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Séance en hémicycle du 28 février 2012 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de Mme Françoise Guégot relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet (nos 4400, 4411).

La parole est à Mme Françoise Guégot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le texte que nous allons examiner ce soir, dont je suis l'auteur, avec mes collègues de Seine-Maritime, Jean-Yves Besselat, Daniel Fidelin, Michel Lejeune et Alfred Trassy-Paillogues, est d'apparence technique. Il s'agit, en réalité, d'un texte stratégique, dont l'adoption est urgente dans le contexte actuel, marqué notamment par les difficultés que doivent affronter l'entreprise Petroplus et ses 550 salariés.

Ce texte constitue en effet une démonstration que l'État n'est pas impuissant face aux difficultés de nos entreprises, industrielles en particulier, et de leurs salariés. Il peut et doit agir, notamment en faisant évoluer le cadre législatif et réglementaire applicable afin de sanctionner les abus commis par certains.

L'actualité récente fournit, hélas, de nombreux exemples de situations dans lesquelles des tiers ont prélevé les actifs de sociétés défaillantes, organisant leur protection face au risque de voir leur responsabilité engagée ou privant l'entreprise concernée de toute possibilité de répondre à ses obligations, notamment environnementales.

La raffinerie de Petit-Couronne, en Seine-Maritime, appartenant au groupe suisse Petroplus, placée en redressement judiciaire le 24 janvier 2012, a ainsi vu ses comptes en France vidés de la totalité de sa trésorerie par les banques de sa société mère quelques heures avant le dépôt de bilan. Le montant appréhendé par l'une de ces banques s'élève ainsi à 171 millions d'euros.

Le groupe Petroplus, propriétaire des stocks de pétrole brut présents sur le site, qui s'élèveraient à 200 millions d'euros, ne semble prêt à assumer ni sa responsabilité sociale à l'égard des 550 personnes employées par sa filiale française ni sa responsabilité environnementale et les risques de pollution liés à la vétusté du site.

Dans l'affaire Sodimédical, société spécialisée dans la fabrication de matériel médical, dont le siège est à Troyes, le tribunal, puis la cour d'appel de Reims, ont considéré que la société grand-mère de droit allemand et la société mère dépendant du tribunal de commerce d'Épinal avaient artificiellement conduit la société Sodimédical aux difficultés de trésorerie qu'elle invoquait pour justifier sa demande d'ouverture d'une procédure collective.

Ces juridictions ont jugé que la défaillance de la filiale avait été déclenchée pour permettre la prise en charge des coûts salariaux par le régime de garantie de salaires, l'AGS.

Je pourrais malheureusement multiplier les illustrations de ce phénomène conduisant des multinationales à mettre en cause la survie de leurs filiales et d'entreprises, souvent performantes et même parfois bénéficiaires, sans tenir compte de leurs responsabilités.

Les pouvoirs publics ne sauraient rester inactifs face à ces situations.

La présente proposition vise à faire face efficacement aux comportements abusifs de ces tiers, en permettant l'adoption de toute mesure conservatoire utile à l'égard de leurs biens. Le code de commerce présente en effet une lacune sur ce point, à laquelle il est urgent de mettre un terme.

En l'état actuel du droit, des mesures conservatoires spécifiques, dérogatoires au droit commun des procédures civiles d'exécution, peuvent être adoptées au stade de la liquidation judiciaire, dans le cadre d'une action en comblement de passif, engagée contre les dirigeants de droit ou de fait de l'entreprise en difficulté, en application de l'article L. 651-4 du code de commerce.

Ce texte autorise en effet le président du tribunal à prendre « toute mesure conservatoire utile » à l'égard des biens des dirigeants concernés. Des saisies conservatoires et des sûretés judiciaires peuvent ainsi être prises, afin d'empêcher ces dirigeants d'organiser leur insolvabilité. Elles permettent, par exemple, de saisir les comptes bancaires d'un dirigeant ayant commis une faute de gestion, ou d'obtenir l'inscription d'une hypothèque provisoire sur ses biens immobiliers.

Ce texte n'est cependant applicable ni au stade de la sauvegarde ni à celui du redressement judiciaire. Pourtant, des tiers – société mère de l'entreprise ; banque s'étant immiscée dans sa gestion ; véritable maître de l'affaire, masqué derrière l'entreprise défaillante en cas de fictivité de cette personne morale, par exemple –, ou des dirigeants de droit ou de fait, peuvent évidemment avoir contribué aux difficultés ou à la cessation des paiements de l'entreprise dans ces procédures également, et chercher à échapper à leurs responsabilités en mettant leurs actifs hors d'atteinte.

Le droit commun des procédures civiles d'exécution ne permet généralement pas d'adopter des mesures conservatoires dans ces cas, car les conditions exigées par l'article 67 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, à savoir la démonstration d'une créance fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, sont difficilement remplies dans ce contexte.

C'est pour ces raisons que l'article 1er et l'article 2 de la proposition de loi transposent, en premier lieu, le dispositif prévu à l'article L. 651-4 du code de commerce aux extensions de procédure, c'est-à-dire aux actions permettant d'étendre une procédure collective déjà ouverte à l'encontre d'une personne à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale, et aux actions en responsabilité délictuelle intentées, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, contre des dirigeants de droit ou de fait.

Les mesures conservatoires indispensables pourront ainsi être prises dès le stade de la sauvegarde et du redressement judiciaire. L'article 3 permet, par ailleurs, de maintenir ces mesures conservatoires lors de la liquidation judiciaire, si une action en comblement de passif a été introduite.

L'article 4 met en place, en second lieu, un dispositif, strictement encadré, autorisant la cession judiciaire de deux catégories de biens ayant fait l'objet de ces mesures conservatoires. Ce dispositif est entouré d'importantes garanties, que la commission des lois a renforcées ce matin, afin d'assurer le respect du droit de propriété, protégé par notre Constitution, et plus précisément, par l'article 17 de la Déclaration de 1789, et par la convention européenne des droits de l'homme.

La première de ces garanties est que seuls les biens dont la conservation ou la détention génère des frais ou qui sont susceptibles de dépérissement pourront ainsi être cédés.

La deuxième garantie est que la cession devra être autorisée par le juge-commissaire. La commission des lois a renforcé la portée de cette autorisation – répondant d'ailleurs par là même à une préoccupation exprimée par notre collègue Michel Hunault –, en précisant que la cession devra être opérée aux prix et aux conditions déterminées par le juge-commissaire.

Troisième garantie : les sommes provenant de cette cession seront placées en compte de dépôt auprès de la Caisse des dépôts et consignations. La commission des lois a expressément consacré ce principe, en adoptant un amendement sur ce point, afin d'éviter toute ambiguïté.

Ce principe ne sera cependant pas intangible, puisque, y dérogeant, il sera possible d'affecter tout ou partie des sommes provenant de la cession au paiement des frais engagés par l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur pour les besoins de la gestion des affaires du propriétaire des biens.

Le recours à la notion de gestion d'affaires, reprise des articles 1372 à 1 375 du code civil, imposera que les actes de gestion pris soient utiles et opportuns pour le propriétaire des biens cédés, dont les intérêts seront ainsi préservés. Les dépenses rendues nécessaires pour prévenir des risques imminents générés par les biens saisis, comme des risques de pollution, s'agissant de produits chimiques ou pétroliers, par exemple, ou pour assurer la mise en oeuvre de mesures de sécurité les concernant, pourront ainsi être prises en charge.

S'agissant d'une atteinte au droit de propriété, la commission des lois a précisé dans la loi que cette affectation devra être autorisée par le juge-commissaire.

La démarche entreprise ici s'inscrit dans une politique plus globale visant à lutter contre la désindustrialisation qui touche notre pays. Elle est d'intérêt national, et j'espère que ce texte, à ce titre, fera l'objet d'un consensus.

Je tiens d'ailleurs à souligner que les amendements que j'ai proposés et qui ont été adoptés par notre commission des lois résultent d'une coopération étroite avec la commission des lois du Sénat, en particulier, avec son président et rapporteur, M. Jean-Pierre Sueur, dont j'ai particulièrement apprécié l'esprit d'ouverture et la volonté d'aboutir sur ce texte.

Voilà les raisons, mes chers collègues, pour lesquelles la commission des lois vous imite à adopter ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, le contexte économique justifie que nous accélérions nos réflexions afin de rechercher les meilleures solutions possibles pour traiter les difficultés de nos entreprises.

Le Président de la République et le Gouvernement se mobilisent pleinement pour défendre et préserver notre tissu économique et les emplois de nos concitoyens. À ce titre, l'engagement des pouvoirs publics pour favoriser les perspectives de reprise des sites industriels est total. M. le ministre chargé de l'industrie y reviendra probablement dans quelques instants.

Dans cette action, la qualité de notre cadre juridique a constitué une priorité tant pour le Gouvernement que pour le Parlement. Je rappelle que la loi du 26 juillet 2005, dite de sauvegarde, a profondément rénové l'ensemble de notre droit des entreprises en difficulté. Elle a été complétée en 2008 et par deux fois en 2010.

Les procédures de sauvegarde et de redressement ont ainsi été améliorées et une réforme de la sauvegarde financière accélérée est venue renforcer l'importance de la négociation entre l'entreprise et ses partenaires. Son objectif est ainsi d'imposer rapidement, dans un délai maximal de deux mois, une restructuration financière pré-négociée et ayant recueilli un large soutien des créanciers concernés, tout en préservant l'activité opérationnelle du débiteur en difficulté.

Cette adaptation très technique de notre droit se poursuit aujourd'hui dans le cadre de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives. Je souligne le travail remarquable de M. le président de la commission Jean-Luc Warsmann dans cette entreprise.

Enfin, je veux rappeler que les règles d'organisation des professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire permettent aux juridictions de faire appel à des auxiliaires de justice fiables, réactifs et efficaces.

Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de toujours veiller à répondre aux situations qui fragilisent nos entreprises : votre proposition de loi, madame la rapporteure, apporte de nouvelles garanties, tout en complétant le dispositif existant.

Chacun de nous sait que le soutien à la compétitivité économique va de pair avec la capacité de nos entreprises à maîtriser les risques juridiques.

Or il n'est pas acceptable qu'à la fragilisation qu'entraîne la crise économique pour certaines de nos entreprises s'ajoute le risque que des tiers parviennent à organiser leur protection en vue d'échapper à la mise en jeu de leur responsabilité. Il n'est pas davantage acceptable qu'ils puissent priver l'entreprise de toute possibilité de répondre à ses obligations en organisant son insolvabilité.

Une société mère installée à l'étranger, qui impose à sa filiale ses choix de gestion, ou un donneur d'ordre, qui exerce sur l'entreprise une influence déterminante, la plaçant en situation caractérisée de dépendance, doivent faire face à leurs responsabilités.

Mais en l'état du droit actuel, s'il est possible de mettre en jeu la responsabilité d'un tiers dans le cadre d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le code de commerce ne prévoit pas la possibilité de solliciter des mesures conservatoires permettant de préserver certains actifs.

En effet, le juge ne peut autoriser de telles mesures urgentes que dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire. Or il est préférable, pour espérer une reprise dans les meilleures conditions possibles – notamment pour l'emploi –, que l'entreprise en difficulté soit placée en sauvegarde ou en redressement plutôt qu'en liquidation.

En prévoyant que le juge peut ordonner des mesures conservatoires dès l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la proposition de loi permet d'agir vite, pour éviter que les entreprises en situation de défaillance ne voient les responsables de cette situation organiser leur insolvabilité et détourner des actifs.

Ces mesures conservatoires permettront ainsi de paralyser l'organisation de l'abandon d'entreprise : elles éviteront que les véritables maîtres de l'entreprise en difficulté, dirigeants de droit ou de fait, puissent faire échapper à la procédure un certain nombre de biens.

Ces mesures seront l'accessoire indispensable à une action en responsabilité au fond – action en extension, en insuffisance d'actifs ou au titre d'une faute ayant provoqué l'état de cessation des paiements –, laquelle nécessite, au regard des exigences judiciaires du débat contradictoire, un délai certain pour aboutir à une décision de justice.

Concrètement, elles permettront, dans l'attente de la décision au fond, de saisir à titre conservatoire les éléments d'actifs de tout dirigeant se trouvant entre les mains de l'entreprise en difficulté.

Ce dispositif, grâce à l'intervention de l'autorité judiciaire, permettra une mise en balance de l'ensemble des intérêts en cause, qu'il s'agisse de ceux de l'entreprise, des propriétaires d'actifs ou des créanciers.

Je remercie la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui a bien voulu adopter des amendements tendant à renforcer la sécurité juridique de ce nouveau dispositif, en visant expressément les biens des seuls dirigeants de droit ou de fait. En effet, il n'était pas question que le texte ait un impact sur les relations commerciales entre une société et ses partenaires.

Une chose est de garantir le paiement d'éventuelles condamnations pécuniaires ; une autre est de trouver des fonds pour éviter que les biens détenus par l'entreprise en difficulté n'entraînent des frais ou ne dépérissent. Afin d'assurer le financement des dépenses rendues nécessaires par la détention, voire la simple conservation de ces biens, votre proposition de loi permet dans des conditions précises et encadrées, toujours sous le contrôle du juge, la cession de tout ou partie des éléments saisis. Placées à la Caisse des dépôts et consignation, les sommes ainsi obtenues permettront de garantir les droits du propriétaire des biens cédés le temps que l'action en responsabilité s'achève.

Toutefois, et dans les limites du respect du droit de propriété constitutionnellement garanti, il apparaissait également nécessaire de prévoir que ces sommes permettent aux mandataires judiciaires, sur autorisation du juge, de faire face aux dépenses nécessaires à l'entretien et à la conservation de ces biens. Ce sera notamment le cas des dépenses permettant de prévenir les risques imminents de pollution liés à ces actifs ; il s'agit d'un exemple concret de gestion d'affaires que nous connaissons par ailleurs dans notre code civil.

Cette proposition de loi apporte ainsi une protection efficace à un grand nombre d'entreprises, notamment aux filiales de groupe, tout particulièrement aux filiales de groupes étrangers défaillants. En plaçant la procédure sous le contrôle du juge, la loi garantit le meilleur équilibre entre les intérêts en cause, tout en donnant aux entreprises en difficulté les meilleures chances de se redresser.

Certains d'entre vous proposent de légiférer sur un dispositif dont nous n'avions pas connaissance ce matin encore. Comme M. Besson a eu l'occasion de l'indiquer lors des questions au Gouvernement, ces amendements, qui portent atteinte à plusieurs libertés constitutionnellement protégées – libertés d'entreprendre et de contracter, droit de propriété –, ne peuvent être adoptés en l'état.

Or notre objectif politique est de permettre l'adoption d'un texte solide juridiquement, qui fait consensus sur le fond et qui permet de répondre à un vide juridique. J'appelle chacun d'entre vous à assumer ses responsabilités.

Préserver la sécurité juridique, garantir celle des affaires, assurer la prééminence de l'intérêt général sont autant d'objectifs qu'il nous faut concilier. L'équilibre est délicat et mérite d'être toujours consolidé. En apportant de nouvelles garanties, en les inscrivant rapidement dans notre droit, nous permettrons que des entreprises déjà fragilisées ne voient pas leur situation se dégrader du fait du comportement irresponsable de certains.

Nous devons tout mettre en oeuvre pour que l'existence de ces entreprises ne soit pas irrémédiablement compromise. La proposition de loi soumise à votre examen permet de compléter notre droit en ce sens. C'est une excellente chose. Je vous invite donc à l'adopter. Je vous remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le garde des Sceaux, mesdames et messieurs les députés, nous devons régulièrement adapter notre droit à l'évolution de l'organisation des entreprises.

Plusieurs dossiers récents ont montré qu'une entreprise en difficulté peut se trouver sous la dépendance de « tiers » qui ont la capacité de prélever ses actifs avant que ses difficultés ne soient rendues publiques, la privant ainsi de toute possibilité de répondre à ses obligations urgentes, notamment sociales et environnementales.

Le dossier le plus récent est celui de la société Petroplus France et de sa raffinerie de Petit-Couronne. Les salariés, avec lesquels nous venons d'avoir une nouvelle réunion de travail et qui se trouvent ce soir dans les tribunes. Je les salue. Ils attendent avec impatience que les stocks de produits qu'ils ont raffinés – le fruit de leurs efforts – puissent être conservés, au service de leur outil de travail.

Il ne s'agit pas d'une proposition de loi de droite ou d'une proposition de loi de gauche. Il ne s'agit pas de l'expression d'un camp face à un autre. Il ne s'agit pas non plus d'une grande initiative de politique industrielle. Il s'agit de donner à ces salariés, légitimement inquiets sur l'avenir de leur outil industriel, la garantie que le fruit de leur travail ne sera pas capté par un tiers.

Dès que la nécessité d'un texte législatif a été connue, François Fillon s'en est immédiatement entretenu avec Laurent Fabius, ancien Premier ministre et député de la circonscription de Petit-Couronne, lequel lui a donné, je crois, son accord de principe.

Le Président de la République, lui-même, a tenu il y a quelques jours une réunion avec les représentants des salariés afin de finaliser ce texte.

Je souhaite appeler chacun à ses responsabilités afin que les salariés de cette raffinerie ne restent pas démunis. Pour que cette proposition de loi soit adoptée avant la suspension des travaux la semaine prochaine, il faut un vote conforme à l'Assemblée nationale et au Sénat.

L'objet de la proposition de loi que vous examinez ce soir n'est évidemment pas d'alimenter la campagne électorale,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

… aussi légitime soit-elle, mais d'apporter une réponse technique à ces salariés en comblant une lacune du droit.

Le cas le plus évident auquel nous devons faire face est celui des filiales françaises de groupes internationaux. L'internationalisation croissante des entreprises conduit le modèle des « groupes de sociétés » à devenir toujours plus complexe, tout en reposant parfois sur des prises de décision de plus en plus centralisées. Cela donne à ces groupes toutes les caractéristiques d'une entreprise unique, avec comme corollaire le fait que les structures françaises de ces groupes se révèlent peu, voire pas autonomes.

En conséquence, le dépôt de bilan d'une des sociétés, voire des dépôts de bilan en cascade de l'ensemble de la pyramide, peut placer les pouvoirs publics dans une situation où un site de production est privé de toute ressource, alors qu'il devrait avoir un avenir.

La loi prévoit déjà certains outils pour y faire face, mais l'expérience montre que l'évolution des structures des entreprises et des groupes doit nous conduire à adapter encore notre droit.

Lorsqu'une société en est arrivée au stade de la liquidation judiciaire, le juge commissaire peut d'ores et déjà, en l'état du droit, prendre des mesures conservatoires sur les stocks qui appartiennent à sa société mère, voire à sa société grand-mère.

L'ensemble de ces dispositions permet d'intervenir après l'arrêt d'activité d'un site, ou lorsque la maison mère est in bonis. En revanche, la législation ne permet pas d'intervenir pour prévenir l'arrêt du site lorsque la maison mère a disparu ou fait elle-même l'objet d'une procédure de sauvegarde.

La proposition de loi qui vous est soumise doit nous permettre de combler cette lacune. Elle prévoit une action en trois temps, qui répond bien aux enjeux que je viens de rappeler.

D'abord, elle étend à la procédure de redressement judiciaire les facultés dont dispose déjà le juge lors d'une liquidation judiciaire. Cette mesure permettra notamment de saisir les biens en France d'une société mère qui abandonne sa filiale française. Ensuite, la proposition de loi crée la possibilité de céder ces biens, toujours à titre conservatoire. Enfin, elle prévoit que les sommes sous séquestre puissent être, au moins en partie, mobilisées à titre conservatoire afin de faire face à des dépenses urgentes.

Grâce à cette proposition de loi, nous avons la possibilité d'apporter une protection efficace et concrète à un grand nombre d'entreprises en difficulté. Elle nous donnera un outil supplémentaire pour assurer un avenir à ces entreprises. C'est pourquoi, comme Michel Mercier l'a déclaré à l'instant, le Gouvernement soutient ce texte et vous propose de le voter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Arlette Grosskost.

Debut de section - PermalienPhoto de Arlette Grosskost

Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis – Mme Guégot, MM. Mercier et Besson viennent d'en exposer les détails –, est quelque peu technique, voire complexe.

Pour ma part, je rappellerai que notre majorité, au cours des dernières mandatures, a eu à coeur de travailler sur la problématique globale du traitement des entreprises en difficulté.

Ce faisant, elle a apporté des améliorations substantielles afin que les entreprises puissent organiser un redressement efficace, grâce à l'adoption de procédures diversifiées, telle que la sauvegarde. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, cette dernière a beaucoup de succès à l'heure actuelle puisqu'elle permet à certaines entreprises, en amont de l'apparition de difficultés réelles, de se rétablir.

Pour autant, force est de constater que des lacunes demeurent. Ces lacunes ont été mises au jour par des cas malheureux dus, certes, à une conjoncture économique chamboulée, mais aussi parfois, reconnaissons-le, à des comportements quelque peu indélicats de certaines sociétés ou de certains dirigeants. J'en veux pour preuve l'affaire de Petroplus que vous avez soulevée et qui est récemment l'exemple le plus parlant, même si la presse s'est aujourd'hui fait l'écho d'une situation similaire : celle d'une entreprise mère allemande et de sa société fille en Belgique.

Le cas Petroplus est très parlant. Qu'en est-il précisément ? La société mère étrangère, à travers ses banques, s'est remboursée par préférence, alors que la société fille était déjà, dans les faits, en cessation de paiement. Par cette manoeuvre, la société mère a largement obéré, voire supprimé, la trésorerie de la société fille, la privant d'un actif essentiel à la poursuite de son activité. Il ne s'agit certainement pas, pour nous, de nous immiscer dans la gestion d'une entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Bien sûr que non ! Vous vous en gardez bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Arlette Grosskost

Elle relève de la responsabilité de sa gouvernance et de ses propriétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Arlette Grosskost

Mais n'oublions pas qu'une entreprise n'est pas uniquement composée d'éléments financiers, mais aussi et surtout d'un capital humain. Il n'y a de richesse que d'hommes ! Vous le savez bien ! Nous y souscrivons totalement !

Ce capital humain est constitué de tous les salariés qui ont aussi contribué par leur travail à la valeur de l'entreprise…

Debut de section - PermalienPhoto de Arlette Grosskost

…et aux bénéfices que l'entreprise peut réaliser dans certains cas.

Il existe à l'heure actuelle, vous l'avez précisé, messieurs les ministres, des moyens tels que le droit de suite et l'action paulienne, mais je n'entrerai pas dans le détail. Or il est évident que ces moyens sont insuffisants. Il nous appartient de remédier à de telles pratiques totalement contraires à une gestion courante et certainement préjudiciables aux salariés et aux créanciers. Il est, en conséquent, important de permettre au juge, dès l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou d'un redressement judiciaire, d'ordonner des mesures conservatoires utiles sur les biens qui composent l'actif du bilan de la société en difficulté pour les bloquer et dessaisir, au besoin, le dirigeant de droit ou de fait dont la responsabilité pourrait être engagée. Comme vous l'avez précisé, ce principe existe déjà dans le cadre de la liquidation judiciaire. L'étendre au redressement judiciaire garantira le respect des intérêts en cause.

Dans cet esprit, nous ne pouvons que saluer l'initiative prise par nos collègues. Celle-ci entend apporter une protection efficace et concrète non seulement aux entreprises en difficulté, filiales de groupes étrangers, dépendantes de leur maison mère et souvent considérées comme un simple maillon de la chaîne, mais aussi aux sous-traitants qui dépendent d'un seul client, comme cela se produit aussi de temps en temps.

En évitant, en période de difficultés, les prélèvements des actifs par les sociétés mères ou les donneurs d'ordres, nous leur imposerons ainsi d'assumer leurs responsabilités jusqu'au bout. Prendre des mesures conservatoires en dehors du seul cadre de la liquidation nous paraît, à l'heure actuelle, indispensable et surtout de bon sens. Des amendements ont été adoptés dans ce sens.

Nous souscrivons, pour notre part, totalement à cette proposition de loi et invitons l'ensemble des parlementaires, au-delà de ces bancs, à voter la proposition qui vous est soumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Nul doute que nous abordons, ce soir, un texte qui trouve aussi son origine dans une commande politique. Ni proposition de loi ni projet de loi, ce texte devrait plutôt s'intituler « Opportunité politique d'un Président de la République en campagne ». Cette initiative, il ne l'a pas prise en temps ordinaire, au cours de la législature. Les textes qui se sont succédé ont plutôt fait la part belle à l'assouplissement du droit des sociétés ou au desserrement de la vie des affaires, bref au libéralisme toujours paré de ses vertus émancipatrices. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir dénoncé à chaque fois les comportements sans scrupule d'entreprises aux dirigeants masqués, dirigeants procédant, ici, à des licenciements d'économie plutôt qu'à des licenciements économiques – je pense à toutes ces femmes salariées d'Aubade – là, à des détournements d'actifs ou à des surfacturations de services pour réduire les résultats et éviter de verser la participation. Je pense à la société Montupet ou à l'usine Fonderie du Poitou, pour ne citer que les entreprises de mon département. Nous sommes nombreux sur tous les bancs, mes chers collègues, à avoir connu dans nos circonscriptions de tels comportements qui ont mis à mal notre potentiel industriel national. Vous le savez tous ici, mais n'avez jamais eu le courage politique de vous y opposer, par complaisance ou par dogmatisme, les deux parfois.

Quand les échéances électorales approchent et que le libéralisme se fait à ce point arrogant qu'on évoque la faillite frauduleuse pour qualifier un comportement jusqu'alors impuni, on se dit qu'il faut se méfier de ce sursaut de vertu. En effet, si ce texte se veut répondre à une urgence sociale, pour autant le mot salarié n'y figure pas. De quoi s'agit-il ? D'introduire, dans le droit des procédures collectives affectant la vie des entreprises, des mesures permettant de faire obstacle à ce que des tiers prélèvent les actifs de l'entreprise défaillante, organisent leur protection ou privent l'entreprise de toute possibilité de répondre à certaines de ses obligations. Ainsi, avec ce texte, comme dans la liquidation judiciaire, faculté sera donnée aux personnes pouvant exercer des mesures conservatoires d'y procéder, même dans une procédure de sauvegarde ou de redressement.

L'action en extension à la personne du ou des dirigeants ne doit pas se cantonner, pour être efficace, au seul comblement du passif, parce qu'il est déjà trop tard ! Si faute il y a, il convient d'appréhender le plus tôt possible les actifs du débiteur en procédant aux mesures conservatoires préalables qui permettront, une fois la faute reconnue, de restituer à l'entreprise les actifs détournés. Cette mesure se veut curative en ce sens qu'elle doit permettre de retrouver dans les actifs sociaux ce qui aurait été détourné abusivement. Elle se veut aussi préventive en ce sens qu'elle devra dissuader les dirigeants d'y procéder. Si nous en avions eu le temps, nous aurions pu également travailler sur le versant pénal de ce texte pour qualifier les comportements délictueux. La substance même de l'entreprise doit être protégée des agissements frauduleux de ses dirigeants et pas seulement quand a sonné l'heure de la liquidation pour désintéresser les créanciers.

En effet, de nouveaux comportements sont apparus chez les repreneurs. Ils aboutissent à convertir en dividendes la cession d'éléments d'actifs et à appauvrir l'outil de production, lequel, non renouvelé, perdra son efficacité économique. Les salariés le constatent chaque jour sans avoir les moyens de le dénoncer. Il faut leur ouvrir un droit de suite sur les biens ainsi détournés, notamment quand le tribunal aura opportunément fait remonter la date de cessation des paiements à une date antérieure à celle du dépôt de bilan. Qui mieux que les salariés et leurs représentants est à même d'agir dans l'urgence ? Un mandataire devra préalablement procéder à son rapport d'audit avant d'agir. Un juge devra se faire sa propre opinion avant d'y procéder lui-même. Les salariés, eux, seront les premières sentinelles et pourront agir rapidement. Il en va de l'intérêt de tous : l'emploi qu'il convient de maintenir ; l'entreprise qu'il convient de sauvegarder ; les créanciers qu'il conviendra de désintéresser. Ce sont, je le rappelle, les objectifs assignés par les textes sur la prévention, la sauvegarde et le redressement des entreprises.

Cette proposition de loi constitue un élément utile à la réalisation de ces objectifs pour autant que confiance soit donnée à tous ceux qui ont pour mission d'agir en ce sens. Mais d'autres situations méritent que le législateur intervienne. On ne peut plus laisser fermer des entreprises sur notre territoire sans qu'aient été préalablement mis en oeuvre tous les moyens pour trouver un repreneur. Il en va ainsi des entreprises qui font de la fermeture d'un site de production un simple acte de gestion délaissant ainsi l'emploi sans autre forme de procès. Le législateur ne peut laisser les restructurations industrielles se faire sans contrôle, aboutissant au paradoxe qu'une entreprise en difficulté, selon l'expression du professeur Derrida est « à vendre sinon à reprendre » alors qu'une entreprise saine serait susceptible d'être liquidée sans préalable. La mise en perspective de ces deux situations doit nous conduire à intervenir aussi en ce domaine. L'intervention du tribunal de commerce saisi à l'initiative de l'entreprise ou du comité d'entreprise permettra aussi de répondre aux objectifs de maintien de l'emploi et de l'entreprise qu'il a l'habitude d'apprécier dans le cadre des procédures collectives. Il n'y a, ici, qu'une suite logique à respecter que commandent l'intérêt général et l'intérêt national. C'est tout le sens des amendements que nous déposerons pour enrichir votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Nous sommes réunis – et votre présence en atteste, monsieur le garde des sceaux – afin d'adapter notre droit à une situation d'urgence. C'était effectivement nécessaire. Nous avons tous, en effet, été interpellés par les appels à l'aide des quelque 550 salariés de la raffinerie de Petit-Couronne à la suite de la mise en faillite de son propriétaire, le groupe Petroplus. Je souhaite, au nom des députés du groupe Nouveau Centre, me féliciter qu'un dispositif d'urgence puisse être examiné par notre assemblée afin de leur apporter un début de réponse.

La proposition de loi entend, en effet, combler une lacune du droit des procédures collectives qui éclate au grand jour aujourd'hui avec cette affaire de Petroplus. Il s'agit de permettre la mise en oeuvre de mesures conservatoires dans le cadre de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.

Revenons un instant sur les faits : la raffinerie de Petit-Couronne a une longue histoire puisqu'elle a commencé ses activités en 1927 sous le nom de « Société maritime des pétroles ». Longtemps exploitée par Shell, elle est cédée au groupe Petroplus le 1er avril 2005. Le 27 décembre 2011, le groupe, dont la société d'investissement américaine Carlyle possède 57 % des parts, annonce qu'il ne peut plus acheter de pétrole brut à cause du gel par ses banques d'une ligne de crédit d'un milliard de dollars. Après de vaines tentatives de discussion avec ses financeurs, Petroplus annonce, le 20 janvier dernier, la mise en vente de sa raffinerie de Petit-Couronne en Seine-Maritime. Les raffineries suisse et belge de Petroplus sont également mises à l'arrêt. En quelques années à peine, le plus important raffineur indépendant au monde a fait les mauvais choix et dégage une perte de 400 millions d'euros sur les neuf premiers mois de l'année 2011. Fin janvier, la société fait face au gel de ses lignes de crédit auprès de treize banques et c'est la cessation de paiement. La société enregistre alors 2 milliards de pertes et l'on peut s'interroger sur la véracité de la démarche.

Cet état de fait conduit à l'ouverture d'un redressement judiciaire dans chacun des pays concernés. Un tel échec conduit surtout au désarroi plus de 550 familles.

Si différents candidats à la présidentielle se sont succédé sur le site pour aller à la rencontre des ouvriers, le Gouvernement a quant à lui réagi d'abord par l'intermédiaire du médiateur du crédit. Je profite de cet instant pour souligner le rôle déterminant que joue le médiateur dans bien des situations moins médiatisées que celle qui nous préoccupe aujourd'hui. Les actions mises en oeuvre par ce service fonctionnent, et il faut le soutenir. À l'avenir, il faudra renforcer encore sa force de frappe, notamment pour les PME-PMI.

Pour revenir à la proposition de loi, l'enjeu réel, c'est que l'arrêt de la raffinerie début janvier implique une dégradation rapide des installations. Bientôt, son redémarrage sera impossible.

Aussi, empêcher le détournement d'actifs est capital afin de mettre à profit ce que les syndicats sur place appellent leur trésor de guerre. En effet, en stock, la raffinerie conserve 200 millions d'euros de production, et tout laisse à penser que la société mère n'est pas sans être intéressée par la récupération de ces produits en stock.

Le droit actuel, bien que la société ait été mise en redressement judiciaire, est lacunaire. La proposition de loi propose d'étendre les dispositions prévues dans les liquidations judiciaires afin que le juge puisse saisir, à titre conservatoire, les actifs que la société mère du groupe Petroplus souhaite récupérer alors que la décision judiciaire ne l'a pas encore reconnue responsable dans la défaillance de son site de Petit-Couronne.

Le texte, s'il est adopté, permettra de sécuriser juridiquement la mise sous séquestre des stocks et des installations face à des sociétés mères peu scrupuleuses.

L'opération est certes complexe mais elle est juste, à la fois pour les salariés, qui peuvent avoir l'espoir de voir redémarrer leur raffinerie ou d'obtenir une indemnisation correcte, et pour l'outil industriel, qui, sinon, connaîtra au fil des semaines une dégradation rapide. L'arrêt correct d'une raffinerie nécessite plusieurs mois et plusieurs dizaines de millions d'euros.

Aux côtés des salariés dans cette épreuve, le Nouveau Centre, comme tous les députés, nous l'espérons, apportera son soutien à cette proposition de loi. Il faut donner une sécurité juridique à tous les salariés et mettre toutes les cartes de notre côté afin d'espérer voir redémarrer la dernière raffinerie indépendante du territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vais être direct. L'emploi industriel est une clé pour l'avenir. Il s'impose dans le débat social, économique, politique. La droite UMP propose un texte dont l'exposé des motifs paraît séduisant, la loi Petroplus, dit-on en Normandie.

Cette proposition limitée, tardive et de circonstance a le mérite de stigmatiser le comportement de dirigeants d'entreprise pouvant être qualifiés de délinquants.

Trop souvent, avant même le déclenchement d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, certains, avec la complicité de tiers et au détriment de la collectivité, font échapper des biens dont la réalisation devrait bénéficier aux salariés lésés et permettre de répondre aux obligations.

Certes, on peut toujours dire « vaut mieux tard que jamais », d'autant que, dans le camp de la majorité, vous avez longtemps fait la promotion des services contre l'industrie (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Mais vous nous proposez une modification du code de commerce certes utile mais courte en matière de changement de politique pour réindustrialiser le pays.

Cette proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale en pleine nuit, l'avant-veille de la visite présidentielle de Nicolas Sarkozy à Petit-Couronne, et non celle du candidat, paraît-il, chez Petroplus.

L'Élysée nous a souvent habitués à des lois de circonstance à répétition, dont, pour certaines, nous attendons encore les décrets d'application.

Je constate donc qu'il existe une corrélation entre la venue de Nicolas Sarkozy en Normandie et cette subite proposition de loi, élaborée au « château » et non amendable,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

…mais qu'à cela ne tienne, peu importe, à une condition, celle de bien examiner l'efficacité qu'aura cette loi non dans quelques semaines, quelques mois, mais demain.

La proposition de loi en l'état actuel est très restrictive.

D'une part, il est évident que la seule modification apportée au code de commerce ne modifie pas sur le fond la politique industrielle. Si tel était le cas, dès le début de la mandature, vous, la majorité, désormais provisoire, l'auriez fait voter. C'est donc bien son arrivée tardive qui interpelle.

D'autre part, et c'est l'essentiel, vous avez décidé en commission des lois de refuser les amendements, notamment ceux soutenus par notre collègue Daniel Paul, aux côtés des salariés de Petroplus en lutte. C'est leur lutte unitaire, avec la population, qui s'invite ce soir dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Mais nos amendements valent également pour une multitude d'entreprises.

Ces amendements donneraient plus de force à la loi. Au-delà d'une réécriture à la marge, en les refusant, vous priveriez sciemment le pays d'un outil utile pour l'avenir de nos tissus économiques et pour l'emploi. Si tel était le cas, vous paraphraseriez le précepte d'Henri Queuille : « agir pour masquer le problème plutôt qu'y répondre ».

Nous, députés communistes et républicains, nous ne bouderons aucune amélioration du code de commerce au regard du contexte social et économique déplorable que vous avez créé et des enjeux pour des milliers de travailleurs et leurs familles.

C'est donc à vous de choisir si vous avez pour ambition de sauvegarder nos industries, de cesser la casse des emplois car un pays sans industrie est un pays asservi.

Pour notre part, nous ne serons jamais complices de cette incapacité à faire face à des patrons voyous ou à des grands groupes qui « réorganisent » leur implantation au gré des cours de la Bourse, plus soucieux de spéculer que de s'intéresser à l'utilité économique et sociale.

Après cinq ans de mandat, Nicolas Sarkozy commence à se rendre compte qu'il est allé loin, voire très loin, pour plaire aux puissances de l'argent (Protestations sur les bancs du groupe UMP), à ses riches amis à qui il avait promis de les servir prioritairement, d'où son autocritique sur la soirée du Fouquet's. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Et vous, parlementaires de l'UMP, pour quand est votre autocritique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Pourquoi pas aujourd'hui, en acceptant nos amendements sur votre proposition ?

L'un des amendements que nous avons déposés vise à introduire des droits nouveaux au bénéfice des salariés et de leurs représentants en cas de procédure collective afin qu'ils puissent formuler des propositions pour la poursuite ou la transformation de l'activité.

Un autre vise à assurer le paiement des créances non sécurisées et la réalisation des travaux indispensables à la poursuite de l'activité.

C'est pourquoi nous proposons d'indiquer dans le titre que la finalité du texte est de permettre la poursuite de l'activité et de maintenir les droits des salariés.

Avoir le courage de faire une loi en allant au bout de la démarche prouverait combien vous êtes vous aussi attachés à nos industries, à nos productions, aux savoirs et savoir-faire des salariés français.

Depuis des décennies, si nous avions eu une loi respectueuse des travailleurs, combien de milliers d'entre eux seraient encore à leur poste de travail ?

Quelques exemples : Michelin, Danone, Alstom, Arcelor-Mittal, Renault, Peugeot et leurs équipementiers, Seafrance, M-Real et leurs équipementiers, mais également Fralib, Total, l'aéronautique, Lejaby et, bien sûr, Petroplus, sans oublier les conséquences pour les sous-traitants, les intérimaires, les commerces, les PME, les services, les services publics locaux. Je ne peux les citer tous tant la liste est longue.

Nous avons un besoin vital d'une loi rigoureuse tendant à interdire les licenciements boursiers, à contrôler la réalité du motif économique, à exclure du champ légal des licenciements économiques ceux effectués dans les entreprises ayant reversé des dividendes à leurs actionnaires pendant l'année écoulée, à exiger le remboursement intégral des aides publiques perçues par celles qui licencient abusivement.

C'est incontournable pour sortir de la crise dans lequel votre système ultrafinanciarisé a plongé notre pays.

Avec le chômage, la situation de notre commerce extérieur illustre d'ailleurs les effets du processus de casse industrielle auquel nous sommes confrontés.

Notre déficit extérieur,d'abord avec les pays d'Europe, et notamment l'Allemagne, a atteint en 2011 le record absolu de 75 milliards d'euros. D'où notamment notre dépendance croissante dans le domaine de l'automobile, où ce sont bien souvent les entreprises françaises comme Renault et Peugeot qui sont elles-mêmes à l'origine de notre propre déficit en la matière.

Autre illustration : la persistance des stratégies de délocalisation de nos groupes industriels, guidés par la seule rentabilité financière à court terme plus que par la volonté de conquérir des marchés à l'export. La facture du déclin industriel de notre pays est lourde. Le secteur des produits pétroliers raffinés en constitue un exemple particulièrement éclairant. Nous importons des produits pétroliers raffinés, essentiellement du gazole, au seul motif que les capacités de production de notre pays se sont réduites, singulièrement depuis la fermeture de la raffinerie des Flandres,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

…alors même que la demande de produits pétroliers restait stable. Au lieu d'adapter l'outil, on ferme.

Une telle situation, exemplaire de la logique de déclin industriel que nous voyons aujourd'hui à l'oeuvre, appelle évidemment à la mobilisation de l'ensemble des énergies pour inverser la tendance qui frappe lourdement notre économie et menace directement la capacité de la France à jouer son rôle dans l'économie européenne et internationale de demain.

La source des difficultés et des problèmes n'est pas un coût du travail excessif, des réglementations tatillonnes ou une pénurie de main-d'oeuvre dans tel ou tel secteur. Une étude de l'INSEE publiée le 21 février montre que le coût unitaire du travail dans l'industrie manufacturière est identique en France et en Allemagne. Pourtant, l'une accumule les déficits, l'autre les excédents. Dans l'automobile, l'Allemagne est la championne des exportations, alors que le coût du travail dans cette industrie y est le plus élevé d'Europe, supérieur de 29 % à celui observé en France : 43,14 euros contre 33,38 euros. Quant aux coûts salariaux dans le raffinage, ils sont marginaux.

Les écarts de compétitivité ne tiennent donc pas aux coûts salariaux. Il est temps de conforter notre appareil industriel avec ceux-là même qui le font vivre, c'est-à-dire les salariés.

Quand nous parlons de droit, il ne faut pas se contenter de modifier le code de commerce, il faut revoir le code du travail et toute la législation en général pour imposer de nouveaux droits pour les salariés, leurs organisations syndicales, les comités d'établissement. Nous faisons des propositions précises dans ce domaine, en particulier avec le Front de Gauche. Il est temps que les situations économiques les plus périlleuses soient appréhendées avec l'intervention directe des salariés, enfin pourvus d'un droit de regard sur la gestion des entreprises comme sur leur devenir. Au-delà des périodes de crise, il faut créer les conditions d'une traduction concrète des propositions, idées ou suggestions que les salariés peuvent avoir quant à la bonne marche de l'entreprise.

La citoyenneté ne peut s'arrêter aux portes des usines et être interdite à l'intérieur où seule régnerait la loi des actionnaires.

Faut-il en effet que ce que l'on appelle l'économie, en fait le droit du capital, échappe aux décisions démocratiques du peuple ? Telle est la vraie question qui se pose à vous, et il y a urgence. La situation économique et sociale dans laquelle se trouve notre pays ne peut plus attendre.

Chacun s'accordant à reconnaître que la réindustrialisation de la France est au coeur des préoccupations, que ce souci qui semble majeur se transforme enfin en actes concrets. Mes chers collègues, je vous le demande donc solennellement : écrivons à cet instant même une page de notre histoire, sans état d'âme, avec la volonté de jouer le rôle qui est le nôtre, être utiles au monde du travail, à nos concitoyens, à la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes ici pour examiner une proposition de loi visant à doter la puissance publique d'outils législatifs lui permettant de mener une véritable politique industrielle.

Nous, les socialistes, sommes responsables et, en l'occurrence, sur l'affaire Petroplus, nous avons décidé de voter cette proposition de loi qui doit permettre d'empêcher le détournement d'actifs d'une entreprise défaillante. Il y a eu en effet trop d'exemples de patrons voyous laissant des salariés désemparés et des sites abandonnés.

Le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée, et nous en sommes heureux. Mais pourquoi a-t-il refusé d'utiliser la même procédure pour la proposition de loi socialiste visant à obliger un groupe industriel rentable à vendre à un repreneur un site menacé d'abandon dont il veut se débarrasser si ce repreneur a l'aval du tribunal de commerce ? Pourquoi n'avoir pas donné cette chance aux salariés d'ArcelorMittal à Florange ? J'ai entendu les réponses qui nous ont été apportées par le Gouvernement et par le Premier ministre lui-même, ces jours-ci, par voie de presse ou dans l'hémicycle. On nous dit que notre proposition de loi est absurde. Or c'est à la demande des salariés eux-mêmes que François Hollande, en responsabilité, vendredi dernier, lors de sa quatrième visite en Moselle sur ce dossier, a décidé de déposer cette proposition. Elle est nécessaire pour répondre à l'inquiétude des salariés. Elle est nécessaire aussi parce que ce n'est pas un texte punitif, mais un outil de politique industrielle dont nous avons besoin.

Nous avons tous des exemples en tête de sites industriels laissés en déshérence par de grands groupes rentables dont les actionnaires sont souvent bénéficiaires, qui abandonnent les salariés, les réseaux de sous-traitants, tout un tissu industriel, qui massacrent nos territoires, nos régions et obèrent toute possibilité pour l'État et la puissance publique, avec les collectivités locales, de dresser les grandes lignes d'une véritable politique industrielle.

Il faut réagir. Mes chers collègues, je vous appelle ce soir à la responsabilité. Puisque notre proposition de loi, sans doute parce que son premier signataire en était François Hollande, n'a pas eu le bonheur d'être inscrite en procédure accélérée, nous avons décidé, avec Jean-Marc Ayrault, de déposer sous forme d'amendements les dispositifs que nous souhaitons voir inscrits dans les codes.

En Moselle, ArcelorMittal a adopté une stratégie de désengagement. Vous nous avez dit, monsieur le ministre chargé de l'industrie, que les hauts fourneaux étaient fermés de manière temporaire, mais malheureusement il y a des précédents. À Liège, les hauts fourneaux ont été fermés pendant deux ans de manière temporaire, jusqu'à ce qu'on annonce en novembre dernier qu'ils l'étaient de manière définitive. À Madrid, les hauts fourneaux ont été fermés de la même manière. Au Luxembourg, à Schifflange, à Rodange, les hauts fourneaux, mis en veille, seront eux aussi fermés, au mois de mars. C'est une logique de désengagement industriel d'ArcelorMittal sur l'ensemble du territoire européen qui est à l'oeuvre.

Nous devons réagir face à ce groupe qui a réalisé l'an dernier 2,3 milliards de bénéfices, dont il a retiré 1 milliard pour le reverser aux actionnaires, c'est-à-dire en grande majorité à la famille Mittal. Nous ne pouvons pas laisser la France, l'Europe se dépouiller de leur industrie sidérurgique.

Mittal nous répond que les commandes sont faibles, mais à Florange le parc à brames est rempli, pour approvisionner d'autres sites que Mittal fait tourner à plein régime parce qu'ils lui rapportent plus d'argent. Nous devons nous doter des outils qui nous permettront de récupérer ce site extrêmement efficace. Nous parlons souvent de l'Allemagne : eh bien, l'industrie automobile haut de gamme allemande s'approvisionnait en acier auprès d'ArcelorMittal Florange, en raison de la qualité de ses aciers et de sa main-d'oeuvre.

Nous devons protéger nos territoires et nous doter d'outils de politique industrielle pour protéger le savoir-faire de la main-d'oeuvre – c'est le principal atout de la France : la qualité et l'engagement des salariés et des ouvriers –, sinon nous n'aurons plus rien pour agir face à ces grands groupes. C'est pourquoi nous avons déposé ces amendements, et j'espère, chers collègues, qu'ils recueilleront votre assentiment à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Laurent Fabius, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'interviens à cette tribune à la fois parce que le texte qui nous est soumis a une portée générale et parce que, comme certains d'entre vous le savent, je suis le député de la circonscription où se trouve cette importante raffinerie, qui n'est pas, contrairement aux propos tenus par le Président de la République qui nous a fait une visite l'autre jour, une centrale, mais bien une raffinerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grellier

Et toc ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Je salue à cette occasion, comme l'un d'entre nous l'a fait avant moi, l'intersyndicale, présente dans les tribunes du public et qui, de même que l'ensemble des salariés de Petroplus, fait preuve d'un grand esprit de responsabilité dans cette situation difficile.

Sur le plan général, les uns et les autres ont dit ce qu'il fallait dire. Le code de commerce, dans sa rédaction actuelle, ne prévoit pas de mesures conservatoires préservant certains actifs en cas de sauvegarde et de redressement judiciaire, lorsque des propriétaires indélicats organisent l'insolvabilité et le détournement de ces actifs.

Vous avez tous, ou en tout cas beaucoup d'entre vous, dans vos circonscriptions, des exemples de ce type, malheureusement. Jusqu'à présent, les dispositions législatives ne permettaient pas d'aller plus avant. Grâce au texte qui nous est présenté, suite à une élaboration conjointe, on peut le dire, par les syndicats, le Gouvernement, différents groupes, dont le nôtre, on va pouvoir combler cette carence. C'est la raison pour laquelle, avec un certain nombre d'amendements présentés en cours de route, pour la plupart à l'initiative des syndicats, j'espère que nous pourrons adopter ce soir ce texte, qui ira ensuite au Sénat. Si l'adoption est conforme, cela permettra d'avancer.

Dans les quelques minutes dont je dispose, je voudrais surtout parler de Petroplus, car il serait absurde que nous ayons une discussion juridique, au demeurant assez absconse, et que l'objet même de cette discussion soit absent de nos débats. On verra, par mes propos, que la réalité est un peu différente de la situation plus flatteuse qu'on nous dépeint.

Tout d'abord, quelques mots sur l'importance de cette raffinerie. C'est l'une des plus importantes de France. Elle existe, on l'a dit, depuis fort longtemps, mais elle est en même temps très moderne. C'est un outil industriel auquel les 550 salariés sont très attachés. Elle occupe en outre plusieurs centaines de salariés chez les sous-traitants. Un chiffre qui n'a pas été donné montre bien l'importance de cette raffinerie pour l'économie régionale : songez que le trafic lié à l'entreprise représente 10 % de celui du port de Rouen et 10 % de celui du Havre, alors que ce dernier se situe à quelques dizaines de kilomètres.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Oui, à côté, avant même que s'opère, cher collègue, la fusion que vous souhaitez avec l'agglomération rouennaise que je préside ! (Sourires.)

Cette raffinerie est très importante, et l'industrie du raffinage l'est elle-même pour l'indépendance de la France. Les salariés sont très attachés à cette unité et, je l'ai dit, l'intersyndicale est extrêmement responsable.

J'espère ne pas déclencher votre colère, chers collègues de la majorité, mais je dois dire que nous avons assisté, ces dernières années, à une accumulation d'erreurs dans la politique des pouvoirs publics à l'égard de cette société. Je voudrais en donner quelques exemples.

Lorsque la Shell, grande société multinationale – nous appelons l'unité Petroplus mais Petroplus est en déconfiture, et les salariés disent en fait qu'ils travaillent pour la Shell – a vendu cette unité à Petroplus, ainsi que quelques autres unités, les salariés, de façon tout à fait pertinente, ont interrogé les pouvoirs publics pour savoir si cette vente permettait de garantir l'activité. En tant que député de la circonscription, j'ai moi-même interrogé le ministre de l'économie, qui était à l'époque Mme Lagarde. Ma question ainsi que sa réponse figurent dans les documents officiels. Je les ai consultés récemment – vous pouvez en faire de même – et j'ai été frappé de constater que Mme Lagarde, avec les éléments d'information qu'elle s'était procurés, m'avait assuré et, à travers moi, avait assuré aux salariés que l'acheteur présentait toutes garanties, et qu'en aucun cas il n'y aurait de modifications pour les salariés. Moyennant quoi, quelques années plus tard, la société faisait faillite, et les salariés se trouvent dans une immense difficulté. Premier manque de vigilance.

Deuxièmement, vous vous rappelez peut-être qu'en 2011, une autre raffinerie extrêmement importante, la raffinerie des Flandres, a fermé.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

À l'époque, le Gouvernement s'était engagé à ce qu'un certain nombre d'actions soient menées. Après la décision prise par Total de fermer cette raffinerie, le Gouvernement – je ne sais plus si c'était déjà vous, monsieur le ministre chargé de l'industrie, ou un de vos collègues – avait organisé une table ronde sur le raffinage, au printemps 2010. J'ai là les conclusions de cette table ronde, qui avait donné lieu à la publication en juin 2011 d'un plan d'action national autour de trois axes.

Premièrement, agir en faveur de la compétitivité de la filière industrielle du raffinage français : rien n'a été fait. Deuxièmement, assurer des débouchés pour les produits issus du raffinage : même constat. Troisièmement, ce qui ne manque pas d'attirer l'attention, quand on voit la situation de Petroplus, le Gouvernement de la République écrivait en juin 2011 : « Notre tâche est d'anticiper les restructurations et de préserver l'emploi dans le secteur. »

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Quelques mois plus tard, c'est la défaillance, le défaut, dans les conditions que l'on sait. Deuxième carence grave. On ne peut pas dire que le Gouvernement n'ait pas été alerté : il avait organisé une table ronde et publié un plan d'action national, qui n'était pas difficile à lire, autour de trois stratégies. Aucune n'a été mise en oeuvre.

Troisième manque de vigilance : à la fin de l'année 2011, les salariés et l'intersyndicale nous informent que l'unité dite « unité d'huile », qui comprend plus de cent salariés, va fermer dans l'entreprise Petroplus, et que cette fermeture risque d'entraîner par contrecoup des difficultés extrêmement grandes pour l'ensemble de l'entreprise. Que fait le Gouvernement ? Rien. On nous parle aujourd'hui de vigilance. À l'automne 2011, la vigilance n'est pas au rendez-vous, si bien qu'à la fin de l'année, nous apprenons que la situation s'est aggravée, que les banques sollicitées n'ont pas dégagé les crédits nécessaires. La panique s'empare de l'ensemble, la direction de Petroplus veut confisquer les actifs – une action judiciaire est d'ailleurs engagée sur ce point –, et voilà que, les élections approchant, les pouvoirs publics commencent à s'intéresser à l'affaire.

Vendredi dernier, nous avons eu le plaisir d'accueillir le Président de la République dans la société, avec un certain nombre de parlementaires de la majorité, que je salue ; je disais en plaisantant que cela leur donnait l'occasion de visiter cette usine pour la première fois. Le Président de la République, dans une entrevue avec l'intersyndicale, à laquelle je m'étais joint, nous a annoncé que la société Shell, indirectement à l'origine de la difficulté, avait décidé de consacrer 20 millions d'euros, et que l'activité, au redémarrage, était assurée pour six mois.

Renseignements pris, le responsable de la société Shell qui était présent a été amené à faire un communiqué quelques minutes plus tard indiquant que les 20 millions sont dix millions et que six mois sont un grand maximum, la reprise d'activité se faisant probablement pour une période plus courte.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Lorsqu'il s'agit de mener des actions, mieux vaut être précis.

Dans une région – M. Lecoq y faisait allusion – qui, depuis cinq années, a perdu 15 000 emplois, dans une agglomération où la société Pétroplus représente directement ou indirectement plus de 1 000 emplois et 10 % de l'activité du port, venir annoncer, d'une façon qui a été diversement appréciée, ce que les syndicats connaissaient d'ailleurs depuis plusieurs jours, à savoir que seul un sursis est assuré : cela ne peut pas dissiper notre inquiétude. Même si nous prenons bien sûr tout ce qu'il y a à prendre. Je voulais donc retracer à cette tribune, mes chers collègues, brièvement mais avec simplicité, comme vous l'auriez fait sans doute s'il s'agissait d'une entreprise de votre circonscription, quel est l'état d'esprit et quelle est la réalité. Nous avions là une société magnifique, le propriétaire s'en est défait, le nouveau propriétaire, dans des conditions que la justice aura à éclaircir, s'en est défait lui aussi, les salariés veulent de toutes leurs forces que l'unité vive, et les pouvoirs publics, très tardivement, commencent à s'y intéresser… Mais finalement tout reste à faire.

Je voudrais aborder un dernier point. Mes collègues socialistes l'ont dit : nous avons déposé plusieurs amendements correspondant à une situation différente, mais qui concerne aussi la région Haute-Normandie puisqu'il s'agit de la société M-réal, que connaissent bien ceux qui sont familiers de l'Eure.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Au-delà de la décision juridique que nous allons prendre ce soir, il reste beaucoup de dispositions à améliorer, en particulier celles sur lesquelles portent nos amendements. J'ai cru comprendre que la majorité de cette assemblée ne voudrait pas les retenir, et c'est très dommage parce que, pour avoir moi-même suivi de près M-réal, je sais que vous pouvez retrouver une telle situation dans vos circonscriptions. Il est déjà extraordinairement difficile d'annoncer la fermeture d'une société lorsqu'il n'y a plus de marché disponible, mais lorsque vous avez, comme c'est le cas de M-réal, une société rentable,…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

…des repreneurs qui se présentent et un propriétaire qui refuse de la leur vendre parce que cela alimenterait la concurrence, et qu'il préfère fermer l'entreprise pour augmenter ses profits, c'est évidemment inacceptable non seulement pour les salariés concernés mais aussi pour l'ensemble de l'opinion publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

C'est la raison pour laquelle je pense tout à fait pertinente la proposition de loi sous forme d'amendements qui est déposée par mes amis du groupe socialiste.

Ce texte, initié en particulier par l'intersyndicale, est utile. Il sera donc adopté. Mais, sur le plan industriel, tout reste à faire car ni une politique industrielle d'ensemble, ni les moyens financiers nécessaires, ni la politique européenne modifiée en conséquence, trois éléments indispensables, n'ont été mis en place. Vous aurez du mal à le faire dans les deux mois qui vous restent. Il appartiendra alors à vos successeurs de s'y atteler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

la discussion générale est close.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je vais répondre à l'ensemble des orateurs, mais je tiens d'abord, mesdames, messieurs les députés, à vous remercier d'avoir participé à cette discussion.

Il ne faut pas donner à ce texte plus d'ambition qu'il n'en a.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Mais l'ambition qu'il porte est tout de même noble et mérite d'être soulignée : il s'agit de combler un vide de notre droit pour permettre que les stocks de Petroplus soient utilisés pour le redémarrage de la société plutôt que d'être prélevés par son propriétaire étranger. Nous avons besoin que la proposition de loi soit votée rapidement pour éviter que les 200 millions d'euros de stocks soient utilisés pour autre chose. Tel est le but de ce texte sur lequel vous êtes amenés à débattre.

Il est vrai, monsieur le P remier ministre, vous avez parfaitement raison ainsi que M. Clément et d'autres orateurs qui l'ont souligné également, que la société Petroplus ne s'est pas forcément bien comportée et que l'on a notamment vu ses comptes bancaires être vidées à quelques heures du dépôt de bilan. Les sommes ainsi prélevées s'élèvent à 171 millions. Nous avons aussitôt lancé une enquête. Le parquet de Nanterre poursuit, lui aussi, ses investigations, et nous entendons bien évidemment déférer devant la justice les auteurs de ces actes s'il est avéré qu'ils sont délictueux.

J'insiste sur l'intérêt de voter ce texte pour permettre le redémarrage et la reprise dans les meilleures conditions possibles de la raffinerie. J'ai noté que tous les orateurs – sauf peut-être M. Lecoq, mais je ne veux pas travestir sa pensée – ont vu l'utilité de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Certes, chacun peut penser qu'il faudrait aller plus loin ou traiter le problème plus largement, mais je crois que ce soir, nous avons un objectif simple : montrer très clairement aux salariés présents dans les tribunes que oui, nous sommes capables de dépasser ce qui peut nous opposer pour permettre que la société redémarre demain.

Voilà ce que je souhaitais vous dire au moment où nous allons aborder la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Nous allons alors vous permettre de vous dépasser vous-même, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

J'ai été interpellé parMme Filippetti et je souhaite lui expliquer les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'a pas jugé ce matin, en conférence des présidents, opportun d'engager la procédure accélérée sur la proposition de loi socialiste.

Il n'y a aucune mauvaise intention de la part du Gouvernement. Je veux mettre en parallèle deux procédures : lorsqu'il s'est agi d'une proposition de loi destinée à aider l'entreprise Petroplus, la première initiative qu'a prise le Premier ministre, il y a une semaine, c'est d'appeler M. Fabius, qui était en Asie, pour lui demander son accord et, dans la journée, j'ai pris les contacts nécessaires avec les représentants du groupe socialiste, je suis allé au Sénat rencontrer M. Sueur, le président de la commission des lois pour le prévenir et j'ai même appelé un représentant du groupe communiste pour l'informer de ce que nous allions faire, afin d'obtenir un maximum de consensus de telle sorte qu'en accord avec les syndicats, nous puissions tout faire pour aider Petroplus ; ce n'est pas du tout la même chose de déposer une proposition de loi à propos de laquelle M. Ayrault m'a très gentiment écrit hier soir à dix-neuf heures, et qui est d'ordre général. La proposition de loi dont nous débattons concerne Petroplus… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

… alors que celle que vous avez déposée est, je le répète, d'ordre général et mérite donc un minimum d'études. Or ce matin, elle n'était même pas publiée.

Comment voulez-vous que le ministre des relations avec le Parlement accepte d'engager la procédure accélérée sur un texte qui n'est pas publié et que nous n'avons pas eu le temps d'expertiser, pas plus que la commission des lois, alors que nous terminons nos travaux parlementaires mardi prochain ? Comprenez qu'il y a des problèmes de délais qui s'imposent et ne voyez aucune malveillance… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

… dans cette décision, que j'assume totalement. Mesdames, messieurs les députés du groupe socialiste, puisque vous avez fort judicieusement déposé des amendements qui permettront de discuter du dispositif de votre proposition de loi, vous aurez ce soir les réponses que vous attendez de la part du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

je suis saisie de deux amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.

La parole est àM. Jean-Michel Clément, pour défendre l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Nous n'allons pas tarder à connaître les intentions du Gouvernement parce que cet amendement, sous une apparence de pure forme, vise à mentionner que la proposition de loi comportera deux titres : le premier concernant le texte qui nous est soumis initialement, c'est-à-dire les dispositions relatives aux mesures conservatoires en matière de procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire, et le second relatif aux entreprises in bonis qu'il convient de mettre à la disposition du tribunal pour qu'elles soient reprises afin d'éviter leur disparition sans autre forme de procès. La volonté d'inscrire dans le texte deux titres bien distincts prépare la discussion des amendements qui vont suivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Il s'agit d'insérer de nouvelles dispositions dans la proposition de loi et j'y suis donc défavorable au titre de la commission comme je le serai aux autres amendements qui en découlent.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pourquoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grellier

C'est un peu court, madame la rapporteure ! Vous répondrez des licenciements !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je vais répondre à M. Clément, tout d'abord pour le remercier d'avoir bien voulu organiser le débat avec un titre I et un titre II. Je suis sensible au fait que vous ayez agi ainsi parce qu'il aurait été assez facile de proposer de mettre de nouveaux articles à l'intérieur du titre et de rendre le débat moins clair. Nous n'avons qu'un but : résoudre le problème de gens qui attendent une solution de notre part.

Je suis naturellement défavorable à votre amendement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…mais je suis sensible à la façon dont vous l'avez présenté. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le ministre, je voudrais que vous précisiez pourquoi vous dites « naturellement défavorable ». Si vous ne le faites pas, c'est un aveu. On a eu l'explication laborieuse du ministre chargé des relations avec le Parlement pour justifier ce matin, en conférence des présidents, le refus d'examiner en urgence notre proposition de loi malgré la gravité de la situation et l'attente des salariés de Florange. En réalité, ces deux textes ont une vocation générale, mais ils renvoient à des situations que nous connaissons : dans un cas, Petroplus, et dans l'autre, Florange. Vos arguments ne tiennent pas face à l'attente des salariés de Florange. Les procédures proposées ne sont pas exactement les mêmes, mais il s'agit dans les deux cas de protéger les intérêts de l'entreprise localement implantée, les intérêts des salariés, les intérêts de la France. C'est à cela que vous devez répondre, et non pas en disant que vous êtes naturellement opposé à nos propositions. J'aimerais un peu plus d'argumentation de fond.

Sinon je serai obligé de dire que l'UMP, une fois de plus, fait preuve de désinvolture (Protestations sur les bancs du groupe UMP), pour ne pas dire plus, devant une situation particulièrement dramatique. De plus, nous savons bien que dans leur mémoire, qui n'est pas courte, non seulement les salariés de Lorraine mais aussi les Français ont gravé le fait qu'il y a quelques années, en 2007, a été promis le maintien des activités industrielles à Gandrange et qu'aujourd'hui, celui qui à l'époque avait promis le maintien de l'emploi n'ose même plus y revenir et qu'une plaque a été apposée pour rappeler les promesses non tenues.

Écoutez-moi, monsieur le ministre : j'aimerais bien que vous me répondiez un instant sur le fond plutôt que par de la désinvolture.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président Ayrault, je vais laisser le garde des sceaux répondre sur le fond, mais pour ma part je voudrais réagir au qualificatif « laborieux ».

Qui est désinvolte de vous ou de nous ? Si mon explication a été laborieuse, je vais être plus clair. À l'heure qu'il est, monsieur Ayrault, votre proposition de loi n'est toujours pas publiée.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

À l'heure qu'il est, elle est enregistrée mais elle n'est toujours pas publiée, je viens de le faire vérifier.

Alors qui est désinvolte ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous, qui avons appelé il y a une semaine M. Fabius et vous-même pour vous prévenir, par courtoisie républicaine, de notre proposition ? Ou ceux qui nous écrivent hier soir pour que l'on inscrive ce matin une proposition de loi qui n'est toujours pas publiée ?

Je ne critique pas, monsieur Ayrault, mais je dis simplement que vous n'auriez pas dû qualifier mon explication de laborieuse alors que mes propos me paraissent extrêmement clairs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président Ayrault, je veux bien volontiers aller plus loin avec vous. Si le mot « naturellement » vous a choqué, je le retire.

(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l'amendement n° 8 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

En 2005, notre collègue Michel Vaxès, lors de la réforme des procédures collectives, regrettait que les intérêts des salariés, premiers concernés par le redressement de leurs entreprises, soient les grands perdants des faillites de ces mêmes entreprises. Ils n'étaient en effet pas considérés comme des acteurs à part entière dans les procédures de redressement.

La clé du succès d'une procédure de sauvegarde est pourtant aussi entre les mains des salariés qui peuvent, par leur expérience et leur connaissance de l'entreprise, contribuer et participer à son redressement. C'est pourquoi nous ne pouvons accepter qu'ils soient écartés des différentes procédures, ce qui est la raison d'être de cet amendement. Il vise à introduire des droits nouveaux au bénéfice des salariés et de leurs représentants dès lors qu'est mise en oeuvre une procédure collective, afin qu'ils puissent, aux côtés de l'administrateur judiciaire, formuler des propositions de poursuite et de transformation de l'activité.

Sans revenir sur la spécificité de chaque situation – sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire –, il vise à donner aux propositions, avis et suggestions des salariés toute leur place dans la définition des plans comme dans la rédaction des bilans découlant de la mise en observation de l'entreprise concernée par la procédure collective.

Trop souvent, les personnels comme leurs représentants ne sont que les spectateurs passifs ou résignés de ce qui se déroule souvent sans leur intervention dans les entreprises soumises à observation par les juridictions compétentes.

Il importe donc de changer les données du problème, d'autant que l'on peut rarement établir que la responsabilité des salariés puisse être soulevée dans les errements de gestion conduisant les entreprises à la mise en oeuvre de ces procédures.

L'affaire Petroplus illustre parfaitement cette situation. C'est la gestion hasardeuse – pour ne pas dire plus – du groupe suisse propriétaire de l'installation qui est manifestement en cause plutôt que la qualité du travail, le niveau de compétence ou de responsabilité des salariés de cette raffinerie, dont l'intersyndicale est ici présente. Depuis le début de cette affaire, les salariés ont fait la preuve, chaque jour et en recevant régulièrement des responsables politiques, de leur esprit de responsabilité non seulement pour défendre leur emploi mais aussi l'outil de travail et par là même les équilibres du territoire dans l'agglomération rouennaise et plus largement en Seine Maritime.

Il importe donc, à l'occasion de ce texte, que nous sachions donner à ces salariés la possibilité d'être partie prenante non pas dans la fin de leur entreprise, mais dans son redémarrage et dans sa pérennité.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Je rejoins mon collègue en ce qui concerne l'importance et la responsabilité des salariés du site de Petit-Couronne.

Cependant, sur le plan formel, votre amendement dépasse complètement le champ de la proposition et cette question des droits nouveaux de consultation au profit des représentants du personnel pourrait d'ailleurs donner lieu à un texte législatif.

Sur le fond, il faudra une analyse plus approfondie que ne permet cette procédure dont on a rappelé l'urgence et la nécessité de traiter la question de mesures conservatoires. Par conséquent, je donnerai un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Aux auteurs de l'amendement, j'indique que je partage l'avis de Mme la rapporteure, mais je voudrais apporter quelques précisions.

Vous proposez que le plan de sauvegarde soit élaboré avec le concours du comité d'entreprise. Cet amendement est dénué de lien avec l'objet de la proposition de loi qui vise uniquement des mesures conservatoires.

En outre, le comité d'entreprise est déjà associé à la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire de manière régulière, la loi de 2005 ayant sur ce point poursuivi les efforts du législateur de 1985, en affirmant les droits du comité d'entreprise dans la procédure. Ainsi, il est entendu par le tribunal, notamment lorsque celui-ci statue sur le projet de plan.

La loi prend soin de ne pas faire supporter par les salariés la charge de la recherche des solutions, mais garantit l'expression de leurs intérêts. Le plan doit rester de la responsabilité du débiteur en sauvegarde ou de l'administrateur en redressement judiciaire et éventuellement du liquidateur dans le cadre d'un plan de cession. Cela est encore plus déterminant lorsqu'il existe des comités de créanciers et que le projet de plan peut être modifié au cours de négociations.

S'agissant de la modification tendant à ajouter que le juge « recueille toute observation ou tout avis émis par le comité d'entreprise », elle n'apporte pas d'élément nouveau utile puisque le texte prévoit dès à présent cette consultation. Ainsi l'article L 621-3 du code du commerce prévoit que les institutions représentatives du personnel sont informées par le greffier qu'elles peuvent prendre connaissance du rapport établi par le juge commis par le tribunal en application de l'article L 621-1 du code de commerce pour recueillir tous les renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise.

Voyez-vous, je comprends votre démarche, mais elle est déjà largement satisfaite par l'état du droit existant. C'est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à cet amendement.

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l'amendement n° 10 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Il est défendu.

(L'amendement n° 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Clément, est-ce vous qui défendez, je ne dirai pas naturellement, l'amendement n° 2  ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Cela m'aurait flatté, madame la présidente, mais je ne voudrais pas priver mes collègues du plaisir de défendre d'autres amendements.

Cet amendement n° 2 nous ramène au débat précédent puisqu'il propose d'ouvrir la saisine du juge au représentant des salariés prévu à l'article L.621-4.

En effet, le représentant des salariés constitue un acteur essentiel des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et même de la liquidation. C'est un pivot vigilant dans le cadre de ces procédures et il est justifié de lui conférer un droit d'alerte du président du tribunal compétent. Ce droit se révélera particulièrement utile en cas de carence des administrateurs ou des mandataires judiciaires, voire des tribunaux dont la surcharge de travail n'est pas toujours compatible avec l'urgence de la situation.

Le représentant des salariés doit donc pouvoir être titulaire de ce droit d'alerte et de saisine du tribunal.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Avis défavorable. Inclure le représentant des salariés parmi les titulaires du droit de saisine dans ce cadre ne semble pas opportun car cela ne correspond pas au rôle du représentant des salariés dans les procédures collectives.

Vous avez opéré, dans votre exposé sommaire, des parallèles avec le pouvoir de saisir le conseil des prud'hommes ou celui de se porter partie civile en cas de banqueroute ou d'infraction voisine mais nous sommes dans une possibilité totalement différente.

Quant à la saisine du conseil des prud'hommes pour contester le montant des sommes versées aux salariés, c'est une problématique très éloignée de la situation envisagée ici, à savoir la demande d'une mesure conservatoire visant les biens d'un tiers.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis que Mme la rapporteure. L'amendement présenté a pour objet de permettre également au représentant des salariés de demander que soit ordonnée une mesure conservatoire. Le texte fait correspondre la qualité que l'on demande à une telle mesure à la qualité pour introduire l'instance au fond. Les représentants des salariés n'ont pas qualité pour exercer l'action au fond.

Liées à l'action au fond, les mesures conservatoires ont pour objet la protection de l'intérêt collectif des créanciers, y compris des salariés qui sont alors représentés par le mandataire judiciaire ou le liquidateur, ou l'intérêt de la procédure collective et l'intérêt général, représentés par l'administrateur judiciaire et le ministère public. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Je ne comprends pas cette subtilité qui consiste à voir dans le représentant des salariés quelqu'un dont les pouvoirs d'investigation seraient limités, alors même que tous recherchent le même objectif : préserver l'entreprise et l'emploi, et donc faire valoir les droits des salariés mais aussi ceux des créanciers, en pareille circonstance.

Avec ce texte, il s'agit de donner du pouvoir à tout le monde. Je ne vois pas pourquoi les salariés seraient privés de ce droit qui viendrait compléter totalement le dispositif que nous sommes en train de construire.

Nous avons bien compris pourquoi le mot « salarié » ne figurait pas dans le texte de loi tel qu'il a été proposé et nous le regrettons profondément. D'un côté, on reconnaît qu'il s'agit d'une initiative qu'il faut saluer et accompagner ; de l'autre, on leur dénie un droit au moment où il s'agit de le reconnaître et de le conforter. Je trouve cela particulièrement déplacé. Ceux qui sont derrière moi apprécieront.

(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 4 , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. Jean-Michel Clément.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Les salariés sont les premiers concernés par les dispositions prévues par la présente proposition de loi : ils sont à la fois les producteurs des actifs qui seraient menacés par la prise de contrôle de leur société par des tiers et les premières victimes en cas de défaillance de leur entreprise.

Dans le respect de la démocratie sociale, cet amendement a donc pour objet de les associer, à travers leurs représentants, au suivi de l'ensemble des procédures qui seraient mises en oeuvre. Cette disposition s'inscrit dans la droite ligne de la présente proposition de loi qui vise à obliger les entreprises à respecter l'ensemble de leurs obligations, notamment sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Cet amendement fait l'objet de trois sous-amendements du Gouvernement, nos 18, 17, 16.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour les défendre.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ces sous-amendements signifient que je suis d'accord avec l'esprit de l'amendement n° 4 , tout en souhaitant lui apporter des précisions.

Le sous-amendement n° 18 prévoit de remplacer « Les salariés et leurs représentants » par « Les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel », au début de l'alinéa 6.

Le sous-amendement n° 17 propose d'insérer « par l'administrateur ou, à défaut, le mandataire judiciaire » après le mot « informés » à l'alinéa 6.

Le sous-amendement n° 16 prévoit enfin de supprimer la fin de l'alinéa 6, c'est-à-dire les mots « ainsi que de leur déroulement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

La commission est favorable à l'amendement n° 4 , sous réserve de l'adoption des sous-amendements nos 18 , 17 et 16 .

(Les sous-amendements identiques nos 18 , 17 et 16 , acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L'amendement n° 4 , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. Jean-Michel Clément.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Il s'agit d'un amendement de cohérence.

(L'amendement n° 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 11 .

La parole est à M. Daniel Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Cette proposition de loi, nous l'avons déjà dit, est un texte tardif et de circonstance, mais elle a au moins le mérite de stigmatiser les comportements, qu'on a pu qualifier de comportements de délinquants, de chefs d'entreprise qui, parfois avec la complicité de tiers, avant le déclenchement d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, font en sorte qu'y échappent des biens, au détriment, la plupart du temps, des salariés ou de la collectivité publique, puisque la réalisation de ces biens devrait pouvoir servir non seulement aux salariés qui vont être mis sur le carreau, mais aussi pour remplir les obligations de l'entreprise à l'égard de la collectivité.

Or les cas visés par l'article, à savoir les cas de confusion des patrimoines ou de fictivité des sociétés, apparaissent trop limités, d'autant que la jurisprudence apprécie jusqu'à présent de manière très restrictive ces deux notions.

Nous proposons donc, comme à l'article 1er, que le juge puisse prendre des ordonnances sur requête, en référé ou au fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Sur le plan procédural, les mesures conservatoires prendront la forme d'ordonnances sur requête régies par le droit commun. C'est la procédure adaptée pour prendre ces mesures. Les procédures en référé ou au fond seraient au contraire inadaptées.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis.

(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Je veux vous donner quelques éléments de contexte sur la situation de Florange, puisque nous y viendrons tout à l'heure.

Rappelez-vous, pour bien vous représenter ce qui nous attend, comment les choses se sont passées à Gandrange. Le Président de la République avait indiqué qu'il sauverait l'aciérie de Gandrange. En réalité, il est revenu en cachette, quelques mois plus tard, au prétexte de la venue annoncée de l'un de ses conseillers à Gandrange. Cinq minutes avant le début de la réunion, nous avons appris que le Président de la République allait arriver.

Ce jour-là, il ne nous a pas parlé de Gandrange même, alors qu'il s'y trouvait, il nous a parlé d'une usine qui se trouvait dans une vallée un peu éloignée, dans la vallée de la Fensch, et qui fabrique aujourd'hui des rails de 108 mètres, à la place de rails de 80 mètres, un investissement réalisé par la société Tata Steel, qui ne découlait évidemment pas d'une décision du Président de la République. Celui-ci s'est donc fait de la publicité à bon compte en venant annoncer une réalisation dans une vallée voisine, réalisation à laquelle il était totalement étranger.

Je crains que cela ne se reproduise avec Florange. Je redoute, en même temps que j'attends, la venue de Nicolas Sarkozy dans quelques jours à Florange. Soit il nous annoncera ce que nous savons déjà, à savoir qu'il serait intervenu auprès de José Manuel Barroso afin de faire en sorte que le projet Ulcos se réalise – cela ne lui coûtera pas cher, puisque la décision est reportée au deuxième semestre, alors que nous l'attendions pour le début de cette année, au pire durant le premier trimestre. Soit, deuxième hypothèse, il nous dira qu'il a effectivement obtenu de M. Mittal le redémarrage des hauts-fourneaux de Florange. Pour des raisons techniques, un tel redémarrage ne peut intervenir qu'au terme d'un processus qui dure à peu près un mois ou six semaines. On peut alors imaginer que l'activité reprendrait au troisième trimestre, comme l'a dit cet après-midi M. Besson, alors que l'offre et la demande justifieraient qu'elle redémarre au deuxième trimestre.

Voilà donc ce qui risque de se passer, je tenais à le dire. C'est un contexte particulier, et nous allons peut-être avoir la visite du Président de la République en Lorraine. Las, il nous annoncera peut-être ce que nous savons déjà, à moins que ces annonces ne soient que poudre de perlimpinpin, puisque nous ne pourrons savoir s'il a dit vrai qu'après le premier semestre, c'est-à-dire après l'élection présidentielle.

Je voulais donner ces éléments de contexte pour que l'on comprenne mieux la proposition de loi et les amendements que nous défendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Il me paraît important, en tant que député du Dunkerquois, d'intervenir ce soir.

Tout d'abord, je suis cosignataire, en tant que vice-président du Mouvement républicain et citoyen, de la proposition de François Hollande. Ensuite, dans le Dunkerquois, comme dans la région de Marseille, nous connaissons les deux problèmes : celui des raffineries et celui des aciéries.

J'ai connu la fermeture de la raffinerie des Flandres, que rappelaient Jean-Paul Lecoq et Laurent Fabius. Les salariés qui sont ici présents savent ce que c'est que de perdre un emploi et de se retrouver dans une situation aussi dramatique. L'ensemble du personnel portuaire sait ce que c'est. Quand on perd une raffinerie, on perd un hélicoptère, on perd les pilotes, on perd du remorquage, et tout devient absolument dramatique. Laurent Fabius le disait : c'est 10 % du port de Rouen, 10 % du port du Havre, etc. À Dunkerque, c'était 17 % : c'est une catastrophe, d'autant que le groupe qui a abandonné Dunkerque n'est pas un groupe suisse, c'est un groupe français, un groupe à nos couleurs ; je tiens à le rappeler.

Pourquoi suis-je signataire de la proposition de loi de François Hollande ? C'est simple : si les 20 % qui ne sont pas produits à Florange le sont à Dunkerque, mes électeurs peuvent être ravis de profiter pour quelques années de cette production qui remplace celle de Moselle. Mais pensez, mes chers collègues, s'il y a un soupçon de patriotisme et de République en vous, que, pour un financier comme M. Mittal, Dunkerque, Fos, ce sont de petites épingles sur la carte ! Au cours de mon prochain mandat, si la République me prête vie et si mes électeurs votent pour moi, qu'est-ce qui empêchera M. Mittal de fermer un jour Dunkerque ? Ce sera pour les mêmes raisons que Florange ! Je vous demande vraiment de réfléchir. Le bon sens républicain, le bon sens patriotique veulent que nous votions la proposition de loi de François Hollande, comme nous allons voter pour défendre les salariés de Florange. Cela me semble d'une logique absolue.

Nous avons quelques amendements à faire passer, et ils nous paraissent justes du point de vue de l'ensemble de la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 12 .

La parole est à M. Daniel Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

L'amendement a pour objet de compléter l'alinéa 3 par la phrase suivante : « Elles servent également à assurer les engagements pris sur les créances sociales non sécurisées, ainsi qu'à réaliser les travaux réglementaires qui conditionnent l'activité de l'entreprise. »

Soyons clairs. Qu'est-ce que « les créances sociales non sécurisées » ? Cela concerne les suites du transfert entre Shell et Petroplus, qui a appartenu à Shell, des droits à rente temporaire des salariés postés ; Petroplus est une raffinerie, qui fonctionne à feu continu. N'apparaissant que comme lignes de compte, ces créances ont disparu avec la mise en cessation de paiement.

Cela concerne également, d'un autre côté, les différents compteurs qui ne seront pas forcément validés par le repreneur : le compte épargne temps qui, sur le site de Petroplus, représente deux millions et demi d'euros, mais également les compteurs d'heures et les compteurs de RTT. C'est tout cela, messieurs les ministres, qu'il faut prendre en compte dans les dispositifs que vous mettez en place.

En ce qui concerne les travaux réglementaires, nous sommes encore dans une raffinerie, sur laquelle pèse donc une obligation de visite et de remise en état périodique. Les salariés m'ont notamment signalé le « run » de six ans pour les unités, qui nécessite que l'on constitue des provisions dans les comptes. Or le grand arrêt des unités d'huile a été annulé, les unités ont été arrêtées en janvier faute de moyens, et l'arrêt de la distillation au premier semestre n'est plus provisionné.

J'ai dit tout à l'heure que les représentants des salariés doivent être informés et associés.

En matière environnementale, il faut permettre de se servir de ces fonds pour assurer le respect des normes et règles obligatoires et mettre en place les axes de progrès sur l'environnement.

C'est tout cela, cet amendement.

S'ils apprennent demain matin, messieurs les ministres, que vous n'avez pas donné suite à cette demande, je crains fort que les salariés ne comprennent pas bien ce qui leur est proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Je suis quelque peu ennuyée : vous avez défendu, cher collègue, l'amendement n° 13 , alors que c'est l'amendement n° 12 qui était en discussion. L'objet de ce dernier n'est pas tout à fait le même, puisqu'il porte sur l'affectation obligatoire des sommes, et la commission émet, à propos de cet amendement n° 12 un avis défavorable. Il fragilise l'ensemble du dispositif et l'indispensable équilibre entre respect du droit de la propriété et mesures conservatoires.

Nous reviendrons sur la question des mesures d'ordre social lorsque l'amendement n° 13 sera soumis à notre discussion.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

L'amendement n° 12 , puisque c'est celui-ci qui est en discussion, a pour objet de prévoir l'affectation obligatoire par priorité des sommes au paiement des frais engagés par l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur.

Or le principe d'une mesure conservatoire est de ne pas affecter les sommes résultant de la cession des biens saisis. C'est par dérogation que ces sommes pourront être utilisées dans le cadre prévu au troisième alinéa de l'article 4. L'affectation des sommes résultant de la cession des biens doit rester une faculté. Elle présente toujours un caractère subsidiaire puisqu'en principe il ne s'agit pas d'éléments d'actif saisis de manière définitive par la procédure collective.

En outre, il est possible que le montant des frais nécessaires à la conservation soit inférieur aux sommes provenant des cessions.

Je vous prie, donc, monsieur le député, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

(L'amendement n° 12 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 15 .

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

D'une certaine manière, cet amendement répond à l'amendement n° 13 de notre collègue Daniel Paul. Je propose, à l'alinéa 3, après le mot : « biens », d'insérer les mots : « , y compris pour assurer le respect des obligations sociales et environnementales résultant de la propriété de ces biens, ». Cela permettra de prendre en compte les engagements sur les créances sociales, tout en respectant l'équilibre entre le droit de propriété et l'usage que l'on peut faire des sommes obtenues.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15 . Les biens concernés par la mesure conservatoire peuvent être à l'origine de risques environnementaux, par exemple dans le cas de produits dont l'entreposage doit se faire dans des conditions de stricte sécurité. De même, la conservation et la détention de ces biens peuvent générer des coûts de personnel. Il peut également s'agir, par exemple, des nécessités de mise en sécurité ou de maintenance.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

On peut s'interroger sur la portée de cet amendement, notamment si on le compare à l'excellent amendement n° 13 élaboré par le groupe GDR et que je me suis permis de préciser en déposant un sous-amendement n° 19 . Il ne faudrait pas que, sous couvert de bonnes intentions, le résultat ne soit pas à la hauteur des attentes.

Les obligations légales en matière sociale sont déjà garanties par des organismes tiers, notamment par l'AGS. En fait, il est ici question d'une garantie qui pourrait intervenir pour des obligations supralégales, puisqu'il n'est pas besoin de garantir deux fois la même chose. Cet objectif semble partagé, mais la rédaction que vous nous proposez pour y parvenir remplit-elle bien cette obligation ? On sait que le juge peut être amené à s'interroger sur l'intention du législateur et il n'est pas inutile de la préciser ici. Il suffit donc de répondre positivement à notre interrogation. Si l'on écrit « le respect des obligations sociales », il y aura forcément des esprits tortueux pour considérer que cela ne concerne pas les engagements contractuels, qu'une obligation résulte de la loi et que, par conséquent, tout ce qui est supralégal n'est pas couvert par la rédaction. Pour éviter des procédures à l'avenir, il suffit que Mme la rapporteure nous précise que son amendement vise bien les obligations légales et contractuelles de l'entreprise, ce qui nous satisferait entièrement. Si vous ne pouviez confirmer cette interprétation, alors il faudrait voter l'amendement du groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il faudrait que le Gouvernement le précise lui aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Il estS'il n'est pas question ici de prendre en compte les accords d'entreprise, c'est-à-dire les créances non sécurisées. Si ce n'est pas le cas, M. Vidalies a raison. L'amendement vise à faire en sorte, conformément à l'attente des salariés, que soit respecté tout ce qu'ils ont contractualisé depuis des années. Sinon c'est un marché de dupes.

Je n'ai rien contre un amendement qui évoque les obligations environnementales, mais parler du respect des « obligations sociales résultant de la propriété de ces biens », c'est évacuer totalement les créances sociales non sécurisées, c'est-à-dire tous les acquis – si vous m'autorisez à employer ce mot honni par une partie de notre assemblée – qu'ont accumulés les salariés, et en particulier les salariés postés de Petroplus. Le respect des salariés, c'est aussi le respect de cela.

Je ne vois donc pas comment vous pourriez défendre un texte qui n'intègre pas la prise en compte des créances sociales, sauf à penser – ce que je me refuse à imaginer – que ce qui a été annoncé il y a quelques jours en votre présence à Petit-Couronne, monsieur le ministre de l'industrie, a été oublié aussitôt.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Rien n'a été oublié de ce à quoi s'est engagé le Président de la République. Nous aurons d'ailleurs, dans quelques instants, l'occasion de nous exprimer à ce sujet à propos d'un amendement de M. Fabius, et de confirmer la volonté du Président de la République.

Mais je veux en profiter pour vous dire, monsieur Paul, que le seul moyen d'assurer la maintenance du site de cette raffinerie, c'est précisément de mobiliser les stocks qui y sont présents. Aujourd'hui, Petroplus n'a pas d'autres moyens à sa disposition, et c'est pourquoi il faut rapidement voter cette proposition de loi.

Laurent Fabius a évoqué la table ronde du raffinage du début de 2010. Elle a eu des résultats significatifs, permettant de lancer la procédure de mise en vente de la raffinerie de Berre, qui est en cours, et la transition pour la raffinerie de Dunkerque, où EDF va construire un terminal méthanier qui prendra la suite de la raffinerie des Flandres, que M. Hutin a évoquée. Ce terminal représente un investissement de plus de 1 milliard d'euros et plus de 2 000 emplois industriels. Les travaux vont commencer dès 2012 et s'échelonner jusqu'en 2015. On ne peut pas dire, comme vous l'avez suggéré, que le Gouvernement n'ait pas assuré d'avenir industriel au site.

(L'amendement n° 15 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 13 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 19 .

L'amendement n° 13 a déjà été présenté par M. Daniel Paul.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 19 .

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je remercie Mme la rapporteure d'avoir bien précisé, à propos de son propre amendement, qu'il s'agissait des obligations résultant et de l'application de la loi, et des engagements contractuels. Il serait utile que le Gouvernement puisse nous préciser qu'il partage la position que vient de prendre Mme la rapporteure, auquel cas tout serait très clair et il n'y aurait pas lieu de poursuivre le débat sur nos amendements. J'invite donc le Gouvernement à éclairer, s'il le souhaite, les débats de l'Assemblée en disant qu'il partage l'avis de Mme la rapporteure. Il serait tout de même assez curieux que le consensus et l'unanimité auxquels sont parvenus les représentants de la nation ne soient pas partagés par l'exécutif. Un mot de vous, messieurs les ministres, et nous serions satisfaits, comme le seraient surtout les salariés qui attendent des explications sur les engagements qui viennent d'être votés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 19 et sur l'amendement n° 13  ?

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Vidalies, je partage bien sûr l'avis qu'a exprimé Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Vidalies, retirez-vous votre sous-amendement n° 19  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Oui, madame la présidente.

(Le sous-amendement n° 19 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

En va-t-il de même pour l'amendement n° 13 , monsieur Lecoq ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Sans doute est-ce le présent sujet qui va décider de notre position sur le vote final de la proposition de loi. La question qu'a posée Daniel Paul concerne les « créances non sécurisées ». L'expression est très précise. Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, utiliser pour nous répondre un vocabulaire aussi précis ? Intégrez-vous dans les questions sociales les créances non sécurisées, c'est-à-dire tous ces acquis qu'ont accumulés les salariés, par exemple des primes de quart ou des RTT, qui font partie de leur patrimoine, qui font d'eux des créanciers sociaux ? Garantissez-vous également cette créance-là ?

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

J'ai dit que j'étais d'accord avec Mme la rapporteure, mais je n'irai pas plus loin. Ne confondons pas les mesures conservatoires et les mesures de condamnation au fond. Ce sont deux choses tout à fait différentes. Les mesures conservatoires permettent de vendre les biens d'un tiers. On ne peut pas utiliser l'argent obtenu pour leur vente et mis sur un compte de la Caisse des dépôts et consignations pour financer des dépenses qui n'auraient pas un lien avec lesdits biens. C'est la définition même de la gestion d'affaires. Si on le faisait, on ne respecterait pas l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Telle est la réponse que je peux vous apporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

On ne peut pas dire que le débat s'éclaircisse. Le ministre vient de dire exactement le contraire de ce que j'avais compris il y a quelques minutes. En établissant subitement un lien avec la gestion d'affaires et la nature des biens, il écarte ce qui était l'objectif affirmé de nos amendements : au-delà des obligations légales garanties par l'AGS, les salariés pourront-ils avoir, sur les sommes à préempter, un répondant pour les obligations qui résultent de l'application d'engagements contractuels ? Mme la rapporteure a répondu par l'affirmative. Nous pensions que nous étions au bout du chemin. Après un instant de réflexion, M. le garde des sceaux fait machine arrière ! Ainsi, les créances des salariés ne seraient pas concernées ! Je regrette cette précipitation et invite le groupe GDR à maintenir son amendement, que le groupe SRC soutiendra. Dans cette cacophonie, je crois que les salariés n'ont rien gagné, qu'ils ont même plutôt perdu avec la dernière intervention du garde des sceaux.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je ne voudrais pas que M. Vidalies pense que j'ai dit quelque chose et son contraire. J'ai dit très clairement que j'avais la même position que Mme la rapporteure. Je le répète, car elle n'a pas dit ce que vous venez de dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

On ne va pas passer la nuit à jouer sur les mots !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Jean-Paul Lecoq l'a dit, on est au coeur d'un des principaux problèmes.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je l'ai bien compris !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

La proposition de loi ouvre diverses perspectives. Cela dit, il n'est pas de perspective qui vaille si elle ne respecte pas les salariés. Respecter les salariés, c'est faire en sorte de prendre en compte les créances non sécurisées. Je veux bien vous redonner la liste, mais vous la connaissez aussi bien que moi.

Vous ne vous en sortirez pas en disant seulement que vous êtes d'accord avec Mme la rapporteure. Alain Vidalies a aussi évoqué ce point : votre proposition intègre-t-elle, oui ou non, les créances non sécurisées ? Si oui, cela ouvre la perspective d'un vote unanime de ce texte. Dans le cas contraire… Vous êtes majoritaires, donc, vous voterez le texte, mais vous n'aurez pas ce vote unanime. Surtout, les salariés n'auront pas ce qu'ils attendent et c'est ce qui est le plus grave. Nous avons tous dit ici que cette loi tombait à un moment particulier et que c'était probablement une loi un peu circonstancielle, mais en plus, vous faites un coup qui n'est pas correct !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Je n'en dirai pas plus parce que l'heure ne s'y prête pas, mais ce n'est pas correct vis-à-vis des salariés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je le répète, je partage l'avis de Mme la rapporteure.

S'agissant, ensuite, de la question de M. Paul, qui veut savoir si les créances définitives non sécurisées sont garanties par les biens qui font l'objet de cette mesure conservatoire, la réponse est non.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Il s'agit ici de domaines juridiques différents. Il faut donc clarifier les choses.

Il y a une catégorie juridique à laquelle il a été fait allusion et je propose que l'on s'y tienne si le ministre le veut bien. Il y a les clauses légales et les clauses contractuelles. La question posée est de savoir si cette disposition vise à la fois les clauses légales et les clauses contractuelles. Mme Guégot a répondu oui et M. le ministre a dit qu'il était d'accord sur ce point. Pour le reste, j'estime que c'est une autre affaire et qu'il ne faut pas y faire allusion.

Je vous suggère – cela tranchera notre différend dans le sens indiqué par nos collègues – de confirmer que l'interprétation de ce texte permet de couvrir à la fois les clauses légales et les clauses contractuelles. Si l'on s'en tient à cela, je pense qu'il peut y avoir un vote unanime.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Malheureusement, l'expérience que j'ai dans ce domaine et les situations en cours montrent que c'est un débat fondamental pour le droit des salariés. Et je pense, comme Mme la rapporteure et M. le ministre, que ce n'est pas anecdotique, car en pratique, nous sommes sans cesse confrontés à ce type de difficulté, où les AGS s'appuient sur le fait que tel élément de créance n'est pas légal, mais uniquement contractuel.

Dans ce texte qui a pour but de faire redémarrer l'industrie et de protéger les droits des salariés, il me paraîtrait opportun d'adopter la vision définie par Mme la rapporteure : il est question des obligations sociales, légales et contractuelles.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

J'ai bien écouté ce qu'a dit M. le Premier ministre Fabius. Il a parlé, comme Mme la rapporteure, de créances, d'obligations légales et contractuelles…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Bien entendu, liées aux biens.

J'ai dit que j'étais d'accord avec Mme la rapporteure.

(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)

(L'article 4, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 14 , tendant à insérer un article additionnel après l'article 4.

La parole est à M. Jean-Michel Clément.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Cet amendement préfigure les discussions que nous aurons tout à l'heure concernant le deuxième volet du texte que nous souhaitons introduire.

L'article additionnel que nous proposons organise la coordination avec les procédures d'information et de consultation définies par le code du travail. Il est créé un nouvel article L.1233-33-1, qui impose l'information du comité d'entreprise sur les offres de reprise tout au long de la procédure. Dans la procédure que nous proposons, l'article L.1233-34, relatif à l'assistance du comité d'entreprise par un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur les projets de licenciement collectif, permet de confier au même expert la mission d'évaluation des offres de reprise.

Enfin, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, défini par l'article L.1233-62, est complété par la mention de la cession d'un site ou d'une activité.

Cet amendement consiste à coordonner le code du travail et des dispositions ayant trait aux mesures que nous allons présenter ensuite.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Cet amendement dépasse totalement l'objet du texte – nous en avons parlé tout à l'heure – qui est d'instituer des mesures conservatoires efficaces et, je le rappelle, de créer un dispositif permettant la cession de certains des biens ayant fait l'objet de ces mesures conservatoires.

Cette disposition n'a pas sa place au sein du texte tel que nous l'avons présenté. J'émets donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Également défavorable.

(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 9 , tendant à insérer un article additionnel avant l'article 5.

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ayant suivi le débat depuis le début, nous sommes, si j'ai bien compris, au coeur du sujet : maintenir l'industrie et l'emploi industriel.

Cet amendement, qui est au centre d'une proposition que nous portons avec François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Laurent Fabius, vise à ce que l'on arrête la désindustrialisation dans notre pays. Elle est le fait de groupes qui ne se portent pas si mal, sur des marchés qui continuent à prospérer. Lorsqu'on fait les comptes, si ce texte avait été adopté au cours des cinq dernières années, ce sont entre 1 000 et 2 000 sites industriels qui n'auraient pas fermé leurs portes, et plusieurs dizaines de milliers d'emplois qui auraient été épargnés dans notre industrie.

Nombre de groupes font en effet le choix de la terre brûlée, parce qu'ils ont décidé d'aller en Europe de l'Est ou sur d'autres continents. Ils sont prêts à payer le prix de cette stratégie de groupe, en apportant leur contribution à la réindustrialisation, ce qui, somme toute, ne leur coûte pas très cher, entre un à deux SMIC par salarié, ou en payant des indemnités de licenciement. J'ai malheureusement chez moi plusieurs exemples s'agissant de ces primes de licenciement : elles vont jusqu'à 80 000 ou 100 000 euros par agent, par salarié. Tout cela étant soldé, le site ferme et l'emploi industriel est définitivement détruit.

J'ai, toujours dans ma circonscription, des exemples très concrets. Ainsi, Tyco, une entreprise de sous-traitance automobile, a déménagé à l'Est, et plus de 200 emplois ont été supprimés. L'entreprise Ascometal, qui produit de l'acier, a déménagé une partie de sa production. Nalco, qui s'occupe de traitement de l'eau, a délocalisé au sud de l'Espagne. Ces trois entreprises ont délocalisé au cours des trois dernières années. S'il y a trois exemples dans ma circonscription, j'imagine que les 576 autres députés ont tous de nombreux exemples à évoquer…

Cette proposition d'amendement est bien au coeur de la préoccupation qui sous-tend le texte dont nous parlons ce soir. Il s'agit en effet de créer un nouveau cas d'intervention du tribunal de commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

J'explicite cet amendement rapidement, mais, madame la présidente, je suis obligé de le faire avec un peu de pédagogie et je vous remercie de votre patience…

L'un des nouveaux articles du code de commerce que nous proposons vise à imposer, lorsqu'une entreprise envisage de mettre fin à l'exploitation de l'un de ses sites ou de l'une de ses activités – alors que le groupe et son activité vont bien – la saisine du président du tribunal de commerce. Celui-ci, en laissant une information constante avec un caractère prioritaire au comité d'entreprise, désigne un mandataire, dont la mission est de rechercher des offres de reprise en lien avec l'entreprise cédante.

Un autre article propose d'imposer à l'entreprise d'examiner de bonne foi l'ensemble des offres de reprise. L'expression « de bonne foi » est importante, car très souvent, ce sont des approches dilatoires. Quand je parlais d'une logique de la terre brûlée, c'est que très souvent, l'on ne veut pas examiner les offres. Parfois même, on avoue que cela n'intéresse pas l'entreprise parce qu'elle ne souhaite pas créer, sur le site où elle exerçait, une concurrence qui, demain, pourrait lui porter préjudice. La bonne foi est donc importante.

Ensuite, nous proposons que le mandataire désigné par le tribunal analyse les offres et leur pertinence, en s'appuyant sur des expertises, y compris celle du comité d'entreprise et celle de l'entreprise elle-même.

Si, enfin, l'entreprise n'accepte aucune des offres considérées comme pertinentes par le mandataire, cet amendement propose que le tribunal de commerce puisse arrêter un plan de cession, dans les mêmes conditions que pour les procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Ce plan de cession s'impose alors à l'entreprise.

Cela veut dire que l'entreprise est reprise, les emplois maintenus, et que le site industriel peut poursuivre son activité, quelle qu'aura été la stratégie de terre brûlée portée par le groupe en question.

Nous voulons faire en sorte que cela devienne la loi de la République pour maintenir les emplois industriels dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Nous sommes, encore une fois, en dehors de l'objet du texte qui est d'instituer des mesures conservatoires efficaces.

L'objectif de cette proposition de loi est de répondre à l'urgence, s'agissant notamment de Petroplus. Le cas de cette société démontre que l'urgence n'est pas de régler le problème de la vente, mais surtout de trouver un repreneur.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Il faut en finir avec le mythe selon lequel la proposition que vous faites permettrait d'aider Florange en quoi que ce soit. Ce n'est pas parce que vous avez fait preuve, à la fin, de véhémence que, pour autant, vous nous avez apporté la moindre démonstration sur ce que cela apporterait à la situation de Florange.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Votre proposition prévoit que, dans l'hypothèse où un site industriel est à l'abandon ou à la vente, le tribunal de commerce peut imposer le rachat de ce site par un autre acteur économique. Mais cette proposition ne répond absolument pas à la situation du site Arcelor-Florange. Car, à Florange, il n'a jamais été question de mise en vente du site. Sur le site de Florange, l'objectif d'Arcelor – et le nôtre – reste inchangé : rouvrir le haut-fourneau au plus vite. C'est notre objectif quotidien, celui pour lequel nous nous battons, et pour lequel, avec Xavier Bertrand, nous avons encore reçu très récemment la direction.

La proposition que vous faites est même dangereuse. Car, à part vous, qui parle de fermeture et de cession de Florange ? C'est vous qui introduisez la question dans le débat public ! Elle n'a jamais été évoquée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

De façon plus générale, elle pose des difficultés à la fois juridiques, pratiques et en opportunité.

D'abord, des difficultés juridiques, parce que votre proposition porte atteinte au principe constitutionnel du droit de propriété, au principe de la liberté d'établissement pour les entreprises…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Il s'agit plutôt de la liberté des déménagements !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…et pose difficulté au regard du principe du contradictoire.

Ensuite, des difficultés pratiques, car comment identifier les sites concernés ? Comment les isoler du reste du groupe ? Vous décideriez seuls qu'ArcelorMittal doit vendre Florange, sans rien dire de Fos ou de Dunkerque ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Vous diriez simplement qu'ArcelorMittal doit vendre Florange, même quand le groupe n'a pas exprimé le souhait de vendre et que nous négocions sa reprise ? Des usines isolées seraient-elles viables hors du reste du groupe ? Vous ne dites rien de cela.

Enfin, il en résulterait des difficultés d'opportunité évidentes sur l'image de nos investisseurs, notamment étrangers.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Votre proposition de loi, que vous réintroduisez par voie d'amendements, risquerait d'affecter de manière négative l'attractivité de notre pays, qui est pourtant une terre d'accueil des investissements directs étrangers, ce dont nous nous réjouissons.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Les investisseurs étrangers et les filiales industrielles des groupes étrangers représentent par ailleurs environ un tiers de nos exportations.

C'est une très mauvaise idée d'envoyer un tel signal. De plus, cela ne répond en rien, je le répète, à la situation de Florange. Nous ne pourrons que nous opposer à une telle proposition de loi, donc à un tel amendement, puisque vous avez décidé de la traduire en amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

Après ces explications très claires, nous allons voter en pleine connaissance de cause devant le risque de la désindustrialisation de notre territoire !

Monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire que vous venez, de manière flagrante, de faire la démonstration de votre méconnaissance de la situation. Dans nos circonscriptions, sur le terrain, nous assistons à des fermetures d'entreprises et nous ne pouvons que constater les stratégies mises en oeuvre pour empêcher la reprise et le sauvetage des emplois.

Puisque vous refusez de parler de Florange, je vais vous parler de Findus. À Boulogne-sur-mer, premier port de pêche et premier centre de transformation des produits de la mer, le fonds d'investissement britannique Lion Capital s'apprête à fermer Findus parce qu'il est en concurrence avec une autre entreprise. Findus doit son sauvetage aux efforts des employés, qui ont renoncé à certains de leurs droits pour obtenir, en contrepartie, investissement et création d'emplois. Vous pouvez mesurer jusqu'où va la responsabilité des salariés : abandonner des droits afin de favoriser la modernisation de l'instrument de travail. Findus France est bénéficiaire, or Lion Capital veut fermer Findus France. Aujourd'hui Permira, qui est le propriétaire d'Igloo, va racheter Findus, non pour développer l'entreprise, mais pour la fermer. En Allemagne, le groupe Permira a une usine d'une capacité de production de 85 000 tonnes, quatre fois supérieure à l'entreprise française.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

Le rachat se fera donc pour fermer une entreprise, pour licencier 300 personnes. Par votre vote, vous priverez les salariés de la possibilité de faire obstacle à ce genre de démantèlement industriel.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. François Loncle, pour deux minutes ; il me semble utile de le rappeler.

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Monsieur le ministre Éric Besson, vous devriez être le premier à soutenir, peut-être avec votre collègue Bruno Le Maire, les amendements que nous défendons.

Vous connaissez le dossier M-Real dans l'Eure, grande papeterie moderne.

Permettez-moi de vous livrer le témoignage recueilli par une radio qui n'est pas défavorable à la majorité, et qui résume la situation dans laquelle se trouvent six cents salariés menacés de licenciement.

« Les mésaventures de la papeterie moderne M-Real à Alizay dans l'Eure illustrent l'impuissance des pouvoirs publics. Sa fermeture est programmée avec la disparition de six cents emplois à la clé alors que les repreneurs se bousculent pour racheter l'usine et sauver des emplois. Mais rien n'y fait, le propriétaire finlandais refuse de vendre et préfère fermer la boutique. » (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.)

C'était le 19 décembre, monsieur le ministre, et je vous ai décrit cette situation dans un courrier.

« Trois candidats à la reprise sont encore en lice dont l'un est prêt à investir 180 millions d'euros. Il s'agit d'industriels solides qui veulent redémarrer les machines, garder les salariés et pensent que l'usine peut redevenir rentable. L'un des repreneurs potentiels nous a envoyé sa simulation de financement pour l'année prochaine. Avec le mode de fonctionnement normal comme aujourd'hui, il nous présente l'usine bénéficiaire de 8,7 millions l'année prochaine. Et si les repreneurs se bousculent pour acheter M-Real, c'est parce que cette usine est ultramoderne, équipée de machines dernier cri. Investisseur spécialisé dans le rachat d'entreprises, l'un des repreneurs a engagé des discussions pour acheter l'entreprise. Le projet est bien ficelé, mais il y a une absence totale de volonté du propriétaire de vendre. »

M. le ministre Le Maire m'a envoyé le témoignage de cette impuissance dans une lettre datée du 16 janvier dernier : « Lors de l'annonce de la fermeture du site, j'ai proposé au PDG de M-Real une réunion de médiation. J'ai multiplié les efforts pour faciliter les solutions de reprise. Le 24 octobre dernier à Paris, j'ai tenté de réunir les responsables de M-Real et un repreneur potentiel…

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

« Le PDG de M-Real a malheureusement refusé de participer à la réunion de médiation que je lui proposais. Ils ne veulent rien entendre. »

Pour notre part, nous entendons sauver l'entreprise parce qu'elle est rentable avec les dispositions que nous vous présentons.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je mets donc aux voix cet amendement n° 9 , qui a un avis défavorable de la commission et du Gouvernement…(Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

J'ai donné la parole à deux orateurs, comme le prévoit le règlement. J'ai même laissé chacun de ces orateurs s'exprimer beaucoup plus longtemps que le temps de parole imparti. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je souhaite faire un rappel au règlement compte tenu de la gravité du sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Celui concernant le déroulement de la séance…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous connaissez bien le règlement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Les circonstances ne sont pas anecdotiques et M. Besson a fait preuve d'une très grande légèreté, voire de désinvolture dans sa réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et je le dis à l'adresse du ministre chargé des relations avec le Parlement.

Notre proposition de loi a été acceptée ce matin. Elle a été déclarée recevable par la délégation et la vice-présidente. Elle porte le numéro 4412 et figure sur le site de l'Assemblée nationale. Elle est publique

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je tenais à le préciser.

Mais la vraie désinvolture, c'est la réponse de M. Besson. Michel Liebgott, qui voulait intervenir, connaît bien la situation de Florange. Il sait très bien que les salariés craignent exactement la situation que vient de décrire en détail notre collègue François Loncle. Notre proposition a une portée générale, mais elle s'applique dans le cas de Florange.

Vous refusez de prendre vos responsabilités. C'est bien de se proclamer le candidat du peuple, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais vous êtes dans l'impuissance permanente et le refus de prendre vos responsabilités. (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ça suffit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…et que l'on soumette au vote notre proposition de loi. Il s'agit de donner une chance pour sauver non seulement Florange, mais des centaines, voire des milliers de sites industriels en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

C'est n'importe quoi ! Votre proposition de loi, c'est une vraie catastrophe.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Ayrault, je vais précisément mettre aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n° 9, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

M. Ayrault a parlé de désinvolture à propos de la réponse de M. Besson.

Où est la désinvolture ? Ne serait-ce pas d'aller à Florange en présentant un texte d'affichage qui ne règle rien et qui a créé de la déception sur place ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

J'étais, samedi soir, l'invité d'une émission de télévision « Revu et corrigé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Bravo ! Mais on est à l'Assemblée nationale, pas à la télévision.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

À l'issue du reportage, deux salariés qui ont été interrogés ont répondu qu'ils ne croyaient pas aux propositions de François Hollande. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Merci d'avoir la correction de laisser le ministre s'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

On n'en a rien à faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Les deux salariés ont dit qu'elles n'apportaient aucune solution.

La vérité est simple ; il s'agit d'un texte d'affichage.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est un texte qui ne règle rien, Éric Besson l'a dit très clairement tout à l'heure.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Qu'attendent les salariés ? Le redémarrage des hauts fourneaux. La semaine dernière, nous avons rencontré le directeur général d'ArcelorMittal, afin que les engagements pris il y a quelques mois soient tenus. Vous connaissez tous la réalité du marché, notamment vous, les élus de Lorraine. La persistance de la crise, et donc le besoin moindre de production, explique le report du redémarrage, prévu au deuxième trimestre, certainement au second semestre. Une chose est certaine. Quand l'État a mis plus d'un million d'euros, au dernier trimestre, pour l'activité partielle à Florange sur le site d'ArcelorMittal, croyez-vous que c'était pour fermer ?

Lorsque nous mettrons près de 1,4 million au premier trimestre 2012 pour l'activité partielle et pour former les salariés, croyez-vous que c'est pour fermer ?

Quand nous nous assurons qu'ArcelorMittal a mis 2 millions d'euros pour l'entretien, la maintenance du haut-fourneau, croyez-vous que c'est pour fermer ?

Et lorsque des sommes sont d'ores et déjà provisionnées à hauteur de 2,2 millions d'euros parce qu'elles seront nécessaires dans les six semaines qui précéderont le redémarrage, croyez-vous que c'est pour fermer ?

Je sais aussi que les salariés n'attendent ni les déclarations de François Hollande, ni celles des ministres que nous sommes. Ils n'attendent qu'une seule chose : le redémarrage pour les 500 salariés concernés par l'arrêt temporaire sur l'ensemble du site de Florange. Voilà la réalité !

Pour notre part, nous essayons d'obtenir le maximum de confirmations pour qu'ArcelorMittal puisse montrer aux salariés de Florange que le redémarrage aura lieu.

Alors, on peut user du ton que l'on veut. On peut parler de « désinvolture », ce n'est pas cela qu'attendent les salariés. Ils attendent des perspectives. Éric Besson a rencontré les trois commissaires pour valider le projet ULCOS, qui n'est pas simple. Mais nous nous mobilisons parce qu'il offrira aussi des perspectives sur ce site. Or le texte que vous proposez est un texte d'affichage. En l'occurrence, la question n'est pas de forcer ArcelorMittal à trouver un repreneur, mais de faire en sorte que les engagements soient tenus.

Par ailleurs, on peut toujours faire de nouvelles lois et rajouter des normes et des contraintes dans notre pays. Mais est-ce que cela réglera le problème ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

La réponse est non.

La solution, c'est que l'activité puisse redémarrer au-delà de la question d'un repreneur.

Je souhaiterais vous poser une question, si vous le permettez. Êtes-vous sûrs qu'un tel texte passerait le cap du Conseil constitutionnel ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous connaissez sans nul doute l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est en vertu de cet article que les nationalisations ont été retoquées en 1982 et qu'il a fallu payer beaucoup plus cher la facture des nationalisations.

Votre texte a été préparé dans la précipitation,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…dans l'improvisation…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est un texte d'opportunité et d'affichage, mais les salariés ne sont pas dupes. Sur tous ces sujets, on peut faire de l'agitation, on peut aussi être dans l'action concrète. C'est le choix du Gouvernement. Le Président de la République s'est exprimé sur le sujet.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

La grande différence entre vous et nous, c'est qu'entre 1982 et 1984, vous avez été les fossoyeurs de la sidérurgie. Nous, nous battrons pour la maintenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Vous semblez très mal connaître la sidérurgie, monsieur le ministre, parce qu'il n'y a plus de hauts-fourneaux en activité actuellement en Lorraine !

Tata Steel produit des rails. Savez-vous, monsieur le ministre, où est fabriquée la fonte ? En Angleterre.

Heureusement, il y a aujourd'hui des portes de voiture qui sortent de l'usine ArcelorMittal en Lorraine. Pour l'instant, la fonte vient de Dunkerque, mais elle provient également de Severstal, un groupe russe. Savez-vous qu'à Gandrange, là où l'aciérie a fermé, la fonte vient de Duisbourg. C'est dire que, aussi bien à Tata Steel, qu'à ArcelorMittal et au LCB de Gandrange qui existe encore, car il y a encore de la sidérurgie à Gandrange, nous importons la fonte de l'étranger alors que nous pourrions produire avec les seuls hauts-fourneaux d'ArcelorMittal produire de la fonte sur place, faire travailler ces six cents personnes qui pourraient approvisionner les trois entreprises.

Cela est grave, car vous avez déjà renoncé, comme à Liège ou à Madrid où l'on a inventé le concept d'une aciérie en arrêt temporaire à durée indéterminée. En refusant notre proposition de loi, vous êtes en train d'enterrer définitivement la sidérurgie française, à l'instar de ce qu'ont fait les Européens. Nous sommes en train de renoncer à une sidérurgie européenne. Vous en êtes les complices en rejetant ce que nous proposons, qui est très simple : reprendre l'initiative.

Peut-être que Nicolas Sarkozy annoncera dans quelques jours que l'on va redémarrer la filière liquide, les hauts-fourneaux, le projet ULCOS – vous l'aurez – mais pour trois mois, six mois. En réalité, l'entreprise ArcelorMittal n'a plus envie, sur le long terme, de produire de la fonte sur notre territoire. Elle a envie de le faire dans les BRICS, au Brésil, en Inde et en Chine. Et vous serez les fossoyeurs de nos hauts-fourneaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur Bertrand, l'exemple cité par M. Loncle est très concret. Pourtant, vous ne lui avez pas répondu. En réalité, vous ne voulez pas répondre parce que vous êtes dans une posture politique qui consiste à dire non à l'initiative que nous avons prise et à la caricaturer.

Vous savez très bien quel problème se pose : quelle est la capacité d'un État comme la France à peser sur la stratégie industrielle et financière d'un grand groupe comme ArcelorMittal, sur lequel il n'a aucune prise ? Si ce groupe prend un jour la décision – et peut-être sommes-nous à la veille de ce jour – de déplacer ses investissements de France vers d'autres continents pour des raisons de rentabilité financière et de stratégie, quels moyens aurons-nous de résister alors qu'il y a des repreneurs possibles ? De quels outils disposerons-nous ? Je crains que nous ne soyons exactement dans le même cas que celui de la papeterie qu'a évoquée M. Loncle.

Comment faire face au désespoir dans lequel sont plongés les salariés, les responsables territoriaux, le ministre de l'agriculture lui-même ? Car M. Loncle a rappelé que le ministre de l'agriculture disait vouloir intervenir, mais ne pas pouvoir le faire, en l'absence d'outils juridiques adéquats. Nous vous proposons un outil juridique. Je constate que vous le refusez.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Je voudrais à ce moment de notre débat dire quelques mots de cet amendement qui permet au groupe socialiste de présenter de manière détournée la proposition de loi qu'il souhaitait voir inscrite à l'ordre du jour.

Vous vous situez vraiment, chers collègues du groupe SRC, dans une logique d'économie administrée et de casse industrielle. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) C'est exactement cela que vous êtes en train d'essayer de faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Je vais faire des citations de votre proposition de loi – mais peut-être ne l'avez-vous pas relue, monsieur Ayrault. Est visée « l'entreprise qui envisage de mettre fin à l'exploitation de l'un de ses sites ou de l'une de ses activités ». Autrement dit, vous refusez l'idée même qu'une entreprise puisse décider de se réorienter en fonction de la situation du marché, de développer de nouveaux produits, de se positionner sur de nouveaux marchés…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

…de créer de l'activité. Or c'est cela l'industrie.

Voici la preuve de votre méconnaissance du monde de l'entreprise et de votre enfermement dans une logique d'administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Je vous invite à relire ce que vous avez écrit : vous remettez en cause toute logique industrielle de réorientation et de développement de la recherche.

Dois-je vous rappeler les réponses que vous proposez ? Il faut informer le président du tribunal de commerce, nommer un mandataire puis étudier obligatoirement l'ensemble des offres, quelle que soit la logique industrielle des repreneurs, nommer un expert, valider ses propositions, désigner ensuite un nouveau président, nommer des inspecteurs ad hoc.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Comment voulez-vous permettre une seule seconde le développement d'une logique industrielle ? Avez-vous envisagé qu'un industriel n'était pas là pour fermer des sites mais pour les développer, pour renforcer notre économie, pour créer de l'activité…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Le mépris que vous avez pour les investisseurs est indigne : indigne pour les investisseurs eux-mêmes mais aussi indigne pour les ouvriers, indignes pour les salariés, indigne pour les ingénieurs, indigne pour notre économie. Vous voulez vous substituer à tout. Même en 1981, vous n'aviez pas osé aller jusque-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Cette proposition n'a aucun sens et aucun fondement. Elle mérite tout simplement d'être repoussée et de ne pas être examinée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre l'amendement n° 7 .

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Messieurs les ministres, nous parlons d'ArcelorMittal, groupe qui fait 2, 3 milliards de bénéfices et qui est en train de se désengager de toute la sidérurgie européenne. Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas de carnet de commandes à Florange ? puisqu'ils produisent à Dunkerque, comme l'a souligné Christian Hutin. À Liège, ils ont laissé croire pendant deux ans qu'ils allaient redémarrer les hauts-fourneaux avant d'annoncer qu'ils les fermaient. Ils ont fermé leur site de Madrid et s'apprêtent le mois prochain à fermer leur site au Luxembourg.

Cessez d'être aveugles, ouvrez les yeux : ce qu'ils sont en train de faire à Florange relève d'une stratégie de fermeture.

Que vise notre proposition, qui aurait dû être examinée sous forme de proposition de loi ? Elle ne tend aucunement vers une aliénation du droit de propriété. Le droit de propriété doit être mis en regard avec l'intérêt général, il n'implique pas un droit de vie et de mort sur l'activité économique de territoires entiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Car c'est bien de cela qu'il est question. Les sites de production ne sont pas les seuls concernés. Sont en jeu tous les emplois de la sous-traitance, tous les emplois induits, bref, tout le tissu industriel pour la préservation duquel j'ai la faiblesse de croire que nous nous battons tous dans cet hémicycle.

Nous entendons créer un outil de politique industrielle qui permettrait de faire face aux stratégies prédatrices de grands groupes rentables qui se fichent éperdument des logiques des territoires, de l'emploi et de la qualité de la main-d'oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

En l'occurrence, il ne s'agit pas seulement de la sidérurgie lorraine. Vous avez parlé, monsieur Bertrand, du projet ULCOS. Il faut savoir que ce projet n'existe pas si les hauts-fourneaux ne tournent pas. Il ne peut pas exister si ArcelorMittal décide de fermer Florange et si on n'a pas les moyens d'obliger ce groupe à vendre à un repreneur potentiel. Le projet ULCOS dépend de l'activité des hauts-fourneaux puisqu'il faut d'abord capter le gaz pour pouvoir ensuite le stocker.

ArcelorMittal compromet non seulement l'avenir de toute notre région mais les chances de la France d'accueillir un projet européen innovant qui la placerait au premier rang mondial pour la sidérurgie avec deux fois moins de production de CO2. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Avis défavorable, puisqu'il s'agit d'un amendement de cohérence par rapport aux amendements précédents auxquels la commission était également défavorable.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Ce n'est pas parce que vous avez répété plusieurs fois la même chose, madame Filippetti, que vous nous avez convaincus un seul instant que cet amendement pouvait être utile à Florange.

Vous prévoyez la situation d'un groupe qui aurait décidé de céder son activité. Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans cette situation. Nous sommes en permanence en discussion et en négociation avec le groupe ArcelorMittal pour que l'activité reprenne.

Je ne vois pas comment une proposition de loi pourrait obliger une entreprise à vendre dès lors que l'on aurait décrypté son intention de se désengager. Un tel texte ne pourra franchir aucun filtre juridique, notamment celui du Conseil constitutionnel. C'est une évidence absolue.

Votre proposition prévoit EN OUTRE qu'il y ait un repreneur. Connaissez-vous actuellement en Europe beaucoup de candidats à la reprise d'aciéries ? C'est même contradictoire avec ce que vous avancez puisque vous soulignez que la production de l'acier, pour beaucoup de raisons que l'on pourrait expliciter, est en train de se transplanter dans les pays BRIC. Comment trouver un repreneur de qualité dans de telles conditions ?

M. Loncle, oui, nous avons travaillé ensemble sur le dossier de M-Real. Mais je ne suis pas totalement convaincu que le repreneur dont il était question était parfaitement qualifié ? alors même que j'étais prêt à aller dans la direction que vous indiquiez et que j'avais écouté les arguments de Bruno Le Maire.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Oui, je le sais, je connais bien le dossier. Je parle de celui que nous avions en tête et vous et moi : le repreneur thaïlandais. En grattant un peu, je pense que l'on aurait pu voir qu'il n'était pas particulièrement qualifié.

Pour le reste, madame Filippetti, vous vous attribuez beaucoup de mérites. Cet après-midi, lors des questions au Gouvernement, vous nous avez expliqué que c'était grâce à vous, les élus socialistes, que nous avions obtenu qu'il y ait des investissements pour la maintenance, évoqués tout à l'heure par Xavier Bertrand.

À l'instant, avec beaucoup de fougue et de lyrisme, vous vous êtes enflammée pour le projet ULCOS. Il faut y voir un hommage à l'action du Gouvernement. Puis-je vous rappeler que ce projet, c'est nous qui l'avons porté, nous qui l'avons conçu, nous qui le défendons auprès de la Commission européenne et que c'est le Président de la République lui-même qui a décidé d'y consacrer 150 millions des sommes destinées aux investissements d'avenir.

Soyez plus modeste et dites simplement qu'au moins sur ce point, vous soutenez l'action que nous menons.

L'avis du Gouvernement, vous l'aurez compris, madame la présidente, est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Pardonnez-moi, madame la présidente, mais je souhaite intervenir à nouveau.

Tout à l'heure, M. Ayrault et Mme Filippetti ont dit des choses qui sont contraires à la vérité. Je ne vise pas le fond – les ministres compétents ont pris soin de répondre – mais la forme.

Monsieur Ayrault, vous ne pouvez pas dire que la proposition de loi que vous avez déposée est publiée, ce n'est pas vrai.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Je viens de demander une vérification à l'instant. Ce texte est publié sur le site du groupe socialiste mais pas sur le site officiel de l'Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle y sera ce mercredi matin.

Cette proposition de loi a été enregistrée sous le numéro 4412, vous avez raison. Elle a été déclarée ce matin recevable, vous avez raison. Mais je vous ai indiqué lors de la conférence des présidents que je ne voyais pas comment le Gouvernement pouvait inscrire à l'ordre du jour une proposition de loi qui n'était pas distribuée et que les groupes et le président de la commission saisie au fond ne pouvaient pas consulter.

Je comprends bien que vous ayez intérêt politiquement à faire ce que vous faites, mais je n'accepte pas que vous me traitiez de menteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je précise que sur le site de l'Assemblée figure l'annonce du dépôt de la proposition de loi avec son numéro, mais que ce texte ne sera publié que ce mercredi matin.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Merci, madame la présidente !

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Michel Liebgott.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Voilà qui me permettra d'apporter quelques précisions, notamment techniques, aux interventions qui viennent d'êtres faites.

Tout d'abord, je crois que l'on se trompe de débat. Vous laissez entendre, monsieur le ministre de l'industrie, que nous voudrions d'une certaine manière préempter une usine, la nationaliser en quelque sorte, en mettant en oeuvre une économie administrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Mais si nous souhaitons créer un outil législatif, c'est pour que, le moment venu, lorsque l'entreprise aura décidé de fermer son outil de production ou de s'en séparer, notre pays soit en mesure de proposer à d'autres entreprises d'effectuer une reprise. Tout simplement.

Là où nous avons échoué pour Gandrange, nous voulons réussir pour Florange et d'autres sites.

Que s'est-il passé à Gandrange ? Pendant deux à trois ans, avec les syndicats et des experts du domaine industriel dont Syndex, nous avons alerté les pouvoirs publics sur certains points : insuffisance de l'entretien, formation du personnel non assurée, pyramide des âges conduisant inéluctablement à la fin de l'aciérie. Vous nous rassuriez de la même manière que vous le faites aujourd'hui. D'après vous, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter : le groupe continue d'investir, il effectue des travaux de maintenance, il n'a absolument pas l'intention de fermer cette aciérie électrique qui constitue même pour lui une vitrine.

Le jour où il a été décidé de fermer cette aciérie, nous n'avons pas pu proposer de reprise. Le groupe n'en a pas voulu. Aujourd'hui, à Gandrange, il y a une friche avec une aciérie désossée, progressivement vidée de ses équipements qui sont envoyés à l'autre bout du monde pour être réutilisés, et un terrain pollué qui reste dans la ville et empêche tout nouveau développement.

Il n'y a plus d'aciérie à Gandrange en l'absence de loi qui vous aurait permis de confier le projet à des repreneurs, et il y en avait plusieurs. Aujourd'hui, il y a même un projet de création d'une aciérie électrique à l'initiative de certains promoteurs.

Quant au projet ULCOS, je vous prie de ne pas vous l'approprier : il réunit quarante-huit partenaires industriels et il est porté par ArcelorMittal, car seuls les hauts-fourneaux de Florange sont susceptibles d'accueillir ce projet. Si les hauts-fourneaux de Florange ferment, il n'y aura pas de projet ULCOS. C'est le plus grave, non seulement pour la France mais pour l'environnement dans le monde entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Monsieur Besson, il n'est pas interdit d'être loyal et honnête dans cet hémicycle. Je tiens à dire que dans le Dunkerquois, nous sommes particulièrement satisfaits de la construction d'un terminal méthanier. Je ne ferai que deux petites remarques : d'une part, il n'y aura 3 000 emplois industriels que durant la construction, vous le savez bien, puisqu'un terminal méthanier n'emploie pas énormément de gens ensuite ; en revanche, j'en suis bien d'accord, cela améliorera le trafic du port, les taxes portuaires, etc. D'autre part, Total ne s'est raccroché aux wagons qu'au dernier moment : il s'agit pour l'essentiel d'un projet d'EDF, puisque je crois – vous me le confirmerez – que l'investissement de Total ne représente que 5 à 10 % de l'ensemble.

Quant à cette proposition de loi, qui se promène nuitamment sur le net, je l'ai cosignée : pourquoi ? D'abord, il faut aider les petites entreprises. Tous ici, nous en avons dans nos circonscriptions ; tous, François Loncle le rappelait, nous connaissons des entreprises qui ne sont pas revendues, et que l'on laisse mourir : c'est une petite euthanasie douce, qui permet de s'orienter vers l'extérieur ! Ce n'est pas légitime. Ainsi, à Dunkerque, j'ai Green Sofa, dernier fabricant de sofas et de canapés en France, et ce n'est qu'un exemple.

Cela se passe dans nos circonscriptions, cela concerne de petites et moyennes entreprises. Ensuite, il y a l'échelle du pays, de la France, de la nation. Comment, vous qui défendez la France forte, pouvez-vous concevoir qu'une France forte perde son indépendance énergétique…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

…ou qu'elle perde son indépendance dans le domaine de l'acier ? C'est incroyable : notre pays pourrait bientôt ne plus avoir la possibilité de produire de l'acier chez lui ! Une France qui ne serait plus capable de raffiner : cela va peut-être arriver ! Et ce ne seront pas les trois mois de stocks stratégiques qui vont nous emmener vers une France forte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Alors je lance un appel. Vous êtes des parlementaires français, des représentants de la nation. Comment pouvez-vous laisser notre pays s'agenouiller devant le monde de la finance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Alors ça, c'est la meilleure !

(L'article 5 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'article 6 ne fait l'objet d'aucun amendement.

(L'article 6 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 5 .

La parole est à M. Daniel Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Compte tenu de la façon dont s'est conclu le débat sur l'article 4, et sur l'amendement présenté tout à l'heure, il est clair que cet amendement n'a plus d'objet…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…à moins, mes chers collègues, que comprenant l'erreur politique, et même la faute, que vous commettez, vous ne demandiez un nouveau vote. (Sourires.)

Dans le cas contraire, bien évidemment, cet amendement sans objet est retiré.

(L'amendement n° 5 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Il est défendu.

(L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Arlette Grosskost

MM. les ministres et Mme la rapporteure ont souligné à maintes reprises ce soir l'intérêt de ce texte, son utilité pour répondre de façon efficace à un problème réel et urgent. Il a pour seul but de permettre la continuité de l'exploitation de Petroplus, et ainsi de permettre aux salariés de considérer leur avenir professionnel de façon plus sereine.

Le texte initial, certes technique, avait le mérite d'être clair et de répondre à une lacune juridique reconnue sur tous ces bancs. Mais les amendements ajoutés in extremis par l'opposition déséquilibrent totalement le texte initial et le rendent plus flou, moins lisible. L'opposition, avec ces amendements, entend modifier le code du travail – quand bien même nombre de mesures proposées sont déjà inscrites dans la loi – et non plus uniquement le droit des entreprises en difficulté, qui concerne à la fois le patrimoine du débiteur et la protection des salariés. Est-ce bien raisonnable, alors qu'un vote consensuel fera avancer la cause des salariés de Petroplus ? Il ne s'agit pas d'utiliser des procédés dilatoires pour répondre à un problème immédiat.

Ce soir, nous, députés de la majorité, entendons donner satisfaction à des salariés dans la peine. Nous refusons d'utiliser le cas Petroplus à des fins bassement politiques, voire totalement démagogiques. Le code du travail peut être modifié, mais pas dans la précipitation : cela serait totalement irresponsable et contraire à une culture de la négociation. Il en est évidemment de même du droit de la propriété, qui ne saurait être bousculé de la sorte. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel nous rappellerait très vite à l'ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Nous étions favorables à l'initiative prise par le groupe UMP, ou en tout cas par le Gouvernement. Nous avons voulu rendre ce débat utile, en déposant un texte qui porte sur la situation de Florange. Je dois dire que les réponses que nous avons entendues auraient pu nourrir un débat bien plus long ; les cessions d'actifs décidées par le tribunal de commerce sont nombreuses dans le code de commerce, monsieur le ministre du travail, sans que cela nous renvoie à une conception du fonctionnement de l'économie proche de celle de la Corée du nord. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Il faudra trouver d'autres arguments pour vous opposer à notre initiative.

L'initiative prise à propos de Petroplus est importante, urgente ; nous y sommes favorables. Chacun a pu constater qu'un problème a surgi au cours du débat ; je ne l'estime pas résolu au moment où nous parlons. Nous avons, les uns et les autres, essayé d'être clairs, et chacun doit bien comprendre la position des salariés. Au moment où Mme la rapporteure nous a dit que les créances contractuelles et légales étaient couvertes – au sens où l'entendait le groupe GDR, c'est-à-dire les créances non garanties, au-delà des créances sociales couvertes par le régime de garantie des salaires – il me semblait que les choses étaient claires et précises.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Les précisions données par M. le garde des sceaux n'ont fait qu'une chose : elles ont ouvert un large champ d'activité à une profession que, certes, j'aime beaucoup. (Sourires.) Mais faire des lois si incompréhensibles qu'elles nourrissent des contentieux n'est pas notre objectif ! L'objectif, c'est d'écrire des lois claires, et je considère en l'occurrence qu'il est nécessaire de clarifier les choses.

Nous ne voulons pas faire de procès d'intention, puisque vous nous dites que nous aurions satisfaction. Nous allons donc poursuivre notre démarche initiale, et, parce que c'est important, nous allons voter pour ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

À charge pour vous, d'ici à la discussion au Sénat, si vous êtes de bonne foi sur cette question qui reviendra forcément dans le débat, non pas de proposer des amendements – puisque l'objectif sera, si vous êtes suffisamment clairs, que le texte soit adopté conforme – mais de fournir au Sénat des explications plus claires que celles que vous nous avez apportées ce soir.

Pour ne pas rater ce rendez-vous que nous avons voulu et qui est important, nous voterons à ce stade pour le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, ainsi que sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Claude Leteurtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Le groupe Nouveau Centre votera bien évidemment ce texte, qui est un apport positif pour les salariés.

Après avoir entendu le débat, je ne peux pas m'empêcher d'évoquer un souvenir personnel, partagé par tous les Bas-Normands : dans les années 80 et 90, nous avons vu fermer plusieurs mines de fer, ainsi que l'usine de métallurgie Usinor, qui faisait la fierté de notre région. Il faut bien reconnaître que, pendant tout ce temps, c'est un gouvernement socialiste qui était aux manettes.

Je comprends qu'aujourd'hui on veuille trouver des solutions, mais il faut rappeler avec humilité que rien n'est simple ; avant d'exprimer des certitudes, il faut se rappeler qu'on ne joue pas avec la souffrance des gens et s'assurer que tout projet de loi est raisonnable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous avez raison. Il ne faut pas jouer avec la souffrance d'Hervé Morin. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Je voterai donc cette proposition de loi, même si, comme M. Vidalies, je regrette qu'on ne puisse pas revenir sur cette clause de sauvegarde, ou qu'il faille tout au moins l'expliquer. Elle doit vraiment être dans l'intérêt des salariés et intégrer les créances contractuelles et légales.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Messieurs les ministres, nous avons mis en cause l'opération politique qui a amené ce texte ici ce soir. Mais nous espérions aussi, vraiment, pouvoir aboutir à un accord qui réponde aux attentes des salariés, pour leurs droits comme pour la pérennisation de leur outil de travail, c'est-à-dire la raffinerie.

Jean-Paul Lecoq et moi-même l'avons dit tout à l'heure : tout en étant insuffisant sur nombre de points, votre texte ouvrait la voie à un certain nombre d'avancées. Nos collègues socialistes ont bien montré comment nous aurions pu enrichir ce texte, afin qu'il concerne d'autres sites ; mais vous avez systématiquement refusé ces propositions. Pire encore, vous avez montré ici qu'il y avait au moins un hiatus entre ce qui est écrit ce soir dans ce texte et ce qui a amené les salariés à venir ici en se disant qu'ils allaient rentrer à Petit-Couronne dans la nuit, afin d'annoncer une bonne nouvelle aux salariés demain matin à sept heures.

Je ne suis pas sûr que, demain matin à sept heures, ce soit une bonne nouvelle qui soit annoncée aux salariés. Je n'en suis pas sûr du tout.

Nous ne pouvons pas, nous, voter un tel texte. Nous verrons bien ce que décideront nos collègues du Sénat mais pour notre part nous ne voterons pas contre : nous nous abstiendrons. On qualifie parfois les abstentions ; il en est de positives, de négatives, de combatives… Eh bien, ce soir, c'est une abstention à laquelle nous regrettons beaucoup de nous sentir obligés. C'est une abstention de solidarité avec les salariés.

Ils ont tout à l'heure quitté les tribunes du public en colère, car ils ont le sentiment d'avoir été trompés. Et cela, ce n'est pas acceptable, au moment où l'existence même de leur entreprise est menacée.

Nous nous abstiendrons donc sur ce texte.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je voudrais d'abord saluer l'intervention et la position d'Alain Vidalies. À l'évidence, il y aura des divergences entre nous sur d'autres sujets ; à l'évidence, nous n'aurons pas tout résolu ce soir. Je l'ai dit tout à l'heure : ce texte ne prétend pas être un grand texte de politique industrielle ; c'est un texte technique, sur un point précis.

Il fallait répondre à une urgence : il fallait dire qu'une société mère ne pouvait pas, la veille d'un dépôt de bilan, vider la trésorerie d'une de ses sociétés filiales et transférer les fonds ; il fallait dire qu'une société est obligée de respecter ses obligations sociales et environnementales. Le texte que vous vous apprêtez à voter le permettra.

En ce qui concerne les salariés, Alain Vidalies a tendu la perche, et Michel Mercier disait, pendant qu'Alain Vidalies s'exprimait, qu'il entendait préciser très exactement au Sénat ce qu'il a voulu dire. Nous avons donc quelques jours pour en rediscuter.

Il n'empêche que les salariés sauront surtout, monsieur Paul, dès maintenant, ou plutôt dès son adoption, le cas échéant, par le Sénat, que les 200 millions pourront servir au redémarrage de l'activité. Nous en avons absolument besoin ! Ne tournons pas autour du pot : il n'y a pas de plan de redémarrage possible de la raffinerie sans ces 200 millions ; il n'y a pas de reprise possible de cette raffinerie sans ces 200 millions. Cette soirée aura au moins servi à cela, et elle servira aussi à dire définitivement que plus personne ne pourra, à la veille d'un dépôt de bilan, siphonner – si j'ose dire – l'argent d'une filiale. En cela, nous aurons fait ensemble, je crois, oeuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Bien souvent, dans l'action politique, on devrait trouver bon sens et cohérence.

Le bon sens, il est dans ce texte qui a été déposé – d'ailleurs, il rassemble des suffrages au-delà des clivages politiques – et dans le traitement du dossier Petroplus.

Mais il n'y a pas, sur la proposition de loi ou plutôt sur les amendements qui reprennent la proposition de loi de François Hollande, consensus, parce qu'il n'y a aucune cohérence.

Le premier manque de cohérence, c'est tout d'abord un candidat qui décide de présenter lui-même à la presse son texte et qui, en définitive, n'est pas présent pour le défendre devant la représentation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Où est la cohérence quand on présente ce texte à la presse et qu'on refuse de le faire devant la représentation nationale ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

La seconde incohérence, c'est de défendre ce texte alors qu'en fin de compte, vous vous apprêtez à démanteler complètement la filière nucléaire. Où est la cohérence ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Après les explications de vote, il n'y a pas d'intervention de ministre, normalement, madame la présidente !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Où est la valorisation de l'emploi industriel ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En 1982, quelqu'un avait dit : « aucun poste de travail ne peut être supprimé dans la sidérurgie sans qu'un autre n'ait été créé auparavant dans un autre secteur ». Celui qui s'exprimait ainsi, c'était François Mitterrand. Dès le mois de juin 1982, l'État annonçait 12 000 suppressions d'emplois, en 1984, il en annonçait 26 000... Un tiers des emplois de Gandrange était supprimé à l'époque. Cette phrase de François Mitterrand, elle ne vous rappelle rien ? C'est exactement ce que François Hollande dit aujourd'hui aux salariés du nucléaire. On a connu la suite pour la sidérurgie, on voit ce que cela veut dire pour le nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Et les dix mille salariés licenciés dans le solaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Ils feront marcher les aciéries avec du solaire !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Madame la présidente, vous avez lancé les explications de vote, elles ont eu lieu. Il est de tradition dans cette assemblée, me semble-t-il, qu'à l'issue des explications de vote, nous procédions au vote. Parfois, les ministres s'expriment à l'issue du vote.

Il se trouve qu'on a largement contrarié et qu'on n'a respecté ni l'usage ni sans doute le règlement – je ne l'ai pas sous les yeux, mais je pense qu'on ne l'a pas respecté – et compte tenu du manque d'élégance, mais il en a l'habitude, de M. Bertrand, je voulais élever une forte protestation de la part de notre groupe pour cette manière de faire qui méprise, une fois de plus, les droits du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Brottes, je prends acte de votre demande. Pour autant, je vous ai rendu la parole de façon que chacun puisse s'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Le groupe GDR s'abstient.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, 29 février 2012 à quinze heures :

Débat préalable au Conseil européen ;

Trois lectures définitives :

Sur la proposition de loi relative à la protection de l'identité ;

Sur la proposition de loi relative à la simplification du droit ;

Sur le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 29 février 2012, à une heure cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron