Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 13 décembre 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Photo de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

François Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l'Europe traverse des heures difficiles. Ce n'est pas la première fois, mais je crois que l'on peut dire que cette crise est la plus sérieuse et la plus complexe de son histoire.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine

François Fillon, Premier ministre

Le basculement de l'économie mondiale place l'Europe sous un éclairage cruel qui met en lumière ses faiblesses. La peur des investisseurs face à la montagne des dettes accumulées depuis des décennies est l'expression d'un doute fondamental sur la capacité politique et économique de l'Union européenne à demeurer l'un des grands pôles du monde à venir.

Photo de Alfred Marie-Jeanne

La question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Le 6 avril 2009, lors du débat sur le projet de loi pour le développement économique des outre-mer, j'ai introduit et soutenu l'amendement n° 49 ainsi libellé : « À compter de la publication de la présente loi, l'épandage aérien est interdit dans les départements d'outre-mer. »

Ce n'était pas un amendement anti-banane. La Martinique étant saturée de pesticides en tous genres, j'ai tenu à attirer l'attention du ministre sur la gravité de la situation sanitaire qui en découlait, de ses conséquences sur la santé publique et sur les autres activités économiques, à l'instar de la pêche, interdite sur une grande partie du littoral. Comme il fallait s'y attendre, cet amendement fut rejeté.

Quelque six mois et demi plus tard, la directive européenne du 21 octobre 2009 arrive aux mêmes conclusions en interdisant l'épandage aérien, mais avec possibilité de dérogation. Et c'est ainsi que, le 8 décembre 2011, le préfet de Martinique signa l'arrêté portant dérogation à l'interdiction.

Sans faire d'amalgame, dois-je rappeler le traumatisme causé par l'emploi du chlordécone, dont la rémanence s'étend sur six siècles selon les scientifiques ?

Interdit aux États-Unis, en Allemagne et en France, ce dangereux pesticide a reçu trois dérogations successives pour que son utilisation à la Martinique soit prolongée. Nous sommes à la première dérogation pour l'épandage aérien.

Même si le pesticide employé n'est pas le chlordécone, sa nocivité continue de s'ajouter à la strate engendrée par tous les autres, car la dépollution n'a pas encore commencé.

Nous sommes en flagrante contravention avec les recommandations expresses du Grenelle de l'environnement.

Las, monsieur le ministre, une nouvelle ère de dérogations a débuté. Va-t-on réitérer les erreurs du passé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Photo de Jean Mallot

Cela fait dix ans que vous êtes au pouvoir !

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

François Fillon, Premier ministre

Les Français sont légitimement désemparés face à la succession des événements. La crise invite à sa table tout un cortège de faux prophètes et de populistes, et nous sommes tous ensemble invités à agir avec sang-froid.

L'Europe doit sortir par le haut de cette crise et en se réinventant. Elle est mise au défi de montrer sa cohérence, sa crédibilité et sa force d'action. Le déclin n'est pas une fatalité et le Conseil européen de cette semaine sera un moment important pour reprendre la main.

Bruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, vous conviendrez avec moi que la culture de la banane est, avec plus de 15 000 emplois, une activité absolument stratégique pour l'île de la Martinique.

Or, aujourd'hui, toute la récolte de bananes de la Martinique, dans toutes les exploitations sans exception, est menacée par un champignon noir, la cercosporiose noire pour être très précis, qui menace de détruire l'intégralité de la récolte dans les semaines qui viennent.

La seule solution dont nous disposons aujourd'hui est l'épandage aérien par voie dérogatoire.

Pour vous rassurer, je tiens à préciser qu'il s'agit d'une dérogation limitée dans le temps. J'ai bon espoir que, d'ici deux ans, nous trouvions d'autres traitements à partir du sol grâce au travail des producteurs de bananes de l'île.

Un certain nombre de zones seront exclues de ce traitement, notamment les zones d'habitation et les zones situées au-dessus des rivières.

Enfin, ce traitement a reçu non seulement l'accord du préfet mais aussi celui du conseil régional, auquel j'ai demandé un avis préalable avant de donner cette autorisation.

Par ailleurs, je tiens à préciser que nous continuerons à développer des traitements de substitution qui permettront d'éviter l'utilisation de ces phytosanitaires. Avec l'ensemble du Gouvernement, et Nathalie Kosciusko-Morizet en particulier, nous sommes décidés à poursuivre notre politique de réduction de l'utilisation des phytosanitaires.

Le plan Écophyto 2018, qui vise à réduire de 50 % l'utilisation des phytosanitaires en France, est en route. Il fonctionnera parce qu'il repose sur la confiance et le travail avec les agriculteurs, dans le respect des engagements du Grenelle.

Photo de Roland Muzeau

C'était déjà le cas la semaine dernière !

François Fillon, Premier ministre

La crise de la zone euro a commencé par toucher la Grèce, puis l'Irlande, enfin le Portugal.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

Photo de Yvan Lachaud

Madame la présidente, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La semaine dernière a été conclu entre la France et vingt-cinq de ses voisins européens un bon accord, qui vise à une Europe plus solidaire, plus politique, dotée d'une gouvernance et dotée de moyens d'équilibre budgétaire : la règle d'or, à laquelle les centristes sont très attachés, sera enfin appliquée dans les pays européens. Une nouvelle Europe est en train de naître. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette clarification s'imposait.

C'est dans ce contexte que M. Hollande a annoncé que, s'il était élu Président de la République, il renégocierait l'accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.) Ces propos ne peuvent pas être ceux d'un dirigeant politique aspirant aux plus hautes fonctions. Quels que soient les enjeux électoraux, n'y a-t-il pas de l'arrogance à prétendre avoir raison contre tous ? Si cette renégociation devait être demandée, elle placerait la France dans une marginalité qui lui ferait perdre à la fois toute capacité économique et son rayonnement dans le monde.

Cette déclaration a d'ailleurs plongé toutes les capitales européennes dans la consternation, y compris chez les propres amis socialistes de M. Hollande, en particulier ceux du SPD allemand. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

François Fillon, Premier ministre

Elle a aujourd'hui atteint des pays du coeur de la zone : l'Italie ou encore l'Espagne. La France n'est pas épargnée et, d'ailleurs, aucun pays ne l'est.

Des pays traditionnellement considérés comme très vertueux sont à leur tour affectés ; je pense à l'Autriche, aux Pays-Bas, à la Finlande. Ces trois pays ont vu leurs écarts de taux avec l'Allemagne se creuser de façon inédite. L'Allemagne elle-même ne pourra pas être durablement épargnée si l'ampleur de la crise s'intensifie et si sa contagion à l'ensemble de la zone euro se poursuit.

Le coût d'un éclatement de la zone euro serait exorbitant. Certains le chiffrent à près de 25 % du produit intérieur brut pour les économies les plus fortes et à environ 50 % pour les économies plus faibles. Le continent européen serait de fait ruiné.

L'avertissement lancé hier par une agence de notation est un avertissement collectif, qui concerne tous ces pays. On peut le juger inopportun, on peut considérer qu'il est excessif, on peut souligner à l'infini le décalage entre le mode de raisonnement immédiat et brutal des marchés et celui des États. Mais la question n'est pas là et j'ajoute que je n'indexe pas notre intérêt national ni l'intérêt de l'Europe sur le seul avis des experts. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Yvan Lachaud

Monsieur le président, pouvez-vous nous redire pourquoi cet accord est la bonne réponse pour retrouver la confiance et soutenir la croissance en Europe ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

François Fillon, Premier ministre

La vérité, c'est que l'Europe doit se réorganiser et qu'elle doit se désendetter – c'est un fait.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Alain Juppé

Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le député, c'est un très bon accord qui a été conclu à la fin de la semaine dernière.

François Fillon, Premier ministre

Ce que nous signifie cette agence, c'est que pour les investisseurs, la zone euro et l'Europe ont besoin d'un cadre politique rigoureux, structuré, efficace, capable sur le moyen et sur le long terme de tenir ses engagements. D'une certaine façon, il s'agit d'un appel à une gouvernance politique et économique plus solide et notre réponse est sans ambiguïté : c'est l'accord franco-allemand élaboré hier par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Alain Juppé

Il apporte la bonne réponse à la crise et a permis à la France d'atteindre tous les objectifs qu'elle s'était fixés, qu'il s'agisse du gouvernement économique, mécanisme intergouvernemental permettant d'exercer une souveraineté partagée, de la discipline budgétaire, qui sera exercée dans les conditions que nous souhaitions, ou du mécanisme européen de stabilité, qui, lorsqu'il sera mis en place au milieu de l'année prochaine, sera doté d'une capacité effective de prêt de 500 milliards d'euros.

François Fillon, Premier ministre

Il y a aussi, dans l'avis de cette agence, un message d'inquiétude sur la croissance et sur les conséquences de mauvais chiffres en la matière quant à la tenue de notre trajectoire budgétaire.

Photo de Roland Muzeau

Elles sont élues par qui, les agences ?

Alain Juppé

La Banque centrale européenne a pris, de son propre chef, la décision d'intervenir en refinançant de manière illimitée les banques pendant trois ans à un taux très faible – 1 %. Enfin, nous avons clarifié nos relations avec la Grande-Bretagne.

M. Hollande a effectivement déclaré que, s'il était élu, il renégocierait cet accord (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) pour y mettre ce qui manque aujourd'hui, c'est-à-dire l'intervention de la Banque centrale européenne, les eurobonds et un fonds de secours financier. Sur le troisième point, M. Hollande est en retard de quelques jours, puisque c'est un point déjà acquis. Sur les deux autres – la Banque centrale européenne et les eurobonds –, afin de parvenir à ses fins, M. Hollande devra réunir au moins deux conditions. La première, qui n'est pas encore complètement acquise, c'est d'être élu Président de la République l'année prochaine. La seconde, c'est que, en 2013, le SPD, qu'il est récemment allé soutenir à Berlin, gagne les élections en Allemagne contre Mme Merkel. Si cette condition n'est pas remplie, pendant plus d'une année, nous serons dans le flou le plus absolu. Nous n'obtiendrons absolument pas du gouvernement allemand que soit renégocié l'accord sur la Banque centrale européenne ou sur les eurobonds. Il s'agit donc d'une prise de position diplomatiquement intenable et politiquement irresponsable. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

François Fillon, Premier ministre

Je l'affirme sans ambiguïté : nos engagements budgétaires sont intangibles et le Gouvernement fera tout pour qu'ils soient strictement respectés.

Le budget pour 2012 est construit sur une hypothèse de croissance de 1 % du PIB. Vous le savez, nous avons constitué une réserve de 6 milliards d'euros qui correspondent très exactement à la différence entre cette prévision initiale et celles établies aujourd'hui par la plupart des instituts – réserve qui nous permet donc d'absorber un aléa négatif en termes de croissance.

Photo de Pierre-Alain Muet

Cette réserve est déjà consommée !

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

François Fillon, Premier ministre

En tout état de cause, comme le reconnaissent les agences de notation elles-mêmes, le Gouvernement a démontré sa réactivité et sa capacité à s'ajuster à toutes les circonstances, et il continuera de le faire.

Mesdames et messieurs les députés, la crise actuelle n'est pas une crise de l'euro, mais une crise de la zone euro et de sa gouvernance. Nous nous sommes dotés d'une monnaie commune mais sans mettre en place les institutions politiques et financières nécessaires à sa stabilité et à sa solidité. Et nous avons fait collectivement le choix de la facilité en optant pour une fuite en avant dans l'endettement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le Premier ministre, comme de nombreux Français, nous avons du mal à suivre le cap fixé par Nicolas Sarkozy dans la tempête européenne. Il y a quelques jours, vous avez qualifié le triple A de « trésor national ». Pour conserver la confiance des agences de notation, vous avez décidé deux plans d'austérité, multiplié les sommets et cédé à toutes les exigences posées par Mme Merkel, comme M. le ministre des affaires étrangères vient de le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Or, voilà qu'hier le président-candidat déclare que, si la France perdait son triple A, « ce serait une difficulté de plus, mais pas insurmontable ». Quelle est votre cohérence ? Le président-candidat dit que « c'est une autre Europe qui est en train de naître ». Peut-être, mais ce n'est pas celle que les Français et les Européens attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aujourd'hui, ce ne sont plus seulement les salariés qui s'inquiètent de votre aveuglement, c'est la présidente des patrons italiens qui, ce matin, déplore une Europe qui ne jure plus que par l'austérité, au risque du ralentissement économique, voire de la récession. C'est encore elle qui exhorte la France à ne pas s'aligner sur l'Allemagne et à exiger des initiatives de croissance et la mise en place d'eurobonds.

Voilà ce que nos concitoyens et, plus largement, les Européens attendent de la France : une Europe nouvelle, plus solidaire, qui croie en son industrie, qui ose s'attaquer à la spéculation. Vous avez tourné deux fois le dos aux attentes populaires en oubliant tout volet démocratique, en optant pour l'austérité comme seul horizon. Cette nouvelle Europe que nous appelons de nos voeux ne peut pas naître de vos compromis nocturnes, à prendre ou à laisser. Cette Europe-là, ce n'est pas à vous d'en décider seuls, ce sera au peuple souverain de choisir son destin en mai 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Photo de Patrick Lemasle

Voilà dix ans que vous êtes au pouvoir !

François Fillon, Premier ministre

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Ayrault, je voudrais d'abord vous rassurer sur notre cap. Il est parfaitement simple : en 2011, nous respecterons strictement les engagements que nous avons pris. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Comme nous nous y sommes engagés, le déficit de notre budget sera alors de 5,7 %, puis de 4,5 % en 2012, pour parvenir à l'équilibre en 2016 – et non pas en 2017, comme j'entends déjà le candidat socialiste le proposer, se donnant une année de plus pour atteindre des objectifs qui, par ailleurs, nous engagent au niveau européen.

Nous avons anticipé la possibilité d'une baisse de croissance dans les pays de la zone euro, en gelant 6 milliards de crédits, et nous procéderons aux ajustements nécessaires, au vu non pas des prévisions de croissance, mais de la croissance réalisée trimestre après trimestre, comme nous l'avons fait d'ailleurs en 2011.

Si nous atteignons ces objectifs, c'est grâce à des mesures qui ont été prises et que les socialistes ont toujours combattues : c'est grâce à la révision générale des politiques publiques, qui a permis d'économiser 15 milliards d'euros (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC), c'est grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui a permis de baisser de 150 000 les effectifs de la fonction publique d'État,…

François Fillon, Premier ministre

Cette dérive s'est paradoxalement aggravée avec l'euro qui a joué un rôle d'anesthésiant et qui nous a permis de repousser au lendemain l'effort que nous devions fournir.

Maintenant, toutes les nations européennes solidaires doivent consentir des efforts pour rétablir leur souveraineté financière. C'est un devoir moral vis-à-vis de nos enfants…

Photo de Roland Muzeau

Le capitalisme n'a pas de morale !

François Fillon, Premier ministre

…c'est grâce à la réforme des retraites, c'est grâce à l'ensemble de ces mesures que nous aurons, en 2012, pour la première fois depuis 1945, un budget de l'État en diminution.

Monsieur Ayrault, vous seriez plus crédible pour nous donner des leçons si vous aviez soutenu ces politiques et ces efforts.

François Fillon, Premier ministre

…et c'est un devoir politique si nous voulons maîtriser notre destin. Cela vaut évidemment pour les États membres qui ont dévié de la trajectoire qu'ils auraient dû suivre.

François Fillon, Premier ministre

Mais les agences de notation ne pointent pas seulement les déséquilibres budgétaires. Elles pointent aussi le problème de la crédibilité de la zone euro. De ce point de vue, la réponse, c'est l'accord du 9 décembre, obtenu grâce à l'initiative franco-allemande, qui a réuni vingt-six pays de l'Union européenne sur vingt-sept.

François Fillon, Premier ministre

À cet égard, les décisions prises par plusieurs de nos partenaires sont encourageantes. Après plusieurs semaines de très grande incertitude, la Grèce a donné les gages d'un soutien politique large pour mener les réformes attendues en contrepartie de l'aide exceptionnelle octroyée ces derniers mois, ce qui permet d'ailleurs de débloquer une nouvelle tranche de 8 milliards d'euros.

Les autres pays européens qui connaissent d'importantes difficultés de refinancement – l'Italie ou l'Espagne – ont réitéré leur détermination à mettre en oeuvre de manière rigoureuse des politiques de redressement de leurs finances publiques. Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour dire notre respect pour le plan très ambitieux que vient de présenter le gouvernement de M. Mario Monti en Italie.

François Fillon, Premier ministre

C'est un accord qui nous permet de nous doter enfin d'un gouvernement économique qui va pouvoir piloter cette convergence des politiques qui est seule à même d'assurer la pérennité de l'euro et la croissance. Il permettra peut-être aussi d'en arriver un jour à ces eurobonds que vous brandissez comme une sorte de pierre philosophale, alors que, vous le savez pertinemment, jamais le peuple allemand, gauche et droite confondues,…

François Fillon, Premier ministre

Les dates du retour du déficit à moins de 3 % du PIB ou du retour à l'équilibre budgétaire doivent être confirmées et « sécurisées ». Sur ce point, aucune dérive n'est permise.

Les décisions se prennent avant tout au niveau national mais l'Europe doit accompagner nos efforts. Les derniers mois nous ont permis de réaliser davantage de progrès que nous n'en avions faits en vingt ans en matière de gouvernance européenne.

Ainsi les mesures adoptées en septembre par le Conseil européen et par le Parlement européen représentent déjà un acquis substantiel puisqu'elles permettront une surveillance accrue des déséquilibres budgétaires et macroéconomiques.

Lors du sommet de la zone euro du 26 octobre dernier, nous avons ajouté plusieurs mesures reprises dans les propositions que vient d'adopter la Commission européenne. Il nous faut cependant aller plus loin et plus fort, comme l'ont souligné, hier, le Président de la République et la chancelière allemande.

Que souhaitons-nous ? D'abord un gouvernement économique de la zone euro. Pour nous, en effet, l'Europe est avant tout une affaire politique et c'est par la politique que l'Europe avance et c'est par la politique que l'on rend des comptes aux peuples.

François Fillon, Premier ministre

…pas plus d'ailleurs que le peuple français, n'acceptera de financer la dette des autres pays européens sans avoir un droit de regard sur la mise en oeuvre de leur politique économique et sur leur endettement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

La réponse, c'est une règle d'or qui a été approuvée par la plupart des partis socialistes européens, notamment par le parti socialiste allemand que vous êtes allé voir la semaine dernière. Cet accord, c'est le renoncement par l'Allemagne à l'implication des investisseurs privés dans la restructuration des dettes souveraines, alors même que la décision qui a été prise pour la Grèce a pesé lourd dans la crise financière actuelle.

Enfin, cet accord, c'est la mise en place d'un véritable Fonds monétaire européen, doté d'un système de fonctionnement à majorité qualifiée qui permettra d'éviter les blocages que nous avons connus.

Monsieur Ayrault, la meilleure façon de soutenir le triple A des pays européens, c'est de défendre l'accord du 9 décembre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Je l'ai dit, en prétendant qu'il allait pouvoir, à lui tout seul, le remettre en cause, le candidat socialiste ne s'est pas montré responsable. Chacun sait que c'est tromper les Français. Quand vingt-six pays, les uns gouvernés par la droite, les autres par la gauche, se sont mis d'accord sur des dispositions qui permettent d'assurer la pérennisation de l'euro, on ne prétend pas qu'on va les remettre en cause tout seul. D'ailleurs, vous devriez avoir de la mémoire. En 1997, M. Jospin et M. Strauss-Kahn étaient partis pour Bruxelles, la fleur au fusil, afin de remettre en cause le pacte de stabilité. Ils sont rentrés bredouilles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), et c'est normal, puisque, à l'époque, il y avait un consensus des pays européens pour mener cette politique.

Monsieur Ayrault, si vous voulez soutenir le triple A, c'est très simple : renoncez à votre funeste projet d'abrogation de la réforme des retraites, votez la règle d'or et, enfin, soutenez l'accord du 9 décembre. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

François Fillon, Premier ministre

Nous avons décidé, à l'issue du dernier sommet de la zone euro, que les chefs d'État et de gouvernement se réuniraient au moins deux fois par an. (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe SRC.)

Le Président de la République et la chancelière allemande proposent que ces réunions soient désormais mensuelles, sur la base d'un ordre du jour précis. Elles permettront d'aborder des sujets tels que la stabilité financière, mais aussi la convergence économique et fiscale ou encore la stratégie de soutien à la croissance et à la compétitivité. Voilà plusieurs années que la France réclame la mise en place d'un gouvernement économique de la zone euro, nous disposons à présent d'un accord solide avec l'Allemagne pour le réaliser. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Ensuite, nous devons assurer plus de discipline au niveau européen.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

François Fillon, Premier ministre

Cette discipline reposera d'abord sur un volet préventif plus fort, à savoir la règle d'or dont le principe et le contenu doivent être fixés au niveau européen afin qu'elle soit ensuite transposée par chaque État dans son droit national.

La Cour de justice de l'Union européenne, comme c'est son rôle, pourra vérifier que la transposition aura été correcte. Mais c'est ensuite à chaque juge national qu'il appartiendra de l'appliquer. Bref, comme le souhaitait la France, la Cour de justice de l'Union européenne ne pourra en aucun cas se prononcer sur le budget d'un État membre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Denis Jacquat

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

On a entendu tout et son contraire, de la part du parti socialiste, sur les retraites. Ce fut d'abord Martine Aubry qui concéda, avant de rétropédaler avec fracas, qu'il ne fallait pas considérer les soixante ans comme un dogme.

Ce fut ensuite, pendant les longs débats sur la réforme des retraites menée par Éric Woerth, la longue litanie de nos collègues socialistes assurant qu'ils reviendraient à l'âge légal à soixante ans.

Il y a encore peu de temps, Marisol Touraine assurait auprès de l'AFP que la première mesure de François Hollande serait de permettre à tous ceux qui détiennent la durée du taux plein, de partir à soixante ans sans décote.

L'accord entre Europe Écologie et le PS indique également que le droit de partir à soixante ans sera rétabli pour ceux ayant commencé à travailler tôt et ayant exercé des métiers pénibles.

Et puis… patatras ! les déclarations de M. Hollande sont apparues étonnamment différentes hier matin. Interrogé sur RTL à ce sujet, il a indiqué que ceux qui ont commencé leur vie professionnelle à dix-huit ans et qui ont quarante et un ou quarante-deux ans de cotisations pourront partir à soixante ans et que ceux qui n'auront pas leur durée de cotisation ne le pourront pas.

Monsieur le ministre, que pensez-vous de cette déclaration pour notre système de retraites ? Pouvez-vous éclairer nos concitoyens sur ce sujet majeur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

François Fillon, Premier ministre

Cette discipline reposera ensuite sur un volet correctif plus efficace. Lorsque le déficit d'un État dépassera le seuil de 3 %, il s'exposera à des sanctions adoptées par le Conseil européen sauf si une majorité qualifiée s'y oppose.

Il est temps de comprendre que ce ne sont pas les sanctions qui minent la souveraineté nationale,…

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, comme le disait à l'instant Jean-Marc Ayrault et pour le paraphraser, comme de nombreux Français, nous avons du mal à suivre la ligne du parti socialiste pour ce qui est des retraites. (Rires sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Comme de nombreux Français, en revanche, nous avons compris depuis hier matin, en écoutant RTL, que la campagne du candidat socialiste avait commencé dans le mensonge. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)Les socialistes nous ont dit, la main sur le coeur, que s'ils étaient à nouveau au pouvoir, ils reviendraient immédiatement à la retraite à soixante ans pour tous.

Photo de Jean Glavany

Vous êtes un menteur ! François Hollande n'a jamais dit cela !

François Fillon, Premier ministre

…mais le laxisme des États qui ignorent leurs engagements vis-à-vis de leurs partenaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Mme Royal, la main sur le coeur, disait que la retraite à soixante ans, ce serait pour tout le monde ! Et Mme Marisol Touraine, qui s'exprime au nom du candidat socialiste, a dit la même chose !

Hier matin, même en cherchant à camoufler les choses, on l'a compris, M. Hollande a menti : il n'y aura pas de retour à la retraite à soixante ans. Voilà la preuve du mensonge, sortie de la bouche même du candidat socialiste !

C'est vrai, il aurait fallu trouver 20 milliards d'euros par an pour revenir à l'équilibre de la réforme des retraites si l'on était revenu à l'âge de départ à soixante ans. Si le mensonge est établi, l'irresponsabilité l'est tout autant, parce qu'il faut savoir que, sur ce dossier, aujourd'hui, la proposition de M. Hollande, candidat socialiste, c'est tout simplement 20 milliards d'euros qui manqueront dans les comptes, tous régimes de retraites confondus, d'ici à 2018 ; 20 milliards d'euros que les socialistes n'ont pas, sauf à augmenter massivement les prélèvements ou à baisser les pensions de retraite de tous les Français. Au mensonge, ils ajoutent l'irresponsabilité !

Il ne faut pas non plus manquer de toupet pour nous parler aujourd'hui de la pénibilité et des carrières longues quand on est socialiste, alors que c'est dans la réforme de François Fillon, ensuite dans celle menée par Éric Woerth, que vous avez voté ces dispositions, et que jamais le parti socialiste n'a voté les dispositifs sur les carrières longues (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) pour celles et ceux qui ont commencé à travailler très jeunes ni même sur la pénibilité, ce qu'avaient demandé les communistes.

Social, cela commence comme socialiste, mais, je vous le dis, cela n'a rien à voir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Bernard Accoyer

Veuillez vous calmer, mes chers collègues !

François Fillon, Premier ministre

Mais nos efforts de discipline seraient vains sans davantage de solidarité entre les pays européens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons ensemble partagé les bénéfices de l'Europe et de l'euro.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Pierre Moscovici, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Photo de Pierre-Alain Muet

En dix ans, vous avez mis la France en état de faillite !

Photo de Pierre Moscovici

J'aimerais, bien sûr, répondre à la caricature que vient de présenter Xavier Bertrand (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais ma question est autre : elle porte sur l'accord du 9 décembre dont vous venez de dire, comme M. Juppé, qu'il renforçait la crédibilité de la zone euro et, pourquoi pas, la crédibilité de la France.

En vérité, il y a là un double mensonge, parce que cet accord place l'Europe dans une situation illisible. C'est un accord étroit – on ne sait pas de quoi il s'agit (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP) –, ce n'est pas un accord de l'Union européenne, ce n'est pas non plus un accord à dix-sept, pas plus qu'un accord de la zone euro. C'est un accord flou. On ne sait même pas s'il y aura à la fin un traité, quel sera le rôle des institutions européennes, le rôle des parlements nationaux, le rôle de la Cour de justice de l'Union européenne.

Enfin et surtout, c'est un accord restreint, c'est-à-dire un accord qui limite la construction européenne à l'austérité, là où l'Europe a besoin de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Alors, je le dis avec force, quand François Hollande dit qu'il faudra renégocier cet accord,…

François Fillon, Premier ministre

Ensemble, nous devons la protéger contre les menaces de tension ou d'éclatement.

Photo de Pierre Moscovici

…c'est non seulement une possibilité démocratique parce qu'il ne sera pas ratifié, mais aussi une nécessité politique. Il faudra y ajouter l'intervention de la Banque centrale européenne et les euro-obligations, que, par exemple, les sociaux-démocrates allemands acceptent. Et c'est ce que nous ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, vous parlez de crédibilité de la France, mais on n'est pas bien placé, monsieur le Premier ministre, pour donner des leçons de responsabilité, quand on a menti comme vous l'avez fait sur le triple A, quand on a dit que c'était un trésor national, quand on a fait deux plans de rigueur et bientôt un budget rectificatif, quatre sommets européens pour, en plus, le perdre ! Monsieur le Premier ministre, vous êtes aujourd'hui dans l'échec, et je n'ose vous demander ce que fera votre gouvernement pour sortir l'Europe de cette impasse et la France de cet échec. En vérité, rien, parce que cette irresponsabilité, cet échec, ce sont les vôtres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

François Fillon, Premier ministre

Nous ne devons laisser aucun doute aux investisseurs sur notre détermination à défendre la zone euro.

À cet égard, nous devons affirmer clairement que les solutions appliquées à la Grèce sont exceptionnelles et qu'elles ne s'appliqueront plus à aucun autre État membre.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Alain Juppé

Monsieur Moscovici, vous m'avez habitué à mieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je me demande si vous avez lu l'accord de la semaine dernière.

François Fillon, Premier ministre

Nous allons ainsi envoyer un message puissant en Europe (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC) : celui selon lequel les États respectent et honorent leur signature souveraine. Il s'agit d'un message central pour rebâtir la confiance.

Alain Juppé

Oser prétendre aujourd'hui que cet accord est flou, c'est pour moi la démonstration que vous ne l'avez pas lu, ou alors avec des lunettes extrêmement roses, qui vous ont empêché de bien en mesurer la précision.

Il comporte d'abord un premier projet de traité sur le mécanisme européen de stabilité, qui sera alimenté…

François Fillon, Premier ministre

Il n'y aura pas, à l'avenir, d'implication des investisseurs privés dans la restructuration d'une dette souveraine dans la zone euro. Aucun épargnant ne risquera de perdre son argent en le prêtant à un pays de la zone euro.

Mesdames et messieurs les députés, il s'agit d'un point fondamental et sans doute, même, le plus important de l'accord conclu hier.

Photo de Marcel Rogemont

Ne nous prenez pas pour des bleus !

François Fillon, Premier ministre

La vérité, en effet, c'est que la crise a pris la dimension que nous lui connaissons au moment où il a été décidé – il s'agissait d'ailleurs d'une demande forte de l'Allemagne – d'impliquer le secteur privé dans la restructuration de la dette souveraine de la Grèce.

Écarter ce risque, c'est revenir progressivement à un fonctionnement normal du financement des États de la zone euro et c'est la condition pour faire de l'euro et du système financier européen un pôle de stabilité et d'attractivité pour les capitaux étrangers.

Alain Juppé

Quand je vous entends, hélas, je suis conduit à vous prendre pour des gens qui ne sont pas de bonne foi !

Ce traité prévoit une capacité effective de prêt de 500 milliards d'euros. Si ce n'est pas précis, excusez du peu !

François Fillon, Premier ministre

Dans notre esprit, plus de solidarité suppose deux conditions : d'abord, le renforcement de l'effet de levier du Fonds européen de stabilité sur la base des décisions prises par les ministres des finances la semaine dernière ; ensuite, la transformation du futur mécanisme européen de stabilité en un véritable fonds monétaire européen capable de venir en aide aux pays en difficulté. Ce fonds doit pouvoir prendre le relais du Fonds européen de stabilité dès l'année prochaine et non pas en 2013 comme il avait été prévu et il doit pouvoir prendre ses décisions à une majorité qualifiée et non plus à l'unanimité comme c'était le cas précédemment. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Quant à la Banque centrale européenne, son indépendance doit être intégralement respectée. C'est ainsi qu'elle pourra continuer à jouer le rôle déterminant qui est le sien dans cette période exceptionnelle. Plus rigoureuse, plus solidaire, cette nouvelle gouvernance doit être aussi plus démocratique. Compte tenu de leur importance, les décisions dont nous avons besoin doivent être prises par des responsables politiques démocratiquement élus et rester sous le contrôle des parlements nationaux.

Alain Juppé

Ensuite, il revoit les modalités de vote au sein de ce mécanisme de financement, avec une majorité qualifiée de 85 %. Ce n'est plus l'unanimité, mais la majorité qualifiée.

Enfin, il prévoit une entrée en vigueur de ce dispositif dès le milieu de l'année 2012. C'est extrêmement précis et cela prive complètement d'effet les arguments que vous avez utilisés.

François Fillon, Premier ministre

Personne ne souhaite un gouvernement des juges qui se substituerait à la délibération et à la décision démocratique. Il est clair que les sommets des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro seront la clé de voûte intergouvernementale de cette nouvelle gouvernance de la zone euro.

Alain Juppé

Je pourrais dire de même en ce qui concerne la discipline budgétaire. Quand je vous entends dire ici que la France s'est bornée à accepter les conditions de l'Allemagne, les bras m'en tombent ! L'Allemagne avait, au départ, souhaité que la Cour de justice de l'Union européenne puisse régler les budgets nationaux. Nous avons dit que c'était la ligne rouge que nous n'accepterions pas, et cela n'a pas été décidé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP sur plusieurs bancs du groupe NC.)

François Fillon, Premier ministre

Pour mettre en place ces éléments qui permettent de refonder la zone euro, nous avons besoin d'un traité. Le Conseil européen de cette semaine devra déterminer quelle doit être la voie à suivre pour ce traité. Dans l'idéal, il devrait prendre la forme d'une révision des actuels traités européens, donc passer par un accord unanime des Vingt-sept.

Alain Juppé

Enfin, le traité qui est en cours de préparation, le deuxième traité, celui qui portera sur les mécanismes de la zone euro, repose sur un principe intergouvernemental : ce sont les chefs d'État et de gouvernement qui décideront des grandes orientations de la politique budgétaire de l'Union. Cela aussi, c'est une victoire française ! Le gouvernement économique est sur les rails, et c'est une grande victoire. Pour ce qui est de la crédibilité de cet accord, il suffit de voir l'accueil qu'il a reçu dans tous les pays européens, y compris en Allemagne, pour se rendre compte que nous avons marqué un point essentiel dans la reconstruction de la stabilité de la zone euro. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux du groupe NC. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

François Fillon, Premier ministre

S'il apparaît, dès le week-end prochain, que cela n'est pas possible, alors nous sommes déterminés à aller de l'avant sans attendre, entre les dix-sept États membres de la zone euro et ceux qui seraient volontaires pour les rejoindre, comme l'ont proposé, hier, le Président de la République et la Chancelière.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Jacques Guillet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement. populaire

Photo de Jean-Pierre Brard

Et si les dix-sept ne sont pas d'accord ?

Photo de Jean-Jacques Guillet

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Vous revenez à peine, madame la ministre, de Durban, en Afrique du Sud, où s'est déroulée, pendant de nombreux jours, la conférence sur le climat. Elle était particulièrement importante et nous en attendions beaucoup après le relatif échec de la conférence de Copenhague et les ratés de celle de Cancún.

Cette conférence était essentielle en particulier dans trois domaines : la réduction au niveau national des émissions de gaz à effet de serre ; la mise en place du Fonds vert pour les pays en voie de développement, qui avait été acté à Cancún sans toutefois être totalement mis oeuvre ; la poursuite des mécanismes du protocole de Kyôto, dont la première période, après la période expérimentale, se termine au 31 décembre 2012, et qui ne doit en aucun cas déboucher sur un vide juridique.

Les avis divergent, bien entendu, sur les résultats de Durban. Certes, il y a eu des déceptions, mais chacun s'accorde à reconnaître des avancées. Je tiens à saluer tout particulièrement votre engagement personnel dans ce domaine ainsi que celui de l'Union européenne et de la France, qui sont exemplaires en matière de réduction de gaz à effet de serre. Nous n'avons, certes, pas tout obtenu, mais un compromis a été trouvé. Toute conférence multilatérale de ce type, engageant l'ensemble des pays du monde, ne peut du reste aboutir qu'à un compromis.

Quels enseignements avez-vous tirés, madame la ministre, de la conférence de Durban, laquelle a tout de même permis de mettre au point une discipline collective ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

François Fillon, Premier ministre

Notre objectif est de conclure un accord au mois de mars 2012, celui-ci devant être ratifié avant la fin de l'année 2012.

Mesdames, messieurs les députés, tous nos efforts visent à recréer la confiance en Europe et à préparer le chemin de la croissance. La crise a montré que ce qui était en jeu, c'est moins le niveau de la dette publique en soi que la soutenabilité de cette dette.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Photo de Roland Muzeau

Ce sont vos politiques qui l'ont creusée !

Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur le député, vous le savez, nous cherchons, depuis dix ans, à lancer une négociation globale impliquant tous les pays du monde, et notamment la Chine, l'Inde et les États-Unis, dans la réduction des gaz à effet de serre. Le protocole de Kyôto ne couvre qu'une part mineure des émissions de gaz à effet de serre, cette part allant en outre décroissant, contrairement à celle des pays émergents. Les États-Unis ne voulaient pas prendre d'engagement tant que la Chine et l'Inde n'étaient pas concernées. C'est aujourd'hui chose faite. Après douze jours – dont trois nuits – de négociations, les 195 pays du monde se sont accordés pour lancer, s'agissant de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, des négociations impliquant tout le monde y compris la Chine, l'Inde et les États-Unis.

Qu'en est-il exactement ? L'Union européenne va poursuivre le protocole de Kyôto, mais les négociations vont parallèlement commencer pour que soit signé, avant 2015, un accord global, qui entrera en vigueur avant 2020. Le Fonds vert a enfin été mis en place et va devenir opérationnel. Il aidera les pays en voie de développement à lutter contre le changement climatique. Un programme de travail sur les financements innovants pour abonder ce Fonds vert a été élaboré. Il fait suite à l'engagement fort de Nicolas Sarkozy en la matière pendant la présidence française du G20.

Cet accord ne sauve pas le climat, mesdames, messieurs les députés. Les scientifiques le disent et l'accord le reconnaît. Il faudra consentir encore de nombreux efforts pour éviter la catastrophe. Mais un petit pas, quand il engage tous les pays du monde, y compris les plus réticents, représente une grande avancée. Soyez convaincus que la France restera mobilisée comme elle l'a été à Durban pour que cette avancée se transforme en une accélération et que nous puissions, enfin, contenir le changement climatique et que la terre reste accueillante ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

François Fillon, Premier ministre

Or, sans croissance, pas de dette soutenable. À court terme, ce Conseil européen va lancer le semestre européen, avec l'objectif de fixer les priorités de nos politiques économiques dans l'année qui vient. C'est une étape significative pour coordonner les réformes. À moyen terme, nous voulons aussi déterminer le rythme de consolidation que nous devons adopter pour ne pas mettre en péril la croissance. Protéger la croissance tout en sécurisant nos objectifs budgétaires, telle est la double nécessité qui préside à l'ensemble de nos choix.

Pour cette raison, la France sera très vigilante à l'équilibre des dispositions que nous pourrions introduire dans les traités.

Ces dispositions devront favoriser une meilleure coordination de nos politiques, non pas uniquement de nos politiques budgétaires mais aussi de nos politiques fiscales, sociales, et en matière de régulation des marchés financiers. Une Europe au service de la croissance, cela signifie des programmes européens de recherche plus efficaces et mieux ciblés, développer, comme la France l'a proposé, le capital-risque européen, mettre en place un fonds européen des brevets, installer un environnement réglementaire qui soit favorable à l'économie numérique et à l'instauration de grands champions européens dans la compétition mondiale.

C'est un des enjeux des discussions qui s'ouvrent sur le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020. Le Conseil européen de jeudi et vendredi devra donner un mandat à la présidence danoise pour progresser sur ce dossier, avec comme objectif un accord avant la fin de l'année 2012.

Photo de Roland Muzeau

Et la justice sociale, c'est pour quand ?

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et. républicaine

François Fillon, Premier ministre

Avec ce budget européen qui sera forcément contraint, il faudra préserver la politique agricole commune tout en ciblant les dépenses les plus utiles à la croissance et à l'emploi. Au-delà des chiffres, cela veut dire qu'il faudra progresser vers le « dépenser mieux » pour les politiques communes qui ne sont pas, aujourd'hui, adaptées au contexte de crise et de concurrence internationale. Je pense à la politique de cohésion et à celles de l'innovation et de la recherche.

Mesdames, messieurs les députés, aucune institution européenne n'a plus la crédibilité nécessaire pour revendiquer le monopole de l'intérêt général européen.

Photo de Jean-Jacques Candelier

Monsieur le Premier ministre, sanctions automatiques pour écart au pacte de stabilité, contrôle européen sur les budgets nationaux, règle d'or, règle du noeud coulant, imposée à tous : telles sont vos trouvailles pour nous sortir de la crise. Elles méritent un triple zéro ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

De conseil en conseil, de plan de rigueur en plan d'austérité, la situation ne fait que se dégrader ! Les attaques des spéculateurs reprennent de plus belle, les investisseurs s'inquiétant du manque de mesures concrètes et rapides. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les rentiers n'en ont jamais assez : non seulement ils se gavent sur le dos des travailleurs, mais, au moindre risque, ils s'affolent et veulent imposer toujours plus de sacrifices pour être sûrs de ne pas avoir à se serrer la ceinture !

Nous refusons ce chantage cynique. Rassurons les Français et non les marchés financiers ! La seule règle d'or, c'est l'humain d'abord ! Nous déboursons déjà 50 milliards par an au titre des intérêts de la dette. Pour sortir les peuples de l'ornière, il faudrait avoir le courage de prendre un moratoire sur le paiement de cette dette contractée dans le seul intérêt des banques, du patronat et des plus riches. Il faudrait avoir le courage de faire contribuer le secteur bancaire dans la structuration de la dette par sa nationalisation. Il faudrait avoir le courage d'interdire les agences de notation et de revenir sur les traités européens qui imposent aux États de passer par les marchés financiers pour se financer.

Monsieur le Premier ministre, je n'attends pas d'éclair de lucidité de votre part. Toutefois, sans même en référer à votre égérie, Mme Merkel, allez-vous, conformément à notre Constitution, proposer au Président de la République de soumettre le nouveau traité européen au référendum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le ministre chargé des affaires européennes.

François Fillon, Premier ministre

C'est ensemble que nous travaillons à l'intérêt général, à Bruxelles, à Strasbourg, à Luxembourg, mais aussi dans chacun des États membres et dans chacun des parlements nationaux. Ici, vous êtes tous les interprètes de notre nation, mais l'histoire vous porte à être aussi ceux d'une Europe qui a besoin de chacun d'entre nous.

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes

Monsieur le député, à votre question toute en nuances et en réalisme, je répondrai simplement que vous contestez, en fait, la légitimité des décisions qui ont été prises !

François Fillon, Premier ministre

Au-delà des clivages et des échéances électorales, nous devons afficher une volonté politique commune, une volonté française. Ensemble, mesdames, messieurs les députés, rappelons pourquoi nous nous battons pour sauver l'euro et pour sauver l'Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Rappelons, sans démagogie, pourquoi nous ne distinguons pas l'intérêt national de l'intérêt européen.

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes

Je vous rappelle que la démocratie est née en Europe. Elle a même été inventée par l'Europe. Les dirigeants des vingt-sept États représentés, lors de l'accord sur le traité, ont été élus démocratiquement. Il n'est donc pas illogique, puisque vous avez mentionné qu'une réponse concrète et rapide était nécessaire, que les chefs d'État et de gouvernement prennent les décisions qui s'imposent.

François Fillon, Premier ministre

Rappelons pourquoi l'unité franco-allemande est l'un de nos biens les plus précieux (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC) et pourquoi, entre nos deux nations, il ne peut pas y avoir de vainqueur ou de vaincu, mais la volonté permanente d'avancer ensemble par des compromis et par le respect mutuel.

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes

Qui peut, d'ailleurs, contester la légitimité du Président de la République, Nicolas Sarkozy, élu au suffrage universel ?

Je vous rappelle, de plus, monsieur le député, que les décisions se prennent ici, et que les traités se ratifient au Parlement.

François Fillon, Premier ministre

Ensemble, rappelons que l'Europe, bien plus que des institutions, c'est une culture, une histoire, une rencontre entre des nations anciennes et brillantes. Je crois à la présence d'une civilisation européenne.

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes

Nous avons effectivement décidé, ici, la mise en place du Fonds européen de stabilité financière et nous avons décidé, ici, que les pays européens devaient être solidaires et aider la Grèce.

Enfin, monsieur les députés, la situation est bénéfique pour la démocratie, puisque, dans quelques mois, les Français devront choisir leurs représentants. La femme ou l'homme qui deviendra Président de la République n'aura pas, je suppose, éludé le problème de l'Europe lors de son engagement devant les Français. Il y aura la vision utopiste que vous développez de la « démondialisation » ou de la sortie de la mondialisation…

François Fillon, Premier ministre

L'humanisme, la solidarité, l'État de droit, la confiance placée dans la science, dans l'innovation, dans le progrès, toutes ces valeurs disent où commence et où s'épanouit l'Europe. Je crois que ces valeurs peuvent faire de l'Europe l'un des grands pôles du XXIe siècle.

Ne laissons pas le monde s'habituer à une Europe faible et déclinante que l'on pourrait traiter avec condescendance. Quand je compare l'Europe moderne à ce qu'elle était hier, je vois les résultats de l'audace de nos pères. Je vois des hommes qui ont brisé une tradition millénaire de conflits et de violence. Je vois dix-sept pays soudés autour d'une monnaie unique. Je vois vingt-sept jeunesses appelées à grandir ensemble sans défiance, vingt-sept peuples unis qui nous interdisent de jouer les blasés ou les indifférents.

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes

…et il y aura une vision réaliste et objective qui fera progresser, par la discipline et la solidarité, la croissance et l'emploi.

Je suis, pour ma part, certain, monsieur le député, que les Français choisiront la responsabilité, la vision et rejetteront l'irresponsabilité et l'inexpérience ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

François Fillon, Premier ministre

Mesdames, messieurs les députés, la crise nous impose de redéfinir le projet européen. Elle nous commande de nous affirmer comme une puissance capable de réagir rapidement et concrètement aux chocs. Nous devons relever le défi et montrer que nous avons décidé d'être debout et nous-mêmes pour la France et pour l'Europe. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes UMP, dont de nombreux membres se lèvent, et NC.)

Photo de Marcel Rogemont

Il ne reste pas beaucoup de temps au Gouvernement !

Photo de Bernard Accoyer

Nous en venons au débat, le porte-parole de chaque groupe disposant de dix minutes.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (« Hollande ! Hollande ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Ce débat est d'importance, je vous demande de vous écouter dans le respect mutuel. Vous avez la parole, monsieur Ayrault. (Mêmes mouvements.)

Photo de Yves Nicolin

Donnez la parole à Montebourg ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Photo de Jean-Marc Ayrault

Que se passe-t-il, monsieur le président ? Puis-je parler ou non ?

Photo de Pierre-Alain Muet

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

En 2007, monsieur le Premier ministre, vous disiez être à la tête d'un état en faillite. Le terme était sûrement exagéré à l'époque...

Photo de Jean-Marc Ayrault

Je vous remercie, monsieur le président. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, ce matin, un grand journal réputé pour sa capacité à interpréter les désirs du chef de l'État (Protestations sur les bancs du groupe UMP) présentait l'accord Merkel-Sarkozy comme celui qui refonderait l'Europe, rien de moins ! Si telle est son ambition, il est regrettable que le débat ne puisse pas avoir lieu dans des conditions normales.

Photo de Pierre-Alain Muet

…mais il est incontestablement vrai aujourd'hui. Cette faillite, c'est d'abord celle d'un président, Nicolas Sarkozy, qui a tout promis, qui n'a rien tenu et rien obtenu. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Faillite d'un Président qui parlait de croissance, mais qui, après avoir laissé dériver les déficits quand la croissance était là, enfonce un peu plus notre pays dans la récession, en accumulant les plans d'austérité.

Faillite d'un Président qui parlait de récompenser le travail et de rétablir le plein emploi, mais qui n'a récompensé que la rente et laissé exploser le chômage – un million de chômeurs de plus depuis 2007 – quand l'Allemagne, dans le même temps, réduisait le sien.

Faillite d'un Président qui a tout promis sur la scène internationale et européenne, la fin des paradis fiscaux, la régulation des banques, les eurobonds, la taxation des transactions financières, un président qui, dans ce domaine comme dans tous les autres, aura tout cédé et n'aura rien obtenu (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), et qui essaie de faire oublier son bilan calamiteux par un traité européen qui ne règle rien. Ce traité ne règle rien, en effet, et François Hollande a raison de dire qu'il le renégociera. Qui peut croire que vous réduirez demain les déficits avec une règle de papier quand vous n'avez eu de cesse de les creuser hier et de violer tous les jours toutes les règles existantes ?

Vous parlez de crédibilité. Vous n'avez aujourd'hui ni la confiance des marchés ni celle des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.

Photo de Jean-Marc Ayrault

Il a fallu que je demande, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, que l'Assemblée nationale puisse vous entendre, monsieur le Premier ministre, et que nous puissions avoir un débat d'une heure, ce qui est peu lorsque le sujet est aussi important que l'avenir de la France et de l'Europe.

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Monsieur le député, la crise que nous traversons en France et en Europe mérite mieux que la caricature, et vous ne pouvez pas vous dédouaner en permanence de vos propres responsabilités en matière de finances publiques.

Photo de Jean-Marc Ayrault

Les choix décisifs ne peuvent être pris sans consulter les représentants du peuple : c'est la leçon que chacun aurait dû tirer, quel qu'ait été son choix, du référendum de 2005. Ce vrai débat, nous le rendrons public pendant la campagne présidentielle et nous le ferons trancher par le peuple français !

Vous disiez que ce sommet était celui de la dernière chance pour sauver l'euro,...

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

La politique budgétaire de la France, comme d'ailleurs celles de la quasi-totalité des pays industrialisés, des États-Unis au Japon et bien sûr tous les pays européens, a pris un virage dans les années 70 et 80 qui était celui du déficit et de la dette. Vous ne pouvez pas affirmer que ce sont les gouvernements de droite qui ont détérioré plus que les autres nos déficits : 1992-1993, 2001-2002 et 2008-2009 sont en effet trois périodes pendant lesquelles la conjoncture a été défavorable sur le plan international, et pendant lesquelles notre PIB s'est contracté.

François Fillon, Premier ministre

Je n'ai pas dit cela.

Photo de Henri Emmanuelli

Cela fait dix ans que vous êtes là !

Photo de Jean-Marc Ayrault

…tout comme les vingt-trois précédents, qui devaient tout résoudre. « Toujours trop peu, toujours trop tard » : ce n'est pas moi qui le dis, mais Romano Prodi, l'ancien président de la Commission européenne. Aujourd'hui, pour faire face à l'urgence, on nous propose comme seules réponses un traité, qui prendra de longs mois, peut-être un an minimum, et toujours plus d'austérité pour les peuples, mais toujours rien de concret contre les attaques des spéculateurs.

Le couple franco-allemand, en effet, est devant une responsabilité historique. Dans ce tête-à-tête, la France devrait aujourd'hui infléchir la position des conservateurs allemands. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé hier à Paris.

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Le rapport de Mme Bricq, rapporteure générale socialiste de la commission des finances du Sénat, est sans équivoque sur ce point : la dégradation de 1,8 % du PIB du solde public entre 2008 et 2012 s'explique par une dégradation de 3,8 points qui ne dépend pas de l'action du Gouvernement, tandis que les mesures courageuses prises par le gouvernement Fillon ont permis une amélioration de deux points de notre PIB.

En vérité, la crise que nous traversons est une crise de notre modèle économique. La vraie question que les Français devront trancher au mois de mai, c'est de savoir s'il faut amplifier la réforme de ce modèle, faire en sorte que notre pays trouve sa place dans la mondialisation, produise en France, exporte, ou bien si nous allons continuer à accumuler les déficits, multiplier les emplois publics, dire non, comme vous le suggérez, à la règle d'or, dire non au traité européen. Une telle politique conduirait la France à la faillite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Jean-Marc Ayrault

Mme Merkel refusait l'évolution du rôle de la Banque centrale européenne : elle a eu gain de cause. Elle ne voulait pas des eurobonds : M. Sarkozy dit que ce n'est plus une solution.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Jacqueline Irles, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Photo de Jean-Marc Ayrault

La chancelière allemande voulait un nouveau traité budgétaire : il sera présenté en mars. Elle plaidait pour des sanctions automatiques : elles seront mises en place.

Photo de Jacqueline Irles

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vendredi dernier, après une longue nuit de négociation, les dirigeants européens, réunis à Bruxelles, ont trouvé un accord pour sauvegarder la zone euro.

Cet accord est le fruit d'un travail sans relâche de la part des dirigeants français et allemands. Face à la persistance de la crise de la dette souveraine, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont fait preuve de détermination, de réactivité et de responsabilité, et ils ont su entraîner leurs homologues.

La plupart des pays membres de la zone euro ont ainsi consenti à renforcer la discipline budgétaire grâce à un nouveau pacte budgétaire, et à enrayer la crise de la dette avec la mise en place d'instruments de stabilisation financière. Les dirigeants de la zone euro se sont également engagés à coordonner leurs politiques économiques, pour progresser sur la voie d'une union économique plus forte.

Alors qu'une véritable réponse est apportée afin de protéger l'avenir de notre économie, je déplore l'attitude irresponsable de certains dirigeants de l'opposition. J'en veux pour preuve les déclarations de François Hollande, qui prétend renégocier l'accord européen. Cela serait risible si ce n'était pas irresponsable. En matière de négociations, M. Hollande a manifestement des progrès à faire si l'on en juge par le succès éblouissant des négociations PS-Verts…

Monsieur le ministre, au moment où le monde entier a les yeux rivés sur la situation économique de l'Europe et scrute la moindre de nos actions, pouvez-vous exposer à la représentation nationale les avancées de cet accord et le calendrier prévu ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le ministre chargé des affaires européennes.

Photo de Jean-Marc Ayrault

Quel est le poids de la France aujourd'hui ?

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes

Vous avez raison, madame la députée, il y a quelques jours encore, l'Europe était en danger, l'euro était en danger.

Photo de Jean-Marc Ayrault

Quel est son crédit ? Pourquoi Nicolas Sarkozy est-il contraint de suivre Mme Merkel sans obtenir de véritable contrepartie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Parce que M. Sarkozy s'est affranchi, depuis le début de son mandat, de la règle d'or des 3 % de déficit posée par le traité de Maastricht. (Mêmes mouvements.) Parce que M. Sarkozy n'a pas davantage respecté l'article 34 de la Constitution, qu'il a lui-même fait voter en 2008 et qui fixe l'objectif d'équilibre des comptes.

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes

À l'initiative du Président de la République et de la chancelière Angela Merkel, des propositions ont été mises sur la table.

Ces propositions visaient d'abord à renforcer la gouvernance. Nous avions mis en place une monnaie unique et il manquait la gouvernance économique nécessaire. Il fallait aussi une convergence entre nos politiques économiques et fiscales et un renforcement de la solidarité grâce à un mécanisme européen de stabilité, ce fonds monétaire européen qui permettra de mieux gérer la crise et d'aider les pays en difficulté. Il est également prévu un renforcement de la discipline budgétaire, cette fameuse règle d'or qui est approuvée dans tous les pays européens, y compris ceux qui sont dirigés par des socialistes, mais qui n'est pas acceptée ici par ceux qui siègent du côté gauche de l'hémicycle. Une telle discipline restaure la confiance et permet d'aller plus loin.

Ces propositions ont été approuvées par vingt-six pays sur vingt-sept, la Grande-Bretagne ayant choisi de rester en dehors. C'est son choix, nous le respectons. Elle voulait moins de régulation des marchés financiers, moins d'Europe, nous voulions une régulation des marchés financiers et plus d'Europe.

Face à ces propositions concrètes, à cette convergence forte de vingt-six États sur vingt-sept sur les propositions franco-allemandes, d'autres propositions paraissent irresponsables et irréalistes. Elles témoignent en fait, vous l'avez compris, de l'inexpérience totale du candidat socialiste à la Présidence de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Photo de Jean-Marc Ayrault

Au lieu de désendetter la France, il a préféré dès 2007, alors que vous aviez parlé, monsieur le Premier ministre, de faillite, dilapider au profit de quelques-uns 75 milliards d'euros de cadeaux fiscaux, qui manquent aujourd'hui dans les caisses de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Élisabeth Guigou

Monsieur le Premier ministre, vous voulez faire croire que, pour sortir de la crise, il n'y aurait qu'un seul chemin, le vôtre, qu'une seule politique en France, la vôtre. Mais votre politique est un désastre pour le pays et pour nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Elle affiche de tristes records sur le chômage, sur les inégalités fiscales, sur les déficits et la dette.

Acculé à votre désastreux bilan, vous prétendez aussi qu'en Europe, il n'y aurait qu'une solution à la crise gravissime de la zone euro : la vôtre. Eh bien non !

Photo de Claude Goasguen

Et vous, combien avez-vous dilapidé ?

Photo de Jean-Marc Ayrault

La vérité, c'est que cette gestion insensée affaiblit la France. Quant à l'accord avec nos partenaires, quel signal envoie-t-il aux marchés ? Y a-t-il seulement un signal ? Même pas ! Cette nuit, une agence de notation a lancé une alerte sur l'ensemble des pays de la zone euro, dont la France et l'Allemagne. En dépit du nouvel exercice d'autosatisfaction de M. Sarkozy, c'est maintenant la faiblesse générale de la croissance qui inquiète, et l'indécision des responsables politiques de l'Europe après vingt-trois sommets de la dernière chance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Alors que la récession est à nos portes, la véritable règle d'or est celle qui conjugue la stabilité budgétaire, l'élargissement de la solidarité et l'initiative de croissance. (Mêmes mouvements.) La disciplinaire budgétaire est un principe partagé,…

Photo de Élisabeth Guigou

Il y a pour la France une autre politique, il y a pour l'Europe un autre chemin que la course à l'austérité.

Être sérieux, monsieur le Premier ministre, ce n'est pas attendre un nouveau traité, en mars ou à l'automne ; ce serait prendre tout de suite des mesures urgentes. Être responsable et crédible, ce serait soutenir la croissance en Europe. Ce serait être solidaire avec les États qui sont attaqués par la spéculation, ce qui pourrait hélas nous arriver demain.

Photo de Jean-Marc Ayrault

…et François Hollande s'est engagé à atteindre l'objectif des 3 % en 2013 et l'objectif d'équilibre en 2017. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

L'austérité et les sanctions ne peuvent constituer l'avenir indépassable des peuples européens. Or le traité que vous nous proposez conduit à mettre en place des règles automatiques de sanction, privant toute possibilité d'appréciation et de décision politique et démocratique. C'est inacceptable !

Mes chers collègues, une autre voie est possible. J'étais hier à Berlin avec François Hollande. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il n'est pas exact de dire que les Allemands partagent tous votre vision conservatrice qu'il faudrait imposer à partir d'un directoire européen.

J'ai eu la chance d'entendre l'ancien chancelier Helmut Schmidt, ce grand monsieur de quatre-vingt-douze ans, qui a plus de lucidité que bien des dirigeants actuels. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il est venu demander à ses amis de ne pas laisser l'Allemagne s'isoler derrière ses excédents budgétaires. Je l'ai entendu plaider pour la solidarité européenne, pour le financement de projets créateurs de croissance. Je vais le citer parce que j'aimerais que sa voix grave, celle de la distance historique, parvienne jusqu'à vous : « Celui qui croit que l'Europe pourrait retrouver la santé financière uniquement à travers des économies budgétaires devrait étudier à deux fois les conséquences tragiques de la politique de déflation qui a provoqué une dépression économique, une extension insupportable et déclenché la chute de la première démocratie allemande ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Une autre voie est possible. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Élisabeth Guigou

Ce seraient des interventions de la Banque centrale européenne, des euro-obligations, un fonds de secours européen suffisant, et ce sans attendre, monsieur le ministre des affaires étrangères, l'été prochain. Être responsable, ce serait ensuite, s'il doit y avoir un nouveau traité, que celui-ci apporte plus de démocratie.

Il n'y a rien de tout cela dans votre accord, ni soutien de la croissance, ni solidarité, ni légitimité démocratique. C'est pourquoi François Hollande, lorsqu'il sera élu Président de la République (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), demandera à nos partenaires de combler ces manques gravissimes, et il respectera son engagement de faire passer le déficit sous la barre des 3 % et de rétablir l'équilibre en 2017 par une loi de programmation pluriannuelle, déjà prévue par la Constitution.

Nous ne laisserons pas insulter notre candidat ni dévoyer le débat public, ni ne vous laisserons vous servir de l'Europe pour masquer vos échecs. Les Français seront juges. Ils décideront, lors de l'élection présidentielle de 2012, quel chemin ils veulent pour la France et l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Photo de Jean-Marc Ayrault

Dans les échanges que nous avons eus avec les dirigeants européens du SPD, nous avons trouvé matière à convergences nombreuses : oui aux euro-obligations ; oui à une initiative de croissance européenne ; oui à un budget financé pour partie par une taxe sur les transactions financières (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) ; oui à un fonds de stabilité financière mieux doté !

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Madame la députée, vous avez parlé d'emploi et de croissance. La solution, pour notre pays, n'est certainement pas le socialisme.

Vous avez évoqué les solutions que vous proposez : allez jusqu'au bout ! Je sais que le temps est toujours compté lors des questions au Gouvernement, mais pourquoi n'avez-vous pas expliqué que, dans toutes les régions où vous êtes aux responsabilités, vos politiques ont conduit à une explosion sans pareille de la fiscalité locale ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous avez diminué le pouvoir d'achat des Français. Par ailleurs, vous avez massivement augmenté les emplois publics, au moment même où nous faisions des efforts. Pourquoi ne l'avez-vous pas dit ? La solution est-elle de suivre l'exemple des régions que vous gérez ? Certainement pas !

Comment pouvez-vous avoir la crédibilité nécessaire, quand M. Hollande, que vous avez cité, se rend devant le congrès du SPD allemand, un parti qui, lui, a voté la règle d'or, tout en se préparant à faire le contraire en France, et, de retour dans notre pays, dit qu'il recrutera 60 000 emplois supplémentaires et essayera de revenir à la retraite à soixante ans ou bien créera un dispositif qui coûtera 20 milliards d'euros de plus d'ici à 2018 ? Où est la crédibilité ?

Où est le devoir de vérité ? Nous sommes à un moment où les Français ont besoin de savoir si ceux qui se présentent à leurs suffrages savent faire preuve de vérité et de courage. Sur tous ces sujets, vous n'avez jamais fait preuve ni du devoir de vérité ni de courage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au coeur de la crise, en 2008, pourquoi n'avez-vous pas eu le courage de laisser derrière vous les positions politiciennes pour protéger les Français avec nous ? Quand nous avons supprimé le deuxième et le troisième tiers, quand nous avons aidé les bénéficiaires du RSA à faire face, vous avez toujours été aux abonnés absents !

Enfin, madame Guigou, vous avez parlé d'Europe. Regardez bien la carte politique de l'Europe aujourd'hui : où sont les gouvernements socialistes ? Il n'y en a même plus la moitié. Cela montre que le socialisme n'est certainement pas l'avenir de l'Europe et certainement pas l'avenir de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Photo de Jean-Marc Ayrault

Sur le rôle de la Banque centrale européenne, nous avons bénéficié d'une écoute attentive qui peut préfigurer l'ouverture d'une négociation équilibrée au service de la croissance et de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, une autre voie est possible. Qui peut croire que l'Europe doive se transformer en simple agence de notation pour ses propres États-membres ? La croissance doit être notre objectif prioritaire.

Il faut renforcer l'Europe des coopérations industrielles, notamment dans la recherche et l'innovation. Jacques Delors plaide depuis des années pour une communauté européenne de l'environnement et de l'énergie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, l'objectif de la transition énergétique de réduire de 25 % la part du nucléaire dans l'électricité est le même pour la France et pour l'Allemagne. (Même mouvement.) Voilà un champ formidable d'investissement permettant la création de millions d'emplois dans toute l'Europe pour réussir la transition énergétique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

L'Europe, c'est aussi celle qui lutte contre la spéculation avec la taxe sur les transactions financières. C'est aussi une Europe sociale, celle de la coopération, qui permet, avec un salaire minimum dans chacun des États, de répondre aux inégalités sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce sont des normes communes en matière de santé et d'éducation. C'est cela que nous voulons partager avec les Européens, et qui va rendre de l'espoir et de la confiance aux peuples européens qui n'en peuvent plus de ces plans d'austérité qui démoralisent et détruisent le lien social, en France en premier lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, je voudrais vous rappeler que ce qui se joue sous nos yeux, c'est le maintien de la souveraineté des États, à travers l'affirmation du projet européen. Faudra-t-il demain faire appel à la Chine, au Brésil, ou trouverons-nous enfin en nous-mêmes la force de résister, et de nous relever ? La France devra trouver cette force dès 2012, refuser la fatalité et rendre confiance aux peuples français et européens.

Permettez-moi de vous citer un autre grand Européen : « Si les Européens ne prennent pas en main leur propre destin, qui le fera ? Le Japon, la Chine, le Nigeria, le Brésil, le Texas, enfin, je ne sais qui… Si vous ne décidez pas vous-même de votre sort, quelqu'un s'en chargera, soyez-en sûrs () » Celui qui disait cela était François Mitterrand, un grand homme d'État, grand européen, dans un discours prononcé à la fin de sa carrière et de sa vie. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Qui a remplacé les grands hommes de l'histoire européenne ? Les grands chanceliers tels que Helmut Kohl, les hommes tels que François Mitterrand, il nous faut aujourd'hui les trouver. Nous avons la possibilité d'engager en 2012 un nouveau cycle d'espoir pour l'Europe : c'est le combat pour l'alternance que nous menons avec François Hollande. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J'ai confiance dans les capacités de la France, et je ne suis pas de ceux qui démissionnent et qui se résignent.

Monsieur le Premier ministre, après avoir sonné le tocsin en 2007 en disant que la France était en faillite, vous avez pris la responsabilité d'aggraver la situation de la France et de l'affaiblir. Nous, nous prenons l'engagement de relever la France et de relever l'Europe ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Photo de Bernard Accoyer

Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Didier Quentin.

Photo de Bernard Depierre

Monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, un pays sans usines est un pays sans avenir. Nous en sommes tellement conscients, dans la majorité, que nous avons pris des mesures concrètes et importantes en ce sens depuis 2007.

Qu'on en juge. Nous avons supprimé la taxe professionnelle,…

Photo de Didier Quentin

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de remercier le président d'avoir pris l'initiative d'organiser ce débat au lendemain de la rencontre décisive entre le président Sarkozy et la chancelière Merkel et de leur accord sur le renforcement de la gouvernance de la zone euro. Cet accord a reçu cet après-midi une bonne note de la part d'un grand quotidien du soir, ce qui n'est pas si fréquent ! Notre débat se déroule également à la veille du Conseil européen qui se tiendra jeudi et vendredi prochains à Bruxelles. Ce conseil européen nous est présenté depuis quelques jours dans la presse comme le sommet de la dernière chance pour l'euro.

Ce sommet sera également l'occasion de signer le traité d'adhésion avec la Croatie. Au terme de ce processus, le 1er juillet 2013, la Croatie deviendra le vingt-huitième État-membre de l'Union européenne. La Croatie sera ainsi le deuxième État issu de l'ex-Yougoslavie à devenir membre de l'Union européenne après la Slovénie. Il s'agit surtout du premier des ex-belligérants de la guerre de 1991-1995 à intégrer l'Union. L'Union européenne reste donc attractive et demeure cet espace de paix et de démocratie voulu par ses pères fondateurs. Cela me semble important à rappeler en ces temps difficiles : il ne faut jamais oublier l'essentiel.

La crise que traverse la gouvernance de la zone euro ne doit pas nous faire oublier que l'Union poursuit son chemin, qu'elle travaille, qu'elle se préoccupe toujours des questions agricoles, climatiques, migratoires, énergétiques, qui sont elles aussi à l'ordre du jour de ce sommet, même si beaucoup ont tendance à l'ignorer.

Notre attention est tout entière focalisée sur la crise des dettes souveraines qui frappe la zone euro. Cet endettement, nous en sommes tous, à des degrés divers et des moments divers, comptables et responsables devant nos concitoyens. Pas un seul budget n'a été voté en équilibre depuis 1974.

Comme le Président de la République l'a rappelé lors de son discours à Toulon jeudi dernier, cet endettement s'est accumulé depuis des années. Il s'est agit d'une facilité coupable et illusoire, une sorte d'EPO à laquelle tous les gouvernements se sont dopés pour préserver notre niveau de vie et notre modèle social dans un monde en pleine mutation.

Photo de Roland Muzeau

Depuis dix ans que vous êtes au pouvoir, cela fait de vous de graves drogués !

Photo de Bernard Depierre

…un impôt économiquement absurde qui pénalisait la compétitivité de nos territoires. Ce sont plusieurs milliards d'euros de prélèvements en moins pour l'industrie. Qui a voté contre ? Le Parti socialiste !

Nous avons renforcé le crédit d'impôt recherche, qui permet à nos entreprises d'innover…

Photo de Didier Quentin

Cette crise marque la fin de ce cycle. Faut-il même encore parler de crise ? Il s'agit d'un véritable changement de système, d'un changement de monde. Nous ne pouvons plus continuer ainsi, et nous le savons.

Pour la plupart d'entre nous, nous le savions depuis longtemps, nous sommes rattrapés par la dure réalité.

Oui, il nous faut faire des efforts. Oui, il nous faut maîtriser nos dépenses. C'est une ardente obligation pour réduire les pressions que nous subissons. Maîtriser nos comptes, ce n'est pas plier devant les agences de notation, c'est chercher à réduire notre dépendance à l'égard des marchés financiers, et donc veiller au maintien de notre indépendance.

M. Mario Monti, président du conseil italien,…

Photo de Bernard Depierre

…et qui est envié par de nombreux concurrents étrangers.

De leur côté, les candidats à l'élection présidentielle François Hollande ou Marine Le Pen essaient de reprendre cette thématique. Mais le premier a plombé l'industrie en votant les trente-cinq heures. Quand à la seconde, elle propose des mesures inapplicables.

C'est bien cette politique d'innovation que nous entendons poursuivre demain, afin de favoriser le « fabriqué en France », dans un esprit compétitif et audacieux.

Aujourd'hui, le Président de la République est à Sallanches, sur le site de la marque Rossignol, fleuron de la technologie du sport alpin, pour promouvoir le label « Origine France Garantie ». Hier, le Gouvernement a attribué de nouvelles aides à la réindustrialisation pour relocaliser de l'activité en France.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur les mesures mises en oeuvres par le Gouvernement pour maintenir et créer des emplois industriels sur le territoire français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Photo de Didier Quentin

…en présentant un nouveau plan d'économies de vingt milliards d'euros ce week-end, a mis en avant la faute des Italiens, pas de l'Europe. Ce nouveau plan italien est soutenu à la fois par la gauche et la droite dans la péninsule, tout comme les socialistes allemands ont voté la règle d'or. J'espère qu'ils l'ont rappelé à M. François Hollande durant ce week-end. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.

Photo de Pierre-Alain Muet

C'est une règle de papier sans intérêt !

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Monsieur le député, en effet, le Président de la République était ce matin à Sallanches, chez le fabricant de skis Rossignol. Rossignol est la preuve qu'il est possible et rentable de produire et d'investir en France. Cette entreprise a investi, en 2011, 10 millions d'euros pour moderniser son outil de production. Cela représente treize nouvelles machines et conforte 700 emplois sur notre territoire. Cela permet de rapatrier en France 75 000 paires de ski d'enfants jusque-là produites à Taïwan.

Photo de Didier Quentin

Vérité d'un côté du Rhin, vérité de l'autre ! Les difficultés qui touchent actuellement notre continent méritent mieux que les basses polémiques auxquelles nous assistons depuis quelques jours.

Les mots ont un sens, ils renvoient pour certains d'entre eux aux heures les plus noires de notre histoire. Dire que la chancelière Merkel mène une politique à la Bismarck visant à imposer ses vues à l'Europe alors que nous savons très bien qu'elle doit faire face à une opinion publique hostile à toute idée de solidarité trop poussée en Europe est profondément choquant.

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Car si la majorité des emplois de Rossignol est en France, 85 % de sa production sont exportés.

C'est cet entrepreneuriat français industriel que nous souhaitons développer, par une politique ambitieuse de réindustrialisation. Je pense au crédit d'impôt recherche : 4 milliards d'euros par an pour les entreprises françaises ; pour Rossignol, c'était 1,2 million d'euros cette année. Je pense aux aides à la réindustrialisation : vingt projets d'investissement représentant 344 millions d'euros et la création de 1 500 emplois sur trois ans. Je pense au « fabriqué en France », annoncé ce matin par le Président de la République, carte d'identité des produits qui permettra aux consommateurs français de savoir ce qu'ils achètent.

Grâce à cette politique, l'emploi industriel s'est stabilisé en France.

Photo de Didier Quentin

Il y a quelques mois, l'Allemagne a, pour la première fois, accepté la mise en place d'une gouvernance économique de la zone euro à laquelle elle s'était toujours montrée réticente. Elle a aussi accepté la création du Fonds européen de stabilité financière. Eh bien, souvenons-nous qu'à l'époque la chancelière s'était vue accusée par son opposition, et au sein même de son parti, d'être à la traîne du président Sarkozy et des positions françaises.

Sachons garder le sens de la mesure, ne tombons pas dans un manichéisme caricatural conduisant certains à accuser le Président de la République de se comporter comme Édouard Daladier signant les accords de Munich avec Adolf Hitler en 1938.

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Pour la première fois depuis dix ans, chaque jour, nous enregistrons une nouvelle création d'entreprise. Le nombre des entreprises exportatrices a augmenté cette année de 3 % et celui des primo-exportateurs de 10 %. Voilà le résultat de notre politique de réindustrialisation ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Photo de Didier Quentin

Monsieur Ayrault, je me serais attendu, venant de l'homme de culture et du germanophone distingué que vous êtes, à une prise de distance à l'égard de ces déclarations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Nous ne pouvons pas accepter de tels propos à l'égard du Président de la République et de notre principal partenaire. Paraphrasant une formule bien connue, on pourrait dire que l'antigermanisme est le socialisme des imbéciles.

Plusieurs de nos collègues du Bundestag nous ont faits part de leur incompréhension devant de tels amalgames. Je tiens, au nom du groupe UMP, à leur dire combien nous avons été choqués par ces insinuations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Tous les présidents de la Ve République, sans aucune exception, pourraient avoir prononcé les paroles de Nicolas Sarkozy à Toulon : « L'Allemagne et la France unies, c'est l'Europe tout entière qui est unie et forte. La France et l'Allemagne désunies, c'est l'Europe tout entière qui est désunie et qui est affaiblie. »

Certains, du côté du candidat socialiste, se prenant pour Zorro, parlent de rétablir une relation franco-allemande équilibrée. Que cela veut-il dire ? En quoi notre relation est-elle déséquilibrée ? Il ne s'agit pas d'abandon de souveraineté, mais de souveraineté partagée. Quelle est la souveraineté du coq dans le poulailler ouvert aux renards ? Ne vaut-il pas mieux s'associer à l'aigle pour fermer la porte ? Cela créé la nécessité de trouver des compromis, comme l'a rappelé le Président de la République lundi, à l'issue de sa réunion avec Angela Merkel.

Travailler à des compromis avec des partenaires ayant chacun des histoires, des cultures, des institutions et des traditions est autrement plus compliqué que d'asséner des discours d'un volontarisme incantatoire.

C'est dans cet esprit de compromis, réaliste et néanmoins ambitieux, qu'un groupe de travail sur la gouvernance de la zone euro a été créé à l'initiative du président Accoyer et de son homologue du Bundestag Norbert Lammert. Sept parlementaires français, de la majorité et de l'opposition, se sont mobilisés pour rapprocher les positions entre groupes parlementaires du Bundestag et de l'Assemblée nationale sur le renforcement de la gouvernance de la zone euro en complément des échanges entre les deux exécutifs.

Ce groupe de travail a trois objectifs. Premièrement, rassurer sur la capacité de réponse de la zone euro face aux spéculations. Deuxièmement, renforcer le pacte de stabilité et de croissance pour éviter une répétition des dérives budgétaires ou bancaires observées dans certains pays. Troisièmement, mieux associer les parlements à la gouvernance de la zone euro.

C'est ainsi que lors de la préparation du budget, un commissaire européen chargé de l'euro pourrait être auditionné devant chaque commission des finances des parlements pour rendre un avis sur la sincérité du projet de budget.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Photo de Christian Eckert

Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi ou de ce qu'il en reste. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Didier Quentin

En conclusion, il nous faut être plus que jamais conscients que la relance de l'Europe passe par une forte impulsion franco-allemande, non seulement sur le plan budgétaire mais également pour les politiques d'innovation et de croissance. La coordination européenne ne doit pas oublier cette dimension essentielle pour continuer à être source de confiance, de croissance et d'espérance. Comme l'a écrit Bernanos : « L'espérance est un risque à courir. »

Monsieur le Premier ministre, ce beau risque de l'espérance, le groupe UMP est prêt tout entier à l'assumer à vos côtés et derrière le Président de la République. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Bernard Accoyer

Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

Photo de Christian Eckert

Monsieur le ministre, vous et vos amis nous disent que l'emploi n'est pas une variable d'ajustement budgétaire. Prendriez-vous les Français pour des imbéciles ? Que ce soit par des licenciements ou par le non-remplacement des départs plus ou moins volontaires, vous avez bel et bien couvert la suppression de centaines de milliers d'emplois. Ainsi, les ruptures conventionnelles, que vous avez inventées, privent les salariés de plans de sauvegarde de l'emploi et permettent des départs en douceur, et puis il y a la transformation des emplois en autoentrepreneurs, et la défiscalisation des heures supplémentaires qui remplacent les emplois durables. Bref, près de 400 000 emplois industriels ont été perdus.

Devant une telle situation, qu'avez-vous fait ? Vous avez diminué le budget travail et emploi pour 2012 de 12 % ! Que dire des 150 000 fonctionnaires dont vous n'avez pas remplacé le départ ? Et ce pour une économie nette de 500 millions d'euros par an, c'est-à-dire moins de 1 % de votre déficit budgétaire !

Mes chers collègues, la règle des questions au Gouvernement, ce n'est pas de commenter le programme des candidats aux futures élections présidentielles (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais d'interroger le Gouvernement sur sa politique et sur ses décisions. Ma question, monsieur le ministre, est donc très précise : dans ce seizième sommet de la dernière chance, avant le dix-septième, concrètement, quelles mesures pour la croissance et pour l'emploi ont été décidées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, l'Europe est au bord du gouffre. Tous les responsables européens le reconnaissent et s'agitent depuis plusieurs mois sans le moindre résultat, si ce n'est la propagation de la crise.

Onze sommets ont été tenus en vingt mois, au terme desquels Nicolas Sarkozy s'est régulièrement félicité que l'Europe soit parvenue à une solution ambitieuse et durable, avant d'être démenti, chaque fois, par les marchés financiers.

Depuis l'explosion de la dette publique grecque, on a pu constater la contagion de la crise de la dette à l'ensemble de la zone euro. Elle s'est d'abord propagée aux pays dits périphériques et touche désormais le coeur de la zone euro : la France, l'Autriche, la Finlande, les Pays-Bas, la Belgique et maintenant l'Allemagne.

Le constat est sans appel. L'échec et la responsabilité du couple Sarkozy-Merkel sont patents.

Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, qui ont pris les rênes de la zone euro, ont échoué à résoudre la crise de la dette souveraine.

Toujours en retard sur les événements, négociant des compromis boiteux et refusant d'agir sur les raisons profondes de la crise, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont choisi de satisfaire les exigences des marchés financiers et de faire payer aux peuples cette énième crise du capitalisme.

L'ampleur des déficits et de la dette publique sert aujourd'hui de prétexte en France, comme dans tous les pays de l'Union européenne, à de nouvelles restrictions budgétaires et à de dangereuses mesures d'austérité.

Des plans d'austérité ont été mis en place partout en Europe. Après la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la France, la Grande-Bretagne et même l'Allemagne, que vous érigez en modèle et dont le taux de pauvreté est parmi les plus élevés d'Europe – 17 %, merci pour le modèle ! –, ont décrété une offensive contre les dépenses publiques et les droits sociaux en Europe : blocage des salaires, réduction du nombre des fonctionnaires, réformes des retraites, de l'assurance-maladie, mise en cause des politiques et prestations sociales, privatisations. Les méfaits de l'austérité sont pourtant connus et dénoncés par d'éminents économistes. L'austérité pénalise l'activité économique. Elle engendre le chômage et la récession.

Alors pourquoi faire de tels choix politiques ? Il n'y aurait pas d'autre alternative, nous dit-on. Pourtant, l'exemple du Japon prouve le contraire. Ce pays frappé de plein fouet par la crise économique et financière, à laquelle s'ajoutent des cataclysmes naturels, avec une dette publique record – plus de 200 % de son PIB –, n'est, pour le moment, pas concerné par la crise de la dette publique. Il emprunte à très faible taux – 1 % – et, au lieu d'adopter des mesures d'austérité, procède à une rallonge budgétaire pour relancer l'économie. Et la monnaie nipponne, au lieu de chuter, continue de grimper. Cet exemple montre que, contrairement à ce que l'on souhaite nous faire croire, la « crise de la dette » n'est pas un phénomène économique déconnecté, mais résulte directement des choix politiques des États. Il aurait suffi d'instaurer une pratique plus restrictive de la libre circulation des capitaux pour permettre aux États de soustraire leur dette à la spéculation, comme l'a fait le Japon.

Tant que les dirigeants refuseront d'admettre que ce sont les choix politiques inscrits dans les traités de Maastricht, de Lisbonne, que vous avez tous votés contre l'avis du peuple français et que les communistes ont rejeté, qui ont mis l'euro dans cette situation, nous ne sommes pas près de nous en sortir.

Comme le souligne Thomas Coutrot, économiste statisticien au ministère du travail, membre de l'Association des économistes atterrés et coprésident d'ATTAC, il est difficile de croire que les dirigeants qui ont imposé des mesures d'austérité ne se doutaient pas de leur impact récessif. S'ils s'acharnent à mener de tels politiques c'est « pour préserver quelque chose de plus important à leurs yeux que la stabilité économique et le bien-être des populations. Il s'agit de sauver à tout prix l'édifice institutionnel de la zone euro ». Cet édifice même qui est à l'origine de la crise que nous traversons.

Ce sont bien les caractéristiques, les fondements mêmes de la construction de la monnaie européenne qui sont en cause.

Monsieur le Premier ministre, la vérité, c'est que l'idéologie politique qui a conduit et accompagné la construction de la monnaie européenne depuis le traité de Maastricht – souvenez-vous, nous pensions la même chose à l'époque – a entendu renforcer le rôle des marchés financiers.

Les États ont entendu garantir la libre circulation des capitaux entre les États membres, tout en étendant le bénéfice aux capitaux venant d'États tiers. Ensuite, les États européens ont garanti la libre prestation des services financiers et le libre établissement des sociétés de crédit européennes, tout en étendant au secteur financier les règles relatives à la libre concurrence, que nous avons combattues.

Enfin, les États ont expressément exclu l'utilisation des banques centrales pour le financement de la dette. Ces choix conduisent à préférer et, dans plusieurs cas, à substituer une dette vis-à-vis des établissements de crédit étrangers à une dette vis-à-vis de la banque centrale nationale et vis-à-vis de ses propres citoyens.

Ensuite, l'interdiction de financer la dette par la monnaie, inscrite dans les traités, est directement en cause. La vérité, c'est que les traités interdisent à la Banque centrale européenne de financer le budget des États membres.

Tel qu'il est rédigé, le texte de l'article 123 tend à exclure toute forme de facilité financière accordée par la BCE aux États. Cependant, parce que le texte prévoit expressément l'interdiction de l'achat « direct » par la BCE des obligations émises par les États, le vent de la crise a conduit à interpréter ce texte comme permettant à la BCE d'acheter la dette sur le « marché secondaire ». En vertu de cette curieuse interprétation, la Banque centrale européenne prête aux banques privées à un taux proche de zéro. Les banques privées utilisent cet argent pour prêter aux États à un taux bien plus élevé. Puis la BCE rachète à ces banques privées les obligations étatiques assorties de cet intérêt. En pratique, le résultat est que la Banque centrale européenne finit par payer des intérêts aux banques privées, qui empruntent chez elle. Cherchez l'erreur !

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, heureusement que l'on n'attend pas, pour l'emploi, les propositions du parti socialiste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Heureusement que l'on n'attend pas non plus que vous donniez l'exemple : dans votre département, le conseil général, dirigé par vos amis socialistes, s'était engagé à recruter 1 000 personnes en contrats aidés plutôt que de les laisser au RSA sans emploi. (« Répondez ! » sur les bancs du groupe SRC), etsavez-vous combien ont été signés au moment où je vous parle ? Moins de 400, monsieur le député ! Voilà la politique socialiste de l'emploi ! Ce sont 600 personnes qui pourraient du jour au lendemain sortir du chômage si vous et vos amis teniez les engagements qui ont été pris et signés par le président du conseil général. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Jean-Paul Lecoq

Ce système insensé est le résultat de choix inadaptés et de la nécessité de les contourner.

En réalité, l'achat indirect des obligations d'État vise à éviter l'interdiction de financer les États et de monétiser la dette. Ce système est tout aussi illégal, au regard des traités, que la « monétisation » de la dette des États. Si on avait prévu, dans les traités, que la BCE puisse intervenir et aider directement les États, nous n'en serions pas là.

Aujourd'hui, l'urgence exige de mettre fin à cette course au désastre et de construire des solutions alternatives fortes à l'échelle de l'Union européenne.

Malheureusement, les dirigeants européens, au premier rang desquels figure le couple franco-allemand, poursuivent inlassablement la même logique et persistent dans l'aggravation de la discipline budgétaire fixée par le pacte de stabilité.

Ils veulent modifier les traités européens pour y graver la règle d'or budgétaire et entendent renforcer le pacte de stabilité en instaurant, d'une part, un contrôle préventif, des technocrates européens, destiné à surveiller les projets de lois de finances des États, et, d'autre part, un contrôle a posteriori des juges de la Cour de justice européenne en cas de contestation des lois de finances votées par les États. Ces mesures touchent de plein fouet la souveraineté des peuples et sont contraires à la démocratie.

Nous le disons solennellement, toute révision des traités européens devra être ratifiée par référendum. Vous ne pouvez pas, vous ne devez pas museler le peuple. Notre histoire vous le commande.

Ne nous y trompons pas, cette Europe ne nous prémunira pas contre de nouvelles attaques des marchés financiers, mais, au contraire, renforce leur tutelle au prix de l'abandon de toutes les grandes avancées sociales du siècle précédent et du dessaisissement démocratique des citoyens et des peuples

Pour notre part, nous, députés communistes et du parti de gauche, avons proposé des solutions pour sortir de cette spirale. Nous réaffirmons la nécessité de refondre les institutions de la zone Euro et du système financier international, de prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux fonds spéculatifs, aux fonds de capital investissement, aux paradis fiscaux et à l'évasion fiscale,…

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Que l'on n'aille surtout pas nous sortir le sempiternel refrain du désengagement de l'État : l'indemnisation de quelqu'un qui est au RSA coûte 467 euros par mois alors que si vous décidez de cofinancer avec l'État un contrat aidé, il ne vous en coûtera que 411 euros par mois ; et 600 personnes de plus auront une fiche de paye à la fin du mois plutôt qu'un bulletin d'allocations, ce que je préfère ! Qu'attendez-vous au parti socialiste pour le faire ?

Par ailleurs, ce que vous avez dit est un tissu de mensonges (« Répondez ! » sur les bancs du groupe SRC.) C'est à croire que vous n'avez pas grand-chose à dire sur l'emploi, hélas ! Mais il y a un point important : vous avez indiqué que vous vouliez revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires… Quel dommage que vous n'ayez pas un débat avec M. Sapin, qui est paraît-il le responsable économique du candidat socialiste. (Mêmes mouvements.)

Photo de Jean-Paul Lecoq

Laissez-nous faire et vous verrez ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En effet, on a du mal à s'y retrouver aujourd'hui : voulez-vous oui ou non retirer leurs avantages fiscaux et sociaux à celles et ceux qui font des heures supplémentaires ? Assumez-le, avouez-le ! Il est vrai que vous avez déjà sacrifié le pouvoir d'achat des ouvriers et de l'ensemble des salariés avec les 35 heures, et vous voulez recommencer. En ce qui nous concerne, nous, nous sommes du côté des ouvriers, et pas vous ! Les choses sont claires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.- Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Jean-Paul Lecoq

…pour dompter le marché des produits dérivés en le soumettant à des régimes d'autorisation contraignants.

Nous jugeons également indispensable de démanteler les agences de notations, de remplacer le pacte de stabilité et de croissance devenu obsolète par un pacte de solidarité sociale pour l'emploi et la formation.

Enfin, il faut que l'Union s'attache tant à promouvoir la taxation des mouvements des capitaux spéculatifs qu'à redéfinir le rôle de la Banque centrale européenne. Cette réforme de la BCE pourrait s'accompagner de la création d'un grand pôle financier public européen constitué en partenariat avec les grandes banques européennes préalablement nationalisées – fonds qui serait également abondé par une taxe sur les transactions financières et une taxe européenne sur les hauts revenus à hauteur de 5 %.

Photo de Bernard Accoyer

Je vous remercie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Photo de Jean-Paul Lecoq

L'action prioritaire de ce fonds pourrait être la restructuration, le rachat de la dette souveraine des pays en difficulté.

Il n'est que temps de tirer les leçons des cinglants démentis apportés, semaine après semaine, aux dogmes de l'idéologie néolibérale inscrite au coeur même des traités européens.

C'est cette voix que nous vous demandons de faire entendre au prochain Conseil européen, celle du peuple français qui, en se prononçant massivement par référendum en 2005, avait souhaité une transformation radicale de la construction européenne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

Photo de Céleste Lett

Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, renforcer la solidarité tout en favorisant la reprise d'activité, voilà un chantier majeur qu'a conduit la majorité avec la mise en place du RSA. Nous avons toujours voulu encourager les personnes qui reprenaient un emploi, et nous l'avons fait de deux manières : d'abord avec la prime pour l'emploi, afin de compléter les ressources de ceux qui tirent de leur travail des revenus modestes, puis avec la mise en place du RSA activité, pour que toute personne qui reprend une activité ne soit pas pénalisée par la perte de certaines prestations. En effet, le RSA sert à compléter les revenus du travail pour ceux qui en ont besoin, à encourager l'activité professionnelle, à lutter contre l'exclusion sociale et à simplifier les minima sociaux. Était-il normal en travaillant de gagner moins qu'une personne sans activité ?

Photo de Bernard Accoyer

Pour le groupe du Nouveau Centre, la parole est à M. Stéphane Demilly.

Photo de Stéphane Demilly

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, à la veille d'un Conseil européen dont l'enjeu sera historique, à n'en pas douter, pour l'Europe et l'avenir de la zone euro, le débat que nous avons dans cet hémicycle prend un sens tout particulier.

Nous sommes peut-être à l'un de ces tournants que connut l'Europe dans son histoire, semblable à la création du système monétaire européen ou à la signature de l'Acte unique européen en 1986.

Photo de Céleste Lett

Nous avons dit non à l'assistanat et oui à l'initiative !

Ici, au sein de la majorité, nous continuons à suivre de près ce dossier, notamment avec Marc-Philippe Daubresse, qui a remis, le 14 septembre dernier, un rapport au Président de la République dans lequel il préconise que l'on propose aux bénéficiaires du RSA quelques heures de travail rémunérées au service de l'intérêt général.

Aussi, madame la ministre, trois ans après la mise en place du RSA, pouvez-vous dresser un bilan de cette mesure ? Quels sont les résultats de notre politique et quelles en sont les perspectives ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Photo de Stéphane Demilly

Pour nous, centristes, profondément européens, fidèles à l'héritage de Robert Schuman et de Jean Monnet, fédéralistes de toujours, ce débat est l'occasion de préciser quelles perspectives nous voulons tracer pour l'avenir de l'Europe.

Recapitalisation des banques, abondement du Fonds européen de stabilité financière, amélioration de la gouvernance de la zone euro : les dirigeants européens ont démontré, à l'occasion du dernier sommet européen, leur indéfectible volonté de sauver la zone euro.

Et ils l'ont notamment fait sous l'impulsion de notre Président de la République, qui n'a pas hésité – permettez-moi d'employer une expression un peu cavalière – à « mouiller sa chemise » et nous devrions tous le reconnaître et nous en féliciter. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Pour autant, c'est la nature de l'Union européenne elle-même que la gravité de la situation actuelle nous oblige à reconsidérer.

Voulons-nous une Europe limitée à une vaste zone de libre-échange, ou voulons-nous une Europe politique, une Europe intégrée, une Europe où la solidarité entre les peuples soit le ciment commun ? Si nous voulons une Europe capable de voler de ses propres ailes, alors l'exemple d'Airbus est tout trouvé. Car c'est bien le savoir-faire spécifique, et en même temps collectif, de chaque pays membre qui a permis à notre avion européen de remporter le formidable succès que l'on connaît.

Tout d'abord, face à la tentation du repli national dans le contexte de crise que nous connaissons, face aux craintes qu'on entend ici ou là d'un abandon de la souveraineté budgétaire, je veux rappeler le rôle primordial qu'a joué l'euro.

L'euro, c'est, en quelque sorte, l'Europe dans la poche du citoyen. Seule réalisation véritablement fédérale de la construction européenne, la monnaie unique nous a protégés des dangers de l'inflation et a créé les conditions de la stabilité monétaire à l'intérieur du marché unique.

Il lui manque cependant encore de pouvoir s'appuyer sur un socle de minima sociaux et fiscaux communs aux pays de l'Union, afin d'éviter les effets dévastateurs de la concurrence intracommunautaire.

C'est un sujet qui doit être traité avec efficacité en se fixant des étapes intermédiaires de convergence, tout comme d'ailleurs les éventuelles intégrations supplémentaires de pays qui ne doivent pas se faire sans l'exigence de certaines avancées démocratiques.

Par ailleurs, nous n'avons cessé de l'affirmer au Nouveau Centre depuis le début de cette législature, dans le contexte de crise que nous connaissons tous, les États doivent plus que jamais prendre leurs responsabilités, c'est-à-dire appliquer des mesures de rigueur budgétaire.

Aussi, je tiens à saluer l'engagement, lors du précédent sommet européen des dix-sept chefs d'État de la zone euro, d'adopter une règle d'or budgétaire. Cette mesure va dans le sens d'une amélioration de la gouvernance de la zone euro, dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Cette règle d'or, certes tardive, relève de l'intérêt supérieur de la nation et de notre espace européen. Il est vraiment dommage que certains qui aspirent à gouverner n'aient pas su s'élever au dessus de leurs petits calculs politiciens (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) pour appuyer cette légitime démarche et donner ainsi à l'Europe, mais aussi au monde entier, une belle image unie de notre pays.

Mais il faut aller plus loin. Les députés centristes l'affirment depuis longtemps : si nous voulons sauver l'euro, un fédéralisme économique et budgétaire s'impose, car une monnaie unique sans politique économique et financière fédérale est naturellement vouée à l'échec.

Au-delà d'une simple gouvernance, nous devons désormais mettre en place un véritable gouvernement économique européen. À ce titre, nous ne pouvons qu'encourager les gouvernements européens à faire la pédagogie de l'Europe auprès de leurs opinions publiques et à ne pas laisser le champ libre aux démagogues de tout poil…

Photo de Roselyne Bachelot-Narquin

Monsieur Céleste Lett, le Président de la République a voulu que chaque Français puisse vivre de son travail et bénéficier de la solidarité nationale dans des conditions justes. C'est la raison pour laquelle, à l'initiative de Martin Hirsch et sur ses propositions, nous avons instauré cette grande avancée sociale du quinquennat qu'est le revenu de solidarité active. Demain, lors de la première Conférence nationale d'évaluation, nous ferons le bilan du dispositif avec les présidents de conseils généraux, les associations, les services de l'État mais aussi avec les bénéficiaires eux-mêmes.

D'ores et déjà, grâce aux travaux de François Bourguignon, le président du Comité national d'évaluation, nous pouvons tirer un certain nombre d'enseignements.

Aujourd'hui, 1,8 million de foyers bénéficient de cette politique de solidarité, qui mobilise 10 milliards d'euros. C'est donc une avancée budgétaire extrêmement considérable. 36 % des bénéficiaires travaillent et ont ainsi un revenu majoré de 18 %. Nous n'avons enregistré aucun effet secondaire sur le marché du travail et nous avons garanti que quelqu'un qui vit de son travail gagne toujours plus qu'avec un revenu d'assistance. C'est ainsi qu'un couple avec un enfant, rémunéré au SMIC, touche, avec ses allocations, 1 607 euros alors qu'un couple titulaire du RSA avec un enfant touche 1 067 euros. Il y a donc une différence de plus de 500 euros entre un revenu du travail et un revenu de solidarité.

Est-ce à dire que le dispositif n'est pas améliorable ? Bien sûr que si. Le rapport deMarc-Philippe Daubresse, vous l'avez souligné, est à cet égard extrêmement intéressant, et nous avons institué le contrat de sept heures qui permettra aux publics les plus fragiles de retrouver le chemin de l'emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Photo de Roland Muzeau

C'est vous qui fabriquez les démagogues !

Photo de Stéphane Demilly

…qui veulent faire de l'Europe le bouc émissaire de tous les problèmes.

Mes chers collègues, l'Europe est une très belle invention, dont nous, centristes, sommes très fiers de porter l'étendard, et les difficultés du moment doivent nous inviter à aller plus loin, plus haut et plus fort pour parfaire notre édifice commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Par exemple, le système de financement actuel de l'Union européenne semble avoir démontré ses limites.

À ce titre, afin de remédier aux dysfonctionnements des mécanismes budgétaires européens, la mise en place d'un fédéralisme budgétaire doit se traduire par l'affectation à l'Union de ressources propres, aboutissant à l'instauration d'une véritable fiscalité européenne, ne serait-ce, pour commencer, que par la taxation des produits financiers.

La mise en place d'un fédéralisme économique et budgétaire européen doit s'appuyer sur un traité fédéral de la zone euro, prévoyant notamment une redéfinition du rôle et des objectifs de la Banque centrale européenne ainsi que la création d'un fonds monétaire européen susceptible de contrer la contagion de la crise à tous les États de la zone euro.

Cette période difficile que nous vivons doit nous amener à clarifier le rôle central de défense de l'euro de la BCE, pour laquelle certaines ambiguïtés doivent, de toute évidence, être levées.

Ce traité devrait également définir les mécanismes de convergence fiscale et sociale entre les États membres, ainsi que je l'évoquais précédemment. À ce titre, nous regrettons que la création d'euro-obligations ne fasse pas l'objet d'un consensus au sein du couple franco-allemand.

La possibilité de « communautariser » une partie de la dette européenne par l'émission d'euro-obligations uniquement destinées à financer des investissements d'avenir serait un moyen efficace de répondre à la crise des dettes souveraines et de financer un ambitieux plan de relance européen.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Photo de Stéphane Demilly

Autre mesure qui devrait, selon nous, permettre d'instaurer un véritable gouvernement économique de la zone euro : la représentation unique de la zone euro dans les institutions monétaires et financières internationales. Toujours la question du numéro de téléphone de l'Europe dont parlait Kissinger…

Photo de François Brottes

Monsieur le Premier ministre, qu'ils portent une blouse blanche, une blouse grise ou un bleu de travail, chaque fois que le Président de la République se déplace dans une usine, on leur demande de se mettre en arrière-plan sur la photo.

Le moment est toujours historique car, trop souvent, c'est un plan de licenciements massif qui arrive ou une fermeture définitive de site industriel qui s'annonce.

Votre bilan industriel est catastrophique, chers collègues : c'est la destruction de 750 000 emplois depuis 2002 dans l'industrie. Vos privatisations dans le secteur de l'énergie se traduisent par des hausses de tarif vertigineuses : le gaz aura ainsi augmenté de 65 % en cinq ans. Votre gestion des entreprises publiques, c'est la vente à la découpe au profit des amis du Fouquet's, comme dans le cas du démantèlement du groupe Areva. Vos contrats brésiliens mirobolants pour le Rafale viennent de se solder par un cruel retour au hangar. Votre soutien public par filière sans aucune contrepartie – je pense aux équipementiers automobiles – aura conduit à une succession de délocalisations.

Photo de Stéphane Demilly

Tout en veillant à ne pas tomber dans une gouvernance purement punitive, il peut être également envisagé de substituer, ou de coupler, aux procédures de sanction financière pour déficits excessifs la mise en place de sanctions politiques et la suspension des droits de vote des États pris en flagrant délit de violation grave des principes de base de l'Union économique et monétaire.

Enfin, il faut réfléchir aux moyens d'améliorer le fonctionnement de toute l'Europe. Les mesures destinées à sauver la zone euro ne suffiront pas si elles ne sont pas accompagnées d'une remise en cause profonde de l'architecture des institutions européennes. La situation actuelle le démontre, l'absence de structures efficaces ne permet pas de créer une véritable impulsion européenne.

Nous sommes face à une Europe plus intergouvernementale que véritablement intégrée, où la somme des intérêts des États semble faire office d'intérêt général, au détriment de la Commission, plus que jamais en retrait dans les processus décisionnels.

La règle de l'unanimité intergouvernementale instaurée par le traité de Lisbonne semble paralyser l'action de l'Union européenne et devrait laisser place, pour plus de souplesse, à la généralisation du vote à la majorité qualifiée.

Aussi, afin de mettre en place une Europe véritablement politique, nous proposons de doter l'Union européenne d'une présidence unique, issue de la fusion des fonctions de président du Conseil européen et de président de la Commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Enfin, nous ne pourrons donner un nouveau souffle à l'Europe qu'en la refondant autour de nouvelles politiques et de nouvelles solidarités, à savoir une politique d'innovation et de recherche, mais également une véritable politique industrielle, indispensable à sa survie.

Photo de François Brottes

Alors, on ne vous attendait pas chez Rossignol, en Rhône-Alpes, dont la relocalisation d'activités ne doit rien à l'État. En revanche, on vous attend chez Photowatt, en Isère, pour que vous expliquiez comment vous avez sacrifié la filière photovoltaïque. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

On vous attend aussi chez Fralib-Unilever à Marseille, et pas seulement pour y prendre le thé. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Mais on ne vous attend plus chez Molex, Arcelormittal ou Continental.

Monsieur le Premier ministre, dites-le au Président de la République : l'industrie, les ingénieurs, les ouvriers de ce pays ont besoin d'investissements, d'innovations et de perspectives de croissance. Vous avez opté pour le chemin inverse, celui de l'austérité, pour une sorte de règle d'or sacrée, invoquant une fatalité qui vous échapperait, un peu comme pour vous dédouaner.

Quant à nous, nous sommes là, avec François Hollande (Vives exclamations sur les bancs des groups UMP et NC) pour retrousser nos manches, et remettre le pays et l'Europe en mouvement, sur le chemin de l'espoir et de la création d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.

Photo de Stéphane Demilly

Car, si l'Europe doit promouvoir ses valeurs, elle doit aussi défendre ses intérêts pour continuer à peser sur la scène internationale.

Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour conclure, vous me permettrez de citer une grande figure du centrisme et de la cause européenne, mon ami Jean-Louis Bourlanges, qui tenait, lors d'un débat sur l'identité de l'Europe en janvier 2010, des propos plus que jamais d'actualité que je souhaite citer :

« L'Union européenne hésite entre deux modèles : les États-Unis d'Europe et… l'Union postale universelle.

« D'un côté, un acteur global, des frontières stables, d'importantes ressources institutionnelles, financières et militaires, une volonté de présence et d'influence.

« De l'autre, une simple organisation internationale, un territoire illimité, des moyens chichement mesurés, une raison sociale spécialisée, non certes dans l'acheminement du courrier, mais dans la diffusion des échanges et du droit à l'intérieur d'un cercle sans cesse élargi. »

Pour le Nouveau Centre, mes chers collègues, il n'y a pas d'hésitation et le choix est extrêmement clair, c'est celui des États-Unis d'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Monsieur Brottes, vous aussi m'avez habitué à mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quelle caricature ! En vous écoutant, on a l'impression que le seul programme de la gauche, c'est de se réjouir des malheurs de l'industrie française. C'est lamentable ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Bernard Accoyer

La parole est à M. Daniel Garrigue, au titre des députés non-inscrits.

Photo de Jean-Pierre Brard

Voilà un patriote ! Un homme courageux, mais isolé !

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

La vérité, monsieur Brottes, c'est que, après le général de Gaulle et Georges Pompidou et jusqu'à Nicolas Sarkozy, il n'y a pas eu de politique industrielle dans ce pays.

La vérité, c'est que les 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), la retraite à soixante ans, l'augmentation permanente des charges, ont littéralement plombé nos entreprises et tué deux millions d'emplois industriels.

Photo de Daniel Garrigue

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est peu dire que l'accord franco-allemand de lundi, nous laisse, comme les précédents, dans une profonde insatisfaction.

D'abord, des engagements sans portée immédiate. Nous sommes devant une crise gravissime, et le plus désespérant est de voir qu'il y a, chez la plupart des observateurs, un fort consensus sur les mesures à engager – intervention de la Banque centrale européenne, fermeté budgétaire, euro-obligations –, mais que, faute de fermeté d'un côté et de lucidité de l'autre, on ne parvient pas à les mettre en oeuvre. Comme l'a rappelé il y a quelques jours François Bayrou, en d'autres temps, la France aurait affirmé sa position avec clarté et avec vigueur.

Photo de Albert Facon

Ça fait dix ans que vous gouvernez !

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

La vérité, c'est que les grands groupes, bien souvent dirigés par vos amis – et je ne veux pas donner de noms – ont préféré la délocalisation plutôt que l'entretien de leurs sous-traitants et de leur écosystème. C'est cela la vérité !

Le travail que faisons quant à nous, c'est de reconstruire patiemment, par la recherche, par la suppression de la taxe professionnelle, par la fiscalité, un tissu industriel de PME, afin que la France retrouve sa place à l'échelle internationale.

Il n'y a pas de fatalité à la désindustrialisation de la France.

Photo de Daniel Garrigue

Et je note que, pour la partie allemande, l'ancien chancelier Helmut Schmidt a dit à peu près la même chose.

Ensuite, une superposition de règles qui ne remplaceront jamais, ce qui a fait le plus défaut jusqu'ici et dont nous avons le plus besoin aujourd'hui, à savoir la détermination politique.

Nous avions le pacte de stabilité. Vous ajoutez la règle d'or. Vous instituez des contrôles juridictionnels à étages : celui de la Cour de justice européenne sur la règle d'or elle-même, celui des juges constitutionnels nationaux sur le respect de celle-ci dans chacun des États. Prenons garde à ne pas glisser dans le byzantinisme !

Il y a un an, nous nous étions presque unanimement ralliés à la procédure du semestre européen. Ne convenait-il pas, pour soutenir efficacement le pacte de stabilité, de donner plus de fermeté à cette procédure et pour respecter la souveraineté budgétaire des nations, d'impliquer plus en amont les parlements nationaux et pour garantir le suivi, de leur assurer une représentation permanente auprès de la Commission et du Parlement européen ?

Les règles existent. Appliquons-les enfin et donnons-leur le supplément de démocratie qui leur manque.

Enfin, il y a la tentation répétée d'instrumentaliser le couple franco-allemand. Nous savons tous le rôle majeur du franco-allemand dans les moments difficiles de la construction européenne. Mais le franco-allemand exige un minimum de solennité, de vérité et de fermeté de la part de chacun des deux acteurs. On ne peut pas affirmer un jour que l'on veut des euro-obligations et clamer le lendemain qu'elles ne sont pas d'actualité.

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Regardez le l'autre côté du Rhin ce qu'un chancelier socialiste a fait, il y a dix ans, et que vous refusez : la flexibilité, la baisse des charges, la recherche. C'est exactement la politique industrielle que nous menons en France et qui va donner des résultats !

Photo de Daniel Garrigue

Il est important de ne pas donner à nos partenaires le sentiment qu'ils sont à l'écart et qu'il n'y a plus de place pour la méthode communautaire.

Nous sommes à un moment décisif pour l'Europe, et sans nul doute au-delà de l'Europe. Nous savons quels sont les instruments à mettre en oeuvre. Il ne tient qu'à nous et à nos partenaires de nous donner la capacité de décider par nous-mêmes et non selon les calculs des agences américaines de notation. Ne laissons pas dériver la construction européenne. Retrouvons pour nous la capacité de parler avec clarté et détermination, et avec nos partenaires, la volonté de nous engager ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

C'est l'inverse de la politique de la gauche : un recours incessant à la dépense, aux emplois publics et aux déficits. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Photo de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, avant de donner la parole au ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, je vous rappelle que nous allons procéder à l'élection par scrutin de liste, dans les salles voisines de la salle des séances, de deux représentants supplémentaires au Parlement européen.

Les listes de candidats ont été affichées et publiées et des bulletins imprimés sont à votre disposition.

Je rappelle que le scrutin est secret et qu'il ne peut y avoir de délégation de vote.

Je rappelle également que l'élection sera acquise au premier tour si le nombre de votants est supérieur à la moitié du nombre des membres de l'Assemblée nationale, soit 281 votants. Les sièges seront répartis à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.

J'ouvre le scrutin qui est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Il sera clos à dix-sept heures trente.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l'Union pour un mouvement. populaire

Photo de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Photo de Marianne Dubois

Ma question s'adresse à Madame Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

La loi du 11 février 2005, relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a permis de très importantes avancées dans de nombreux domaines.

Le Gouvernement, à l'occasion de la journée mondiale des sourds du 24 septembre dernier, a établi un point d'étape sur les services visant à répondre aux besoins des personnes sourdes et malentendantes et à améliorer la prévention.

Le plan en faveur des personnes sourdes et malentendantes comporte des objectifs ambitieux mais conformes aux besoins de nos concitoyens et de notre société. Rappelons que plus de quatre millions de Français, soit près de 7 % de nos concitoyens, souffrent d'un déficit auditif.

Ce plan vise à améliorer la prise en compte de la déficience auditive quels que soient les âges de la vie, à renforcer la prévention, le dépistage et l'accessibilité.

Il y a quelques jours, un nouveau pas très important a été franchi pour les Français souffrant de ce handicap avec la mise en place d'un numéro unique d'appel d'urgence sur le territoire national, le 114.

Hier, 12 décembre, vous avez également signé la charte de qualité du sous-titrage à destination des personnes sourdes ou malentendantes avec des chaînes de télévision, des représentants du monde associatif et les laboratoires de sous-titrage.

Enfin, il m'appartient d'attirer votre attention, ainsi que celle des services de l'État, sur la situation particulière et très difficile de la population des personnes sourdes profondes ne maîtrisant pas ou mal le français écrit. Pour l'intégration de ces concitoyens, la langue des signes française est l'ultime recours, et de son développement dépend notre réussite dans la construction d'une société accessible à tous. Rappelons que la loi 2005 reconnaît la langue des signes française comme une langue à part entière.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous livrer à la représentation nationale les grandes lignes de ce centre national de relais des appels d'urgence et de cette charte de qualité ? Je vous remercie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Alain Juppé

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur ce qu'a excellemment dit le Premier ministre en vous présentant l'accord qui a été conclu hier entre la chancelière Merkel et le président Sarkozy. Je voudrais remercier Didier Quentin du soutien que le groupe UMP apporte à l'action du Gouvernement ainsi que d'avoir rappelé que nous sommes tous, depuis 1974, responsables de l'alourdissement de la dette française.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Madame la députée Marianne Dubois, quatre millions de personnes, quatre millions de nos compatriotes sont sourds ou malentendants. De ce fait, la plupart d'entre eux passent à côté d'informations extrêmement importantes qui concernent leur vie de tous les jours.

La loi du 11 février 2005 pose le principe d'accessibilité généralisé, rappelé par le Président de la République le 8 juin dernier, lors de la Conférence nationale du handicap. Le Gouvernement avance donc sur ce sujet que vous connaissez bien, madame la députée.

Pour répondre aux situations d'urgence, nous avons créé le 114. Ce numéro unique d'appels d'urgence est dû à la volonté de ma collègue Nadine Morano, à l'action conjointe de Claude Guéant, de Xavier Bertrand et, bien entendu, de Roselyne Bachelot. Ce centre d'appel, situé au CHU de Grenoble, permet à tous nos compatriotes sourds ou malentendants d'accéder par SMS et par fax à la police, au SAMU et aux pompiers.

En outre, j'ai en effet signé hier, avec mon collègue Frédéric Mitterrand, cette charte sur la qualité du sous-titrage. Mesdames et messieurs les députés, vous avez vu que la télévision française avait énormément progressé dans ce domaine : toutes les émissions sont désormais sous-titrées. Il fallait passer du stade quantitatif au stade qualitatif, ce que permet cette charte.

Vous avez raison, madame la députée, il nous faut dorénavant porter nos efforts sur une meilleure utilisation de la langue des signes française. Dans ce domaine, j'attire votre attention sur un point : lors de la campagne pour les élections présidentielles à venir, il faudrait que chaque parti politique veille à l'accessibilité aux messages politiques de nos compatriotes sourds ou malentendants. Je saisirai le Conseil national consultatif des personnes handicapées sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Alain Juppé

C'est une preuve de lucidité qui ne me surprend pas de sa part. Je le remercie également d'avoir bien voulu rappeler que l'initiative de ce débat revient au Président de l'Assemblée nationale.

Je ne tenterai pas de convaincre M. Lecoq que ma vision de l'Europe est meilleure que la sienne.

Photo de Jean-Paul Lecoq

Essayez tout de même ! (Sourires.)

Photo de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

Alain Juppé

J'y renonce d'emblée. Vous rejetez Maastricht, vous rejetez Lisbonne.

Alain Juppé

Vous suivez votre logique, que je respecte bien entendu.

Je voudrais seulement vous rendre attentifs au fait qu'un programme généralisé de nationalisation des banques européennes, alimenté par une taxe sur les transactions financières également européennes est un projet extrêmement ambitieux, dont je vois mal la faisabilité dans les décennies qui viennent.

Photo de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement, de cinq projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux (nos 3877, 3935 ; 3878, 3936 ; 3879, 3937 ; 3138, 4014 ; 3315 rectifié, 4013).

Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais mettre directement aux voix l'article unique de chacun d'eux, en application de l'article 106 du règlement.

Alain Juppé

Quant à M. Demilly, qui a insisté sur la nécessité de construire une Europe plus intégrée, de construire les États-Unis d'Europe, je ne suis pas loin de partager son sentiment, avec une nuance cependant : je suis pas sûr que l'Europe intergouvernementale que nous essayons de construire ne soit pas une meilleure réponse qu'une Europe intégrée ou fédérale. Je lui fais observer que nous avons progressé dans la voie de l'extension de la majorité qualifiée au détriment de l'unanimité. C'est l'un des points de l'accord qui a été conclu hier.

Alain Juppé

Dans le cadre du mécanisme européen de stabilité, les décisions se prendront à la majorité superqualifiée, ce qui facilitera cette prise de décision.

Alain Juppé

Je ne peux que rejoindre M. Demilly lorsqu'il parle de la nécessité de développer des politiques d'innovation, une politique industrielle et une nouvelle approche de la politique de concurrence de l'Union européenne. Ce sont des points sur lesquels nous travaillons activement.

J'ai bien écouté aussi M. Garrigue et sa profonde insatisfaction.

Alain Juppé

J'ai eu une petite surprise lorsque je l'ai entendu citer François Bayrou.

Alain Juppé

Je me suis dit que de nouveaux axes politiques étaient en train de se constituer. (Sourires.) J'ai été surpris aussi lorsque je l'ai entendu faire l'éloge de la méthode communautaire plutôt que la méthode intergouvernementale. Il y a ainsi des évolutions qui sont intéressantes à noter. Je voudrais simplement lui rappeler que, dans le cadre du semestre européen, les parlements nationaux sont bien impliqués et que l'accord d'hier ne remet pas en cause la procédure du semestre européen.

Je m'attarderai un peu plus longtemps sur le propos de M. Ayrault. Il nous a indiqué que l'Europe serait au centre de la prochaine campagne électorale. Chiche !

Nous allons effectivement en faire l'un des axes forts de notre campagne car après vous avoir entendu, j'ai la conviction que nous avons beaucoup plus de choses à dire sur l'Europe que vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J'ai été quelque peu déçu, je l'avoue, par votre discours. La véhémence ne saurait tenir lieu d'imagination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) C'était plutôt un discours de préau d'école qu'un discours adapté à la gravité de la crise actuelle. (Mêmes mouvements.)

J'ai été frappé par la grande misère de la pensée socialiste sur l'Europe. (Mêmes mouvements.) Vous nous dites en effet qu'il faut faire de la croissance la priorité absolue. Qui serait en désaccord sur ce point ? À l'appui de cette affirmation à laquelle tout le monde peut souscrire, vous apportez des idées aussi révolutionnaires qu'une politique de recherche, une politique de l'énergie, une politique de l'environnement, une idée un peu bateau, si je puis dire (« Le capitaine du pédalo ! » sur quelques bancs du groupe UMP), et dépourvue de tout mode opératoire comme de toute proposition concrète. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Patrick Lemasle

Nous avions dix minutes seulement !

Alain Juppé

Vous avez découvert, il faut le dire, une idée tout à fait intéressante et innovante : la taxe sur les transactions financières. Mais si cette taxe a la moindre chance de voir le jour – et je crois qu'elle a des chances de voir le jour –, à qui va-t-on le devoir, sinon au président Sarkozy, qui a obtenu au G20 de faire bouger les choses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et qui a obtenu que la Commission européenne fasse des propositions extrêmement concrètes en ce sens ? (Mêmes mouvements.)

En vous écoutant, monsieur Ayrault, je me suis demandé si votre parti n'était pas resté un peu au siècle dernier ou même au siècle d'avant. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous nous parlez beaucoup de Bismarck, de la déflation des années 1930, de Munich, mais également de François Mitterrand.

Alain Juppé

C'est un peu daté ; il faudrait peut-être entrer dans le XXIe siècle. François Mitterrand, du reste, doit se retourner dans sa tombe en entendant certaines déclarations de vos amis, notamment sur Bismarck et Munich. Sans esprit polémique, je vous ferais vous faire remarquer que si le traité de Maastricht – que pour ma part j'ai voté –,…

Photo de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu (nos 4023, 4037).

La parole est à M. le ministre chargé de la coopération.

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, cette convention fiscale est conforme à la structure classique des conventions en vue d'éviter la double imposition. À ce titre, elle s'inscrit bien dans notre logique d'ensemble de prévention de l'évasion et de la fraude fiscales.

Permettez-moi tout d'abord de vous dire que le texte soumis à votre approbation est important. Il s'inscrit dans la relation bilatérale franco-panaméenne, dont je dois dire que nous la traitons avec beaucoup de sérieux…

Alain Juppé

…avait été un peu mieux fagoté, nous n'en serions pas là où nous en sommes aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Car ce traité a prévu un certain nombre de critères à appliquer, mais aucune des méthodes permettant de respecter ces critères. C'est bien là où nous en sommes aujourd'hui.

Enfin, je voudrais vous dire qu'il y a parfois des incohérences difficiles à suivre. Comment M. François Hollande peut-il s'engager devant le SPD hier…

Photo de Jacques Remiller

Oui, monsieur Lecoq, avec beaucoup de sérieux !

Alain Juppé

…– il est vrai que c'était à Berlin – à 3 % de déficits dès 2013,…

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Elle le mérite.

Nous attachons une grande importance à notre relation avec ce pays que nous incitons à sortir de la liste des paradis fiscaux et qui représente aussi un enjeu économique très important pour nos entreprises.

Alain Juppé

…0 % dès 2017, mais, à Paris, promettre 300 000 emplois aidés, 60 000 emplois d'enseignants, un contrat intergénérationnel qui coûte des milliards d'euros (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et, surtout, un retour à la retraite à soixante ans qu'aucun parti socialiste, nulle part en Europe, ne promet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il y a une certaine incohérence dans ce double propos. (Mêmes mouvements.)

Enfin, et je terminerai par là, vous ne pouvez pas vous laisser emporter, monsieur Ayrault – puisque vous êtes un homme politique responsable (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP) – par la démagogie qui a consisté, au début de votre propos, à expliquer que c'était Mme Merkel qui avait tout gagné hier. C'est totalement faux !

Je ne rentrerai pas dans ce débat du « qui perd gagne », qui est un peu puéril, mais je pourrais vous expliquer que Mme Merkel, radicalement hostile il y a deux ans au gouvernement économique, nous demande aujourd'hui de réunir le conseil des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro tous les mois. Voilà une idée française qui a progressé.

Je pourrais aussi vous expliquer qu'en matière de règle d'or, autre idée française, nous ne voulions pas que la Cour de justice européenne puisse annuler les budgets nationaux. Nous n'avons pas accepté et nous avons gagné.

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Ce n'est pas contradictoire.

Au-delà de la seule relation avec ce pays, ce texte s'inscrit tout à fait, par sa portée, dans le cadre général de notre politique de lutte contre les paradis fiscaux.

Vous connaissez, mesdames et messieurs les députés, son économie générale ; elle est, reconnaissons-le, relativement classique. Pour l'essentiel, c'est la même que celle des conventions analogues qui régissent ces relations entre les États. Elle correspond d'ailleurs tout à fait au modèle-type de l'OCDE.

Il s'agit donc de voir la portée de cette convention au regard de notre politique d'ensemble en matière de transparence et de lutte contre les paradis fiscaux.

Sur un plan général, je sais, bien naturellement, les critiques qui sont faites à l'égard de l'engagement, jugé parfois timide ou lacunaire, des pays développés dans ce domaine. Nous ne nous satisfaisons d'ailleurs pas de la situation actuelle, qu'il y a lieu d'améliorer.

C'est affaire de volonté politique et le cas qui nous intéresse aujourd'hui offre une illustration de la démarche que nous entendons suivre avec obstination, afin de remédier à ce grave problème, particulièrement choquant en ces temps de crise.

Durant l'année écoulée, la France a mis à profit sa présidence du G20 pour faire progresser des résolutions en matière de transparence et de coopération sur le plan fiscal, et le Président de la République a stigmatisé sans détour la tolérance à l'égard de la fraude internationale et appelé l'ensemble de nos partenaires du G20 à combattre ce fléau avec fermeté. Ces positions ne relèvent pas, comme on l'entend dire parfois, de la posture.

La France a établi une liste d'États non coopératifs en matière fiscale. C'est une mesure de contrainte, assortie de lourdes pénalités qui touchent les flux financiers à destination de ces pays. Le résultat en est que près d'une quarantaine d'États ont décidé de lever le secret bancaire et d'échanger avec nous les informations indispensables à l'éradication la fraude.

À ce jour, le Panama figure encore sur cette liste. Toutefois, il a clairement exprimé sa volonté d'en sortir. Les autorités panaméennes mesurent l'intérêt qu'elles ont à respecter des règles de bonne gouvernance universelle. Elles en comprennent la nécessité pour pouvoir valoriser l'atout que représente le canal, qui, traversant le territoire panaméen, relie les deux océans, et pour tirer ainsi le meilleur parti possible de la globalisation.

Conscient de l'enjeu pour la réputation et l'avenir du Panama, le gouvernement panaméen mène des actions appréciables pour se mettre progressivement aux normes requises ; c'est l'une de ses priorités. C'est là, je crois, le meilleur investissement qu'il puisse faire.

Naturellement, il s'agit d'un cheminement.

Alain Juppé

Je pourrais encore vous expliquer que la suppression de ce qu'on appelle, d'un mot un petit peu barbare, l'investissement du secteur privé dans la solution de la dette, la France n'en voulait pas, et que nous avons eu gain de cause.

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Il prend nécessairement du temps, mais l'essentiel est de s'engager dans la bonne voie. Il faut donc que nous aidions le Panama.

C'est dans ce contexte que nos deux pays ont signé une convention fiscale le 30 juin 2011, d'ailleurs déjà ratifiée par le Panama. Cette signature est intervenue alors que les autorités panaméennes ont entrepris de modifier significativement leur législation et de la rendre plus rigoureuse.

Plusieurs avancées le démontrent.

Tout d'abord, nos partenaires ont choisi d'opter en faveur d'une convention fiscale complète plutôt que d'un simple accord portant sur l'échange d'informations.

Ensuite, ont été transposées dans le droit interne panaméen, par une loi unique dite « connais ton client », des règles de transparence fiscale internationale. Ce texte a été adopté en janvier 2011.

Enfin, a été mis en place un programme de formation de l'administration fiscale panaméenne en coopération avec l'Espagne.

Cette évolution explique que quatorze autres pays ont conclu, dans un délai très bref, des conventions analogues à celle qui est soumise à votre examen.

Ce changement de cap a été confirmé lors de la visite du président Martinelli à Paris. En le recevant le 17 novembre dernier, le Président de la République a souligné l'attention particulière qu'il portait à ce que le Panama se conforme aux standards de transparence fiscale.

La négociation de la convention témoigne de notre propre logique d'exigence. J'en veux pour preuve que c'est à notre initiative que les discussions ont été interrompues faute de précisions ou d'engagements suffisants de la part de nos partenaires, et cela à plusieurs reprises. Nous ne sommes donc nullement en présence d'un accord bradé ou bâclé.

Cet accord, s'il est approuvé – ce que je souhaite –améliorera et renforcera le régime juridique existant. Il constituera un élément décisif dans le dispositif de lutte contre la fraude.

L'entrée en vigueur de cette convention constitue d'ailleurs un des critères qui doivent permettre au Panama de sortir de la liste des États non coopératifs en matière fiscale.

Enfin, je précise que ce processus n'est pas irréversible. Il fera l'objet d'évaluations régulières,…

Photo de Jean-Marc Ayrault

Qui a téléphoné au président chinois ?

Alain Juppé

Je pourrais vous démontrer point par point que, dans ce débat, il y a eu des idées françaises – j'ai évoqué plus haut le mécanisme de stabilité – comme il y a eu des idées allemandes. Nous nous sommes ensuite rapprochés et cela a abouti à un « mariage de raison », comme le souligne le journal Libération, dont la une, pour une fois, me convient bien. Et vous savez, monsieur Ayrault, les mariages de raison sont parfois plus solides que les mariages de passion. Chacun en conviendra ici.

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

…, extérieures et donc impartiales, assurées par les pairs réunis au sein du Forum fiscal mondial.

Les efforts accomplis sur la voie du progrès doivent être encouragés. Il serait pour moins paradoxal, pour ne pas dire contradictoire, de pénaliser un pays qui prétend sortir…

Photo de Jean-Paul Lecoq

Tout est dans ce « prétend » !

Alain Juppé

Ce procès qui nous a été fait d'accepter le diktat allemand est injuste et surtout – j'appelle votre attention sur ce point – c'est un procès dangereux. À force de dénoncer l'hégémonie allemande,…

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

…d'une situation insatisfaisante et qui, pour ce faire, a besoin de cet accord.

Cette convention représente une avancée dans la direction voulue par tous. Elle ne saurait être dissociée de la démarche générale qu'avec nos partenaires européens, nous entendons mener à son terme. Il s'agit là, mesdames et messieurs les députés, d'un enjeu d'efficacité, de modernité et d'éthique que vous partagez, j'en suis convaincu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Jean-Marc Ayrault

Je n'ai jamais employé un tel terme !

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Martine Aurillac, rapporteure de la commission des affaires étrangères.

Alain Juppé

Pas vous, mais beaucoup de vos amis, et c'est dans la logique de votre présentation des choses. Lorsque l'on dit que la France s'est couchée devant l'Allemagne, on alimente cette résurgence de la germanophobie, qui est un poison dans les relations franco-allemandes aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Je peux vous le dire en connaissance de cause : j'étais hier à Bonn et j'ai bien vu l'émotion que de telles réactions suscitaient en Allemagne.

De grâce, élevons-nous un peu au-dessus des préoccupations partisanes. Devant un accord comme celui d'hier, que je ne le qualifierai pas d'historique car le mot est galvaudé mais qui est un accord extrêmement important qui va nous permettre de sauver la zone euro, faisons preuve d'un peu d'esprit de consensus et d'union nationale plutôt que d'esprit critique systématique. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Martine Aurillac

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis tend à approuver la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama, signée le 30 juin 2011 à Panama.

Cette convention tend, d'une part, à éliminer les doubles impositions et, d'autre part, à mettre en oeuvre une procédure d'échange de renseignements à caractère fiscaux avec Panama.

Ce pays est, en effet, entré dans une profonde mutation économique mettant en place un nouveau projet de développement et un nouveau modèle de croissance. Panama est en tête des pays de la région en termes de croissance, avec un taux pour 2010 qui fait rêver de quasiment 7 %.

Les investissements directs étrangers devraient aussi continuer à progresser, sous l'effet aussi de la montée en puissance des grands projets d'infrastructures, qui devraient donner lieu à près de 14 milliards de dollars d'investissements publics sur la période 2010-2014. Les relations entre la France et Panama, forgées dans l'histoire, se sont renforcées ces dernières années, notamment – vous l'avez dit, monsieur le ministre – par la visite en France du Président Ricardo Martinelli le 17 novembre dernier. Si les flux économiques demeurent modestes, il existe au Panama environ vingt-cinq filiales et succursales de groupes français dont les investissements s'élèvent à quelque 800 millions d'euros. Certaines d'entre elles sont déjà bien positionnées sur de grands contrats ou les ont déjà obtenus. Il s'agit notamment de marchés concernant l'électricité, l'élargissement du canal, le traitement des eaux et la construction de grands bâtiments. Je peux citer les sociétés Alstom, GDF-Suez, Bouygues ou Degrémont.

Ce nouveau modèle de croissance implique une ouverture à l'économie mondiale mais aussi, bien évidemment, une conformité à ses règles, y compris en matière fiscale. Historiquement, paradis fiscal non coopératif, Panama a pris le virage de la coopération internationale. Depuis sa prise de fonction en juillet 2009, le nouveau gouvernement panaméen a affiché cette volonté et l'a traduite par un processus de réformes substantielles.

Panama a été examiné en 2010 dans le cadre de la procédure d'évaluation du Forum de l'OCDE sur ses dispositifs législatifs et réglementaires – ce que l'on appelle « la phase 1 ». Le Forum, dans son rapport de septembre 2010, a relevé certaines carences relatives à une large utilisation des titres au porteur et aux sociétés qui sont constituées au Panama mais n'y réalisent pas d'opérations. La disponibilité des renseignements sur les fondations ne semblait pas non plus totalement assurée et la capacité à échanger des informations était limitée.

Depuis, Panama a engagé des réformes pour remédier à ces carences. Il les soumettra à une commission du Forum qui devrait se réunir début 2012. Ces changements n'ont donc pas tous été pris en compte par le Forum de l'OCDE pour son rapport remis à l'occasion du G20 de Cannes le 4 novembre dernier, qui classe Panama parmi les onze juridictions qui ne sont pas en mesure de passer à la phase 2 de l'évaluation, c'est-à-dire à l'examen de la coopération effective.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Quelles sont ces réformes ?

En juin 2010, une loi a été adoptée pour lever l'impossibilité de transmettre des renseignements qui ne sont pas utiles à l'administration pour l'application de sa propre loi fiscale.

La loi « Connais ton client » a également été modifiée en février 2011, pour assurer la disponibilité des informations relatives à l'identité des propriétaires et des bénéficiaires des sociétés offshore.

Panama a également signé une convention d'échanges d'informations avec douze partenaires : les États-Unis, l'Espagne, le Mexique, la Corée du Sud, le Portugal, les Pays-Bas, Singapour, la Barbade, le Luxembourg, le Qatar, l'Italie et la France. C'est d'ailleurs ce dernier critère qui a permis à Panama de sortir de la liste grise en juillet dernier.

Quelques obstacles à l'échange d'informations demeurent, il est vrai. Des modifications sont encore nécessaires concernant les obligations comptables des sociétés offshore et les actions au porteur. Mais un groupe de travail est en place et devrait aboutir très rapidement à des conclusions.

Il convient de souligner enfin que Panama dispose de capacités pour mettre en oeuvre l'échange de renseignements : il existe en effet une superintendance bancaire efficace aux pouvoir de régulation et de recommandation, et l'administration fiscale a mis en place en son sein une nouvelle cellule spéciale chargée de l'application des accords fiscaux bilatéraux.

Le Panama affiche des progrès concrets avec d'autres pays : un programme de formation de l'administration fiscale a été engagé avec l'Espagne. C'est important. Les premières réponses à des demandes de coopération et de transmission de données bancaires ont été apportées à plusieurs reprises avec notamment le Mexique, l'Espagne, la Barbade et les États-Unis.

Concernant la convention avec notre pays, dont vous avez souligné, monsieur le ministre, l'enjeu politique, nous avions dès 2009, dans la logique de notre combat contre les paradis fiscaux, proposé aux autorités panaméennes de conclure un accord d'échange de renseignements fiscaux : les Panaméens ont préféré négocier une convention fiscale complète, permettant ainsi d'éliminer les sources de double imposition.

La rédaction de cette convention n'a nécessité qu'un seul tour de négociation, en mai 2010 – c'est assez rare pour être souligné –, le temps que les autorités panaméennes adoptent les mesures jugées indispensables. C'est seulement ensuite qu'elle a été signée, le 30 juin 2011. Par note verbale, en date du 21 octobre 2011, les autorités panaméennes ont notifié à la France la ratification de la convention, qui n'attend donc plus que la ratification française pour entrer en vigueur.

Cette ratification est nécessaire avant le 1er janvier 2012 pour que, dans notre droit interne, Panama puisse être retiré de la liste française. L'article 238 A du code général des impôts prévoit, en effet, une liste d'États et territoires non coopératifs, mise à jour au 1er janvier de chaque année, qui déclenche l'application de sanctions fiscales, comme la majoration des retenues à la source et la non application des dispositifs favorables. Jusqu'à présent, Panama figure sur cette liste et, donc, les flux en lien avec ce pays sont donc fortement pénalisés depuis cette année.

La convention, quant à elle, ne présente aucune difficulté ; elle est largement inspirée du modèle de l'OCDE et a été négociée sur la base des propositions françaises et validée, comme je l'ai dit, à l'issue d'un seul tour de négociation. Son contenu reflète donc tout à fait les intérêts de la France.

Le Panama ne bénéficiera quasiment pas des dérogations au modèle de convention de l'OCDE généralement accordées par la France aux États non membres de l'organisation. Seule concession, mais elle est classique, les redevances seront soumises à une retenue à la source – mais de 5% seulement – et une durée de douze mois – et non de six mois – sera requise pour pouvoir considérer qu'il existe un établissement stable dans le domaine de la construction.

Concernant les services, il n'a été inséré ni concept d'établissement stable, ni article spécifique permettant l'application systématique de retenues à la source.

Toutes les demandes françaises de traiter certains cas particuliers de notre législation, et surtout d'insérer de nombreuses clauses anti-abus ou tendant à protéger notre droit d'imposer ont toutes été satisfaites.

En particulier, le bénéfice de la convention n'est pas applicable lorsque la conduite des opérations a pour objectif principal, ou parmi ses objectifs principaux, l'obtention des avantages. Il est également limité si le bénéficiaire n'est pas le bénéficiaire effectif, et conditionné à la présentation d'une attestation de résidence.

Enfin, aucun article ne s'oppose à l'application des dispositifs français de lutte contre l'évasion fiscale.

La procédure d'échange de renseignements est calquée sur celle de l'article 26 du modèle de convention de l'OCDE. Le point 3 de l'article 24 de la convention comporte, en outre, un alinéa stipulant que « chaque État contractant doit prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ces renseignements et à les transmettre à son homologue ».

Le point 6 du Protocole apporte de nombreuses précisions, toutes conformes aux clauses d'interprétation de l'OCDE.

Pour conclure, mes chers collègues, la ratification de la convention permettra à nos entreprises de ne pas subir une fiscalité excessive, du fait de la sortie de la liste noire de Panama au 1er janvier 2012 et de l'application des clauses d'élimination des doubles impositions. La bonne volonté de Panama est, je crois, démontrée. Le processus de réformes semble bien engagé et une coopération efficace paraît tout à fait envisageable.

D'ailleurs, si un simple accord d'échange de renseignements avait été négocié, il aurait probablement été conclu très rapidement et Panama n'aurait même pas figuré sur notre liste de 2011. En tout état de cause, il ne serait pas justifié de faire preuve de plus de réticences à l'égard de cet État qu'à l'égard d'autres pour lesquels le Forum d'évaluation de l'OCDE appelle également à poursuivre l'aménagement de leur législation – et avec lesquels nous avons conclu des accords.

Naturellement, la réalité des efforts de conformité effective aux engagements devra continuer d'être attentivement examinée. Tout pays ne respectant pas ses engagements devra être inscrit sur notre liste noire et se voir appliquer les sanctions correspondantes. Notre commission des affaires étrangères a adopté le projet de loi en insistant sur ce nécessaire suivi et en suggérant le développement de programmes de formation des administrations fiscales.

Je vous propose, mes chers collègues, d'en faire autant, en vous remerciant de votre attention. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.)

Photo de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Rudy Salles.

Photo de Rudy Salles

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama, signée le 30 juin 2011 et aujourd'hui soumise à l'examen de notre Assemblée, constitue une étape indispensable au renforcement des relations franco-panaméennes et participe de la mise en place d'un véritable dispositif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de la prise de conscience au niveau international de la nécessité de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales qui, dans le contexte de crise financière internationale que nous connaissons tous, mettent en péril les recettes des États du monde dans son ensemble.

Cet accord s'inscrit donc pleinement dans une démarche de transparence fiscale, impulsée par le G20 et mise en oeuvre par l'OCDE qui, par la création d'un Forum mondial sur la transparence fiscale et l'échange de renseignements, a formalisé les standards internationaux qu'un État doit respecter pour échapper à la qualification de « juridiction non coopérative ».

La France, également, a su faire de l'action politique en matière de transparence et d'échange d'informations, l'une de ses priorités. Elle dispose désormais de sa propre liste de paradis fiscaux et a inscrit la définition des États et territoires non coopératifs dans le code général des impôts. La législation française a renforcé les dispositions fiscales applicables, d'une part, aux résidents français qui réalisent des transactions avec de tels pays et, d'autre part, aux résidents de ces pays qui bénéficient de flux financiers provenant de France.

Ainsi, c'est dans ce contexte de renforcement de la transparence fiscale, nécessaire à la mise en oeuvre d'un véritable processus de coopération entre les États, que nous examinons aujourd'hui ce projet de loi autorisant l'approbation de la convention franco-panaméenne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

Notre pays a tissé depuis 2009 un important réseau de coopération administrative avec vingt-sept États et territoires, dont dix-sept d'entre eux ont déjà été examinés par le Parlement.

À ce titre, je tiens à saluer la possibilité qui nous est donnée aujourd'hui de débattre d'un sujet qui, d'ordinaire, fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée. Si ce dispositif s'inscrit dans la continuité d'une démarche entreprise depuis deux ans par la France, il convient néanmoins d'examiner la situation actuelle du Panama ainsi que les spécificités du présent accord.

Avec une économie en croissance et une situation stratégique du fait notamment de la présence du canal, le Panama possède de nombreux atouts pour conforter sa qualité de pays émergent et devrait être considéré, dans les années à venir, comme un pays véritablement attractif.

En profonde mutation économique, le Panama est également un État qui a pris conscience de la nécessité, s'il souhaite réaliser de grands projets d'infrastructures, de s'ouvrir et de se conformer aux règles de l'économie mondiale. Au regard de ces éléments, le Panama offre à la France, et plus précisément aux entreprises françaises comme cela a été dit par Martine Aurillac, des perspectives très intéressantes. Ainsi, plusieurs projets d'infrastructures pourraient déboucher sur des contrats en 2012-2013 pour les entreprises françaises. Dans un souci d'éviter toute fiscalité pénalisante, le renforcement de la présence économique de la France au Panama nécessite la conclusion de cet accord en vue d'instaurer un mécanisme d'élimination des doubles impositions.

La signature de cette convention, qui fait suite à la conclusion de conventions d'échange d'informations avec onze autres États partenaires, permet au Panama de sortir de la liste grise de l'OCDE qui regroupe les pays qui, bien que n'ayant pas encore signé un nombre suffisant d'accords, s'y sont engagés. Le Panama, perçu historiquement comme un paradis fiscal non coopératif, démontre ainsi sa volonté de se conformer aux standards internationaux en matière fiscale.

Récemment, le Panama s'est engagé à modifier sa législation en faveur d'une plus grande transparence fiscale. À titre d'exemple, cet État a levé l'impossibilité de transmettre des renseignements qui ne sont pas utiles pour l'application de sa propre loi fiscale. Il a également modifié sa législation en vue de renforcer les obligations des agents résidents en matière d'identification de leurs clients. Par ailleurs, ce pays dispose désormais d'une superintendance bancaire, la SBP, dont la fonction de régulation a notamment pour objet de garantir une meilleure supervision des principaux risques bancaires.

Ces dispositions constituent une avancée considérable pour un pays qui, il y a encore quelques années, était réticent à adapter sa législation aux nouvelles exigences internationales en matière de transparence financière.

Photo de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (nos 3952, 4066).

Photo de Rudy Salles

Il convient néanmoins de rester vigilant car certains obstacles à l'échange d'informations demeurent et la validation du passage de cet État en phase 2 par le Forum mondial sur la transparence fiscale et l'échange des renseignements de l'OCDE n'est pas garantie à ce jour. Certains dispositifs de la législation panaméenne en matière fiscale, notamment la législation relative aux actions au porteur, démontrent que cet État demeure, à certains égards, un État non coopératif.

Malgré ces réserves, la convention soumise au débat de ce jour devrait permettre de conforter la décision d'implantation dans ce pays des grands groupes et d'investir dans les grands projets d'infrastructures en cours.

D'une part, cette convention a pour objectif d'éliminer le risque de double imposition, jusqu'à présent source d'incertitude pour nombre d'investisseurs.

Concrètement, cet accord définit avec précision les modalités de l'imposition des revenus, qu'il s'agisse des bénéfices des entreprises, des revenus immobiliers ou encore des revenus passifs.

La convention permet notamment d'éviter « la force attractive de l'établissement stable », qui constitue l'une des composantes essentielles des paradis fiscaux, en prévoyant un dispositif législatif strict en la matière.

Autre apport de la convention qu'il convient de souligner, l'accord proposé prévoit de lutter contre les prix de transfert en prévoyant que le principe du prix de pleine concurrence entre entreprises indépendantes s'applique également aux entreprises associées.

L'accord clarifie également les modalités d'imposition des dividendes en posant le principe de l'imposition des dividendes dans l'État de résidence de leur bénéficiaire, auquel il peut être dérogé par un dispositif de retenue à la source.

Enfin, un article de la convention évoque les revenus de sociétés, dont la double imposition peut être éliminée par l'imputation, sur l'impôt français, d'un crédit d'impôt.

D'autre part, cet accord comporte une clause d'échange de renseignements, conforme au modèle de l'OCDE, et indissociable d'une politique de lutte contre la fraude en matière fiscale.

Mes chers collègues, parce que la promotion de la transparence et de l'échange de renseignements à des fins fiscales doit demeurer une priorité de notre politique internationale, le groupe Nouveau Centre apportera son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Photo de Bernard Accoyer

Au titre des explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Photo de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le ministre, il y a deux mois, lors de l'examen par la commission des finances de dix conventions d'échange d'informations fiscales avec de nombreux paradis fiscaux comme le Belize ou l'île de Man, Jean-Pierre Brard avait dénoncé, au nom du groupe GDR – j'en avais fait de même devant la commission des affaires étrangères – la finalité de ces conventions qui ne servent à rien sauf à protéger ces territoires hors la loi qui abritent les filiales de vos amis les patrons du CAC 40 et les grands banquiers, en leur donnant ce voile de respectabilité qui les fait sortir de la liste noire des pays commercialement infréquentables. Cela fait d'ailleurs du Gouvernement le complice d'une fraude qui coûte à l'État plus de 20 milliards d'euros chaque année. Alors que le Gouvernement n'a pas hésité une seconde pour mettre en place, afin d'économiser 18 milliards d'euros, une politique de rigueur qui frappe directement les Français les plus modestes, il se montre conciliant, pour ne pas dire indulgent, lorsqu'il s'agit de taxer et de punir les grands groupes du CAC 40 et les grandes fortunes de ce pays qui dissimulent leur argent dans les paradis fiscaux. Il semble même qu'il ne portera pas plainte contre Mme Bettencourt, qui a fraudé pour 100 millions d'euros.

Photo de Charles de Courson

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, devant la difficulté à prévoir la situation économique en 2012, il faut s'adapter, et nous ne pouvons qu'admettre l'urgence et la nécessité de ce collectif. Si ce dernier a été examiné, cela a déjà été rappelé à plusieurs reprises au cours des débats, dans des conditions difficiles, soulignons plutôt la réactivité du Gouvernement et l'esprit de responsabilité qui anime tous les députés de la majorité : ils nous ont permis d'améliorer ce texte.

Photo de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le ministre, vous avez failli à votre mission première de servir l'intérêt général en abdiquant devant les forces de l'argent et les tenants du grand capital !

Aujourd'hui, vous nous en faites une nouvelle fois la démonstration, car vous nous demandez de ratifier une convention avec le Panama « en vue d'éviter les doubles impositions ». Autrement dit, monsieur le ministre, vous voulez faire payer moins d'impôts à certaines entreprises.

Par pédagogie politique, pour que les citoyens comprennent concrètement qui vous couvrez, nous avons fait quelques recherches. Voici la liste des entreprises française présentes dans ce territoire hors la loi : Alcatel, Alstom, Peugeot, Sanofi, la Société générale, Bouygues, la société de l'ami du Président, Bureau Veritas, société qui appartient au groupe du baron Ernest-Antoine Seillière, l'ancien président du Medef et digne héritier des maîtres de forges, et, le meilleur pour la fin, l'Oréal, la société de Mme Bettencourt. Voilà la réalité : moins d'impôts pour ces grands groupes qui gagnent des milliards et une augmentation de la TVA pour les petites gens qui gagnent à peine de quoi boucler les fins de mois.

Photo de Charles de Courson

Cependant, la poursuite du ralentissement économique peut se traduire par une perte de 0,1 à 0,2 point de PIB en 2011, et plutôt de 0,5 à 0,7 point en 2012, ce qui nécessitera de nouveaux ajustements, de l'ordre de 6 à 7 milliards d'euros, dès l'année prochaine.

Photo de Jean-Paul Lecoq

Les députés communistes ne cessent de le répéter, le mensonge est un des piliers de la politique de Nicolas Sarkozy. La preuve ? Le 23 septembre 2009, lors du G20 de Pittsburgh, Nicolas Sarkozy a déclaré à la télévision : « Il n'y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c'est fini. » Force est de constater que le Président a menti aux Français. Les promesses du G20 de Pittsburgh sont loin. Pourtant, le vendredi 4 novembre dernier, à l'issue du sommet du G20 de Cannes présidé par la France, Nicolas Sarkozy récidive, prenant à témoin l'opinion publique mondiale, en affirmant « ne plus vouloir des paradis fiscaux », promettant de les « mettre au ban de la communauté internationale ». Seulement deux semaines plus tard, le Président du Panama, Ricardo Martinelli a été reçu à l'Élysée afin de mettre au point l'accord que vous nous soumettez aujourd'hui. Drôle de manière de « mettre au ban » un État, vous en conviendrez, monsieur le ministre !

Durant son séjour à Paris, le 18 novembre, M. Martinelli a également été reçu au siège du Medef afin de vanter aux entreprises françaises la bonne notation de son pays par les agences de notation. Moody's a déclaré en effet que les perspectives économiques du pays étaient « positives pour les mois à venir grâce à la stabilité du pays et à une croissance économique équilibrée », son dynamisme, 8 % de croissance en 2011, et sa législation fiscale peu regardante qui facilite l'installation de sièges de multinationales en toute discrétion.

Pascal Saint-Amans, secrétaire du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale de l'OCDE, explique que « le Panama a des déficiences dans sa législation interne, disposant de mécanismes protégeant l'information sur les propriétaires d'une société ». Concrètement, si l'administration fiscale française pourra demander des informations au cas par cas au Panama, il n'est pas sûr que ces données existent, notamment pour la comptabilité des sociétés offshore, et vous le savez. La ministre Valérie Pécresse a elle-même confirmé, le 24 novembre dernier, l'inefficacité de ces conventions fiscales avec les paradis fiscaux en affirmant que « les réponses [que nous donnent ces pays] confirment ce que l'on sait déjà, mais n'apportent pas d'informations supplémentaires, sur l'identité réelle des personnes qui détiennent des comptes par exemple ».

Si ces conventions sont inutiles, pourquoi tant de précipitation, pourquoi tant de mansuétude envers ce pays fraudeur ? Je l'ai dit, la France compte beaucoup d'entreprises présentes au Panama qui cherchent à payer le moins d'impôts possible. Mais la réponse à cette question, je l'ai trouvée sur le site Internet du Quai d'Orsay : « Pays dynamique, le Panama a de très grands projets d'infrastructures comme l'élargissement du canal ou encore la construction du métro de Panama. » Le Président Martinelli a fait de la modernisation du Panama sa priorité. Plusieurs grands projets d'infrastructures s'inscrivent dans le cadre d'un vaste programme d'investissements d'un montant de 13,6 milliards de dollars : métro de la capitale, qui va être construit par Alstom, aéroports, ports, routes, production et interconnexions énergétiques, extension des réseaux d'eau et d'assainissement. Voilà l'explication de l'urgence. Lorsqu'il y a de l'argent et des gros contrats en jeu, vous oubliez tout sens de l'intérêt général et vous vous agenouillez devant n'importe qui, le Président Martinelli ou le général Kadhafi par exemple.

En conclusion, je dirai que la capitulation du Gouvernement face aux forces de l'argent est totale. Charles Péguy disait « qu'une capitulation est essentiellement une opération par laquelle on se met à expliquer au lieu d'agir ». Monsieur le ministre, ce qui me frappe, c'est que vous n'avez fait que ça, expliquer : vous nous avez expliqué que la France donnait leurs chances aux pays qui étaient sur la liste noire, vous nous avez expliqué que la France menait une lutte contre la fraude fiscale…

Mais, concrètement, je l'ai démontré, rien n'est fait. L'exil fiscal prive toujours les finances publiques de 20 milliards d'euros par an. Il est grand temps de vous inspirer des propositions que nous vous faisons à chaque loi de finances et qui détaillent quelles mesures doivent être prises pour enrayer l'évasion et la fraude fiscales. En ces temps de difficultés économiques, il est grand temps de combattre l'exil fiscal des entreprises et des particuliers.

Photo de Charles de Courson

Face au ralentissement économique que connaît toute l'Europe, ce projet de loi de finances rectificative vise à respecter l'objectif pour 2011 d'un déficit du budget de l'État de 95 milliards d'euros et à mettre en oeuvre pour 2012 des mesures budgétaires qui permettront de maintenir ce déficit à 82 milliards.

Nous, centristes, ne pouvons que partager ce double objectif : la direction est la bonne, même si nous aurions dû la suivre plus tôt et plus vite.

Le groupe Nouveau Centre a connu, au cours de la discussion de ce texte, quelques satisfactions et quelques déceptions.

Au chapitre des satisfactions, je tiens à féliciter le Gouvernement pour l'esprit de consensus et d'ouverture qu'il a montré dans cet hémicycle au moment du vote de l'article 7 de ce projet de loi. La transformation du Fonds d'amortissement des charges d'électrification en compte d'affectation spéciale n'était pas notre choix initial, notre préférence allant plutôt à un établissement public ; mais un accord a été trouvé à la fois sur la fourchette de taux et sur le rapport du simple au quintuple entre taux rural et taux urbain, gage de maintien d'une vraie péréquation au sein de notre pays. Nous avons également trouvé un accord sur la surveillance du bon fonctionnement du Fonds d'amortissement des charges d'électrification, dont l'importance pour l'aménagement rural a été largement démontrée et défendue dans cet hémicycle.

Malgré les réserves que nous avions exprimées concernant la création d'un second taux réduit de TVA – quand il aurait fallu, selon nous, créer un véritable taux intermédiaire entre 5,5 et 19,6 %, de l'ordre de 11 à 12 % – je veux réaffirmer la position du Nouveau Centre sur l'exclusion des cantines scolaires de l'augmentation du taux réduit de 5,5 à 7 %. Je me félicite que cet amendement ait été adopté à la quasi-unanimité, tout en regrettant que sa logique n'ait pas été étendue aux transports scolaires. Si j'ai bien entendu l'argument du Gouvernement pour justifier ce refus, il faut souligner que le vote de cet amendement – au coût peu important, estimé à quelque 15 millions par le Gouvernement lui-même – aurait évité une trop grande distorsion de coûts entre la gestion en régie et la gestion déléguée ; de plus, ces coûts seront, rappelons-le, imputables entièrement aux départements les plus ruraux.

Enfin, le groupe Nouveau Centre approuve le compromis trouvé vendredi sur la taxation des retraites chapeau. Sans aller aussi loin que le texte initialement présenté par M. le rapporteur général, l'amendement adopté a non seulement démontré que certains comportements ne sont plus admis, mais aussi permis d'entamer une réflexion plus profonde. À l'heure où nous voulons tous, mes chers collègues, rendre plus juste l'équilibre entre la taxation des revenus du travail et celle des revenus du patrimoine, nous nous devions de refuser l'impunité pour toutes ces formes de revenus qui n'ont pas le moindre rapport avec la réalité du travail effectué.

Nous aurions pu aller plus loin concernant les revenus excessifs de certains dirigeants sociaux d'entreprises, en imposant par exemple que le montant de leurs revenus soit décidé par l'assemblée générale des actionnaires, selon le – récent – modèle britannique, et non pas par une sous-commission du conseil d'administration, instance au sein de laquelle, on le sait bien, la consanguinité est grande. Mais l'existence d'un problème est aujourd'hui reconnue : nous n'avons qu'amorcé son règlement, mais c'est déjà une avancée qu'il convient de souligner.

Enfin, je regretterai que n'ait pas été adopté l'amendement visant à la disparition des sacs pour fruits et légumes en matière plastique non biodégradables, alors même qu'il avait été très largement approuvé en commission. Il en est de même pour la fiscalité de l'alcool non dénaturé distribué dans les officines. Mais soyez rassurés, nous nous emparerons à nouveau de ces sujets lors de la deuxième lecture : je présenterai à nouveau ces amendements, et je ne doute pas que le Gouvernement nous donnera son accord !

Conscients que nos concitoyens et nos partenaires européens attendent de nous une politique budgétaire visant à un redressement rapide de nos comptes publics, le groupe Nouveau Centre votera ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Photo de Bernard Accoyer

Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Jérôme Chartier.

Photo de Jacques Remiller

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je me demande si Jean-Paul Lecoq, représentant du groupe GDR, ne s'est pas trompé de débat, j'y reviendrai tout à l'heure.

Le texte que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans une longue série de conventions et accords fiscaux. La plupart de ces accords sont adoptés après un examen et un débat en commission des affaires étrangères au moyen, la plupart du temps, de la procédure simplifiée. C'est le cas des trois accords avec l'Île Maurice, le royaume d'Arabie saoudite et l'Autriche que nous venons d'adopter.

La France a beaucoup oeuvré sous l'impulsion du Président Nicolas Sarkozy. Puisque vous l'avez beaucoup évoqué, mon cher collègue, permettez-moi d'en parler également.

Photo de Jérôme Chartier

Ce vote intervient dans des conditions bien particulières : chacun sait que, depuis hier, l'agence de notation Standard and Poor's a mis sous surveillance négative l'ensemble des pays de la zone euro qui bénéficient d'une notation triple A.

Si je fais le lien entre cette perspective et le vote du projet de loi de finances rectificative,…

Photo de Jean-Paul Lecoq

À la différence que vous, vous n'avez pas le choix, vous êtes obligé.

Photo de Christian Eckert

Allons bon, ça va encore être notre faute !

Photo de Jacques Remiller

On voit bien qu'il y a un véritable pilote dans l'avion France, notamment dans le cadre du G8 et du G20, pour la transparence et la clarification de la situation des paradis fiscaux. Je pense que cette convention aurait pu également faire l'objet d'un accord dans la procédure simplifiée, mais je viens de comprendre par votre intervention, en particulier quand vous caricaturez le Gouvernement, que vous souhaitiez le débat.

Photo de Jérôme Chartier

…c'est tout simplement parce que, si le Gouvernement a présenté ce collectif, c'est pour tenir la trajectoire que nous nous sommes fixée de réduction du déficit budgétaire à 4,5 % du PIB pour 2012 et à 3 % pour 2013, et cela malgré des conditions économiques mondiales qui doivent plutôt inspirer une grande prudence en matière de prévision de croissance.

Photo de François Loncle

Nous allons vous expliquer si vous ne comprenez rien !

Photo de Patrick Lemasle

Vous ne la tenez pas, cette trajectoire !

Photo de Jacques Remiller

Panama est un petit pays de 75 000 kilomètres carrés, peu peuplé, 2,5 millions d'habitants, et indépendant depuis 1903. Il a toujours entretenu avec notre pays d'excellentes relations.

Photo de Jérôme Chartier

C'est la raison pour laquelle nous avons, dans ce projet de loi de finances rectificative, fixé la croissance à 1 % et pris les mesures nécessaires pour tenir la trajectoire de réduction du déficit public, tout en continuant de financer les politiques publiques.

Nous avons également prévu, dans le projet de loi de finances pour 2012, une réserve de précaution de 6 milliards d'euros. Ainsi, si la croissance venait à se dégrader et à tomber en dessous de nos prévisions, nous pourrions respecter notre objectif de réduction du déficit budgétaire à 4,5 %. Il est cette année à 5,7 % ; nous prévoyons qu'il sera à 3 % en 2013, pour atteindre zéro en 2016.

Vous le voyez, chers collègues, devant le refus réitéré de l'opposition de voter la règle d'or alors que nous lui avions tendu la main au mois de juin dernier, dans le cadre de notre réflexion sur la nécessité d'une stratégie d'union nationale pour défendre le financement de nos politiques publiques, la majorité UMP a adopté sa propre règle d'or : nous avons fixé la trajectoire de réduction du déficit public, avec un aboutissement en 2016, et nous nous donnons chaque année les moyens de la respecter. Ce projet de loi de finances rectificative en est la parfaite illustration.

M. Hollande nous a dit que l'an prochain, s'il était – malheureusement pour tous les Français et malheureusement pour la France (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) – élu Président de la République française, il prévoyait un niveau de déficit public de 3 % en 2012.

Photo de Patrick Lemasle

Quel est le rapport avec le collectif budgétaire ?

Photo de Jacques Remiller

Il y a quelques semaines, vous l'avez rappelé, mon cher collègue et je vous en remercie, le Président de la République du Panama a été reçu par le Président Sarkozy lorsqu'il est venu à la rencontre des entreprises françaises. Qui dit entreprises françaises dit développement économique et création d'emplois bien sûr.

Photo de Jérôme Chartier

Nous en prévoyons 4,5 % et si, d'aventure, il venait aux responsabilités, ce serait forcément avec une majorité, donc pas avant la fin du mois de juin.

Alors, je pose cette simple question : comment M. Hollande parviendrait-il à ramener le déficit de 4,5 % à 3 %, alors que 60 % des crédits budgétaires seraient engagés et que l'ensemble des moyens au titre de l'impôt ne pourraient pas être levés à ce moment-là ?

Eh bien, je vais vous donner la réponse : pour atteindre cet objectif, le seul moyen pour lui serait d'agir sur la TVA, ce qui signifie ni plus ni moins que l'augmenter de 3 %.

Voilà le type même des solutions proposées par l'opposition. Elles ne sont ni crédibles, ni réalistes. Elles illustrent bien sa démarche : soit la critique systématique, soit l'incantation oratoire, mais jamais de solution concrète ni précise, bref, jamais de solution sérieuse.

Voilà pourquoi le groupe UMP votera en confiance ce projet de loi de finances rectificative, pour tenir cette trajectoire raisonnable, sérieuse, de réduction du déficit budgétaire, tout en continuant de regretter l'opposition systématique du parti socialiste à la règle d'or, alors même que M. Hollande s'est rendu à Madrid, où elle a été votée, et à Berlin, où elle l'a également été. Pire, le parti socialiste continue sa stratégie d'augmentation des dépenses. J'en veux pour preuve qu'hier, au Sénat, les socialistes sont revenus sur la journée de carence maladie des fonctionnaires, pourtant votée par la majorité. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Une telle attitude augure bien mal de la trajectoire des finances publiques si d'aventure M. Hollande était élu Président de la République, ce que je ne souhaite pas. Ce ne serait responsable ni pour la France, ni pour les Français, ni pour l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Bernard Accoyer

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Pour le groupe SRC, la parole est à M. Christian Eckert.

Photo de Jacques Remiller

Carrefour régional pour les échanges, le Panama figure parmi les économies les plus dynamiques d'Amérique latine avec un taux de croissance d'environ 8 % en 2011. Son économie « dollarisée » et ouverte sur le monde, sa stabilité, ses zones économiques spéciales et la loi 41 de 2007 facilitant l'installation de sièges régionaux de multinationales, sont autant d'atouts dont dispose le pays pour attirer les investisseurs étrangers.

Le Panama souffre de plus en plus des effets négatifs de l'ouverture de ses portes aux investissements provenant des pays voisins qui ont des taux de criminalité financière élevés. Cela a des influences considérables dans les structures mêmes de l'État de droit.

Cette convention est un instrument destiné à ce que le Panama soit reconnu comme État coopératif en matière fiscale selon les principes fixés par l'OCDE. Elle supprime donc l'intérêt qu'il y aurait pour un contribuable résidant en France à utiliser des sociétés ou fondations offshore panaméennes, même s'il détient des parts indirectement par le biais d'autres personnes morales comme des sociétés de droit luxembourgeois. L'investissement immobilier reste intéressant pour le contribuable français en matière d'imposition des plus-values dérivées de la vente, mais il le sera beaucoup moins pour les revenus immobiliers dérivés de l'exploitation de biens situés au Panama.

La convention permet que les entreprises françaises voulant participer à des appels d'offre pour des contrats destinés à la construction d'infrastructures dans l'isthme ne soient pas sanctionnées par le fisc français. Dans le passé récent, des groupes français ont dû renoncer à participer à des appels d'offre liés aux travaux du canal, au profit de leurs concurrents belges et espagnols, en raison de la qualification du Panama par le fisc français de pays non collaborateur. Ceci est désormais terminé.

Seules les administrations fiscales nationales auront le droit d'exiger des informations. L'administration fiscale française devra donc faire une demande formelle à l'administration fiscale panaméenne selon une procédure fixée dans le traité et selon le principe du non-échange automatique d'informations. L'échange devra se faire au cas par cas, de manière justifiée, et le Panama ne pourra plus arguer de son droit interne pour refuser, en vertu par exemple du secret bancaire, des informations au fisc français.

En conclusion, il est urgent de soutenir l'action du Président de la République, Nicolas Sarkozy, sur ce sujet, car bon nombre de nos concitoyens voient dans les paradis fiscaux des instruments pervers de la finance mondiale ayant une part de responsabilité dans la crise économique et le défaut de croissance. Pour toutes ces raisons le groupe UMP votera bien sûr cet accord. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Christian Eckert

Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, permettez-moi tout d'abord de vous rappeler les conditions épouvantables dans lesquelles ce texte a été examiné. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pourquoi avoir présenté ce projet de loi de finances rectificative ? Tout simplement parce le projet de loi de finances initiale avait été établi sur la base d'une prévision de croissance de 1,75 %. Or force est de constater que cette prévision ne sera pas atteinte, comme nous vous l'avions dit et redit.

Photo de François Loncle

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste, radical et citoyen a en effet demandé un examen en procédure ordinaire, c'est-à-dire un débat public, de la convention signée avec Panama « en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ».

Nous avons souhaité cet examen en séance publique pour deux raisons. La première concerne la procédure. Nous ne contestons pas l'examen simplifié, à condition que le Gouvernement laisse au Parlement le temps nécessaire à la réflexion, ce qui, vous en conviendrez, n'a pas été le cas pour le projet de loi n° 4023 déposé et examiné pratiquement au même moment.

Je souscris tout à fait au commentaire fait devant la commission des affaires étrangères par notre collègue Hervé de Charette, mercredi dernier. Permettez-moi de vous en citer un extrait : « J'observe qu'il est rare que le délai entre la signature et l'examen par notre commission se compte en mois. Il se compte habituellement plutôt en années ! » Il nous est arrivé de protester contre des délais excessifs, mais de là à parvenir à la quasi-simultanéité du dépôt et de l'examen, c'est tout à fait inédit et peu responsable !

Mme la rapporteure a été interrogée en commission sur cette accélération exceptionnelle de la procédure d'examen de cette convention fiscale avec Panama. Cette précipitation l'a contrainte, en effet, à travailler dans des conditions difficilement acceptables – elle n'en a que plus de mérite.

Faute d'avoir obtenu une réponse à la question posée en commission il y a moins de huit jours, je vous la soumets une nouvelle fois, monsieur le ministre, à vous qui venez de découvrir ce texte, tout en renouvelant la protestation du groupe SRC à l'égard du Gouvernement, qui manifeste fort peu de respect pour le travail parlementaire.

La seconde raison de notre demande d'examen en procédure ordinaire porte sur le fond. Je n'arrive pas à comprendre quelle est la position du Gouvernement en cette affaire. Le 4 novembre dernier, à l'issue du G20 de Cannes, le chef de l'État avait, au cours de sa conférence de presse, épinglé de façon explicite onze pays qualifiés de paradis fiscaux et les avait menacés « d'être mis au ban de la communauté internationale ». Le Panama était de ceux-là. La ministre du budget, Mme Pécresse, le 24 novembre, avait très logiquement confirmé le commentaire présidentiel et la présence de Panama sur une liste noire ou grise.

Une première question dès lors vous est posée, monsieur le ministre. Depuis avril 2009, la France a négocié et signé vingt-sept accords d'échange de renseignements fiscaux. De deux choses l'une : soit ces accords sont inutiles – mais alors pourquoi continuer à les négocier et à les soumettre au Parlement, parfois dans des délais contestables, comme aujourd'hui ? –, soit ces accords ont une utilité, qui répond à un voeu exprimé par le Président de la République au sommet du G20 à Londres en 2009 mais est encore difficile à vérifier, compte tenu de la mise en application toute récente de ces textes. C'est particulièrement exact pour le Panama, puisque le traité n'a été signé que le 30 juin dernier. En outre, ce traité n'a pas eu d'application effective, faute de ratification française.

Une seconde question concerne nos difficultés à comprendre la position de la France. D'ailleurs, il n'y en a pas eu une mais deux, au demeurant contradictoires et exprimées à quelques jours d'intervalle, d'une manière tout aussi péremptoire par le Président de la République. Vous avouerez qu'il est difficile de défendre le oui et le non sur un même dossier. La forme au final importe peu si elle n'apporte que de la confusion. Il y a là un problème de méthode dommageable aux intérêts de notre pays. Sans doute ici comme dans d'autres affaires conviendrait-il de prendre le temps de la réflexion, qu'il s'agisse de celui de l'Exécutif ou de celui du Parlement.

Je tiens à rappeler brièvement, comme l'a fait mon collègue Jean-Pierre Dufau en commission la semaine dernière, certaines déclarations de l'automne dernier. Le 4 novembre, le Panama est considéré comme un État peu fiable fiscalement par le Président de la République. Le 24 du même mois, Mme Pécresse, ministre du budget, confirme le jugement du chef de l'État. Mais, entre ces deux dates, M. Sarkozy a reçu à Paris, les 17 et 18 novembre, son homologue panaméen, M. Ricardo Martinelli, ce dont Mme Pécresse n'avait sans doute pas été avertie. D'autres propos ont alors été échangés. À la veille de cette visite, le porte-parole du Quai d'Orsay signalait en effet que la France était « confiante dans la volonté des autorités panaméennes de lutter au côté du G20 contre l'évasion fiscale ». « La France et le Panama, était-il précisé, entretiennent sur cette question un dialogue étroit. » À l'issue du tête-à-tête entre MM. Sarkozy et Martinelli, le président panaméen a fait une déclaration que je me permets de porter à votre connaissance, dans la mesure où elle n'a pas été relayée en France par les médias : « Une fois que la France aura approuvé la convention fiscale, sans doute avant la fin de l'année, le gouvernement français retirera Panama de la liste des pays fiscalement non coopérateurs. » M. Hugues Goisbault, ambassadeur de France à Panama, a publiquement confirmé cette appréciation, le 25 novembre.

Finalement, le dépôt accéléré du texte, intervenu entre les deux positions alternativement défendues par les représentants de l'État français, tranche en faveur de la bonne foi de Panama. Mme Aurillac, rapporteure du traité au terme sans doute provisoire de ce cafouillage diplomatico-fiscal, nous invite à approuver cette convention, en usant d'une rhétorique peu convaincante : « Pourquoi ne pas faire confiance à un État qui a décidé de se mettre en conformité avec les standards internationaux ? » Pour ma part, je reste perplexe et je m'interroge. Cet accord répond-il à son objectif affiché ? Quelle est l'interprétation correcte que l'on peut et doit faire de cette convention présentée par les plus hautes autorités de l'État de manière aussi opposée à quelques jours d'intervalle ?

J'ai, par réflexe professionnel d'ancien journaliste, lu la presse pour comprendre les à-côtés de cette convention équivoque. J'ai relevé une première information qui semble sans rapport avec notre débat d'aujourd'hui… Dimanche 11 décembre, la France a renvoyé à Panama l'ancien dictateur Manuel Noriega, qui purgeait en France depuis 2009 une peine de sept ans d'emprisonnement pour blanchiment d'argent. Puis, je suis remonté dans le temps, à la recherche d'autres indices permettant de comprendre un peu mieux la soupe amère que le Gouvernement souhaitait servir au Parlement. Et j'ai trouvé une autre information, dont vous jugerez par vous-mêmes si elle a ou non un rapport avec nos échanges fiscaux de ce jour. Une dépêche AFP du 28 novembre précisait que « le gouvernement panaméen a suspendu un contrat signé par l'assureur-crédit français Coface pour le financement du métro de Panama, en représailles de récentes critiques de la ministre du budget Valérie Pécresse, a annoncé le ministère des affaires étrangères panaméen. La décision de rejeter les services de la compagnie Coface est prévue par la Constitution panaméenne, qui préconise des mesures de rétorsion, en cas d'agissements discriminatoires étrangers contre Panama, indique le ministère dans le communiqué. » Ce prêt de 297,8 millions de dollars devait contribuer au financement partiel de la ligne 1 du métro de la ville de Panama. Le contrat avait été signé le 26 novembre 2010 avec la société française Alstom, qui devait construire et livrer les voitures de cette ligne.

Photo de Christian Eckert

Vous inscrivez maintenant une prévision de 1 % que vous savez vous-même ne pas pouvoir tenir.

Monsieur Chartier, vous avez raison de rappeler les prévisions des agences de notation. Ce n'est pas seulement la dette qu'elles jugent, mais surtout le fait que la récession est mise en place dans nos pays d'Europe à cause des plans de rigueur successifs. Nous en sommes au deuxième plan de rigueur, et chacun sait bien qu'il y en aura un troisième, malgré votre réserve de précaution, ce qui nous fait rire. Le rapporteur général lui-même rappelait que généralement, dès les premiers mois d'exercice, les trois quarts des réserves de précaution étaient débloqués, pour les raisons que vous savez.

Venons-en au contenu. Commençons, chers collègues de la majorité, par ce que vous avez refusé.

Vous avez refusé la taxation des transactions financières que nous avons proposée par amendement.

Vous avez refusé la taxation des revenus variables extravagants que nous vous avons proposée.

Vous avez refusé la suppression de la fameuse niche Copé, Mme la ministre du budget ayant même déclaré que cette niche n'existait pas. Quelle amnésie, quelle ironie !

Vous avez refusé la détaxation des heures supplémentaires, qui coûte plus de 3 milliards d'euros par an à notre budget.

Par contre, et les Français doivent le savoir, vous avez gelé le barème de l'impôt sur le revenu. Cela veut dire que les Français vont payer plus d'impôt et qu'une partie de ceux qui n'en paient pas aujourd'hui vont commencer à en payer.

Vous avez également bloqué la revalorisation des allocations, en particulier sur le logement.

Surtout, vous avez augmenté la TVA.

Monsieur Chartier, plutôt que de prétendre que M. Hollande pourrait, peut-être, augmenter la TVA de 3 %, vous feriez mieux de rappeler que votre majorité vient de l'augmenter de 1,5 % ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et vous ne l'avez pas augmentée sur n'importe quoi : sur les transports publics, sur les tarifs de l'eau, sur ceux de l'assainissement, sur le livre, sur les cantines d'entreprise, sur la collecte des ordures ménagères. Vous pouvez toujours ironiser sur ce qui pourrait arriver l'an prochain, mais c'est aujourd'hui, dans quelques minutes, que vous allez voter l'augmentation de la TVA pour tous les Français, mais pas sur le homard, certes, qui est toujours à vos yeux un produit de première nécessité.

À elles seules, ces deux mesures représentent 3,5 milliards d'euros. C'est le double de l'allégement de l'ISF que vous avez décidé il y a quelques mois.

Photo de François Loncle

Voici retracée en quelques mots l'histoire de cette convention extravagante dans la forme comme dans le fond. Et nous avons souhaité par ce bref débat mettre à la disposition de tous les différents éléments de ce gâchis diplomatique, ainsi résumés par le quotidien La Tribune, organe loin d'être hostile au Gouvernement, dans son édition du 25 novembre 2011 : « La France accorde un passe-droit au Panama. »

Mais, dans les circonstances économiques et politiques que nous avons évoquées et que nous avons tous à l'esprit, le groupe SRC ne souhaite pas ajouter du désordre à l'incohérence. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.

Photo de Christian Eckert

Mes chers collègues, nous sommes prêts et les Français sont prêts à faire des efforts, mais des efforts partagés. Ceux que vous proposez dans ce projet de loi de finances rectificative ne le sont pas. Vous l'aurez compris, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Photo de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, restons calmes. Écoutons les orateurs dans un climat de respect mutuel. Ceux-ci s'expriment avec modération, comme d'habitude.

Pour le groupe GDR, la parole est à M. François de Rugy.

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

J'apporterai quelques précisions aux orateurs qui se sont exprimés dans cette discussion générale, non sans avoir auparavant remercié Mme la rapporteure pour la précision de son rapport et les propos qu'elle a tenus, ainsi que MM. Rudy Salles et Jacques Remiller, qui ont apporté le soutien de leur groupe à ce texte. Tous trois ont fait remarquer avec justesse que l'on montait en épingle un problème qui n'en n'était pas un. Et je m'interroge à mon tour pour comprendre ce qu'avaient en tête ceux qui ont demandé un débat sur cette convention même si, cher monsieur Loncle, vous pouvez être certain qu'en tant qu'ancien parlementaire je suis très respectueux des prérogatives du Parlement et que je considère parfaitement légitime votre initiative. Reste qu'après vous avoir entendus, je n'ai toujours pas bien compris la raison pour laquelle ce débat nous a été demandé.

Photo de François de Rugy

Ce projet de loi de finances rectificative vient après beaucoup d'autres et montre l'inconséquence de la politique fiscale et budgétaire du Gouvernement. À peine le projet de budget pour 2012 adopté, voilà que survient un nouveau correctif, imposé par des prévisions de croissance revues à la baisse.

Et alors que nous sommes appelés à voter cette nouvelle mouture, une potion bien amère, concoctée à partir d'une prévision de croissance de 1 %, voilà que les organismes spécialisés – et je ne veux même pas des agences de notation – nous annoncent une croissance inférieure de moitié à celle que vous avez retenue dans cette loi de finances rectificative.

Le texte que nous sommes donc appelés à adopter aujourd'hui est donc déjà, comme le projet de budget pour 2012, caduc. Il l'est du fait de la conjoncture, mais aussi du fait des obligations que le Président de la République et la Chancelière allemande négocient en ce moment même dans la plus grande opacité. Car le texte que vous nous présentez ne satisferait même pas aux obligations que le duo infernal de la politique européenne s'apprête à imposer aux autres États membres de l'Union.

Je le disais en préambule : le citoyen ne comprend plus rien à votre stratégie budgétaire et fiscale, ou plutôt il comprend de plus en plus clairement que c'est aux classes moyennes que vous allez présenter la facture de votre politique.

Contre toute évidence, vous refusez de reconnaître que l'essentiel de vos mesures prises en 2007 nous ont conduits à l'échec. Pressés par la dure réalité des faits, vous avez successivement dû raboter un certain nombre de dogmes : celui du bouclier fiscal, celui des heures supplémentaires défiscalisées, et même celui, plus récent, de la TVA à 5,5 % sur la restauration. Mais comme vous ne voulez pas perdre la face, et parce que les dogmes ont la vie dure, vous êtes revenus à demi sur ces erreurs fondatrices du quinquennat présidentiel.

Et comme vos mesures de 2007 ont conduit à un creusement sans précédent de notre dette publique, vos demi-mesures de 2011 vous contraignent à des exercices de haute voltige budgétaire, qui se traduisent par la multiplication des lois de finances, lesquelles n'empêchent pas une absence de résultats.

Par exemple, l'exonération des cotisations sur les heures supplémentaires n'a pas été supprimée. Le chômage en pâtit directement. Je suis d'ailleurs frappé de constater – et il suffira à chacune et à chacun de se référer aux comptes rendus de nos débats pour le vérifier – à quel point cette question de l'emploi a été totalement absente de nos débats, à quel point vous vous êtes résolus à voir la courbe du chômage s'envoler, sans rien y faire. Une politique fiscale qui n'a pas pour but principal d'accompagner l'emploi en ces temps de crise sociale aiguë, c'est une politique fiscale criminelle.

Vous aviez l'occasion, avec ce projet de loi de finances rectificative, de vous inspirer de l'exemple allemand, que vous aimez citer, en favorisant, par exemple, une bonne indemnisation du recours au chômage partiel. Or vous vous êtes entêtés dans la défiscalisation des heures supplémentaires. Le résultat est là, dramatique : un million de chômeurs supplémentaire depuis 2007.

Le Président de la République continue à prétendre « ne pas avoir été élu pour augmenter les impôts ». Mais pendant ce temps, séance de l'Assemblée après séance de l'Assemblée, la majorité UMP se charge en quelque sorte du sale boulot. En ne procédant pas à l'indexation sur l'inflation des barèmes de l'impôt sur le revenu, comme cela se fait chaque année, vous procédez, de fait, à une augmentation générale de cet impôt, au moins pour celles et ceux qui le paient, c'est-à-dire les classes moyennes.

En juillet dernier, en échange de la suppression du bouclier fiscal, d'ailleurs étalée sur plusieurs années, vous avez profondément modifié le mode de calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune – en fait, vous l'avez supprimé pour moitié.

Photo de Jean-Michel Ferrand

Tout cela, c'est du bla-bla ! Vous ne croyez pas ce que vous dites !

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Lorsque M. Lecoq intervient à la tribune, il nous présente les positions habituelles de sa famille politique. Nous les connaissons, nous les respectons mais nous formulons des voeux pour qu'elles ne soient jamais appliquées en France. Si tel était le cas en effet, je me demande s'il y aurait encore des entreprises françaises capables de récolter des marchés à l'extérieur.

Fort heureusement, le risque est ténu que ses préconisations se transforment en politique nationale.

Selon vous, monsieur Lecocq, cette convention ne sert à rien. Mais c'est la même que toutes les autres conventions fiscales : c'est dire que les autres ne servent à rien non plus.

Photo de François de Rugy

Nous vous avions mis en garde contre le coût généré pour le budget de l'État : 1,8 milliard. C'est exactement la recette que vous espérez aujourd'hui avec la hausse du taux réduit de TVA.

Vous pourrez triturer les chiffres comme vous le voudrez, pour les Français la vérité est là : la hausse de 27 % du taux de TVA que votre majorité s'apprête à adopter aujourd'hui – car passer de 5,5 % à 7 % représente bien une hausse de 27 % – ne vient rien faire d'autre que financer la baisse de l'impôt de solidarité sur la fortune accordée cet été à des contribuables dont le niveau de patrimoine est en moyenne, tenez-vous bien, huit fois supérieur à celui de la moyenne des Français.

Photo de Jean-Paul Lecoq

Vous ne proposez rien pour l'évaluation !

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

C'est désobligeant pour ceux qui ont élaboré ces textes. Surtout, je ne vois pas ce que cette convention a de plus mystérieux que toutes les autres. De toute façon, le projet prévoit des rendez-vous, des évaluations. Rien n'est irréversible.

Ce qui est demandé aujourd'hui à l'Assemblée nationale, c'est de prendre en compte les progrès accomplis par le Panama…

Photo de François de Rugy

Je conclus, monsieur le président.

Vous prétendez que ces textes successifs sont la conséquence de la crise. Mais la crise, elle vient aussi de votre inconséquence. En 2007, le Président de la République déclarait…

Photo de Bernard Accoyer

Merci d'indiquer le sens du vote de votre groupe, monsieur de Rugy.

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

…qui justifient tout à fait que ce pays sorte de la liste sur laquelle il figure encore. On verra ensuite, à la lumière de ce qui sera fait, s'il tient ou non ses engagements. Mais pour l'heure, nous n'avons aucune espèce de raison de douter en quoi que ce soit de sa bonne foi.

Photo de François de Rugy

Monsieur le président, je m'apprêtais à citer le Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J'espère tout de même que vous m'y autorisez, monsieur le président. Il disait : « Une économie qui ne s'endette pas suffisamment, c'est une économie qui ne croit pas en l'avenir ».

Photo de Bernard Accoyer

L'Assemblée a compris que votre groupe ne votera pas ce texte.

Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

En tout cas, monsieur Loncle, il n'y a aucun lien, mais vraiment aucun, entre la situation d'un ancien dirigeant du Panama et la discussion de ce texte. L'extradition de M. Noriega, procédure judiciaire qui était engagée depuis un certain temps, est totalement indépendante de la signature de l'accord, qui a eu lieu en juin.

Pourquoi alors ce calendrier ? Pour une raison toute bête, une raison de simple bon sens. Si le Parlement ne vote pas la convention avant le 31 décembre 2011, ses effets seront reportés d'une année. Faut-il sacrifier nos entreprises ? Ne faut-il pas plutôt demander au Parlement d'avoir l'obligeance d'examiner ce texte, qui ne présente vraiment rien de nouveau par rapport aux conventions habituelles, afin de donner à nos entreprises des chances de gagner des marchés ?

Pour M. Lecoq, cette convention ne sert à rien ; pour M. Loncle, elle est extravagante. En vérité, elle est tout simplement identique à toutes les autres que nous signons. Vous êtes un ancien journaliste, monsieur Loncle, et vous avez tout mon respect. Mais souffrez que le Gouvernement français ne prenne pas ses ordres dans la presse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de François de Rugy

On ne saurait relire ces propos aujourd'hui avec un autre regard…

Photo de Bernard Accoyer

Merci, monsieur de Rugy. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Photo de Catherine Vautrin

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté.)

Photo de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Photo de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire (nos 4000, 4036).

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Photo de Noël Mamère

Il y a que nous ne sommes pas contents !

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, afin de mettre l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'abri de toute modification de circonstance, le constituant de 1958 a disposé que le statut des magistrats devait être fixé par la loi organique. Les garanties prévues en matière de déroulement des carrières entrent dans ce cadre.

Ainsi, le projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire que je vous présente a pour objet d'accélérer la montée en charge de l'augmentation, par génération, de la limite d'âge des magistrats, prévue par la loi organique du 10 novembre 2010.

Il est le pendant, pour les magistrats, de la modification du calendrier de l'augmentation des âges d'ouverture des droits et d'annulation de la décote proposée par le Gouvernement pour l'ensemble des fonctionnaires civils ainsi que pour les militaires. Cette mesure fait partie du plan d'équilibre des finances publiques annoncé par le Premier ministre le 7 novembre 2011.

Le projet de loi initial comportait un article unique. Celui-ci laisse inchangée la limite d'âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952. En revanche, pour les magistrats nés à compter de cette date, l'accélération du relèvement de la limite d'âge interviendra à raison d'un mois pour ceux nés en 1952, de deux mois pour ceux nés en 1953, de trois mois pour ceux nés en 1954 et de quatre mois pour ceux nés en 1955.

Lors de l'examen en commission des lois, le Gouvernement a déposé quatre amendements, relatifs eux aussi à la carrière des magistrats et à la gestion du corps judiciaire, que les commissaires aux lois ont bien voulu adopter. Je les en remercie.

Ces mesures sont reprises du projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 27 juillet 2011.

Je tiens à préciser que ces dispositions ont bien fait l'objet, avant même la rédaction de ce projet de loi organique, d'une concertation avec les organisations syndicales, les chefs de cour et les chefs de la Cour de cassation. Elles ont par ailleurs été présentées aux organisations syndicales lors d'une commission permanente d'études, le 7 juillet 2011. Une étude d'impact a été rédigée par mes services et annexée au projet de loi organique, comme le prévoit la Constitution.

Ces dispositions organiques modifient le statut de la magistrature, pour répondre à des difficultés techniques rencontrées par la chancellerie dans la gestion du corps judiciaire ou dans la mise en oeuvre de dispositifs statutaires existants. Elles revêtent une urgence particulière qui explique la démarche du Gouvernement.

En effet, les réformes de l'ordonnance statutaire de 1958, notamment celles intervenues en 2001 et 2007, ont profondément remanié le cadre juridique de la gestion des magistrats et les conditions d'exercice des fonctions judiciaires. Le ministère de la justice et des libertés s'est par ailleurs attaché à développer une gestion du corps judiciaire plus dynamique, valorisant les compétences, les parcours professionnels, les expériences des magistrats hors des juridictions judiciaires, dans le cadre d'une politique rénovée et modernisée des ressources humaines de la magistrature.

La mise en oeuvre de certains mécanismes ou dispositifs statutaires, dans le cadre de cette politique de gestion des ressources humaines, a toutefois démontré la nécessité de réviser certains de leurs aspects, ou d'affiner les dispositions statutaires, qui posent des difficultés d'application.

Le Gouvernement a donc proposé par amendement quatre dispositions.

La première modifie les règles relatives aux magistrats placés auprès des chefs de cour d'appel. Cette pratique est nécessaire pour la bonne marche des juridictions. Elle permet une réactivité du corps judiciaire en apportant un renfort immédiat aux juridictions qui connaissent des difficultés conjoncturelles, liées à la situation de leurs effectifs ou à un surcroît d'activité. En outre, ces magistrats enrichissent leur expérience professionnelle en se confrontant à des pratiques juridictionnelles diversifiées dans les juridictions dans lesquelles ils sont délégués.

Certains magistrats apprécient particulièrement ces fonctions et ne voient pas pourquoi on les empêcherait de les exercer pour une période plus longue que ce que permet l'ordonnance statutaire, telle qu'interprétée par le Conseil d'État. Il est donc proposé d'augmenter la durée maximum d'exercice de ce type de fonctions à six ans consécutifs et à douze ans sur l'ensemble de la carrière. C'est répondre à la fois aux voeux de certains magistrats et aux besoins des juridictions, sans limiter la possibilité, pour les intéressés, d'être nommés sur d'autres fonctions après deux années d'exercice comme magistrats placés. En effet, on n'est pas nommé de force sur ces fonctions de magistrat placé, il faut être candidat.

Par ailleurs, la priorité d'affection dont bénéficient les magistrats placés, au bout de deux années, sur des postes de la juridiction siège de la cour auprès de laquelle ils sont placés, ne pourra plus porter sur des emplois de premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur de la République. Ces fonctions d'encadrement intermédiaire requièrent en effet des profils particuliers et doivent être occupées par des magistrats ayant démontré de véritables capacités d'encadrement et d'animation au cours de leur carrière.

En deuxième lieu, il s'agit d'assouplir la règle relative à la priorité d'affectation à la Cour de cassation des conseillers et avocats généraux référendaires, afin d'éviter certains blocages. Il n'est pas question de supprimer le mécanisme de quota, qui permet à la Cour de cassation de bénéficier des compétences de ses anciens référendaires. La proportion de un sur six est apparue de nature à concilier, d'une part, les contraintes de nomination pesant sur la chancellerie et le Conseil supérieur de la magistrature et, d'autre part, le besoin que les postes de conseiller ou d'avocat général à la Cour de cassation soient pourvus par des magistrats ayant acquis la technique de la cassation.

Troisièmement, le nouvel article 5 modifie l'article 69 de l'ordonnance statutaire issue de la loi organique du 5 mars 2007, qui a créé un comité médical national propre aux magistrats pour connaître des demandes de placement d'office en congés maladie.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 69 de l'ordonnance de 1958 n'évoque que le congé de maladie, qui doit être distingué du congé de longue maladie et du congé de longue durée. Or le placement d'office en congé en raison de l'inaptitude physique d'un agent concerne avant tout les deux dernières catégories. L'article 5 étend ainsi la compétence du comité médical national pour ces deux catégories de congés maladie. Il institue également un comité médical national d'appel. Le Parlement, le conseil supérieur de la magistrature et les organisations syndicales de magistrats ont, à de nombreuses reprises, appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de mettre en oeuvre ce dispositif.

Enfin, l'article 6 assouplit les règles de mobilité pour l'accès aux emplois hors hiérarchie, afin d'assurer la réussite dans les faits de ce dispositif introduit par la loi organique du 5 mars 2007. Il s'agit de permettre aux magistrats d'accomplir cette mobilité auprès de juridictions administratives, financières ou internationales. En outre, la durée de la période de mobilité statutaire sera portée à deux ans et non renouvelable, ce qui correspond davantage aux besoins des structures d'accueil.

Je pensais avoir à revenir sur l'amendement de M. Dosière, mais la commission des lois, réunie au titre de l'article 88, en a fait justice. Les magistrats, qui accomplissent tous un travail difficile, dans des circonstances qui le sont aussi, méritent bien que la nation leur manifeste sa reconnaissance.

Photo de Bernard Accoyer

Chacun doit respecter son temps de parole.

(Il est procédé au scrutin.)

Photo de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 507

Nombre de suffrages exprimés 505

Majorité absolue 253

Pour l'adoption 303

Contre 202

(Le projet de loi est adopté.)

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le débat concernant les retraites a d'ores et déjà été tranché par le Parlement. Ce projet de loi organique relève donc d'une simple démarche d'équité à l'égard des agents des trois fonctions publiques.

Les dispositions que le Gouvernement a proposées et que la commission des lois a adoptées représentent des avancées réelles pour le statut des magistrats et sont en lien direct avec l'objet du texte. Celui-ci concourt donc à améliorer la gestion de la carrière des magistrats et son attractivité.

Photo de Bernard Accoyer

Que ceux qui viennent de protester constatent qu'ils sont aussi les premiers à quitter l'hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. François Vannson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Photo de François Vannson

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes saisis en première lecture d'un projet de loi organique, déposé le 23 novembre dernier, visant à appliquer aux magistrats l'accélération du calendrier de la réforme des retraites prévu pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 adopté le 22 novembre dernier.

En 2010, notre pays a engagé une réforme des retraites destinée à parvenir à l'équilibre des comptes de la branche vieillesse, tous régimes confondus, à l'horizon 2018. La moitié des économies permises par cette réforme repose sur la modification progressive des bornes d'âge légal de départ à la retraite et des bornes d'âge de départ à taux plein. Suivant cette logique, la « fenêtre » d'ouverture des droits à pension a été uniformément décalée de deux ans pour tous les régimes de retraite.

Ainsi, l'âge d'ouverture du droit à la retraite a été relevé de 60 à 62 ans à l'horizon 2018 pour les générations nées après le 1er janvier 1956, tant pour le régime général que pour les catégories sédentaires de la fonction publique. La limite d'âge, à savoir l'âge auquel une retraite est attribuée « à taux plein » même en l'absence de la durée d'assurance nécessaire, a quant à elle été portée de 65 à 67 ans suivant des modalités différentes entre secteur public et secteur privé.

La situation de nos finances publiques dans le contexte de l'actuelle crise financière a conduit le Gouvernement à engager une accélération du calendrier de relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite sans décote. Il a donc présenté, dans le cadre de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, un amendement appliquant le relèvement de deux ans une génération plus tôt. Le calendrier de relèvement de la limite d'âge est accéléré dans les mêmes conditions : la limite d'âge pour les fonctionnaires passera ainsi à 67 ans dès la génération 1955.

L'accélération du calendrier de relèvement de l'âge d'ouverture des droits des magistrats de 60 à 62 ans se fera dans le cadre général du PLFSS. En revanche, s'agissant de la limite d'âge, une loi organique est nécessaire, en application de l'article 64 de la Constitution, qui dispose qu'« une loi organique porte statut des magistrats ». La limite d'âge fait, en effet, partie intégrante du statut des magistrats.

L'article 1er du présent projet de loi organique a donc pour objet de faire application aux magistrats du dispositif adopté pour les fonctionnaires. L'âge de départ à taux plein sera fixé à 67 ans pour les magistrats nés en 1955, étant précisé que cet âge est relevé de manière croissante pour ceux nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1954 à raison de quatre mois par génération pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 et à raison de cinq mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1954.

La semaine dernière, lors de la discussion du texte devant la commission des lois, le Gouvernement a en outre décidé de déposer quatre amendements portant articles additionnels et touchant à la carrière des magistrats. Il s'agit de dispositions contenues dans le projet de loi organique relatif au statut des magistrats déposé le 27 juillet 2011. Compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire, il n'y avait que peu de chance que ce texte soit soumis à notre discussion d'ici à la fin de cette législature. Il paraissait donc opportun que ces amendements relatifs au statut des magistrats soient discutés dans le cadre du présent projet de loi organique ; d'autant que les dispositions en question avaient d'ores et déjà fait l'objet d'une concertation avec les principaux syndicats de magistrats. Le rapporteur que je suis a donc donné un avis très favorable à l'ensemble de ces amendements qui ont été adoptés par la commission.

Il s'agit, tout d'abord, d'aménager le régime des magistrats placés en mettant fin aux difficultés apparues à la suite d'arrêts récents du Conseil d'État. Pour ce faire, le nouvel article 2 du texte soumis à notre discussion vise tout d'abord à exclure de la priorité d'affectation les emplois qui correspondent à des fonctions d'encadrement intermédiaire requérant des profils particuliers. La jurisprudence du Conseil d'État n'était pas satisfaisante en la matière puisque des magistrats n'ayant démontré aucune capacité particulière d'encadrement et d'animation au cours de leur carrière pouvaient prétendre, du fait de la priorité d'affectation qui fait suite à une période de placement de deux années, à des postes d'encadrement intermédiaire.

Le nouvel article 2 prévoit, d'autre part, d'augmenter la durée maximum d'exercice des fonctions de magistrat placé. Récemment, le Conseil d'État a considéré que la limitation à six années de l'exercice des fonctions de magistrats placés devait s'étendre sur l'ensemble de leur carrière. Il s'agit de revenir sur cette jurisprudence en assouplissant cette contrainte et en faisant en sorte que ces fonctions puissent être exercées dans la limite de six années consécutives et de douze années sur l'ensemble de la carrière. Ce nouvel encadrement des fonctions de magistrat placé répond ainsi aux voeux de certains magistrats mais aussi aux besoins des juridictions.

La commission des lois a également adopté, sur proposition du Gouvernement, une disposition visant à réduire la proportion d'anciens magistrats référendaires à la Cour de Cassation devant être nommés aux fonctions de conseiller ou d'avocat général à la Cour. Actuellement cette proportion est de un sur quatre, ce qui a pour conséquence de pénaliser de brillants candidats aux fonctions de la Cour de Cassation qui n'ont pas été référendaires dans cette même juridiction. Par ailleurs, il peut arriver que l'on ne trouve pas d'anciens conseillers ou avocats généraux référendaires présentant le profil requis pour prétendre à une telle nomination. Le nouvel article 4 du projet de loi organique propose donc de diminuer la proportion d'anciens magistrats référendaires en la faisant passer de un sur quatre à un sur six.

Autre sujet abordé lors de la discussion en commission : la compétence du comité médical national créé par la loi organique du 5 mars 2007 pour connaître des demandes de placement d'office en congé maladie des magistrats. La rédaction de cette loi organique datant de 2007 privait ces dispositions de toute application. Conscient de ces difficultés, le Gouvernement a fait adopter en commission un amendement visant, d'une part, à expliciter la compétence du comité médical national en matière de congé longue durée et, d'autre part, à créer un comité médical national d'appel. Tel est l'objet du nouvel article 5.

Enfin, le Gouvernement a souhaité saisir l'opportunité de la discussion de ce texte sur le statut des magistrats pour lever les contraintes qui pèsent sur la mobilité statutaire. Tel est l'objet du nouvel article 6 du présent projet de loi organique qui aménage l'obligation, faite par la loi organique de 2007, d'effectuer une mobilité statutaire avant d'accéder aux emplois hors hiérarchie. Trois types de difficultés se posaient, cet article permettra de les lever.

La durée de cette période de mobilité constitue une première difficulté : d'un an, renouvelable une fois, elle n'est adaptée ni aux fonctions pouvant être exercées dans le cadre de la mobilité externe ni aux contraintes du calendrier de nomination des magistrats. Le texte propose donc d'étendre cette période à deux ans.

Le champ de la mobilité statutaire, actuellement trop limité, constitue une deuxième difficulté. Le texte adopté en commission permettra de remédier à ce constat en offrant aux magistrats la possibilité d'accomplir leur mobilité statutaire auprès des juridictions administratives, financières ou internationales. Cette nouvelle possibilité se justifie d'autant plus que la majorité des détachements de magistrats s'effectue actuellement au sein de ces institutions. Cela représente pour les intéressés un véritable dépaysement, que ce soit par la nature du contentieux traité ou par l'environnement de travail.

Enfin, le nouvel article 6 lève une troisième contrainte qui pèse sur la mobilité statutaire en précisant que les services accomplis au titre de cette mobilité sont assimilés à des services effectifs dans le corps judiciaire.

Voilà pour ce qui concerne les amendements du Gouvernement adoptés en commission auxquels j'apporte tout mon soutien.

Je ne reviens pas sur la question des décorations publiques. Dans le cadre de la réunion de la commission qui s'est tenue, au titre de l'article 88 du Règlement, en début d'après-midi, nous avons accepté un amendement de suppression de la disposition qui avait été introduite dans le projet de loi organique sur l'initiative de M. Dosière. C'est une bonne chose car nos magistrats auraient probablement mal ressenti cette démarche…

Photo de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle établissant la responsabilité civile et pénale du Président de la République pour les actes commis antérieurement à sa prise de fonction ou détachables de celle-ci, et supprimant la Cour de justice de la République (3817).

Jeudi dernier, le Gouvernement a demandé à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles et sur l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

Photo de François Vannson

En plus d'être vexatoire, cela aurait pu créer un certain malaise au sein d'un grand corps de l'État.

En guise de conclusion, je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier d'avoir saisi l'opportunité de l'inscription de ce projet de loi organique à l'ordre du jour de notre assemblée pour enrichir le texte d'un certain nombre d'avancées concernant le statut des magistrats. J'espère que l'Assemblée adoptera ce texte afin que ces dispositions entrent en vigueur dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

Photo de Noël Mamère

Monsieur le président, vous nous aviez habitués à plus de modération. Nous sommes un peu étonnés de voir avec quel empressement vous interrompez l'un des orateurs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine…

Photo de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Photo de Bernard Accoyer

Monsieur Mamère, seule la présidence contrôle le respect par chacun de son temps de parole. M. de Rugy avait dépassé le sien de trente secondes.

Veuillez poursuivre.

Photo de Dominique Raimbourg

Madame la présidente, monsieur le ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, lors de son dépôt devant notre assemblée, le projet de loi organique que nous examinons concernait l'âge limite de la retraite des magistrats qu'il portait de 65 à 67 ans – l'âge limite devant être entendu comme l'âge à partir duquel aucune décote n'intervient pour le calcul de la pension de retraite. Ce texte simple aurait pu faire l'objet d'un examen rapide. Nous nous serions opposés à son adoption au motif que nous sommes opposés au report de l'âge de départ à la retraite.

Photo de Noël Mamère

Monsieur le président, nous ne sommes pas dans une classe de CM2, nous sommes à l'Assemblée nationale ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez interrompu l'orateur au moment même où il allait citer les propos du Président de la République. (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

C'est donc du Président de la République et de son statut qu'il s'agit dans la proposition de loi que nous avons eu l'honneur de défendre la semaine dernière devant un hémicycle quasiment vide, ce qui est d'ailleurs l'un des effets de la réforme en trompe-l'oeil que le Président de la République et sa majorité ont voulue. Elle visait, paraît-il, à donner plus de pouvoir au Parlement, mais les propositions de loi de l'opposition ne peuvent pas être réellement discutées puisque vous proposez à chaque fois un vote bloqué, en vertu de l'article 96 de notre règlement.

Avec la proposition de loi sur laquelle vous allez vous prononcer dans un instant – et avec celle relative à la transparence de la vie publique et à la prévention des conflits d'intérêts, dont François de Rugy a été rapporteur et qui sera mise aux voix demain –, les écologistes que nous sommes veulent donner une concrétisation à ce que nous appelons la République exemplaire.

Nous nous référons d'ailleurs en cela au discours du Président de la République à Épinal, en 2007, quand il parlait de la République irréprochable et de la responsabilité du Président de la République.

En effet, depuis un certain nombre d'années, en particulier depuis l'épisode Roland Dumas et Jacques Chirac, épisode assez scandaleux pour notre démocratie où le président du Conseil constitutionnel a accordé l'impunité la plus totale au Président de la République, nous considérons que le Président, dans une grande démocratie, ne peut pas bénéficier de l'injusticiabilité, qui vaut en fait impunité car elle lui permet de ne pas avoir à répondre de faits commis antérieurement à sa prise de fonction ou détachable de sa fonction.

Photo de Alain Gest

Noël Mamère ne sera jamais Président de la République !

Photo de Dominique Raimbourg

Cette dernière question fera sans aucun doute l'objet d'un des grands débats politiques qui se dérouleront au printemps prochain, à l'occasion de l'élection présidentielle.

Nous aurions ajouté que ce report n'allait pas sans difficultés pour la magistrature et qu'il n'était peut-être pas très opportun de prolonger inutilement… « Inutilement », le mot est malheureux. Disons plutôt artificiellement.

Photo de Noël Mamère

La majorité est en train de tordre le coup à un principe édicté dès 1789, selon lequel tous les citoyens sont égaux devant la loi, puisque le Président de la République, pour des faits antérieurs à sa prise de fonction ou détachables de sa fonction, ne peut pas être un justiciable comme les autres.

Dans notre proposition de loi sur laquelle vous allez être appelés à voter, mes chers collègues, il n'est pas question de remettre en cause l'inviolabilité du Président de la République pour des actes liés à sa fonction puisque, bien évidemment, nous croyons non seulement à la continuité républicaine mais aussi à la nécessité d'assurer la protection du premier des Français, le plus haut magistrat de ce pays. Je rappelle que notre pays avait une doctrine en la matière, qui datait de la IIIe République, selon laquelle le Président de la République était responsable. Cette doctrine a été illustrée, en 1974, par une décision qui a valeur de jurisprudence : le premier candidat écologiste, René Dumont, avait attaqué le Président de la République récemment élu, Valéry Giscard d'Estaing, pour avoir enfreint les lois relatives à l'affichage politique. La justice s'était estimée compétente pour juger de cette affaire. Certes, le Président avait été relaxé, mais une décision avait été rendue : cela voulait donc dire que, dans notre droit, il devait pouvoir aller devant la justice pour s'expliquer de faits commis antérieurement à sa prise de fonction ou détachables de sa fonction.

Mais cette doctrine a été battue en brèche dès les années 90, et nous proposons d'y revenir avec la réforme de l'article 67. En effet, nous considérons que la commission Avril, du nom du juriste qui l'a présidée, n'a fait que contribuer à renforcer encore un peu plus l'impunité, ou l'inviolabilité, ou l'injusticiabilité du Président de la République. La réforme de 2007 n'a pas abouti puisque l'article 68 n'a toujours pas donné lieu à une loi organique. Certes, notre commission des lois a été saisie d'un projet de loi, dont notre collèguePhilippe Houillon a été désigné rapporteur, mais ce texte arrive au terme de la mandature : il y a donc fort à parier qu'il ne sera pas inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée. Une fois de plus, il s'est agi, à travers cette réforme, d'une opération de communication, d'un effet d'annonce visant à faire croire que l'on donnait plus de pouvoir à notre Parlement et que le Président de la République pouvait être contrôlé comme tous les autres citoyens.

Photo de Michel Hunault

« Inutilement » : ce serait une insulte ! (Sourires.)

Photo de Bernard Accoyer

Monsieur Mamère, je vous remercie de conclure.

Photo de Philippe Gosselin

M. Raimbourg a rectifié de lui-même.

Photo de Noël Mamère

Décidément, monsieur le président, vous êtes pris d'une certaine fièvre cet après-midi (Protestations sur les bancs du groupe UMP), qui vous incline…

Photo de Dominique Raimbourg

Il ne serait donc peut-être pas très opportun de prolonger artificiellement la carrière des magistrats sachant qu'un magistrat en fin de carrière est mieux payé – ce qui est normal – qu'un magistrat en début de carrière. Il est peut-être de l'intérêt des finances publiques de plutôt accélérer le recrutement de jeunes magistrats. J'ajoute que de nombreux magistrats se plaignent déjà des blocages dus à la pyramide des âges. En raison de recrutements qui furent assez importants il y a quelques années, il est aujourd'hui difficile de progresser à la hauteur de son talent car les postes supérieurs de la hiérarchie, les postes dit « HH », hors hiérarchie, sont tous occupés. Or la réforme que nous mettons en place va empêcher que ces postes se libèrent, ce qui aurait pu permettre une certaine respiration du corps. Je veux m'exprimer avec délicatesse : il n'est pas question pour moi de dire qu'il faut abréger la vie professionnelle des magistrats en fin de carrière. Il existe d'ailleurs pour la magistrature des possibilités de poursuivre dans des fonctions différentes.

Si nous avions discuté du projet de loi organique dans sa version initiale, nous aurions parlé d'une application mécaniste de la réforme des retraites, et nous aurions demandé son renvoi en commission. Mais, pour ce qui concerne le texte qui nous est soumis, nos objections vont encore plus loin.

En effet, nous avons vu arriver des cavaliers…

Photo de Bernard Accoyer

Bien. Merci, monsieur Mamère. Nous avons compris le sens du vote de votre groupe.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau Centre.

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ah non !

Photo de Claude Leteurtre

Monsieur le président, chers collègues, en proposant de modifier le dispositif constitutionnel existant en matière de responsabilité pénale et civile du Président de la République, nos collègues du groupe GDR ont ouvert le débat sur des questions qui touchent aux fondements mêmes de notre démocratie.

La révision constitutionnelle de 2007, étape importante de la précédente législature, aura permis de mettre un terme au flou juridique et constitutionnel qui entourait le statut du chef de l'État. Objet de positions divergentes du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, la question du régime pénal applicable aux infractions commises par le Président de la République méritait en effet d'être clarifiée.

En l'état actuel du droit, le Président de la République est irresponsable civilement et pénalement pour des faits liés à sa fonction. Mais une procédure de destitution permet de mettre en cause sa responsabilité politique en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. Enfin, et c'est cette disposition que la présente proposition de loi nous propose de modifier, l'inviolabilité du Président de la République le protège, pendant la durée de son mandat, des poursuites judiciaires, de tout acte d'enquête et de toute mesure privative ou restrictive de liberté.

Cette proposition de loi propose de mettre un terme au principe de l'inviolabilité temporaire du Président de la République pour les actes détachables de sa fonction. Ainsi, le chef de l'État serait susceptible d'être poursuivi pendant la durée de son mandat devant les juridictions civiles et pénales de droit commun pour des actes antérieurs ou extérieurs à sa fonction et détachables de celle-ci.

Or, loin de permettre l'impunité du Président de la République, son inviolabilité temporaire repose sur deux principes fondamentaux que sont la séparation des pouvoirs et la continuité de l'État. Clé de voûte de nos institutions, le Président de la République représente la nation et doit, à ce titre, bénéficier des immunités qui s'attachent à cette qualité. Ces immunités ont pour fonction de permettre au chef de l'État d'assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Aucun État, dans les grandes démocraties, ne fait exception au principe de protection de la fonction présidentielle.

En conséquence, bien qu'elle ne mette pas en cause l'irresponsabilité du Président de la République à raison des actes accomplis dans le cadre de son mandat, cette proposition de loi modifierait considérablement notre système et risquerait, à terme, de déstabiliser ce qui constitue le fondement même de notre démocratie.

Pour autant, notre constitution ne fait pas du chef de l'État un citoyen intouchable car les actes détachables de sa fonction ou commis antérieurement à son mandat peuvent être poursuivis une fois celui-ci achevé.

Est-il nécessaire, mes chers collègues, de rappeler que c'est bien le Président de la République actuel qui, conformément à son engagement sur la transparence du budget de l'État, a décidé de soumettre les comptes de la Présidence au contrôle de la Cour des comptes ?

Enfin, une autre mesure phare de cette proposition de loi consisterait à faire de chaque ministre un justiciable ordinaire en supprimant la Cour de justice de la République. Or en confiant ce contentieux à une juridiction spécifique, le constituant a souhaité éviter que des recours infondés ne viennent paralyser l'action du Gouvernement.

Comment peut-on imaginer un Président de la République en exercice devant une juridiction pénale ou civile ?

Ainsi, parce que les dispositions de cette proposition de loi risqueraient de déstabiliser un système qui, à ce jour, garantit l'équilibre et le bon fonctionnement de nos institutions, le groupe Nouveau Centre ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Photo de Dominique Raimbourg

Ces cavaliers qui surgissent de la nuit et qui se sont élancés vers le texte au galop (Sourires) sont tout simplement inconstitutionnels.

Les ajouts au texte initial sont, à mon sens, sans rapport avec la retraite des magistrats. Le Conseil constitutionnel pourra donc censurer le projet de loi organique au motif que certaines dispositions introduites n'ont rien à voir avec l'objet du texte.

Quatre amendements du Gouvernement ont été adoptés en commissions. Trois d'entre eux sont des cavaliers qui ne posent aucun problème : ils concernent la mobilité des magistrats, les compétences du comité médical national et la création du comité médical national d'appel, et le quota d'affectation des conseillers non référendaires à la Cour de Cassation. Ce sont des dispositions techniques et complexes dont l'adoption nous paraît nécessaire.

Il n'en est pas de même de l'amendement du Gouvernement relatif au délai maximum pour l'emploi d'un magistrat placé. Sans vouloir réduire la dignité de la fonction, je rappelle que, dans les faits, un magistrat placé est un magistrat « volant » ou intérimaire qui fait office de remplaçant lorsqu'un poste est vacant au sein d'une cour d'appel. Ces magistrats sont absolument nécessaires. La souplesse de leur affectation permet aux juridictions de travailler dans de bonnes conditions, de remplacer des magistrats absents pour cause de congé maladie ou de congé maternité, ou d'occuper un poste temporairement non pourvu faute de candidats.

En revanche, en limitant la durée maximale d'exercice de ces fonctions à six ans consécutifs et, surtout, à douze ans sur l'ensemble de la carrière, on renforce la précarité. Ce faisant, on touche à l'inamovibilité et donc, indirectement, à l'indépendance de la magistrature, car l'impossibilité de changer l'affectation d'un magistrat sans son accord est une des garanties de cette indépendance. Ce point justifie donc également un renvoi du texte en commission.

Par ailleurs, les quatre amendements gouvernementaux portant sur le statut de la magistrature sont issus d'un projet de loi organique en attente d'examen, qui comporte également des dispositions relatives aux juges de proximité, lesquels, je le rappelle, ont été créés par une loi organique de 2003 modifiant l'ordonnance de 1958 portant statut de la magistrature. Actuellement, les juges de proximité, qui aident les magistrats de plein exercice – et il n'y a là rien de péjoratif pour les premiers –, ne peuvent, aux termes de l'article 41-19 de l'ordonnance de 1958, exercer plus de sept ans. Or, leur création datant de 2003, bon nombre d'entre eux arrivent à la fin de cette carrière extrêmement courte de sept ans. Le projet de loi organique initial prévoyait de porter la durée maximale de leurs fonctions à deux fois cinq ans, soit dix ans. En s'abstenant de faire voter ce texte, on se prive donc de juges de proximité en poste et dotés d'une certaine expérience. Cette difficulté supplémentaire justifie, là encore, le renvoi du texte en commission afin qu'il soit amélioré.

Enfin, je veux dire un mot d'un amendement, déposé par M. Dosière et cosigné par d'autres membres du groupe SRC, dont moi-même, visant à introduire dans le statut de la magistrature l'interdiction pour les magistrats de recevoir certaines décorations, telles que la légion d'honneur et le mérite. Cette interdiction, qui frappe les parlementaires, est un hommage à la magistrature, car il s'agit de souligner la nécessité de son indépendance. Il est donc tout à fait extraordinaire de qualifier cette mesure de vexatoire.

Photo de Bernard Accoyer

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe UMP.

Photo de Philippe Houillon

Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte proposé par le groupe GDR, qui ne tend à rien de moins qu'à supprimer la Cour de justice de la République et l'inviolabilité dont bénéficie le Président de la République pendant son mandat. Je le dis immédiatement : ce texte ne peut recueillir notre accord et nous ne le voterons pas.

La réforme constitutionnelle de 2007 a retenu un dispositif équilibré, conforme à celui de la quasi-totalité des pays démocratiques ; nous en avons débattu et nous avons modifié les articles 67 et 68 de la Constitution. L'article 67 consacre le principe de l'irresponsabilité du Président de la République pour les actes accomplis en cette qualité. Cette irresponsabilité est définitive mais limitée dans son champ. Le même article établit, en outre, un régime d'inviolabilité absolue, mais temporaire, du chef de l'État. Quant à l'article 68, il permet à la Haute Cour de destituer le Président de la République « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ». Cette double protection est conforme à l'esprit de notre constitution aux termes de laquelle le Président de la République est la clé de voûte de notre système institutionnel. L'importance de ses fonctions justifie qu'il puisse exercer le mandat dont il est investi en toute indépendance, à l'abri de toute pression qui l'empêcherait de mener à bien sa mission. Il ne peut être considéré comme un justiciable comme les autres.

En fait, la seule innovation véritable de la proposition de loi se situe dans le régime de l'inviolabilité du Président de la République, à laquelle elle souhaite mettre fin en permettant la poursuite du chef de l'État pour les actes commis antérieurement à l'exercice de ses fonctions ou qui n'ont aucun lien avec celles-ci et en sont détachables, ainsi que son arrestation et son incarcération après autorisation de l'Assemblée nationale. Cela pose nombre de problèmes, notamment du fait de la séparation des pouvoirs. Et puis, la réponse existe déjà : si le chef de l'État a commis un acte d'une gravité telle qu'elle pourrait conduire à son incarcération, c'est la procédure de l'article 68 qui serait utilisée pour mettre fin à son mandat. Des réponses existent donc déjà, dans les textes que nous avons adoptés récemment et encore dans celui que la commission des lois a voté il y a une dizaine de jours à peine.

Quant à la suppression de la Cour de justice de la République, notre collègue Noël Mamère nous a expliqué en commission que rien ne justifie que les membres du Gouvernement bénéficient d'un privilège de juridiction leur permettant d'être jugés par des magistrats et des parlementaires pour des infractions de droit commun commises dans l'exercice de leurs fonctions. Mais, malgré tout, il maintient un système dérogatoire de filtre qui, au bout du compte, ressemble à s'y méprendre à la commission des requêtes de la Cour de justice de la République. C'est bonnet blanc et blanc bonnet.

Voilà pourquoi nous ne soutiendrons pas un texte qui, en l'état, ne présente strictement aucune utilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Dominique Raimbourg

En tout état de cause, cette question fera partie du débat public qui animera la campagne présidentielle. Je pense notamment au statut du parquet et à la nécessaire interdiction des instructions individuelles ou à la nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature. En effet – et ce n'est pas une attaque contre vous, monsieur le ministre –, jamais la magistrature n'aura été traitée avec autant de désinvolture – et le mot est faible – que durant ce quinquennat. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.

Photo de Philippe Gosselin

Monsieur Raimbourg, vous êtes modéré, d'habitude !

Photo de Jean-Jacques Urvoas

La proposition de loi défendue par Noël Mamère pose une question assez simple : le Président de la République n'est pas un citoyen ordinaire ; doit-il être un justiciable ordinaire ?

Dans la plupart des régimes démocratiques, la réponse va de soi. Si les chefs d'État bénéficient d'une irresponsabilité politique, ils sont, pour les actes commis en dehors de leur fonction, soumis aux juridictions de droit commun moyennant une procédure de filtrage. C'est le cas en Allemagne, où le Président peut être traduit devant les tribunaux ordinaires selon le même mécanisme que les parlementaires – ce sont les articles 46 et 60 de la Loi fondamentale. C'est le cas aussi en Autriche, où le Président est élu comme en France au suffrage universel. Après accord du Parlement, les poursuites sont permises devant les tribunaux de droit commun. Aux États-Unis, sur le plan civil, la Cour suprême a expressément reconnu, dans une décision de 1997, la justiciabilité présidentielle.

Tel n'est pas le cas dans notre pays. La révision constitutionnelle a édifié en 2007 une muraille totalement étanche entre le Président et l'autorité judiciaire. Que ce soit pour la plus banale des affaires de droit commun, tel le défaut de paiement des loyers, ou la plus grave, tel le crime de sang, en passant par des délits mineurs – par exemple, un excès de vitesse –, le chef de l'État bénéficie d'une immunité judiciaire absolue : il ne s'agit pas seulement des poursuites, puisqu'il ne peut même pas être requis de témoigner devant une juridiction !

Par contre, il peut parfaitement porter plainte. L'actuel chef de l'État ne s'en prive d'ailleurs pas, rompant ainsi avec une tradition presque constante de la Ve République. Ainsi, au cours des deux premières années de son mandat, Nicolas Sarkozy a engagé des procédures privées : en octobre 2007, contre un fabricant de tee-shirts ; en janvier 2008, contre une compagnie aérienne pour atteinte au droit de l'image ; en février 2008, contre le site internet du Nouvel Obs pour faux et usage de faux à la suite de la publication du contenu d'un SMS ;…

Photo de Dominique Raimbourg

Cet hommage à la magistrature est donc bien nécessaire. Mais, encore une fois, cette question fera l'objet d'un débat lors de la campagne présidentielle, qui nous occupera ce printemps.

Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles je vous demande de voter cette motion de renvoi en commission.

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cette motion de renvoi en commission.

Photo de Jean-Jacques Urvoas

…en octobre 2008, contre une maison d'édition pour violation du droit à l'image car elle commercialisait des poupées vaudous à son effigie ; en décembre 2008, contre l'ancien directeur des renseignements généraux, pour atteinte à la vie privée.

Photo de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Photo de Jean-Paul Garraud

Ces plaintes n'étaient pas infondées !

Photo de Philippe Gosselin

Mon intervention sera brève, madame la présidente. Je ne veux pas rallonger les débats et je m'exprimerai plus longuement dans la discussion générale.

Nous avons largement débattu, en commission, de ce texte dont je rappelle qu'il a pour objet d'appliquer mécaniquement à la magistrature la réforme des retraites prévue pour les trois fonctions publiques. Il nous faut en effet traduire, sans précipitation, sereinement, cette évolution dans le statut des magistrats. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer le texte en commission.

Quant à la question de l'indépendance du parquet, de la magistrature ou, de façon plus générale, de la justice, elle sera en effet un élément du débat présidentiel ; nous aurons donc l'occasion d'y revenir. Je dirai quelques mots, dans la discussion générale, de l'amendement de notre collègue Dosière, qui vise à interdire aux magistrats de recevoir certaines décorations. Il s'agit d'une mesure vexatoire et inutile. Ou alors retirons leurs décorations à nombre de hauts fonctionnaires et de personnels civils et militaires ! De toute façon, ce n'est pas l'objet du débat de ce jour.

Pour ces différentes raisons, le groupe UMP ne votera pas la motion de renvoi en commission.

Photo de Jean-Jacques Urvoas

Mais le Président de la République peut aussi se constituer partie civile, et même obtenir des condamnations. Ce fut le cas en janvier 2010, quand la Cour d'appel de Versailles a condamné une personne reconnue coupable d'une escroquerie à sa carte bancaire.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Photo de Michel Hunault

Manifestement, le parti socialiste est embarrassé. Notre excellent collègue Raimbourg, qui connaît bien les questions de justice, apparaît en effet bien esseulé : il est le seul membre du groupe SRC à être présent en séance publique.

Cher collègue Raimbourg, le texte que nous examinons vise à améliorer le statut des magistrats. Vous dénoncez des cavaliers législatifs, mais, s'ils apportent une amélioration, peu importe. On peut être dans l'opposition et reconnaître les avancées proposées par le Gouvernement.

Par ailleurs, vous voulez interdire l'attribution de certaines décorations aux magistrats. En tant qu'ancien avocat, renommé, vous connaissez pourtant les mérites de ces derniers, qui vouent leur vie à la justice. Pourquoi vouloir les priver de toute distinction ? Cette question fera partie du débat présidentiel, dites-vous. Chiche ! Nous aurons en effet l'occasion, dans les mois qui viennent de faire le bilan de cette législature ainsi que de la précédente. Nous pourrons ainsi évoquer l'augmentation du budget de la justice – vous vous êtes opposés à tous les textes – ou les avancées dont ont bénéficié les garanties individuelles. Surtout, je veux saluer, au nom de mes collègues du groupe du Nouveau centre, M. le garde des sceaux, qui a le désir personnel d'améliorer les conditions de travail et le recrutement des magistrats, dont la mission est difficile et le rôle essentiel pour la cohésion de notre pays.

Aussi avez-vous eu, mon cher collègue, des mots malheureux – qu'il faut sans doute mettre sur le compte de l'improvisation – en évoquant l'âge des magistrats qui, en fin de vie, coûteraient plus cher aux finances de la nation. Ces mots, qui resteront au Journal officiel, sont quelque peu vexatoires et déplacés lorsqu'on sait la noblesse de la fonction des magistrats.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Photo de Jean-Jacques Urvoas

Ce fut encore le cas en juillet 2010, quand le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Sonora Média, éditrice d'un journal satirique pastiche du Monde.

Un tel déséquilibre – bénéficiaire d'une immunité d'un côté, procédurier de l'autre – peut-il se poursuivre ? Nous ne le pensons pas. Une conception aussi étendue de l'irresponsabilité présidentielle nous semble contraire au principe du droit au procès équitable posé par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Évidemment, il faut protéger le Président de la République pour les actes qui relèvent de sa fonction. Mais il est tout aussi logique qu'un « Président de la République réponde pénalement des actes détachables de sa fonction devant les juridictions de droit commun ». Je viens de citer Jean Foyer, juriste aussi respectueux de la fonction présidentielle qu'attaché aux institutions de la Ve République.

Or le Président de la République est actuellement le seul Français, le seul élu « sous cloche immunisante » comme le disait Robert Badinter en février 2007. Il ne répond de rien pendant la durée de son mandat.

Certes, je le concède aisément, il ne peut exister de système juridique pleinement satisfaisant pour traiter d'une situation qui ne devrait pas se rencontrer : celle d'un Président ayant maille à partir avec les tribunaux.

Aussi, ne serait-il pas plus simple d'en revenir à une évidence, c'est-à-dire au principe fondamental du droit civil en vertu duquel tous les Français sont égaux devant la loi civile ? Cela s'appliquait sous Napoléon ; cela devrait pouvoir être encore valable sous Nicolas Sarkozy.

Ce texte le propose ; le principe nous sied ; des modalités étaient discutables, mais le Gouvernement a refusé que le débat ait lieu. Nous allons donc voter en faveur de cette proposition de loi, qu'il faut entendre comme le souhait de réformer le statut du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Photo de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Gosselin.

Photo de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

(Il est procédé au scrutin.)

Photo de Philippe Gosselin

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi organique dont nous débattons vise à appliquer aux magistrats l'accélération du calendrier de la réforme des retraites prévue pour les agents des trois fonctions publiques. La situation de nos finances publiques, dans le contexte de crise financière que nous connaissons, nous a en effet conduits à engager cette accélération et à annuler le dispositif de la décote. Ce faisant, nous avons tenu un discours réaliste. C'est ce discours qui était attendu, et non les propositions oiseuses et démagogiques que nous avons entendues.

Le Gouvernement a présenté, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, un amendement appliquant le relèvement de deux ans une génération plus tôt. Nous avons ainsi décidé que la limite d'âge des fonctionnaires passerait à soixante-sept ans dès la génération 1955. Cet amendement s'applique déjà aux magistrats pour ce qui concerne l'âge d'ouverture des droits. En revanche, s'agissant de la limite d'âge, qui fait partie intégrante de leur statut, une loi organique est juridiquement indispensable. Certes, l'impact de cette réforme sur les départs à la retraite des magistrats sera limité, mais elle se traduira nécessairement par une diminution des dépenses de pensions des agents de l'État – et c'est accessoirement le but recherché.

Surtout, si le groupe UMP s'apprête à voter ce texte, c'est parce qu'il va simplement dans le sens de l'équité attendue. Ce projet de loi n'est en effet qu'une application mécanique à la magistrature d'un dispositif déjà voté. Afin que la mesure s'applique aux magistrats de l'ordre judiciaire, une loi organique est nécessaire, d'où ce projet de loi. En effet, afin de garantir l'indépendance de la justice, l'article 64 de notre Constitution dispose qu'« une loi organique porte statut des magistrats ».

Mes chers collègues, il s'agit uniquement d'acter cette évolution ; le débat politique a déjà eu lieu ; c'est, du reste, la raison pour laquelle un renvoi du texte en commission ne se justifie pas. Il fallait sauver notre système de retraite par répartition et réaliser des économies supplémentaires dans le cadre de la maîtrise des dépenses publiques ; nous l'avons fait. Il ne s'agit donc ici que d'une application formelle, afin d'aligner le régime applicable aux magistrats sur celui des autres fonctionnaires. D'ailleurs, la limite d'âge des magistrats a connu, au cours des cinquante dernières années, les mêmes évolutions que celle de l'ensemble des agents de l'État, et il serait injuste que les magistrats ne participent pas à l'effort collectif.

Ainsi, le dispositif laisse inchangée la limite d'âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952. En revanche, pour les magistrats nés à compter de cette date, l'accélération du relèvement de la limite d'âge interviendra à raison d'un mois pour ceux nés en 1952, de deux mois pour ceux nés en 1953, de trois mois pour ceux nés en 1954 et de quatre mois pour ceux nés en 1955. La limite d'âge à soixante-sept ans s'appliquera pleinement pour les magistrats nés à compter de 1955.

Par ailleurs, sur proposition du Gouvernement, la commission des lois a introduit dans ce projet de loi organique les articles 2, 4, 5 et 6 nouveaux. Je récuse évidemment le terme de cavaliers législatifs, qu'il aurait fallu signer d'« un Z qui veut dire Zorro », si j'ai bien compris notre collègue Raimbourg. Je remarque, du reste, que celui-ci a quitté l'hémicycle et que, de ce fait, les bancs de l'opposition sont vides : cela valait la peine de défendre une motion de renvoi en commission…

Ces articles nouveaux, relatifs au statut de la magistrature, sont, et je le dis sans risque d'être contredit par l'opposition – j'enfonce le clou – des dispositions d'ajustement, qui répondent notamment à la jurisprudence du Conseil d'État et présentent des avancées réelles pour le statut de la magistrature. Ces dispositions sont d'ailleurs présentes dans le projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, qui a été enregistré à la présidence de l'Assemblée le 27 juillet 2011. Toutefois, celui-ci risque de ne pouvoir être examiné par les deux chambres avant la fin de la législature. Il convenait donc d'introduire ces mesures dans le texte qui nous est soumis, car, quoi qu'on en dise sur les bancs de l'opposition, elles sont attendues par les magistrats.

Ainsi, l'article 5 nouveau permettra la création effective du « comité médical national » propre aux magistrats, dont le décret d'application ne peut être pris en l'état actuel du droit. L'article crée également un comité médical national d'appel, spécifique aux magistrats, afin de contester, toujours dans une logique d'équité par rapport aux autres agents publics, les avis du comité médical national.

Autre exemple : l'article 6 nouveau vise à assurer la réussite de l'obligation de mobilité, prévue pour l'accès aux emplois hors hiérarchie. En redéfinissant l'objet de la mobilité statutaire, l'article permet aux magistrats d'accomplir leur mobilité auprès de juridictions administratives, financières ou internationales, qui sont actuellement les principales destinations des détachements. Par ailleurs, l'article porte à deux ans la durée de cette période de mobilité statutaire, au lieu d'un an renouvelable une fois. Enfin, il précise que les services accomplis au titre de la mobilité statutaire sont assimilés à des services effectifs dans le corps judiciaire. Il s'agit notamment de favoriser la mobilité vers le secteur privé, conformément à l'esprit de la réforme de 2007.

Enfin, je veux évoquer une disposition qui, bien qu'elle puisse paraître anecdotique aux yeux de certains, est toutefois source de polémique : la commission des lois a adopté un amendement de notre très estimé collègue René Dosière qui, toujours prêt à pourchasser les abus – ce qui l'amène parfois à vouloir défendre l'indéfendable –, propose d'interdire aux magistrats de l'ordre judiciaire, pendant et au titre de leurs fonctions, de recevoir la Légion d'honneur, la médaille militaire ou la médaille de l'ordre national du Mérite.

Garantir l'indépendance de la justice par rapport à l'exécutif est, certes, un objectif louable, mais je ne suis pas certain que cette disposition y contribue. Non seulement les magistrats sont déjà soumis à des règles de déontologie, mais par ailleurs, en adoptant cette disposition, nous n'avons pas respecté l'équité que ce texte entend porter. En effet, la disposition votée ne concerne que les magistrats judiciaires. Or, la question de l'indépendance se poserait dans les mêmes termes pour l'ensemble des agents publics placés en situation de juger, à commencer par ceux qui jugent les actes des personnes publiques ou les agents eux-mêmes, comme les membres des juridictions administratives ou les magistrats financiers, mais aussi les membres des autorités administratives indépendantes ou encore les juges non professionnels que sont les conseillers prud'homaux, les juges consulaires et les juges de proximité.

Du reste, introduire la médaille militaire dans le débat paraît totalement déplacé, puisque l'attribution de cette décoration répond à des critères très précis : ne peuvent la recevoir que les sous-officiers et les maréchaux de France, en récompense d'actions d'éclat au combat. Cela n'a strictement rien à faire dans un texte portant réforme de la retraite des magistrats ! C'est la raison pour laquelle il me semble opportun de revenir sur cette disposition au demeurant totalement vexatoire, comme je le disais tout à l'heure.

À l'exception de cet amendement adopté par la commission des lois, sur lequel je souhaite que l'on revienne, le groupe UMP soutient totalement le texte proposé, un texte d'équité qui permettra, par un effet mécanique, de faire rentrer les magistrats dans le droit commun de la retraite – ni plus, ni moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 433

Nombre de suffrages exprimés 426

Majorité absolue 214

Pour l'adoption 146

Contre 280

(La proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.)

Photo de Michel Hunault

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été fort bien dit par M. le garde des sceaux, M. le rapporteur et notre collègue Gosselin, nous débattons, un an après la réforme des retraites, d'un projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire, la question étant de savoir s'il est opportun de relever cette limite d'âge.

Les dispositions que le Gouvernement nous propose de voter découlent de la loi portant réforme des retraites qui, dans une démarche de responsabilité vis-à-vis des générations futures, et afin d'assurer l'équilibre financier du système, avait, d'une part, relevé de 60 à 62 ans l'âge d'ouverture de droits à la retraite en 2018 et, d'autre part, relevé l'âge auquel est attribuée une retraite à taux plein. Cette réforme avait, je le rappelle, recueilli l'approbation unanime des députés du Nouveau Centre.

Suite à cette réforme, un projet de loi organique, adopté par notre assemblée l'an passé, avait reculé la limite d'âge des magistrats de deux années. Afin de garantir le maintien de l'indépendance de l'autorité judiciaire contre des modifications de circonstance, la Constitution prévoit, en son article 64, de recourir à un projet de loi organique distinct lorsqu'il s'agit de modifier le statut des magistrats et leurs limites d'âge. C'est là une garantie fondamentale de l'indépendance des magistrats, ce qui justifie que la commission des lois ait été saisie de ce texte.

Le projet de loi organique que nous examinons ne remet pas en cause la limite d'âge prévue par la loi du 10 novembre dernier, mais en modifie le calendrier. En effet, elle vise à appliquer aux magistrats l'accélération proposée récemment par le Gouvernement dans le cadre de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 du calendrier de relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite. Ainsi, la limite d'âge à 67 ans s'applique désormais pleinement pour les magistrats nés à compter de 1955.

L'article 1er de ce texte définit donc les modalités d'élévation progressive de la limite d'âge pour les magistrats nés après 1952. En revanche, il ne porte pas sur l'âge d'ouverture des droits à pension des magistrats, qui demeure, je le rappelle, fixé à 62 ans, conformément à la loi portant réforme des retraites. Je vous confirme, monsieur le garde des sceaux, que les députés du Nouveau Centre voteront cette réforme.

Je veux saluer le choix du Gouvernement d'avoir fait figurer dans ce projet de loi des dispositions qui me paraissent très utiles – contrairement à notre collègue Raimbourg, qui n'y voit que des cavaliers législatifs. Ainsi, les dispositions visant à la mobilité des magistrats, à la création d'un comité médical, à l'accès à la Cour de cassation, constituent très objectivement, des progrès attendus pour les magistrats.

Photo de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Photo de Michel Hunault

Pour justifier l'opposition du groupe socialiste au texte, M. Raimbourg a évoqué l'indépendance des magistrats. Monsieur le garde des sceaux, les débats relatifs aux élections présidentielle et législatives vont nous donner l'occasion d'évoquer cette question. Pour ma part, je considère que c'est faire injure à l'ensemble des magistrats de France que de remettre sans cesse en cause leur indépendance. La mission confiée aux magistrats, consistant à appliquer la loi, est extrêmement difficile. Les magistrats du parquet veillent, en ce qui les concerne, à l'uniformité de l'application de la politique pénale voulue par le Gouvernement et la majorité. Je crois que remettre systématiquement en cause leur indépendance équivaut à les insulter.

Je me réjouis que l'amendement visant à faire des magistrats la seule catégorie de Français ne pouvant avoir l'honneur de se voir décerner certaines décorations par la République – notamment l'ordre de la Légion d'honneur ou l'ordre national du Mérite – soit retiré. Le dévouement de ces hommes et de ces femmes, contribuant à assurer la cohésion de la Nation, n'est plus à démontrer, eux qui, bien souvent, ont accompli 35 heures de travail dès le mercredi – et en font évidemment autant durant la deuxième moitié de la semaine –, eux qui permettent que des audiences se tiennent jusque tard le soir, avec le concours des greffiers.

Le texte que nous examinons a pour objet de régler un problème difficile, celui consistant à assurer la pérennité des retraites. Il me semble que, dès lors, nos collègues de l'opposition auraient été bien avisés de montrer davantage de prudence. Qui a eu le courage de mettre en oeuvre une réforme des retraites au cours des dix dernières années, si ce n'est l'actuelle majorité ? Cette réforme a pour objet de préserver le financement du système de retraite par répartition, dans lequel les personnes qui travaillent payent la retraite de ceux qui ne travaillent plus.

Photo de Michel Hunault

En Europe, des gouvernements socialistes qui avaient remis en cause le nombre de fonctionnaires, abaissé le montant des pensions, retardé l'âge de la retraite, ont été balayés par les électeurs. Vous, monsieur le garde des sceaux, pouvez être fier de disposer d'une majorité qui vous défend. Nous aurons, dans les semaines à venir, un débat devant le peuple français, qu'il n'est sans doute pas inutile de commencer dès maintenant, dans notre hémicycle. C'est pourquoi, au nom du groupe Nouveau Centre, je vous apporte notre soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Mme Danielle Bousquet, M. Guy Geoffroy et plusieurs de leurs collègues réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution (3522).

Photo de Jean-Jacques Candelier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi organique a pour objectif d'étendre l'accélération de la funeste réforme des retraites aux magistrats de l'ordre judiciaire.

Photo de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Danielle Bousquet.

Photo de Philippe Gosselin

La réforme des retraites n'a rien de funeste !

Photo de Danielle Bousquet

Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, mes chers collègues, c'est avec une certaine fierté et aussi beaucoup d'émotion que je prends aujourd'hui la parole devant vous pour défendre cette proposition de résolution.

Il s'agit de réaffirmer que les principes de l'abolitionnisme, officiellement adoptés par la France, doivent être proclamés haut et fort, à une époque où la prostitution semble se banaliser en Europe.

Cette position est un préalable indispensable à l'adoption de mesures efficaces de lutte contre la traite de la personne humaine, le proxénétisme et les réseaux de prostitution, et contre le sexisme qui est encore largement présent dans nos sociétés.

Il était nécessaire de réaffirmer que nous voulons aller vers une société libérée de la prostitution, tout simplement parce que, depuis plusieurs années, la position de la France apparaissait comme floue sur la scène internationale, en particulier du fait de la loi relative à la sécurité intérieure qui, en 2003, avait instauré le délit de racolage passif, ce qui avait pour effet de transformer en délinquantes passibles d'une forte amende, voire de prison, les personnes prostituées et victimes de la traite des êtres humains.

Si nous revendiquons à nouveau aujourd'hui la France abolitionniste, c'est pour affirmer que notre pays refuse la réglementation de la prostitution, que nous voulons mettre l'accent sur la prévention de la prostitution et sur la réinsertion des personnes prostituées, et faire en sorte que rien ne fasse obstacle à une société libérée de la prostitution. C'est d'ailleurs l'ambition de la France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Ce refus initial de la France implique que toutes les règles de droit qui seraient susceptibles d'inciter à la prostitution disparaissent. Tout doit être mis en oeuvre pour proposer des alternatives crédibles à la prostitution, afin de rétablir la liberté de choix des personnes prostituées qui souhaitent cesser cette activité. Qui plus est, leurs droits fondamentaux doivent être garantis, quelle que soit leur situation administrative, et, au premier rang de ces droits, celui de pouvoir porter plainte et d'accéder à la justice.

C'est donc d'une vision politique de l'abolition que nous voulons nous prévaloir, celle qui nous fait dire dans quel type de société nous voulons vivre.

La France est devenue abolitionniste en choisissant de fermer les maisons closes en 1946 et en ratifiant, en 1960, la Convention de l'ONU de 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de 1'exploitation de la prostitution d'autrui. À l'époque, le contexte était devenu plus favorable à la protection des droits et à la liberté des personnes – en particulier des femmes. Nous percevons bien ici le lien historique, voire consubstantiel, qui existe entre le système abolitionniste et l'égalité entre les femmes et les hommes.

Et pourtant, en ce début de XXIe siècle, la prostitution et les trafics qui lui sont intimement liés ont atteint des proportions inédites dans l'histoire de l'humanité. Cette situation découle de la mondialisation du libre marché, qui a permis à des mafias d'étendre leurs réseaux d'affaires en utilisant des étrangères sans papiers et qui a aussi rendu plus facile le travail des trafiquants.

En France, ces trafiquants sont rarement français. Ils viennent le plus souvent des pays d'origine des victimes : les Russes fournissent des Russes et des Ukrainiennes ; les Nigérians exploitent des femmes de leur propre pays. Partout en Europe, les pays qui proposent la légalisation du commerce du sexe sont bien conscients que ce ne sont pas leurs propres ressortissantes qui sont prostituées, mais les femmes d'autres pays qui sont prêtes à tout pour survivre.

Cette proposition de résolution est l'aboutissement d'un long travail, réalisé en étroite collaboration avec mon collègue Guy Geoffroy, travail qui a permis qu'elle soit cosignée par tous les présidents de groupe de l'Assemblée nationale et, pour le groupe GDR, par les représentants de chacune de ses composantes. Elle est la concrétisation de l'important travail de documentation mené au cours des huit mois de son élaboration.

Nous avons rencontré plus de deux cents personnes, dont une quinzaine de personnes prostituées ou s'étant prostituées. À l'occasion de chacun de nos déplacements, nous avons souhaité rencontrer tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse d'associations qui viennent en aide aux personnes prostituées, d'infirmiers, de médecins, de policiers ou d'associations de personnes prostituées. Nous avons en outre auditionné, bien sûr, les ministres français de la cohésion sociale, de la justice et de l'intérieur.

Nos déplacements à l'étranger ont certainement été l'aspect le plus intéressant de nos travaux. Nous nous sommes ainsi rendus en Belgique, aux Pays-Bas, en Suède et en Espagne. Nous avons pu voir, je le souligne, toute la mosaïque des réponses apportées à la prostitution, depuis la zone industrielle de La Jonquera, de l'autre côté de la frontière espagnole, où se concentrent certains des plus grands bordels d'Europe, jusqu'aux rues de Stockholm, en passant par les quartiers rouges de Bruxelles et de La Haye et les puticlubs de Madrid.

Ce travail a été pour nous une véritable aventure humaine. Il nous a donné à voir l'exploitation la plus vile de l'homme par l'homme, mais aussi les capacités de résilience hors normes de certaines personnes prostituées, et l'engagement passionné – parce que la question de la prostitution passionne – de nombreuses personnes, que ce soit pour l'abolition de la prostitution, pour sa reconnaissance en tant que métier ou tout simplement pour venir en aide aux personnes prostituées. À plusieurs reprises, nous avons vu la détresse absolue de femmes et d'hommes qui faisaient littéralement figure de survivants de la prostitution et qui ne pouvaient évoquer cette expérience sans souffrances et sans larmes.

Ce que notre travail nous a permis de constater, tout d'abord, c'est que la plus grande part de la prostitution – en Europe occidentale tout au moins – est le fruit de la traite des êtres humains. Le nombre de personnes prostituées en France est difficile à établir, mais on l'estime à environ 20 000, dont 85 % de femmes, 90 % de celles-ci étant étrangères, le plus souvent en situation irrégulière, avec des réseaux qui sont bien connus des services de police.

Rappelons que, dans les années quatre-vingt-dix, les personnes prostituées étaient françaises à 80 %. C'est dire l'évolution de la nature de la prostitution en vingt ans et la nécessité de réaffirmer aujourd'hui notre position abolitionniste, compte tenu de cette nouvelle situation.

Ces personnes prostituées sont donc étrangères, victimes de la traite, et le plus souvent, elles arrivent en Europe occidentale sans savoir ce qui les attend, pensant travailler comme serveuses, comme femmes de ménage. Dans quelques cas, elles savent qu'elles devront se prostituer, mais elles ignorent dans quelles conditions.

D'autres sont vendues par leur famille à des réseaux et subissent ce que l'on appelle un parcours de dressage. Celles qui viennent d'Afrique subsaharienne sont « envoûtées » par le biais d'un rite vaudou. Dans tous les cas, des menaces pèsent sur leur famille, ce qui les asservit totalement.

Il est vrai, aussi, que la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle ne recouvre pas l'intégralité des situations de prostitution, puisque l'on trouve aussi des jeunes, en rupture familiale ou exclus socialement, des personnes en grande précarité économique ou encore en grande vulnérabilité psychologique du fait de violences sexuelles subies antérieurement.

Nous avons analysé ces réalités de la prostitution à l'aune de ces principes les plus fondamentaux de notre droit que sont la non patrimonialité du corps humain et son intégrité, à l'aune, aussi, du principe constitutionnel d'égalité entre les femmes et les hommes.

Accepter, voire promouvoir, l'existence d'une sous-classe de femmes qui n'auraient pas les mêmes droits que les autres contrevient absolument à l'affirmation de cette égalité. Ces personnes prostituées sont le plus souvent exploitées par des réseaux, toujours surexposées aux risques de contamination par le VIH, à la violence des clients, des proxénètes et de la société tout entière. Quand la société considère que le corps des femmes peut être une marchandise comme une autre, il n'est pas possible de penser les rapports entre les femmes et les hommes de manière égalitaire. Il n'y aura jamais d'égalité, de parité, de respect des femmes, de toutes les femmes, tant que certaines d'entre nous verront leur corps mis en vente ou en location, seront enfermées dans une réserve, dans un système d'exploitation à des fins de profit.

La prostitution est un asservissement, une violence, principalement une violence contre les femmes, et c'est ainsi qu'elle fait gravement obstacle au principe d'égalité.

Si la prostitution peut sembler lointaine, si, pour certains, elle n'est pas un problème, c'est parce que nos proches y sont rarement impliqués. La banalisation actuelle de la prostitution chez les jeunes, qu'ils soient lycéens ou étudiants, à une époque où la précarité s'aggrave, devrait pourtant interpeller tous les citoyens.

Ce que nous voulons voir affirmer devrait être une évidence : le corps humain n'est pas une marchandise et l'on doit avoir la liberté de disposer de son corps, pas de celui de l'autre.

C'est pourquoi il faut expliquer aux enfants, dès leur plus jeune âge, qu'une personne ne peut être ni achetée, ni vendue, ni exploitée. Car, dans nos sociétés, les garçons continuent d'être socialisés de manière à devenir de potentiels clients de la prostitution : l'usage de la pornographie, l'image des femmes, la banalisation des établissements de « commerce du sexe » y contribuent. La prostitution ne pourra donc régresser que lorsque prévention et éducation permettront au client d'être informé du rôle qu'il joue et de sa responsabilité dans la perpétuation du système prostitutionnel.

Voter la résolution que nous vous proposons, mes chers collègues, c'est vouloir que la France, sans régir les comportements des individus, affirme un certain nombre de valeurs collectives, comme le refus d'organiser et de promouvoir la marchandisation des êtres humains, comme l'égalité entre les femmes et les hommes, comme le respect de soi et de l'autre. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Photo de Jean-Jacques Candelier

Cette nouvelle entaille dans le droit à la retraite devait-elle être immédiatement appliquée aux magistrats, qui ne sont que 8 500 en France ?

Photo de Philippe Gosselin

Et alors ? Il n'y a pas de raison pour qu'ils fassent exception !

Photo de Jean-Jacques Candelier

L'examen de ce texte nous donne l'occasion de redire notre opposition la plus totale à l'accélération du recul de l'âge de départ à la retraite, que ce gouvernement a fait passer par des amendements au PLFSS.

Alors même que la réforme des retraites de 2010 a fait de la France le pays le plus sévère d'Europe en la matière…

Photo de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, je fais maintenant annoncer la clôture du scrutin pour l'élection de deux représentants supplémentaires au Parlement européen.

Photo de Jean-Jacques Candelier

Si vous n'êtes pas d'accord avec ce que j'affirme, je vous invite à me donner des exemples montrant que j'ai tort !

Alors même, disais-je, que la France est devenue le pays le plus sévère d'Europe en matière de retraites, vous trouvez le moyen d'enfoncer encore un peu plus la tête des salariés sous l'eau !

Parce qu'elle couple le recul des bornes d'âge avec l'allongement de la durée de cotisation, cette réforme a assené un double coup sur la tête des Français. Elle conduira, à terme, à un appauvrissement général de la population, excepté pour la minorité la plus riche et pour les gestionnaires des mutuelles privées, comme M. Guillaume Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

Nous poursuivons l'examen de la proposition de résolution.

Photo de Jean-Jacques Candelier

C'est d'autant plus absurde que ceux-là mêmes qui devaient partir à la retraite sont les plus touchés par le chômage : en un an, le nombre de chômeurs de plus de 50 ans a augmenté de 14 %.

Photo de Catherine Vautrin

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guy Geoffroy.

Photo de Guy Geoffroy

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie Danielle Bousquet, à qui je succède à la tribune, comme je remercie tous les collègues, sur tous les bancs de cette assemblée, qui ont participé aux travaux de notre mission d'information. Ceux-ci constituent déjà pour notre assemblée et constitueront dans un avenir proche pour notre pays une masse considérable de réflexions et d'éléments de mobilisation, à partir desquels il nous faut introduire davantage de responsabilité dans notre société.

« La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. » C'est le préambule de la Constitution de 1946, repris dans celui de celle de 1958, qui le dit.

« La prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine. » Ces propos sont-ils tenus par des pudibonds ou des moralistes de tout poil, dont nous pourrions être et dont la réflexion n'aurait pu trouver d'autre terrain que celui, évident, de ce fameux « plus vieux métier du monde » ? Non : ces propos figurent, à la lettre, dans la Convention de l'ONU du 2 décembre 1949, ratifiée par la France en 1960. À quelques jours près, elle a soixante-deux ans, mais, déjà, à l'époque, elle soulignait ce lien ténu mais permanent qui unit la prostitution et la traite des êtres humains.

« Les convention ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles. » Est-ce là une pétition de principe des pudibonds que j'évoquais ou une règle qu'ils voudraient imposer à la société française ? Non. C'est l'article 16-5 de notre code civil.

On le voit, dans notre pays, les choses ont déjà été dites, et elles doivent être considérées comme ayant déjà une forte valeur politique, qui vaut pour le passé, pour le présent et pour l'avenir.

Pourquoi, dès lors, ajouter, au terme de ce travail dont Danielle Bousquet a superbement rendu compte, cette proposition de résolution et, au-delà, une proposition de loi, comme elle et moi en avons l'intention ? C'est que la question de la prostitution, à propos de laquelle la France assumait et continue d'assumer sa position abolitionniste, pèse d'un poids de plus en plus lourd sur une société qui veut se masquer la réalité, qui a peur de l'affronter – ce que l'on peut comprendre –, et ce fléau risque d'autant plus de se développer que la précarité ne cesse de s'installer.

Tout au long de nos travaux, nous avons passé au crible de nos analyses, de nos constats et de nos réflexions toute une série de ce que l'on pourrait appeler des poncifs, des idées reçues, ces quasi-évidences dont on voudrait conclure qu'il ne sert à rien de prétendre changer les choses et que la prostitution fait bel et bien partie de la vie ordinaire de toute société. Au terme de nos travaux, nous avons la certitude, au contraire, que la prostitution n'est ni une fatalité ni un mal nécessaire.

Elle réduirait, paraît-il, le nombre de viols. Au contraire, il faut en convenir, mes chers collègues, il y a plus de viols dans les comtés du Nevada qui ont réglementé, donc autorisé, la prostitution que dans les autres comtés de cet État américain, qui, eux, ont une position abolitionniste. À l'inverse, le nombre de viols n'a pas augmenté en Suède, où a été mise en place en 1999 une politique responsabilisante, qui menace de sanction les clients de la prostitution. L'idée selon laquelle la prostitution empêche le viol est donc une idée reçue dramatique, contre laquelle il fallait s'élever.

Les prostituées seraient des assistantes sociales, à l'écoute d'hommes atteints d'un besoin irrépressible qu'il faudrait bien satisfaire et auquel elles répondraient. C'est l'une des prostituées que nous avons entendues qui nous a démontré le contraire. « S'il y a des assistantes sociales, nous a-t-elle dit, ce n'est pas pour rien. Nous ne sommes pas des assistantes sociales : notre corps est engagé, on ne se contente pas d'écouter. »

Les clients seraient dans la misère sexuelle. Plus des deux tiers d'entre eux, pourtant, vivent ou ont vécu en couple, et 50 % sont pères de famille. À partir de quand y a-t-il misère sexuelle ? Quelle est donc la définition précise de cette « misère sexuelle » ? Quelle est cette nécessité irrépressible de voir satisfait, moyennement finances, un besoin qui ne le serait pas moins ?

La prostitution serait librement choisie. Nous avons malheureusement la certitude du contraire, à l'issue de l'ensemble des échanges que nous avons eus, partout en Europe, avec des personnes qui ont été prostituées. Toutes nous disent quel fut leur parcours de souffrance, leur parcours de violence, leur parcours de douleur. Toutes restent marquées dans leur vie et leur personne, probablement jusqu'à la fin de leurs jours.

Autre preuve que l'idée d'un libre choix de la prostitution n'est qu'une idée reçue, Ulla, la célèbre prostituée lyonnaise qui prétendait, dans les années 1970, que se prostituer était le summum de la liberté, nous a fait savoir il y a quelque temps que, si nous l'avons crue à l'époque, nous avons été bien sots de le faire, car la quasi-totalité des personnes qui se prostituent y sont contraintes, soit par ceux qui les ont placées dans cette situation, soit par leurs conditions d'existence passées ou présentes.

Alors, oui, Danielle Bousquet a eu raison de le dire et je le réaffirme très tranquillement, sans faire oeuvre de moralisme bêtifiant mais avec toute la responsabilité de l'acteur public que chacun d'entre nous, représentant de la nation, est dans cet hémicycle : la non patrimonialité du corps humain est un principe fondamental de notre démocratie et de notre République. Elle signifie que l'on ne peut pas faire commerce du corps, ni pour le vendre, ni pour l'acheter, ni pour le louer. Je citerai, à cet égard, un client, disant de la prostitution : « C'est comme si on entrait dans un supermarché et qu'on choisissait sa marchandise. On lit l'étiquette, ça plaît ou ça ne plaît pas, on prend, ou on ne prend pas ».

Quant au principe de l'intégrité de la personne humaine, nous avons beaucoup travaillé, dans cette assemblée, sur les violences faites aux femmes. Eh bien, la prostitution est une violence de plus faite aux femmes, une violence de plus faite aux personnes prostituées. Toutes les personnes que nous avons rencontrées nous ont dit que la prostitution les a beaucoup abîmées, probablement pour le restant de leurs jours.

Et puis, il est un autre principe fondamental de notre République : l'égalité entre les sexes.

Alors oui, mes chers collègues, ce que nous proposons aujourd'hui, c'est tout d'abord de réaffirmer la position abolitionniste de notre pays. Même si le débat ne fait que s'ouvrir, on attend notre pays dans ses propres profondeurs, mais aussi en Europe.

Notre position sera déterminante pour qu'un débat à l'échelle européenne mette en cohérence la volonté affichée de tous les peuples et de tous les gouvernements de lutter contre la traite des êtres humains. Car, bien que la traite des êtres humains soit au coeur de 90 % de la prostitution, l'on considère trop souvent que ce sont là deux questions différentes.

Un monde sans prostitution, est-ce une utopie ? Mes chers collègues, j'ai la conviction que non.

Nos amis suédois, puis nos amis islandais et norvégiens ont fait ce parcours de réflexion, de sensibilisation et de conviction. Cela les a amenés à mettre en place non seulement un changement radical de l'optique sociétale mais également des mesures sur une base pénale assurée qui ont conduit à une profonde évolution et à de profondes modifications dans les comportements.

Il n'a pas fallu envoyer un seul Suédois en prison, il n'a pas fallu en condamner beaucoup à des peines d'amendes pour que la prostitution diminue de moitié dans ce pays, sans qu'il soit constaté, par ailleurs, un transfert vers les autres formes de la prostitution.

Mes chers collègues, madame la présidente, madame la ministre, avec cette proposition de résolution, c'est tout simplement la République que nous souhaitons réaffirmer.

La République qui nous dit que l'égalité entre les hommes et les femmes est le chemin obligé de notre avenir. La République qui nous dit que toutes les violences doivent être combattues, notamment les violences de genre et celles dont les femmes sont victimes, qui incluent bien évidemment la prostitution. La République qui nous dit que le corps humain et la personne humaine ne sont pas une valeur marchande, qu'ils sont au-dessus de toutes ces considérations.

En approuvant ce projet de résolution, non seulement nous aurons dit encore plus haut et encore plus fort ce que nous ne cessons de dire officiellement depuis plus de cinquante ans, mais nous aurons probablement marqué une étape importante de la responsabilisation de notre société et, au sein de cette société, de chacun de celles et de ceux qui ont à travailler ensemble pour un avenir plus lumineux, plus démocratique et plus républicain. (Applaudissements sur tous les bancs.)

(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Photo de Jean-Jacques Candelier

Nous refusons de retarder l'âge de la retraite de manière générale au motif d'avancer celui de ceux qui ont un travail pénible. Nous refusons aussi l'idée de l'UMP consistant à prendre à ceux qui ont un peu pour épargner ceux qui ont beaucoup. Votre politique d'austérité conduit au tassement des retraites, à l'explosion de la précarité mais aussi à l'érosion de la croissance et de l'emploi ! Nos retraites sont sacrifiées pour une seule raison : l'obéissance aux marchés. Nous ne l'acceptons pas !

Au train où vont les choses, on peut maintenant craindre le pire. Quand aura lieu le prochain assaut contre les droits des salariés ? À quand le prochain plan de rigueur qui ne règle rien ? Quant au projet de loi que nous nous apprêtons à examiner, quelle sera sa durée de vie avant d'être rendu caduc par un nouveau recul des droits ?

Les magistrats de l'ordre judiciaire vont devoir travailler entre un mois et quatre mois de plus. Certes, ils ne font pas partie des catégories les plus fragilisées par votre politique, et sont épargnés par les difficultés que rencontrent la majorité des salariés du privé ayant atteint l'âge de 50 ans et étant sans emploi.

Si le statut des magistrats oblige le législateur à s'occuper de leur cas dans une loi à part,…

Photo de Jean-Paul Lecoq

Mes chers collègues, aujourd'hui, à cette tribune, nous affirmons que la France ne doit pas se résigner à ce que des hommes et des femmes soient contraints à vendre leur corps.

Prostitution de rue, prostitution étudiante, prostitution sur internet, trafic d'êtres humains : ces réalités sont les différentes facettes d'un même phénomène.

Cosigné par Marie-George Buffet et Martine Billard au nom du groupe GDR, le texte sur lequel nous sommes appelés à nous exprimer porte haut et fort la revendication de l'abolition de la prostitution. Il s'agit là d'un combat de longue date pour le parti communiste français.

Dix-sept associations se sont réunies pour porter le projet d'une loi d'abolition, parmi lesquelles ATTAC ou « Choisir la cause des femmes ».

Ce mouvement réclame dans son appel, « Abolition 2012 », la pénalisation des clients, le renforcement de la lutte contre le proxénétisme ou encore la mise en place de politiques publiques d'éducation.

Avec lui, nous pensons qu'il faut supprimer les mesures répressives mises en place par Nicolas Sarkozy à l'encontre des victimes de la prostitution.

Avec ce mouvement, nous militons pour la mise en place d'un système d'accompagnement social – incluant l'accès à la santé et au logement – et l'ouverture de droits effectifs pour toutes les personnes prostituées, y compris étrangères.

Cet appel a été signé par de très nombreuses féministes ainsi que par beaucoup d'élus communistes et du Parti de gauche. Nous pensons en effet que la France doit s'engager plus avant dans le combat abolitionniste.

Ayant ratifié en 1960 la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, notre pays reconnaît la prostituée comme victime d'un système prostitutionnel et le proxénétisme est condamné par la loi.

Mais en dépit de ce positionnement sur la scène internationale, quel a été le signal envoyé ces dernières années ?

La création du délit de racolage passif par Nicolas Sarkozy et sa majorité UMP a concentré la répression sur les prostituées, fragilisant par là même leur rapport aux clients et aux proxénètes.

La loi sur la sécurité intérieure de 2003 a chassé les prostituées des centres urbains et des quartiers résidentiels, où elles risquaient l'interpellation par les forces de l'ordre. Reléguées à la périphérie des villes, elles se trouvent donc fragilisées, à la merci des agressions comme des mafias.

La totalité des associations traitant de la prostitution, qu'elles soient abolitionnistes ou réglementaristes, réclament depuis près de dix ans la suppression du délit de racolage passif. Il est plus que temps d'agir dans ce sens.

Citons le Mouvement du Nid, association très mobilisée pour l'abolition : « Bien qu'excellente, cette proposition [de résolution] n'est pas à la hauteur de nos attentes puisqu'elle ne demande pas l'abrogation immédiate du délit de racolage. Pour nous, c'est le préalable indispensable à la pénalisation des clients que nous demandons par ailleurs. […] La première mesure d'abolition du système prostitueur doit être la suppression de toute forme de répression à l'encontre des personnes prostituées. » Le message est clair.

À ce sujet, mes chers collègues de l'UMP, je me réjouis que vous ayez cosigné cette proposition de résolution et que vous vous apprêtiez à la voter. Je suis certain que vous faites partie de ceux qui, comme nous, s'opposent à l'expulsion des prostituées sans papiers, et qui refusent d'envoyer les polices municipales déloger les filles des quartiers résidentiels. Je suis persuadé que, comme nous, vous n'approuvez pas la commisération et les discours de charité de certains de nos collègues qui prétendent tendre la main aux personnes prostituées tout en leur rendant par ailleurs la vie impossible.

Voter ce texte, c'est prendre un engagement fort. En effet, trois principes y sont développés.

Premièrement, celui de la non patrimonialité et du refus de la marchandisation du corps, auquel nous, communistes, sommes particulièrement attachés.

Que la sphère de l'échange marchand se soit étendue jusqu'aux relations sexuelles, c'est un autre symptôme, une autre preuve des carences du système capitaliste, plus que jamais créateur d'aliénations.

Que le fétichisme de la marchandise ait triomphé au point de faire du vivant et des organes du corps humain eux-mêmes l'objet de transactions, c'est la preuve qu'il nous faut transformer ce système.

Deuxièmement, il s'appuie sur le principe du respect de l'intégrité du corps humain. Nous considérons en effet que la relation prostitutionnelle induit une violence dont sont victimes les prostituées.

Cette violence se matérialise bien sûr par les agressions physiques auxquelles elles sont exposées, mais aussi par les viols, sans parler de la violence invisible, celle des relations contraintes.

Il ne faut pas oublier que les réseaux de proxénétisme n'exploitent pas seulement des femmes, mais aussi des enfants. La France est d'ailleurs signataire de la Convention internationale des droits de l'enfant qui condamne la prostitution des enfants dans son article 34.

Troisièmement, la présente résolution repose sur le principe de l'égalité entre les sexes. La pierre de touche du combat abolitionniste, c'est de considérer qu'il ne pourra y avoir d'égalité véritable entre les hommes et les femmes tant que la prostitution demeurera. Car la grande majorité des clients sont des hommes et la grande majorité des personnes prostituées sont des femmes.

L'égalité entre les sexes aura beau progresser par les lois, par les actes, dans les mentalités, l'existence des relations de sujétion permises par le système prostitutionnel demeurera une butée, un point d'achoppement empêchant l'achèvement du processus égalitaire.

Il ne peut y avoir d'égalité accomplie entre les sexes sans que soient bannies les possibilités d'emprise mercantile d'un sexe sur l'autre.

Il est à noter que, sur ces fronts, les institutions européennes semblent aller dans la bonne direction. Ainsi, la directive du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 5 avril 2011 a posé les jalons d'un renforcement de la lutte contre la traite dans les pays membres.

Ce texte récent établit des règles minimales pour la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine de la traite des êtres humains. Il introduit des dispositions communes pour renforcer la prévention de cette infraction et la protection des victimes. Il prévoit, dans son article 8 que « les autorités nationales compétentes aient le pouvoir de ne pas poursuivre les victimes de la traite des êtres humains ». Cela doit être entendu sur tous ces bancs.

Puisque, sur ce sujet, les institutions européennes ne promeuvent pas l'extension infinie du marché, ne boudons pas notre plaisir : c'est suffisamment rare pour être souligné.

Les élus du Front de gauche sont conscients que la pénalisation des clients ne saurait à elle seule éteindre les relations prostitutionnelles et améliorer le quotidien des personnes prostituées. Personne ne se fait d'illusion : il ne suffit pas de décréter l'interdiction des relations tarifées entre adultes pour qu'elles cessent soudainement. Les aliénations qui en sont la racine ne seront pas dissoutes par un texte de loi.

Nous demandons donc que l'État mette en place des politiques d'accompagnement social des personnes prostituées, fondées sur des campagnes de prévention, d'accueil et de réinsertion, sur un renforcement des aides au logement et au retour à l'emploi pour les victimes des réseaux de proxénétisme.

Si nous saluons l'indispensable travail des associations sur ces questions, force est de constater que c'est à l'État que devraient incomber de telles missions.

La revendication d'une aide réelle à la sortie de la prostitution est importante, car, une fois voté le principe d'une pénalisation des clients, que deviendront les personnes prostituées, comment et où vivront-elles ? Il faut organiser concrètement la sortie du régime prostitutionnel et ne pas s'en tenir aux déclarations solennelles.

Ce qui importe, c'est aussi de responsabiliser les clients, afin de faire prendre conscience que leur demande maintient et alimente le système prostitutionnel dans son ensemble. Cette responsabilisation doit se faire de façon intelligente, pour ne pas pénaliser encore plus les personnes prostituées, pour ne pas induire une clandestinisation supplémentaire.

Une chose est sûre, il nous faut lutter contre la résignation, celle qui pousse certains d'entre nous à accepter le phénomène prostitutionnel comme un moindre mal.

Le combat abolitionniste sera long et difficile, il n'en reste pas moins qu'il est la seule voie vers l'émancipation des femmes et des hommes. Il est la condition indispensable du progrès humain véritable.

Vous l'avez compris, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche voteront cette résolution en considérant qu'il s'agit là d'un premier pas, et en regrettant – mais le travail législatif se poursuivra avec nos collègues auteurs de la proposition – qu'elle n'envisage pas clairement la suppression du délit de racolage passif. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Photo de Jean-Jacques Candelier

…nous considérons que la question des retraites forme un tout.

Le recul de l'âge de départ à la retraite des magistrats entraînera mécaniquement un allongement du temps passé dans chaque échelon et retardera donc l'accès aux échelons les plus élevés. Cette dilatation des échelons conduira inévitablement à une baisse du pouvoir d'achat tout au long de la carrière.

Il convient d'ailleurs de souligner que, selon l'Union syndicale des magistrats, et compte tenu du taux de remplacement particulièrement faible du corps judiciaire – aux alentours de 50 % seulement du dernier traitement –, l'économie opérée par le présent dispositif est « probablement nulle ». Le syndicat majoritaire, pourtant assez éloigné des positions exprimées par notre groupe – ce syndicat n'est pas vraiment connu pour ses sympathies communistes – n'hésite pas à aller plus loin, affirmant qu'« il est même possible que cette réforme soit en réalité plus onéreuse pour le budget global de l'État, ce qui est pour le moins paradoxal ».

Un autre sujet de mécontentement pour les magistrats et pour nous est l'urgence irrationnelle dans laquelle nous légiférons. Je tiens à signaler que le rapport n'était pas même pas lisible vendredi 9 décembre, à l'heure finale du dépôt des amendements sur ce projet de loi organique. Comment écrire la loi dans de bonnes conditions avec un tel calendrier, sans même que les documents de base soient accessibles ? C'est d'ailleurs symptomatique de l'incroyable précipitation ayant marqué l'élaboration de ce texte.

FO-Magistrats se demande ainsi « pourquoi recourir à la procédure d'urgence pour un texte dont certaines dispositions sont élaborées depuis plusieurs mois () si ce n'est pour limiter le temps consacré aux débats parlementaires ». L'USM enfonce le clou en s'étonnant « de l'ajout au dernier moment, et avec l'utilisation de la procédure accélérée, d'une partie des dispositions figurant dans le projet de loi organique de juillet dernier, dans un projet de loi organique à l'objet très différent ».

Les syndicats n'ont même pas été consultés sur le report de l'âge limite des magistrats, et encore moins sur les autres dispositions ajoutées en commission. Ainsi, vous profitez du présent texte pour faire passer pas moins de quatre réformes : une réforme du statut des magistrats placés ; une réforme de la règle dite des 25 %, qui prévoit une priorité d'affectation à la Cour de cassation des anciens conseillers et avocats généraux référendaires à ladite Cour ; une réforme de la mobilité externe pour le passage hors hiérarchie ; enfin, une réforme du comité médical national. Il s'agit pour vous de faire passer ces dispositions à la va-vite, sans véritable débat, sans étude d'impact et en catimini.

À l'évidence, les articles 2 à 6 sont des cavaliers législatifs purs et simples – des cavaliers de l'ombre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il sera intéressant de voir ce qu'en pense le Conseil constitutionnel, qui semble se pencher avec beaucoup d'attention sur ce genre d'articles sans rapport, même indirect, avec le sujet du projet de loi qui les « héberge ».

Au sujet de l'interdiction des décorations pour les magistrats au cours de leur carrière, votée en commission,…

Photo de Guy Geoffroy

C'était un amendement de la gauche !

Photo de Raymond Durand

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen de cette proposition de résolution, signée par l'ensemble des responsables des groupes politiques et qui, à cet égard, fait l'objet d'un relatif consensus, nous permet de débattre de ce sujet important de notre société qui concernerait plusieurs milliers de personnes, dans un climat apaisé et loin de tout clivage partisan.

Ces conditions sont nécessaires à la mise en oeuvre de politiques publiques adaptées aux réalités de la prostitution et conformes aux principes républicains de notre pays.

Il convient en effet, plus de cinquante ans après la ratification de la Convention internationale des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, de réaffirmer et de définir avec précision la politique que la France entend poursuivre en matière de prostitution.

En premier lieu, la proposition de résolution qui nous est présentée entend mettre un terme aux idées fausses, comme l'idée selon laquelle la prostitution permettrait de faire reculer le nombre de viols.

En ce sens, faire prendre conscience à nos concitoyens de la réalité de la prostitution, c'est avant tout démontrer que la prostitution constitue bien une forme de violence, tant physique que psychologique, subie par les personnes prostituées.

C'est également souligner l'emprise croissante des réseaux de traite sur la prostitution. En témoigne le nombre croissant de femmes prostituées de nationalité étrangère, venant essentiellement de Roumanie, de Bulgarie, du Nigeria et de Chine, qui envahissent les trottoirs de nos villes.

Cette réalité n'est pas acceptable dans un pays comme le nôtre, au regard des principes qui fondent notre société, à savoir la non patrimonialité et l'intégrité du corps humain, l'égalité entre les sexes et la lutte contre les violences de genre.

Selon le principe de la non patrimonialité du corps humain, inscrit dans notre code civil, aucun droit de propriété ne peut être reconnu sur le corps humain, ses éléments et ses produits. Indéniablement, la prostitution ne peut être assimilée à une activité professionnelle semblable à toutes les autres.

La France a fait le choix d'abolir toute forme de réglementation de la prostitution, dans le but de ne pas encourager celle-ci par une quelconque reconnaissance juridique, et avec l'objectif, à terme, d'une société sans prostitution.

À la différence des Pays-Bas, qui considèrent la prostitution comme un fait social et ont donc choisi de la réglementer, la France refuse de l'accepter comme une fatalité, comme un phénomène inhérent à toute vie sociale, mais la tient pour une contrainte, puisque, le plus souvent, on l'exerce pour des raisons de nécessité économique.

Du proxénétisme de soutien au proxénétisme de contrainte, l'incrimination de proxénétisme dans notre droit couvre un champ particulièrement large, certains cas de proxénétisme aggravé recevant même une qualification criminelle. Cependant, si les dispositions relatives à la lutte contre le proxénétisme présentent des résultats plutôt satisfaisants, le bilan est nettement plus nuancé en ce qui concerne l'utilisation de l'infraction relative à la traite des êtres humains. En effet, l'examen de cette proposition de résolution est aussi l'occasion de constater qu'il nous reste à accomplir de nombreux progrès, tant dans le domaine de la lutte contre les réseaux de prostitution que dans la mise en oeuvre des dispositions tendant à protéger les victimes de la traite.

Si la réaffirmation de la position de la France fait l'objet d'un relatif consensus, les moyens à employer pour parvenir, à terme, à une société sans prostitution sont davantage problématiques.

La question de la pénalisation des clients – dont nous débattrons prochainement, à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi tendant à responsabiliser les clients, qui s'exposeraient à une peine de six mois de prison et 3 000 euros d'amende – constitue, en la matière, l'un des sujets les plus polémiques. Selon l'une des personnes auditionnées dans le cadre de la mission d'information, « le client est la personne qui contribue le plus à la traite ». Sans clients, la prostitution et la traite des êtres humains qui en résulte n'existeraient pas. Partant de ce principe, on constate, en Europe, un mouvement de fond en direction de la pénalisation des clients, qui pourrait tendre, comme le démontrent les expériences de nos voisins, à la diminution globale de la prostitution.

Enfin, si l'abolitionnisme implique de lutter contre l'exploitation sexuelle et en faveur du maintien de l'ordre public, il est indispensable que ces actions puissent s'accompagner de la mise en place de moyens de protection et d'accompagnement social des personnes prostituées. Ces dernières, notamment celles en situation irrégulière, n'ont que difficilement accès aux soins et aux prestations sociales, et les dispositifs qui leur sont destinés se révèlent insuffisants. Pour ces personnes, l'accès aux soins et aux droits doit donc être renforcé. À ce titre, il est indispensable de développer le versant social de la politique abolitionniste de la France.

Parce qu'il considère la prostitution comme une forme de violence, incompatible avec les principes les plus fondamentaux de notre République, le groupe Nouveau Centre accueille favorablement cette proposition de résolution.

Photo de Jean-Jacques Candelier

…tenons compte de la revendication du Syndicat de la magistrature. Celui-ci souhaite en effet que le législateur aille plus loin et proscrive « l'attribution de plusieurs autres hochets aux magistrats, au premier rang desquels les médailles de l'administration pénitentiaire ou de la protection judiciaire de la jeunesse, surtout lorsqu'elles viennent “récompenser” ceux d'entre eux qui ont notamment pour mission de contrôler ces administrations ».

Quand on connaît la facilité avec laquelle l'exécutif offre la Légion d'honneur à ceux qui peuvent lui rendre des services – je peux vous donner des noms, si vous voulez, par exemple dans l'affaire Bettencourt (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –, la disposition paraît salutaire.

Photo de Jean-Jacques Candelier

Elle conforterait l'indépendance des magistrats. Pour moi, ce ne serait pas vexatoire ; ce serait encore moins une insulte. Mais ce point semble presque secondaire, face aux tensions qui règnent aujourd'hui dans le monde judiciaire. La Conférence nationale des procureurs de la République a rendu publique une résolution signée par 126 des 163 procureurs, ce qui représente quand même, monsieur le ministre, une proportion importante.

Photo de Marc Le Fur

Mes chers collègues, avant de poursuivre l'examen de la proposition de résolution, voici les résultats du scrutin pour l'élection de deux représentants supplémentaires au Parlement européen.

Nombre de votants : 384.

Suffrages exprimés : 371.

Liste composée de M. Jean Roatta, Mme Valérie Boyer, M. Michel Rossi et Mme Pascale Gruny : 226 voix.

Liste composée de M. Yves Cochet, Mme Claude Darciaux, M. Didier Mathus et Mme Anny Poursinoff : 145 voix.

Par conséquent, sont élus représentants au Parlement européen : M. Jean Roatta et M. Yves Cochet.

En conséquence, le mandat de député de M. Jean Roatta et de M. Yves Cochet prendra fin aujourd'hui, mardi 6 décembre 2011, à minuit.

Le résultat de cette élection sera notifié à M. le Premier ministre.

Photo de Jean-Jacques Candelier

Le texte, un appel de détresse sans précédent, clame « l'urgence de leur donner les conditions d'exercer dignement leurs nombreuses missions » et demande « la restauration de l'image de leur fonction, gravement altérée auprès de nos concitoyens par le soupçon de leur dépendance à l'égard du pouvoir exécutif ». Là aussi, je peux vous donner un nom ! Ils appellent à renforcer le contrôle du Conseil supérieur de la magistrature sur les nominations. Aujourd'hui, celui-ci n'a qu'un avis consultatif sur les choix du garde des sceaux.

Photo de Philippe Gosselin

Cela fait un an que le garde des sceaux fait des auditions !

Photo de Marc Le Fur

Nous poursuivons la discussion de la proposition de résolution.

Photo de Jean-Jacques Candelier

Mais la question la plus urgente est celle des moyens de la justice, notamment ceux dont disposent les procureurs. La situation des juridictions, des établissements pénitentiaires et des services de la protection judiciaire de la jeunesse n'a jamais été aussi difficile. Il faut impérativement augmenter les effectifs…

Photo de Philippe Gosselin

Avec vous, il faut toujours augmenter les effectifs !

Photo de Jean-Jacques Candelier

…et allouer les moyens techniques et financiers nécessaires à l'accomplissement des missions de notre justice.

Cette ambition, qui fait si cruellement défaut à droite, est portée par notre groupe. Loin des plans de rigueur et de l'appauvrissement organisé du service public de la justice, nous défendons une justice capable d'exercer enfin ses missions et clairement indépendante de l'exécutif.

Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, c'est donc avec conviction que les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce texte.

Photo de Élie Aboud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous rassemble aujourd'hui est majeur et grave. Il implique un certain regard sur la personne humaine et sur sa dignité. S'agissant de la prostitution, on ne peut s'en tenir à des rodomontades ou à des déclarations de principes machistes ignorant les réelles souffrances provoquées par cette activité.

Dès 1960, la position de notre pays sur le sujet a été claire. La France a ratifié la Convention de 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui. Depuis, notre pays n'a jamais dérogé aux fondements juridiques les plus élémentaires de notre code civil : l'intégrité du corps humain, sa non marchandisation, l'égalité entre les sexes, la lutte contre les violences. À cet égard, le plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes de 2011 reste exemplaire.

J'observe avec intérêt que la proposition qui nous est soumise aujourd'hui a été cosignée par tous les groupes parlementaires. C'est l'honneur de l'Assemblée nationale d'être unie lorsque l'intégrité des personnes est mise en danger.

La réalité de la prostitution oblige, en effet, à un certain nombre de constats. Comment oserait-on faire croire que, parmi les 20 000 personnes prostituées en France – dont, d'ailleurs, 85 % sont des femmes –, une immense majorité n'a pas été contrainte ?

La loi, expression de la volonté générale, doit toujours être élaborée en fonction de l'intérêt commun. Si quelques personnes s'adonnent à cette pratique par choix personnel, nous devons cependant protéger toutes celles et tous ceux qui subissent des pressions, voire des agressions.

La pratique de la prostitution est-elle un long fleuve tranquille ? Évidemment non. Elle donne lieu, tout le monde le sait, à des violences physiques et psychiques particulièrement graves. L'emprise croissante des réseaux s'affirme au-delà des frontières. Il serait dérisoire et navrant de faciliter la tâche des proxénètes. Or voilà que les laudateurs de la prostitution banalisée utilisent les plus vils arguments pour la justifier. La vérité est qu'ils ont intérêt à une pratique commerciale de la sexualité, en omettant totalement les souffrances qui y sont liées – traites humaines, drogues, syndromes de stress post-traumatique.

Saluons ici le travail essentiel de la police et de tous les services qui ont permis d'endiguer, pour une large part, la prostitution de rue. Je voudrais rendre hommage également à tous les acteurs du domaine médico-social, qui réalisent au quotidien un exceptionnel travail de préventologie dans des conditions extrêmement difficiles.

Pour toutes les raisons ici évoquées, il convient de reprendre le flambeau de 1960 pour compléter le dispositif législatif par cette proposition, ainsi que celle relative à la pénalisation des clients.

Elle repose essentiellement sur les faits. M. Geoffroy a rappelé avec élégance et émotion ce qui se passe en Suède où, dès 1999, la pénalisation des clients a permis de lutter activement contre la prostitution sans que le taux de viols n'ait augmenté, ce qui dément toutes les théories qu'on a pu entendre. Au contraire, dans les comtés de l'État du Nevada où la légalisation a été adoptée, le nombre des viols s'est considérablement accru. L'observation montre qu'il n'y a donc pas de lien explicite entre la lutte contre la prostitution et l'augmentation des viols. Dans la plupart des cas, la prostitution est bien une activité contrainte, subie par les plus faibles. Il convient par conséquent de la limiter au maximum.

Bien sûr, en réaffirmant sa position abolitionniste pour protéger le plus grand nombre, la France se doit de revisiter l'ensemble de son droit régalien et de développer des politiques publiques ambitieuses, de nature à rendre cohérents les objectifs affichés. Les droits fondamentaux des personnes prostituées, notamment, doivent être garantis. Un effort supplémentaire doit être réalisé en matière d'information, de prévention, d'éducation et de réinsertion.

Cette proposition de résolution n'est pas un message que nous envoyons pour nous donner bonne conscience, mais une exigence pour tous les républicains que nous sommes, sensibles à la dignité de la personne humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Photo de Marc Le Fur

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Photo de Catherine Vautrin

La discussion générale est close.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Photo de Marie-Françoise Clergeau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution, que nous examinons aujourd'hui, s'inscrit dans la suite logique du travail conduit par la mission d'information sur la prostitution.

Nous nous étions fixé deux grands objectifs : d'une part, établir un état des lieux partagé et objectif de la prostitution en France et, d'autre part, dresser un bilan des politiques publiques menées en la matière. Nous avons ensuite formulé des préconisations pour améliorer les dispositifs existants et mieux lutter contre la prostitution.

Ce qui m'a frappée au cours des travaux de cette mission, c'est que le sujet suscite toujours beaucoup de réactions et fait encore débat aujourd'hui. Certains considèrent encore la prostitution comme « le plus vieux métier du monde » et lui attribuent même une certaine utilité sociale : ceux-là ne comprennent pas l'affirmation de la position abolitionniste. La prostitution n'est pas redevenue, comme je l'ai lu récemment, « la cible des moralistes ». La position abolitionniste représente un enjeu de société.

Ceux qui veulent banaliser la prostitution et couper court aux débats ont volontiers recours aux lieux communs. Pourtant, la réalité est tout autre. La prostitution est une violence exercée à l'encontre des hommes et des femmes qui la subissent. Certes, vous trouverez toujours quelques exemples pour accréditer l'idée qu'elle est une activité librement choisie. Mais s'il existe de rares cas de prostitution libre et choisie, ils sont l'exception, et non la règle. La prostitution est le plus souvent l'aboutissement d'un parcours personnel difficile, de violences, de rupture familiale, de misère sociale. Elle est exercée sous la contrainte – contrainte physique de réseaux mafieux de prostitution, contraintes économiques et sociales de personnes vivant dans la précarité.

Plus de 80 % de la prostitution est effectuée dans le cadre d'un réseau criminel. L'idée du ou de la prostituée, libre et indépendante, qui choisit cette activité comme n'importe quelle autre profession est en total décalage avec la réalité. La prostitution est un marché, qui rapporterait plus de 3 milliards d'euros par an aux réseaux criminels en France. C'est bien une affaire d'argent. Il faut renforcer la lutte contre ces réseaux qui organisent de véritables trafics humains, très lucratifs.

Aujourd'hui, 85 % des personnes prostituées sont des femmes. À 80 %, il s'agit de personnes étrangères. Elles arrivent en France avec l'espoir d'une vie meilleure, mais sont condamnées à se prostituer pour payer leur passage, pour survivre, pour protéger leur famille restée au pays et qui est souvent menacée par les réseaux mafieux. Cette réalité-là, cette misère, cette détresse d'hommes et de femmes sous la contrainte, il faut la rappeler.

La mise en place de moyens de protection et d'accompagnement social, incluant l'accès à la santé et au logement pour les personnes prostituées, la mise en place de véritables alternatives à la prostitution pour sortir ces hommes, et le plus souvent ces femmes, de la précarité, est nécessaire.

Certes, il faudra responsabiliser le client pour faire baisser la demande. Mais l'important, c'est aussi de se donner les moyens d'agir sur la prise en charge et l'accompagnement des personnes prostituées par un travail en réseau des acteurs publics, pour les aider notamment à travers l'accès à un titre de séjour pour les prostituées étrangères qui veulent sortir de leur réseau, ou par l'accès à un revenu de substitution.

Quant au délit de racolage institué par la loi de sécurité intérieure de mars 2003, il n'a pas prouvé son efficacité, puisque la prostitution n'a pas diminué dans notre pays. Elle est davantage masquée, sur internet, dans de prétendus salons de massage ou dans des bars à hôtesses. Mais ce n'est pas en s'attaquant aux prostituées que l'on réglera le problème. C'est davantage en les accompagnant et en les aidant à se sortir de leur situation. Il faudra donc revenir sur ce texte de 2003.

Autre point sur lequel je souhaite vraiment insister, l'éducation. Il est nécessaire de progresser en matière d'éducation sexuelle, d'apprendre aux jeunes que la relation sexuelle est le fait d'adultes consentants et responsables, respectueux du corps et du désir de l'autre, et qu'un corps ne s'achète pas, ne se marchande pas. Ces politiques d'éducation sont indispensables si l'on veut faire reculer, dans notre pays, la prostitution par une prise de conscience.

Parce que nous défendons les principes de non patrimonialité du corps humain, d'intégrité et d'égalité entre les sexes, nous devons lutter contre la traite des êtres humains. La prostitution n'est pas une activité banale, il ne faut pas cesser de le dire.

Aussi, mes chers collègues, je vous invite à voter cette résolution – mais je sais que nous la voterons tous –, qui rappelle clairement la position abolitionniste de la France et invite à la mise en oeuvre de politiques cohérentes et plus efficaces pour l'abolition de la prostitution. Nous voterons donc cette résolution avec conviction. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je voudrais d'abord remercier M. le rapporteur, M. Gosselin et M. Hunault, qui ont bien compris quelles étaient la portée et l'utilité de ce texte et qui ont indiqué qu'ils entendaient le soutenir.

S'agissant des cavaliers, monsieur Raimbourg, vous m'avez beaucoup étonné. Vous êtes d'habitude plus subtil.

Photo de Guy Geoffroy

Un peu de fatigue, peut-être ? (Sourires.)

Photo de Philippe Goujon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 13 avril dernier, la mission d'information sur la prostitution rendait son rapport.

Le constat a été unanime : la prostitution est inacceptable. Elle est, en premier lieu, une violence faite aux femmes, aux lourdes, très lourdes, conséquences physiques, psychiques et psychologiques.

Elle est également une aubaine pour les réseaux criminels de traite des êtres humains qui exploitent ces victimes, du stade de l'immigration à celui de la pratique prostitutionnelle, puisque 90 % des prostituées, dans notre pays, sont d'origine étrangère, contre 20 % dans les années soixante, ce qui démontre la prédominance nouvelle d'une véritable « prostitution de la misère ».

Il est du devoir du législateur de protéger les victimes de la prostitution, comme de mettre fin aux trafics criminels qui l'entretiennent.

Nous disposons déjà, dans notre pays, d'un arsenal répressif, qu'il faut maintenir et qui va de l'incrimination de l'exhibitionnisme à celle du proxénétisme sous toutes ses formes et du racolage, actif comme passif. Il faut maintenir ce dispositif en complément de toutes les mesures prises en faveur des victimes de la prostitution et faire en sorte, pour qu'il soit efficace, que les tribunaux appliquent les sanctions prévues. Il serait également opportun de sanctionner les petites annonces qui prolifèrent dans la presse et sur internet, et que le code pénal ne prend pas en compte aujourd'hui.

Je voudrais insister, en tant qu'élu parisien, pour que ne soit pas remis en question le délit de racolage passif ; il s'agit d'une incrimination ancienne – 1930 –, réapparue en 1958, réactivée par la LOPPSI de 2003 et qui, au moins dans un premier temps, a quasiment éradiqué la prostitution de voie publique dans les quartiers où elle tenait le haut du pavé, rendant impossible, avec les multiples trafics qui y sont liés, notamment de drogue, la vie quotidienne des riverains.

Un double objectif était poursuivi : limiter les troubles à l'ordre public et poursuivre les proxénètes à travers leurs victimes. J'en ajouterai un troisième : extraire les prostituées de leur milieu.

Il est à regretter qu'aujourd'hui, près de la moitié des interpellations pour racolage à Paris soient classées sans suite et que, parmi les autres, seulement 5 % soient l'objet de poursuites devant le tribunal correctionnel, 89 % faisant l'objet, le plus souvent, d'un simple rappel à la loi non dissuasif. Il revient au parquet de déférer davantage, car la situation se dégrade, au moins en attendant la mise en oeuvre de la pénalisation du client.

De ce manque de fermeté manifeste résulte un fort sentiment d'impunité chez ceux qui exploitent cette misère humaine, et les clients des prostituées en font partie. C'est l'honneur de cette mission d'information que d'avoir retenu unanimement la pénalisation du client, non pour le réprimer à tout prix, mais avant tout pour l'éduquer et le responsabiliser, comme le fait la Suède, qui affiche des résultats probants.

Je voudrais d'ailleurs faire part d'une expérience personnelle démontrant l'efficacité de telles mesures à destination des clients. Il s'agit de la fermeture du bois de Boulogne dans les années quatre-vingt-dix. La politique mise en oeuvre conjointement par le maire de Paris de l'époque, Jacques Chirac, dont j'étais l'adjoint en charge de la sécurité, le préfet de police et le procureur de la République, a consisté principalement à harceler le client. La prostitution y avait alors spectaculairement chuté.

C'est pourquoi je crois, à l'instar de la présidente et du rapporteur de la mission d'information, tout comme vous, madame la ministre, et aussi comme le ministre de l'intérieur, qui le rappelait encore hier, en cette mesure innovante, assortie d'une campagne de communication grand public.

Ce faisant, notre pays s'inscrirait dans le droit-fil de la posture abolitionniste qui a été la sienne depuis la ratification, en 1960, de la Convention pour la répression de la traite des humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui. Il s'inscrirait également en cohérence avec le mouvement européen qui s'esquisse avec l'adoption, par l'Islande et la Norvège, et bientôt par l'Irlande et les Pays-Bas, d'une législation similaire.

La France, par son rayonnement et son exemplarité, provoquerait sans nul doute un mouvement mondial. Elle est attendue là par beaucoup de pays et d'associations.

La force de cette proposition de résolution réside aussi dans le fait qu'elle transcende les clivages partisans. À l'unanimité de ses groupes politiques, le Parlement exprime, par son intermédiaire, la position abolitionniste de la France et lance un signal fort, aussi bien aux victimes, à qui est proposée toute une gamme de dispositions pour les aider à sortir de leur enfer, qu'aux réseaux criminels qui les exploitent, à qui nous devons livrer, plus que jamais, une lutte sans merci. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Certes, il faut faire vite ce soir et vous vous êtes laissé aller à la facilité, ce que je regrette. Du coup, vous avez rejoint M. Candelier. Ce n'est pas bien ! (Sourires.)

Photo de Armand Jung

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat pour réaffirmer la position abolitionniste de la France en matière de prostitution n'est pas un exercice quelconque ou anodin. Il touche à ce qu'il y a de plus sensible, de plus intime dans notre personne, dans notre humanité, à savoir notre sexualité, notre rapport à l'autre.

Je ne suis pas connu pour être un puritain. Je ne suis animé par aucune considération philosophique ou religieuse. Mais, dans ce débat sur la conception et le sens des relations physiques et sentimentales entre les humains, les mots ont un sens et la sémantique utilisée n'est pas neutre. Dans le journal Le Monde, récemment, Mme Elisabeth Badinter, hélas, laisse entendre que les femmes, pour gagner plus et travailler plus librement, auraient plus intérêt à la prostitution qu'à être « caissières de supermarché ». Dans le même journal, ce qui est rappelé aujourd'hui dans Libération, une responsable du Syndicat du travail sexuel déclare que « certaines personnes ne pourraient pas travailler dans un abattoir ou s'occuper de personnes âgées ».

À partir d'un tel constat, primaire et simpliste, tout devient possible et acceptable, sans arrière-pensée, tout vaut mieux que de travailler en usine, sans patron et sans horaires. Quelle imposture ! À qui veut-on faire croire de telles contrevérités ? Même les milieux les plus réglementaristes que j'ai rencontrés ont reconnu que le libre choix n'était finalement qu'un leurre, une désillusion et, en fin de compte, un désespoir, un désespoir personnel, affectif et parfois physique. Non seulement, dans ce domaine particulièrement sensible, les mots ont un sens – caissières, abattoir, usine –, mais les grands principes auxquels se réfèrent les tenants du réglementarisme sont dévoyés : liberté, égalité, amour. De quelle liberté parle-t-on ? De quelle égalité hommes-femmes ? Et surtout, où est l'affection, où est l'amour censé régir nos relations personnelles et sociales ?

Chers collègues, il n'y a pas de « plus vieux métier du monde », rien n'est écrit, rien n'est inéluctable. Nous ne sommes ni des juges ni des censeurs de la vie sexuelle des uns et des autres, mais nous avons le droit, et même l'obligation, à moins de nous renier, de nous exprimer, d'exprimer notre désapprobation face à la marchandisation du vivant, face à l'exploitation du corps humain, que ce soit pour de la chair à canon, des ventres à reproduire ou du sexe à vendre.

Des intégristes de tous bords veulent dénier au Parlement le droit de légiférer sur des problèmes de société : la bioéthique, la famille, le couple homme-femme. Telle n'est pas ma conception du rôle du législateur, qui doit penser l'éducation de la société dans son ensemble. C'est pourquoi je voudrais saluer le travail réalisé par la mission d'information sur la prostitution en France, présidée par notre collègue Danielle Bousquet et rapportée par Guy Geoffroy. Je voudrais également rendre hommage à l'action menée par de nombreuses associations, notamment à l'action quotidienne sur le terrain du Mouvement du Nid, dont j'ai pu apprécier personnellement la sensibilité et l'efficacité.

Aujourd'hui, où en sommes-nous ? La France se définit toujours comme abolitionniste. En 2003, la loi sur la sécurité intérieure a renforcé l'interdiction de la traite des êtres humains, de la prostitution des mineurs, et introduit le délit de racolage passif. Ce dispositif n'a pas eu les effets escomptés : la prostitution, notamment d'origine mafieuse, est plus que jamais active, les femmes restent les principales cibles, les principales victimes que l'on montre du doigt, mais sans leur tendre la main pour leur venir en aide.

Je demande la suppression de ce délit qui stigmatise uniquement la prostituée. Je souhaite la mise en oeuvre de dispositifs plus dignes pour accueillir ces femmes et leur donner la possibilité et l'espoir d'une autre voie, d'une autre vie.

Alors, que faire ? Je ne peux me résoudre à l'inaction. Au-delà de la réaffirmation de la position abolitionniste de la France, je propose, avec d'autres collègues, de tous bords politiques, que la loi responsabilise le client, au sens pénal du terme, ce qui porterait à l'évidence un coup très dur à la prostitution, à sa légitimité et à son essence même.

Plusieurs pays, en Europe et ailleurs, mettent en oeuvre cette solution. Elle donne des résultats probants. Nous devons nous engager dans cette voie, au nom de nos valeurs communes. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ce texte a trait à la carrière des magistrats professionnels. La durée de travail nécessaire pour avoir droit à la retraite fait partie de ce sujet, de même que le comité médical et le placement. Ce ne sont donc pas des cavaliers. Si, à l'issue des premiers travaux de la commission, il y en avait un – et tel était bien le cas, en effet –, c'était celui introduit par l'amendement de M. Dosière,…

Photo de Laurence Dumont

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce soir, dans cet hémicycle, nous nous répétons, et c'est tant mieux ! Dernière oratrice inscrite, je ne vais pas déroger.

Selon le dictionnaire, l'action de prostituer consiste à « avilir et dégrader quelque chose de respectable ». Cette « chose respectable », en l'occurrence, n'est autre que le corps humain, que nous nous devons de protéger. En effet, la prostitution n'est rien d'autre qu'une atteinte à l'intégrité du corps humain, auquel une valeur patrimoniale est attribuée et qui, à ce titre, fait l'objet de commerce et de traite.

La prostitution ne relève pas de la liberté sexuelle, dans la mesure où le libre choix n'existe pas, ou de façon marginale. Comment peut-on parler de liberté quand 80 % des prostituées sont d'origine étrangère, « importées », pourrait-on dire, maltraitées, menacées, sans droits, quand toutes les prostituées sont victimes de violences ? Où est le choix ?

Et quand bien même cette liberté existerait, elle trouverait ses limites dans les principes fondamentaux qui nous régissent, au premier rang desquels figurent le respect de l'intégrité du corps humain ou l'égalité hommes-femmes.

La prostitution n'est pas une nécessité sociale permettant de diminuer les agressions sexuelles, comme on l'entend trop souvent. Ce postulat intolérable nie les droits les plus élémentaires de la femme, et donne une lecture rétrograde de la sexualité masculine. Se cacher derrière ce postulat est indigne de notre République. S'il existe un réel consensus sur ces constats, il doit en être de même pour la proposition d'abolir la prostitution.

Certes, la France est abolitionniste depuis 1960, mais les politiques publiques en France sont ambivalentes et incomplètes. Si la lutte contre la traite des êtes humains est réelle et en constante progression, les actions en faveur de l'abolition de la prostitution manquent de cohérence et de moyens.

Elles manquent de cohérence, car on prétend vouloir abolir la prostitution, mais on la reconnaît fiscalement.

Elles manquent de cohérence, car on prétend vouloir aider à la sortie de la prostitution, mais on punit la victime en la traitant de « délinquante » – c'est la fameuse loi de sécurité intérieure, à l'époque où M. Sarkozy était ministre de l'intérieur – et on laisse les clients libres de leurs actes.

Par ailleurs, elles manquent de moyens, car on a laissé à l'abandon les politiques d'accompagnement des prostituées, prévues pour les aider à s'en sortir.

Il faut d'ailleurs, ici, saluer le travail et le dévouement des associations sur le terrain, qui, malgré les baisses de financements constantes, maintiennent une présence et une aide à ces personnes en situation de détresse.

Mes chers collègues, la résolution que nous proposons aujourd'hui souhaite poser clairement la manière dont la France entend parvenir à l'abolition de la prostitution. Pour cela, il est impératif de ne pas réprimer les prostituées, mais de responsabiliser les clients. C'est en effet la demande des hommes qui génère la prostitution, laquelle est une forme de domination de l'homme sur la femme. Pourtant, dans notre société, c'est la personne qui vend son corps qui est moralement condamnable et condamnée, alors que celle qui l'achète est dédouanée de toute responsabilité.

Il est impératif de refuser la légitimation de la prostitution au motif qu'elle serait un mal prétendument nécessaire répondant à des besoins sexuels masculins irrépressibles.

Il est également impératif d'assurer un accompagnement réel de la sortie de la prostitution.

Enfin, il est impératif de maintenir et d'amplifier la lutte contre la traite des êtres humains.

La France, madame la ministre, a signé l'ensemble des textes internationaux contre la traite des êtres humains et la prostitution. Elle se doit aujourd'hui d'aller plus loin dans leur mise en oeuvre.

Mes chers collègues, parce qu'elle est avant tout violence, parce qu'elle détruit, parce qu'elle nie la dignité humaine, parce qu'elle considère le corps humain comme une marchandise, la prostitution doit être combattue.

Pour conclure, je vous citerai un extrait du manifeste d'un collectif d'hommes regroupés dans un combat laïc et républicain, le réseau ZéroMacho.

Voter ce texte permettra, disent-ils « de donner toute sa place à une liberté véritable, la liberté d'avoir le choix, la liberté de disposer de son corps sans abuser du corps d'autrui, la liberté de pouvoir vivre sans avoir besoin de se prostituer. »

Comme le disait Danielle Bousquet en introduction, voilà la société dans laquelle nous voulons vivre. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Photo de Guy Geoffroy

Qui cherchait à se remettre en selle ! (Sourires.)

Photo de Marc Le Fur

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…rejoint malheureusement par M. Raimbourg, au sujet des décorations.

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Monsieur le président, madame la présidente de la mission d'information, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, éclairer sur la réalité de la prostitution aujourd'hui, interpeller sur sa légitimité dans une démocratie comme la nôtre, telle est l'ambition que s'est donnée la mission d'information sur la prostitution de l'Assemblée nationale.

J'ai déjà eu l'occasion de saluer votre travail, chère Danièle Bousquet, cher Guy Geoffroy, chers parlementaires qui avez participé à ce travail, et je me suis également exprimée sur cette question qui nous rassemble lorsque vous m'avez auditionnée le 30 mars 2011.

J'ai lu, vous l'imaginez, avec beaucoup d'intérêt votre rapport publié le 13 avril 2011. Ce rapport et ses recommandations contribueront à faire évoluer notre politique en matière de prostitution, comme le prévoit le troisième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes.

Je tiens à le rappeler ici solennellement, la prostitution est une négation de nos principes fondamentaux : celui de la dignité de la personne humaine, celui de l'égalité entre les femmes et les hommes, celui de la non-patrimonialité du corps humain qui s'oppose à ce que le corps humain soit traité comme un bien marchand.

Au regard de ces principes, quelle légitimité accorder dès lors à la prostitution dans notre société ? Nous le savons tous, meurtres, actes de torture, viols, agressions, humiliations sont le lot quotidien des personnes prostituées. Faut-il encore rappeler que les personnes prostituées sont principalement des femmes tandis que les clients sont pratiquement toujours des hommes ?

Je le réaffirme ici : la prostitution est une violence faite aux femmes, une violence de genre. J'ai déjà eu l'occasion de souligner que les violences faites aux femmes ne sont pas des faits divers, mais des faits majeurs parce qu'elles constituent des crimes. Je l'ai tout récemment encore rappelé à la presse, le 24 novembre, à l'occasion du lancement de la campagne 2011 de lutte contre les violences faites aux femmes. Je tiens d'ailleurs à remercier vivement tous les parlementaires qui ont accepté de porter le ruban blanc, symbole international depuis 1991 de la lutte contre les violences faites aux femmes. Ils auront ainsi témoigné de leur attachement à cette cause.

Comme vous le savez, le slogan de cette campagne est «Oser en parler », parce que parler des violences faites aux femmes est une nécessité absolue dans une démocratie. Le rapport de la mission s'inscrit dans ce même état d'esprit humaniste et féministe. Il contribue à lever le tabou de la prostitution pour nous aider à mieux réagir collectivement. En tant que ministre chargée des droits des femmes, je veux combattre avec toute mon énergie cette atteinte grave à la dignité humaine et à l'égalité entre les femmes et les hommes qu'est la prostitution.

Les médias se sont récemment fait l'écho de cette question – je pense aux dossiers consacrés en avril et encore tout récemment, fin novembre, aux débats sur la prostitution. Non, la prostitution n'est ni une activité professionnelle ni une activité « glamour », qui serait moderne ou socialement acceptable. La complaisance envers ce fléau ne peut que favoriser le développement de nouvelles formes de prostitution – celles des jeunes – et de nouveaux vecteurs – internet – moins visibles, donc plus difficiles à combattre.

Non, comme Armand Jung, Laurence Dumont ou d'autres, je ne crois pas à la prostitution libre ou choisie. La notion de consentement est pour moi, dans ce domaine, totalement inopérante. Il suffit, d'ailleurs, de confronter le discours de cette minorité de personnes, auto-désignées comme porte-parole des prostituées, avec la parole de celles qui se présentent comme anciennes professionnelles, pour que la réalité des souffrances vécues apparaisse, ce que Guy Geoffroy a très justement appelé leur « parcours de douleur ». Je vous renvoie également à l'admirable livre sur ce sujet de Jeanne Cordelier : La Dérobade.

C'est également pour toutes ces raisons que je suis fermement opposée à l'assistance sexuelle pour les personnes handicapées. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet, lors de mon audition en mars dernier, devant la mission parlementaire. Les « aidants sexuels » représenteraient une forme de prostitution professionnalisée et spécialisée. Cela ne peut que heurter profondément ma conception de la dignité de la personne humaine, celle de la personne handicapée, celle de la salariée au titre de services sexuels. Non, le corps de la femme n'est pas un objet devant répondre aux besoins prétendument irrépressibles de la sexualité masculine. Au nom de la dignité humaine, nous devons réaffirmer avec Danièle Bousquet et vous toutes et tous la position abolitionniste de la France en matière de prostitution. Cette position vise à protéger les droits fondamentaux des personnes prostituées et à décourager la prostitution.

Nous le savons tous, la prostitution a, depuis ces dernières années, un nouveau visage : elle est alimentée par la traite des êtres humains. Vous avez pratiquement tous rappelé ce chiffre : les femmes de nationalité étrangère représentent près de 90 % des femmes se prostituant dans l'espace public. La plupart sont sous la coupe de réseaux criminels organisés. Nous le savons, il n'est pas possible de combattre efficacement la prostitution sans combattre la traite des êtres humains. Les deux combats sont indissociablement liés, car la traite et la prostitution se nourrissent mutuellement. Ces combats sont l'affaire et la responsabilité de tous.

De quel arsenal juridique disposons-nous ? Notre cadre juridique est aujourd'hui axé sur la condamnation du proxénétisme, c'est-à-dire l'exploitation de la prostitution d'autrui, même avec son consentement. En revanche, l'activité prostitutionnelle en elle-mêmn'est pas interdite. Seules certaines de ses manifestations troublant l'ordre public sont sanctionnées – Philippe Goujon en a utilement rappelé le cadre. Face à l'ampleur du phénomène de la traite et du proxénétisme qui, par définition, n'a pas de frontières, et dépasse les frontières, il est urgent de renforcer la lutte en ce domaine et de garantir les droits fondamentaux des victimes de l'exploitation sexuelle. Plusieurs conventions internationales y engagent la France ; j'en citerai deux, que vous avez, vous aussi, rappelées à raison. Dans le cadre des Nations unies, la convention du 2 décembre 1949 a ouvert la voie pour qu'au fil des générations, on puisse construire des sociétés qui refusent l'asservissement de l'autre, donc la prostitution. Cette convention phare, que la France a ratifiée voilà plus de cinquante ans, réaffirme que « la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine… » Au niveau européen, le cadre juridique s'est récemment enrichi avec l'adoption, en avril dernier, par l'Union européenne, d'une nouvelle directive sur la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains. Cette directive prévoit notamment, dans son article 3, que « les autorités nationales compétentes aient le pouvoir de ne pas poursuivre les victimes de la traite des êtres humains ».

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Vous avez oublié de nous le dire, monsieur Raimbourg, alors que c'est l'exemple parfait du cavalier législatif.

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Elle devra être transposée en France d'ici à deux ans. Ces instruments internationaux engagent la France à aller encore plus loin pour lutter contre la prostitution et garantir aux personnes prostituées leurs droits fondamentaux.

Où en sommes-nous à cet égard ? Le Gouvernement agit pour la prévention et la lutte contre la prostitution. En témoigne en particulier, Elie Aboud l'a rappelé, le troisième plan interministériel 2011-2013 de lutte contre les violences faites aux femmes que je pilote. Ce plan engage au total 31,6 millions d'euros, soit une augmentation de 30 % par rapport au plan précédent. Il s'inscrit dans la continuité des actions menées en 2010, année de la grande cause nationale consacrée à la lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes.

Ce plan va plus loin que les précédents – 2005-2007 et 2008-2010 – en accordant une place spécifique à la prostitution. Le plan 2011-2013 définit plusieurs mesures pour la combattre. La prévention : il s'agit de faire évoluer les mentalités, en informant sur la prostitution, sur les violences faites aux femmes. Quand je vois les manifestations médiatiques de radios et de télévisions sur ce dossier, je me dis qu'il nous reste du chemin à faire.

Photo de Philippe Gosselin

Pourquoi M. Dosière n'est-il pas là aujourd'hui, d'ailleurs ?

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

J'ai donc bien senti, à ce moment-là, que vous aviez renoncé à être vraiment contre ce texte et que vous étiez content que la commission, réunie au titre de l'article 88 du règlement, ait souhaité supprimer ce cavalier.

Il est vrai que nous allons entrer dans la campagne des élections présidentielles et législatives. Il est tout à fait normal que la justice, grand service public, fasse l'objet de débats pendant cette campagne, qu'elle soit un sujet de campagne. Je souhaite simplement, monsieur Raimbourg, qu'elle reste un sujet et qu'elle ne devienne pas un instrument.

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

C'est pourquoi le plan interministériel programme trois campagnes d'information à destination du grand public. Vous avez déjà pris connaissance de la première, lancée le 25 novembre dernier, qui porte sur les violences conjugales, les viols et les agressions sexuelles. La deuxième sera engagée début 2012 et portera sur les violences sexistes et sexuelles au travail. Mais pour la première fois, une troisième campagne sera lancée, qui mettra en exergue les liens existants entre prostitution et traite des êtres humains. Il s'agira notamment de sensibiliser au rôle que joue le client, par sa demande, dans l'alimentation des réseaux de prostitution et dans la traite des êtres humains. S'agissant des jeunes, faut-il encore rappeler la nécessité de lutter, dès le plus jeune âge, contre le sexisme, les violences sexistes et sexuelles, les stéréotypes de genre imposés aux filles et aux garçons ? Oui, il faut absolument diffuser très tôt une culture de l'égalité entre les filles et les garçons et du respect mutuel. C'est ainsi que nous pourrons construire, à terme, une société où l'égalité est une réalité quotidienne.

Il convient également de renforcer la lutte contre le proxénétisme. Le plan interministériel confie à l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale deux missions : recenser les nouvelles formes de proxénétisme et développer des pratiques innovantes pour mieux lutter contre le proxénétisme.

Je rejoins Marie-Françoise Clergeau : l'accueil et la prise en charge des personnes prostituées sont une ardente obligation. Nous le savons tous, l'accompagnement de ces personnes est essentiel pour les aider à sortir de la prostitution et à retrouver le chemin d'une vie normale. Oui, il en faut, du courage, pour fuir la prostitution ou s'échapper de l'emprise d'un réseau criminel. Je tiens à mon tour à saluer l'action des associations, partenaires clés des pouvoirs publics. Elles accompagnent et prennent en charge les personnes prostituées sur plusieurs plans : sanitaire, physique et psychologique, hébergement, logement, réinsertion, aide matérielle et administrative, régularité du séjour en France. Je rappelle d'ailleurs que l'on peut délivrer des autorisations de séjour à une personne prostituée qui témoigne ou porte plainte contre une personne poursuivie pour trafic d'êtres humains ou proxénétisme. Enfin, le plan prévoit de faire évoluer le cadre juridique de la prostitution. Il s'agit d'étudier l'opportunité d'une pénalisation des clients en s'inspirant des modèles suédois, norvégien notamment.

Lors de mon audition devant la mission parlementaire, j'ai eu l'occasion de vous dire que je suis favorable, à titre personnel, à la pénalisation des clients. C'est d'ailleurs un combat que je mène depuis fort longtemps ; certaines et certains le savent ici. C'est également l'une des préconisations phare de votre rapport. Il est essentiel que le client prenne conscience qu'en achetant un acte sexuel, il perpétue le système prostitutionnel. Ce système se nourrit de la détresse, de la vulnérabilité de nombreuses personnes. Je le réaffirme avec fermeté : la prostitution n'est pas un acte anodin, mais une violence qui entraîne de graves conséquences physiques et psychologiques extrêmement destructrices. La sensibilisation à cette réalité et la responsabilisation du client peuvent, j'en suis convaincue, contribuer à faire reculer la prostitution.

N'oublions pas que notre lutte contre la prostitution, c'est également notre lutte en faveur d'une politique cohérente de l'égalité entre les femmes et les hommes dans notre société. C'est une politique de défense des droits humains. Je vous en remercie. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

J'espère que vous y veillerez plus sûrement que vous ne l'avez fait s'agissant des cavaliers. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Photo de Marc Le Fur

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Photo de Catherine Vautrin

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique.

Photo de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Élie Aboud, pour le groupe UMP.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l'amendement n° 3 visant à supprimer l'article 1er.

Photo de Élie Aboud

Je me suis déjà largement exprimé sur le fond, mais je profiterai de l'occasion qui m'est donnée pour remercier, au nom du groupe UMP, Mme la ministre pour son combat et son engagement personnels dans ce domaine.

Je pense également être dans mon rôle pour remercier Mme la présidente Bousquet et M. le rapporteur Guy Geoffroy qui ont accompli un travail exceptionnel, tout à la fois rétroactif et prospectif. Ils ont en effet auditionné tous les acteurs concernés par la prostitution en France et au-delà de nos frontières.

IL ne s'agit pas, mes chers collègues, d'un combat politiquement ou médiatiquement correct ; pour nous, c'est un combat éthiquement obligatoire, et c'est l'honneur des représentants de la nation de débattre d'un tel sujet.

Le groupe UMP est, bien sûr, favorable à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Photo de Dominique Raimbourg

Il est défendu. Je ne peux que reprendre les arguments évoqués dans le cadre de la motion de renvoi en commission.

Photo de Pascale Crozon

Le mythe du « plus vieux métier du monde » a décidément la vie dure. La réalité de la prostitution n'est pourtant pas celle d'un choix professionnel librement consenti ; la réalité, ce sont les violences sur les personnes prostituées, c'est le proxénétisme, c'est la traite d'êtres humains à travers des réseaux mafieux, c'est enfin la marchandisation du corps.

Vous l'avez dit et répété : 85 % des personnes prostituées en France sont des femmes et 90 % d'entre elles sont étrangères, en grande majorité en situation irrégulière, donc en situation de grande fragilité et de dépendance. C'est bien là, malheureusement, le signe du rôle prédominant que jouent les réseaux de traite sur le système prostitutionnel actuel.

La proposition soumise au vote de notre assemblée, aujourd'hui, est le résultat d'un consensus traversant nos différents courants politiques. La France se doit d'être à la fois un moteur et un modèle en matière de lutte contre toute forme de prostitution.

Cette proposition de résolution poursuit trois objectifs très clairs : montrer que la prostitution est incompatible avec les idéaux d'émancipation de la République, battre en brèche les clichés qui lui sont associés et réaffirmer que la lutte contre la prostitution ainsi que la protection des personnes prostituées sont une priorité. La République ne peut tolérer la perpétuation de l'idée selon laquelle la sexualité serait un droit devant être satisfait à n'importe quel prix. Tout acte sexuel non désiré constitue une violence pour la personne qui la subit et porte atteinte au principe fondamental qu'est le respect de la dignité humaine. Comme le montre le rapport d'information sur la prostitution en France, la majorité des personnes qui se prostituent ne le font pas au nom d'un libre choix. Comment prétendre cela lorsqu'on constate la prostitution de mineures ou d'étudiantes ?

Il est tout aussi essentiel de garantir les droits fondamentaux des personnes prostituées et de lutter ardemment contre le proxénétisme et la traite des êtres humains. Nous ne pouvons que nous féliciter que la majorité accepte de les regarder comme des victimes. La création du délit de racolage passif, la lutte contre la visibilité de la prostitution n'ont pas simplement culpabilisé les prostituées ; on a en réalité aggravé le danger qui pèse sur ces personnes en les rejetant dans l'ombre. Nous avons raté l'occasion, avec la loi du 9 juillet 2010, de protéger les victimes de traite au même titre que celles de mariage forcé. Cette résolution marque donc une évolution dont nous nous félicitons et que nous ne pouvons que vous encourager à poursuivre. Il s'agit de mettre en place une politique volontariste et ambitieuse visant, bien sûr, à changer les mentalités et à bousculer les idées reçues sur la prostitution et les personnes contraintes de la pratiquer. Un des objectifs de cette résolution porte justement sur l'effort à consacrer à l'information, la prévention, l'éducation et la responsabilisation des clients, mais également de toute la société. La volonté politique est au coeur d'une possible évolution.

Parce que le groupe socialiste, radical et citoyen et divers gauche est profondément attaché aux principes qui fondent notre République, à savoir l'égalité entre les hommes et les femmes, le respect de la dignité humaine et la lutte contre toutes formes de violences, notamment les violences de genre, il votera bien évidemment cette proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Photo de François Vannson

Cet amendement de suppression, qui a été rejeté par la commission, est peut-être cohérent avec votre position sur la réforme générale des retraites, mais, à mes yeux, il est surtout curieux. En effet, l'article 1er du projet de loi organique ne fait qu'appliquer aux magistrats une réforme qui trouvera à s'appliquer pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques, en vertu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. C'est une question de cohérence et d'équité. Les magistrats que j'ai entendus ne la contestent pas. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

(L'amendement n° 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Photo de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq ; pour le groupe GDR.

Photo de Jean-Paul Lecoq

Je voudrais aussi, à mon tour, me féliciter de cette initiative, même si j'ai déjà eu de m'en réjouir à la tribune. Elle doit permettre à notre société de progresser sur le chemin du respect de la personne humaine et de l'égalité des hommes et des femmes. Notre démarche ne participe pas d'une attitude moralisatrice : elle se veut résolument éthique.

Photo de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 4 et 8 , visant à supprimer l'article 2.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 4 .

Photo de Dominique Raimbourg

J'ai souligné tout à l'heure que l'allongement de la durée des fonctions des juges placés pouvait porter atteinte à l'inamovibilité, ce qui remettait également en cause, indirectement, l'indépendance. Cette question n'ayant pas été tranchée, je ne trouve pas très opportun d'allonger la durée de placement pour les juges, étant précisé qu'aujourd'hui, sauf erreur de ma part, ils peuvent déjà être en fonction pour une durée de six ans, ce qui laisse toute la flexibilité nécessaire aux juridictions pour s'organiser, en fonction des postes vacants.

Photo de Jean-Paul Lecoq

Éthique : le mot a déjà été utilisé, et c'est bien lui qui fonde la lutte contre toute marchandisation du corps humain.

On ne peut que se réjouir de voir une ministre de la République porter l'engagement à ce niveau ; et en vous écoutant, madame la ministre, j'ai aussi mesuré combien il était essentiel, s'agissant des relations entre les garçons et les filles, de les éduquer dès leur plus jeune âge…

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour défendre l'amendement n° 8 .

Photo de Jean-Jacques Candelier

Comme je l'ai dit tout à l'heure, cet article est un cavalier législatif. La précédente réforme du statut des magistrats placés n'a pas fait l'objet d'une concertation avec les organisations représentatives. Rien ne semble pouvoir justifier son adoption au pas de charge.

Photo de Jean-Paul Lecoq

…et de porter, de manière générale, un regard sur la société. Nous sommes en retard sur ce point, non au niveau de la pensée, mais au niveau de l'action.

Je pense également que, pour agir contre la prostitution, il faut également agir sur les causes, sur celles qui font qu'à un moment donné un individu – un jeune, une jeune, une étudiante – choisit ce moyen-là pour atteindre un objectif : payer ses études ou avoir une vie que ses parents ne peuvent peut-être pas lui offrir, faute de moyens. Il est donc indispensable d'agir sur ces causes, afin que chacun puisse avoir un travail et en vivre, que le travailleur manuel puisse vivre de la force de travail de ses bras, et l'intellectuel puisse vivre des ressources de son esprit, et qu'ils n'aient point besoin de recourir à d'autres moyens pour gagner leur vie. La lutte contre le chômage est à cet égard un élément important.

Si je m'associe aux remerciements adressés à la mission pour son travail, je tiens également à remercier tous les collègues qui, quels que soient leurs bancs, nous représentent au Conseil de l'Europe, à Strasbourg, et qui, avec les autres États du Conseil de l'Europe, luttent pour cette cause et pour que ces valeurs, que cette éthique, soient partagées par tous les pays. Il faut également, et c'est l'objet des résolutions du Conseil de l'Europe, que des partenariats se tissent, entre nos polices, par exemple, pour que la victime ici soit protégée, mais que sa famille, restée au pays, le soit également. Si l'on n'agit pas aux deux bouts de la chaîne, le combat est perdu d'avance.

Enfin, madame la ministre, j'ai bien noté qu'il était essentiel pour vous de considérer la victime comme une quasi-réfugiée dès lors qu'elle ose agir pour sortir de sa situation. Nous lui devons protection et veiller à ce qu'elle reste chez nous le temps qu'il faut, y compris éventuellement pour se soigner, car cette activité n'est pas sans risques, nombre de collègues l'ont souligné.

Ce vote est, aujourd'hui, un moment important, car ce vote sur des valeurs qui font la grandeur de notre République et de notre pays nous rassemble. Le groupe communiste et élus du parti de gauche est fier de s'y associer. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Photo de Marc Le Fur

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau Centre.

Photo de François Vannson

Ces amendements ont été repoussés par la commission. Les nouvelles dispositions proposées par le texte sont de nature à apporter plus de souplesse à nos juridictions. Par ailleurs, il ne faut pas non plus oublier que le régime des magistrats placés repose sur le volontariat.

Photo de Claude Leteurtre

Le groupe Nouveau Centre, comme l'a fort bien expliqué Raymond Durand, votera bien évidemment cette proposition de résolution.

Je n'ajouterai pas beaucoup d'observations, mais j'en profiterai pour remercier Mme la ministre pour son combat opiniâtre et persévérant. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Photo de François Vannson

Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à ces amendements.

(Les amendements identiques nos 4 et 8 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 2 est adopté.)

Photo de Claude Leteurtre

Elle a voulu ce vote. Je tiens également à associer à ces remerciements Danièle Bousquet, Guy Geoffroy et tous les membres de la mission.

Photo de Patrick Lemasle

C'est en effet le travail d'une mission !

Photo de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1 et 2 , tendant à supprimer l'article 3.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 1 .

Photo de Claude Leteurtre

En effet, et nous devons le dire, car cela a représenté beaucoup de temps et de volonté. Comme toujours dans le combat politique, il faut faire preuve de persévérance.

Les principes, dont celui de la non-patrimonialité, doivent bien sûr être rappelés. Nous avons, là, globalement fait oeuvre utile. La suite à donner est essentielle. Mon collègue Lecoq le rappelait tout à l'heure : nous devons maintenant passer aux travaux pratiques. Je sais, madame la ministre, que telle est votre intention. L'étape suivante doit être la transposition de cette disposition dans le code pénal. Peut-être convient-il parfois de taper là où ça pose problème parfois, en responsabilisant le client.

Photo de François Vannson

Cet amendement a déjà fait l'objet de nombreuses prises de parole dans le cadre de la discussion générale. Il est très important de ne pas faire de discrimination entre les différents fonctionnaires de l'État. Je ne vois pas au nom de quoi nos magistrats ne pourraient plus avoir accès aux décorations telles que la Légion d'honneur et le Mérite. Ce serait, de plus, faire preuve de désinvolture à l'égard de ces deux ordres : ces décorations ne sont pas décernées à la légère. De même, ce n'est pas parce que les magistrats sont décorés qu'ils sont soumis au pouvoir en place.

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Paul Garraud pour soutenir l'amendement n° 2 .

Photo de Claude Leteurtre

Dans l'immédiat, nous voterons cette proposition de résolution avec beaucoup de foi. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Photo de Jean-Paul Garraud

Je souscris à ce que viennent de dire M. le rapporteur et M. le ministre concernant cette disposition. M. Dosière a réussi à faire passer en commission des lois un amendement visant à interdire à tout magistrat l'attribution de décorations, ce qui est une mesure totalement injuste et discriminatoire.

D'abord, il s'agit d'un véritable cavalier. Cette mesure, qui n'a d'ailleurs été soumise à aucune concertation, n'a strictement rien à voir avec le texte dont nous nous occupons, qui concerne la limite d'âge des magistrats. Il y a donc un fort risque d'inconstitutionnalité.

Ensuite, et au-delà de cela, je ne vois pas pourquoi les magistrats ne pourraient pas être récompensés de leurs mérites éminents. M. Dosière a prétexté que c'était une mesure visant à assurer plus d'indépendance et d'impartialité. Il a même pris l'exemple des parlementaires, qui ne peuvent effectivement se voir attribuer de décorations pendant leur mandat. Sauf que les parlementaires, à la différence des magistrats, n'exercent pas leur fonction à vie. Que je sache, il arrive d'ailleurs à nombre d'entre eux, une fois leur mandat terminé, de se voir attribuer quelques décorations.

En outre, cette mesure est discriminatoire à l'égard des magistrats de l'ordre judiciaire : s'il s'agit d'indépendance et d'impartialité, pourquoi M. Dosière oublie-t-il les magistrats de l'ordre administratif,…

Photo de Marc Le Fur

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.

(L'article unique de la proposition de résolution est adopté.)

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Photo de Jean-Paul Garraud

…les membres du Conseil constitutionnel et des autorités administratives indépendantes, les magistrats consulaires, les conseillers aux prud'hommes, ou encore les magistrats de l'ordre judiciaire détachés, qui, eux, pourraient se voir attribuer des décorations ?

Photo de Jean-Paul Garraud

Il y a vraiment là une inégalité flagrante par rapport aux autres personnes que l'on pourrait suspecter d'être dépendantes à la suite d'une décoration. C'est d'ailleurs très blessant et vexant pour les magistrats, qui ont une tout autre éthique.

Photo de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Pierre Morange et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête relative aux modalités de fonctionnement, au financement ainsi qu'à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France et notamment de la ligne A du RER (nos 3259, 4015).

La parole est à est M. Yanick Paternotte, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Photo de Yanick Paternotte

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, présentée par notre collègue Pierre Morange et plusieurs de nos collègues franciliens au printemps dernier, la présente proposition de résolution vise à créer une commission d'enquête de trente membres, dont les travaux se dérouleront dans les quelques semaines qui nous séparent de la fin de la treizième législature. L'urgence de cette démarche se justifie à plus d'un titre.

Tout d'abord, le thème de travail proposé : les modalités, le financement et l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau RER d'Île-de-France, intéresse les onze millions de Franciliens voués à emprunter ce mode de transport victime de trop longues années de sous-investissement et, paradoxalement, de son succès grandissant, les besoins de mobilité à l'échelle de la région capitale étant plus forts que jamais.

Ensuite, comme l'attestent, notamment, les reports successifs du débat parlementaire sur le schéma national des infrastructures de transport, force est de constater que la représentation nationale reste trop peu associée à la définition des grands choix stratégiques structurants qui engagent l'avenir et mobilisent l'argent du contribuable. Or le Parlement doit en toute occasion s'attacher à exercer la fonction de contrôle que la Constitution lui reconnaît et qu'il a, hélas ! trop souvent tendance à négliger ou à déléguer à des autorités moins légitimes que lui.

Enfin, la commission d'enquête est un outil d'intervention adapté, en ce qu'elle permet, au-delà des effets d'annonce de certains responsables publics, d'approfondir la connaissance des enjeux et d'obtenir des précisions fiables sur le déroulement des projets. Comme j'ai pu le constater en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire, créée à l'initiative de nos collègues du groupe GDR, la grande rigueur qui est d'usage dans ce cadre constitue une garantie, face à des enjeux aussi essentiels que la maîtrise des coûts ou le respect de l'environnement. J'ai eu l'occasion de le dire en commission du développement durable : j'ai été surpris en découvrant que, dans le cadre d'une commission d'enquête, on parvient à recueillir des témoignages et des données que l'on ne trouve parfois nulle part ailleurs.

Comme je l'ai également déjà fait en commission, il est de ma responsabilité de vous indiquer que la présente proposition de résolution satisfait les exigences posées par le règlement de l'Assemblée nationale, au nombre de trois.

Tout d'abord, la proposition de résolution porte sur des faits déterminés, puisqu'elle tend à analyser les modalités, notamment financières, et les conséquences de tous ordres du projet de rénovation du RER. Son objectif satisfait donc aux exigences posées par l'article 137 du règlement.

Ensuite, elle remplit les conditions posées par l'article 138 du règlement, puisqu'aucune commission d'enquête ou aucune mission réalisée dans les conditions prévues à l'article 145-1 n'a effectué des travaux sur ce même sujet depuis douze mois.

Enfin, la dernière condition de recevabilité d'une proposition de résolution concerne la mise en oeuvre du principe de séparation entre le pouvoir législatif et l'autorité judiciaire, qui interdit aux assemblées parlementaires d'enquêter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires en cours. Cette condition est satisfaite, puisqu'aucune procédure en cours n'entre dans le champ d'étude proposé, ainsi que l'a indiqué par courrier, le 14 avril dernier, M. le garde des sceaux au président de l'Assemblée nationale, en réponse à la lettre qui lui avait été envoyée le 29 mars.

Je souligne au passage, monsieur le ministre, que la présente proposition de résolution a été déposée en février. Certains de nos collègues ne manqueront pas, je suppose, de nous reprocher la lenteur de son examen. Je regrette que l'on n'ait pu trouver plus promptement pour ce texte une place dans l'agenda parlementaire.

Mes chers collègues, la commission d'enquête qu'il vous est proposé de créer aura pour ambition d'analyser les modalités et les conséquences de tous ordres d'un projet d'intérêt général : la rénovation du réseau RER, dont l'urgence et la nécessité sont indiscutables.

Le réseau RER date de 1962. Sa réalisation s'est étalée jusqu'en 1979 pour les quatre premières lignes. Aujourd'hui, cela représente 587 kilomètres sur cinq lignes, 2,7 millions de passagers par jour, dont 1,2 million sur la ligne A et plus de 500 000 sur la ligne D, dans sa partie nord.

Du fait de la dégradation d'un réseau par ailleurs plutôt bien conçu et à l'époque riche de potentialités, du risque de saturation du système – ce qui, paradoxalement, valide sa pertinence – et de la réalité de la gêne qui en résulte pour les usagers, la nécessité d'une rénovation ne fait pas débat en Île-de-France. S'agissant d'un projet d'intérêt général, il est d'autant plus légitime que s'en saisisse la représentation nationale que les élus des territoires concernés sont quotidiennement interpellés à ce sujet. Pour ma part, élu de l'est du Val-d'Oise, je peux vous dire que la ligne D est l'objet d'un débat récurrent et d'une insatisfaction permanente de la part des habitants de ces territoires.

Le premier constat justifiant une démarche d'investigation, c'est que le réseau et le service du RER se sont dégradés du fait d'une trop longue période de sous-investissement. Dès lors, il conviendra, après avoir analysé les causes de ce phénomène, de proposer des solutions pour y remédier, dans une recherche de complémentarité avec les autres projets qui concernent la région, en particulier le réseau de métro automatique du Grand Paris, le Grand Paris Express.

Un effort particulier doit être entrepris pour moderniser le matériel roulant, fiabiliser les infrastructures, pour prévenir les incidents techniques qui perturbent de manière répétée la régularité des trains, conforter les efforts déjà accomplis en matière de rationalisation du service, notamment en ce qui concerne le partage des responsabilités entre la RATP et la SNCF – on, ne peut pas vraiment dire que ce soit un atout extraordinaire –, enfin et peut-être surtout, pour sécuriser les voyageurs, qui se sentent parfois bien seuls dans des rames relativement vides en dehors des heures de pointe.

Il convient de noter que la ligne A et une partie de la ligne D figurent parmi les douze lignes identifiées par la SNCF au début de l'année 2011 comme « sensibles » et devant à ce titre faire l'objet de projets de services spécifiques.

En matière de plans de financement, il conviendra que les membres de la commission d'enquête obtiennent des données précises et fiables précisant les indicateurs à partir desquels elles ont été établies. En effet, tant l'analyse des avant-projets successifs du SNIT, qui s'est étalée de novembre 2010 à novembre 2011, en trois étapes, que le contrôle de la mise en application de la loi relative au Grand Paris ont montré combien il était difficile de recueillir des données précises, j'oserais dire objectives, garanties par les opérateurs – et parfois tout simplement réalistes quant au financement.

Les deux nouvelles rames à deux étages mises en service hier sur la ligne A, d'une capacité augmentée de 60 % par rapport à celles qui circulent actuellement – passant de 1 700 à 2 600 voyageurs potentiels – ne manqueront pas d'améliorer les conditions de transport sur la ligne, en attendant que de telles rames arrivent sur la ligne D puis sur les autres lignes. Si elles disposent d'une plus grande capacité et de meilleures prestations d'accessibilité et de confort, la qualité de service reste perfectible, comme l'a du reste admis le PDG de la RATP lors de sa dernière audition par notre commission du développement durable, le 22 juin.

Du reste, lors de la présentation du bilan des débats publics conjoints sur le réseau de transport public du Grand Paris et sur le projet régional Arc Express, avant que les deux ne fusionnent dans le Grand Paris Express, débats organisés fin 2010, le préfet Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public, n'a pas hésité à parler de « souffrance » pour qualifier la situation des Franciliens soumis à d'incessantes perturbations de transport, en particulier sur le réseau RER. L'urgence d'améliorer cette situation est donc d'autant plus grande que la souffrance des usagers est vive.

En outre, malgré une relative stabilisation de la conflictualité sociale et une application globalement satisfaisante de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public, dite « loi sur le service minimum », les perturbations liées aux grèves restent une source d'anxiété pour les voyageurs, notamment parce qu'elles mettent en évidence leur dépendance vis-à-vis d'un mode de déplacement dont ils ne maîtrisent pas toutes les variables. Sont en effet pris en otage les usagers sans solution alternative, comme ceux de la branche nord de la ligne D, dans le Val-d'Oise, et les plus fragiles, ceux qui n'ont pas de véhicule.

Pour toutes ces raisons, la mise en oeuvre de la rénovation du RER doit faire l'objet d'un suivi attentif du Parlement. Dans son exposé sommaire à l'appui de cette proposition de résolution, notre excellent collègue Pierre Morange, que je salue, insiste à raison sur la nécessité de bien dimensionner les opérations de rénovation aux besoins réellement constatés, car il est essentiel d'évaluer « tant la capacité d'absorption du projet de réseau d'un afflux ponctuel de voyageurs – par exemple, en cas de pannes de machines ou de grèves – que l'augmentation prévisible du trafic à trente ans, en fonction de l'accroissement prévisible du nombre d'usagers ».

Je ne peux que souligner la justesse de cette analyse. Prévoir un projet de rénovation a minima, en vue de ne résoudre que les incidents constatés au cours des dernières années, serait à notre avis une expérience sans grand avenir. La commission d'enquête devra par conséquent porter une attention particulière aux études qui pourront lui être présentées afin de vérifier que toutes les solutions envisagées sont conformes aux prévisions de charge qui dimensionnent le réseau rénové.

Enfin, elle devra se rapprocher des bons interlocuteurs pour exprimer sa préoccupation que les projets de développement prennent bien en compte les problèmes environnementaux, pour ce qui concerne tant la préservation des milieux desservis que le choix de solutions techniques et d'un matériel roulant aux nuisances aussi limitées que possible.

La commission du développement durable a souhaité apporter quelques modifications à cette proposition de résolution. Elles sont toutes d'ordre rédactionnel, à une exception près : nous avons décidé d'élargir le champ initialement proposé à tout le réseau RER et non de le limiter à la seule ligne A, comme je viens de l'exposer. C'est l'ensemble du réseau que devra examiner la commission d'enquête.

Notre commission du développement durable a adopté cette proposition de résolution déposée à l'initiative de notre collègue Pierre Morange et qu'à titre personnel je soutiens avec force. Pour toutes les raisons que j'ai exposées, je vous invite, mes chers collègues, à la voter.

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le Gouvernement est bien entendu favorable à ces deux amendements de suppression.

D'abord, très honnêtement, cette affaire est traitée à toute vitesse, sans concertation et sans réflexion.

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

En effet, monsieur Gosselin. S'il doit y avoir un débat sur cette question, ouvrons-le. Il faut que tout le monde soit concerné.

Ensuite, je voudrais dire que, très souvent, des décorations sont accordées aux magistrats qui ont risqué leur vie. De même, si je regarde la liste de la promotion de Pâques de la légion d'honneur, je trouve une vice-présidente du tribunal pour enfants d'Évry, qui a fait preuve, dans des situations dangereuses, d'un sang-froid extraordinaire. Elle est parvenue à éviter la défenestration d'une mère de famille ainsi que des suicides par ingestion de cachets. Il ne s'agit donc pas simplement de récompenser des carrières longues.

Photo de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annick Lepetit.

Photo de Philippe Gosselin

Ce qu'a d'ailleurs fait la gauche quand elle était au pouvoir !

Photo de Annick Lepetit

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le sujet qui nous intéresse aujourd'hui est pour le moins surprenant dans cette enceinte. La mise en place d'une commission d'enquête parlementaire concernant le réseau express régional d'Île-de-France me paraît en effet une décision quelque peu disproportionnée et, surtout, inadaptée.

Ce n'est pas que je méconnaisse ou sous-estime la situation des usagers, bien au contraire : je trouve d'ailleurs intéressant de voir la majorité se pencher aujourd'hui sur la question des conditions de transport des Franciliens. Je me suis en effet souvent sentie un peu seule lorsque je dénonçais la saturation des réseaux existants et la souffrance des usagers du RER ou de certaines lignes de métro – la ligne 13, par exemple. Toutefois, je ne pense pas qu'une commission d'enquête soit adaptée au sujet, que ce soit en termes de légitimité, de moyens ou de calendrier.

J'ai noté qu'à la page 8 du rapport, la création d'une commission d'enquête est justifiée ainsi : « S'agissant d'un projet d'intérêt général, il est d'autant plus légitime que la représentation nationale s'en saisisse que les élus des territoires concernés sont quotidiennement interpellés à ce sujet. » Certes, mais je suis, tout comme vous, constamment interpellée sur nombre d'autres sujets : le manque d'emplois, l'absence de policiers dans les quartiers difficiles, les classes surchargées et les jeunes professeurs mis devant des élèves sans la moindre formation, ou encore l'accroissement des inégalités entre les riches et les pauvres… Bref, si l'Assemblée nationale organise une commission d'enquête sur les retards du RER, chacun des sujets que je viens d'évoquer le mérite, à mes yeux, tout autant.

La commission d'enquête apparaît comme une solution surdimensionnée, mais surtout inadaptée. Pourquoi, par exemple, ne pas demander au président du STIF, dans le cadre de ses compétences, de constituer un groupe de travail sur le fonctionnement du RER, dans lequel les parlementaires intéressés seraient associés ? Cela me paraîtrait plus efficace et plus en adéquation également avec les lois sur la décentralisation.

Je reviens sur le rapport et plus particulièrement sur sa page 11 : « Il est donc indispensable que les responsables politiques orientent les choix et valident les modalités envisagées pour les mettre en oeuvre ». Je suis tout à fait d'accord avec cela mais, mes chers collègues, il ne vous a pas échappé que les lois Raffarin ont confié cette mission au STIF… Or la loi sur le Grand Paris, suivie de la réforme territoriale, puis, aujourd'hui, ce projet de résolution, témoignent d'une volonté certaine de recentraliser des compétences que vous avez hier confiées aux collectivités – comme si vous regrettiez d'avoir voté ces lois en 2004.

Quel intérêt de créer une commission d'enquête au moment où sont livrées les nouvelles rames de la ligne A ? Je sais que vous avez élargi le champ d'investigation – nous en avons discuté en commission, un amendement a été déposé –, mais c'est bien cette ligne qui était avant tout ciblée par notre collègue Pierre Morange.

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les magistrats sont très souvent placés dans des situations dangereuses où ils mettent en péril leur intégrité physique. Il est bien normal que la République reconnaisse cette situation.

Photo de Pierre Morange

Non, au départ, je visais bien l'ensemble du RER !

Photo de Annick Lepetit

Croyez-vous vraiment qu'une commission d'enquête parlementaire permettra d'accélérer le calendrier prévu ? Les rames seront livrées de 2012 à 2017. Croyez-vous vraiment qu'une commission d'enquête parlementaire va faire baisser le coût de la rame,…

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

En raison, donc, du caractère un peu bâclé de la proposition qui a été adoptée par la commission,…

Photo de Philippe Gosselin

Un peu ? Vous êtes gentil ! Dites plutôt : totalement bâclée !

Photo de Annick Lepetit

…passé de 10 à 15 millions d'euros, et négocié par la seule RATP ? Alors que les fameuses lois de décentralisation que j'ai évoquées ont conféré au STIF des prérogatives en matière de transport, on en a profité pour évacuer du conseil d'administration de la RATP les élus, notamment les parlementaires. C'est dommage.

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…et du fait que l'on ne tient pas vraiment compte de ce que font en réalité les magistrats, le Gouvernement est tout à fait défavorable à la disposition introduite par MM. Dosière et Raimbourg, et très favorable aux amendements de MM. Vannson et Garraud.

Photo de Henri Plagnol

Cela fait partie des sujets qu'examinera la commission d'enquête !

Photo de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, vous êtes nombreux à avoir demandé la parole sur ces amendements. Je vous demanderai donc de respecter scrupuleusement le temps qui vous est imparti.

La parole est à M. Michel Hunault.

Photo de Annick Lepetit

En vous entendant évoquer l'urgence de constituer cette commission, à six mois des élections présidentielles, cela me rappelle le débat sur la loi sur le Grand Paris, que vous trouviez tout aussi urgent. L'urgence pour vous, c'était alors les élections régionales toutes proches… Et cette tentative de coup politique ne vous avait pas franchement réussi, du moins si l'on s'en tient aux résultats de ces élections. J'ai le sentiment de retrouver la même situation, avec des élections toutes proches, un Président qui prend le RER et tire à lui la couverture pour récupérer et le travail et les investissements des collectivités, et un texte qui arrive à l'Assemblée pour appeler de toute urgence à s'occuper des transports franciliens… Il y a là comme une impression de déjà vu !

Il faut bien sûr se montrer sérieux au sujet des transports franciliens, s'en préoccuper mais je pense que nos concitoyens ne sont pas dupes de cette manipulation. D'ailleurs, à en croire le sondage paru hier sur le site du Figaro, peu connu pour ses tendances gauchisantes,…

Photo de Michel Hunault

Comme je me suis exprimé dans la discussion générale sur cette disposition, je serai bref. Je souhaiterais non seulement que l'on vote ces deux amendements – je fais miennes, à cet égard, les réflexions du garde des sceaux et des auteurs des amendements –, mais aussi que l'opposition, qui est à l'origine de la disposition en question, revienne sur sa position. Il faut que nous levions cette suspicion envers les magistrats.

Photo de Annick Lepetit

…les Français sont déjà plus de 70 % à penser que cette commission d'enquête ne changera rien.

Sur le fond, si vous ne cherchez qu'à faire un rapport à charge contre la gestion des transports par la région et le STIF, vous risquez d'être déçus par ce que vous trouverez et par les conclusions que vous serez forcés d'en tirer.

Souvenons-nous de ce qui s'est passé : c'est en 2006 que le président de la région Ile-de-France a pris la tête du STIF. Je relève donc, à ce sujet, une approximation dans l'exposé des motifs de la résolution, que j'ai déjà souligné en commission : vous expliquez que l'État et la région se renvoient la balle depuis deux décennies. Or, avant 2006, seul l'État a eu la responsabilité du sous-investissement dans les RER et donc de l'absence de moyens consacrés à l'amélioration de la fiabilité du réseau. D'ailleurs, au moment de cette décentralisation, les administrateurs du STIF avaient unanimement demandé un état des lieux du réseau, mais sans succès.

Photo de Michel Hunault

L'unité de la représentation nationale peut conforter un corps professionnel. Il serait bon qu'il y ait un peu de sérénité ; nous devrions trouver un accord pour que ces amendements soient votés à l'unanimité.

Photo de Annick Lepetit

On aurait mieux fait de le faire à cette époque…

Dès le mois de mai 2006, un vaste programme de rénovations et d'acquisitions des rames a été engagé. Puis la priorité du président du STIF a été d'établir et de mettre en oeuvre le plan de mobilisation pour les transports. Celui-ci, voté à l'unanimité, s'élevait à près de 19 milliards d'euros et était porté par la région et ses huit départements. Il prenait en compte à la fois la rénovation de l'existant et le développement de nouveaux projets tels que le prolongement de la ligne 14 pour désaturer la ligne 13 ainsi qu'Arc Express. Il contenait notamment un volet « urgences », qui visait à traiter les problèmes de régularité, de saturation et d'accessibilité des métros et des RER. Il prévoyait par exemple un peu plus de 1 milliard d'euros pour renouveler le matériel roulant du RER A.

Les collectivités locales s'engageaient à hauteur de 12 milliards d'euros et demandaient à l'État de prendre sa part, comme cela se passe pour n'importe quel autre programme de transports ailleurs qu'en Île-de-France. Ce plan d'urgence a donc été déposé en 2008 sur le bureau de Jean-Louis Borloo, mais le Gouvernement n'a pas jugé utile d'y apporter alors une réponse. Les transports franciliens ne semblaient pas être une priorité et je ne me souviens pas que beaucoup de députés signataires de la présente résolution s'en soient émus à l'époque. Un temps précieux fut donc perdu, qui obligea la région à débuter les programmes sans savoir si elle pourrait ou non compter un jour sur le soutien de l'État.

Au lieu de cela, un ministre du Grand Paris fut nommé dans l'optique affichée d'empiéter sur les prérogatives de la région et en contradiction complète avec l'esprit de la décentralisation. Je ne reviens pas sur les débats relatifs au Grand Paris mais, souvenez-vous, certains députés UMP, tout comme les socialistes ou des députés d'autres appartenances, avaient présenté des amendements, notamment celui visant à prendre en compte le réseau existant.

Il a fallu attendre que la gauche remporte largement les élections régionales en 2010 pour que l'État daigne s'intéresser aux transports franciliens existants, ceux-là mêmes dont il est question aujourd'hui. Or les deux débats publics sur Arc Express et sur le Grand Paris ont démontré à quel point nos concitoyens considéraient la remise en état des transports qu'ils utilisent au quotidien comme une priorité. Cette prise de conscience tardive fut enfin formalisée dans l'accord du 26 janvier 2011 entre l'État et la région sur le Grand Paris Express.

Rappelons qu'entre 2006 et 2009, les collectivités membres du STIF ont permis un développement de l'offre en augmentant de 450 millions d'euros leur contribution, passée de 680 millions d'euros à plus de 1 milliard d'euros. Vous trouverez peu d'exemples d'une aussi grande implication financière des collectivités dans les transports régionaux.

En conclusion, je ne considère pas cette résolution comme une proposition constructive permettant d'améliorer les conditions de transport des usagers, mais davantage comme une provocation à quelques mois des élections. Je le pense sincèrement, et je trouve dommage que vous cherchiez à faire un coup politique concernant les transports, même si nous commençons à en avoir l'habitude. Alors que la mission Carrez sur les financements et l'accord entre la région et l'État avait montré qu'il était parfois possible de dépasser les clivages pour améliorer les conditions des transports des Franciliens, vous en revenez aujourd'hui aux vieilles méthodes de la confrontation frontale chères à Christian Blanc quand il était en fonction. Je doute que vous obteniez aujourd'hui de meilleurs résultats que lui.

Photo de Dominique Raimbourg

Je voudrais faire quelques observations. Premièrement, mes chers collègues, M. Dosière m'a demandé de vous présenter ses excuses : il est actuellement en Centrafrique…

Photo de Jean-Paul Garraud

Il remet des décorations ? (Sourires.)

Photo de Dominique Raimbourg

…et ne peut donc pas être présent pour défendre cette disposition.

Deuxième observation, il s'agit là, non pas d'une disposition de MM. Dosière et Raimbourg, mais d'un texte de la commission des lois, dont nous avons su, à un moment donné, emporter l'adhésion.

J'en viens à ma troisième observation. M. Dosière, à qui vous avez reproché d'avoir oublié l'ensemble de la magistrature, n'a pas oublié l'ensemble des autres membres de la magistrature. Inclure les autres membres de la magistrature aurait été un cavalier puisque ce texte concerne les magistrats de l'ordre judiciaire.

Photo de Jacqueline Fraysse

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête devait initialement se focaliser sur les dysfonctionnements constatés sur la ligne A du RER, mais son objet a été étendu à l'ensemble du réseau express régional d'Ile-de-France, ce qui est une bonne chose, les dysfonctionnements constatés sur la ligne A n'ayant rien à envier à ceux subis sur les autres lignes du RER, et notamment sur la ligne B, probablement la plus catastrophique.

Mon intervention portera néanmoins principalement sur la ligne A, celle que je connais mieux et la plus importante avec plus d'un million de voyageurs par jour. Son trafic s'est considérablement dégradé, héritage de décennies de manque d'investissements.

Le livre blanc rédigé par les élus des communes concernées pointe notamment les retards quotidiens, les rames surchargées, l'absence ou l'insuffisance des moyens de substitution en cas d'incident, le matériel obsolète, les arrêts trop peu nombreux dans certaines gares comme Nanterre-Ville, ou encore les temps d'attentes subis par les usagers à Nanterre-Préfecture du fait des changements de conducteurs.

Je voudrais saluer ici ces centaines de milliers de citoyens qui voyagent quotidiennement dans ces conditions inhumaines et qui ont le sentiment d'être méprisés, ainsi que les salariés, notamment les conducteurs qui, sur certaines rames, ont la responsabilité de plus de 2 500 passagers et font face à des conditions de travail très difficiles.

J'invite les futurs membres de cette commission d'enquête, si le principe en est voté, à tenter de prendre le RER à Châtelet entre huit heures trente et neuf heures afin qu'ils apprécient concrètement les conditions endurées par les usagers de cette ligne.

Si la situation du RER A s'est brusquement dégradée ces dernières années, les causes en sont profondes et ne datent pas d'hier. C'est à partir de 1992, à la suite de l'ouverture du parc Eurodisney à Marne-la-Vallée, que la ligne A a connu un développement exponentiel.

Photo de Dominique Raimbourg

C'est peut-être spécieux, mais c'est juridiquement fondé.

J'ajouterai deux dernières observations de fond. L'amendement que vous appelez à tort « Dosière-Raimbourg » et que je préfère appeler l'amendement de la commission des lois prévoit que la magistrature ne doit pas recevoir de décorations.

C'est un hommage rendu à la magistrature et une manière de consacrer sa spécificité : la magistrature doit avoir un statut particulier en raison de la place particulière qu'elle occupe dans le corps social.

Cette disposition marque le début d'un ensemble de réformes qui feront l'objet d'une discussion à l'occasion de l'élection présidentielle et des élections législatives.

M. Candelier a raison de le rappeler, la situation est suffisamment grave pour que 126 procureurs sur 163 – alors que ce sont des hommes et des femmes très soucieux de l'intérêt général et de l'ordre public – s'inquiètent et demandent une réforme de leur statut. Nous sommes dans une situation difficile et la réforme est impérative.

Photo de Jacqueline Fraysse

L'immobilier s'est développé très fortement à l'Est de la région, tandis que les emplois étaient à l'Ouest, à la Défense notamment. Ce développement déséquilibré s'est poursuivi jusqu'aujourd'hui,…

Photo de Jacqueline Fraysse

…au point d'aboutir à une ligne constamment au bord de la rupture, avec un train toutes les deux minutes et une marge de tolérance, dans le tronçon central, qui ne dépasse pas cinq secondes par station, le tout avec un matériel vieillissant et des infrastructures très dégradées.

Car, pendant que l'usage de la ligne A se développait, les moyens qui y étaient affectés ne suivaient pas. Les seuls travaux réalisés sur cette ligne se sont limités à la prolonger jusqu'à Marne-la-Vallée. Quant à la SNCF, elle concentrait ses efforts sur le TGV, délaissant les réseaux de proximité, RER et TER.

Ce petit rappel historique permet de montrer que le syndicat des transports d'Ile-de-France, autorité régulatrice, est loin de porter seul la responsabilité de la situation dégradée du RER. Au contraire, depuis que la région en a pris les commandes à la place de l'État, en 2005, le STIF a engagé des mesures qui, espérons-le, devraient améliorer la situation.

Dès 2008, il a demandé à la RATP, qui gère l'essentiel de la ligne, d'élaborer un programme d'amélioration, avec des mesures d'exploitation, de maintenance et d'investissement. C'est ainsi qu'il a pris la décision de renouveler les 130 rames de la ligne à partir de cet automne, afin de n'avoir plus, d'ici à 2017, que des rames à deux niveaux qui permettront d'augmenter la capacité d'accueil de 30 %.

Le STIF a par ailleurs mis sur pied un comité de ligne, lieu d'échanges entre les différents acteurs concernés, et demandé à la SNCF, à la RATP et à RFF d'accroître leurs budgets de maintenance et d'investissement et d'engager un schéma directeur de la ligne A afin de coordonner leurs actions.

Si ces mesures sont indiscutablement intéressantes, elles ne vont cependant pas résoudre tous les problèmes du jour au lendemain. M. le rapporteur met en garde contre « un réseau surdimensionné ». Je crois pouvoir lui dire que le nombre actuel de voyageurs et les perspectives d'évolution de la Défense permettent d'emblée d'écarter cette hypothèse. Je crains plutôt le contraire…

En effet, ces dysfonctionnements ont d'autres causes qui ne dépendent pas du STIF. Je pense notamment aux prix des logements, qui ont explosé ces vingt dernières années, repoussant de plus en plus loin de Paris les ménages modestes et les classes moyennes.

Le STIF n'est pas davantage responsable des décisions prises en matière d'aménagement du territoire car, malgré les lois de décentralisation, la France reste un pays très centralisé autour de Paris et de l'Ile-de-France qui ne représente que 2 % du territoire national, mais concentre 18 % de la population et 29 % du PIB.

Au sein même de la région Ile-de-France, le développement économique se révèle très inégal, les emplois, je l'ai déjà dit, étant plutôt localisés à l'Ouest. Le schéma directeur régional d'Ile-de-France s'est d'ailleurs fixé pour objectif de rééquilibrer le développement économique à l'Est de la région afin de réduire la pression foncière et de limiter le nombre de déplacements.

Le quartier d'affaires de la Défense est à ce titre symptomatique de ce déséquilibre puisqu'il concentre sur un territoire somme toute réduit très peu de logements, mais 150 000 salariés dont 90 % viennent travailler en utilisant les transports en commun.

Et cela va se poursuivre, car le modèle de développement de la Défense est lui-même exponentiel. En effet, l'aménagement en est confié à un établissement public – l'EPADESA – qui, pour assurer son équilibre financier, doit construire toujours plus de bureaux,

Photo de Lionel Tardy

J'ajouterai quelques mots sur cet article qui suscite beaucoup de réflexions.

Cet article propose de revoir les méthodes d'attribution de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite. Notre collègue Dosière a choisi de poser le débat de manière, certes, un peu abrupte. Je lui laisse la paternité de son amendement, et la tâche d'en exposer les motifs, qui ont pu choquer certains magistrats.

Si cet amendement contient des éléments de vérité, ces derniers ne concernent pas uniquement les magistrats : la course à la médaille existe partout. Je souscris toutefois pleinement à sa vision concernant les critères d'attribution des décorations – vaste sujet également.

Une immense majorité de nos compatriotes la partagent aussi. Dans l'esprit des Français, il faut mériter une décoration ; il ne suffit pas d'avoir simplement fait son métier. Or, on le sait tous, le critère essentiel pour obtenir une médaille est d'être recommandé par un organisme officiel ou d'être soi-même proche du pouvoir, malheureusement. (MM. Jean-Paul Garraud et Philippe Gosselin protestent.)

Il m'apparaît nécessaire de revoir le système d'attribution des décorations, en diminuant drastiquement les quotas, en les attribuant uniquement pour des faits exceptionnels et en rendant publics les faits qui les ont justifiées, afin de garantir la transparence.

En suivant cette voie, nous contribuerons à réduire le fossé qui nous sépare de la population, laquelle ne voit malheureusement dans certaines attributions que du copinage ou du renvoi d'ascenseur.

Patrick Ollier, ministre

Il s'en occupe justement !

Photo de Jacqueline Fraysse

…ce que n'a pas manqué de dénoncer dernièrement encore le maire de Nanterre.

Photo de Philippe Gosselin

Je suis étonné des propos de notre collègue qui semble, confondre égalité, égalitarisme et nivellement par le bas.

Les distinctions et les ordres nationaux sont une façon de reconnaître les mérites tant civils que militaires. Si tous les régimes, monarchiques et républicains, les ont décernés, ce n'est pas un hasard. Les individus ont besoin d'être reconnus dans leurs fonctions.

Il serait temps de lever les suspicions. Les procès en sorcellerie faits par nos collègues sont désobligeants. Ils ne le sont pas à l'égard des parlementaires, puisque nous ne sommes pas susceptibles, à titre civil, d'être décorés. Et c'est pourquoi nous pouvons prendre position en toute indépendance et en toute transparence.

Je suis lassé, agacé et énervé par ces procès en dépendance faits aux magistrats. C'est leur faire insulte car l'immense majorité des magistrats sont indépendants et autonomes. Ces colifichets n'y changeront rien.

J'ajouterai une dernière remarque sur l'impréparation de l'amendement de M. Dosière qui espérait faire ainsi un bon coup. Il a d'ailleurs réussi à créer un certain émoi, la durée de nos débats sur ce point en témoigne.

Mettre la médaille ou des décorations militaires dans le même panier me semble tout à fait déplacé et irréfléchi. Je veux bien essayer de comprendre ce qui concerne les décorations civiles mais ce qui concerne les décorations militaires me semble encore plus déplacé.

L'exemple de la médaille militaire est assez probant : pour en être détenteur, il faut avoir accompli au front un certain nombre d'actions d'éclat. Par ailleurs, ces médailles sont réservées aux sous-officiers et aux maréchaux de France.

Patrick Ollier, ministre

J'étais précisément avec lui !

Photo de Jacqueline Fraysse

Ainsi, pour éponger son déficit actuel, l'EPADESA doit construire entre 500 000 et un million de mètres carrés de bureaux en plus d'ici à 2020, soit entre 35 000 et 65 000 emplois supplémentaires sur la dalle de la Défense !

Quant au logement de ces salariés – sans parler des équipements publics –, personne ne s'en préoccupe et, pire, la ville de Nanterre a dû se battre pour imposer la présence de logements – en particulier de logements accessibles – dans le projet d'aménagement Seine-Arche, entièrement situé sur son territoire.

C'est pourquoi, dans ce contexte, la question se pose de l'opportunité d'une commission d'enquête sur le RER. Si l'action de la région sur cette question des transports en Île-de-France, depuis 2005 qu'elle est majoritaire au STIF, demeure perfectible, elle aura au moins rompu avec l'immobilisme qui avait prévalu jusque-là.

On peut donc s'interroger sur cette proposition, qui arrive au moment où les choses commencent à bouger, mais aussi à quelques mois de l'élection présidentielle et au lendemain de l'inauguration par le Président de la République de la première nouvelle rame du RER financée par le STIF. Tout cela n'est, bien entendu, pas dénué d'arrière-pensées politiques : comment comprendre autrement ce qui pousse nos collègues du Vaucluse, des Pyrénées-Orientales, des Ardennes et d'ailleurs à se passionner subitement pour les problèmes de transports des Franciliens et à cosigner cette proposition de notre collègue Pierre Morange ?

Si, a priori, cette proposition de création d'une commission d'enquête sur le réseau express régional d'Île-de-France peut être intéressante, nous mettons en garde contre son instrumentalisation pour d'autres objectifs, comme ce fut le cas, par exemple, de la mission d'information sur les fraudes sociales, dont le rapport final, focalisé sur les fraudes aux prestations, a outrageusement contredit le contenu de la quasi-totalité des auditions qui insistaient, au contraire, sur les fraudes aux prélèvements.

Après cette expérience, je suis particulièrement interrogative, même si je veux m'efforcer de croire qu'il s'agit là d'une démarche constructive. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte.

Photo de Jean-Paul Garraud

Monsieur Raimbourg, l'amendement Dosière est devenu le texte de la commission des lois. Mais la même commission des lois a voté l'amendement de M. Vannson et mon amendement.

Je citerai un fait précis dont j'ai été témoin. Il s'agit de l'action exemplaire d'un juge d'instruction qui avait été pris en otage, un couteau sous la gorge, par un détenu.

Avec beaucoup de courage, ce juge d'instruction, Christine Khaznadar, a pris la place de la greffière qui avait été prise en otage avant elle : elle a demandé au détenu de la prendre elle plutôt que sa greffière en otage. Nous avons ensuite réussi, avec les policiers, à maîtriser l'auteur de cette prise d'otage.

Christine Khaznadar, pour son courage, a reçu l'Ordre national du Mérite. Qui peut le contester ?

Avec la disposition que vous soutenez, elle ne l'aurait jamais eu, ce qui aurait été un scandale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

(Les amendements identiques nos 1 et 2 sont adoptés.)

Photo de Claude Leteurtre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un provincial qui, au nom du groupe Nouveau Centre, va s'exprimer sur un problème francilien…

Photo de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 6 et 9 , tendant à supprimer l'article 4.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 6 .

Photo de Claude Leteurtre

…et soutenir la proposition de résolution. Tout ce qui concerne la capitale nous intéresse, et c'est logique parce qu'il nous arrive de prendre le métro et le RER, et de voir dans quelles conditions ils fonctionnent. Ainsi, nous connaissons parfaitement la ligne 13,…

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 9 .

Photo de Jean-Jacques Candelier

Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 6 et 9 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 4 est adopté.)

Photo de Claude Leteurtre

…et le réseau express régional. Certains d'entre nous ont de la famille en Île-de-France et savent quelle galère insupportable elle vit. Je suis surpris, madame Lepetit, de votre position. Moi qui fréquente régulièrement une ligne SNCF classée dans les douze plus mauvaises lignes nationales, j'eusse aimé qu'une telle commission puisse exister.

Photo de Jean-Marie Le Guen

Que ne le fîtes-vous ! Déposez un amendement ! Un problème, une commission !

Photo de Catherine Vautrin

Monsieur Raimbourg, peut-on considérer que l'amendement n° 5 tendant à supprimer l'article 5 a été défendu ?

Photo de Dominique Raimbourg

Oui, madame la présidente.

(L'amendement n° 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 5 est adopté.)

Photo de Claude Leteurtre

Lorsqu'on aborde un problème, rien n'est simple. Il faut en voir toutes les dimensions.

Photo de Annick Lepetit

Des problèmes, il y en a partout, pas seulement en Île-de-France !

Photo de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 7 et 10 .

Monsieur Raimbourg, l'amendement n° 7 est-il défendu ?

Photo de Claude Leteurtre

Il nous est proposé de créer une commission d'enquête sur la rénovation de la ligne A du RER, avec pour ambition d'analyser et d'apporter des réponses à une source de souffrance pour 11 millions de Franciliens. Je fais miens, ici, les mots du président de la commission du débat public qui a dressé ce constat de souffrance.

Photo de Catherine Vautrin

Monsieur Candelier, en est-il de même pour l'amendement n° 10  ?

Photo de Jean-Jacques Candelier

Oui, madame la présidente.

(Les amendements identiques nos 7 et 10 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 6 est adopté.)

Photo de Claude Leteurtre

Rappelons que, tous les jours, 3 millions de voyageurs prennent le RER. L'étalement urbain qui prévaut depuis les années 1960, l'explosion continue des prix de l'immobilier, l'évolution démographique ont conduit les Franciliens à devoir accomplir des trajets quotidiens domicile-travail toujours plus longs et pénibles.

Photo de Catherine Vautrin

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)

Photo de Claude Leteurtre

Si la loi sur le service minimum a été un soulagement pour nombre d'usagers quotidiens des lignes de RER, les incidents, les grèves ou encore les retards et avaries en tout genre restent une source d'anxiété pour les voyageurs et de perturbations tant au niveau de leur vie de famille que de leur vie professionnelle.

Grâce à l'examen en commission du développement durable, cette commission a été élargie à l'ensemble des lignes de RER. C'est une bonne chose, car les lignes D et B souffrent aussi beaucoup.

Photo de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

Photo de Claude Leteurtre

Mme Fraysse le disait tout à l'heure et mon collègue Jean-Christophe Lagarde ne me contredira pas, lui qui reçoit quotidiennement des plaintes à ce sujet de la part de ses administrés.

Historiquement, le dense réseau francilien de transports collectifs a été créé pour porter la croissance de l'activité économique de la région. Toutefois, la congestion actuelle du réseau pousse à remettre en question l'effet d'entraînement que le RER est supposé permettre. La prise de conscience de la nécessité de procéder à des investissements a permis la mise en oeuvre de projets de rénovation et de développement.

Les projets de développement sont liés au Grand Paris, bien sûr. Je voudrais, quant à moi, saluer le travail accompli par Christian Blanc, même s'il a pu adopter une manière brutale.

Photo de Annick Lepetit

Vous êtes complètement contradictoire. Christian Blanc n'a rien à voir avec le réseau existant !

Photo de Claude Leteurtre

Christian Blanc a travaillé sur le Grand Paris, et sa ténacité et sa persévérance ont fait évoluer les choses et ont permis d'avoir une vision d'ensemble.

Photo de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la protection de l'identité (nos 3887, 4016).

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le texte qui revient aujourd'hui devant vous a déjà fait l'objet de débats approfondis et constructifs au Parlement au cours des précédentes lectures. Ces débats ont été récemment complétés par la décision du Conseil d'État sur le décret relatif au passeport informatisé et par l'avis rendu par la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur cette proposition de loi.

Forts de ces débats, votre rapporteur et votre commission des lois sont parvenus, je crois, à un texte de synthèse et d'équilibre qui mérite votre attention autant que votre adhésion. Je veux en tout cas saluer la qualité de leur travail, et tout particulièrement remercier votre rapporteur Philippe Goujon pour son action constructive et vigilante.

Comme c'est la règle en deuxième lecture, je me concentrerai aujourd'hui sur ce qui fait encore débat, à savoir la base TES – titres électroniques sécurisés –, déjà utilisée pour les passeports et destinée à recenser, de manière unique et centralisée, les éléments d'état civil et les données biométriques fournis par chaque demandeur ou titulaire d'un titre d'identité.

Dans la droite ligne de la loi fondatrice du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notre débat doit s'articuler autour de deux principes : celui de nécessité et celui de proportionnalité.

Savoir si cette base TES est nécessaire, c'est la question de fond. À droite comme à gauche, au Gouvernement, au Sénat comme ici à l'Assemblée, elle fait aujourd'hui l'unanimité. Tous, en effet, nous nous accordons sur la nécessité de mieux lutter contre l'usurpation d'identité, un fléau qui paralyse, chaque année, la vie de plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens en les privant du jour au lendemain de leurs droits sociaux, économiques, politiques et parfois même tout simplement d'éléments de leur liberté. Tous, nous constatons que l'usurpation d'identité est une délinquance en croissance, qu'elle est souvent la première étape avant la réalisation d'infractions très graves, et que, depuis 2005, nous recherchons ensemble le bon équilibre de mise en oeuvre d'une carte d'identité électronique sécurisée intégrant des données biométriques.

Je ne reviendrai pas à nouveau sur les cas de tous ces Français empêchés de voyager, de louer un appartement ou d'inscrire leurs enfants à l'école parce qu'un fraudeur a accaparé leur identité. Je ne reviendrai pas non plus sur les cas de tous ceux qui, parmi eux, plongent dans la dépression en voyant non seulement leur vie paralysée, mais aussi leur nom sali par les activités frauduleuses ou illégales menées par leurs usurpateurs. Je ne reviendrai pas sur leur cas, mais je vous invite à avoir toutes ces vies et tous ces parcours douloureux à l'esprit au cours de notre discussion. Nous ne devons jamais perdre de vue notre objectif et notre devoir, qui sont de mieux les protéger.

La question de la nécessité réglée, reste celle de la proportionnalité : quelle architecture retenir pour la base TES afin de combiner efficacité dans la lutte contre l'usurpation d'identité et strict respect des libertés fondamentales ? C'est cette question qui est aujourd'hui au coeur de nos débats.

Trois points ont d'abord été précisés. La décision du Conseil d'État du 26 octobre dernier, relative au décret instituant le passeport biométrique, a permis de définir l'usage de la base TES. En effet, cette décision valide la création d'un fichier central des passeports en estimant que « la collecte des images numérisées du visage et des empreintes digitales des titulaires de passeports et la centralisation de leur traitement informatisé […] ne porte pas au droit des individus au respect de leur vie privée une atteinte disproportionnée ». D'autre part, elle limite à deux le nombre d'empreintes collectées puis enregistrées dans la base.

Dans la droite ligne de cette décision, le Gouvernement a proposé, par amendement au texte examiné en commission, de retenir pour la carte d'identité électronique cette même limitation à deux empreintes prélevées et enregistrées. Cela permet de garantir une proportionnalité entre les objectifs et les moyens, et met en cohérence le nombre d'empreintes enregistrées sur le titre et dans la base.

Deuxième précision : nous avons également confirmé la position concernant l'identification à partir de l'image numérisée du visage. Conformément à ce qui a été voté au Sénat, votre rapporteur a proposé à votre commission des lois d'exclure du traitement la reconnaissance faciale. Ce sujet est ainsi clarifié, comme l'avis de la CNIL le préconisait.

Enfin, nous avons limité les interconnexions entre les fichiers.

Nous avons ainsi voulu que soit explicitement inscrit dans la loi l'interdiction de croiser la base TES avec les autres fichiers ou recueils de données nominatives. Très concrètement, cela signifie que les données biométriques de la base, empreintes digitales ou images numérisées des visages, ne pourront pas être utilisées dans un traitement associant un autre fichier. À nouveau, cette limitation entre pleinement dans le champ des recommandations de la CNIL.

Mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, ces points importants permettent de prendre en compte un équilibre renforcé au regard des garanties à apporter en termes de libertés publiques. Il convenait de les rappeler.

Le seul véritable point de débat qui demeure est à l'article 5 du texte que nous examinons. Il concerne la force du lien à établir entre les éléments d'état civil et les données biométriques au sein de la base TES et, en conséquence, les limitations de l'accès à cette base.

Faut-il privilégier une dégradation technique de la base, comme l'envisage le concept de « lien faible » ? Il s'agit d'un concept qui permet de constater une usurpation d'identité, mais pas de remonter à l'usurpateur. Ou faut-il un lien fort, qui permet de répondre aux objectifs de la loi, et, dans ce cas, quelles garanties juridiques d'accès à la base doivent être données ?

Tous ici, nous sommes d'accord pour dire que la lutte contre l'usurpation d'identité ne doit pas se faire au détriment des libertés fondamentales, et que l'exploitation des données contenues dans la base doit être encadrée de garanties solides.

Là où nous divergeons, c'est sur la nature de ces garanties. Pour certains, elles doivent être matérielles, c'est-à-dire qu'elles doivent prendre la forme d'une dégradation technique du fichier national en retenant une base à lien faible. Si, pour garantir les libertés publiques, nous étions amenés à opter pour une solution technique dégradée, voire impossible, nous abandonnerions tout simplement l'objectif que nous nous sommes fixé.

Photo de Claude Leteurtre

Il faut également saluer le travail d'André Santini et, actuellement, de Maurice Leroy.

Les projets de rénovation seront analysés par la commission que nous allons créer. Ils concernent notamment le plan de remplacement des rames de la ligne A du RER : le nouveau matériel permettra d'augmenter significativement les capacités des anciens trains et d'embarquer jusqu'à 2 600 personnes contre 1 700 actuellement. Ce plan est évalué à un total de près de 2 milliards d'euros. Les députés du Nouveau Centre souscrivent à la volonté d'évaluation du projet proposé. S'agissant d'un projet d'intérêt général, il est légitime que la représentation nationale puisse s'en saisir, comme il est légitime et logique de prendre en compte tous les éléments organisationnels.

Appréciant que la commission ne s'intéressera pas seulement à la ligne A mais à l'ensemble du réseau express régional, les députés centristes apporteront leur soutien à la proposition de résolution, remerciant tout particulièrement Pierre Morange de son initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Je suis fermement opposé au lien faible, à ces prétendues « garanties matérielles », car elles ne sont absolument pas solides. Le lien faible est un leurre. Il n'a encore été mis en oeuvre dans aucun pays. Il ne s'agit que d'un concept. L'entreprise à l'origine du lien faible s'est d'ailleurs clairement dédouanée auprès de l'Agence nationale des titres sécurisés en lui écrivant que « le lien faible est un concept qui n'a fait l'objet d'aucune réalisation opérationnelle à ce jour. Le passage du concept à un produit opérationnel nécessitera du temps et des investissements importants que nous n'avons pas précisément évalués à l'heure actuelle ».

Retenir le lien faible, c'est ainsi, à mon sens, non pas sécuriser nos titres d'identité, mais prendre un double risque, technique et financier. Il ne serait pas sérieux d'engager un projet aussi important pour nos concitoyens avec aussi peu de garanties.

En outre, comme je l'ai également souligné dans les débats précédents, cela reviendrait à instituer par la loi un avantage compétitif important, voire un monopole, au profit de la société détentrice du brevet. Ce serait bien évidemment en contradiction avec le droit européen de la concurrence.

Au-delà du manque de solidité du lien faible, c'est parce que j'estime, comme les auteurs de cette proposition de loi et votre rapporteur, que la protection des libertés fondamentales mérite d'être gravée dans la loi, et non subordonnée à un dispositif technique dégradé, que je défends aujourd'hui devant vous le développement de garanties légales. Cette confiance dans la force de la loi trouvera, j'en suis certain, un écho tout particulier auprès des parlementaires que vous êtes, investis du pouvoir législatif.

Ces garanties légales, proposées par un amendement du Gouvernement pour tenir compte de la décision du Conseil d'État du 26 octobre, mais aussi de l'avis de la CNIL, vont ainsi permettre de strictement limiter l'accès à la base TES et au traitement d'identification. Elles s'ajoutent aux garanties déjà présentes en application des obligations indiquées par la CNIL : traçabilité des accès, segmentation et sécurisation des données.

Le Gouvernement vous propose donc d'inscrire dans la loi la liste exhaustive des cas où l'identification à partir des empreintes digitales est autorisée. Cela permet ainsi de fixer par la loi une utilisation strictement dédiée de la base, de laquelle il sera impossible de sortir : premier cas, logiquement, au moment de la délivrance ou du renouvellement du titre afin d'en garantir la bonne fabrication et la remise à la bonne personne ; deuxième cas, sous contrôle du procureur de la République, dans le cadre des infractions pour usurpation d'identité, ce qui correspond à l'objectif initial de la loi ; troisième et dernier cas, toujours sous le contrôle du procureur, pour permettre l'identification de victimes d'accidents collectifs ou de catastrophes naturelles. C'est un amendement de votre rapporteur, Philippe Goujon, auquel le Gouvernement souscrit pleinement.

Comme vous le constatez, ces garanties juridiques sont importantes. Elles entrent pleinement dans une réelle prise en compte des enjeux de ce texte concernant les libertés publiques. La restriction aux infractions liées à l'usurpation d'identité, sous le contrôle d'un magistrat, est une limitation substantielle qui assure la proportionnalité de la proposition de loi aux objectifs visés.

Mesdames et messieurs les députés, le texte issu des travaux de votre commission des lois inscrit dans notre droit les moyens de protéger l'identité de nos concitoyens sans porter atteinte à leurs libertés fondamentales.

C'est un texte nécessaire et équilibré.

Au nom du Gouvernement et dans l'intérêt de nos compatriotes, je vous demande donc de le soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Marc Le Fur

La parole est précisément à M. Pierre Morange.

Photo de Jean-Marie Le Guen

Voilà une continuité intéressante ! Va-t-il nous parler de l'hôpital de Chambourcy ?

Photo de Catherine Vautrin

La parole est à M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Photo de Pierre Morange

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 mars 2011, donc depuis plus de quelques semaines, j'ai déposé à l'Assemblée nationale une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête relative aux modalités de fonctionnement, de financement ainsi qu'à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional, mais pas seulement de la ligne A, notamment de la ligne A, avais-je précisé. Je souhaite remercier notre excellent rapporteur de la commission saisie sur le fond, Yannick Paternotte, qui a permis d'en alléger la rédaction.

Ce texte répond aux exigences de l'article 51-2 de la Constitution, qui donne un fondement constitutionnel à la création de commissions d'enquête au sein des assemblées parlementaires. Je me réjouis que cette proposition de résolution ait été validée en conférence des présidents de notre assemblée, le mardi 29 novembre, puis, comme l'exige la procédure, par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, lors de sa séance du 30 novembre 2011.

Permettez-moi de remercier ici l'ensemble des membres de cette commission, et plus particulièrement son président, Serge Grouard, ainsi que notre collègue Yannick Paternotte, qui a bien voulu accepter d'en être le rapporteur en son sein.

La motivation de cette demande de commission d'enquête, vous la connaissez : elle est née du constat partagé de la saturation du réseau express régional d'Île-de-France. Ce réseau transporte, tant bien que mal, près de 2,7 millions de voyageurs au quotidien, dans des conditions d'accueil dégradées. La France, cinquième puissance mondiale, doit permettre à ses concitoyens de se déplacer correctement, avec des temps de transport vivables et acceptables. C'est aussi un élément d'attractivité du territoire dans la compétition internationale. La représentation nationale a donc le devoir de se saisir de ce sujet.

Ma volonté n'est en rien de jeter l'opprobre sur des catégories professionnelles motivées et compétentes ni de faire un procès d'intention aux autorités de tutelle, ce qui n'aboutirait qu'à un exercice stérile où chacun se renvoie la balle des responsabilités, elle est d'identifier et d'analyser de façon lucide les points de blocage et de trouver des solutions concrètes à court, moyen et long termes.

Photo de Philippe Goujon

Madame la présidente, monsieur le ministre, notre assemblée est saisie, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la protection de l'identité.

Lors de sa deuxième lecture, le Sénat a adopté sans modification cinq articles.

Le 30 novembre dernier, votre commission des lois apportait des modifications substantielles au dernier article restant en discussion à ce stade, l'article 5.

Ce faisant, elle a voulu dépasser le clivage, devenu un blocage, entre les partisans d'une base à « lien faible », interdisant qu'un lien univoque soit établi entre une identité civile et les empreintes digitales de l'intéressé, et ceux d'une base à « lien fort », associant au contraire une identité à ses éléments biométriques.

Ce clivage reposait sur les craintes, parfois légitimes, et auxquelles il nous revenait en tout cas d'être particulièrement attentifs, d'un détournement – toujours possible – de l'usage du fichier central à des fins de recherche criminelle. Je rappelle que son principe même a été validé par le Conseil d'État le 26 octobre dernier, faisant dire à notre collègue Urvoas que l'existence d'un tel fichier n'était plus en débat.

Photo de Pierre Morange

Quelques chiffres témoignent de la complexité de la situation. Paris intra muros compte en habitants 19 % des quelque 12 millions de Franciliens, mais offre à lui seul 32 % des emplois de la région Île-de-France, desservis par un réseau ferroviaire de type radiaire inchangé depuis vingt ans. L'augmentation du nombre de voyageurs représente 30 % ces dix dernières années et est estimée à encore 30 % pour la prochaine décennie.

En novembre 2010, un rapport sur ce thème de la Cour des comptes a émis plusieurs observations.

Photo de Philippe Goujon

Ne revenez pas sur vos déclarations, monsieur Urvoas !

Il est bon de préciser de nouveau que le fichier des identités biométriques est un fichier administratif, absolument pas un fichier de police, et n'aurait été en toute hypothèse accessible aux services enquêteurs que dans le cadre de réquisitions judiciaires, comme pour tout fichier administratif – c'est la règle commune.

Reconnaissons par ailleurs que le système de la base « à lien faible » présente, le ministre l'a rappelé à juste titre, comme son inventeur lui-même l'a écrit dans une lettre adressée à votre rapporteur, une très faible fiabilité, et n'a de surcroît été mis en place dans aucun pays au monde. Israël, qui avait un temps envisagé son adoption, y a renoncé sur ce motif.

Le législateur ne saurait laisser à leur triste sort les quelque 100 000 victimes de fraude à l'identité, en adoptant un système volontairement dégradé qui ne garantira pas l'identification de leur usurpateur, alors qu'il existe un dispositif technique qui le permettrait. Souhaitons-nous entraver le travail de la justice ? Certes non ! Les victimes, en grande souffrance dans ce type d'affaires très complexes à démêler, ne le comprendraient pas et ne nous le pardonneraient pas…

En effet, n'oublions jamais, dans le débat qui nous rassemble ce jour, ni ces personnes dont la vie tourne au cauchemar, ni même la centaine de suspects qui seraient dérangés pour toute enquête visant à identifier parmi eux un seul usurpateur, avec le choix du « lien faible ».

Toutefois, il n'est pas non plus question, mes chers collègues, de rester sourds aux inquiétudes exprimées aussi bien par l'opposition qui siège sur les bancs de notre assemblée que par le Sénat, ni d'ignorer l'avis rendu par la CNIL et l'arrêt du Conseil d'État des 25 et 26 octobre derniers.

Nos collègues sénateurs nous ont fait part de leur crainte de voir le droit au respect de la vie privée mis en péril par l'accès des services enquêteurs à la consultation de la base centrale.

L'avis de la CNIL, reçu tardivement le 25 octobre, confirme sa préférence pour le lien faible et son souhait de voir écartée toute possibilité de réquisition judiciaire du fichier.

En revanche, l'arrêt rendu par le Conseil d'État le 26 octobre dernier a tout à la fois légitimé la base centrale sur laquelle repose le dispositif dont nous discutons, et posé l'exigence de réduire à deux contre huit le nombre d'empreintes digitales conservées dans la base. Enfin, la Haute juridiction a soulevé une réserve concernant la destination des photographies contenues dans la base.

À leur écoute, votre rapporteur, comme le ministre de l'intérieur, ne considère pas que l'on doive opposer irréductiblement l'efficacité dans l'identification du fraudeur et la protection des libertés publiques. Une voie de compromis et d'équilibre existe bel et bien, et c'est dans cet esprit que la commission des lois et le Gouvernement ont travaillé.

Répondant aux légitimes demandes des victimes, ainsi qu'à la nécessité de sécuriser techniquement le dispositif par lequel sera, demain, garantie l'identité de nos concitoyens qui auront souhaité disposer d'une carte nationale d'identité – dont je rappelle qu'elle est gratuite et facultative –, la commission des lois, sur proposition de votre rapporteur, a souhaité rétablir le lien fort.

Toutefois, tenant compte des inquiétudes exprimées quant à la tout aussi nécessaire protection des libertés publiques, elle a voulu, dans un souci de conciliation, consolider au maximum les garanties juridiques sur trois points essentiels.

Premièrement, s'agissant du contenu biométrique de la base, toute possibilité de recours à la reconnaissance faciale pour identifier un individu a été écartée. De même, les données ne pourront pas faire l'objet d'une interconnexion – ce qui signifie que l'on ne pourra pas croiser ces données avec celles contenues dans d'autres fichiers – et le nombre des empreintes digitales recueillies sera explicitement limité à deux au lieu de huit, conformément aux préconisations de la CNIL et du Conseil d'État.

Deuxièmement, concernant l'accès à la base, celle-ci pourra désormais, grâce à un amendement du Gouvernement, être consultée sous le contrôle d'un magistrat, uniquement – j'y insiste – dans le cadre d'enquêtes en flagrance, d'enquêtes préliminaires ou sur exécution de commissions rogatoires, liées à des infractions de fraude à l'identité.

Seront concernées les infractions suivantes : les atteintes à la personnalité, les atteintes aux services spécialisés de renseignement, les atteintes à l'état civil des personnes, etc. Je ne les citerai pas toutes puisqu'elles figurent dans le texte.

Troisièmement, concernant les droits des victimes, un sous-amendement de votre rapporteur a élargi la consultation de la base aux enquêtes visant à l'identification de corps de victimes de catastrophes collectives ou naturelles. Dans ce cadre, la biométrie apportera un soutien précieux aux familles des victimes qui pourront, grâce à elle, d'une part, entreprendre leur travail de deuil, et d'autre part, mener à bien les démarches administratives, notamment successorales, qui se trouvent souvent bloquées en l'absence de reconnaissance formelle du décès de leur proche. Toutefois, et c'est là une limite qui découle de cette volonté de restreindre au maximum la consultation de la base centrale, un cadavre trouvé dans la rue ne pourra être identifié au moyen de celle-ci.

Le texte qui vous est présenté aujourd'hui a pris, je crois, toute la mesure du débat démocratique qu'il a suscité.

Nous sommes en effet devant un vrai choix politique, au sens noble du terme. En adoptant le texte de la commission, vous pouvez tout à la fois protéger l'identité de nos concitoyens par un dispositif matériellement efficient – l'exemple du passeport biométrique parle de lui-même, puisque les fraudes à l'identité le concernant ont diminué de 50 % depuis sa mise en place, sans qu'aucun problème d'aucune sorte n'ait surgi –, et protéger leur vie privée, grâce à un ensemble de protections juridiques limitant au mieux la consultation de la base centrale, c'est-à-dire pour le seul motif en vue de laquelle elle a été constituée.

En ne l'adoptant pas, vous ferez le choix délibéré de dégrader une technologie, au risque d'affaiblir fortement la protection de l'identité de nos concitoyens et de laisser perdurer les fraudes identitaires qui attentent chaque jour aux libertés individuelles de milliers de nos concitoyens.

Vous l'aurez compris, votre rapporteur considère que la proposition de loi qui vous est présentée concilie le plus efficacement possible la protection de l'identité et la protection des libertés, dépassant ainsi le clivage finalement assez artificiel qui s'était matérialisé durant nos débats. En effet, nous sommes tous ici, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, à la fois des défenseurs des libertés et des artisans de la sécurité.

Avec ce texte de compromis et d'équilibre, preuve est donnée que l'on peut concilier le zéro défaut d'un dispositif permettant d'identifier les fraudeurs et le risque zéro pour les libertés publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)

Photo de Pierre Morange

La baisse, voire l'absence d'investissements pendant près de deux décennies, associée à une augmentation inexorable de la fréquentation, a abouti à une dégradation des conditions de transport des Franciliens. La coordination, parfois laborieuse, d'acteurs multiples – SNCF, RATP, STIF, Réseau ferré de France, Société du Grand Paris désormais, collectivités territoriales et État – témoigne des problèmes organisationnels malgré des contractualisations successives.

La multiplicité des critères ayant pour ambition d'analyser et de refléter la qualité du service rendu aux usagers se caractérise surtout par son manque de lisibilité, voire d'objectivité. Ces critères ne reflètent pas la réalité du vécu des passagers, tant en termes de confort que de ponctualité, notamment du fait de l'irrégularité des dessertes, dont le taux d'anomalie varie de 12 % à plus de 37 % sur les lignes A et B. Ce constat, on le retrouve dans le Livre blanc des élus sur les dysfonctionnements du RER A, ligne urbaine la plus empruntée d'Europe, voire du monde.

Au total, un réseau devenu inadapté aux besoins de la population, une qualité de service dégradée, une affirmation insuffisante de l'autorité organisatrice, un nécessaire rattrapage des investissements sur le réseau existant et des procédures de sélection de projets à améliorer : telles étaient les remarques de la Cour des comptes en novembre 2010.

En inaugurant, hier, les nouvelles rames à double étage sur la ligne A, le chef de l'État a tenu à rappeler son engagement sur ce dossier dès 2008. Près de trente trains similaires, dotés de systèmes de vidéo protection à double étage, seront définitivement livrés d'ici à 2014. Ainsi que le rappelait le Président de la République Nicolas Sarkozy, le schéma de transport du Grand Paris, conclu en janvier, entre l'État et la région, marque une nouvelle étape en matière d'investissement. Il ne se limite pas à la construction d'un nouveau réseau de métro automatique de quelque 155 kilomètres, mais s'attache aussi à la modernisation du réseau existant, financée à hauteur de 12,5 milliards d'euros.

La convention spécifique, signée en septembre dernier entre l'État et le président de la région, M. Jean-Paul Huchon, vise à abonder l'actuel contrat de projet 2007-2013 à hauteur de 1 milliard d'euros pour l'État et de 1,5 milliard pour la région, afin d'accélérer la modernisation du réseau RER et de ses cinq lignes. C'est donc une volonté très concrète et ambitieuse de rattrapage face au constat partagé d'une carence en matière d'investissement.

Il n'en reste pas moins qu'au titre du fonctionnement en termes de qualité de service, d'environnement ou encore de rationalisation des moyens, et donc de financement, des progrès restent à accomplir. De l'impact environnemental à l'aménagement du territoire, qui a conduit à l'exode des Franciliens, motivés par le surcoût du foncier, vers la périphérie, le transport impacte les conditions de vie de nos concitoyens dans leur quotidien. Pour des raisons pécuniaires, bien sûr, mais aussi, très souvent, pour concilier une vie familiale et professionnelle, les usagers n'ont d'autre choix que d'être tributaires des transports en commun. L'exaspération actuelle, relayée par les associations d'usagers, ne relève pas du fantasme mais d'une réalité que nul ne peut ignorer.

À cet égard, les enquêtes de qualité de service ne reflètent pas le vécu des Franciliens et dévoient le système de bonus-malus supposé incitatif pour les entreprises de transport. C'est la raison pour laquelle les usagers doivent impérativement être mis au centre de ce système d'évaluation.

Cette commission d'enquête peut donc s'avérer être un véritable catalyseur au service de nos concitoyens. En tant que représentant de la nation, je crois que nous avons le devoir d'en valider la création. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Photo de Jean-Jacques Urvoas

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'usurpation d'identité est un drame pour toutes les victimes, quelle que soit la nature précise de cette usurpation. Aussi, chacun ici reconnaît la légitimité des objectifs de la proposition de loi dont nous débattons.

Pour autant, l'enjeu de cette deuxième lecture n'est pas un simple choix technique, comme le rapporteur voudrait le faire croire.

Photo de Jean-Marie Le Guen

Mes chers collègues, comme l'a dit Annick Lepetit, il y a dans votre initiative beaucoup de confusion.

Confusion d'abord entre les niveaux de responsabilité. Pourquoi notre Assemblée se saisit-elle tout à coup de ce dossier ? Certes, elle peut se saisir de toutes les questions, mais pourquoi celui-ci, et à ce moment-là, alors même que vous venez de voter une loi ayant pour effet de transférer au STIF, et à la région, mais de manière hélas insuffisante, les responsabilités principales dans ce domaine ?

La confusion naît également de l'attention portée aux RER, sans prendre en considération l'ensemble des transports sur l'Île-de-France, et sans même prendre en considération les problèmes globaux qui se posent. Notre collègue Jacqueline Fraysse rappelait à juste titre que lorsqu'on laisse partir l'aménagement sans aucune vision d'ensemble, il ne faut pas s'étonner que le RER A soit particulièrement surchargé : on a amassé, pour des raisons purement financières, des bureaux à la Défense sans que des logements et des transports aient été prévus afin de permettre aux salariés de vivre dans de bonnes conditions.

Cela pose le problème de votre approche à propos de cette commission, mais plus généralement de l'approche du Président de la République sur la question du Grand Paris. Je fais partie des militants convaincus de l'urgence du Grand Paris, mais à condition que l'on traite les problèmes collectifs de cette agglomération à tous les niveaux : déplacements, logement, solidarité financière, développement économique, développement durable, autant d'éléments majeurs qui devraient aujourd'hui aller de pair pour façonner une métropole digne de notre pays, facteur de compétitivité du territoire national.

Photo de Jean-Jacques Urvoas

Notre différend ne porte pas sur un choix de technologie. Il s'agit d'un débat essentiel portant sur les garanties à fixer de façon que la volonté de protéger l'identité ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux.

Le sujet n'est pas mineur et l'on regrette que le Gouvernement ou notre rapporteur n'aient pas pris l'initiative de saisir le Conseil d'État pour avis.

Son sentiment aurait été d'autant plus utile pour éclairer nos travaux que le Conseil d'État a été saisi il y a trois ans par la Ligue des Droits de l'Homme et par certaines associations, et qu'il a travaillé sur ce problème pour aboutir à une décision que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur. Votre argumentation à ce sujet – vous nous l'avez expliquée en première lecture – est que ce n'est pas très grave, puisque le Conseil d'État aura à se prononcer sur les décrets d'application. Convenons tout de même que ce n'est pas tout à fait identique puisque, dans la Constitution, la préservation des libertés individuelles relève de la loi, non du règlement.

Notre désaccord porte sur la finalité du fichier, dont il est probable que cette assemblée décidera la création. Vous prétendez bâtir un fichier administratif, mais vos amendements successifs visent, avec constance, à en permettre une utilisation judiciaire.

Ainsi, en commission, monsieur le rapporteur, vous nous avez présenté comme une avancée l'amendement du Gouvernement rendant possible l'accès au fichier uniquement pour des infractions liées à l'usurpation d'identité. La présentation était rassurante, mais à la réflexion, le progrès est maigre.

D'abord, parce qu'en faisant entrer explicitement des dispositions d'ordre pénal dans un texte prétendument à vocation administrative, vous reconnaissez de facto la confusion des finalités.

Ensuite, parce qu'il suffit de procéder à une énumération des articles des différents codes servant de base aux réquisitions judiciaires possibles pour mesurer l'ampleur des recherches qui, demain, seront conduites à partir de ce fichier.

On pourra en effet utiliser, outre l'article 226-4-1 du code pénal qui qualifie l'usurpation d'identité, fondement de la démarche proposée, les articles L. 313-1 et 313-2 du même code qui qualifient l'escroquerie, l'article 413-13 du même code qui traite de l'atteinte aux services spécialisés de renseignement, l'article 225-8 du code de la route qui régit la fraude au permis de conduire, l'article L. 2245-5 du code des transports qui concerne la mention d'une fausse adresse, l'article L. 781 du code de procédure pénale qui évoque la délivrance d'un extrait d'état civil, l'article 434-23 du code pénal qui est relatif à l'entrave à l'exercice de la justice… Et je pourrais, malheureusement, poursuivre la liste tant seront vastes, demain, les possibilités – légales – d'accéder à ce nouveau fichier. Nous sommes donc bien loin d'un banal outil administratif.

Ce n'est d'ailleurs pas une surprise puisque l'élargissement de la finalité des fichiers est une constante dans la pratique gouvernementale. Qu'il me suffise de rappeler les évolutions du FNAEG – le fichier national automatisé des empreintes génétiques. Créé en 1998, il était alors uniquement destiné à lutter contre les auteurs d'infractions sexuelles. À l'époque, monsieur le ministre, il y avait déjà des garanties légales qui interdisaient tout autre usage que celui de lutter contre les auteurs d'infractions sexuelles ou de les poursuivre.

Mais chaque année, depuis 2002, une loi est venue élargir la finalité de ce fichier.

En 2003, le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, décide de l'élargir aux délits, comme le vol, le tag ou l'arrachage d'OGM, et d'y inclure, non plus les coupables, mais de simples suspects.

En 2004, la loi Perben, tout en créant par ailleurs le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, prévoit dans son article 47, lorsqu'il s'agit de condamnés, que les prélèvements peuvent être effectués à l'insu de la personne.

En 2005, la loi sur la récidive des infractions pénales a élargi, dans son article 18, le champ de ce fichier. En 2006, la loi sur les violences conjugales a procédé de même. En 2007, l'article 42 de la loi sur la prévention de la délinquance l'a fait aussi. Là encore, j'arrête ma litanie tant serait longue la liste de ces modalités – toutes législatives – qui ont progressivement étendu le but initial du fichier.

Il est donc à craindre que celui dont nous discutons aujourd'hui connaisse la même destinée. Vous l'avez d'ailleurs confirmé, lors de la réunion de la commission des lois, monsieur le rapporteur, en faisant adopter un sous-amendement, que vous venez d'évoquer, et qui autorise la consultation du nouveau fichier « aux fins d'établir l'identité d'une personne décédée victime de catastrophe naturelle ou d'accident collectif». L'ambition est louable, et je ne la conteste pas, mais convenez tout de même qu'on est loin de l'usurpation d'identité que vous prétendez interdire par cette proposition de loi !

En travaillant de nouveau le texte, j'ai trouvé une autre illustration de votre contradiction. En effet, en supprimant la base de données à lien faible à l'article 5 – disposition réintroduite par une majorité nettement avérée des sénateurs, l'amendement du Gouvernement ayant obtenu quatre voix en sa faveur et 340 voix contre – sans pour autant modifier l'article 7 bis A, vous permettez aux services chargés de lutter contre le terrorisme d'utiliser pour leurs missions le fichier central biométrique à des fins d'identification d'une personne par ses empreintes digitales, hors de toute réquisition judiciaire. C'est, vous le savez, parfaitement contraire au droit en vigueur et c'est notamment expressément exclu pour le fichier de gestion des titres électriques sécurisés utilisés pour les passeports. Quant au fichier de gestion des cartes nationales d'identité, les empreintes digitales des intéressés n'y sont tout simplement pas enregistrées. La modification apportée par le Gouvernement sur la restriction d'utilisation de la base ne modifie en rien ce constat. Chacun sait, en effet, ici, que la disposition spéciale l'emporte toujours sur la disposition générale. Contrairement à vos affirmations, ce fichier ne se résumera donc pas à un outil vertueux.

C'est parce que nous ne partageons pas cette perspective, c'est parce que nous souhaitons simplement combattre l'usurpation d'identité que nous vous proposons, et tel est l'objet de cette motion de procédure, de rejeter ce texte et d'en revenir à la version sénatoriale.

Le coeur de notre désaccord tient au fait que vous préférez la technique du lien fort à celle du lien faible.

Je ne me lancerai pas dans une démonstration technique, que je serais d'ailleurs bien incapable de soutenir, mais je crois utile de revenir sur deux arguments que vous avez avancés en commission, monsieur le rapporteur, et que vous venez à nouveau d'évoquer. Cher collègue, vous avez affirmé, avec raison, qu'il n'existait pas de pays qui ait mis en place un tel lien. Mais ce n'est pas dû à une absence de matérialité technique du dispositif : cela résulte du fait qu'il n'existe aucune démocratie qui se soit engagée dans la constitution d'un fichier biométrique global de sa population. L'Allemagne s'oppose par principe à cette démarche ; le Royaume-Uni l'a abandonnée en 2010 ; la Belgique ne l'a pas retenue lorsqu'elle a étudié cette question, non plus que l'Italie et le Portugal. En effet, tous ces pays ne voulaient pas d'un fichier central. Au demeurant, le règlement idoine de l'Union européenne en date du 13 décembre 2004 ne prévoyait pas la création d'un fichier central biométrique.

Vous avez ensuite émis des doutes, monsieur le rapporteur, sur la fiabilité de la méthode. Vous savez pourtant, et vous l'avez rappelé, que le dispositif est connu depuis de nombreuses années, qu'il est breveté, qu'il a fait l'objet de communications scientifiques émanant, notamment, du professeur Shamir, spécialiste mondial de cryptographie, lors de la réunion de la trente et unième conférence mondiale des commissions nationales de l'informatique et des libertés à Madrid en novembre 2009. Nous pourrions soutenir la querelle technique, mais je ne crois pas qu'elle ait de fondement pertinent.

Nous devons, plus sérieusement, revenir à la finalité du fichier et ne pas faire ce que je crois être, au final, une confusion de termes. Contrairement à vous, nous faisons une distinction très nette entre l'authentification et l'identification. Ce n'est pas une coquetterie de notre part, un débat sémantique, mais simplement la reprise de la doctrine élaborée par la CNIL en matière de biométrie. D'un côté, un dispositif biométrique à finalité d'authentification ne vise qu'à s'assurer que la personne interrogée est celle qu'elle prétend être. Dans ce cas, les caractéristiques biométriques peuvent être simplement stockées sur une puce électronique, aucun fichier n'étant nécessaire. C'est ce que demande le règlement européen sur les passeports et ce que préconise la CNIL. De l'autre, un dispositif à finalité d'identification a pour objectif de retrouver l'identité civile d'un sujet inconnu. C'est votre lecture qui implique, de fait, la création d'une seule base regroupant les différentes données sans lien crypté entre elles. C'est ce qui vous conduit à affirmer que toute autre solution que celle qui a votre préférence empêcherait de confondre et d'arrêter l'usurpateur, faute de pouvoir l'identifier avec certitude par ses seules empreintes. Nous sommes, par conséquent, en désaccord sur la thérapie, même si nous partageons le diagnostic. Il est, pour nous, fondamental que des barrières étanches, pas simplement légales, mais matérielles, encadrent l'usage de la biométrie. C'est le choix du lien faible, lequel permet la détection de la fraude à l'identité par la mise en relation de l'identité alléguée et de celle des empreintes du demandeur de titre. Pour reprendre les termes du rapport rendu, en 2005, au Sénat par Jean-René Lecerf, sénateur UMP, ce dispositif offre une « assurance quasi complète sur l'unicité de l'identité, ce qui suffit à dissuader les fraudeurs ».

Je voudrais, en conclusion, rappeler que les données biométriques ne sont pas des données à caractère personnel comme les autres. Elles présentent, en effet, la particularité de permettre à tout moment l'identification de la personne concernée sur la base d'une réalité biologique qui lui est propre, permanente dans le temps, et dont elle ne peut s'affranchir. Cette spécificité nous a, d'ailleurs, conduits à conférer à ces données biométriques une protection et un encadrement particuliers. Ce fut la modification de la loi « informatique et libertés » intervenue le 6 août 2004 qui a renforcé le pouvoir de contrôle de la CNIL. Cette spécificité doit aussi avoir pour conséquence d'accroître le niveau d'exigence quant à leur utilisation. Il est impératif, en particulier, de respecter les deux principes fondateurs du droit à la protection des données à caractère personnel : la finalité et la proportionnalité.

C'est parce que ces exigences ne nous paraissent pas respectées ici que nous souhaitons le rejet de l'examen de ce texte.

Photo de Jean-Marie Le Guen

Malheureusement, cette réflexion est absente puisque la seule dimension aujourd'hui portée par le Gouvernement est celle de la fameuse société du Grand Paris, qui est d'ailleurs venue percuter les problèmes que vous posez aujourd'hui.

N'aurait-il pas été plus raisonnable de donner la priorité au plan de mobilisation décrété par la région, qui aurait réuni tous les moyens, l'intensité, voire la rapidité, plutôt que de rêver à des métros automatiques dans les champs de patates à l'horizon 2030 ?

N'aurait-il pas été plus efficace de mettre plus d'intensité politique, plus de moyens exceptionnels pour tous les transports qui font la réalité douloureuse de nos concitoyens, dont les fameux RER ?

Vous nous parlez du RER A, mais vous supprimez la lettre A – je le comprends, le A ne vous porte pas chance par les temps qui courent. (Sourires.) Et pourtant, cela a un rapport direct avec notre sujet, parce que les moyens d'investissement dont vous avez promis de doter la société du Grand Paris ne seront pas là et, selon toute vraisemblance, ce sera précisément à cause de ce A qui risque fort de faire partir tout le chantier ouvert par le Président de la République et tous ses engagements en matière de transports au cimetière des promesses jamais réalisées. Mais des promesses qui nous auront distraits de la réalité quotidienne, celle sur laquelle vous vous interrogez à juste titre…

Il y a encore quelques mois, lorsque vous étiez confrontés à un problème de société, la solution que vous proposiez, c'était d'adopter une loi. Aujourd'hui, pour répondre aux difficultés, vous n'avez plus l'ambition de faire des lois : vous faites des commissions… Nous avons un problème de société majeur : les transports et la qualité des transports en Île-de-France. La région, avec son plan de mobilisation, a apporté des réponses. Plutôt que de détourner l'attention des contribuables franciliens et nationaux sur des projets qui risquent de ne jamais voir le jour, il eût été beaucoup plus utile que votre attention, la volonté du Président de la République et les moyens limités de notre République se concentrent sur l'amélioration des RER existants et des transports là où se situent les difficultés. Cela aurait mieux valu que de nous faire rêver à des lendemains qui ne chanteront absolument pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Photo de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Photo de Didier Gonzales

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la loi sur le Grand Paris, c'est un nouveau réseau de métro automatique qui va voir le jour : un nouveau réseau qui abandonne le traditionnel système en étoile centré sur Paris, un nouveau réseau qui développe les liaisons de banlieue à banlieue.

Mais préparer l'avenir ne doit pas nous empêcher de réparer le présent. Or le présent, c'est celui que vivent des millions de Franciliens chaque jour : retards, matériel en panne, réseaux vieillissants, trains bondés. Tel est le quotidien des usagers des lignes du RER.

En attendant le réseau du Grand Paris, en attendant un rééquilibrage de l'aménagement du territoire francilien, en attendant la fin des transhumances quotidiennes entre les logements à l'est et les emplois à l'ouest de la capitale, prendre le RER aujourd'hui n'est pas un choix. Les pouvoirs publics ont donc une obligation de résultat et de performance. Certes, l'accord Grand Paris Express prévoit près de 12 milliards d'euros pour la modernisation du réseau existant. Certes, les responsables des lignes RER travaillent sans relâche pour améliorer le confort des usagers, et notamment renforcer la convivialité et l'information. Mais il reste encore beaucoup à accomplir.

Premier objectif : de garantir une meilleure régularité des trains. En 2008, la ligne D a connu 18 % d'irrégularités. Sur la ligne A, pour faire entrer les trains à l'heure dans le tronçon central, la RATP demande aux conducteurs de ne pas s'arrêter à certaines stations, transformant des omnibus en semi-directs, avec un effet immédiat pour les voyageurs en gare et pour ceux qui devaient descendre !

Deuxième objectif : offrir des trains confortables et en nombre suffisant. Un million de voyageurs empruntent la ligne A les jours ouvrables, la plus chargée du monde. Le choix a été fait à une époque de rénover les vieilles rames au lieu d'acquérir des rames à deux niveaux. Aujourd'hui, les rames à deux niveaux sont mises en circulation, mais au compte-gouttes. Soixante rames ont été financées, mais quid des soixante-dix autres prévues ? Sur la ligne D le trafic voyageur a augmenté de 40 % en huit ans sans qu'aucun investissement sérieux n'ait été réalisé sur cette ligne.

Troisième objectif : simplifier la gestion du réseau. Régler tout d'abord les difficultés issues de la cogestion historique des lignes A et B par la RATP et la SNCF. Quant à la ligne C, ses 187 kilomètres sont répartis en trois branches et pas moins de sept sous-branches ! Le moindre retard se répercute sur l'ensemble de ce réseau tentaculaire.

Les Franciliens ne sont pas les seuls à se poser ces questions tous les jours : les voyageurs venus de province, les touristes et les hommes d'affaires étrangers se les posent également, car le seul moyen de rejoindre l'aéroport de Roissy est d'emprunter le RER, quand tous les aéroports internationaux possèdent des lignes dédiées. Sans même parler d'Orly : sa desserte par les transports publics est l'une de ses faiblesses structurelles.

Face à la multiplicité des opérateurs et des financeurs, la représentation nationale doit se pencher sur les modalités de fonctionnement de ce réseau express régional qui, petit à petit, a perdu son caractère express. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Photo de Sandrine Mazetier

Après l'exposé limpide de Jean-Jacques Urvoas, je serai très brève.

Comme nous l'avons précisé lors de l'examen de cette proposition de loi en première lecture, puis en deuxième lecture en commission, nous souhaitons revenir à la rédaction sénatoriale qui a fait l'objet d'un très vaste consensus. Ainsi, sénateurs UMP et sénateurs des groupes de la gauche se sont retrouvés pour protéger l'utilisation très spécifique des données biométriques, comme vient de le rappeler Jean-Jacques Urvoas. Il ne s'agit en aucun cas, pour le groupe socialiste, de rejeter le principe même de la lutte contre l'usurpation d'identité, au contraire, mais de l'assortir d'une garantie absolue qui est la protection, dans le cadre de leur utilisation, des données personnelles figurant dans un fichier général regroupant l'essentiel de la population française, fichier qui pourra être, comme le prévoit cette proposition de loi, consulté par un nombre de services considérable. Avouez que ce n'est pas une mince affaire !

S'il existe une différence fondamentale en termes de protection des libertés entre le lien fort et le lien faible, j'ajouterai qu'en ces temps de patriotisme économique à tous crins, défendre une technologie dont le brevet est détenu par des groupes de toutes nationalités contre une technologie que, seul, un groupe français possède, est un paradoxe – mais vous n'en êtes pas à un près ! C'est également la raison pour laquelle le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera cette motion de rejet préalable.

Photo de Marc Dolez

Le groupe GDR votera la motion de rejet préalable présentée par le groupe SRC.

L'usurpation d'identité est effectivement un drame, mais nous partageons le désaccord exprimé par notre collègue Urvoas sur la finalité du fichier centralisant les données biométriques, qui concernera au bas mot quarante-cinq millions de nos concitoyens. C'est une grande première en France et en Europe ! Nous sommes également en désaccord sur le choix du lien fort de préférence au lien faible. Nous partageons les réserves fortes exprimées par la CNIL qui, dans sa note d'observation du 25 octobre dernier, considère que le respect de la proportionnalité entre l'objectif poursuivi et les moyens déployés n'est pas démontré. Nous partageons, enfin, les vives inquiétudes exprimées par les associations de défense des droits de l'Homme, au premier rang desquelles figure la Ligue des droits de l'Homme.

Ce sont autant de raisons qui expliquent notre vote.

Photo de Marc Le Fur

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Photo de Christian Vanneste

L'outil qui nous revient de la commission des lois est vertueux, puisqu'il tend, avant tout, à protéger les victimes. Or on ne protège jamais si bien les victimes des usurpations d'identité qu'en identifiant les usurpateurs. C'est le but du texte et notamment celui du lien fort. Cette proposition de loi est également vertueuse dans la mesure où elle répond aux objectifs de finalité, de proportionnalité et de nécessité, précédemment rappelés.

Face à cela, la critique contenue dans la motion de rejet préalable est, curieusement, purement virtuelle et non vertueuse, puisqu'elle repose sur des fantasmes, sur des craintes fondées sur l'élargissement, lequel n'est pas prévu dans le texte. Cet élargissement s'est effectivement produit à d'autres occasions – et je pense ici au FNAEG – mais il a tout simplement permis d'identifier des coupables et de protéger davantage de victimes !

Je vois surtout, à travers votre discours quelque peu verbeux sur les libertés publiques, monsieur Urvoas, une volonté de protéger les coupables, les usurpateurs ! Cette tendance m'inquiète !

Telle est la raison pour laquelle le groupe UMP se prononcera contre cette motion de rejet préalable.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Photo de Marc Le Fur

Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du règlement, avant le mardi 13 décembre 2011, à 18 heures, le nom des candidats qu'ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

Photo de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Hunault.

Photo de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Proposition de loi visant à renforcer les conditions de sécurité des mineurs accueillis dans le cadre d'un séjour à l'étranger.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron

Photo de Michel Hunault

L'objectif poursuivi en matière d'usurpation d'identité nous réunit. M. le ministre et M. le rapporteur ont fort bien rappelé les enjeux de ce texte. Nos collègues de l'opposition l'ont souligné, ces usurpations d'identité sont un drame. Il y a donc un consensus sur les objectifs de cette proposition de loi que nous examinons en deuxième lecture. Des questions légitimes se posent toutefois. Ainsi, la réponse apportée par ce texte garantit-elle ou non les libertés fondamentales auxquelles le ministre, le rapporteur et l'ensemble de la représentation nationale sont attachés ?

Vous avez apporté des réponses, monsieur le ministre, comme M. le rapporteur, et le groupe du Nouveau Centre votera ce texte. Vous vous êtes tous deux référés à l'arrêt du Conseil d'État et à l'avis de la CNIL. À partir du moment où nous avons la réponse à ces légitimes préoccupations, nous pouvons voter ce texte.

M. Urvoas a voulu faire peur en parlant d'un fichier de 40 millions de Français et en énumérant des mesures relatives aux fichiers que la majorité a votées depuis dix ans. Nous avons bien fait de les voter, monsieur le ministre, et M. Urvoas aurait pu parler de ceux que l'opposition a combattus. Or quelle est la finalité de ces fichiers ? C'est de combattre la délinquance. Nous parlons de l'usurpation d'identité, mais certains fichiers ont servi à élucider des crimes. Vous nous avez apporté des garanties en précisant qu'il ne sera pas possible de croiser les fichiers, que les données biométriques ne pourront pas non plus être associées, et vous avez surtout rappelé que certains usages se feront sous le contrôle du juge. Vous avez répondu à de légitimes préoccupations, et je rappelle que l'opposition n'a pas le monopole des garanties fondamentales et des libertés publiques.

Nous partageons le diagnostic et la finalité de ce texte qui vient en deuxième lecture. Grâce au travail remarquable du rapporteur, Philippe Goujon, nous avons eu à la commission des lois des discussions s'appuyant sur l'avis du Conseil d'État et celui de la CNIL. Nous pouvons donc le voter avec confiance.

Je précise tout de même à nos compatriotes qui se posent de légitimes questions sur ce texte qu'il est question non de les ficher, mais d'apporter des réponses à un drame dont sont victimes des milliers d'entre nous chaque année. Je crois que ce texte y contribuera. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons en deuxième lecture tend à lutter contre l'usurpation d'identité grâce à l'instauration d'un titre national d'identité biométrique.

Ce texte, loin d'être anodin, pose de nombreux problèmes, à la fois juridiques, politiques et éthiques. C'est pourquoi nous continuons de considérer que, sur un tel sujet, un projet de loi aurait été préférable car il nous aurait permis de disposer d'une étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État, notamment sur les risques majeurs d'atteinte aux libertés publiques.

Aujourd'hui, notre débat se concentre sur la création d'un fichier centralisant les données biométriques et sur ses finalités, ce qui fait l'objet du seul article encore en discussion : l'article 5.

Deux questions sont au coeur de nos débats : faut-il mettre en place un fichier central d'identité biométrique et, le cas échéant, quelles finalités assigner à ce fichier central et de quelles garanties l'entourer ?

S'agissant de la nécessité de créer un tel fichier, force est de constater que l'utilisation de la biométrie se développe irrésistiblement pour des besoins affirmés d'accroître la sécurité. Nous reconnaissons que des données biométriques peuvent utilement être utilisées pour vérifier l'identité des individus, à condition, bien entendu, que l'intéressé conserve la maîtrise des données servant à son identification. En revanche, nous sommes beaucoup plus dubitatifs sur la nécessité de créer un fichier central. Il nous paraît légitime de nous interroger sur le point de savoir si la création et l'utilisation d'un tel fichier assurent une conciliation proportionnée entre les exigences de protection des libertés individuelles et les impératifs de sécurité publique.

Sur la création même du fichier, le Conseil d'État s'est prononcé le 26 octobre dernier sur des requêtes en annulation du décret relatif au passeport biométrique. S'il a validé l'essentiel du dispositif, il a en revanche censuré la conservation, dans un fichier centralisé, des empreintes digitales de huit doigts, au lieu des deux figurant dans le composant électronique du passeport. Reprenant à son compte les arguments développés par la CNIL dès la fin de l'année 2007, la plus haute juridiction administrative considère en effet qu'enregistrer une telle quantité d'empreintes dans cette base apparaît inadéquat au regard de la finalité officiellement mise en avant pour en justifier la nécessité, à savoir sécuriser la procédure de délivrance de ce document. On ne peut donc que saluer l'amendement adopté en commission des lois tendant à limiter le nombre d'empreintes digitales collectées.

En revanche, les observations de la CNIL qui a présenté, de sa propre initiative, une note sur cette proposition de loi, le 25 octobre dernier, sont sans appel, évoquant même un détournement de finalité du fichier à des fins purement judiciaires. Si la CNIL n'est pas hostile par principe à l'utilisation de la biométrie dans le cadre de la délivrance des titres d'identité, elle estime en revanche que « la proportionnalité sous forme centralisée de données biométriques, au regard de l'objectif légitime de lutte contre la fraude documentaire, n'est pas à ce jour démontrée ». C'est également l'avis des organisations de défense des droits de l'Homme, qui invoquent les risques liberticides d'un tel fichier.

C'est ainsi, comme le souligne le rapporteur du texte au Sénat, que la Ligue des droits de l'homme considère que la base biométrique équivaut à la création d'un unique grand fichier général de la population française, croisant à la fois une identité civile et légale et une identité physique ; elle s'inquiète notamment de l'usage qu'un régime différent de celui de la République pourrait faire de tels moyens.

C'est d'ailleurs également l'avis du Comité consultatif national d'éthique, qui s'oppose à la généralisation et à la centralisation des données biométriques, et de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme.

Ce fichage généralisé de nos concitoyens nous semble totalement disproportionné par rapport au but poursuivi, d'autant qu'il existe déjà un arsenal législatif pour lutter contre l'usurpation d'identité.

Se pose aussi la question des finalités assignées au fichier et de la possibilité de les détourner.

Ce n'est pas tant la biométrisation de la carte d'identité en elle-même qui nous préoccupe que le lien qui sera établi entre les données civiles et biométriques au sein d'une base unique et centralisée.

L'établissement d'un « lien fort » entre données d'identité et données biométriques laisse craindre une utilisation dans le cadre de missions de police judiciaire et non pas dans celui d'une simple gestion administrative des procédures de délivrance des titres.

À cet égard, les amendements adoptés par la commission des lois tendant à consolider le régime juridique d'accès au fichier central ne nous paraissent pas suffisants pour garantir la protection des libertés individuelles.

Bref, nous craignons que l'objectif de ce texte de loi ne soit tout simplement, sous prétexte de lutter contre l'usurpation d'identité, de créer un fichier généralisé de la population française.

Pour notre part, nous contestons la création de ce type de fichier, et, qu'il soit utilisé à des fins de gestion administrative ou à des fins de police judiciaire, nous considérons qu'il constitue une menace pour les libertés publiques.

J'ajoute que, si, en Europe, plus de douze pays ont adopté une carte nationale d'identité électronique, peu d'entre eux prévoient l'inclusion de données biométriques et presque aucun la mise en place d'un fichier central.

C'est pour toutes ces raisons essentielles que le groupe GDR votera une nouvelle fois contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte consacré à la protection de l'identité nous revient en deuxième lecture. Avant d'aborder le coeur du sujet, je voudrais souligner combien cette proposition de loi a agi comme un révélateur.

Première révélation, alors que l'on sait bien à quel calvaire peut être conduite une personne dont on a usurpé l'identité, la gauche a prétendu souhaiter la protéger, mais en protégeant du même coup les usurpateurs et, plus généralement, les délinquants.

Le procédé rhétorique est simple. On évite d'abord d'évoquer la souffrance, très concrète, de celui qui ne peut plus utiliser son compte en banque, ne peut pas se marier, se trouve menacé dans ses biens et ses libertés réelles. Ensuite, on se complaît dans la défense ostentatoire des libertés abstraites qui pourraient être virtuellement menacées par un procédé d'identification de l'usurpateur ou par un élargissement du fichier aux recherches criminelles. Derrière la sauvegarde abstraite des libertés publiques, accompagnée de la vibration oratoire nécessaire, on voit surgir la protection très réelle de ceux qui auront usurpé une identité et pourront à nouveau tenter l'expérience puisqu'ils n'auront pas été identifiés, ou encore la protection des primo-délinquants sous prétexte qu'ils auront été forcément, avant leur premier méfait, dans le fichier des honnêtes gens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Il est d'ailleurs piquant de constater que ceux qui se refusent à combattre fermement la récidive et prétendent lutter contre toutes les discriminations font une telle différence absolue et définitive entre les honnêtes gens et ceux qui le sont moins. Vous l'aviez d'ailleurs souligné au Sénat, monsieur le ministre.

Deuxième révélation : ce texte est également révélateur de l'incessante progression des liens qui compriment l'expression déjà indirecte de la volonté populaire. Lorsque celle-ci s'exprime à travers la représentation légitime, elle se voit de toute part contrainte par des instances non démocratiques, qui entendent cependant lui dicter la loi.

C'est vrai pour la CNIL, auréolée de son onction européenne, qui a fait de sa phobie du croisement des fichiers ou du registre de la population, pourtant pratiqués dans les très démocratiques pays scandinaves, un dogme souvent propagé parmi nous par ces parlementaires missionnaires dont on aurait préféré qu'ils défendent davantage le point de vue de l'Assemblée au sein de la CNIL plutôt que celui de la CNIL au sein de l'Assemblée.

C'est vrai du Conseil d'État, qui peut nous donner ses avis, nous rappeler telle ou telle habitude juridique, mais sans nous ôter de l'esprit que le Parlement et l'Assemblée nationale devraient se reconnaître le pouvoir de briser les noeuds gordiens, tous les noeuds gordiens, hormis ceux de notre Constitution.

Je ne vais pas citer bien sûr la Ligue des droits de l'Homme, la ligue autoproclamée des droits de l'Homme, qui ne me paraît pas du tout une référence sur un texte présenté à l'Assemblée.

Ce texte revient donc, passé à l'essoreuse idéologique du Sénat. Il lui reste, comme à un cheval à qui l'on aurait mis des oeillères, la protection des documents d'identité pour seule finalité, limitée à de justes et nécessaires proportions. Les usurpateurs, et encore moins les criminels de tout poil, ne sont pas l'objet du texte et peuvent donc dormir tranquilles. Contrairement à ce qu'affirmait le rapporteur du texte au Sénat, la dissuasion ne suffit pas, car la répression est la meilleure des dissuasions.

C'est la raison pour laquelle il était nécessaire d'amender ce texte pour lui donner toute sa vigueur citoyenne, celle qui faisait dire à Montesquieu que la liberté chez un citoyen vient du sentiment qu'il a de sa sûreté. La plus grande sûreté de l'homme, c'est de savoir les délinquants hors d'état de lui nuire, ce n'est pas d'être protégé virtuellement contre de potentielles atteintes aux libertés abstraites que la traçabilité des opérations découragera de toute manière.

Certains prétendent alors qu'il pourrait y avoir une utilisation politique différente liée à un changement de régime. Je l'ai lu dans les débats du Sénat. Dans ce cas, il y aurait aussi malheureusement un changement de la loi. Il est inutile d'affaiblir la défense de la République en évoquant les menaces imaginaires que ferait peser sur les libertés un régime qui ne serait plus républicain.

Il faut donc rétablir le lien fort, qui permet d'identifier l'usurpateur sans passer par une enquête complexe et coûteuse qui distrairait les effectifs policiers, et qui, pour cette raison, ne se ferait pas. Aucun pays n'a d'ailleurs choisi le lien faible, cela a été dit et redit. Seul le Sénat l'a fait, pour des raisons idéologiques et politiciennes, non pour protéger les honnêtes gens de risques imaginaires, mais pour s'opposer au Gouvernement dans un domaine où l'unanimité devrait régner, celui de la lutte contre la délinquance.

De même, il est nécessaire de revenir sur l'absurde opposition du Sénat à l'utilisation du fichier en matière de recherche criminelle, comme si la protection des criminels contre les potentielles et virtuelles atteintes aux libertés publiques pouvait être un objectif républicain. L'encadrement de l'utilisation du fichier dans les limites de son objet, d'abord, dans celle des procédures ensuite, flagrances, enquêtes préliminaires, commissions rogatoires, avec l'autorisation du juge d'instruction, enfin, devrait rassurer les avocats verbeux des libertés abstraites, dont l'inconscient semble toujours si chargé de fantasmes liés aux régimes policiers.

Les avancées ou les reculs techniques sur la reconnaissance faciale ou sur le nombre des empreintes présentent-ils un avantage ou un inconvénient ? L'identification des victimes est privilégiée par rapport à celle des coupables dans le texte définitif. Pourtant, fallait-il faire une distinction entre les victimes collectives et les victimes individuelles ? J'aimerais que, sur ces points, des réponses précises soient apportées, autrement que par des génuflexions devant la sainte CNIL ou le sacro-saint Conseil d'État.

Il s'agit pour nous de rétablir un texte, et ce dans un but profondément humaniste : celui de restaurer une personne dans sa plus éminente dignité, qui consiste à être qui elle est et qui elle veut être, avec sa part de nature – les empreintes – et sa part de liberté, avec son irremplaçable individualité, avec ses droits, c'est-à-dire avec les libertés réelles et concrètes que lui garantit la société démocratique au sein de laquelle elle vit : penser, s'exprimer, aller et venir, travailler, être propriétaire, fonder une famille, voter, en somme être un homme, une femme, citoyen respecté comme tel dans le cadre des valeurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Voilà ce à quoi, je crois, aboutit le texte que nous allons adopter dans quelques instants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après une lecture dans chaque chambre et une deuxième lecture au Sénat, il ne reste qu'un point à trancher, mais il est de taille, comme l'a dit notre collègue Christian Vanneste ; c'est même le coeur de ce texte.

L'Assemblée nationale a maintenu son désaccord avec le Sénat sur la question du lien fort ou du lien faible, en maintenant un lien fort. Je soutiens personnellement la position du Sénat, c'est-à-dire le lien faible. Mes arguments n'ont pas changé depuis la première lecture, mais des faits nouveaux sont venus renforcer ma conviction.

Premier point qui m'inquiète : la sécurité informatique. On l'a encore vu récemment, avec le piratage d'un serveur qui contenait des données concernant les députés UMP : nous avons un problème grave avec la sécurité informatique. Ce problème est général et nécessitera une remise à niveau. La question n'est pas seulement d'avoir les bons outils ; encore faut-il savoir s'en servir. En informatique, il y a un proverbe qui dit que l'essentiel des problèmes se situe entre la chaise et le clavier. Il convient de développer une culture de la sécurité informatique par des gestes souvent simples mais qu'il faut apprendre.

L'un des premiers gestes est de scinder les fichiers trop sensibles afin que, si une partie en est volée, elle ne soit pas utilisable. C'est pour cela que je milite pour le lien faible. Un fichier à lien fort est beaucoup plus vulnérable. Croire que les blindages informatiques suffiront à le protéger est illusoire. Si ce fichier a une grande valeur, ceux qui le voudront y mettront les moyens, et malheureusement ils en ont ! Les blindages sont efficaces à condition que les utilisateurs ferment bien les portes. On en revient à la nécessité de la formation et de la sécurisation des données.

Je milite aussi pour le fichier à lien faible car il évite des usages indus des fichiers. Quand il suffit d'une simple consultation pour tout avoir, c'est beaucoup plus facile de frauder que lorsqu'il faut effectuer quelques manipulations et croiser des fichiers en demandant plusieurs autorisations à plusieurs personnes différentes. Dans cette loi, nous limitons les possibilités d'usage du fichier des empreintes biométriques, mais cela restera théorique si le respect de ces limites ne tient qu'à la bonne volonté ou à l'éthique.

Cela m'amène à un second point que j'avais déjà évoqué en première lecture et sur lequel je veux revenir parce que, là aussi, des faits nouveaux sont intervenus. Il s'agit de la politique d'habilitation à consulter les fichiers et des règles mises en place pour veiller à leur respect. Monsieur le ministre, il ne faut pas se voiler la face, nous avons un problème récurrent quant à la confidentialité des données personnelles et des informations classifiées. Ce problème n'est pas propre à la France, ni à votre ministère, mais il existe un enjeu de libertés publiques que l'on ne retrouve pas forcément de manière aussi aiguë ailleurs.

Il y a un vrai travail à mener sur la consultation des fichiers de police. On a parfois l'impression que n'importe qui, y compris des personnes extérieures à vos services, peut y piocher des renseignements et s'en servir impunément. À présent que les fichiers intègrent des données biométriques qui peuvent servir pour des dispositifs de sécurisation d'accès à des lieux, on ne peut plus permettre que ces fichiers soient ouverts à tous les vents. Les lois existent et me semblent suffisantes ; reste un problème de mise en oeuvre, qui relève de votre pouvoir.

Je sais parfaitement que tout cela remonte à bien plus loin que votre arrivée au ministère, mais votre parcours dans cette maison vous met en position de comprendre, bien mieux que beaucoup d'autres personnes, l'importance de ce chantier, celle de mettre en oeuvre les moyens pertinents pour mener une réforme profonde.

La manière dont le fichier est conçu, protégé et consultable est un élément important, et même essentiel. Comme je l'ai dit en première lecture, la création de fichiers, surtout d'une telle ampleur, est susceptible de porter atteinte aux libertés publiques. Il nous faut donc être prudents et limiter ce risque au strict minimum. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en seconde lecture répond à un enjeu lié à la fois à la liberté, à la sécurité et à la citoyenneté.

Notamment en raison du développement d'internet, l'usurpation d'identité est un délit de plus en plus fréquent, qui ne concerne pas moins de 200 000 personnes par an. Assurer une meilleure protection de l'identité de nos concitoyens doit être une priorité. Cela permettrait de mieux les protéger, cela permettrait à la justice d'être plus efficace, cela renforcerait nos moyens de lutte contre les divers types de fraude dans notre pays, qu'il s'agisse de fraude administrative, de fraude sociale ou de vol.

Je voudrais insister sur ce dernier point car le vol d'une identité, c'est-à-dire d'une partie de soi-même, est une situation extrêmement difficile à vivre pour nos concitoyens, et ce d'autant plus qu'il est souvent plus facile de commettre une usurpation d'identité que de prouver sa bonne foi aux autorités administratives ou judiciaires.

Au-delà de l'impact personnel et psychologique subi par chaque victime, le coût de l'usurpation d'identité pour notre société est également très important. Une enquête de l'inspection générale de l'administration l'a estimé à 20 milliards d'euros en 2010. Dans son excellent rapport sur la fraude sociale, notre collègue Dominique Tian a souligné que la seule fraude à l'UNEDIC atteignait, au bas mot, 4 milliards d'euros par an. La fraude à l'identité sur les pièces administratives présentées pour obtenir des prestations sociales est évaluée à plus de 6 %.

Partant de ce constat, la proposition de loi que nous examinons a pour objet de renforcer les moyens de lutter contre la fraude à l'identité et, parallèlement, de simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens en leur permettant de prouver plus aisément leur identité dans les démarches de la vie courante.

Au cours de cette législature, nous avons d'ores et déjà pris un certain nombre de mesures pour endiguer ce phénomène ; je pense en particulier à la disposition de la LOPPSI 2 qui a créé une infraction propre à l'usurpation de l'identité, à l'article 434-23 du code pénal. Mais la persistance du phénomène nous impose d'aller encore plus loin. L'utilisation des technologies biométriques et la constitution d'un fichier central donneront plus d'efficacité à la recherche criminelle, tout en garantissant la protection des libertés.

S'agissant de la justice, la création de titres d'identité biométriques et d'un fichier central biométrique apparaît comme le moyen de lutte le plus efficace contre la fraude à l'identité. Le rapporteur a proposé à la commission d'adopter le dispositif prévu par la proposition de loi, en y apportant toutefois les garanties nécessaires à la protection de la liberté individuelle et au respect de la vie privée.

La nouvelle carte d'identité sécurisée, comme l'est également le passeport biométrique, sera d'une aide précieuse pour nos services de sécurité.

Les amendements adoptés par la commission des lois me semblent aller dans le bon sens, notamment parce qu'ils apportent des garanties en termes de protection de la vie privée.

Le fait de prévoir que les vérifications d'identité par les empreintes digitales ne pourront être effectuées que par des agents habilités me semble également cohérent au regard de la protection des libertés publiques.

J'approuve, de même, la nouvelle rédaction de l'article 3, qui prévoit de donner au titulaire de la carte d'identité la possibilité de décider quelles informations il communique, et d'interdire que ceux qui refusent cette fonctionnalité soient évincés de certains services ou transactions en ligne.

Compte tenu des amendements adoptés en commission, je crois que la proposition de loi est non seulement très utile, mais aussi équilibrée. C'est pourquoi je la soutiendrai, en souhaitant qu'elle soit adoptée par notre assemblée.

Pour autant, monsieur le ministre, je tiens à apporter un bémol à mon propos. Face aux nouveaux enjeux, et notamment à la cybercriminalité, qui ne cesse d'augmenter, je me permets d'attirer votre attention sur la sécurisation du fichier central. La France choisit une voie qui est efficace mais qui n'est pas facile. D'autres pays qui ont expérimenté les fichiers centraux, informatisés et basés sur des données personnelles, ont connu de grandes déconvenues. En l'espèce, le remède a été pire que le mal puisque la diffusion de certaines données a créé un regain d'usurpations d'identité. Je souhaite que nous nous servions de leur expérience et que votre ministère mette en oeuvre tous les moyens nécessaires à la protection réelle et sans faille de l'identité de tous les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Philippe Gosselin, dernier orateur inscrit.

Je vous informe, mes chers collègues, qu'une fois close la discussion générale, le ministre répondra et nous vous proposerons d'examiner dans la foulée les quatre amendements restant en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne serai pas le porte-parole de la CNIL, car ce n'est pas mon rôle, mais celle-ci ayant été citée, voire mise en cause, je voudrais, en tant que membre de son collège, apporter quelques éclaircissements, notamment pour notre collègue Christian Vanneste. Je fais en effet partie des deux « missionnaires » de la CNIL au sein de l'Assemblée, à moins que ce ne soit l'inverse. J'essaierai d'apporter ces éclaircissements de manière « violemment modérée », comme notre collègue a su le faire lui-même (Sourires). C'est ma vision tocquevillienne des choses, quelque chose qui nous sépare peut-être, mais Tocqueville est un de nos grands de la Manche et j'ai toujours plaisir à le citer.

La création d'une carte d'identité électronique et biométrique n'est pas une question nouvelle en France. Depuis le début des années 2000, ce projet a été évoqué à plusieurs reprises : la CNIL a ainsi été saisie par le ministère de l'intérieur de trois avant-projets de loi sur ce thème et s'est même prononcée en juillet 2008 sur un projet de loi relatif à la protection de l'identité, qui n'a finalement jamais été déposé au Parlement.

C'est donc la première fois que nous avons, en tant que députés, à nous prononcer sur un tel dispositif. Je voudrais redire mon regret que ce soit par le biais d'une proposition et non d'un projet de loi, puisque, comme vous le savez, la CNIL n'est pas saisie de droit sur une initiative parlementaire.

C'est ce qui l'a obligée à prendre l'initiative de publier, le 25 octobre dernier, une note d'observation, puisque, sans cela, le Gouvernement et le Parlement n'auraient pas eu accès à son analyse, sur un texte qui aboutira à la création d'une base centrale concernant plusieurs millions de Français.

Dans cette note, la CNIL n'a du reste fait que redire une nouvelle fois ce qui constitue sa doctrine sur la constitution de bases centrales biométriques, une doctrine qu'elle a déjà exprimée, notamment, dans son avis sur le passeport biométrique.

Elle a en ce sens parfaitement joué son rôle de conseil des pouvoirs publics en matière de protection de la vie privée de nos concitoyens. C'est en effet sa mission, depuis presque trente-cinq ans, que de conseiller le législateur et le Gouvernement, de les alerter sur les dangers que certains projets pourraient faire courir aux données personnelles des Français, de rappeler aussi la nécessité de sécuriser juridiquement et techniquement leur traitement, bref d'allier finalité et proportionnalité.

Vous le savez, les données biométriques ne sont pas des données comme les autres, en raison des risques majeurs qu'elles peuvent faire peser sur l'identité d'un individu, en cas de détournement, de mauvais usage, par le biais d'une capture des empreintes digitales à son insu. Elles doivent donc être traitées avec toute la vigilance qui s'impose, notamment si elles viennent à être conservées dans une base centrale. Il est par conséquent du devoir du Gouvernement, du législateur et de la CNIL de veiller à l'encadrement le plus strict de leur traitement et à l'adoption de garde-fous juridiques et techniques pour prévenir tout détournement des données à caractère personnel qui pourrait s'avérer catastrophique pour nos concitoyens.

C'est avec la volonté de protéger au mieux les données biométriques que le Sénat a fait le choix, à l'unanimité des groupes politiques, je le rappelle, de retenir la technologie du lien faible pour constituer la base centrale. Je ne m'arrêterai pas sur le débat « lien fort-lien faible » ; la discussion qui suivra sera sans doute l'occasion d'y revenir, en gardant à l'esprit la décision du Conseil d'État du 26 octobre dernier.

Lors de l'examen de ce texte par la commission des lois, le mercredi 30 novembre, le Gouvernement a fait adopter différents amendements visant à mieux sécuriser cette base centrale. C'est une vraie avancée, dont je me félicite : je tenais à le dire avec beaucoup d'insistance.

Ainsi, avec le rapporteur, monsieur le ministre, vous avez essayé d'apporter des réponses aux interrogations de beaucoup de parlementaires sur ces questions extrêmement sensibles.

Afin de tenir compte de la décision du Conseil d'État du 26 octobre, le nombre d'empreintes enregistrées dans la base centrale sera limité à deux, et non à huit, comme initialement prévu. C'est un vrai progrès.

Il est désormais également inscrit dans le texte que toute interconnexion entre les données biométriques enregistrées dans la base et « tout autre fichier ou recueil de données nominatives » est interdite. Il s'agissait d'une précision essentielle à apporter au texte ; cela a été fait.

Je me félicite également que la commission des lois ait validé l'interdiction de tout traitement de reconnaissance faciale sur la base des images numérisées enregistrées dans le fichier central. Cette interdiction avait été introduite dans le texte par le Sénat, et je suis heureux que nos deux assemblées se retrouvent sur une telle disposition.

Enfin, la consultation et l'exploitation de la base centrale ont été encadrées et limitées à certaines infractions, notamment celles liées à l'usurpation d'identité. Elles seront également possibles, grâce à un amendement fort bienvenu de notre rapporteur, afin de permettre l'identification des victimes de catastrophes naturelles ou d'accidents collectifs. La consultation des données biométriques contenues dans la base ne pourra se faire que sur réquisition judiciaire.

En conclusion, monsieur le ministre, je me félicite que de telles précisions aient été apportées. Ces nouvelles dispositions étaient absolument indispensables et apportent, je le crois, beaucoup d'apaisement. Elles répondent aux demandes formulées par la CNIL et par des parlementaires, et par là même à leurs inquiétudes. Elles témoignent d'une prise de conscience par le Gouvernement et par les parlementaires des risques qu'un tel dispositif pourrait faire peser sur nos concitoyens, notamment en cas de détournement des données biométriques enregistrées dans la base.

Soyons vigilants. Oui, c'est vrai, il faut être vigilants sur les possibilités de consultation des données biométriques enregistrées dans de telles bases de données, veillons à ce qu'elles ne soient pas élargies outre mesure, veillons à ne pas aller trop loin, mais surtout réjouissons-nous parce que la protection des victimes d'usurpation, c'est-à-dire de vrais vols d'identité, dont le nombre dépasse tout de même 200 000 par an, sera mieux assurée. L'objectif est atteint. Je voterai donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Très bien !

(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, M. Michel Hunault a eu raison de rappeler que ce fichier, comme d'autres – le fichier des empreintes digitales, celui des empreintes génétiques – a pour objet de protéger les victimes et de permettre le défèrement à la justice des coupables de crimes et de délits. À cet égard, monsieur Urvoas, en écoutant votre argumentation, j'en suis resté confondu : vous regrettez les extensions par la loi – et non pas par un ministre, je le rappelle – du champ d'utilisation du fichier des empreintes génétiques aux infractions qui précisément justifient de telles extensions, alors que cela a permis de mieux répondre aux exigences de la lutte contre le crime et le délit.

Monsieur Marc Dolez, en ce qui concerne les problèmes de libertés publiques, ce qui est en cause, c'est beaucoup plus les conditions de l'accès au fichier central biométrique que la base de données elle-même. La démonstration qui vient d'être faite à l'instant par M. Philippe Gosselin est à cet égard tout à fait convaincante – d'autant plus que je partage évidemment son opinion. (Sourires.) Sa qualité de membre de la CNIL donne bien sûr à ses propos un poids tout particulier. Il a bien souligné que c'est dans la discipline de l'accès aux données que résidait la protection des libertés individuelles.

Monsieur Christian Vanneste, vous avez souligné à très juste titre que l'on ne pouvait raisonnablement vouloir une chose et son contraire. En effet, il n'est pas raisonnable d'affirmer que l'on veut lutter contre les usurpations d'identité tout en refusant le seul moyen technique qui permette de le faire avec une efficacité totale, et ce en exprimant une préférence pour un système qui, même s'il coûterait très cher, ne permettrait pas d'aboutir au résultat escompté.

Monsieur Lionel Tardy, madame Véronique Besse, vous vous êtes inquiétés de la sécurité du fichier. Je rappelle que la base de données TES a bien sûr été élaborée sous le contrôle de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques, que les données sont cryptées et, de surcroît, intégrées dans des sous-bases distinctes, ce qui permet l'étanchéité entre les données. Toutes les précautions ont donc été prises. Vous avez aussi exprimé le souci que le nouveau fichier ne soit pas accessible à tout le monde : je le confirme. J'ai insisté sur l'intérêt que présente une sévère réglementation des conditions d'accès. Y auront bien sûr accès les fonctionnaires administratifs qui doivent confectionner les documents d'identité puisqu'il faut bien qu'ils vérifient, par exemple, que celle-ci n'a pas déjà été attribuée à quelqu'un d'autre, ce qui est l'objet même de la lutte contre les usurpations. Quant aux officiers de police judiciaire, ils seront autorisés à y accéder, je l'ai clairement indiqué tout à l'heure, sous le strict contrôle et à la demande exclusive du procureur de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article de la proposition de loi sur lequel les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur cet article, je suis saisi de plusieurs amendements.

Monsieur Dolez, puis-je considérer que votre amendement, n° 5 , tendant à supprimer l'article 5, a déjà été défendu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

En effet, monsieur le président, je l'ai déjà largement défendu dans la discussion générale. Je ne reviendrai donc pas sur les raisons qui justifient cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

La commission a bien sûr donné un avis défavorable à cet amendement qui vise à supprimer rien moins que le coeur de la proposition de loi, c'est-à-dire l'encadrement législatif même de la base de données, et sans rien proposer en remplacement. Il n'est même pas question d'un retour au lien faible. Or il est essentiel et indispensable, pour que le dispositif permette de lutter contre la fraude identitaire, qu'il y ait une base centrale. C'est le cas dans tous les pays qui ont mis en place cette méthode.

Il est de surcroît du rôle du législateur de prévoir un dispositif encadrant la base centrale, lequel gérera le contrôle de l'identité de nos concitoyens. Nous pensons que le système décrit à l'article 5 et conforté par les amendements de la commission en termes de garantie des libertés individuelles permet un juste équilibre entre la protection des libertés et la sécurité dans le domaine de l'usurpation d'identité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Je ne saurais mieux dire que M. le rapporteur. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. Lionel Tardy.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Cet amendement vise à limiter la durée de stockage des empreintes digitales au temps nécessaire à l'établissement du titre d'identité. Il faut absolument respecter une règle de proportionnalité entre la nécessité liée au motif pour lequel les empreintes ont été prises – en l'espèce, l'établissement d'un document d'identité – et l'atteinte aux libertés publiques que représente le fichage biométrique. Pour mémoire, je rappelle que c'est sur une telle base que le Conseil d'État a ordonné la destruction des empreintes prélevées en surnombre : deux suffisent, nul besoin de huit, comme mon collègue Gosselin l'a souligné.

Conserver pendant des années des empreintes biométriques qui auront été prélevées uniquement pour obtenir un passeport et lutter contre l'usurpation d'identité m'apparaît disproportionné. Une conservation de trois mois suffira, pas besoin de les garder quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

L'avis est évidemment défavorable. Que ferait-on avec une base dans laquelle les empreintes ne seraient conservées que trois mois après leur recueil ? Autant alors la supprimer. Il faut bien conserver les anciennes empreintes pour les comparer aux nouvelles, notamment lors du renouvellement du titre d'identité ou de voyage, au bout de dix ans. Et puis, pour mener à bien des contrôles, il est absolument indispensable que les empreintes soient maintenues dans la base. Si ce n'était pas le cas, un usurpateur pourrait tenter de demander, avec succès, le renouvellement d'un titre qui ne lui appartient pas et insérer ses empreintes dans la base à la place de celles du vrai détenteur de l'identité.

La technologie biométrique est tout à fait proportionnée au mal que nous voulons combattre ; le Conseil d'État l'a reconnu, comme M. le ministre et plusieurs orateurs l'ont rappelé. J'ajoute que la base est fondée sur le même principe que celle du passeport biométrique et que depuis que cette dernière a été mise en oeuvre, les fraudes au passeport ont diminué de moitié sans que cela pose un problème en matière de libertés publiques.

Enfin, un amendement adopté en commission des lois, pour suivre les conseils toujours avisés de la CNIL, a déjà permis de réduire de huit à deux le nombre d'empreintes digitales conservées dans la base.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mon cher collègue, maintenez-vous votre amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 4 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est àM. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il est défendu.

(L'amendement n° 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. Lionel Tardy.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Cet amendement permettrait de limiter le champ de compétences du fichier à l'établissement des titres d'identité et à l'identification de personnes décédées. À cet effet, il propose de supprimer l'alinéa 6, une grande porte ouverte à un fichage généralisé. L'article 55-1 du code de procédure pénal, relatif aux contrôles d'identité effectués par les OPJ ou sous leur autorité, aurait des conséquences disproportionnées si l'article était voté sans cette modification car les forces de l'ordre pourraient vérifier l'identité d'une personne rien qu'en prenant ses empreintes, de force s'il le faut. Une fois le texte adopté, il suffirait de le modifier très légèrement pour qu'il ne concerne plus seulement les empreintes digitales mais aussi toutes les données biométriques, ou pire, génétiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Avis évidemment défavorable car en supprimant cet alinéa, monsieur Tardy, vous supprimeriez tout encadrement des réquisitions judiciaires qui portent sur le fichier – je rappelle qu'il s'agit non d'un fichier de police mais d'un fichier administratif. Or la suppression des restrictions au droit commun que le Gouvernement et moi-même avons introduites irait en sens inverse de ce que vous préconisez. Nous avons voulu limiter au maximum les possibilités de consultation de la base par les services enquêteurs, et votre amendement serait un retour en arrière. Contrairement aux autres fichiers administratifs, il faut que les magistrats ne puissent y avoir accès que pour des recherches en matière de fraude identitaire. Si vous restaurez le droit commun, vous élargissez la consultation du fichier à toute réquisition judiciaire, contrairement à l'objet et à l'exposé des motifs de votre amendement – mais c'est peut-être d'ailleurs ce que souhaitait M. Vanneste. Pour notre part, nous avons voulu un texte d'équilibre : nous sommes tout à fait favorables au lien fort, mais pas dans une vision maximaliste et nous avons prévu en deuxième lecture de l'encadrer. C'était tout l'objet de notre discussion en commission que de parvenir à un équilibre harmonieux, qui pourrait faire l'objet d'un consensus dans l'hémicycle.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

L'argumentation du rapporteur est tellement convaincante que j'invite M. Tardy à retirer son amendement. À défaut, l'avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Non, monsieur le président, je le maintiens.

(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)

(L'article 5 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, mercredi 14 décembre 2011 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron