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Intervention de Élie Aboud

Réunion du 13 décembre 2011 à 15h00
Position abolitionniste de la france en matière de prostitution — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlie Aboud :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous rassemble aujourd'hui est majeur et grave. Il implique un certain regard sur la personne humaine et sur sa dignité. S'agissant de la prostitution, on ne peut s'en tenir à des rodomontades ou à des déclarations de principes machistes ignorant les réelles souffrances provoquées par cette activité.

Dès 1960, la position de notre pays sur le sujet a été claire. La France a ratifié la Convention de 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui. Depuis, notre pays n'a jamais dérogé aux fondements juridiques les plus élémentaires de notre code civil : l'intégrité du corps humain, sa non marchandisation, l'égalité entre les sexes, la lutte contre les violences. À cet égard, le plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes de 2011 reste exemplaire.

J'observe avec intérêt que la proposition qui nous est soumise aujourd'hui a été cosignée par tous les groupes parlementaires. C'est l'honneur de l'Assemblée nationale d'être unie lorsque l'intégrité des personnes est mise en danger.

La réalité de la prostitution oblige, en effet, à un certain nombre de constats. Comment oserait-on faire croire que, parmi les 20 000 personnes prostituées en France – dont, d'ailleurs, 85 % sont des femmes –, une immense majorité n'a pas été contrainte ?

La loi, expression de la volonté générale, doit toujours être élaborée en fonction de l'intérêt commun. Si quelques personnes s'adonnent à cette pratique par choix personnel, nous devons cependant protéger toutes celles et tous ceux qui subissent des pressions, voire des agressions.

La pratique de la prostitution est-elle un long fleuve tranquille ? Évidemment non. Elle donne lieu, tout le monde le sait, à des violences physiques et psychiques particulièrement graves. L'emprise croissante des réseaux s'affirme au-delà des frontières. Il serait dérisoire et navrant de faciliter la tâche des proxénètes. Or voilà que les laudateurs de la prostitution banalisée utilisent les plus vils arguments pour la justifier. La vérité est qu'ils ont intérêt à une pratique commerciale de la sexualité, en omettant totalement les souffrances qui y sont liées – traites humaines, drogues, syndromes de stress post-traumatique.

Saluons ici le travail essentiel de la police et de tous les services qui ont permis d'endiguer, pour une large part, la prostitution de rue. Je voudrais rendre hommage également à tous les acteurs du domaine médico-social, qui réalisent au quotidien un exceptionnel travail de préventologie dans des conditions extrêmement difficiles.

Pour toutes les raisons ici évoquées, il convient de reprendre le flambeau de 1960 pour compléter le dispositif législatif par cette proposition, ainsi que celle relative à la pénalisation des clients.

Elle repose essentiellement sur les faits. M. Geoffroy a rappelé avec élégance et émotion ce qui se passe en Suède où, dès 1999, la pénalisation des clients a permis de lutter activement contre la prostitution sans que le taux de viols n'ait augmenté, ce qui dément toutes les théories qu'on a pu entendre. Au contraire, dans les comtés de l'État du Nevada où la légalisation a été adoptée, le nombre des viols s'est considérablement accru. L'observation montre qu'il n'y a donc pas de lien explicite entre la lutte contre la prostitution et l'augmentation des viols. Dans la plupart des cas, la prostitution est bien une activité contrainte, subie par les plus faibles. Il convient par conséquent de la limiter au maximum.

Bien sûr, en réaffirmant sa position abolitionniste pour protéger le plus grand nombre, la France se doit de revisiter l'ensemble de son droit régalien et de développer des politiques publiques ambitieuses, de nature à rendre cohérents les objectifs affichés. Les droits fondamentaux des personnes prostituées, notamment, doivent être garantis. Un effort supplémentaire doit être réalisé en matière d'information, de prévention, d'éducation et de réinsertion.

Cette proposition de résolution n'est pas un message que nous envoyons pour nous donner bonne conscience, mais une exigence pour tous les républicains que nous sommes, sensibles à la dignité de la personne humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

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