COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 3 février 2010
La séance est ouverte à seize heures vingt-cinq.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend M. Dominique Renault, président de l'Union des télévisions locales de service public, et Mme Élisabeth Clément, déléguée générale, M. Gérard Baumel, président de l'Union des télévisions locales de service public, M. Gilles Crémillieux, président du syndicat « Les locales TV » et M. Jean-Luc Nelle, président de la SAS Télévisions locales associées, sur l'avenir des télévisions locales.
La Commission des affaires culturelles a souhaité organiser ce débat sur la situation et les perspectives des télévisions locales, lesquelles sont directement concernées par la mise en oeuvre des lois que nous avons votées sur le passage à la diffusion numérique – dossier sur lequel a beaucoup travaillé Jean-Jacques Gaultier. Les enjeux du développement de l'offre télévisuelle nous sont également chers en tant qu'élus locaux. Nous nous intéresserons d'abord aux télévisions locales stricto sensu. Puis nous aurons l'occasion de travailler sur les questions concernant France 3 en région dans le cadre d'une autre rencontre.
Nous regardons la situation actuelle avec une certaine inquiétude, compte tenu du dépôt de bilan de chaînes de télévision, du désengagement de certains investisseurs, des difficultés d'asseoir un modèle économique et des incertitudes touchant la TNT. Ce sont aussi les préoccupations de notre rapporteur pour les crédits de l'audiovisuel, Christian Kert.
Plusieurs tables rondes sont prévues sur le sujet : la première, celle-ci, est destinée à dresser un état des lieux et à souligner les enjeux des différentes catégories de télévisions locales ; la deuxième portera sur les difficultés rencontrées pour construire un modèle économique et créer un marché publicitaire ; la troisième permettra de confronter les points de vue d'experts et d'organismes, tel le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
Pour cette première table ronde, j'ai le plaisir d'accueillir M. Dominique Renault, président de l'Union des télévisions locales de service public (TLSP), accompagné de Mme Élisabeth Clément, déléguée générale, M. Gérard Baumel, président de l'Union des télévisions locales de pays, M. Gilles Crémillieux, président du syndicat Les locales TV et M. Jean-Luc Nelle, président de la SAS Télévisions locales associées.
Notre organisation regroupe une soixantaine de télévisions locales, de taille, de format et de statuts très différents. Certaines sont distribuées par câble ou par ADSL, d'autres sont diffusées par la TNT. Elles ont en commun de partager des valeurs et de poursuivre des objectifs de service public, c'est-à-dire de soutenir la création audiovisuelle, de promouvoir la création et le développement de télévisions d'accompagnement des territoires, de former un collège d'employeurs et de développer des actions renforçant les télévisions locales dans les domaines de la production de programmes et de la recherche de ressources, notamment publicitaires.
Le secteur de la télévision locale constitue un phénomène récent, qui date d'une vingtaine d'années et qui se structure en s'appuyant sur des organisations syndicales fédérant la quasi-totalité des acteurs : « Les locales TV » et TLSP. Nos deux structures ont mis en place des outils communs : le groupement d'intérêt économique (GIE) TLA-publicité, qui s'occupe surtout de publicité ; la SAS Télévisions locales associées qui s'occupe, elle, de la diffusion par la TNT, laquelle doit permettre à notre pays de combler son retard en matière de télévision locale, la TNT étant un élément déterminant de la structuration de notre secteur.
La particularité des télévisions regroupées dans TLSP réside dans leur lien fort avec les collectivités locales, qui jouent un rôle moteur dans notre histoire car nous avons pu exister et nous développer grâce à l'initiative et au soutien d'élus locaux qui ont cru à la pertinence de l'outil qu'est la télévision locale comme acteur du développement local, comme facilitateur du lien social et comme composante du pluralisme des modes d'information. Les audiences leur donnent raison. Je voudrais à cet égard citer Philippe Séguin, président fondateur d'Image Plus, télévision locale diffusant ses programmes sur le territoire de l'agglomération d'Épinal : « Je crois plus que jamais à l'avenir des télévisions locales, à deux conditions : qu'elles reposent sur le tissu local et qu'elles en émanent, qu'elles en soient le reflet. » Nos relations avec les collectivités locales sont garantes de nos missions de service public et d'une partie de nos ressources.
Notre action a notamment permis, dans le cadre de la loi de juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelles, la mise en place d'un contrat d'objectifs et de moyens qui clarifie les relations entre les collectivités locales et les éditeurs de chaînes, contrat assujetti à une TVA à 5,5 %. Parmi les autres mesures législatives, on peut citer : la suppression de la taxe sur la publicité en dessous d'un seuil de recettes ; l'élargissement des possibilités de montages juridiques pour les télévisions locales hertziennes ; l'obligation de transport et de diffusion à titre gratuit sur le câble ou par ADSL pour les télévisions locales résultant d'initiatives publiques, disposition qui rencontre de fortes réticences de la part des opérateurs et qui conduit des chaînes à renoncer à revendiquer cette gratuité – l'objectif étant les services aux téléspectateurs et la diversification du support de diffusion.
En février 2010, la France métropolitaine compte 33 télévisions locales diffusant en numérique, hors Île-de-France. Si on ajoute les 6 chaînes préselectionnées par le CSA et les 8 en cours d'appel à candidature, le potentiel est de 47 chaînes. Il est primordial pour nous de ne pas manquer le rendez-vous de la TNT, dans un contexte économique aujourd'hui difficile.
Une étude économique, effectuée par Didier Bailleux Consultant et TLSP en janvier 2009 sur les chaînes locales de la TNT, hors Île-de-France – étude qui sera actualisée en février 2010 –, montre un paysage contrasté. L'effectif moyen dans nos entreprises est de 16 salariés – de 6 à 49 – dont 40 % de journalistes. Le budget moyen annuel est de 1,7 million d'euros – de 0,4 à 4,7 millions –, soit moins de 4 euros par habitant. La publicité représente en moyenne 40 % des ressources, dont moins de 5 % pour la publicité nationale, le revenu publicitaire par an et par habitant étant de 1,46 euro.
La situation actuelle provoque l'émergence progressive d'un nouveau modèle économique avec des budgets moins élevés et des financements publics accrus. D'où la place de plus en plus grande des collectivités locales dans l'ensemble des projets qui s'inscrivent dans le cadre d'un modèle de financement mixte, la télévision locale ayant besoin, comme la presse quotidienne, de deux sources de revenus pour être économiquement viable. L'actualisation de l'étude que j'ai citée devrait faire apparaître une baisse des budgets moyens des chaînes de la TNT, baisse qui est rendue possible par la diminution du nombre des personnels. Et si les chaînes locales peuvent jouer sur un certain nombre de postes budgétaires pour réduire leurs coûts, il en est un sur lequel elles n'ont aucune maîtrise, c'est celui de la diffusion.
Nous saluons le volontarisme du législateur, lequel, en octroyant aux télévisions locales une fréquence sur le multiplex GR1, a favorisé leur émergence. La qualité et la couverture associées à ce choix technique sont indéniables. Toutefois, il y a un bémol : les zones de couverture sont imposées et les coûts de diffusion tendent à s'envoler, en particulier celui des fréquences non utilisées. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la réflexion que vous avez engagée sur la création d'un fonds destiné à prendre en charge une partie de nos coûts de diffusion.
Notre organisation est une structure de réflexion et d'expérimentation au service des chaînes de télévision en territoire rural, peu peuplé et de montagne. Je représente aussi l'Association des maires de France (AMF), puisque je suis Président de sa mission « télévisions locales », et l'Association nationale des élus de montagne (ANEM) dont je suis membre.
Nous sommes contraints, dans le cadre de la diffusion de la TNT, de payer des coûts exorbitants et qui augmentent d'une année sur l'autre sans visibilité de notre part. Les tarifs qui nous sont imposés correspondent pour partie à des services qui ne sont pas effectués ou qui ne nous concernent pas, comme le transport des signaux vers les satellites ou les coûts de structure de la tête de réseau national, tandis qu'en système analogique, étant nos propres diffuseurs, nous maîtrisions nos fréquences et nos coûts. De ce fait, des chaînes locales déposent leur bilan ou sont contraintes de refuser des extensions de leur couverture.
Pour couvrir un département comme celui des Alpes de Haute-Provence, qui compte 165 000 habitants sur un vaste territoire, il faudrait 45 émetteurs dont le coût varie entre 6 000 à 7 000 euros.
L'ANEM souhaitait que les télévisions locales ne payent que les sites utilisés, mais cela n'a pas été possible. C'est pourquoi nous avons saisi le CSA pour que soient étudiées des solutions alternatives à l'utilisation du multiplex GR1 afin de sécuriser dans la durée la diffusion des chaînes locales, lesquelles participent au pluralisme du paysage audiovisuel.
On peut envisager deux solutions extrêmes, et une troisième consistant en un compromis entre ces deux solutions.
La première solution consiste à faire financer la diffusion par l'État, demande qu'a formulée l'AMF à plusieurs reprises. Le coût d'une telle solution serait faible si on le compare aux dotations budgétaires attribuées à France Télévisions – 2 550 millions d'euros pour 2010 — et à ARTE – 240 millions d'euros. Moins de 0,2 % seulement du montant de la dotation de France Télévisions suffirait à financer le coût de la diffusion de toutes les chaînes locales françaises existantes.
La deuxième solution serait de faire débloquer par le CSA la fréquence nécessaire pour exploiter un multiplex local, dont le coût serait partagé par plusieurs chaînes locales dans un même secteur. Par exemple, dans ma région, la chaîne locale de Marseille occupant la place sur le multiplex GR1 et couvrant une vaste zone, il n'est pas possible pour le pays d'Aix d'avoir une télévision locale ; quant à nous, qui sommes au-dessus du pays d'Aix, il faut que l'on extraie des émetteurs la chaîne de Marseille pour la remplacer par la nôtre. Le CSA pourrait débloquer une fréquence nous permettant d'avoir un multiplex local partagé par plusieurs chaînes locales, et de la sorte, nous aurions la possibilité de faire jouer la concurrence entre opérateurs, ce qui permettrait d'abaisser les coûts – ce qui n'est pas possible avec le GR1, qui est le monopole de l'opérateur historique, TDF. J'ajoute que, à Paris ou en Vendée, à titre exceptionnel, une fréquence a été accordée pour plusieurs chaînes locales d'un même secteur. Alors qu'on entend souvent le CSA dire qu'il n'y a pas de fréquences disponibles, pourquoi ne pas interroger toutes les chaînes locales de France pour savoir s'il existe des possibilités similaires dans leur zone ?
Lorsque cessera la diffusion analogique, 47 canaux deviendront disponibles par région pour les fréquences TNT. Sachant que TDF préconise un intervalle d'un canal entre deux multiplex, il restera tout de même 24 canaux.
Par ailleurs, on pourrait utiliser les canaux adjacents dans des cas particuliers, notamment dans les zones de montagne, où les émetteurs sont de faible puissance. J'ajoute que dans les Alpes de Haute-Provence, la plupart des émetteurs appartiennent ou ont été financés par des collectivités – dans les Hautes-Alpes, 70 % des émetteurs appartiennent au conseil général. Les collectivités locales sont prêtes à passer des accords avec les chaînes locales pour qu'elles puissent s'installer sur leurs pylônes, à elles ensuite de contacter les opérateurs de leur choix. Il faut savoir que les émetteurs de faible puissance permettent des diffusions à des coûts très faibles. Il s'agit de dépenses d'investissement, beaucoup plus faciles à financer pour les collectivités. Quand nous avons créé notre chaîne locale, nous avons ainsi obtenu des financements européens car il s'agissait d'un projet d'investissement innovant. En revanche, payer des redevances à TDF constitue une dépense de fonctionnement.
La troisième solution – celle qu'il faudrait retenir – serait de réaliser un compromis entre les deux solutions précédentes car il ne faut pas oublier qu'il s'agit, en fin de compte, de l'argent du contribuable.
Notre syndicat regroupe une vingtaine de télévisions locales, dont la quasi-totalité de celles qui desservent les métropoles et les grandes villes. Mon analyse sera donc parfois divergente mais toujours complémentaire de celle de M. Gérard Baumel. Je préside aussi le GIE TLA-Publicité, chargé de gérer les recettes publicitaires nationales des télévisions locales, et j'anime au sein de la presse régionale le groupement Télévision Presse Régions, qui regroupe des quotidiens régionaux impliqués dans la télévision locale.
Nous sommes heureux d'être reçus par vous aujourd'hui, car, en dépit de neuf réunions l'an dernier avec la direction du développement des médias (DDM) et de la nécessité de prendre des mesures urgentes, nous avons le sentiment de ne pas avoir été entendus.
L'histoire de la télévision locale en France est une succession de rendez-vous manqués. Elle est née en 1987, portée par la Générale des Eaux à Lyon et à Toulouse. À l'époque, les réticences étaient nombreuses, notamment celles de FR3 et de la presse quotidienne régionale (PQR). Dix ans plus tard, seules quelques télévisions locales avaient vu le jour – on se souvient de TV Périgord ou de la première époque de TV8 Mont-Blanc –, certaines rencontrant de grandes difficultés. En 1997, une étude IPSOS convainc la PQR de renoncer à la proposition de M6 de l'associer à des décrochages locaux et de tenter la voie de la télévision « de plein exercice ». En 1999, se crée, à l'initiative de Jean-Pierre Caillard, le GIE Télévision Presse Régions, regroupant 19 titres de la PQR favorables à une action dans la télévision locale.
Après avoir suspendu tous les appels à candidature, ce qui lui a valu les reproches du Conseil d'État, le CSA en a finalement lancés quelques-uns en 1998. Quatre télévisions seulement – à Lyon, Toulouse, Clermont-Ferrand et Marseille – ont été proposées aux annonceurs nationaux. Comment, dans ces conditions, le groupe Lagardère, qui a sans doute déployé beaucoup d'énergie, aurait-il pu rencontrer un quelconque succès ? Quand on propose une offre nationale, il faut non seulement une image nationale, mais aussi une couverture nationale. Les appels à candidature ont de nouveau été suspendus pendant 3 ans, pour mettre en place la TNT. En 2005, celle-ci a été lancée… mais les télévisions locales ont été oubliées. Un an plus tard, on a enfin trouvé un montage, que Jean-Luc Nelle décrira tout à l'heure. Il n'en demeure pas moins que les télévisions locales sont arrivées sur le numérique terrestre en retard, au compte-gouttes, en ordre dispersé, malgré les efforts du CSA pour instruire les dossiers le plus rapidement possible, et alors que le marché publicitaire avait commencé à se développer.
Toutes ces ruptures historiques ont fait qu'à la différence des radios locales qui ont connu une explosion dans les années 1980, les télévisions locales n'ont jamais eu un effet de masse.
Aujourd'hui, les télévisions locales se heurtent avant tout à des difficultés économiques. Certaines ont commencé avec un modèle trop ambitieux, trop proche de celui du service public, comme la télévision locale de Marseille qui comptait 50 salariés. Celle de Clermont-Ferrand, qui a débuté avec une trentaine de personnes, compte aujourd'hui 12 salariés dont 6 journalistes, 5 techniciens et un permanent ; avec 1,2 million d'euros par an, elle remplit son cahier des charges.
S'agissant des recettes, nous sommes favorables à leur mixité. En tant qu'éditeurs privés, nous devons d'abord mobiliser des ressources publicitaires locales, de l'ordre de 400 000 à 600 000 euros par an dans les villes moyennes – et jusqu'à 2 millions dans une grande ville comme Lyon – et des recettes de publicité nationale, gérées par un GIE et exigeant des programmes repérables par les annonceurs, tels que les informations, la météo ou les informations sportives. Nous avons d'abord eu une expérience avec TLR, régie qui a fonctionné jusqu'en 2006-2007 et qui, au bout de trois ans, générait 1,8 million d'euros de recettes ; puis des divergences nous ont obligés à mettre en place un autre système. Nous avons créé le GIE et nous sommes adressés à TF1 Publicité, qui, en juin dernier, a fait jouer sa clause de sortie. Des discussions ont ensuite été engagées avec la régie publicitaire de France Télévisions, mais celle-ci a renoncé ce matin même. Nous nous retrouvons donc seuls et cherchons à mettre en place une nouvelle organisation.
Pour une télévision locale comme celle de Clermont-Ferrand, dont le budget est de 1,2 million d'euros, les recettes de publicité nationale s'élèvent entre 50 000 et 60 000 euros, ce qui est peu.
Les collectivités locales ont donc un rôle d'accompagnement à jouer pour favoriser l'émergence de ce média que constituent les télévisions locales car elles sont les premières intéressées à son développement : nos télévisions ne sont pas des télévisions de service public mais des télévisions au service du public, au travers de la couverture de l'actualité locale, des chroniques citoyennes, du reflet de la vie associative…
C'est à ce titre que nous pouvons revendiquer un soutien plus actif de la part des pouvoirs publics, dont nous attendons le règlement du problème, devenu insoutenable, de la diffusion et de son coût ; de nouveaux accompagnements financiers, tels que l'éligibilité des télévisions locales au fonds de modernisation des entreprises de presse ou l'octroi de prêts à taux zéro pour des investissements techniques.
De notre côté, nous devons accroître nos audiences, grâce à trois niveaux de contenu : d'abord, la proximité ; ensuite, une prise en compte de l'élément régional, des télévisions locales voisines pouvant travailler ensemble sur certaines émissions – Bordeaux et Bayonne, Orléans et Tours, Montpellier, Nîmes et Perpignan – et ainsi générer des économies d'échelle ; enfin, le développement des achats collectifs de programmes nationaux pour certaines heures de la journée – notre audience est déjà significative entre 18 et 20 heures puisqu'elle atteint 1,5 % de parts de marché, contre 0,4 à 0,7 en moyenne sur la journée.
Avant de vous expliquer essentiellement le problème de la diffusion, je souhaite me présenter : je suis dirigeant de TV Rennes 35 et président de Ty télé, la télévision du Morbihan.
Le modèle breton s'affirme d'autant plus que nous sommes en train de mettre en place une collaboration entre les trois télévisions bretonnes – TV Rennes 35, Ty télé, et Télévision Bretagne Ouest (TBO) –, avec le soutien de la région. Ces télévisions historiques possèdent la particularité d'être à l'équilibre et donc de disposer d'une certaine sérénité.
TV Rennes 35 a un budget de 3 millions d'euros et emploie 30 personnes. Ty télé a un budget de 1,2 million d'euros et TBO un budget de 1,5 million d'euros.
Télévisions locales associées (TLA) est une société anonyme constituée par l'ensemble des télévisions locales, créée à la demande du CSA afin d'offrir un interlocuteur unique au multiplex GR1.
On ne peut pas dire qu'il y ait eu des disparitions de télévisions locales ; il y a seulement eu des dépôts de bilan suivis de restructurations, de reprises, d'arrivées de nouveaux acteurs.
Certes, mais c'était avant la crise des années 2000 et la recomposition du paysage des télévisions locales. Dans le contexte actuel, il n'y a pas eu de disparitions.
Le secteur de la télévision locale est très jeune. S'il parvient à trouver des ressources mixtes, il parviendra à dégager les budgets nécessaires, qui sont modestes. Le modèle économique est difficile à construire, il s'est longtemps cherché, mais il existe. La Bretagne en a apporté la preuve.
Le problème majeur est celui de la diffusion. La TNT était une chance pour les télévisions locales, à la fois pour une bonne couverture du territoire et pour la qualité de l'image et du son. Elle mettait les chaînes locales à égalité avec les autres chaînes et devait diviser par cinq les coûts de diffusion. Or, si le coût de la diffusion a diminué pour les chaînes nationales, il a, au contraire, doublé pour les chaînes locales. Il faut réparer cette injustice. On ne ressent plus aujourd'hui la TNT comme un avantage. Ses coûts très élevés pèsent aussi sur le contribuable puisqu'une part de l'argent public, que nous sollicitons à travers les contrats d'objectifs et de moyens, finance des prestations inexistantes voire des abus de position dominante – il faut souligner le prix exorbitant du transport des signaux, supérieur par exemple pour TBO à celui de la diffusion de ses programmes.
Nous avons fait tout ce que l'on nous a demandé pour accéder à la diffusion numérique. À notre tour, nous formulons une demande, celle de l'égalité devant la TNT.
En effet, nous payons aujourd'hui autant pour ce que nous utilisons, à hauteur de 1,5 million d'euros, que pour ce que nous n'utilisons pas et qui nous est cependant facturé. Nous en avions été informés au départ mais le développement des chaînes locales devait faire baisser la deuxième part ; or cette expansion a été plus lente que prévu et nous sommes loin du nombre de chaînes envisagées – une trentaine au lieu d'une soixantaine. En outre, le coût des prestations non utilisées augmente de 1 million d'euros par an. Aussi, en 2009, les télévisions locales ont décidé de cesser de payer la part correspondant aux prestations non fournies, ce qui nous met dans une situation juridique délicate car le GR1 peut nous reprocher de ne pas respecter notre contrat.
J'interviens aussi au nom de Christian Kert qui a dû s'absenter.
Je vous remercie, madame la présidente, d'avoir organisé cette table ronde si vite et si bien. Les élus locaux que nous sommes savent que la télévision locale est un facteur de développement des territoires – surtout lorsque France 3 ne fait pas son travail – et qu'elle participe au pluralisme du paysage audiovisuel. Dans notre département nous avons la chance de compter sur Gérard Baumel, qui est l'interlocuteur des maires au titre de l'AMF.
En mars 2009, le CSA a fait une série d'annonces, tant pour soutenir le développement de la télévision de proximité, que pour favoriser le renforcement des synergies entre les chaînes, la mise en place de programmes à l'échelle nationale et régionale, la reprise de programmes sur le câble et l'ADSL, ou l'établissement de liens avec les grands clubs sportifs : où en est-on ?
Pour rendre viables les télévisions locales, sans dénaturer le service, ne conviendrait-il pas d'assouplir les obligations conventionnelles auxquelles elles sont soumises ? Serait-il possible de les dispenser de l'obligation de diffuser des émissions locales en première diffusion ?
Où en est-on de la démarche permettant de faciliter l'accès des télévisions locales à tous les réseaux électroniques de diffusion des images ?
J'en viens aux questions de M. Christian Kert.
Pourquoi les télévisions locales fonctionnent-elles mieux dans nombre de pays européens qu'en France ?
Peut-on dire que, sans le soutien des collectivités locales, il semble ne pas y avoir de salut pour les télévisions locales ?
Que doit-on exiger du CSA pour qu'il facilite le développement des télévisions locales au-delà de ce qu'il a fait jusqu'à présent ?
Nous avons les mêmes débats qu'en 1981 sur les radios locales. Il serait inacceptable qu'après avoir aidé les télévisions locales, elles disparaissent, sachant qu'il n'existe plus aujourd'hui que 8 ou 9 % de radios authentiquement locales.
Il faut d'abord s'interroger sur ce qu'est une télévision locale – je signale que j'ai remis un rapport sur le sujet. Une télévision locale doit-elle chercher à ressembler à TF1 ? Certes non, car c'est ainsi qu'est morte La Cinq, laquelle croyait devoir tout faire. Avec des budgets variant entre 1 et 4 millions d'euros, les télévisions locales ne doivent-elles pas proposer autre chose que ce que proposent les chaînes nationales ? Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi l'État aiderait des télévisions locales qui ne feraient que reproduire ce qui existe déjà à l'échelon national et qui souvent n'est pas très bon.
Ne pourrait-on pas inscrire dans le statut d'une télévision locale qu'elle doit consacrer au moins 50 % de son temps d'antenne à des programmes locaux ? N'est ce pas parfaitement normal ? Certains trouvent une telle obligation trop contraignante et voudraient introduire, à certaines heures, des programmes plus généralistes et plus commerciaux. Cela est peut-être souhaitable pour améliorer l'audience mais à la condition d'être négocié et contrôlé.
Une régie publicitaire commune est en effet indispensable : la PQR a la sienne. Pourquoi la même formule ne fonctionnerait-elle pas avec les télévisions locales ? Au reste, c'est préférable au recours à la régie d'une télévision nationale, surtout celle de France Télévisions, dont l'activité de régie de la télévision publique tend à diminuer. Ce serait le comble du ridicule.
Vous considérez que les collectivités locales et l'État doivent vous aider. Quand on examine la courbe de ce qui est donné aux radios associatives, on voit qu'elle fléchit. Il sera difficile de partager la même somme entre les radios associatives et les télévisions associatives.
Certains disent : « Sans le soutien des collectivités locales, point de salut ». N'oublions pas que celles-ci ont des moyens limités et qu'on court toujours, à terme, le risque de faire des « télévisions M. le maire ». Il faut toujours se méfier de tout ce qui peut nuire à l'indépendance éditoriale. De plus, avec la réforme des collectivités locales qui s'annonce et les pertes de compétences qui en découleront, on peut se demander quelles seront les marges de manoeuvre des collectivités.
Je suis d'accord sur un point : vous devez avoir un plus grand accès à la publicité, notamment aux offres promotionnelles des grandes surfaces. Pourquoi ne pas organiser des couplages ?
Les télévisions locales existent dans les autres pays. En France, elles doivent se développer aussi, et, pour cela, démontrer leur rentabilité, avec des budgets raisonnables et des ressources publicitaires dynamiques. En tout cas, elles doivent veiller à ne pas plonger dans le misérabilisme de la presse locale.
Les télévisions locales sont à un tournant de leur existence, avec la TNT et le dividende numérique résultant de l'arrêt de la diffusion analogique. De nouvelles fréquences vont être disponibles. Je signale que l'Alsace a « basculé » hier dans le « tout numérique ».
Le principal point noir est le problème financier. Des chaînes sont au bord du dépôt de bilan, d'autres cherchent à se recapitaliser, cette situation étant due en grande partie à l'explosion des coûts de diffusion et à des ressources publicitaires limitées.
Quelles sont les modalités de répartition des factures de diffusion entre les chaînes au sein de TLA ?
Quels sont les résultats d'audience les plus récents fournis par Médiamétrie ?
Existe-t-il des retards dans la mise en service des émetteurs ?
Où en est-on du recours à des modes de diffusion alternatifs, tels que l'ADSL et le satellite ?
Les deux principales questions que posent les télévisions locales sont leur utilité sociale et leur modèle économique.
Une télévision locale est d'abord locale. Si elle s'écarte de cette vocation, elle court à l'échec.
Développer la création et les programmes est bien sûr souhaitable, mais avec quel argent ?
Comment voyez-vous l'avenir de vos télévisions, et dans le cadre de quel modèle économique ? Avec quelle part pour la publicité et quelle part pour les contributions publiques ?
Comment mieux organiser les rapports avec les collectivités locales ?
Quel avenir y a-t-il pour la syndication dans le domaine de la publicité, comme dans celui des programmes ?
On voit tous la place que prend l'image dans l'économie de la connaissance et l'intérêt stratégique qu'il y a pour une région de disposer d'acteurs majeurs sur l'ensemble de la filière – création, production, diffusion.
Vous avez beaucoup parlé des problèmes financiers, mais j'aurais aimé vous entendre évoquer la réorganisation des télévisions locales. Faut-il envisager des fusions ou le partage de fréquences ? Quelles sont les réflexions en cours ?
Jusqu'à présent, les télévisions locales n'ont jamais été viables en France. De plus, elles subissent aujourd'hui la charge nouvelle que représente la double diffusion, en analogique et en numérique, ce qui peut porter le coup de grâce à certaines d'entre elles. On ne voit pas comment peuvent se créer de nouvelles chaînes sans le soutien des collectivités locales, soutien pouvant aller jusqu'à 80 % des coûts et alimentant un budget qui ne permet que la diffusion de programmes symboliques. D'où l'intérêt de notre débat qui devrait permettre d'éviter la quasi-disparition des télévisions locales.
Quelles sont les mesures immédiates à prendre ?
Selon moi, il convient de supprimer la double charge de diffusion, d'autant que, compte tenu de l'étalement dans le temps, certaines télévisions locales seront dispensées de cette charge avant d'autres. À défaut, il faut limiter le coût de diffusion à un pourcentage des recettes ou des charges totales d'une télévision, puisque, pour ce qui est de la double charge, les télévisions nationales bénéficient d'une réduction progressive dont ne bénéficient pas les télévisions locales.
On pourrait également faire payer la diffusion numérique à un prix identique, alors qu'actuellement les chaînes locales paient un prix plus élevé, prix auquel s'ajoute notamment la prise en charge des zones non couvertes – ce qui scandaleux.
Enfin, il faudrait imposer qu'un quota de publicité gouvernementale et de publicité des collectivités locales soit réservé aux médias locaux.
S'agissant des mesures structurantes, j'attends vos propositions.
L'apparition d'une télévision locale privée à Marseille a apporté un peu d'air frais : France 3 n'était plus seule – la 6 ayant abandonné son décrochage régional. Quand la chaîne de Marseille a connu de graves difficultés financières tout le monde a frémi, toutes tendances politiques confondues… mais un repreneur s'est manifesté. Le public local semble satisfait de l'offre de LCM, chaîne qui touche maintenant tous les foyers et qui tourne avec un budget de 2 millions d'euros. Ce qui m'étonne, c'est que les chaînes locales n'arrivent pas à récupérer de la publicité, alors qu'elles ont un accès direct à l'ensemble des foyers.
Pouvez-vous me confirmer que le groupe Bolloré a repris la télévision locale de Nice. Est-ce annonciateur de grandes manoeuvres ?
TLT, la télévision locale de Toulouse, a perdu l'essentiel de ses ressources publicitaires, et, compte tenu de la réforme des collectivités locales qui s'annonce, ni le conseil général ni le conseil régional ne souhaitent investir dans une télévision locale. Pour l'heure, TLT a décidé, comme d'autres chaînes, de ne plus payer que les prestations de diffusion qu'elle utilise. Comment peut-on faire pour que cette chaîne ne cesse pas son activité ?
En Aveyron, avec 160 000 habitants, il n'y a pas de télévision locale possible. On ne peut donc compter que sur France 3, qui devrait mieux assurer son rôle de proximité, grâce peut-être à des décrochages locaux et une association des collectivités locales à la confection des programmes.
Je ne crois pas au risque de perte d'identité de la télévision locale. En effet, nous y tenons beaucoup et, de plus, nous voulons aussi prendre en compte la dimension régionale. On ne trahit pas son âme avec quelques programmes produits en syndication ou, pour la plupart, achetés à l'extérieur et diffusés à des heures particulières. Prenons l'exemple de Direct 8 et de ce que fait cette chaîne pour la promotion du cinéma français : il est possible de donner une place à des types de programmes non locaux et négligés par les grandes chaînes nationales, comme par exemple les courts métrages et autres émissions innovantes.
La montée en charge de la télévision locale est lente. Nous devons consentir des efforts sur les programmes afin d'atteindre la taille critique des 2 points d'audience.
Notre différence avec France 3 tient à ce que nous avons plus de temps d'antenne pour les émissions locales, ce qui nous permet de mieux couvrir les événements locaux, d'organiser des plateaux où nous invitons des acteurs locaux, de refléter la vie des associations locales.
S'agissant des mesures à prendre immédiatement, je mentionnerai, outre la fin de l'analogique, l'ouverture à la publicité pour les promotions de la grande distribution et le plafonnement des coûts de diffusion, quel que soit le nombre d'émetteurs dans la zone.
Le modèle économique des Alpes de Haute-Provence est transposable en Aveyron dès lors que des fréquences sont disponibles.
Il serait également important d'avoir la possibilité d'être son propre diffuseur et de libérer davantage de fréquences dans les zones difficiles.
Pour développer l'économie de la télévision locale, il faudra du temps : par exemple, la chaîne TV Rennes a été lancée il y a vingt-deux ans. Tout en restant local, le projet a progressé dans la durée.
La répartition que nous connaissons entre publicité locale et publicité nationale est la même que celle du quotidien Ouest France. Donc, le modèle existe.
Autre point commun avec la presse, et différent de la radio, pour qui la syndication est bien adaptée : nous réalisons la totalité de notre contenu.
Le coût de la diffusion analogique représentait entre 10 et 15 % de notre budget, celui de la diffusion numérique approche les 40 %. Certaines prestations imposées par l'opérateur et dont nous n'avons pas nécessairement besoin, telles que l'accueil sur site ou la transmission satellite, se voient imposer des tarifs énormes.
Toute la réglementation nécessaire existe, qu'il s'agisse de l'arrêt de l'analogique ou de l'obligation de reprendre nos programmes sur d'autres réseaux, mais elle n'est pas toujours appliquée.
Le problème du coût de la diffusion serait pourtant facile à résoudre puisqu'il ne représente, pour l'ensemble de nos chaînes, qu'un enjeu de 2 millions d'euros par an.
Il n'est pas concerné par nos négociations avec le GR1. Une des difficultés vient aussi de ce que TDF refuse la transparence des coûts. On nous a refusé d'être, comme le sont les chaînes nationales, actionnaires du GR1. Nous subissons de nombreuses surfacturations, même si elles donnent lieu l'année suivante à remboursement – elles sont de l'ordre de 700 000 euros. De fait, nous ne pouvons faire aucune prévision.
En dehors du GR1, d'autres solutions techniques de diffusion existent. Nous avons besoin du soutien des pouvoirs publics pour les mettre en oeuvre.
Pourquoi la télévision locale a-t-elle mal fonctionné en France ? Tout simplement parce que le modèle de départ a été erroné : on a cherché à faire des télévisions nationales en plus petit. De plus, la publicité, qui devait affluer, n'est pas venue. Mais avec le temps, le modèle s'affine.
Nous couvrons ensemble un bassin de 10 millions de personnes.
Cette évolution du modèle devrait contribuer à résoudre le problème économique.
L'arrivée du groupe Bolloré dans la télévision locale est une bonne chose : elle montre l'intérêt des grands opérateurs pour ce média.
Par ailleurs, on ne fera pas de chaîne nationale en agrégeant des chaînes locales.
En radio ! Ce n'est pas la même chose. En télévision, il faut à la fois des pages locales et des séquences nationales.
Nous n'avons aucune visibilité sur l'évolution des coûts de diffusion.
Les télévisions locales ont une utilité sociale : je mentionnerai notamment l'aide qu'elles apportent aux jeunes dans le cadre de leur formation à la réalisation audiovisuelle, par le biais d'un rendez-vous mensuel sur l'antenne depuis une quinzaine d'années. Le public des jeunes enfants est également visé.
La maîtrise des coûts de production est possible si on ne cherche pas à imiter les grandes chaînes nationales. Toutefois, un besoin de renouvellement régulier des programmes s'impose.
Par ailleurs, nous accompagnons la création audiovisuelle en province, laquelle est le fait de petites sociétés de production.
Enfin, TLSP bénéficie du soutien de différentes structures, comme REC VOD pour la couverture nationale de certains événements.
La dimension régionale est capitale, notamment pour des captations, comme celles des Transmusicales de Rennes ou des Folles Journées à Nantes, qui intéressent d'autres grilles de programmes, y compris de chaînes nationales.
Se pose la question, à certains moments de la journée, de la diffusion de cases nationales.
Nous ne souhaitons pas de réorganisation des chaînes locales car le modèle actuel est le bon : une chaîne, un canal, un programme. Mais il faut que se créent de nouvelles télévisions locales afin de compléter la couverture du territoire. Huit appels à candidature ont été lancés la semaine dernière.
Afin de préserver la spécificité de nos contenus, nous sommes opposés à la syndication des programmes comme au partage des canaux. Les expériences de partage de canal ont été négatives, particulièrement à Nantes avec la cohabitation de deux modèles trop différents, un de service au public et l'autre uniquement privé.
Si la télévision locale n'a pas réussi en France, c'est peut-être à cause de notre caractère jacobin. Les décrochages locaux ont échoué. Il est préférable d'adopter une structure remontante : du local au régional et du régional au national. Les pyramides se construisent toujours à partir de la base.
La Commission poursuit par l'audition de M. Philippe Santini, directeur général de France Télévisions Publicité, de Mme Martine Hollinger, directrice générale de TF1 Publicité, et de M. Philippe Bailly, président de NPA Conseils.
Nous allons maintenant traiter des difficultés rencontrées dans la définition d'un modèle économique et dans la recherche d'un marché publicitaire. Nous accueillons Mme Martine Hollinger, directrice générale de TF1 Publicité, M. Philippe Santini, directeur général de France Télévisions Publicité, et M. Philippe Bailly, président de NPA Conseils.
En 2007, nous avons pris en régie le GIE des télévisions locales – auparavant en régie chez Lagardère, puis chez Publiprint. Nous nourrissions alors beaucoup d'espoirs, d'autant que peu de solutions s'offraient à TF1 Publicité pour se développer – elle ne pouvait accueillir des chaînes internes au groupe, étant jugée en situation de position dominante. En outre, c'était pour nous une expérience intéressante car ces chaînes devaient passer sur la TNT, et nous croyions beaucoup à la complémentarité entre la puissance de TFI et la proximité propre aux télévisions locales.
Nous avons beaucoup investi sur ce marché. Nous avons créé deux équipes : une avec tous les commerciaux de TF1 Publicité, et une équipe chargée de réaliser des argumentaires et des démarchages pour la publicité extra-locale.
La première année, nous avons réalisé 2 millions de chiffre d'affaires net, ce qui constituait un progrès, mais était encore peu. Un effort de professionnalisation nous a paru s'imposer et nous avons donc conseillé au GIE d'acheter une étude d'audience – ce fut l'enquête 126 000 réalisée par Médiamétrie.
Nous avons connu deux difficultés : d'abord, les annonceurs qui nous avaient fait confiance, ainsi qu'aux télés locales, n'ont pas été totalement satisfaits des retours sur investissement ; ensuite, nous avons été confrontés à la crise publicitaire de 2009, les dépenses publicitaires ayant baissé de 3 milliards d'euros.
Du fait de la stagnation de leurs audiences, y compris en Île-de-France, nous ne parvenions plus à trouver d'annonceurs pour les télévisions locales. J'ai alors prévenu ces dernières qu'il valait mieux que TF1 Publicité ne persiste pas, afin d'éviter de perdre de l'argent, et qu'elles, de leur côté, explorent d'autres voies. Nous avons donc anticipé l'arrêt du contrat de régie – ce que j'ai trouvé dommage, car nous avions vraiment envie de réussir.
Voilà ce que nous avons vécu en un an et demi.
Notre problème était double : d'une part, les écrans de publicité n'étaient pas forcément diffusés à la même heure ; d'autre part, ces télévisions locales souffraient d'un manque de puissance, d'audience. Nous n'avons jamais réussi à prouver à un annonceur national qu'investir sur une chaîne lui apporterait des téléspectateurs, et donc des ventes, supplémentaires.
La solution se trouve peut-être dans la syndication, avec des décrochages locaux pour l'information – car je crois qu'un marché local peut malgré tout émerger.
Notre constat est très proche.
À l'inverse de TF1 Publicité, France Télévisions Publicité a l'habitude des marchés locaux, étant la seule à y commercialiser de l'espace publicitaire en télévision, pour une trentaine de millions d'euros.
Nous nous intéressons aux télévisions locales depuis longtemps, d'autant que nous avons des difficultés à nous « marier » avec la presse quotidienne régionale, qui nous voit comme une menace potentielle pour son développement commercial.
Les problèmes des télévisions locales se résument en quatre points.
Premièrement, l'absence d'une offre commerciale cohérente.
Deuxièmement, l'absence de visibilité. Pour être acheté, il faut être vu. J'ajoute que, la plupart des annonceurs nationaux ayant leur siège social en région parisienne, ils n'ont pas la connaissance intime des marchés locaux.
Troisièmement, la faiblesse des audiences. L'audience moyenne des 31 télévisions locales adhérentes au GIE TLA Publicité est de 0,8 point, pour une durée d'écoute journalière de deux minutes par individu. Les quatre télés locales parisiennes affichent seulement 0,4 point de pénétration, avec une durée d'écoute par individu d'une minute par jour – Paris étant pourtant susceptible d'être le marché local le plus intéressant. Cela fait cent fois moins d'audience que TF1.
Quatrièmement, une stratégie commerciale chaotique. Comme l'a dit Mme Hollinger, les télés locales ont d'abord été en régie chez Lagardère Publicité, puis à TF1 Publicité après un passage en régie intégrée. Pour notre part, nous leur avons demandé de s'organiser.
En effet, la solution raisonnable, mais refusée jusqu'à ce jour, est certainement la syndication, car elle est la plus adaptée à l'état d'un marché publicitaire audiovisuel de plus en plus concurrentiel, avec l'émergence de la TNT qui accroît le choix offert aux téléspectateurs.
En conclusion, je préconise une syndication et des programmes adaptés. En outre, la proximité pourrait être mieux relayée par des web-TV que par la TNT. Les coûts des télévisions locales à leur création, qu'il s'agisse de la production des programmes ou du fonctionnement, ont été très élevés et, dans le modèle économique choisi, les recettes publicitaires n'ont pas suffi à équilibrer les comptes.
NPA Conseils est un cabinet d'études et de conseil spécialisé dans l'audiovisuel. Nous travaillons sur le sujet des télévisions locales depuis huit ans, soit au travers de rapports et d'études, soit dans le cadre de missions auprès de chaînes publiques ou privées pour accompagner leur développement. En début d'année dernière, quand TF1 Publicité « rendait leur liberté » aux chaînes locales, nous avons rempli pour leur compte une mission exploratoire sur les conditions de mise en place d'une syndication publicitaire et d'une syndication de programmes. Les deux éléments sont en effet liés : l'espace publicitaire vendu à des annonceurs s'intègre à un contexte éditorial dont la qualité est très importante pour eux.
Parlant de publicité, nous ne parlons pas de subventions, mais d'affaires – Martine Hollinger a employé le terme de retour sur investissement – : les annonceurs apportent un budget à une chaîne et en attendent un impact sur leur image et leurs ventes. Cela emporte au moins deux conséquences s'agissant des annonceurs nationaux.
Premièrement, pour pouvoir leur vendre l'audience de la télévision locale, il faut un certain nombre de chaînes rassemblant un public suffisant. C'est toute la question de la puissance et du volume d'écoute. Les chiffres cités par Philippe Santini sont éloquents. Atteindre le fameux seuil de 10 millions de téléspectateurs potentiels cité dans la première table ronde est une condition nécessaire, à défaut d'être suffisante.
Deuxièmement, il faut une cohérence entre les différentes chaînes : les annonceurs doivent avoir la garantie qu'un spot sera diffusé par toutes à peu près aux mêmes horaires et accompagnant le même type de programmes – de préférence de l'information ou du sport.
Cette double exigence de puissance et de cohérence du contexte éditorial débouche naturellement sur la syndication de programmes, ce qui pose la question de la place que celle-ci doit avoir dans les grilles des chaînes de télévision.
Les attentes des téléspectateurs sont multiples : ils veulent de l'information locale et régionale – qui parle de leurs centres d'intérêt, de leur vie –, mais aussi des divertissements, portés plus efficacement par des programmes nationaux – d'où l'intérêt de la syndication.
Par ailleurs, il n'y a pas de raison d'opposer deux univers : ce qui intéresse les téléspectateurs, c'est un cocktail d'informations venant aussi bien du public que du privé.
J'en tire la conclusion que les télévisions locales peuvent trouver leur équilibre financier par la conjugaison de la publicité locale – mais le marché est limité –, de la publicité nationale, dans le cadre d'une syndication et sous réserve d'une certaine puissance et d'une cohérence des grilles, et de la vente d'espaces et la signature de contrats de partenariat avec des collectivités publiques – comme c'est le cas pour la presse papier aujourd'hui.
Pour terminer, le fait pour chacun de se tenir à son métier est également, me semble-t-il, une garantie de succès. Quand certains industriels locaux se sont lassés de voir des pertes s'accumuler et ont fini par se retirer du capital des chaînes locales, ceux qui sont restés appartenaient au monde des médias. D'autre part, de mon point de vue toujours, la mission d'une collectivité locale n'est pas d'être actionnaire d'une chaîne.
Dès lors que le débat relatif à la publicité sur les télévisions locales est clos – la notion de syndication nous éloignant de la dimension locale –, j'aimerais poser des questions sur un autre sujet…
Non, nous aurons l'occasion d'auditionner à nouveau nos invités pour évoquer le sujet qui vous intéresse, monsieur Rogemont. Aujourd'hui, nous parlons du marché publicitaire des télévisions locales.
Je comprends que Philippe Santini s'intéresse à d'autres sujets que les télés locales, et que TF1, qui n'est peut-être pas le meilleur interlocuteur pour celles-ci, refuse d'épuiser ses forces sur un marché trop étroit.
Les télévisions locales sont diverses, or il est impossible de syndiquer des gens qui font des choses totalement différentes. S'il y avait, à peu près à la même heure, une information en boucle avec les treize journaux régionaux les plus importants et de la publicité, vous auriez affaire à un même type de public, mais ce n'est pas le cas.
Croyez-vous à une possibilité de télévision en boucle d'une heure – à l'image du joli succès de France Info –, qui diffuserait à côté les deux matchs de foot régionaux ? Si oui, ces télés auraient des coûts cinq fois moindres, et donc plus de chances de réussir en ne se prenant pas toutes pour TF1 !
Sinon, la seule façon pour les télévisions locales de vivre est-elle d'avoir 80 % de syndication nationale – avec une syndication publicitaire et des programmes à peu près tous identiques ? Dans ce cas-là, ce ne seraient plus des télés locales. Bref, croit-on encore qu'une télé locale peut diffuser 50 %, 60 % ou 70 % d'émissions locales et régionales, y compris culturelles ?
Absence de visibilité, faiblesse des audiences, pas de syndication, pas de programme adapté, pas de volume d'écoute suffisant apporté aux différents annonceurs, pas de cohérence du contexte éditorial : j'ai aussi le sentiment que le débat est clos.
Que faut-il faire pour améliorer la situation et conduisez-vous une réflexion en liaison avec les télévisions locales à ce sujet ? Quel type de télé locale pourrait avoir accès à un marché publicitaire suffisant ? Enfin, l'idée d'une syndication publicitaire ou d'une syndication des programmes progresse-t-elle et oeuvrez-vous pour cela ?
Les télévisions locales cumulent plusieurs handicaps : leur nombre – elles sont quatre fois plus nombreuses qu'en 2003 –, des audiences insuffisantes pour attirer les annonceurs, une absence de cohérence en matière d'offre commerciale, et la concurrence des chaînes de la TNT. Il faut trouver un nouveau modèle économique pérenne. Quelles sont les perspectives économiques pour la télé locale numérique ?
Cela a été dit tout à l'heure : il faut trouver de nombreux acteurs privés nationaux – issus des médias, des banques –, mais aussi des acteurs privés locaux, et, pourquoi pas, les collectivités territoriales. Avec autant d'acteurs nationaux, régionaux ou locaux, quelle sera la marge de manoeuvre des responsables de ces télévisions ?
Votre rapport, monsieur Bailly, énumère plusieurs pistes pour un développement des télés locales, posant notamment deux critères à respecter : la moitié au minimum du volume total hebdomadaire du temps d'antenne doit être consacrée à des émissions d'information ancrées dans la réalité sociale, économique et culturelle de la zone de diffusion ; et 20 % de temps de programmation locale doit être consacré à des émissions en première diffusion. Peut-on trouver une solution pérenne pour tous ces acteurs nouveaux ?
Au nom du pluralisme, on maintient des télés locales, mais j'ai le sentiment de quelque chose d'un peu artificiel.
Face à la concurrence de la TNT et d'Internet, et à partir du moment où les télés locales ne sont pas l'expression d'une collectivité territoriale ni l'antenne audiovisuelle d'un groupe de la PQR, ont-elles un avenir ?
Quand nous avons pris en régie les télés locales, elles ne voulaient pas faire de syndication. Nous avons donc été très en retrait sur ce point.
TF1 Publicité a une expérience intéressante : elle a la régie des Indépendants en radio. Pour les 120 radios locales, la syndication est une réussite. Elles n'obéissent pas à un même concept – les programmes ne sont pas identiques –, mais réalisent un chiffre d'affaires important et présentent d'excellents résultats en matière d'offre. Je pense donc que la syndication est possible. Cela étant, les coûts sont beaucoup moins élevés pour une radio que pour une télé : là réside tout le problème des télés locales.
Je ne suis pas sûre que des informations locales « en rotation » procurent une audience suffisante. Il faut un minimum de puissance. Quand nous avons pris en régie ces télés locales, beaucoup étaient sur la TNT, mais plus le réseau de diffusion augmentait, plus l'audience baissait. Les programmes mis à l'antenne à l'époque étaient majoritairement locaux et n'attiraient pas les foules. Il faut donc peut-être s'orienter vers un modèle différent. Pour mieux vendre les écrans publicitaires aux annonceurs nationaux, nous demandions aux chaînes d'une même région de diffuser des émissions sur le même thème ou des informations locales au même moment.
Certaines chaînes locales recueillent une bonne audience locale, mais je crois qu'elles ne doivent pas trop compter sur les annonceurs nationaux – peut-être faut-il se satisfaire de 10 % de chiffre d'affaires. L'affichage, la presse quotidienne régionale et Internet sont des concurrents trop forts pour aller au-delà.
La télévision locale est importante pour les annonceurs locaux. Sans audience significative ni retour sur investissement sensible, elle ne l'est pas pour les annonceurs nationaux qui disposent d'autres moyens, ne serait-ce que les radios locales indépendantes.
Je serais tenté de dire que l'avenir économique des télévisions locales est très compromis. Je pense aux coûts de production. Bien des entreprises locales ont intérêt à faire de la publicité sur France 3, car leurs coûts de production sont amortis grâce au nombre de téléspectateurs touchés.
Effectivement, notre expérience avec la télévision de Clermont a très bien fonctionné, sur le territoire régional de France 3, sans annonceurs extra-locaux. Faire de la « surpression » régionale procurerait un chiffre d'affaires minime.
Le service public se lance dans une expérience intéressante : celle des web-TV régionales. Elles permettent de faire des économies, car les coûts de production et de fabrication sont nettement moindres, et de diffuser une information vraiment de proximité : en effet, en région, les gens se précipitent sur le journal régional ou local ! Leur audience est, d'autre part, nourrie par une production interactive de cette information. C'est bien là le but de France Télévisions, spécialement de France 3 : développer cette « intercommunauté » à l'échelon local grâce à Internet.
À mon avis, les web-TV régionales sont l'avenir de l'information et des programmes locaux. C'est cette voie qui me semble être la plus prometteuse, et non celle des grosses machines, comme les télévisions locales de la TNT.
Je suis un peu moins pessimiste que Philippe Santini.
Monsieur Françaix, une heure d'information en boucle, c'est-à-dire un programme vraiment minimal, ne justifie pas de mobiliser une fréquence 24 heures sur 24 : il vaut mieux une web-TV.
En revanche, parmi les programmes locaux susceptibles d'être diffusés par la télévision locale, figurent les débats des instances délibérantes locales – la télé locale est le seul endroit où ils pourront bénéficier d'une diffusion importante, si ce n'est intégrale –, des événements culturels et sportifs locaux, des manifestations diverses dans les agglomérations et les pays, etc. La question est celle des proportions dans la composition du cocktail. La bonne mesure n'est certainement pas 80 % de programmes nationaux. Il faut trouver la juste proportion entre des programmes purement locaux – qui trouveront leur équilibre en partie dans la publicité locale et la signature de contrats avec les collectivités territoriales – et des programmes apportés par la syndication nationale, une pièce de théâtre par exemple, qui permettront à la télé locale d'être plus compétitive en matière d'offre commerciale au moment où le public désire avant tout se divertir, c'est-à-dire entre vingt heures trente et vingt-deux heures trente.
Quels sont les freins à lever ?
Premièrement, s'agissant des manifestations culturelles et sportives locales, il faudrait donner aux chaînes locales un accès plus facile au droit de diffusion, car elles ne portent pas gravement préjudice aux organisateurs, la diffusion étant très limitée. Deuxièmement, il conviendrait d'assouplir les règles posées par le CSA pour la proportion de programmes locaux ou de programmes inédits car ce sont des contraintes très lourdes pour beaucoup de chaînes. Enfin, les chaînes doivent prendre en main leur avenir pour améliorer leur visibilité vis-à-vis du public et des annonceurs, ce qui passe par une plus grande cohérence dans l'organisation des grilles et dans l'élaboration de l'offre commerciale.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante.