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Intervention de Alain Seban

Réunion du 1er décembre 2010 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Alain Seban, président du Centre Pompidou :

L'État a confié au Centre Pompidou le soin de conserver une collection qui lui appartient et qui retrace l'histoire des arts visuels depuis 1905, dans les disciplines qui vont de la peinture à la sculpture, à la photographie, au cinéma, en passant par l'architecture et le design. Cette collection est très vaste puisqu'elle compte 65 000 oeuvres, dont un peu moins de 6 000 peintures et à peu près autant de sculptures.

La gestion la plus dynamique possible de cette collection est une préoccupation constante du Centre Pompidou en même temps qu'une affaire d'intérêts bien compris, car cette collection est le socle de son rayonnement, aussi bien en région qu'à l'étranger.

Le premier aspect de cette gestion dynamique se situe dans le bâtiment même de Piano et Rogers. Nous nous attachons à renouveler régulièrement la présentation de la collection permanente, car une collection est à la fois un objet d'études pour les historiens d'art et un motif de visite pour le public. L'histoire de l'art du XXe siècle est un chantier permanent. Renouveler la présentation permet aux historiens d'art et aux conservateurs de poser de nouvelles hypothèses, d'ouvrir de nouvelles perspectives et d'offrir de nouvelles lectures.

En 2006, nous avons présenté l'exposition « Le mouvement des images », qui relisait l'histoire des arts visuels à travers le cinéma. En 2009, nous nous sommes lancés dans une entreprise inédite, qui a eu un grand retentissement dans le monde des musées, avec l'exposition « Elles », dont l'objet était de ne présenter, pendant plus de deux ans, que les artistes féminines de la collection contemporaine. Cette proposition a suscité l'intérêt des visiteurs puisqu'elle a permis d'augmenter de 21 % la fréquentation moyenne quotidienne des collections permanentes.

Nous avons pour objectif le renouvellement biennal de la totalité de l'accrochage sur les deux étages du musée, de 7 500 m2 chacun, en alternant le renouvellement des collections contemporaines et des collections historiques. Cette année, à l'occasion de l'ouverture du Centre Pompidou-Metz, nous avons inauguré une nouvelle présentation des collections modernes et, au printemps prochain, nous proposerons une nouvelle lecture de la collection contemporaine.

La collection est un outil privilégié de notre action décentralisée. Le Centre Pompidou, depuis son origine, a l'ambition de s'inscrire dans le territoire français. C'est Michel Guy qui disait devant votre Assemblée, en défendant le texte qui allait devenir la loi n° 75-1du 3 janvier 1975 portant création du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, que le Centre Pompidou serait la « centrale de la décentralisation ». Cette formule souvent reprise est quelque peu obsolète, mais cette préoccupation d'une action décentralisée reste très présente. C'est pourquoi nous menons une politique active en matière de prêts et de dépôts, avec plus d'un millier de prêts consentis chaque année aux musées régionaux et des expositions dites hors les murs, que nous avons initiées pendant la période, particulièrement active, de fermeture du centre. Nous avons poursuivi cette politique avec l'exposition Gaudier Brzeska au musée d'Orléans en 2009, avec l'exposition Étienne Martin cette année à Vannes, et l'an prochain nous présenterons au musée de Grenoble une exposition consacrée à Chagall et à l'avant-garde russe.

Quant au Centre Pompidou-Metz, il est le premier exemple de décentralisation d'une grande institution culturelle. Il a ouvert ses portes le 17 mai 2010 et lundi dernier nous franchissions le seuil des 560 000 visiteurs. Nous envisageons la possibilité d'atteindre, voire de dépasser le million de visiteurs dès la première année d'ouverture. Ce succès considérable va au-delà de nos espérances et de celles des collectivités territoriales qui sont nos partenaires dans cette aventure : la Ville de Metz, la communauté d'agglomération de Metz Métropole, la région Lorraine et le département de la Moselle.

Le Centre Pompidou-Metz est un lieu d'exposition dépourvu de collections. Ses 5 000 m2 de surface d'exposition sont principalement irrigués par la collection de Paris. L'exposition inaugurale bénéficie cependant de quelques prêts particulièrement remarquables provenant des grands musées nationaux, notamment le Louvre. Pour le Centre Pompidou, il s'agit d'une importante opération de prêt puisque nous avons prêté pas moins de 800 oeuvres pour l'exposition inaugurale qui a pour objet d'interroger le visiteur sur la notion de chefs-d'oeuvre au XXe siècle, et nous poursuivrons avec une rotation continue d'expositions temporaires qui emprunteront des oeuvres de notre collection ou s'appuieront sur elle, sachant que cela offrira au musée la possibilité d'emprunter des oeuvres à d'autres grands musées, français ou étrangers.

Notre dernier projet est le Centre Pompidou mobile. Ce musée nomade, que nous envisageons d'inaugurer dès la fin de l'année prochaine, est une première mondiale. Il s'agit d'une structure démontable et transportable, conçue pour s'adapter à tout type d'environnement et de terrain, et destinée à présenter le coeur de la collection historique du Centre Pompidou, c'est-à-dire aussi bien de l'art contemporain que des peintres comme Matisse, Picasso, Léger ou d'autres noms illustres du XXe siècle qui sont les artistes phares de la collection.

Le Centre Pompidou mobile se déplacera dans des zones que l'offre culturelle traditionnelle a du mal à pénétrer du fait d'obstacles géographiques – je pense aux nombreuses zones enclavées de nos régions. Nous pensons que présenter nos oeuvres au coeur des territoires, là où vivent les gens, est un signal fort d'ouverture et une excellente façon de créer un désir. Il existe également dans notre pays des zones qui sont éloignées de la culture par des obstacles sociologiques – je pense aux quartiers défavorisés de la périphérie des grandes agglomérations : elles aussi pourront accueillir le Centre Pompidou mobile.

Ce centre, nous l'imaginons accueillant et sans prétention. Son architecture, conçue par Patrick Bouchain dans l'esprit du cirque et de la fête foraine, ne se veut pas impressionnante et n'a pas vocation à faire de ce musée une sorte d'OVNI parisien ou de soucoupe volante luxueuse. À l'intérieur de ce chapiteau, l'environnement sera celui d'un musée, parfaitement sécurisé et répondant aux conditions de conservation des oeuvres. Nous y proposerons une médiation, adaptée à des publics peu familiers des musées, et que nous imaginons conduite davantage par des danseurs ou des comédiens que par des conférenciers professionnels.

La construction de la structure est financée par un certain nombre de mécènes et nous discutons avec les collectivités territoriales, notamment les conseils régionaux, pour déterminer les étapes de l'itinérance de cette structure, qui devrait être inaugurée fin 2011 ou début 2012.

La collection doit également rayonner à l'étranger. Nous allons ainsi inaugurer une exposition consacrée à Mondrian et au mouvement De Stijl alors que nous ne disposions que d'une base très réduite puisque les collections du Centre Pompidou ne conservent que deux oeuvres de Mondrian. Il a donc fallu emprunter à des musées étrangers des oeuvres extrêmement précieuses, ce qui a nécessité des négociations très délicates qu'Alfred Pacquement, directeur du Musée national d'art moderne, et les conservateurs ont menées durant plusieurs années. Ces négociations devraient aboutir à des succès car il existe un réseau de musées détenteurs de collections importantes qui sont des prêteurs réguliers dans le circuit des grandes expositions internationales et qui organisent des expositions en coproduction de manière à créer des complémentarités. C'est ainsi que l'exposition Kandinsky, en 2009, réunissait les trois plus importantes collections publiques d'oeuvres du peintre.

Bien entendu, la position d'un musée dans ce réseau est étroitement dépendante de la force, de la qualité et de l'étendue de sa propre collection. Une collection forte permet aussi de concevoir des expositions entièrement fondées sur la collection, ce qui permet à l'institution de travailler avec des musées qui n'ont pas eux-mêmes des collections suffisamment fortes pour s'insérer dans le réseau. C'est ainsi que le Centre Pompidou a pu défricher de nouveaux territoires, en particulier en Asie – au Japon, en Corée, à Taïwan, à Singapour, à Hong Kong –, mais aussi en Australie, au Canada et dans certains pays d'Europe.

La collection est un actif dont la valorisation participe de la dynamisation indispensable des ressources propres du Centre. Dans le contexte contraint des finances publiques que nous connaissons, nous avons ainsi valorisé nos ressources propres de 50 % au cours des trois dernières années, ce qui représente plus de 10 millions d'euros supplémentaires sur les 110 millions qui sont apportés chaque année à l'établissement. Sur ce surplus de recettes propres, celles que nous tirons des itinérances internationales ont connu la plus forte progression, passant de 930 000 euros en 2008 à 2,7 millions d'euros en 2010. Ces recettes nettes, qui correspondent à un revenu net pour l'établissement, sont très significatives et ont de belles perspectives de croissance. En effet, dans la mesure où partout dans le monde, on construit des milliers de mètres carrés de musées sans avoir les collections pour les remplir, les collections des grands musées européens seront de plus en plus sollicitées.

Mais cette dynamique a une limite, car ce sont toujours les mêmes segments de la collection qui sont demandés. Pour le Centre Pompidou, il s'agit du coeur de la collection moderne. À nous de faire des propositions originales susceptibles de créer du désir à l'égard d'autres segments de notre collection. C'est ce que nous faisons avec les accrochages de la collection contemporaine. Ainsi, l'exposition « Le mouvement des images », créée en 2006, sera présentée à la fin de cette année dans une version réduite à Dortmund, à l'occasion de l'inauguration, après sa rénovation, du Museum Ostwall, dans le cadre de la saison « EssenRuhr 2010, capitale européenne de la culture ». De même, des versions réduites de l'accrochage de l'exposition « Elles » nous sont demandées un peu partout dans le monde, notamment aux États-Unis. Cela montre que des propositions extrêmement contemporaines et à certains égards dérangeantes peuvent trouver des débouchés intéressants.

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