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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 13 décembre 2011 à 15h00
Limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi organique

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, afin de mettre l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'abri de toute modification de circonstance, le constituant de 1958 a disposé que le statut des magistrats devait être fixé par la loi organique. Les garanties prévues en matière de déroulement des carrières entrent dans ce cadre.

Ainsi, le projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire que je vous présente a pour objet d'accélérer la montée en charge de l'augmentation, par génération, de la limite d'âge des magistrats, prévue par la loi organique du 10 novembre 2010.

Il est le pendant, pour les magistrats, de la modification du calendrier de l'augmentation des âges d'ouverture des droits et d'annulation de la décote proposée par le Gouvernement pour l'ensemble des fonctionnaires civils ainsi que pour les militaires. Cette mesure fait partie du plan d'équilibre des finances publiques annoncé par le Premier ministre le 7 novembre 2011.

Le projet de loi initial comportait un article unique. Celui-ci laisse inchangée la limite d'âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952. En revanche, pour les magistrats nés à compter de cette date, l'accélération du relèvement de la limite d'âge interviendra à raison d'un mois pour ceux nés en 1952, de deux mois pour ceux nés en 1953, de trois mois pour ceux nés en 1954 et de quatre mois pour ceux nés en 1955.

Lors de l'examen en commission des lois, le Gouvernement a déposé quatre amendements, relatifs eux aussi à la carrière des magistrats et à la gestion du corps judiciaire, que les commissaires aux lois ont bien voulu adopter. Je les en remercie.

Ces mesures sont reprises du projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 27 juillet 2011.

Je tiens à préciser que ces dispositions ont bien fait l'objet, avant même la rédaction de ce projet de loi organique, d'une concertation avec les organisations syndicales, les chefs de cour et les chefs de la Cour de cassation. Elles ont par ailleurs été présentées aux organisations syndicales lors d'une commission permanente d'études, le 7 juillet 2011. Une étude d'impact a été rédigée par mes services et annexée au projet de loi organique, comme le prévoit la Constitution.

Ces dispositions organiques modifient le statut de la magistrature, pour répondre à des difficultés techniques rencontrées par la chancellerie dans la gestion du corps judiciaire ou dans la mise en oeuvre de dispositifs statutaires existants. Elles revêtent une urgence particulière qui explique la démarche du Gouvernement.

En effet, les réformes de l'ordonnance statutaire de 1958, notamment celles intervenues en 2001 et 2007, ont profondément remanié le cadre juridique de la gestion des magistrats et les conditions d'exercice des fonctions judiciaires. Le ministère de la justice et des libertés s'est par ailleurs attaché à développer une gestion du corps judiciaire plus dynamique, valorisant les compétences, les parcours professionnels, les expériences des magistrats hors des juridictions judiciaires, dans le cadre d'une politique rénovée et modernisée des ressources humaines de la magistrature.

La mise en oeuvre de certains mécanismes ou dispositifs statutaires, dans le cadre de cette politique de gestion des ressources humaines, a toutefois démontré la nécessité de réviser certains de leurs aspects, ou d'affiner les dispositions statutaires, qui posent des difficultés d'application.

Le Gouvernement a donc proposé par amendement quatre dispositions.

La première modifie les règles relatives aux magistrats placés auprès des chefs de cour d'appel. Cette pratique est nécessaire pour la bonne marche des juridictions. Elle permet une réactivité du corps judiciaire en apportant un renfort immédiat aux juridictions qui connaissent des difficultés conjoncturelles, liées à la situation de leurs effectifs ou à un surcroît d'activité. En outre, ces magistrats enrichissent leur expérience professionnelle en se confrontant à des pratiques juridictionnelles diversifiées dans les juridictions dans lesquelles ils sont délégués.

Certains magistrats apprécient particulièrement ces fonctions et ne voient pas pourquoi on les empêcherait de les exercer pour une période plus longue que ce que permet l'ordonnance statutaire, telle qu'interprétée par le Conseil d'État. Il est donc proposé d'augmenter la durée maximum d'exercice de ce type de fonctions à six ans consécutifs et à douze ans sur l'ensemble de la carrière. C'est répondre à la fois aux voeux de certains magistrats et aux besoins des juridictions, sans limiter la possibilité, pour les intéressés, d'être nommés sur d'autres fonctions après deux années d'exercice comme magistrats placés. En effet, on n'est pas nommé de force sur ces fonctions de magistrat placé, il faut être candidat.

Par ailleurs, la priorité d'affection dont bénéficient les magistrats placés, au bout de deux années, sur des postes de la juridiction siège de la cour auprès de laquelle ils sont placés, ne pourra plus porter sur des emplois de premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur de la République. Ces fonctions d'encadrement intermédiaire requièrent en effet des profils particuliers et doivent être occupées par des magistrats ayant démontré de véritables capacités d'encadrement et d'animation au cours de leur carrière.

En deuxième lieu, il s'agit d'assouplir la règle relative à la priorité d'affectation à la Cour de cassation des conseillers et avocats généraux référendaires, afin d'éviter certains blocages. Il n'est pas question de supprimer le mécanisme de quota, qui permet à la Cour de cassation de bénéficier des compétences de ses anciens référendaires. La proportion de un sur six est apparue de nature à concilier, d'une part, les contraintes de nomination pesant sur la chancellerie et le Conseil supérieur de la magistrature et, d'autre part, le besoin que les postes de conseiller ou d'avocat général à la Cour de cassation soient pourvus par des magistrats ayant acquis la technique de la cassation.

Troisièmement, le nouvel article 5 modifie l'article 69 de l'ordonnance statutaire issue de la loi organique du 5 mars 2007, qui a créé un comité médical national propre aux magistrats pour connaître des demandes de placement d'office en congés maladie.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 69 de l'ordonnance de 1958 n'évoque que le congé de maladie, qui doit être distingué du congé de longue maladie et du congé de longue durée. Or le placement d'office en congé en raison de l'inaptitude physique d'un agent concerne avant tout les deux dernières catégories. L'article 5 étend ainsi la compétence du comité médical national pour ces deux catégories de congés maladie. Il institue également un comité médical national d'appel. Le Parlement, le conseil supérieur de la magistrature et les organisations syndicales de magistrats ont, à de nombreuses reprises, appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de mettre en oeuvre ce dispositif.

Enfin, l'article 6 assouplit les règles de mobilité pour l'accès aux emplois hors hiérarchie, afin d'assurer la réussite dans les faits de ce dispositif introduit par la loi organique du 5 mars 2007. Il s'agit de permettre aux magistrats d'accomplir cette mobilité auprès de juridictions administratives, financières ou internationales. En outre, la durée de la période de mobilité statutaire sera portée à deux ans et non renouvelable, ce qui correspond davantage aux besoins des structures d'accueil.

Je pensais avoir à revenir sur l'amendement de M. Dosière, mais la commission des lois, réunie au titre de l'article 88, en a fait justice. Les magistrats, qui accomplissent tous un travail difficile, dans des circonstances qui le sont aussi, méritent bien que la nation leur manifeste sa reconnaissance.

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