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Intervention de Martine Aurillac

Réunion du 13 décembre 2011 à 15h00
Accord france-panama sur les doubles impositions — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Aurillac, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Quelles sont ces réformes ?

En juin 2010, une loi a été adoptée pour lever l'impossibilité de transmettre des renseignements qui ne sont pas utiles à l'administration pour l'application de sa propre loi fiscale.

La loi « Connais ton client » a également été modifiée en février 2011, pour assurer la disponibilité des informations relatives à l'identité des propriétaires et des bénéficiaires des sociétés offshore.

Panama a également signé une convention d'échanges d'informations avec douze partenaires : les États-Unis, l'Espagne, le Mexique, la Corée du Sud, le Portugal, les Pays-Bas, Singapour, la Barbade, le Luxembourg, le Qatar, l'Italie et la France. C'est d'ailleurs ce dernier critère qui a permis à Panama de sortir de la liste grise en juillet dernier.

Quelques obstacles à l'échange d'informations demeurent, il est vrai. Des modifications sont encore nécessaires concernant les obligations comptables des sociétés offshore et les actions au porteur. Mais un groupe de travail est en place et devrait aboutir très rapidement à des conclusions.

Il convient de souligner enfin que Panama dispose de capacités pour mettre en oeuvre l'échange de renseignements : il existe en effet une superintendance bancaire efficace aux pouvoir de régulation et de recommandation, et l'administration fiscale a mis en place en son sein une nouvelle cellule spéciale chargée de l'application des accords fiscaux bilatéraux.

Le Panama affiche des progrès concrets avec d'autres pays : un programme de formation de l'administration fiscale a été engagé avec l'Espagne. C'est important. Les premières réponses à des demandes de coopération et de transmission de données bancaires ont été apportées à plusieurs reprises avec notamment le Mexique, l'Espagne, la Barbade et les États-Unis.

Concernant la convention avec notre pays, dont vous avez souligné, monsieur le ministre, l'enjeu politique, nous avions dès 2009, dans la logique de notre combat contre les paradis fiscaux, proposé aux autorités panaméennes de conclure un accord d'échange de renseignements fiscaux : les Panaméens ont préféré négocier une convention fiscale complète, permettant ainsi d'éliminer les sources de double imposition.

La rédaction de cette convention n'a nécessité qu'un seul tour de négociation, en mai 2010 – c'est assez rare pour être souligné –, le temps que les autorités panaméennes adoptent les mesures jugées indispensables. C'est seulement ensuite qu'elle a été signée, le 30 juin 2011. Par note verbale, en date du 21 octobre 2011, les autorités panaméennes ont notifié à la France la ratification de la convention, qui n'attend donc plus que la ratification française pour entrer en vigueur.

Cette ratification est nécessaire avant le 1er janvier 2012 pour que, dans notre droit interne, Panama puisse être retiré de la liste française. L'article 238 A du code général des impôts prévoit, en effet, une liste d'États et territoires non coopératifs, mise à jour au 1er janvier de chaque année, qui déclenche l'application de sanctions fiscales, comme la majoration des retenues à la source et la non application des dispositifs favorables. Jusqu'à présent, Panama figure sur cette liste et, donc, les flux en lien avec ce pays sont donc fortement pénalisés depuis cette année.

La convention, quant à elle, ne présente aucune difficulté ; elle est largement inspirée du modèle de l'OCDE et a été négociée sur la base des propositions françaises et validée, comme je l'ai dit, à l'issue d'un seul tour de négociation. Son contenu reflète donc tout à fait les intérêts de la France.

Le Panama ne bénéficiera quasiment pas des dérogations au modèle de convention de l'OCDE généralement accordées par la France aux États non membres de l'organisation. Seule concession, mais elle est classique, les redevances seront soumises à une retenue à la source – mais de 5% seulement – et une durée de douze mois – et non de six mois – sera requise pour pouvoir considérer qu'il existe un établissement stable dans le domaine de la construction.

Concernant les services, il n'a été inséré ni concept d'établissement stable, ni article spécifique permettant l'application systématique de retenues à la source.

Toutes les demandes françaises de traiter certains cas particuliers de notre législation, et surtout d'insérer de nombreuses clauses anti-abus ou tendant à protéger notre droit d'imposer ont toutes été satisfaites.

En particulier, le bénéfice de la convention n'est pas applicable lorsque la conduite des opérations a pour objectif principal, ou parmi ses objectifs principaux, l'obtention des avantages. Il est également limité si le bénéficiaire n'est pas le bénéficiaire effectif, et conditionné à la présentation d'une attestation de résidence.

Enfin, aucun article ne s'oppose à l'application des dispositifs français de lutte contre l'évasion fiscale.

La procédure d'échange de renseignements est calquée sur celle de l'article 26 du modèle de convention de l'OCDE. Le point 3 de l'article 24 de la convention comporte, en outre, un alinéa stipulant que « chaque État contractant doit prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ces renseignements et à les transmettre à son homologue ».

Le point 6 du Protocole apporte de nombreuses précisions, toutes conformes aux clauses d'interprétation de l'OCDE.

Pour conclure, mes chers collègues, la ratification de la convention permettra à nos entreprises de ne pas subir une fiscalité excessive, du fait de la sortie de la liste noire de Panama au 1er janvier 2012 et de l'application des clauses d'élimination des doubles impositions. La bonne volonté de Panama est, je crois, démontrée. Le processus de réformes semble bien engagé et une coopération efficace paraît tout à fait envisageable.

D'ailleurs, si un simple accord d'échange de renseignements avait été négocié, il aurait probablement été conclu très rapidement et Panama n'aurait même pas figuré sur notre liste de 2011. En tout état de cause, il ne serait pas justifié de faire preuve de plus de réticences à l'égard de cet État qu'à l'égard d'autres pour lesquels le Forum d'évaluation de l'OCDE appelle également à poursuivre l'aménagement de leur législation – et avec lesquels nous avons conclu des accords.

Naturellement, la réalité des efforts de conformité effective aux engagements devra continuer d'être attentivement examinée. Tout pays ne respectant pas ses engagements devra être inscrit sur notre liste noire et se voir appliquer les sanctions correspondantes. Notre commission des affaires étrangères a adopté le projet de loi en insistant sur ce nécessaire suivi et en suggérant le développement de programmes de formation des administrations fiscales.

Je vous propose, mes chers collègues, d'en faire autant, en vous remerciant de votre attention. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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