Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Anne Baldassari

Réunion du 1er décembre 2010 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Anne Baldassari, présidente du musée national Picasso :

Contrairement au Centre Pompidou et au musée du Louvre, le musée Picasso est un petit musée. Sa collection est une petite collection, plus proche de celle du musée Rodin, puisqu'elle comporte 5 000 oeuvres, qui, compte tenu de leur valeur patrimoniale, constituent un trésor à l'échelle de la France, mais aussi à l'échelle mondiale.

Notre première responsabilité en matière d'accès aux collections nationales est de rouvrir le musée Picasso. Fermé depuis l'été 2009, le bâtiment a besoin d'une mise aux normes, d'une rénovation et d'une extension qui permettra de répondre aux demandes du public, en particulier en termes d'accessibilité. Les dernières années ont été particulièrement difficiles, car les ascenseurs étaient en panne et certains accès aux collections étaient impossibles. Ce chantier est notre priorité.

La collection du musée Picasso a été obtenue par dation et par donation dans le cadre de la succession Picasso. La loi sur la dation a permis de réunir au musée une collection sans égale au monde puisque 5 000 oeuvres sont ainsi entrées dans les collections nationales. Elles n'étaient qu'une vingtaine auparavant, essentiellement données par l'artiste et quelques particuliers, notamment au musée national d'art moderne.

La loi sur la dation a été élaborée dans la perspective de la création du musée Picasso qui, depuis, a enrichi ses collections avec une deuxième dation et une politique d'acquisition aussi régulière et ambitieuse que possible compte tenu de la valeur d'acquisition des oeuvres de Picasso sur le marché.

Depuis la fermeture du musée, nous avons créé un centre de réserve en banlieue parisienne et nous menons un grand chantier d'inventaire, de restauration et de numérisation, dans le cadre du plan de numérisation du ministère. De même, nous mettons à profit ces deux années pour effectuer le récolement général de nos dépôts. Au moment de la deuxième dation, le musée Picasso a déposé plus de 300 oeuvres dans les plus grands musées de France. Ces oeuvres restent sur notre inventaire et sous notre responsabilité. Nous présenterons bientôt un bilan au ministère, en l'occurrence à Philippe Bélaval et à Marie-Christine Labourdette et nous tirerons des conclusions concernant les modalités de valorisation, de présentation et de conservation et les protocoles d'enrichissement et de gestion commune, car nous avons constaté que certains points laissaient parfois à désirer.

Le musée Picasso, par sa collection, est au coeur d'un dispositif international majeur. Peu après la présentation de la première dation au Grand Palais, celle-ci a déjà fait un premier tour du monde dans les années 1980 pour être présentée au musée d'art moderne de New York, en Grande-Bretagne et dans divers pays d'Europe.

Le musée Picasso dispose d'une collection réduite, mais mène une politique de prêts ambitieuse. Ainsi, si le centre Pompidou prête près de 3 000 oeuvres par an, le Louvre un millier, le musée Picasso prête entre 800 et 1 000 oeuvres par an, ce qui, compte tenu de la taille de sa collection, est peut-être trop.

Avec l'accord du ministère de la culture, nous conduisons le grand chantier scientifique des collections, qui comprend un plan de restauration et de révision globale de la collection, des opérations de montage, d'encadrement, de changement de format, cela dans la perspective d'une réouverture que nous faisons tout pour hâter. Nous espérons pouvoir ouvrir la première tranche du musée au printemps 2012 et la totalité, y compris l'extension, au début 2014, ce qui triplera les espaces des collections présentées au public et se traduira par le déménagement à proximité d'espaces techniques, notamment les bureaux. Nous considérons en effet que l'équipe du musée n'a pas à occuper un étage du plus bel hôtel baroque du Marais. Mais il est important que cette équipe, constituée de 18 personnes, qui seront lors de la réouverture le noyau actif du musée, avec 90 personnes dédiées à la gestion de la collection et à sa valorisation, puisse travailler à proximité du musée.

Nous pourrons vous présenter plus en détail ce projet de musée – soutenu avec force par le maire du troisième arrondissement –, mais sachez que sa surface a été triplée et qu'un petit bâtiment sera construit le long des jardins publics. En effet, aujourd'hui, la façade du musée située rue Vieille du Temple est quasiment à l'abandon, ce qui constitue une friche urbaine en plein coeur de Paris. Il est temps de redonner sa dignité à cet ensemble patrimonial majeur.

Depuis sa création, le musée Picasso collabore avec tous les grands musées d'art moderne dans le monde. Vous imaginez la pression qui pèse sur ce musée, dont l'extraordinaire collection couvre l'ensemble de l'oeuvre de l'artiste – de 1895 à 1972, quelques mois avant sa mort – dans tous les domaines : peinture, sculpture, papier collé, gravures, estampes, dessins ou constructions, etc. sans compter ses archives, entrées par donation : plus de 200 000 pièces manuscrites, photographies, correspondance, maquettes d'ouvrages, etc. C'est un trésor dont on a à peine commencé la valorisation et dont l'étude demanderait des moyens que nous n'avons pas pour l'instant, mais que nous allons obtenir.

Cette collection qui fascine le monde entier nous soumet à une obligation de prêt, mais elle nous permet aussi de monter de grandes expositions internationales. Depuis 2008, nous avons par exemple présenté une exposition modulaire qui change à chaque étape en s'adaptant au contexte de réception. C'est ainsi que nous avons montré la collection à Madrid, sur 4 000 mètres carrés, avec 420 oeuvres autour de Guernica ; à Abou Dabi, avec 190 oeuvres et un dossier spécial, inédit, dédié aux racines hispano-mauresques de l'oeuvre de Picasso ; à Tokyo, à l'occasion des 150 ans de la présence française au Japon, dans deux expositions, avec près de 300 oeuvres ; à Helsinki, avec 250 oeuvres au coeur d'une exposition sur l'influence de Picasso et du cubisme sur les écoles finlandaises ; et, dans le cadre de l'année France-Russie, à Moscou, au musée Pouchkine, où nous avons accueilli 350 000 visiteurs ; à Saint-Pétersbourg, au musée de l'Hermitage, où 800 000 personnes l'été dernier ont pu admirer environ 250 oeuvres. Aujourd'hui, la collection est présentée dans une autre configuration à Seattle, où nous avons dépassé le pic des 10 000 personnes par jour.

En dix-huit mois, la collection du musée Picasso a donc touché près de 3 millions de visiteurs, l'équivalent de la fréquentation sur six ans du musée Picasso, dans la configuration qui était celle d'avant la fermeture. C'est un effort très lourd pour nous, comme pour le service des musées de France qui nous accompagne dans cette opération majeure. Reste que cette dernière, dont certaines étapes sont encore à venir – à Richmond en Virginie, à San Francisco en Californie, et en Australie – nous permettra, en nous apportant plus de 22,5 millions d'euros, de financer à 50 % le projet de rénovation du musée Picasso.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion