais le musée accueille aussi des dations, dont certaines clauses nous interdisent d'envoyer, même partiellement, certains tableaux en province.
En septembre 2011, nous pourrons rouvrir la totalité du musée et accrocher à nouveau les tableaux des galeries impressionnistes. Les salles sont refaites par M. Willmotte. Nous pourrons redéployer le département des Arts décoratifs du XIXesiècle actuellement un peu à l'étroit, et rouvrir le pavillon Amont qui, sur cinq étages, présentera l'Art and Craft et les écoles étrangères.
La politique globale du musée d'Orsay est évidemment d'aider les musées de province et de travailler en partenariat avec eux. Nous nous félicitons de notre prochaine collaboration avec le musée Bonnard du Cannet et des actions conjointes que nous menons avec le musée de Giverny.
Pour conclure ces propos liminaires, je rappellerai trois idées.
La première est qu'on ne prête bien et qu'on ne dépose bien que ce que l'on connaît. La nécessaire connaissance des collections passe donc par le récolement de celles-ci. La Commission du récolement des dépôts d'oeuvres d'art, présidée, après Jean-Pierre Bady, par Jacques Sallois, travaille sur l'ensemble des dépôts que l'État a fait auprès d'un certain nombre d'institutions en région ou à l'étranger, notamment dans les ambassades. Tous les musées de France ont par ailleurs, depuis la grande loi de 2002 sur les musées de France, l'ardente obligation de réaliser, d'ici à 2014, un récolement décennal. Dans ce cadre, le rapprochement de l'ensemble des inventaires des musées, dépositaires et déposants, permettra d'identifier clairement ce qu'il en est. Il faut savoir que, lorsque l'on parle de collections nationales, on désigne celles d'à peu près 49 musées nationaux, dont 38 sont placées sous l'autorité du ministre de la culture, mais qu'il y a aussi 1 200 musées de France, qui ont chacun leur collection. S'il y a des collections nationales, il y a plus globalement des collections publiques, et les musées de France peuvent travailler et échanger entre eux en dehors du périmètre des musées nationaux.
La deuxième idée est que le musée est un organisme vivant. On travaille toujours sur une dialectique de quatre éléments pour définir un musée : des collections – qu'elles existent par elles-mêmes ou qu'elles aient été déposées par l'État ; un propos scientifique sur ces collections ; une mise en valeur des oeuvres pour les rendre accessibles au public ; enfin, des bâtiments adaptés à la conservation, à la présentation et à la valorisation de ces oeuvres. À ce stade, la mobilisation des collectivités locales et le soutien de l'État sont très importants.
Avec ces quatre éléments, on a un « musée de France ». On doit donc s'interroger sur la manière dont certaines collections répondent au propos scientifique et sur la façon dont le musée va pouvoir évoluer et s'adapter. Ainsi, le musée des musiques populaires de Montluçon, qui rouvrira dans dix-huit mois environ, bénéficiera de la part du MuCEM, musée national qui ouvrira ses portes à Marseille en 2013, d'un important dépôt de 173 instruments de musique. Ces derniers viendront enrichir le propos scientifique du musée de Montluçon de manière finalement très neuve par rapport aux collections dont il pouvait disposer.
La troisième idée est de parvenir à une politique de prêts et de dépôts qui corresponde à de véritables partenariats entre le musée déposant et les musées dépositaires, partenariats évolutifs dans le temps, dans les thématiques et dans les procédures.
Le directeur général des patrimoines a évoqué l'importance des transferts de propriété concernant les oeuvres déposées avant 1910. Il ne s'agit pas du tout d'oeuvres secondaires, puisque certaines villes comme Toulouse, Lille, Amiens, Rouen, Dijon, Tours, Nancy et Saintes, etc. ont bénéficié du transfert d'oeuvres importantes : six Delacroix, deux Mantegna, sept Pérugin, deux Nicolas Poussin, six Rubens, deux Tintoret et trois Véronèse. Il faut voir là une politique délibérée de reconstitution de collections pouvant apparaître, ainsi que le soulignait M. Badetz, comme identitaires.
L'État accompagne par ailleurs des dépôts très particuliers. Vincent Pomarède aurait ainsi pu évoquer le cas remarquable du dépôt, auprès du musée des Beaux-arts de Lyon, du tableau de Nicolas Poussin « La fuite en Égypte ». Le Louvre a mis en effet à la disposition de ce grand musée de province son poids médiatique et son réseau de mécénat pour que cette oeuvre, l'une des plus chères mises sur le marché – 17 millions d'euros – puisse rejoindre ses murs dès qu'elle serait entrée dans les collections nationales. C'est dire que les procédures de travail entre les musées nationaux et les musées de France territoriaux sont extrêmement variées, comme ont d'ailleurs pu le souligner les représentants des musées nationaux ici présents.
S'agissant de la dynamique de la politique de prêts en matière d'expositions, si 50 % des prêts des musées nationaux concernent les musées français, 50 % sont à destination de l'étranger. Les oeuvres sont très sollicitées, ce qui suppose de faire un choix, en permanence, entre les différentes demandes.
Enfin, un travail très important est accompli autour des expositions reconnues d'intérêt national par le ministère de la culture en raison de la très grande qualité de leur propos scientifique et de la remarquable politique des publics mise en oeuvre. Tous les musées, qu'ils soient nationaux ou territoriaux, doivent évidemment conformer leur action à cette phrase d'André Malraux : « Mettre à la disposition du public les plus grandes oeuvres de l'esprit ».
Certains de nos musées, notamment ceux de Paris, ont la hantise des crues de la Seine. En effet, ils se trouvent situés dans des zones inondables, et leurs réserves sont souvent, pour ne pas dire toujours, en sous-sol. Conscients de ce danger, Jean-Jacques Aillagon et Renaud Donnedieu de Vabres avaient lancé une étude sur le sujet et retenu un site, à Cergy-Pontoise, pour abriter les oeuvres d'art menacées. Pouvez-vous nous dire quelques mots de ce projet ?
Par ailleurs, peut-on préciser la proportion des oeuvres qui sont montrées au public par rapport à celles qui sont stockées dans les réserves ?
Enfin, il semble de plus en plus difficile de monter de très grandes expositions compte tenu des coûts prohibitifs engendrés par les transports, mais surtout par les assurances. Qu'en est-il exactement ?
La richesse des initiatives dont on vient de nous parler montre que la gestion dynamique des collections n'est pas une nouveauté, même si elle s'exprime probablement de façon différente avec le temps. Pour autant, l'objectif reste le même : faire en sorte que les oeuvres soient offertes au plus grand nombre.
Lors d'une mission d'information sur les musées réalisée en 2000, dont les propositions ont d'ailleurs été traduites dans la loi relative aux musées de France, deux questions avaient notamment été évoquées. La première portait sur l'incapacité des musées français à franchir les portes de la capitale – nous voyons aujourd'hui que ce n'est plus le cas – tandis que la seconde avait trait à la personnalité juridique des musées nationaux. Si celle-ci semble intéressante, tant il est vrai que les musées concernés expriment une singularité, qu'apporte-t-elle à l'exploitation des collections ? À cet égard, qu'en est-il de la capacité d'initiative des musées ? Quels sont vos rapports avec la Réunion des musées nationaux (RMN) dans cette période de gestion dynamique des collections et dans quelles conditions pouvez-vous exploiter commercialement les oeuvres déposées avant 1910 ?
Certains pensent que le prix des billets devrait baisser, et d'autres qu'il devrait augmenter. Qu'en pensez-vous ? Personnellement, je ne suis pas très favorable à la gratuité des musées, qui coûte très cher à la collectivité. Quant aux expositions temporaires, leur coût très important a-t-il une influence sur la fréquentation ?
Enfin, quelles sont vos obligations et vos orientations en matière d'exploitation commerciale des oeuvres et des lieux ? Les initiatives prises en la matière contribuent-elles à vous donner quelque aisance budgétaire ?
Je tiens d'abord, mesdames, messieurs, à saluer votre engagement, votre ambition et les projets innovants que vous développez.
Ma première question porte sur l'inaliénabilité des collections publiques. Estimez-vous que des risques existent ? Quel est votre point de vue sur les demandes de restitution par les États étrangers ?
La deuxième a trait au projet de loi de finances pour 2011 et à la baisse de 12 % des crédits consacrés aux acquisitions des collections nationales. Dans ces conditions, une politique d'acquisition conforme au rayonnement de la France reste-t-elle possible ? Quant aux moyens humains, seront-ils à la hauteur de vos projets ?
Enfin, ma troisième question porte sur la RMN, dont l'une des missions est de favoriser la fréquentation des musées nationaux et la connaissance de leurs collections. Or, il semblerait selon l'un des indicateurs dits « de mission » présenté dans le projet de loi de finances, que la fréquentation des institutions patrimoniales et architecturales ait stagné voire baissé notamment en 2008 et 2009 pour ce qui concerne les moins de dix-huit ans – je pense là aux scolaires. Cette tendance se confirme-t-elle pour les musées nationaux ? Pourriez-vous nous fournir des chiffres de fréquentation au cours des dernières années, sachant que j'ai noté avec un grand intérêt l'idée, comme celle du Centre Pompidou mobile, d'aller vers les publics ?
Je commencerai par deux constats, le premier étant relatif au marché de l'art. L'Europe en reste le « grenier », mais la France exporte deux fois plus d'oeuvres qu'elle n'en importe. À la foire de Bâle, le nombre des galeries françaises diminue de plus en plus, la FIAC attire moins les galeries anglaises, américaines ou allemandes, et bientôt la Chine dépassera la France en termes de chiffres d'affaires.
Mon second constat a trait aux circuits financiers. Dans l'un de ses rapports, la Cour des comptes remarquait que l'argent public allait davantage aux bâtiments qu'à l'acquisition de collections. Désormais, c'est l'argent privé qui s'investit dans ces dernières. Vous-même, monsieur Seban, préconisez une dynamisation des ressources du Centre Pompidou pour qu'il dépende moins de l'argent public, ce qui suppose l'augmentation de la part du mécénat. Il s'agit selon moi d'une politique ambitieuse et incontournable.
J'en viens à une question sur le « dogme » de l'inaliénabilité des collections. Un de nos collègues, Jean-François Mancel, avait déposé une proposition de loi où il classait les oeuvres d'art en deux catégories : les trésors nationaux inaliénables et les oeuvres libres d'utilisation. Pour sa part, M. Maurice Lévy, dans un rapport sur l'économie de l'immatériel, en 2006, préconisait de donner aux musées la possibilité de vendre ou de louer des oeuvres. Que pensez-vous de ces propositions ?
Je m'interroge également sur la politique de dépôt. Parmi les oeuvres qui se retrouveront à Abou Dabi, certaines ont fait l'objet d'une dation. Pensez-vous qu'un tel dépôt sera conforme à l'esprit des donateurs ?
Quant à la politique des prêts pour les expositions temporaires, un musée national a proposé à la ville de Saint-Louis – dont je suis le maire – de lui prêter des oeuvres, à condition que nous les rénovions à nos frais ! Or, c'est quasiment impossible avec les moyens dont nous disposons. Pourtant, en province, les expositions temporaires sont « la » solution, car les expositions trop longues détournent le public des musées. Encore faudrait-il que les conditions soient supportables sur le plan financier, notamment en raison des frais de transports et d'assurance, comme l'a fait remarquer Françoise de Panafieu.
Une table ronde sur le marché de l'art est prévue dans le courant du mois de janvier. Ce sera l'occasion d'évoquer ce sujet, qui nous intéresse tous.
Gérer de manière dynamique les collections des musées nationaux vous amène, mesdames, messieurs, à prendre nombre d'initiatives, et j'ai trouvé à cet égard vos propos passionnants. Cela dit, la gestion des collections, c'est aussi la gestion des réserves. Or, voilà sept ans, Philippe Richert, dans un rapport du Sénat, avait pu regretter l'absence d'états des lieux, les différences entre les inventaires, ce qui l'avait conduit à évoquer la problématique du récolement des collections. Pour représenter notre Assemblée au Haut conseil des musées de France, je sais qu'un effort est fait. J'aimerais malgré tout savoir où l'on en est dans l'élaboration de normes techniques nationales, et dans leur mise en oeuvre. La situation s'est-elle améliorée ? Que reste-t-il à faire ? Ce n'est pas qu'une question de modernisation, c'est aussi une question de sécurité. Je me souviens de l'émotion de votre prédécesseur, monsieur Seban, apprenant que des oeuvres avaient disparu : on ne savait pas si elles avaient été volées ou stockées dans un endroit inconnu !
J'observe qu'il ne faut pas seulement pouvoir acquérir des oeuvres, mais aussi savoir évaluer les travaux de restauration nécessaires à leur bonne conservation. Disposez-vous des crédits suffisants à cet effet ?
Au moment de l'examen des crédits de la culture, j'avais cité une interview de M. Loyrette dans le journal Les Échos, où il s'alarmait des conséquences de la révision générale des politiques publiques (RGPP) tant au ministère de la culture que dans chacune de vos institutions. Pouvez-vous compter sur des moyens humains suffisants pour réaliser vos ambitions ? La RGPP n'est-elle pas un rouleau compresseur un peu aveugle ?
Je ne reviens pas sur la baisse tendancielle des crédits d'acquisition, qui a conduit à faire appel à une souscription nationale pour compléter l'enveloppe nécessaire à l'acquisition de la fameuse oeuvre de Cranach. Votre devoir de réserve vous empêchera sans doute de nous dire que vos crédits d'acquisition sont insuffisants. Mais c'est une vraie question.
Enfin, les institutions étant incitées à développer leurs recettes propres ne sont-elles pas incitées à privilégier les expositions qui font des entrées, évitant ainsi d'organiser des événements plus difficiles d'accès ou de soutenir des artistes émergents ?
Je me félicite que chaque musée national ait une politique de prêt en province, voire à l'étranger. Mais les collections itinérantes sont aussi une excellente chose, d'autant qu'elles apportent des moyens supplémentaires à nos musées. Que chacun d'entre eux puisse disposer d'une certaine autonomie est également souhaitable, mais le nombre d'entrées ne doit pas en effet être le critère principal.
Par ailleurs, je souhaiterais connaître l'impact réel des prêts des collections en province. Cette année, Lodève, ville de 8 000 habitants, a accueilli l'exposition « De Gauguin aux Nabis » qui avait été présentée en 1993 par le Musée d'Orsay. Cette exposition a eu un succès fou. Ce type d'expérience ne pourrait-il pas être renouvelé ? Existe-t-il une conférence des conservateurs sur le sujet ? Tout le monde ne peut pas faire plusieurs heures de routes pour aller à Toulouse, à Marseille ou ailleurs pour se rendre à une exposition.
Enfin, quelles sont les conditions de prêt de ces oeuvres ? Je pense aussi bien aux conditions financières qu'à l'accompagnement pédagogique destiné aux jeunes publics et au public non averti.
La culture française, ainsi que cette audition le démontre, constitue depuis des siècles l'un des vecteurs majeurs du rayonnement tricolore dans le monde, et on ne peut que s'en féliciter. Pour autant, les musées sont confrontés à une concurrence internationale tout en devant amortir de coûteuses expositions. Victimes de la compression des finances publiques, vous avez besoin de financements privés. Si la culture, ainsi que vous l'avez écrit, madame Baldassari, c'est un point fort, du savoir-faire, des métiers, des élites, elle doit aussi constituer un des fers de lance économiques de notre pays. C'est ainsi que vous avez réussi à modifier le statut juridique du musée pour avoir davantage d'autonomie financière, le faisant passer du statut de service à compétence nationale à celui d'établissement public à caractère administratif. Le directeur du Louvre avait lui aussi mené combat en ce sens, et son établissement a aujourd'hui une autonomie beaucoup plus importante puisqu'il bénéficie de 45 % de dotations de l'État, contre 55 % de ressources propres. J'ai d'ailleurs noté que les expositions itinérantes modulaires, que vous développez à travers le monde, génèrent des revenus importants.
J'en viens à mes questions. En faisant voyager les oeuvres, ne leur fait-on pas prendre des risques inconsidérés ? Reviennent-elles dans leur état d'origine ?
Deuxièmement, j'ai retenu de l'intervention du représentant du ministère, M. Bélaval, que la politique en matière de dépôts comportait trois axes : la valorisation des dépôts dans les départements et les régions ; l'encouragement à de nouveaux dépôts ; l'amplification des transferts vers les collectivités territoriales, ce qui implique l'adhésion des villes et des conseillers généraux. À cet égard, une démarche a-t-elle été engagée avec le département de la Dordogne, dont je suis une représentante au niveau national ?
Pour ma part, je proposerai un quatrième axe : la valorisation des petits musées français, ces 800 musées ayant moins de 20 000 visiteurs par an, évoqués par le ministre de la culture.
La culture française est certainement l'un des vecteurs majeurs du rayonnement de la France. De nombreux chefs d'entreprise aujourd'hui l'associent à leur stratégie internationale. Quelle est donc la part des fondations d'entreprise et du mécénat ? Et qu'en est-il du Centre Pompidou virtuel ? Les techniques virtuelles sont en effet un moyen moderne pour faire connaître notre culture et notre patrimoine français au niveau international.
Merci, mesdames et messieurs pour vos exposés remarquables – qui me permettent d'ailleurs de me féliciter, en tant que Toulousaine, d'une large dotation de la ville.
Pour autant, auriez-vous des recommandations à faire pour donner aux enfants les codes culturels qui leur seraient nécessaires pour entrer dans les musées et en devenir des visiteurs actifs ?
Par ailleurs, comment conciliez-vous l'« hyperfréquentation » du Louvre avec la diminution du budget et, par là même, la diminution des effectifs ?
M. Bloche a évoqué les réserves des musées. Force est de constater que le problème en la matière est moins lié à leur richesse qu'à leur état. D'où ma première question : les réserves des musées tiennent-elles plus de la caverne d'Ali baba ou du bric à brac ?
Ma deuxième question porte sur la connaissance, par les musées, de la consistance de leur patrimoine. En un mot, les musées connaissent-ils scientifiquement leurs collections ?
Ma dernière question porte sur les politiques d'acquisition des musées nationaux, dont la procédure a été réformée le 1er janvier 2004. Depuis cette date, les collections publiques se sont-elles enrichies ? Quel état des lieux pouvez-vous dresser aujourd'hui ?
Savez-vous pourquoi les collectivités territoriales ne profitent pas systématiquement de la possibilité qui leur est ouverte de se faire transférer la propriété des oeuvres déposées depuis plus d'un siècle ? Est-ce dû à un manque d'information ? Existe-t-il des réticences à ces transferts ?
Je me réjouis de la gestion dynamique des musées nationaux et parisiens comme des initiatives de décentralisation telles que l'ouverture du Centre Pompidou-Metz ou les prêts dans les musées en région. Organiser des manifestations en province et aménager des passerelles entre les musées nationaux et régionaux ouvre en effet de très belles perspectives.
La Maison de l'archéologie, dans ma commune de 4 500 habitants, accueille 2 500 visiteurs et enregistre 200 000 euros de déficit de fonctionnement annuel. Il faut reconnaître que l'archéologie est une science difficile qui ne mobilise pas spontanément le grand public, même si la muséographie y est très soignée. Existe-t-il des exemples de coopération avec de très petits musées qui, eux aussi, organisent des expositions temporaires, ont des missions de conservation exigeantes, subissent les mêmes contraintes de mise aux normes qu'à Paris, mais ont évidemment très peu de moyens ?
Par ailleurs, à l'heure d'internet, a-t-on institué des échanges privilégiés entre les musées nationaux et les bibliothèques et les médiathèques, lieux parfaitement adaptés à la diffusion culturelle ? A-t-on noué des liens entre les musées nationaux et la Grande bibliothèque médiathèque d'Alexandrie pour diffuser la culture française ?
Présidence de M. Christian Kert, vice-président.
Voilà un an, on pouvait lire ces propos que l'on prêtait au Louvre : « La Réunion des musées nationaux se présente comme mutualiste, mais paupérise en réalité les petits musées. » « La RMN est devenue un prédateur et sa disparition [est inscrite] dans le mouvement de l'histoire », renchérissait le président d'un autre EPA. Où en sont, madame Labourdette, les relations entre la RMN et les musées nationaux ?
L'application de la RGPP aux musées nationaux devrait avoir des effets particulièrement sensibles dans leur fonctionnement, puisque la pyramide des âges de leurs personnels fait apparaître un âge moyen élevé. Les deux tiers des conservateurs partiront à la retraite dans les cinq ans et d'après les syndicats du personnel du Centre Pompidou, 44 % du personnel de l'établissement partira à la retraite dans les dix ans. Cette situation préoccupante s'observe un peu partout.
Dans la mesure où les musées nationaux sont devenus aujourd'hui des conservatoires des métiers d'art, les menaces qui pèsent sur leurs personnels ne risquent-elle pas de faire disparaître des maillons essentiels du savoir-faire indispensable à la conservation, à l'entretien et à la restauration du patrimoine national ?
Certaines questions pourraient constituer à elles seules le thème de plusieurs auditions semblables à celle-ci. D'autres étaient plus ponctuelles. J'essaierai de répondre à toutes, et même si certaines s'adressaient davantage aux établissements, je me réserverai de donner également le sentiment du ministère sur les sujets évoqués.
Sur la double question de l'inaliénabilité et des restitutions, la position du Gouvernement est très claire et a été régulièrement réaffirmée : les collections nationales sont inaliénables. En l'état, les propositions du rapport de M. Mancel n'ont pas été retenues. La doctrine du Gouvernement repose sur le rapport de M. Jacques Rigaud qui fondait l'importance de la notion d'inaliénabilité sur des arguments d'ordre juridique, culturel et scientifique.
S'agissant des restitutions, la France s'en tient au respect des accords internationaux en la matière, tels ceux conclus sous l'égide de l'UNESCO. D'ailleurs, nos partenaires internationaux, notamment les pays européens, sont extrêmement attentifs à cette question. Néanmoins, par deux fois, le Parlement a été amené à délibérer spécifiquement, pour faire exception aux règles retenues. Cette exception était justifiée par la nature très particulière des artefacts concernés – la dépouille de la « Vénus hottentote » et des têtes maories – et par le fait que la restitution de ces restes humains mettait en oeuvre des enjeux liés aussi bien à la dignité humaine qu'au respect de croyances ou de rites religieux.
Plusieurs d'entre vous ont fait allusion à la transformation du statut des musées et à la création d'établissements publics. Le mouvement, qui a commencé avec le musée du Louvre, s'est progressivement étendu ; le musée Picasso en est le dernier exemple. Ce mouvement devrait se poursuivre dans les mois qui viennent, avec la création de l'établissement public qui sera chargé de l'exploitation du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, à Marseille (MuCEM).
Nous attendons de cette réforme la capacité des établissements concernés à mobiliser et à gérer l'ensemble de leurs ressources au profit d'une politique culturelle et scientifique dynamique, à partir des collections dont l'État leur confie la garde.
Cette politique de création d'établissements publics a puissamment contribué, comme l'a souligné le ministre, M. Mitterrand, lorsqu'il a été entendu par votre Commission voilà quelques semaines à propos du projet de loi de finances pour 2011, au dynamisme et au rayonnement des musées nationaux au sein du territoire français et à l'étranger.
Cette politique se heurte malgré tout à deux limites. La première tient à la dimension des établissements. Seuls ceux dépassant une dimension minimale peuvent efficacement être érigés en établissements publics, dotés de la personnalité morale et recevoir un certain nombre de responsabilités dont, ensuite, la gestion exige moyens et compétences. La seconde limite est que la multiplication d'acteurs dotés de l'autonomie et de la personnalité juridique ne doit pas se faire au détriment d'une politique nationale des musées auxquels nous sommes tous attachés, comme en témoignent les interventions de ce matin.
Pour répondre à la première de ces limites, nous réfléchissons à la question du statut des plus petits des musées nationaux. Il est possible de les regrouper ou de les adosser à d'autres musées plus grands, pour leur permettre d'avoir les moyens de leur existence. C'est ainsi, par exemple, que le musée Eugène-Delacroix a été adossé au musée du Louvre et le musée de l'Orangerie au musée d'Orsay. Mais d'autres formules sont à l'étude.
La réponse à la seconde de ces limites tient dans l'exercice, par l'État, d'une tutelle vigilante. Cela ne signifie d'ailleurs pas que l'État se vit comme un « Père fouettard » face aux initiatives des musées nationaux. Mais il est certain que l'État définit un certain nombre d'orientations, qu'il s'agisse de la politique scientifique de ses institutions ou de leurs moyens, et qu'il veille à ce que ses directives soient respectées.
Ces remarques me conduisent à évoquer la double question du budget pour la période triennale 2011-2013 et de l'application au secteur des musées nationaux de la révision générale des politiques publiques.
L'un d'entre vous ayant parlé du « rouleau compresseur aveugle de la RGPP », qu'il me soit permis – si tant est que cette dernière doive être comparée à un tel véhicule – de vous rassurer. Toute notre politique consiste, sous l'autorité de M. Mitterrand, à faire en sorte que les directives gouvernementales en matière de RGPP soient appliquées avec discernement dans le secteur des musées, institutions fragiles. C'est ainsi que nous en avons limité l'application – alors qu'elles devraient s'appliquer à l'ensemble des établissements publics pendant la période 2011-2013 – à ceux des établissements qui nous ont paru pouvoir contribuer à l'effort général de la nation, sans que pour autant leur dynamisme soit compromis cela grâce à leur capacité à mobiliser, plus que d'autres, des ressources propres.
Si les responsables des établissements concernés ont pu manifester une certaine inquiétude, il s'agit cependant, je le répète, d'un effort ponctuel, limité à l'année 2011, et inférieur à la norme générale de la RGPP – donc d'un effort soutenable.
Pour autant, la question des moyens des musées dans les années qui viennent est l'une des plus stratégiques que nous ayons à traiter du fait de la pyramide des âges au sein du corps des conservateurs. L'application de critères stricts en matière de réduction du nombre d'emplois publics ne doit pas en effet priver les musées nationaux de cette force de frappe scientifique, sans oublier le chantier que représente l'évolution – dans le cadre du volet médiation – des métiers de l'accueil, de la surveillance et du magasinage ainsi que, dans un objectif de fidélisation, l'accompagnement pédagogique du plus jeune public voire de publics encore intimidés sur le plan social ou intellectuel.
Il a été ici assez peu question du numérique, ce qui s'explique par le thème retenu aujourd'hui de la circulation physique des oeuvres, mais qu'il s'agisse d'élargir les publics ou de tisser des liens entre petits et grands musées, le numérique – qui, pour enfoncer une porte ouverte, représente une révolution – fait partie du quotidien des musées. Je suis cependant d'une génération qui continue à le concevoir comme un produit d'appel vers l'oeuvre originale. Quelle que soit la qualité des reproductions sur internet – tel le produit conçu par la RMN pour l'exposition Monet d'un niveau scientifique presque professionnel –, l'expérience personnelle que procure la rencontre avec l'oeuvre est sans doute irremplaçable. C'est ce qui a d'ailleurs conduit aux projets de Centre Pompidou mobile, du Louvre-Lens, des expositions itinérantes des oeuvres de Picasso ou encore du dépôt exceptionnel consenti par le musée Rodin au musée de Calais.
Pour revenir à la RMN, sa réforme statutaire, qui devrait aboutir avant la fin de cette année à la fusion avec l'établissement qui gère le Grand Palais, lui permettra, d'une part, de disposer à Paris d'espaces d'exposition élargis afin d'y faire rayonner davantage les collections nationales et internationales, et, d'autre part, de consolider son rôle d'établissement public industriel et commercial, opérateur de l'État, en faveur des musées. Aujourd'hui, la règle du jeu dans les rapports entre ces derniers et la RMN a en effet changé : au « menu unique » ont succédé des accords à géométrie variable que nous avons à coeur de réguler dans les meilleures conditions possibles. Les succès commerciaux rencontrés par la RMN montrent à la fois la qualité de son offre et son rôle de mutualisation au bénéfice de l'ensemble du réseau auquel le ministre est très attaché. S'il avait été présent, l'éloge du petit musée prononcé par plusieurs d'entre vous lui serait ainsi allé droit au coeur, de par le véritable amour qu'il porte à ces endroits où l'intimité permet le dialogue entre l'oeuvre et le visiteur, et dont le plan Musées en régions – qui inclut d'ailleurs celui de Périgueux – doit en partie son inspiration.
S'agissant enfin de la question relative au projet de centre de réserves de Cergy-Pontoise, soulevée notamment par Mme de Panafieu, la réflexion se poursuit. Le ministre fera, sinon dans les tout derniers jours de l'année 2010, en tout cas dans les tout premiers jours de l'année 2011, des annonces précises sur ce futur site dont l'origine tient au souci de mettre les réserves des musées situés près de la Seine à l'abri de la crue centennale – sachant surtout que nous venons de commémorer le centième anniversaire de la grande inondation de 1910.
Les opérations de rénovation de musées comprennent toujours – s'agissant justement de la question des réserves également soulevée par M. Bloche – une première phase de mise en sécurité de la partie qui reçoit les collections quand les réserves ne sont pas intégrées dans le bâtiment du musée lui-même. L'accompagnement technique est alors assuré par les services du ministère de la culture, que ce soit par l'intermédiaire de l'administration centrale ou du centre de recherche et de restauration des musées de France qui est au service des 1 200 musées de France.
En matière de crédits de restauration, certaines régions ont, en soutien à l'initiative de l'État, créé des Fonds régionaux d'aide à la restauration (FRAR) parallèlement aux Fonds régionaux d'acquisition des musées (FRAM) qui, eux, sont plus fréquents.
Pour ce qui est plus généralement de la politique de programmation de prêts et de dépôts, le monde des musées obéit à la notion de collégialité : la Commission des prêts et dépôts rassemble ainsi des responsables de grands musées nationaux, dont M. Pacquement et M. Pomarède ici présents. De même, les politiques scientifiques aussi bien des établissements nationaux que des autres musées font l'objet d'instances de débat, telle la Commission scientifique nationale des collections des musées de France qui agit en amont des délibérations du Haut conseil des musées de France.
Pour ce qui est des dépôts auprès des petits musées, le ministère de la culture et de la communication a transmis en décembre 2009 aux deux Assemblées un rapport – dont la mise à jour aura bien évidemment lieu pour 2010 – sur la politique des prêts en faveur des musées de France relevant des collectivités territoriales. Je citerai à cet égard les prêts et dépôts de 37 céramiques et objets au musée d'art et d'histoire de Sainte-Menehould par le musée des Arts décoratifs ; d'antiquités grecques, étrusques et romaines au musée départemental de l'Ariège de Saint-Lizier par le musée du Louvre ; d'antiquités égyptiennes au musée des beaux-arts de Dijon toujours par le Louvre ; ou encore le dépôt de 206 objets archéologiques à Archéa, Archéologie en Pays de France, à Louvres, se rajoutant aux 71 céramiques déjà déposées en 2008 par le MuCEM.
Ces quelques exemples démontrent que la politique des prêts et dépôts ne fait l'objet d'aucune discrimination entre petits et grands musées de province, mais tient compte du partenariat que nous appelons de nos voeux en matière de projets scientifiques entre les musées de France et les musées nationaux, lesquels disposent de collections à la valorisation scientifique importante.
Le Centre Pompidou ayant une pyramide des âges défavorable, qui se traduira par un taux de départs à la retraite élevé dans les années à venir, l'application de la RGPP, c'est-à-dire de la norme du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, aurait posé de graves difficultés à l'établissement. C'est la raison pour laquelle les tutelles – ministère de la culture et de la communication et ministère du budget – ont introduit un plafonnement des suppressions d'emplois à 1,5 % de l'effectif, soit, pour la période 2010-2013, 67 emplois sur un effectif total autorisé en équivalent temps plein d'environ 1 100. Il s'agit d'un effort significatif, mais qui pour autant n'est pas insurmontable dès lors que l'établissement se réorganise en identifiant les activités qu'il ne lui est pas prioritaire d'exercer en interne – standard, reprographie,... – et les compétences qu'il souhaite préserver, en particulier dans le domaine scientifique où elles sont remplacées en nombre égal, car en la matière toute déperdition de substance intellectuelle serait regrettable.
Mettre en oeuvre une telle politique implique de disposer d'une visibilité sur un horizon temporel suffisant – le fait de disposer d'une visibilité triennale est à cet égard précieux – afin de se réorganiser, par exemple par un accompagnement des agents voire par des reconversions professionnelles, plutôt que de supprimer des postes au gré des départs à la retraite.
Par ailleurs, nous restituerons à l'État l'an prochain 5 % de notre subvention de fonctionnement, c'est-à-dire 3,6 millions d'euros, soit à peu près le tiers de la progression des ressources propres que nous avons réalisées en trois ans. Connaissant la situation des finances publiques, nous abordons ce nouveau défi avec un esprit civique en poursuivant l'effort de dynamisation de nos ressources propres.
Dans un contexte de contrainte durable des moyens financiers et humains, le développement des musées qui sont, comme l'a rappelé Mme Labourdette, des organismes vivants, ne peut raisonnablement reposer que sur des partenariats extérieurs tant français qu'étrangers et tant privés que publics. Tel est le cas pour le Centre Pompidou-Metz, financé pour l'essentiel par des collectivités territoriales, ou encore pour le Centre Pompidou mobile dont le mécénat assure l'investissement et les partenaires locaux le fonctionnement. Un tel choix protège la capacité de développement de l'établissement et répond au nouveau contexte difficile du mécénat : l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (Admical) vient ainsi de relever une baisse du mécénat culturel de 20 % sur les deux dernières années. S'il n'en a pas été ainsi pour le Centre Pompidou, il n'en reste pas moins que les mécènes veulent aujourd'hui de plus en plus participer à des projets qui ont non seulement une dimension culturelle, mais également une résonance sociale et éducative répondant au concept de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Nos projets de développement, parce qu'ils permettent d'aller à la conquête de nouveaux publics, de diffuser plus largement notre collection sur le territoire, répondent à ces préoccupations.
Par ailleurs, si la fréquentation constitue un élément significatif des ressources propres du Centre Pompidou – les recettes de billetterie représentent à peu près 10 millions d'euros sur un total de recettes propres d'une trentaine de millions –, il convient néanmoins de ne pas opposer ce paramètre à notre capacité à présenter des expositions difficiles, à prendre des risques voire à proposer la gratuité. Pour la première fois depuis 2000, le musée et les expositions temporaires ont accueilli plus de 3 millions de visiteurs – 3,5 millions exactement en 2009, soit plus 36 % – et devraient dépasser à nouveau largement le chiffre de 3 millions en 2010. Cette augmentation très forte de notre fréquentation, qui reflète selon moi une tendance de fond, profite d'ailleurs plus aux expositions d'art contemporain ou d'architecture, dont les visiteurs ont doublé sur la même période, qu'aux expositions historiques réputées plus faciles. Ce résultat tient en partie à la politique de billet unique que nous mettons en place : avec l'ouverture de l'exposition Mondrian, le billet d'entrée au Centre Pompidou, qui coûte 12 euros, donne ainsi accès aux collections permanentes et à cette exposition temporaire. Toutes les études confirment qu'une telle ouverture incite nos visiteurs à découvrir des expositions pour lesquelles ils n'étaient pas nécessairement venus.
Concernant le numérique, le propre de l'expérience du musée, ainsi que M. Bélaval l'a souligné, est de permettre le contact avec l'oeuvre originale. Un tel contact est irremplaçable, et la notion de musée virtuel est antinomique de la notion même de musée. En revanche, on n'insistera jamais assez sur le fait qu'un musée ce sont aussi des savoirs qui doivent être disponibles sur internet. Tel est la raison du site internet « Centre Pompidou virtuel » qui sera lancé l'année prochaine et qui sera aussi une incitation à développer ce qui fait la force des musées français, c'est-à-dire la qualité de leur effort de recherche et l'investissement scientifique des équipes de conservation.
Que ce soit en qualité de directeur du Musée national d'art moderne ou de conservateur général du patrimoine, je tiens à souligner notre attachement à tous au caractère inaliénable de nos collections, garant à la fois de la constitution de nos collections et de la confiance que nous accordent les donateurs et leur famille.
Sans trop manquer à mon devoir de réserve, il me faut constater que nos moyens d'acquisition sont restreints : si nous utilisons au mieux ceux qui nous sont confiés, ils ne nous permettent pas toujours d'ajouter certaines oeuvres à notre patrimoine, même si les lois sur le mécénat sont aujourd'hui favorables.
Concernant l'organisation des expositions, si les musées nationaux disposent, dans certaines conditions, de la garantie de l'État pour absorber une partie du coût des assurances, la situation en Europe est quelque peu déséquilibrée puisque certains de nos voisins bénéficient de garanties plus favorables qui leur permettent, peut-être plus facilement que nous-mêmes, de rassembler des oeuvres de grande valeur. C'est un point qu'il conviendrait d'étudier.
Pour ce qui est des réserves, la disparité très grande de ces dernières ne permet pas de régler le problème de manière unique. Entre les réserves de peinture dont j'ai la responsabilité, et qui sont assez simples aussi bien à gérer qu'à déménager – on y compte au musée du Louvre autour de 2 000 oeuvres sur les 7 000 que nous conservons –, et les réserves des antiquités orientales qui représentent à peu près 100 000 objets, qui vont pour la plupart du tesson au fragment de sculpture, la gestion est complètement différente, même si pour les professionnels il s'agit de lieux d'étude et non pas seulement de lieux de stockage.
S'agissant de la crue centennale, M. Bélaval a parlé du projet de Cergy-Pontoise. Pour autant, la question de ce risque ne sera réglée pour le musée du Louvre qu'avec l'externalisation des réserves en sous-sol, prévue à 100 % par M. Henri Loyrette. Comme l'évacuation n'interviendra que dans quelques années, nous avons élaboré un plan d'évacuation réactualisé en permanence qui comprendra des tests en 2011 afin de simuler en grandeur réelle ce que représenterait l'évacuation des oeuvres en cas d'inondation.
Concernant les acquisitions, je fais mienne l'observation de M. Pacquement à propos des moyens. Si le musée du Louvre consacre 20 % de ses droits d'entrée aux acquisitions, les dispositifs fiscaux intervenus en 2003 nous ont cependant permis d'acquérir des oeuvres pour des sommes que nous n'aurions jamais pu parvenir à réunir dans le passé – je pense à « La fuite en Égypte » de Nicolas Poussin, tableau, déjà évoqué, acquis pour 17 millions d'euros, ou encore au « Portrait du comte Molé » par Ingres obtenu pour 19 millions d'euros. La crise économique rend aujourd'hui l'exercice plus difficile, ce qui oblige, pour parvenir à mobiliser des partenaires privés, à effectuer un travail sur le long terme. Aujourd'hui, il ne s'agit plus seulement de demander de l'argent aux entreprises, mais de tisser avec elles des liens de partenariat très fort en les intégrant au quotidien à la vie du musée, ce qui donne d'ailleurs des résultats plus tangibles que des actions ponctuelles.
Quant au coût des expositions, il arrive que les musées nationaux, comme le fait parfois le musée du Louvre, acceptent – à partir du moment où les conditions de sécurité et de conservation sont réunies – une dispense d'assurance des oeuvres non pendant les transports, mais pendant la durée de l'exposition. Tel est le cas dans un contexte de partenariat privilégié.
Pour ce qui concerne les risques que peuvent courir les oeuvres durant les prêts, tout processus de prêt implique en amont l'établissement de constats d'état très précis avant le départ du Louvre, à l'arrivée sur le lieu d'exposition, au départ de ce dernier et lors du retour, sachant que des bases de données permettent de suivre l'histoire de l'oeuvre au fur et à mesure des expositions permettant ainsi de savoir si, éventuellement, elle a pu souffrir d'avoir été prêtée.
S'agissant des moyens humains, l'inquiétude exprimée par Henri Loyrette à différentes reprises n'est pas tant liée à la RGPP – le Louvre trouve normal de participer à l'effort de la nation –, qu'à l'ouverture de salles nouvelles et à la pyramide des âges.
Qu'il s'agisse en effet des salles intéressant les arts islamiques ou les objets d'art du XVIIIe siècle ou, avec le plan Louvre 2020, des nouvelles salles françaises – ce que l'on appelle « l'aile sud-sud » –, toutes demanderont, en termes de gardiennage, des effectifs supplémentaires.
Par ailleurs si notre pyramide des âges est un peu meilleure qu'au Centre Pompidou, 50 % des conservateurs partiront à la retraite dans les trois ans au sein des départements des sculptures et des antiquités orientales. Plus que le remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c'est la difficulté à assurer en permanence des remplacements au sein de spécialités rares qui pose problème. En effet, remplacer trois conservateurs spécialisés dans le domaine des antiquités orientales est quelque chose de très difficile car peu de formations couvrent cette discipline en France, ce qui implique de s'y prendre longtemps à l'avance en liaison avec l'université et l'École du Louvre.
Pour le musée du Louvre comme pour les autres il n'y a pas de grands et de petits musées, mais, d'abord, des projets. Ce sont ces projets d'exposition qui nous font nous engager auprès de la ville de Figeac ou de Blaye, par exemple, sans oublier les liens humains qui se tissent entre professionnels et qui leur donnent envie de travailler ensemble en confiance. C'est là tout le travail qu'effectue au Louvre le service du récolement des dépôts.
La réflexion à laquelle procède le service du récolement porte, dans le domaine des collections archéologiques déposées par le Louvre, à la fois sur le bilan du récolement, sur la connaissance des collections et sur la modernisation des politiques de dépôts. C'est ainsi que le bilan de récolement fait apparaître que seules sont exposées 2 000 oeuvres sur les quelque 20 000 dépôts archéologiques du musée répartis – au gré, à 80 %, de la politique culturelle de la IIIe République suite à l'enrichissement massif des collections archéologiques issues de la Méditerranée et de l'Orient – dans une centaine d'institutions.
Aujourd'hui, la réflexion porte ainsi sur la redistribution de ces dépôts non exposés – de l'ordre donc de 18 000 oeuvres – en fonction de la réalité des collections archéologiques en région. Cette réflexion repose sur deux axes.
D'une part, il s'agit de favoriser – plutôt que distribuer des objets qui serviraient à simplement compléter des vitrines – la constitution de véritables pôles thématiques de dépôt en lien avec des projets scientifiques et culturels. C'est ce que mon équipe de dix personnes et moi-même essayons à longueur d'année de construire sur le terrain. Tel est le cas à Lattes, commune de 18 000 habitants, où nous avons examiné encore la semaine dernière les conditions de création d'un éventuel pôle thématique de dépôt en archéologie étrusque.
D'autre part, l'objectif est de faire connaître l'histoire des civilisations en l'occurrence méditerranéennes orientales – car dans le domaine de l'archéologie, la diffusion des collections auprès des publics pose la question de la connaissance de l'histoire des civilisations – et leur adéquation avec les collections locales, dans une perspective de développement pédagogique.
Plutôt que l'aspect dangereux du déplacement des oeuvres pour des expositions, il est préférable de voir là l'occasion pour certaines oeuvres d'être restaurées. Nous suivons à cet égard au musée d'Orsay une politique systématique de mise sous caisson, seule susceptible, nous semble-t-il, d'assurer la meilleure protection possible. Comme nombre de nos oeuvres en dépôt ne le sont pas toujours dans des musées, nous allons de plus en plus demander aux bénéficiaires qui ne sont pas des musées justement, d'effectuer eux-mêmes des mises sous caisson.
Nous essayons cependant d'être attentifs au manque de moyens de certains petits musées en assumant nous-mêmes préalablement à nos envois une part non négligeable du coût des dépôts notamment en matière de restauration et d'encadrement. Bien évidemment, la loi relative aux musées de France s'applique, concernant les dépôts, au reste des bénéficiaires, c'est-à-dire que les restaurations au moment des départs et des retours sont pris en charge par les établissements concernés.
Le statut juridique des établissements dont il a été fait état est garant de leur dynamisme en matière culturelle, s'agissant notamment des dépôts ou des prêts qu'il me semble effectivement essentiel de situer dans le cadre d'une politique de partenariat. Pour autant, ce statut, en particulier lorsqu'il s'agit d'établissements publics à caractère administratif, est également lié au développement de leurs ressources propres.
Or, de ce point de vue, le musée Rodin qui, dans des conditions j'allais dire historiques, assure sur ses recettes propres la totalité de ses dépenses de fonctionnement, ce qui inclue les dépenses de personnel, est soumis à ce titre à l'impôt sur les sociétés, ce qui, pour l'année 2009, représente 800 000 euros, l'impôt s'appliquant également, je le souligne, aux acquisitions. Alors que nos ressources propres vont devoir se développer dans les années à venir, cette question de la fiscalité des établissements publics ne peut être écartée.
Merci à chacune et chacun pour la qualité et la sincérité des propos tenus. L'exercice de ce matin était précieux pour notre propre réflexion de parlementaires.
La séance est levée à treize heures vingt.