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Intervention de Philippe Bélaval

Réunion du 1er décembre 2010 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Philippe Bélaval, directeur général des patrimoines au ministère de la culture et de la communication :

Certaines questions pourraient constituer à elles seules le thème de plusieurs auditions semblables à celle-ci. D'autres étaient plus ponctuelles. J'essaierai de répondre à toutes, et même si certaines s'adressaient davantage aux établissements, je me réserverai de donner également le sentiment du ministère sur les sujets évoqués.

Sur la double question de l'inaliénabilité et des restitutions, la position du Gouvernement est très claire et a été régulièrement réaffirmée : les collections nationales sont inaliénables. En l'état, les propositions du rapport de M. Mancel n'ont pas été retenues. La doctrine du Gouvernement repose sur le rapport de M. Jacques Rigaud qui fondait l'importance de la notion d'inaliénabilité sur des arguments d'ordre juridique, culturel et scientifique.

S'agissant des restitutions, la France s'en tient au respect des accords internationaux en la matière, tels ceux conclus sous l'égide de l'UNESCO. D'ailleurs, nos partenaires internationaux, notamment les pays européens, sont extrêmement attentifs à cette question. Néanmoins, par deux fois, le Parlement a été amené à délibérer spécifiquement, pour faire exception aux règles retenues. Cette exception était justifiée par la nature très particulière des artefacts concernés – la dépouille de la « Vénus hottentote » et des têtes maories – et par le fait que la restitution de ces restes humains mettait en oeuvre des enjeux liés aussi bien à la dignité humaine qu'au respect de croyances ou de rites religieux.

Plusieurs d'entre vous ont fait allusion à la transformation du statut des musées et à la création d'établissements publics. Le mouvement, qui a commencé avec le musée du Louvre, s'est progressivement étendu ; le musée Picasso en est le dernier exemple. Ce mouvement devrait se poursuivre dans les mois qui viennent, avec la création de l'établissement public qui sera chargé de l'exploitation du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, à Marseille (MuCEM).

Nous attendons de cette réforme la capacité des établissements concernés à mobiliser et à gérer l'ensemble de leurs ressources au profit d'une politique culturelle et scientifique dynamique, à partir des collections dont l'État leur confie la garde.

Cette politique de création d'établissements publics a puissamment contribué, comme l'a souligné le ministre, M. Mitterrand, lorsqu'il a été entendu par votre Commission voilà quelques semaines à propos du projet de loi de finances pour 2011, au dynamisme et au rayonnement des musées nationaux au sein du territoire français et à l'étranger.

Cette politique se heurte malgré tout à deux limites. La première tient à la dimension des établissements. Seuls ceux dépassant une dimension minimale peuvent efficacement être érigés en établissements publics, dotés de la personnalité morale et recevoir un certain nombre de responsabilités dont, ensuite, la gestion exige moyens et compétences. La seconde limite est que la multiplication d'acteurs dotés de l'autonomie et de la personnalité juridique ne doit pas se faire au détriment d'une politique nationale des musées auxquels nous sommes tous attachés, comme en témoignent les interventions de ce matin.

Pour répondre à la première de ces limites, nous réfléchissons à la question du statut des plus petits des musées nationaux. Il est possible de les regrouper ou de les adosser à d'autres musées plus grands, pour leur permettre d'avoir les moyens de leur existence. C'est ainsi, par exemple, que le musée Eugène-Delacroix a été adossé au musée du Louvre et le musée de l'Orangerie au musée d'Orsay. Mais d'autres formules sont à l'étude.

La réponse à la seconde de ces limites tient dans l'exercice, par l'État, d'une tutelle vigilante. Cela ne signifie d'ailleurs pas que l'État se vit comme un « Père fouettard » face aux initiatives des musées nationaux. Mais il est certain que l'État définit un certain nombre d'orientations, qu'il s'agisse de la politique scientifique de ses institutions ou de leurs moyens, et qu'il veille à ce que ses directives soient respectées.

Ces remarques me conduisent à évoquer la double question du budget pour la période triennale 2011-2013 et de l'application au secteur des musées nationaux de la révision générale des politiques publiques.

L'un d'entre vous ayant parlé du « rouleau compresseur aveugle de la RGPP », qu'il me soit permis – si tant est que cette dernière doive être comparée à un tel véhicule – de vous rassurer. Toute notre politique consiste, sous l'autorité de M. Mitterrand, à faire en sorte que les directives gouvernementales en matière de RGPP soient appliquées avec discernement dans le secteur des musées, institutions fragiles. C'est ainsi que nous en avons limité l'application – alors qu'elles devraient s'appliquer à l'ensemble des établissements publics pendant la période 2011-2013 – à ceux des établissements qui nous ont paru pouvoir contribuer à l'effort général de la nation, sans que pour autant leur dynamisme soit compromis cela grâce à leur capacité à mobiliser, plus que d'autres, des ressources propres.

Si les responsables des établissements concernés ont pu manifester une certaine inquiétude, il s'agit cependant, je le répète, d'un effort ponctuel, limité à l'année 2011, et inférieur à la norme générale de la RGPP – donc d'un effort soutenable.

Pour autant, la question des moyens des musées dans les années qui viennent est l'une des plus stratégiques que nous ayons à traiter du fait de la pyramide des âges au sein du corps des conservateurs. L'application de critères stricts en matière de réduction du nombre d'emplois publics ne doit pas en effet priver les musées nationaux de cette force de frappe scientifique, sans oublier le chantier que représente l'évolution – dans le cadre du volet médiation – des métiers de l'accueil, de la surveillance et du magasinage ainsi que, dans un objectif de fidélisation, l'accompagnement pédagogique du plus jeune public voire de publics encore intimidés sur le plan social ou intellectuel.

Il a été ici assez peu question du numérique, ce qui s'explique par le thème retenu aujourd'hui de la circulation physique des oeuvres, mais qu'il s'agisse d'élargir les publics ou de tisser des liens entre petits et grands musées, le numérique – qui, pour enfoncer une porte ouverte, représente une révolution – fait partie du quotidien des musées. Je suis cependant d'une génération qui continue à le concevoir comme un produit d'appel vers l'oeuvre originale. Quelle que soit la qualité des reproductions sur internet – tel le produit conçu par la RMN pour l'exposition Monet d'un niveau scientifique presque professionnel –, l'expérience personnelle que procure la rencontre avec l'oeuvre est sans doute irremplaçable. C'est ce qui a d'ailleurs conduit aux projets de Centre Pompidou mobile, du Louvre-Lens, des expositions itinérantes des oeuvres de Picasso ou encore du dépôt exceptionnel consenti par le musée Rodin au musée de Calais.

Pour revenir à la RMN, sa réforme statutaire, qui devrait aboutir avant la fin de cette année à la fusion avec l'établissement qui gère le Grand Palais, lui permettra, d'une part, de disposer à Paris d'espaces d'exposition élargis afin d'y faire rayonner davantage les collections nationales et internationales, et, d'autre part, de consolider son rôle d'établissement public industriel et commercial, opérateur de l'État, en faveur des musées. Aujourd'hui, la règle du jeu dans les rapports entre ces derniers et la RMN a en effet changé : au « menu unique » ont succédé des accords à géométrie variable que nous avons à coeur de réguler dans les meilleures conditions possibles. Les succès commerciaux rencontrés par la RMN montrent à la fois la qualité de son offre et son rôle de mutualisation au bénéfice de l'ensemble du réseau auquel le ministre est très attaché. S'il avait été présent, l'éloge du petit musée prononcé par plusieurs d'entre vous lui serait ainsi allé droit au coeur, de par le véritable amour qu'il porte à ces endroits où l'intimité permet le dialogue entre l'oeuvre et le visiteur, et dont le plan Musées en régions – qui inclut d'ailleurs celui de Périgueux – doit en partie son inspiration.

S'agissant enfin de la question relative au projet de centre de réserves de Cergy-Pontoise, soulevée notamment par Mme de Panafieu, la réflexion se poursuit. Le ministre fera, sinon dans les tout derniers jours de l'année 2010, en tout cas dans les tout premiers jours de l'année 2011, des annonces précises sur ce futur site dont l'origine tient au souci de mettre les réserves des musées situés près de la Seine à l'abri de la crue centennale – sachant surtout que nous venons de commémorer le centième anniversaire de la grande inondation de 1910.

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