Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 13 janvier 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • organique

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Ma question s'adresse au Premier ministre et porte sur le débat, qui s'annonce difficile, au sujet de la loi organique rééquilibrant les pouvoirs constitutionnels. Je rappelle à notre assemblée que nos institutions ont été modifiées par deux réformes successives : le quinquennat, qui a incontestablement accru le pouvoir exécutif, et, plus récemment, le renforcement du rôle du Parlement, au sein d'institutions jusqu'alors marquées par la prééminence de l'exécutif.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous apporter des éclaircissements, afin que nos débats et ce qu'en dit la presse soient moins confus ?

Je rappelle que la loi que nous allons voter comporte des avancées tellement incontestables que le parti socialiste, en 2007, avait fait exactement les mêmes propositions au sujet du droit de résolution, du droit d'amendement – sauvegardé – et de l'évaluation des projets et de leur impact. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

L'opposition s'apprête pourtant à faire de l'obstruction. Pouvez-vous donc, monsieur le Premier ministre, garantir à l'Assemblée nationale que le temps de parole ne sera pas réduit et que l'Assemblée aura la possibilité de débattre comme elle le souhaite, selon ce qu'auront démocratiquement décidé les présidents de groupe, qu'il n'y aura pas de réduction du temps de parole et que, contrairement aux caricatures que présente l'opposition, le droit d'amendement restera un droit individuel que chaque député continuera d'exercer ? Votre réponse nous permettra de faire taire un certain nombre de rumeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Goasguen, la majorité des trois cinquièmes du Parlement a voté en juillet dernier une réforme considérable de la Constitution, qui, je veux le rappeler, donne au Parlement des pouvoirs nouveaux.

Ces pouvoirs nouveaux concernent d'abord la reconnaissance des groupes, en particulier des groupes minoritaires et des droits qui leur sont attachés.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ces pouvoirs nouveaux concernent également le contrôle des nominations et celui des opérations militaires organisées à l'extérieur de nos frontières ; ils concernent aussi le droit de résolution dont pourront user l'ensemble des groupes parlementaires de cette assemblée dès le vote de la loi organique.

Cette révision constitutionnelle organise le partage de l'ordre du jour entre le Parlement et le Gouvernement, ce qui est une novation sous la Ve République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Dites plutôt entre le Gouvernement et sa majorité !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

La révision organise également le délai d'examen des textes, afin d'éviter ce que vous critiquez si souvent à juste titre, à savoir la précipitation dans laquelle les textes sont examinés par le Parlement. Enfin, elle donne aux commissions un pouvoir considérable, puisque c'est désormais le texte modifié par les amendements adoptés en commission qui sera discuté en séance.

L'évaluation des décisions proposées par le Gouvernement au Parlement se fondera sur des règles strictes, dont le non respect sera sanctionné constitutionnellement. Quant à l'article 49-3, il est quasiment supprimé, puisqu'il n'est plus utilisable qu'une seule fois par session.

Mesdames et messieurs les députés, ce rééquilibrage des pouvoirs en faveur du Parlement doit naturellement s'accompagner d'une modernisation du travail parlementaire que chacun appelle de ses voeux depuis trente ans, avec plus ou moins de force selon qu'il se situe dans la majorité ou l'opposition.

Ce qui est en cause, ce n'est pas le temps de parole de chaque député. Au contraire, dans la réforme des règlements des assemblées, dont vous discuterez une fois la loi organique adoptée, vous pourrez accroître le droit individuel d'intervention des parlementaires dans l'hémicycle. Il n'est pas non plus question de revenir sur le droit individuel d'amendement, mais de négocier ensemble le temps de débats accordé à chaque projet, comme cela se fait dans tous les grands parlements modernes.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, l'esprit de la réforme que vous allez examiner. Je voudrais dire à la majorité que, lorsque les débats seront terminés, lorsque l'écume sera retombée, vous pourrez être fiers d'avoir fait progresser la démocratisation de la vie politique française. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme du Parlement

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Le plan B ! Le plan B !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Ma question porte sur le sujet qui vient d'être abordé, mais évidemment d'une autre façon.

Lorsque la révision constitutionnelle a été adoptée, dans les conditions que l'on sait, elle visait deux objectifs : d'une part – on vient de le rappeler – donner plus de pouvoirs au Parlement par rapport à l'exécutif ; d'autre part, renforcer les droits de l'opposition. Or, jusqu'à présent, il faut bien reconnaître qu'aucun élément ne vient concrétiser ces intentions. Je veux, mes chers collègues, vous y rendre attentifs : nous commençons au contraire cet après-midi l'examen d'une loi organique dont l'article 13 constitue, selon notre lecture, une atteinte grave au droit d'amendement – nous en avons parlé ce matin, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Le Gouvernement nous dit vouloir empêcher l'obstruction. Simplement, lorsqu'on examine sérieusement ces problèmes, on constate que les retards apportés au travail gouvernemental n'ont absolument pas pour origine telle ou telle obstruction parlementaire. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Ils ont d'abord pour origine le nombre excessif des projets qui sont présentés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

…leur mauvaise rédaction, et aussi – le Sénat vient de l'établir d'une manière tout à fait précise – le fait que le Gouvernement est incapable d'adopter les décrets d'application des lois qu'il fait adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

J'ajoute que, lorsque vous examinez l'histoire parlementaire des trente dernières années, vous vous apercevez que le droit d'amendement, qui, jusqu'à présent, n'était pas limité dans le temps, a permis que s'installent dans l'opinion des débats bienvenus. La droite a utilisé ce droit d'amendement pour faire en sorte que s'installent dans l'opinion des débats sur les nationalisations et sur le PACS ; la gauche a utilisé ce droit d'amendement pour que s'installent des débats sur la loi Falloux, sur le CPE, et récemment sur l'audiovisuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

C'est en utilisant ce droit d'amendement que nous permettons que ce soit ici que soit prise la décision, et non pas dans la rue : ce serait le contraire de la volonté parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

J'aurai terminé, monsieur le président, lorsque j'aurai dit ceci : il y a deux conceptions qui sont face à face. L'une qui est malheureusement celle de l'article 13, et qui voit dans le Parlement une chambre d'enregistrement…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

…et qui veut réduire au minimum le temps des parlementaires et de la discussion des amendements. L'autre, qui est la nôtre, qui veut que le Parlement joue tout son rôle et que tous les députés, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, puissent s'expliquer sans qu'il y ait de limitation.

Monsieur le Premier ministre, voici ma question : les problèmes du pays sont extrêmement lourds ; or qu'observe-t-on ? Une loi qui restreint les libertés dans la nomination de l'autorité audiovisuelle (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ; une loi qui va restreindre les libertés en matière d'instruction ; et une loi qui aujourd'hui se propose de restreindre les libertés en matière d'amendement ! (Mêmes mouvements.)

Monsieur le Premier ministre, avec tout le respect que je dois à votre fonction, il y a mieux à faire dans les circonstances présentes que d'utiliser les armes que vous donne la Constitution pour mettre à bas les droits du Parlement ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Avec tout le respect que je dois à votre personne, monsieur Fabius, je suis heureux de constater que vous appelez de vos voeux, avec une certaine impatience, l'application d'une réforme constitutionnelle que vous avez refusé de voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous nous dites ne rien voir venir s'agissant des nouveaux droits du Parlement, mais vous vous êtes bien gardé d'apporter votre soutien au vote de cette réforme constitutionnelle dont plusieurs de vos amis souhaitaient l'application ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC ; protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous y arrivons : la loi organique est là pour mettre en oeuvre ces nouveaux droits, et nous attendons qu'il y ait entre l'opposition et la majorité un débat respectueux, un débat naturellement rude car ces sujets sont des sujets importants et sur lesquels chacun doit défendre ses positions – mais un débat sans caricature.

La vérité, c'est que personne aujourd'hui ne peut contester le besoin de rationalisation du travail du Parlement et en particulier des débats. Vous l'avez d'ailleurs vous-même réclamé à plusieurs reprises lorsque vous étiez dans la majorité, et vous aviez raison de le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Nous n'avons jamais voulu faire ce que vous allez faire !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Regardons ce qui se passe dans les grandes démocraties autour de nous. Au Parlement britannique, qui n'est pas considéré comme un mauvais exemple s'agissant de démocratie, il y a un vote sur une motion qui fixe la durée des débats. Si on regarde le fonctionnement du Parlement européen, où plusieurs d'entre vous ont eu l'occasion de siéger, il y a un encadrement des débats qui ne fait pas dire aux membres du Parlement européen qu'il y ait déni de démocratie !

Ce qu'il faut réussir à établir ensemble, ce sont les conditions d'une négociation raisonnable du temps de débat par grand sujet. Il faut naturellement que le Parlement passe beaucoup de temps sur les grandes réformes.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

J'ai d'ailleurs compris que le président de l'Assemblée nationale avait fait ce matin des propositions dont il convient de discuter. L'objectif du Gouvernement n'est pas de faire en sorte que, sur de grands sujets, il y ait deux jours de débats au Parlement ; qu'il y ait une semaine, deux semaines de débats au Parlement, ce n'est pas le sujet et cela ne gêne pas le Gouvernement !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le problème aujourd'hui, c'est l'utilisation abusive du Règlement de l'Assemblée, des interruptions de séance, des amendements, pour vider le débat de son sens et donner une image désastreuse du Parlement et, au bout du compte, ne pas empêcher les textes d'être adoptés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, souvenez-vous de ce que vous avez vous-mêmes dit lorsque vous étiez confrontés aux mêmes situations ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Lorsque Jean-Marc Ayrault, à juste titre, devant l'obstruction à l'origine de laquelle se trouvait notre collègue Christine Boutin – et qui naturellement aujourd'hui le regrette (Rires) –, disait : « Il faut limiter le temps de parole, il n'est pas possible de laisser un parlementaire s'exprimer cinq heures et demie durant à la tribune de l'Assemblée. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Jean-Pierre Bel, en 2007, avait déposé une proposition de loi constitutionnelle – j'imagine qu'il s'agissait d'une réflexion collective des socialistes – qui disposait : « Le Gouvernement, après avis de la Conférence des présidents de l'assemblée saisie, peut fixer un délai pour l'examen d'un projet de loi ; à l'expiration de ce délai, l'assemblée se prononce par un seul vote sur les dispositions du texte qu'elle n'a pas encore examinées en ne retenant que les amendements déposés ou acceptés par le Gouvernement ». (Brouhaha.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

C'est une proposition du président du groupe socialiste du Sénat !

Et enfin, dans un journal ce matin, un ancien conseiller parlementaire d'un Premier ministre socialiste écrit : « Les arguments du parti socialiste ne sont pas très convaincants et l'opposition a réagi excessivement ; le temps global est une nécessité […], l'obstruction est une pathologie du débat public ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Respecter le Parlement, c'est lui donner des droits nouveaux à travers une organisation moderne ; c'est lui donner le seul rôle digne de lui, c'est-à-dire d'être le lieu où se tranchent les débats fondamentaux qui engagent le destin de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le Premier ministre, il faut croire que vous avez fort peu d'arguments probants pour exhumer comme vous venez de le faire des archives qui ne convaincront pas les Français : votre souhait et votre volonté politique, c'est de museler le Parlement et l'opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, il a fallu l'opiniâtreté d'une association, qui s'appelle Réseau « Sortir du nucléaire », pour que l'on apprenne, un mois après, l'importante décision qui a été prise par l'Autorité de sûreté nucléaire de refuser ou de suspendre l'agrément des laboratoires d'EDF qui sont chargés de vérifier la radioactivité émise dans l'environnement par ses centrales nucléaires.

Derrière cette opacité se profile encore ce qui nous paraît consubstantiel à la culture du secret qui anime ce secteur, à savoir la responsabilité de l'exploitant. En effet, EDF, qui est propriétaire des centrales nucléaires, est en même temps le contrôleur et le contrôlé.

Nous ne comprenons pas pourquoi dans ce secteur on lave son linge sale en famille et on refuse d'informer les citoyens sur des éléments majeurs en matière de santé environnementale.

La décision de suspension ou, le plus souvent d'ailleurs, de refus d'agrément a été prise le 16 décembre sur l'ensemble des dix-neuf centrales nucléaires, y compris Superphénix. L'Autorité de sûreté nucléaire a demandé que l'on sélectionne des laboratoires agréés et indépendants des intérêts d'EDF.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner la liste de ces laboratoires et nous préciser si des laboratoires de substitution évaluent aujourd'hui la radioactivité dans l'eau et dans l'air dans les centrales pour lesquelles un refus d'agrément a été prononcé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous informe que les parlementaires verts déposeront une demande de création d'une commission d'enquête parlementaire sur ce sujet qui nous semble très important. Vous ne pouvez pas venir nous parler de transparence alors que cette transparence devient invisible et que l'Autorité de sûreté nucléaire, même si elle fait un pas, reste tout de même dans le circuit, dans le périmètre du nucléaire et de son lobby. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Monsieur Mamère, ce cas illustre parfaitement la transparence du système français.

Jusqu'à présent, nous avions des exploitants qui avaient leur propre système de contrôle sans agrément. A été mise en place une autorité de sûreté nucléaire indépendante. C'est d'ailleurs cette autorité qui vient de demander à agréer dorénavant les laboratoires quels qu'ils soient.

Par ailleurs, nous avons mis en place, le 18 juin 2008, le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire. Ce comité, qui, vous le savez, est pluriel – un certain nombre d'ONG en font d'ailleurs partie –, a formulé dix-huit recommandations.

Quelle est la situation aujourd'hui ? Comme il faut toujours améliorer les choses dans ce domaine de la sécurité nucléaire, sinon on régresse, l'Autorité de sûreté nucléaire indépendante a demandé, à juste titre, d'agréer, à compter de la fin du printemps et du début de l'été, tous les laboratoires de contrôle, qu'ils soient intégrés comme à EDF, qu'ils soient intérieurs ou extérieurs.

Il se trouve qu'EDF, qui contrôle depuis très longtemps, n'a pas répondu de manière conforme aux demandes de l'Autorité de sûreté nucléaire. Néanmoins, le laboratoire intégré d'EDF, qui n'est toujours pas agréé depuis cinq semaines, continue à assurer son travail.

Vous me demandez, monsieur Mamère, si, par ailleurs, un autre contrôle est exercé. Je vous réponds oui : en attendant, l'IRSN réalise les contrôles extérieurs, en lieu et place des laboratoires agréés.

En ce qui concerne l'État, il faut des laboratoires agréés comme c'est le cas aujourd'hui. Il faut qu'EDF se mette en conformité – il semblerait que ce soit fait dans les quatre semaines qui viennent. À défaut, si EDF n'arrive pas à être agréée, il faudra faire appel à des laboratoires extérieurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le Président de la République a annoncé une importante réforme de la procédure pénale et la suppression du juge d'instruction. Il a mis l'accent sur le respect de la présomption d'innocence et de la défense des libertés, si souvent bafouées, en optant notamment pour la présence de l'avocat à la première heure et pour une mise en détention provisoire décidée en audience collégiale et publique, ce qui la rendra plus exceptionnelle. Il a souhaité enfin garantir les droits de la personne mise en examen.

Sur ces objectifs, les députés du Nouveau Centre vous apportent leur soutien. Des affaires récentes imposent en effet d'agir. Cependant, l'annonce de la suppression du juge d'instruction suscite de légitimes interrogations. Celui-ci cédera la place à un juge de l'instruction, qui contrôlera le déroulement des enquêtes, mais ne les dirigera plus. L'enquête sera menée par le parquet, sous l'arbitrage d'un magistrat du siège.

Le groupe Nouveau Centre aimerait que vous apportiez des garanties sur l'indépendance des magistrats chargés de l'instruction. Nous souhaitons par ailleurs que tout justiciable puisse garder la possibilité de déposer plainte avec constitution de partie civile afin de déclencher l'action publique. Enfin, pouvez-vous nous apporter toutes les garanties sur la concertation et la participation des parlementaires à l'élaboration de cette réforme de la procédure pénale, qui, à l'avenir, doit être plus soucieuse des libertés individuelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le député, comme vous le savez, la réforme de la procédure pénale est très attendue par les Français. Chaque candidat à l'élection présidentielle l'a proposée dans son programme, sans qu'elle ait jamais été réalisée. Le Président de la République a souhaité que nous la menions à bien.

Nous sommes tous convaincus qu'il faut réserver une place plus importante au principe du contradictoire, afin que les droits de toutes les parties du procès soient assurés et respectés. Il faut mieux garantir non seulement les droits de la défense et la protection des libertés individuelles, mais aussi le respect du droit des victimes.

La commission Léger, que j'ai installée le 14 octobre à la demande du Président de la République et du Premier ministre, doit formuler des propositions. Elle travaille en toute liberté sur la réforme du code de procédure pénale et du code pénal, et ses propositions seront très largement débattues.

Parallèlement, j'ai entrepris dès hier de consulter tous les acteurs concernés par la réforme. J'ai reçu Philippe Léger, qui préside la commission, ainsi que la Conférence des procureurs, des magistrats et des avocats. Demain, je reçois à déjeuner les membres de la commission. Nous pourrons ainsi nous repositionner et rappeler les principes du code pénal et du code de procédure pénale, et ce que nous attendons de la réforme.

Monsieur le député, vos questions sont essentielles. Je rappelle que la réforme de l'instruction n'est qu'un volet d'une réforme du code pénal et du code de procédure pénale que nous voulons extrêmement ambitieuse. Vous l'avez dit, à aucun moment le droit des victimes ne sera remis en cause. Nous y tenons absolument. Par toutes les réformes que nous avons menées, nous avons démontré que la place des victimes est essentielle dans la procédure.

Vous m'interrogez également sur l'indépendance du juge de l'instruction. Étant donné qu'il s'agit d'un magistrat du siège, son indépendance est garantie par la Constitution. Nous ne reviendrons pas sur ce point.

À l'issue des consultations, et au vu des propositions de la commission Léger, un débat aura lieu devant le Parlement. J'espère que, à cette occasion, l'intérêt général primera sur les intérêts partisans. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Voisin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Voisin

Avant de poser ma question à M. le ministre des affaires étrangères, je voudrais rappeler à M. Laurent Fabius que, il y a une dizaine d'années, il fut le premier président de l'Assemblée à réduire le temps de parole sur les motions de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Voisin, tenez-vous en à votre question, s'il vous plaît.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

C'est scandaleux ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Voisin, je vous demande de respecter ceux qui ont eu l'honneur de présider cette Assemblée et qui l'ont toujours fait dans l'intérêt de l'institution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Voisin

Monsieur le ministre, ma question concerne la situation dramatique qui prévaut actuellement au Proche-Orient.

Mais, en premier lieu, je tiens à exprimer non seulement mon émotion mais ma condamnation la plus ferme – qui sera sans aucun doute partagée sur tous les bancs de notre Assemblée – devant les actes inadmissibles qui ont atteint des synagogues et autres lieux ou personnes, des actes qui sont empreints d'antisémitisme et qui, comme les actes de racisme, sont considérés comme des crimes dans notre République.

Monsieur le ministre, malgré la résolution 1860 du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu, qui a été rejetée, la situation s'aggrave terriblement à Gaza. On compte maintenant environ 1 000 morts, dont plus de la moitié sont des enfants, des bébés, des femmes, et 4 000 blessés. Transposé à la population française, ce chiffre de 1 000 morts représenterait 40 000 personnes tuées.

Non seulement la population gazaouie, qui est la plus dense au monde par kilomètre carré, ne peut pas fuir, mais les services médicaux et tous les secteurs qui concourent à leur fonctionnement manquent de moyens du fait de la situation que chacun connaît.

La plus grande démarche humanitaire qu'on doit souhaiter aujourd'hui est évidemment de nature politique : c'est d'obtenir qu'un cessez-le-feu immédiat s'instaure. Monsieur le ministre, quelle initiative notre pays va-t-il prendre alors que, cet après-midi, le Conseil de sécurité, dont nous assurons la présidence, doit de nouveau se réunir pour examiner la situation au Proche-Orient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Nous sommes angoissés, et non seulement préoccupés, par la situation à Gaza. Les chiffres que vous avez donnés sont, hélas, sans doute les bons.

Sur place, l'armée israélienne continue d'avancer tandis que les roquettes continuer de tomber sur Israël, dans un périmètre qui contient désormais un million d'habitants.

Votre question porte sur le plan humanitaire et sur le plan politique.

Sur le plan humanitaire, non seulement il y a dans Gaza des équipes françaises, que je félicite pour leur courage, mais deux équipes chirurgicales viennent d'y entrer et deux autres attendent de le faire. Soixante-dix tonnes de matériel sont en train de partir pour la seconde expédition aérienne. Un hôpital est à la disposition des Égyptiens ou des Israéliens lorsque les uns ou les autres accepteront de le déployer ou de le laisser déployer sur leur sol. Enfin, une aide financière importante a été accordée aux organisations de secours palestiniennes, ainsi qu'à une organisation israélienne qui prend en charge les blessés.

Sur le plan politique, vous avez entièrement raison : la seule trêve humanitaire serait un cessez-le-feu permanent. Nous n'en sommes pas là. La France a été présente sur terrain dès le 3 janvier, et le 30 décembre déjà, alors que la crise avait commencé le 27, tous les pays membres de l'Union européenne se sont mis d'accord pour exiger un cessez-le-feu. Nous avons parlé de cessez-le-feu humanitaire – à l'évidence sa durée peut se prolonger ; mais il fallait dans un premier temps accéder aux victimes. Nous ne nous satisfaisons pas des trois heures de trêve par jour. Il faut étendre cette durée.

À partir du 3 janvier la Troïka de l'Union européenne était sur place ; Nicolas Sarkozy nous a rejoints les 4 et 5 janvier et il a parlé à tous les pays de la région. La France est, avec la Turquie, le seul interlocuteur de l'ensemble des protagonistes.

La résolution 1860 votée sous présidence française, est, depuis 2004, la seule à avoir été votée à l'unanimité avec une abstention, celle des États-Unis. Nous nous obstinons pour la faire appliquer. Tous les jours, le Président de la République, les circuits diplomatiques et les responsables concernés sont en contact avec leurs homologues. Nous poursuivons notre action. J'espère que dans quelques jours nous serons entendus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Anne Grommerch, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Grommerch

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

En visite, vendredi dernier, à Strasbourg, pour inaugurer le nouvel hôpital de la ville et présenter ses voeux aux personnels de santé, Nicolas Sarkozy a détaillé et réaffirmé le cadre de la future réforme de l'hôpital.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Grommerch

Le Président de la République a ainsi défendu une série de propositions inscrites dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » que le Parlement doit examiner dans les prochaines semaines. Cette réforme vise à augmenter l'efficacité de notre système de santé. Il faut en effet rendre l'hôpital plus performant pour mieux répondre aux besoins des patients.

Il faut mieux organiser les hôpitaux. Ainsi, ils auront la liberté de s'associer en « communautés hospitalières de territoires ». Ils y seront encouragés financièrement.

Il faut mieux les piloter : ainsi sont prévus le renforcement du pouvoir des directeurs d'établissement et l'évolution du statut et du mode de rémunération des médecins.

Le rôle des cliniques sera reconnu : elles signeront des contrats de service public qui imposeront d'assurer les urgences et garantiront un meilleur respect des tarifs de la sécurité sociale. Ces contrats reconnaîtront le rôle et la place des cliniques privées sur le territoire.

Madame la ministre, pouvez-vous réaffirmer devant la représentation nationale les engagements du Président de la République en faveur de notre système hospitalier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Madame Anne Grommerch, vous avez rejoint l'Assemblée nationale depuis quelques semaines, et je vous remercie d'avoir réservé à la ministre de la santé votre première question au Gouvernement. Mes voeux vous accompagnent dans la lourde tâche qui sera la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le déplacement que j'ai effectué avec le Président de la République à l'hôpital de Strasbourg a été l'occasion de témoigner de la reconnaissance de la nation à l'ensemble des personnels de santé, et, en particulier, à ceux de l'hôpital public. Je crois que tous, sur les bancs de cette assemblée, vous vous associerez à ce geste – surtout dans cette période de grande tension pour nos services hospitaliers.

Le Président de la République a rappelé, à Strasbourg, la nécessité d'une profonde réforme de notre système hospitalier.

Celle-ci se fonde d'abord sur la création des agences régionales de santé qui permettront un pilotage unifié et décloisonné du système de santé, entre médecine de ville, soins de premier recours, hôpital et secteur médico-social. Grâce à un certain nombre d'outils et de moyens que nous leur confierons pour garantir une véritable permanence des soins sur le territoire, ces agences feront tout pour résoudre le très grave problème de la démographie médicale.

Ensuite, cette réforme traite la question des urgences, qui se situe à la frontière du problème de la permanence des soins ambulatoires et de celui de l'hôpital. Le nombre des services d'urgence – on en compte actuellement 673 – ne cesse d'augmenter. Nous voulons les renforcer, ainsi que les 445 services mobiles d'urgence et de réanimation, les SMUR. Bien entendu nous collaborerons pour cela avec les acteurs de terrain.

Enfin, cette réforme a pour objectif de moderniser l'hôpital, tant sa gouvernance que les coopérations entre établissements hospitaliers publics de secteurs et, plus largement, celles avec l'ensemble du tissu hospitalier.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Il faut en effet que nous continuions à équiper nos hôpitaux pour permettre à tous nos concitoyens de bénéficier de soins de qualité faisant appel aux technologies de pointe.

Avec le Président de la République et le Premier ministre, voilà ce que nous nous sommes engagés à faire. Et nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Monsieur le Premier ministre, le Président de la République était, hier, en visite à Saint-Lô, où il a présenté ses voeux au personnel de l'éducation nationale. Vous connaissez sans doute cette ville, dont on sait, depuis qu'Alexis de Tocqueville a écrit sur son tempérament, qu'elle a pour caractéristique d'être violemment modérée. Pourtant, hier, les rues de Saint-Lô accueillaient des milliers de manifestants – enseignants, parents d'élèves, syndicalistes, lycéens – venus dire leurs inquiétudes…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Des manifestations spontanées !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

…face à la réduction du nombre de postes dans l'éducation nationale, à la remise en cause des réseaux d'aide aux élèves en difficulté et à la diminution de 25 % des subventions allouées aux associations d'éducation populaire, bref : face à la casse de l'éducation nationale programmée par votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Malgré la dignité de ces personnes, respectueuses de la fonction présidentielle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), les forces de l'ordre étaient, dans les rues de Saint-Lô, plus nombreuses que les manifestants, comme s'il s'agissait de leur imposer le silence et de faire taire leur opposition au Gouvernement. (Mêmes mouvements.)

Depuis hier, des manifestants, lycéens ou syndicalistes, dont nous connaissons pourtant l'esprit de responsabilité (Mêmes mouvements), sont retenus en garde à vue, ce qui témoigne d'un climat que nous n'avions jamais connu à l'occasion d'une visite présidentielle dans ce département. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Face à de tels excès d'autoritarisme, la question se pose de savoir s'il sera encore possible de manifester sereinement son opposition dans ce pays.

Se pose aussi la question de savoir si la pluralité des expressions politiques pourra encore être garantie sur les chaînes audiovisuelles, après que vous avez décidé d'en confier la présidence à des personnalités nommées par l'exécutif, comme si vous vouliez mettre la télévision publique en coupe réglée.

Se pose encore la question de savoir s'il sera encore possible d'exprimer, dans cet hémicycle, une autre opinion que celle de la majorité, lorsque vous aurez limité notre droit d'amendement, qui est pourtant un droit fondamental de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Se pose enfin la question de savoir s'il sera possible de voir nos droits et nos libertés fondamentaux garantis…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

…lorsque vous aurez supprimé le juge d'instruction sans couper le cordon entre le parquet et le pouvoir politique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : jusqu'où irez-vous dans la remise en cause des équilibres fondamentaux de notre République, qui sont autant de garanties pour nos droits et nos libertés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Monsieur le député Cazeneuve, chacun a le droit d'exprimer son sentiment sur l'école.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Chacun a le droit de ne pas vouloir écouter les voeux que le Président de la République adresse au personnel de l'éducation nationale et même, sans aucun doute, celui de manifester dans la rue, même si les cornes de brume, les crécelles, les tambourins, les pancartes et les drapeaux ne font pas beaucoup avancer la cause de l'école (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et que l'organisation de manifestations violentes ne paraît pas tout à fait logique, au moment où le Président de la République se déplace en province pour s'exprimer librement devant des personnalités représentant l'école.

Car où est l'école dans tout cela ? Dans son discours, le Président de la République a évoqué l'école, les professeurs, qu'il faut soutenir,…

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

…les élèves, qui sont en plein désarroi, et les familles, tentées de se tourner vers des officines privées tant elles sont inquiètes de la situation actuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Bref, il a parlé de l'essentiel : le destin de la nation.

Ces protestations systématiques, ces bruits,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

L'éducation bâillonnée, l'éducation étranglée !

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

…ces violences, ces agressions empêchent d'évoquer les véritables problèmes de l'école. Au reste, je dois le dire, monsieur Cazeneuve, ceux qui les organisent ne s'attirent pas du tout la sympathie de l'opinion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les professeurs méritent mieux que ces manifestations !

Quoi qu'il en soit, nous ferons ce que le Président de la République a promis en 2007 : nous réformerons l'école, en dépit de ceux qui voudraient nous en empêcher. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Monsieur le président, ma question, à laquelle j'associe mon collègue Marc Bernier, s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Je dois dire que je suis très surpris par les propos de Bernard Cazeneuve. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

J'étais moi aussi hier à Saint-Lô et manifestement, nous n'avons pas vu tout à fait la même chose, cher collègue. Les manifestations étaient certes un peu houleuses, mais ce n'était pas l'ambiance trouble que vous avez voulu décrire.

Je tiens pour ma part à remercier M. le Président de la République de nous avoir fait l'honneur et le plaisir de venir dans le département de la Manche, accompagné par M. le ministre de l'éducation nationale et par le nouveau haut commissaire à la jeunesse que je salue et félicite, sûr de sa détermination et de son courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Venez-en à votre question, monsieur Gosselin, je vous prie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Cette cérémonie des voeux, unique et pour tout dire inédite, revêt un caractère particulier. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est un acte fort qui a permis au Président de la République de saluer les réformes engagées au cours des dix-huit derniers mois…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…et de réaffirmer la volonté de les voir poursuivies dans le dialogue et la concertation. Je déplore donc, comme certains de mes collègues, le regrettable absentéisme de certains responsables syndicaux, qui a laissé libre cours à des débordements.

Dans son discours, le Président de la République a notamment confirmé que la réforme des lycées entrerait en application en 2010, donnant ainsi du temps au temps. Il a également annoncé que la concertation, à laquelle vous vous étiez engagé au mois de décembre, monsieur le ministre, se déroulerait dans le cadre d'une mission placée sous votre autorité et confiée à M. Richard Descoings. Pouvez-vous nous dire quels seront les contours de cette mission et les objectifs que vous comptez lui assigner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Monsieur Gosselin, il n'est en effet pas si fréquent que M. le Président de la République se déplace pour réaffirmer l'importance qu'il attache à la réforme de l'éducation nationale. Il n'est pas non plus si fréquent qu'il insiste sur la nécessité des réformes engagées et sur la justice qui les caractérise.

Oui, il était juste de réformer l'école primaire quand un élève sur cinq en sort sans savoir lire. Il était juste d'organiser deux heures de soutien pour tous les élèves qui en ont besoin, ainsi que des stages de remise à niveau pour ceux qui sont en plus grande difficulté. Il était juste de faire en sorte que, de seize à dix-huit heures, les élèves des collèges ou de l'éducation prioritaire puissent être accueillis parce qu'ils en ont besoin.

Oui, la réforme du lycée est nécessaire. Le Président de la République l'a répété et c'est un point que personne ne peut discuter, je crois. Nous avons toutefois constaté qu'il fallait y associer de manière plus systématique l'opinion publique et les lycéens, qui ont eu le sentiment d'être laissés un peu de côté.

Voilà pourquoi, sur ma proposition, M. Descoings va travailler auprès de moi pour prolonger le travail déjà engagé avec Jean-Paul de Gaudemar de sorte que la réforme du lycée puisse se faire dans la sérénité. Nous consulterons largement et j'adresserai demain une lettre de mission à Richard Descoings pour lui montrer la manière dont il faut qu'il organise les choses... (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

…auprès des lycéens, de l'opinion, des leaders et de l'opposition qui, je l'espère, aura la bonté de nous faire des propositions plutôt que de se contenter de slogans et de protestations, de sorte que cette réforme puisse s'affirmer de manière consensuelle.

Cette réforme est indispensable, mesdames, messieurs les députés, et je ne comprends pas que l'opposition puisse la discuter et lui préférer le statu quo. Il y va de l'intérêt même des élèves : 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans qualification, un bachelier sur deux n'a aucun diplôme du supérieur au bout de trois ans ! Il faut réformer. Le Président de la République l'a rappelé hier et nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. André Flajolet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de André Flajolet

Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Franck Marlin, s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Le vendredi 9 janvier, le tribunal de commerce d'Arras, prenant en compte les attentes des 436 acteurs économiques de l'usine Bosal, appuyés par les élus et la population, a accepté d'accorder un délai de six mois pour qu'il soit trouvé une solution économique aux problèmes de cette entreprise située à Annezin, dans le Pas-de-Calais – un département laborieux, qui souffre en même temps que les nombreux sous-traitants de l'automobile implantés sur son territoire. Nous avons donc six mois pour établir un plan de redressement, six mois pour convaincre Renault de donner corps à son engagement de ne fermer aucune entreprise lui fournissant des équipements – en l'occurrence, pour Bosal, des pots d'échappement.

Madame la ministre, L'État et le Gouvernement se sont engagés de façon audacieuse dans un plan de sauvetage de notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de André Flajolet

On reconnaît bien là la profondeur de votre pensée, monsieur Roy ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

L'État et le Gouvernement ont souligné l'importance de la production industrielle et le Président de la République a rappelé les limites acceptables de la délocalisation des activités. Aussi, au moment où les acteurs locaux, à savoir les services de l'État, les acteurs politiques et économiques, sont mobilisés pour donner du sens à la volonté du Président de la République et des Français, et pour se donner les moyens de sortir de cette crise, je sollicite devant la représentation nationale des réponses précises à des questions suscitant l'angoisse.

Premièrement, le Gouvernement est-il prêt à intervenir auprès de Carlos Ghosn pour que Renault respecte ses engagements vis-à-vis de Bosal et donne la priorité à cette entreprise pour ses commandes de pots d'échappement, ce dans des conditions économiques acceptables ?

Deuxièmement, le Gouvernement est-il prêt à intervenir auprès des banques pour qu'elles respectent l'esprit et la lettre de ce qu'ont voulu le Président et le Gouvernement, et soutiennent effectivement les entreprises qui font appel au crédit pour sauver ces emplois de production ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Flajolet

Troisièmement, le Gouvernement est-il prêt à contester une réponse économique partielle qui consisterait à garder une partie des emplois pour une activité uniquement commerciale, solution qui s'apparenterait plus à des soins palliatifs qu'à une vraie réponse industrielle ? Les 436 familles de salariés concernées, tous les élus et la population du territoire, désireux de sauver cet outil de travail, attendent de vous un signe d'espérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Monsieur le député, vous avez très bien décrit, à travers l'exemple de cette entreprise de votre département, le Pas-de-Calais, la crise automobile probablement sans précédent que nous connaissons aujourd'hui et qui touche non seulement les constructeurs, mais aussi l'ensemble de la filière : les équipementiers, les sous-traitants, notamment les entreprises de fonderie, de plasturgie, de métallurgie et de décolletage.

À cette crise sans précédent, il fallait une réponse sans précédent. Vous vous souvenez que, dès l'automne, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures structurelles : je pense notamment à l'exonération de la taxe professionnelle pour tous les nouveaux investissements et au crédit impôt recherche, qui concerne au premier chef les entreprises du secteur de l'automobile. Nous sommes allés plus loin avec la mise en oeuvre du plan de relance adopté il y a quelques jours par la majorité, qui nous a permis de réamorcer la pompe du crédit à destination des clients qui veulent acheter des véhicules neufs, grâce aux deux fois 500 millions d'euros destinés aux constructeurs français, et qui incite les consommateurs à revenir dans les concessions grâce à la prime à la casse ; nous avons constaté depuis un mois et demi que ce dispositif fonctionne et nous installerons dans les jours qui viennent le fonds d'accompagnement pour l'ensemble de la filière automobile, qui va nous permettre de soutenir l'ensemble des entreprises sous-traitantes.

Comme vous l'avez très bien indiqué, monsieur Flajolet, il nous faudra sans doute aller plus loin pour aider les constructeurs à financer leurs besoins en trésorerie courante sur le marché. Nous devons également inventer un nouveau modèle automobile afin de permettre à notre pays de redevenir compétitif, ce qui est la condition pour que notre industrie automobile continue d'avoir un avenir. Il nous faut faire les choix du futur, notamment en matière de véhicules décarbonés. Ce sera l'enjeu des états généraux de l'automobile, pour lesquels nous attendons la contribution de toutes les formations ici représentées, et qui devraient être l'occasion de sceller un nouveau pacte automobile associant les entreprises, les salariés et les parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je salue la présence dans les tribunes de Mme Françoise Barré-Sinoussi, qui partage le prix Nobel de médecine 2008 avec les professeurs Luc Montagnier et Harald zur Hausen. Je suis heureux de lui adresser, au nom de l'Assemblée nationale tout entière, nos félicitations. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Ma question concerne la visite du Président de la République non à Saint-Lô, mais à Strasbourg où il a traité de l'hôpital public.

Monsieur le Premier ministre, dans un contexte de crise économique et sociale – hausse dramatique du chômage, pouvoir d'achat en berne, précarité chaque jour plus grave –, les Français sont inquiets pour leurs services publics, pour leur système de santé et pour l'hôpital public, auquel la très grande majorité d'entre eux fait confiance bien qu'ils souffrent de son manque de moyens.

Le discours faussement compassionnel du Président de la République ne peut masquer l'asphyxie budgétaire de nos hôpitaux : le déficit, de près de 1 milliard d'euros, touche pratiquement tous les établissements et va contraindre à un plan de rigueur se traduisant par la suppression de plus de 20 000 emplois si le Gouvernement s'obstine à ne pas reconnaître la gravité de la situation.

Ce déficit n'est pas un accident de parcours, mais une asphyxie structurelle qu'on s'abstient délibérément de corriger, voire qu'on entretient et qui est due essentiellement à deux grandes causes : la nécessité de répondre par l'excellence aux progrès de la médecine et à la légitime exigence de qualité de nos concitoyens mais aussi l'obligation de remédier aux carences d'un système libéral paralysé par des problèmes de démographie médicale. Dès lors, l'hôpital public doit faire face à tout, absorbant toutes les urgences, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an, et répondant à toutes les demandes, en particulier celles qui s'adresseraient normalement aux spécialistes.

La désorganisation de notre système de santé se reporte sur l'hôpital public. À ce titre, les excellents rapports parlementaires de nos collègues Colombier, Paul et Bernier mériteraient plus d'attention. Car, oui, les réformes sont nécessaires.

La communauté soignante doit être au coeur de l'organisation de l'hôpital. Le service public ne doit pas être confondu avec les prestations de service public.

La communauté soignante donne tout ce qu'elle peut et nous ne pouvons que la soutenir sur l'ensemble de nos bancs.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Mais, aujourd'hui, cette communauté est perdue, comme la majorité de nos concitoyens.

L'hôpital n'est pas une entreprise, l'hôpital ne produit pas du soin, il soigne des personnes, des malades. Or, aujourd'hui, il est au bord de l'implosion.

Monsieur le Premier ministre, mon analyse n'est pas que politique, c'est aussi un témoignage du vécu. Ma question est simple, et je vous la pose avec gravité : le Gouvernement souhaite-t-il l'implosion de notre hôpital public...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

..pour lui substituer un système où droits et devoirs du service public ne seraient plus le socle de notre pacte républicain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Madame la députée, je fais miens un certain nombre de vos principes et de vos diagnostics. L'hôpital public n'est pas une entreprise, c'est un service public au service de tous les Français.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Notre système hospitalier public souffre d'un certain nombre de dysfonctionnements, alors que l'effort de la nation est tout à fait considérable. Dois-je rappeler que nos dépenses hospitalières sont les plus élevées au monde et notre maillage hospitalier le plus resserré ?

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Il faut remédier à cette situation en consacrant à l'hôpital public des moyens supplémentaires. C'est ce que fait le Gouvernement, puisque, malgré la crise, il a décidé d'augmenter les dépenses de l'hôpital public de 3,1 %, soit bien plus que l'accroissement de la richesse nationale. Par ailleurs, il ne faut pas oublier le plan d'investissement de 10 milliards d'euros sur quatre ans, ce qui est tout à fait considérable. En outre, le plan de relance nous permettra une rénovation accélérée de nos hôpitaux psychiatriques.

Des moyens nouveaux seront donc injectés dans l'hôpital public. Mais une profonde réorganisation est nécessaire. Vous avez souligné que la mauvaise organisation des soins ambulatoires affectait directement les services des urgences. Je partage pleinement votre diagnostic.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

C'est M. Mattei qui a supprimé la permanence des soins !

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Il faut donc réorganiser l'hôpital, notre système de santé en le décloisonnant, et c'est ce que nous ferons dans le cadre de la loi « hôpital, patients, santé et territoires ».

L'hôpital a besoin que nous nous mobilisions en faveur d'une vraie réorganisation et que nous accompagnions intelligemment les moyens nouveaux que nous allons mettre à sa disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, voulue par le Président de la République, annoncée de longue date, objet d'une vaste concertation, nécessaire et attendue par nos concitoyens, la réforme du permis de conduire va être mise en oeuvre, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Il s'agit en effet d'une réforme essentielle non seulement pour la sécurité des personnes, mais également pour la vie quotidienne de nos concitoyens, qui sont près de 800 000 à passer chaque année cet examen bien souvent indispensable à leur bonne l'insertion professionnelle. Ne l'oublions pas, en effet : l'absence de permis peut constituer dans bien des cas un frein à l'emploi.

Cible de nombreuses critiques car jugé trop long à obtenir ou encore trop cher, le permis de conduire a fait couler beaucoup d'encre et donné lieu à de nombreuses initiatives visant à le rendre plus accessible.

Nous avons été un certain nombre de députés – Mme Bourragué, M. Mignon et moi-même, notamment – à travailler sur le sujet dans le cadre d'une mission de notre groupe et à avancer des propositions.

C'est ainsi que nous avons souhaité que le permis à un euro puisse faire l'objet d'une garantie de l'État pour les jeunes dépourvus de garant. Nous avons également proposé de faciliter la conduite accompagnée pour les jeunes en apprentissage, de créer un compte épargne permis ou encore d'utiliser les crédits de la formation professionnelle pour la formation à la conduite.

Une augmentation du nombre des inspecteurs est évidemment nécessaire afin de réduire les délais d'attente.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-nous, à la suite du conseil interministériel de ce matin sur la sécurité routière, nous présenter les principales mesures qui, composant la réforme en cours, permettront une amélioration du système ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.

Debut de section - PermalienDominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports

Monsieur Gérard, vous ne serez pas déçu puisque les mesures annoncées ce matin par le M. le Premier ministre et par M. Jean-Louis Borloo ont pour objectif de répondre aux demandes issues de votre travail : un permis moins long à obtenir, moins cher et permettant de mieux enseigner la sécurité aux jeunes automobilistes qui, en dépit des excellents chiffres de la sécurité routière l'an dernier, restent les premières victimes des accidents de la route.

L'obtention du permis demandera moins de temps parce que nous raccourcissons tous les délais d'inscription et que nous accroîtrons le nombre des inspecteurs. Il sera moins cher grâce à une caution du Fonds de cohésion sociale qui rendra le permis à un euro accessible aux jeunes en difficulté. De plus, nous faciliterons le travail avec les communes et les départements pour transformer des heures de travail d'intérêt général en heures d'apprentissage de la conduite. Enfin, il sera plus sûr parce qu'il permettra une meilleure formation. C'est la raison pour laquelle nous simplifierons l'épreuve de code en vue de la rendre non pas moins difficile mais plus compréhensible et donc plus efficace. De plus, les pièges habituels de l'épreuve de conduite seront remplacés par des dispositifs permettant de mieux apprécier le comportement du conducteur, sans toutefois diminuer la sévérité de l'épreuve en ce qui concerne la sécurité.

Cette réforme permettra de mettre un terme à une injustice sociale en raison de laquelle certains jeunes, en France, n'avaient pas accès au permis de conduire. Notre objectif est également de diminuer le nombre des jeunes tués sur les routes. Ce nouveau permis, enfin, prendra en compte certaines des dispositions issues du Grenelle de l'environnement, afin que les jeunes apprennent à conduire conformément aux nouvelles règles de la société du XXIe siècle.

Je tiens à remercier Mme Bourragué, M. Mignon et vous-même, monsieur Gérard, de votre travail, dont nous nous sommes largement inspirés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. On compte 100 000 demandeurs d'emplois supplémentaires en quatre mois, dont 64 000 pour le seul mois de novembre 2008. Ces chiffres sont des plus inquiétants. La dernière note de conjoncture de l'INSEE fait état de 147 000 destructions d'emplois dans le secteur marchand pour le second semestre 2008 et prévoit 214 000 emplois en moins pour le premier semestre 2009.

Au regard de ces destructions d'emplois, comment ne pas relever que le nombre d'heures supplémentaires a augmenté de 34 % en un an et encore de 5,5 % au second trimestre 2008 par rapport au premier trimestre, quand, dans le même temps, la production reculait ? Il ne s'agit plus d'une politique pour l'emploi mais d'une gabegie de 5 milliards d'euros pour financer un système absurde qui n'existe qu'en France, seul pays au monde où l'heure supplémentaire coûte moins cher que l'heure normale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.)

Si la défiscalisation des heures supplémentaires était à nos yeux une erreur en 2007, elle est devenue aujourd'hui une faute contre l'emploi et contre les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et de nombreux bancs du groupe GDR.) En période de croissance, les heures supplémentaires – nous en avons débattu – sont probablement un frein à la création d'emplois, mais, ce qui est certain, c'est qu'en période de crise, elles sont une machine à créer des chômeurs. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Ma question est simple : allez-vous enfin comprendre que la mesure la plus urgente à prendre pour lutter contre la montée du chômage est la suppression de la défiscalisation et des allégements de cotisations dont bénéficient les heures supplémentaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Roy, je vous en prie, vos hurlements sont lassants !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Monsieur Vidalies, je réponds directement à votre question sur le lien entre les heures supplémentaires et les créations d'emplois.

Pardon de vous dire que cette question trahit soit une vision fausse, soit de la mauvaise foi, soit les deux en regard de la réalité du marché du travail. (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Bien sûr ! Les statistiques vous donnent raison !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Les heures sup' favorisent-elles ou non les créations d'emplois ? Je vais essayer de répondre très clairement sur ce point. Prenons les faits. Au premier trimestre de l'année 2008, l'économie française n'a jamais créé autant d'emplois alors qu'il n'y a jamais eu autant d'heures sup'. Ensuite, exemple qui montre bien que votre question n'est pas appropriée, certains des secteurs où l'on accomplit le plus d'heures supplémentaires sont ceux où l'on crée le plus d'emplois. C'est le cas du secteur des services à la personne, aujourd'hui principal moteur d'heures supplémentaires dans le pays !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Et il se trouve que, dans le même temps, il s'agit aujourd'hui de l'un des principaux secteurs créateurs d'emplois.

Enfin, monsieur Vidalies, si jamais les heures supplémentaires étaient responsables de la crise et des destructions d'emplois,…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…alors pourquoi le nombre de demandeurs d'emplois aurait-il augmenté de 50 % en Espagne ? Pourquoi le nombre de chômeurs aurait-il augmenté au Royaume-Uni dans une proportion trois fois plus importante qu'en France, alors que dans ces pays on n'a pas eu recours aux heures supplémentaires ?

Oui, monsieur Vidalies, nous voyons la réalité d'une manière différente. La conception que continue à défendre le parti socialiste – et elle est respectable – consiste à penser que la seule possibilité de créer de l'emploi est de partager le travail, à savoir partager une denrée rare. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Selon nous, au contraire, les emplois des uns créent les emplois des autres. (Même mouvement.)

Je réponds donc simplement : oui, les 35 heures ont provoqué de nombreuses destructions d'emplois ; oui, les heures supplémentaires préparent les emplois de demain. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Heures supplémentaires et création d'emplois

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés (nos 1360, 1365).

Avant de passer aux explications de vote, je donne la parole à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.

Debut de section - PermalienPatrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord exprimer mes remerciements aux présidents des commissions et aux commissaires pour la célérité avec laquelle ils se sont saisis de ce texte.

Permettez-moi aussi d'exprimer ma gratitude envers les rapporteurs, à vous bien sûr, madame de La Raudière, mais aussi à M. le rapporteur général et à vos collaborateurs, pour la qualité des analyses qui ont éclairé les débats.

Vous avez parfaitement souligné dans vos interventions la philosophie du plan de relance que le Gouvernement a préparé et qu'il vous a soumis.

J'en retiens plusieurs points.

Tout d'abord, la massivité et la rapidité du plan de relance. L'objectif est désormais clair : injecter 26 milliards d'euros dans l'économie nationale, dont les trois quarts en 2009. À cet égard, plusieurs intervenants ont insisté – soit pour en douter, soit pour en rappeler l'importance – sur la nécessité de produire des effets rapidement.

Au-delà de la disponibilité des crédits, il s'agit bien de mettre en place un suivi fin pour mesurer au mieux l'état d'avancement des opérations et leur effet de levier sur l'économie. C'est tout le sens de la création d'un ministère et d'une mission budgétaire dédiés à la mise en oeuvre du plan de relance.

Ensuite l'accent sur l'investissement de l'État, des collectivités locales, et des entreprises.

Investir est le meilleur moyen de créer de la demande, de fournir de l'activité aux entreprises, et donc de créer des emplois. C'est, en plus, une dépense qui prépare l'avenir en renforçant la compétitivité de notre pays.

L'examen du collectif budgétaire a permis d'illustrer cette priorité à l'investissement, au travers des discussions sur le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA. Je le répète, c'est un dispositif puissant, puisqu'il verra les collectivités locales qui investissent bénéficier de ce qui s'apparente à une subvention d'investissement de 2,5 milliards d'euros, et qui sort définitivement des caisses de l'État.

Ce choix de l'investissement est partagé par nos voisins européens, à l'exception du Royaume-Uni, du fait de sa situation économique différente, marquée par une faible protection sociale et un effondrement de la consommation, alors que notre système constitue un stabilisateur économique puissant et que notre consommation se maintient.

Dans ce contexte, je crois que l'examen des articles comme la discussion générale ont bien montré ce que nous voulions faire : assurer la relance par l'investissement, parce que celui-ci est un facteur durable de l'activité économique, et lever les obstacles aux projets de construction et d'investissement pour qu'ils puissent être accélérés.

L'important est maintenant d'aller vite.

C'est l'objet de ce projet de loi, qui porte un ensemble de mesures destinées à alléger certaines procédures administratives. Ce projet pragmatique, que vous avez enrichi, n'a pas d'autre ambition.

À cet égard, je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, pour l'attitude constructive que vous avez adoptée pendant les débats. Les discussions ont bien montré que nous partagions le souci d'aller vite sans dénaturer les procédures, sans en altérer l'économie ni les objectifs.

Debut de section - PermalienPatrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

Vos amendements ont permis d'améliorer le texte et permettront, à l'évidence, d'accroître l'efficacité du plan de relance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

C'est important, les amendements, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPatrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

Oui, c'est important. Et d'ailleurs, il y en a eu plusieurs. Je pense notamment à l'encadrement du délai des fouilles archéologiques, accompagné d'un renforcement des moyens de l'INRAP et des services agréés, pour ne pas retarder inutilement des programmes de construction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Voilà qui va relancer l'économie, c'est sûr !

Debut de section - PermalienPatrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

Je pense aussi à la création d'un régime de modification simplifiée pour les plans locaux d'urbanisme et à la création d'un rapport sur les procédures de leur révision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Avec ça, l'économie sera relancée en deux jours !

Debut de section - PermalienPatrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

S'agissant des marchés publics, vos propositions complètent utilement le projet de loi, avec une possibilité de délégation à l'exécutif pour la passation des marchés.

Sans oublier, bien sûr, l'assouplissement du régime de remise de dettes par les créanciers publics, afin d'éviter qu'une faillite n'en génère d'autres en cascades.

Debut de section - PermalienPatrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

Les deux projets de loi – le collectif budgétaire et le projet d'accélération – sont par nature très complémentaires. Leur enjeu est de la plus haute importance pour notre pays et pour nos concitoyens, qui attendent la mise en oeuvre du plan.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la situation est inédite et il y a urgence. C'est le sens même de ma mission. Ces projets me donneront les moyens de l'accomplir, et je suis évidemment à la disposition de votre assemblée et de vos commissions pour rendre compte régulièrement de son accomplissement, de son développement et de ses effets.

J'ajouterai que les élus ont un rôle capital dans la mise en oeuvre des projets à partir de chaque territoire, mais aussi dans le contrôle et dans le constat des effets, par le suivi.

Je compte sur vous. Notre pays doit nous trouver tous rassemblés,…

Debut de section - PermalienPatrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

…tous debout face à cette crise injuste, mais que nous affrontons avec courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est dans le cadre du plan présenté par le Président de la République le 4 décembre dernier à Douai que le projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés entend répondre à une crise qui n'est pas seulement nationale, mais bien mondiale.

Avec 26 milliards d'euros mobilisés par l'État pour la mise en oeuvre de ce plan de relance, auxquels il convient d'ajouter les mesures engagées par le Gouvernement depuis le début de la crise financière, ce sont au total 65 milliards d'euros qui vont être injectés dans notre économie.

Nous devons agir vite. C'est essentiel pour nos entreprises, pour l'emploi, pour notre pays. Le choix du Gouvernement est clair. Il ne s'agit pas de favoriser une relance de court terme contradictoire avec des objectifs de long terme. Il s'agit, bien au contraire, de porter notre effort prioritairement sur l'investissement, qu'il s'agisse de grands équipements, de programmes routiers et ferroviaires, de l'industrie – notamment l'industrie automobile, qui occupe 10 % des actifs –, ou encore du bâtiment.

J'observe d'ailleurs que ces orientations semblent être approuvées par l'opposition, puisque le principal, voire l'unique, reproche qu'elle formule est de ne pas en faire assez. Vous me permettrez donc de me réjouir du fait que, dans une situation aussi difficile, nous puissions avoir des objectifs communs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Les objectifs, oui ! Mais il faut s'en donner les moyens !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Oui, nous devons agir vite, pour assurer la création de 100 000 emplois nouveaux et préserver autant que possible ceux existants. La création du RSA et la revalorisation des prestations sociales en 2009 mobilisent 10 milliards d'euros du côté de la demande. Le volet solidarité et emploi du plan de relance comporte 2 milliards d'euros, incluant la prime à l'embauche pour les TPE et la prime de 200 euros, à compter d'avril 2009, pour les futurs bénéficiaires du RSA.

Avec le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts immobiliers, ce sont autant de mesures de soutien au pouvoir d'achat des ménages. L'augmentation du prêt à taux zéro, en 2009, ainsi que le cumul possible entre éco-PTZ et crédit d'impôt, adopté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009, participent de cette démarche.

C'est donc cet ensemble cohérent qu'il nous faut ici rappeler. Après le soutien financier aux banques, après la création d'un fonds stratégique d'investissement doté de 6 milliards d'euros, après un effort budgétaire exceptionnel au titre de la loi de finances rectificative adoptée la semaine dernière, après la publication de dispositions réglementaires – pas moins de neuf décrets – visant à simplifier diverses procédures comme l'extension de la durée de validité des permis de construire, après le relèvement de certains seuils prévus par le code des marchés publics et leur alignement sur les seuils européens, après la réduction des délais de paiement des collectivités territoriales, après la suppression du privilège de l'État en tant que créancier prioritaire, le projet de loi pour 1'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés constitue le volet législatif d'un plan beaucoup plus large.

Face à la crise grave qui affecte le logement, nous devons apporter trois réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

La première : construire un peu plus de logements sociaux dans les Hauts-de-Seine !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Cette crise du logement est tout de même un peu antérieure à tout cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Nous devons répondre à la demande, sauvegarder la filière de la construction et soutenir l'emploi. Pour cela, 100 000 logements, dont 70 000 sociaux et 30 000 VEFA, sont projetés. Faut-il rappeler ici que 100 000 logements, c'est l'équivalent de 170 000 emplois ?

Si la mobilisation des terrains publics pour mettre en oeuvre les projets particulièrement importants doit contribuer à la réalisation de ces programmes, nous serons également attentifs, monsieur le ministre, aux conclusions du rapport que le Gouvernement remettra au Parlement dans les prochains mois sur la simplification des procédures de révision et de modification des plans locaux d'urbanisme. C'est là une demande pressante des députés du groupe UMP, qui considèrent que l'accumulation de procédures très lourdes et pas toujours justifiées constitue un frein à la construction.

La simplification des procédures relevant de l'architecture préventive s'inscrit ainsi dans cette démarche.

Pareillement, l'amélioration des conditions de recours aux contrats de partenariat public-privé et la procédure négociée pour ces PPP accéléreront la réalisation d'équipements structurants, tels que les LGV.

De même, l'instauration d'un régime d'autorisation simplifiée pour les installations classées facilitera l'investissement dans certains secteurs industriels, tout en respectant bien entendu l'obligation de transparence et d'information du public. Nous y sommes aussi attachés que notre rapporteure Laure de La Raudière, qui a effectué sur l'ensemble de ce texte un travail remarquable, concentré sur un temps très court.

Nous soutenons enfin – j'allais dire évidemment – les propositions de simplification et de transparence des procédures de passation des marchés publics de notre collègue Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, comme nous nous félicitons de la démarche du Gouvernement visant à créer, par ordonnance, un code de la commande publique. C'était une initiative du président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, M. Patrick Ollier.

En conclusion, chacun l'a bien compris, le temps du diagnostic est passé, le temps de la délibération est achevé. Le temps de la décision exige donc une réponse à la seule question qui vaille désormais : pouvons-nous agir ? Oui, avec ce texte, nous aussi, nous le pouvons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi d'accélération des programmes d'investissement et de construction, sous des intitulés pleins de promesses, ressemble davantage, quand on y regarde de près, à un cache-misère (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP), ces misères inavouables dont vous rêviez et qui, à la faveur de la crise, sont aujourd'hui parées de mille vertus – sachant que dans votre camp, chers collègues, la vertu du plus fort est toujours la meilleure. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Ce projet autorise donc l'accélération de la vitesse dans certains domaines bien circonscrits, mais il autorise aussi – soyons clairs – tous les excès en supprimant tous les radars.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je vais en dresser la liste.

Suppression des garanties de consultation préalable du public pour les constructions urbaines en limite séparative ; la question ne sera donc plus de savoir quels seront vos voisins, mais d'accepter qu'ils puissent désormais habiter chez vous ! (Sourires.)

Suppression des enquêtes publiques pour l'autorisation de certaines installations classées pour l'environnement – les fameuses ICPE – parmi celles qui sont susceptibles de nuire à la santé et à l'environnement.

Suppression des éoliennes – si chères à Patrick Ollier (Sourires) – dès lors que le respect du paysage sera désormais invoqué comme argument massue.

Suppression de l'avis conforme des architectes de Bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ; de quoi avouez-le, mes chers collègues, relancer l'émission Chefs d'oeuvre en péril sur les chaînes publiques pour remplacer la publicité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suppression de la contrainte des fouilles archéologiques préventives, par l'imposition de délais raisonnables.

Suppression de l'étape de la commission d'appel d'offres pour la passation des marchés publics des collectivités.

Suppression des garanties des collectivités dans les contrats de partenariat, pour le plus grand bonheur des banques et des grandes entreprises du BTP.

Suppression de l'étape de déclassement des établissements hospitaliers mis en vente pour renflouer les caisses désespérément vides de ces hôpitaux.

Suppression, au profit de l'État, du droit de préemption urbain et du droit de priorité communale – qui sert à faire du logement social à moindre coût – dans les zones d'opérations d'intérêt général décidées par l'État. Ayons une pensée pour Saclay ou La Défense, chère à votre coeur, monsieur le ministre !

Suppression des droits du Parlement en matière de réforme des marchés publics et de la commande publique, quand, déjà, votre Gouvernement a modifié l'essentiel par décret.

Je poursuis la lecture de la liste : suppression annoncée de l'agrément nécessaire pour l'exercice des professions libérales, puisque, avec le statut de l'auto-entrepreneur – cher à M. Novelli – , désormais élargi à cette catégorie dans votre texte, n'importe qui peut faire et vendre n'importe quoi, en cumulant ce statut avec un salaire ou une retraite, en cassant les prix et en tuant les concurrents, qui, eux, respectent la qualification professionnelle et la contribution aux charges communes.

Où est donc la relance ? Où est donc ce plan d'ampleur tant attendu ? D'autant que son volet financier, que vous évoquiez à l'instant, monsieur le ministre, voté la semaine dernière, reste désespérément rachitique, puisque seuls 6 milliards d'euros sur les 26 annoncés sont du « vrai argent » abondé par l'État ; le reste ne relevant que de l'écriture comptable ou de l'avance de trésorerie.

Votre relance est-elle dans la facilitation de la remise de dettes des entreprises en difficulté, sachant que les banques, rassérénées – le mot est faible – par votre premier plan de sauvegarde et bientôt votre second, se refusent à jouer le jeu du financement de l'économie, tout en préservant des profits mirifiques, et toujours – comme disait la chanson – avec les mêmes présidents ?

Ce projet de relance des investissements est – permettez-moi cette franchise – significativement à côté de la plaque. Il est déconnecté de la vie politique, car dénué des mesures de bon sens nécessaires. Dans la précipitation la plus totale et sans jamais aller au bout, nous sommes passés à côté des enjeux essentiels : l'attitude dilatoire d'OSEO vis-à-vis des entreprises ; les tarifs de l'énergie – la vache à lait du moment au détriment des familles et des entrepreneurs ; la simplification honnête attendue des procédures, avec – nous l'avions proposé – le regroupement de toutes celles qui s'imposent aux acteurs économiques ; ne pas supprimer mais favoriser une instruction conjointe des procédures touchant à la santé, la sécurité, l'environnement et l'urbanisme dans un délai limité et raisonnable.

Ce projet est surtout déconnecté de la vie des gens. Il passe totalement à côté de la relance par la consommation, du pouvoir d'achat, de la création d'emplois, et – c'est le comble – il passe aussi, comme Jean-Yves Le Bouillonnec me le rappelait à l'instant, à côté de l'accélération de la construction de logements. Le mot « logement » a même disparu de l'intitulé du titre Ier !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Quel aveu !

En fait, vous donnez le change en additionnant des milliards toujours recyclés. Ce recyclage est d'ailleurs la seule compatibilité de ce texte avec le Grenelle de l'environnement. Mais, en réalité, vous profitez de la crise pour vous donner les coudées franches, et toujours au profit des mêmes.

Alors que la crise est née de l'absence de garde-fous, de régulation et de transparence, quand les maux dont nous souffrons collectivement viennent des dérives alimentant les profits de quelques-uns avec l'argent des autres, que faites-vous ? Vous enfoncez le clou.

La suppression des garde-fous et la dérégulation sèment déjà les graines desquelles lèvera la prochaine crise !

Par ce projet, profitant du fait qu'il est urgent et indispensable d'agir et d'agir vite pour dégripper la machine économique, ce que nous ne contestons pas, vous vous donnez les mains libres, au risque sérieux d'avoir un jour les mains sales, comme le dirait sûrement un chroniqueur célèbre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aussi, en toute lucidité, nous voterons contre ce texte, au mieux inefficace au regard des enjeux, au pire ouvrant la parenthèse du « laissez-nous régler nos petites affaires », dont on ne mesurera les effets négatifs et pervers que lorsqu'il sera trop tard. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre, notre collègue de l'UMP a fini son intervention, tout à l'heure, en disant que l'heure de la décision était maintenant venue.

Depuis le début de nos débats sur les différentes mesures dites de relance, une question reste désespérément sans réponse. Pourquoi continuez-vous à ignorer les ménages, les particuliers, les familles, en un mot les classes moyennes ?

Pourquoi refusez-vous obstinément toute mesure de relance de la consommation ? Vous dites et répétez que cela ne marcherait pas. D'un point de vue théorique comme d'un point de vue pratique, il est incompréhensible que vous ne preniez pas en compte le problème des revenus. Ce sont pourtant les revenus et le pouvoir d'achat des Français qui sont à l'origine de l'effondrement de pans entiers de l'activité économique en France.

Cela est d'autant plus choquant que vous avez multiplié, ces dix-huit derniers mois, les ponctions, les prélèvements divers et variés sur les classes moyennes : les franchises médicales, la taxe sur l'épargne populaire, la taxe sur les cotisations de mutuelle et tout récemment encore la taxe sur les factures de téléphone et d'Internet, auxquelles s'ajoutera peut-être encore la hausse de la redevance audiovisuelle. Dans le même temps, monsieur le ministre, vous ne manifestez aucun souci, contrairement à ce que vous avez dit à la fin de votre intervention, de répartir l'effort avec justice, puisque les plus hauts revenus et les plus grosses fortunes restent tranquillement à l'abri du bouclier fiscal.

Le plus incompréhensible est que vous refusiez de regarder ce que font nos voisins, toutes tendances politiques confondues, qui sont confrontés à la même crise.

La Grande-Bretagne a déjà pris des mesures pour les ménages et se concentre maintenant sur l'emploi, avec une mesure forte pour l'embauche des chômeurs. L'Allemagne, après avoir hésité, va maintenant débloquer un budget de 50 milliards d'euros, dont plus du tiers est directement affecté aux revenus des ménages. Aux États-Unis, le Président Barack Obama, avant son investiture, a proposé un plan de relance, dont la mesure phare est une aide de 1 000 dollars à chaque famille américaine.

Monsieur le ministre, nous ne souhaitons qu'une chose : que vous sortiez de votre approche dogmatique et que vous nous proposiez de nouvelles mesures le plus rapidement possible.

Nous faisons d'ores et déjà deux propositions simples : le doublement exceptionnel de la prime pour l'emploi et la revalorisation exceptionnelle des allocations familiales, comme cela se fait dans d'autres pays.

En ce qui concerne l'investissement public, vous auriez pu reprendre notre proposition – et je m'étonne que votre collègue M. Borloo, qui est aussi ministre de l'équipement, ne soit pas à vos côtés – de fusionner le plan de relance avec le Grenelle de l'environnement. Tous les investissements publics auraient dû, selon nous, reprendre les priorités du Grenelle. Les budgets publics auraient dû être exclusivement orientés vers des priorités simples, comme le logement, l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments ou les transports en commun urbains. Cela aurait été d'utilité écologique et sociale, et d'efficacité économique à court terme.

Au lieu de cela, vous nous resservez, malheureusement, les vieilles recettes – j'ai envie de dire les vieilles lunes – des pollueurs et des bétonneurs. En quoi le fait de remettre en cause les procédures pour les installations classées au titre de la protection de l'environnement créera-t-il un tant soit peu de développement et favorisera-t-il le développement durable ?

En quoi les modifications à la va-vite des plans locaux d'urbanisme permettront-elles de favoriser le logement ? Vous le savez, le logement, et notamment le logement social, a surtout besoin de financement. Je ne parle même pas des programmes des équipements militaires, dont on ne voit pas en quoi l'accélération va créer la moindre activité économique et sera de la moindre utilité sociale pour notre pays.

Pour toutes ces raisons et dans l'attente de vraies mesures de relance d'utilité écologique et sociale, de propositions concrètes pour répondre aux besoins urgents des Français, avec mes collègues verts, nous voterons contre ce projet de loi, comme le feront les députés communistes et les députés d'outre-mer du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons ici l'examen du plan de relance de l'économie, et c'est avec espoir et confiance que le groupe Nouveau Centre s'apprête à voter ce volet législatif d'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.

En effet, à situation urgente, mesures urgentes, voire exceptionnelles – cela a été rappelé tout à l'heure. Face à l'ampleur et à la rapidité de diffusion de la crise qui nous frappe, il fallait agir vite et proposer un plan qui soit à la hauteur des enjeux et des difficultés qui sont devant nous.

Alors, certes, l'avenir est encore incertain, et bien malin qui pourra prévoir ce qui nous attend en cette nouvelle année. Mais, en l'état actuel de nos connaissances, le plan de relance que vous nous proposez, monsieur le ministre, apparaît comme complet et équilibré. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

En effet, vous êtes parvenu à combiner à la fois un volet budgétaire, un volet réglementaire et un volet législatif, en accordant des moyens conséquents aux secteurs et aux acteurs les plus touchés, mais surtout à combiner mesures structurelles de relance de l'investissement et mesures plus ponctuelles de soutien au pouvoir d'achat. C'est bien par l'investissement que nous sortirons plus forts de cette crise. Et nous félicitons encore une fois le Président de la République d'avoir privilégié cette voie.

Mais c'est aussi par l'action de tous que nous en sortirons plus forts. Quand je parle de l'action de tous, je pense notamment aux régions, dont la relative bonne santé financière doit absolument être mise à contribution, ce qui est encore, malheureusement, loin d'être le cas. Elles doivent impérativement mettre en oeuvre, au plus vite, des programmes économiques destinés à soutenir nos PME, aujourd'hui confrontées à une très grande méfiance de la part du secteur bancaire.

Ce texte va donc dans le bon sens, je l'ai dit tout au long de la discussion. Pour autant, nous avons fait quelques suggestions quant à l'orientation des moyens et des efforts pour relancer l'investissement. Nous avons notamment évoqué les programmes de mise en accessibilité des bâtiments publics ou des opérations programmées d'amélioration de l'habitat. Nous avons été en partie entendus et, naturellement nous nous en félicitons. Ainsi, désormais, certaines procédures, aujourd'hui lourdes et qui freinent parfois les investissements, seront allégées, notamment en ce qui concerne l'avis des architectes de Bâtiments de France, obligatoirement conforme jusqu'à présent, qui allonge et bloque même certains projets d'investissement.

La simplification juridique est l'une des solutions efficaces et rapides pour relancer et accélérer l'investissement. Nous y souscrivons donc pleinement. D'autant que son impact sur le budget est généralement neutre, ce qui doit rester un objectif, même si la crise justifie aujourd'hui parfois quelques écarts.

Reste notre ultime proposition, de bon sens, qui permettrait une utilisation au plus juste de l'argent public : la mise en place d'une commission chargée du suivi et de l'accompagnement de ce plan de relance. Compte tenu de l'ampleur des moyens déployés, de la diversité des outils utilisés, des secteurs touchés et des acteurs concernés ainsi que d'une certaine méfiance, qui prévaut encore, quant à l'efficacité de ce plan, il semble normal que leur affectation et leur bonne utilisation soient contrôlées par les représentants de la nation. Nous ne désespérons pas, monsieur le ministre, d'être finalement entendus.

Quoi qu'il en soit, je le redis, c'est avec confiance que le groupe Nouveau Centre votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 530

Nombre de suffrages exprimés 528

Majorité absolue 265

Pour l'adoption 316

Contre 212

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à l'application de l'article 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n°s 1314, 1375).

La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pouvez-vous nous dispenser de vos commentaires, monsieur Roy ?

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, lorsque le Congrès, réuni à Versailles le 21 juillet 2008, a voté la plus ample révision constitutionnelle depuis 1958, il a ouvert un nouveau chapitre de notre histoire institutionnelle.

Le Président de la République avait pris l'engagement de moderniser nos institutions. Face au renforcement inexorable de la fonction présidentielle, avec l'élection au suffrage universel, le passage au quinquennat et l'inversion du calendrier électoral,…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

…il a voulu que le Parlement ait plus de pouvoirs pour un meilleur équilibre de notre démocratie.

Aujourd'hui, vous êtes saisis d'une nouvelle étape de la réforme parlementaire…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

avec le projet de loi organique pour l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution que j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Premier ministre, François Fillon.

Avant de modifier votre règlement, le constituant a souhaité que vous interveniez en tant que législateur organique dans trois domaines : les résolutions parlementaires, les conditions de présentation des projets de loi et l'exercice du droit d'amendement.

Ces dernières semaines, beaucoup de choses ont été dites au sujet de ce projet de loi. On a entendu dire, et on l'entend encore, que nous essayions de museler le Parlement !

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Avant d'en venir au projet de loi proprement dit, je voudrais rappeler quelques solides vérités qu'on essaie vainement aujourd'hui de travestir ou de faire oublier.

Avec la révision constitutionnelle du mois de juillet dernier, on a donné aux parlementaires que vous êtes un droit de veto sur bien des nominations du chef de l'État. Est-ce museler le Parlement ?

Avec la révision constitutionnelle, on vous a donné le pouvoir d'autoriser, par exemple, les interventions armées à l'étranger. Vous avez d'ailleurs déjà utilisé ce droit avant même l'application de la révision constitutionnelle sur l'Afghanistan, et vous aurez à le faire, dans les jours qui viennent, sur d'autres interventions militaires en Afrique, au Liban ou au Kosovo. Est-ce museler le Parlement ?

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Examiner le texte de la commission en séance publique représente une avancée considérable, qui avait été demandée par tous les groupes politiques. Tous avaient souhaité revaloriser le travail en commission, qui est un travail de fond. Eh bien, ce ne sera plus le texte du Gouvernement, mais le texte issu des travaux de la commission, qui sera soumis au débat dans l'hémicycle à compter du mois de mars. Est-ce museler le Parlement ?

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Que la conférence des présidents de chacune des deux assemblées puisse s'opposer à la déclaration d'urgence du Gouvernement sur un texte de loi, est-ce museler le Parlement ?

Limiter de manière drastique l'utilisation de l'article 49-3 – demande récurrente de l'opposition –, est-ce museler le Parlement ?

Faire en sorte que l'ordre du jour soit partagé représente une véritable révolution dans l'organisation du travail parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le ministre est révolutionnaire ! Le vent de la révolution est en train de souffler dans cet hémicycle !

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Oui, l'ordre du jour partagé est synonyme de davantage de pouvoirs pour le Parlement, en matière de contrôle comme en matière législative.

La révision constitutionnelle accroît considérablement les pouvoirs du Parlement. Le Gouvernement n'a qu'une seule ambition : permettre l'achèvement de la réforme parlementaire entamée par la révision constitutionnelle et revaloriser le travail des assemblées.

Lors de mon audition par la commission des lois, on m'a demandé pourquoi il était nécessaire de recourir à une loi organique et pourquoi il fallait le faire maintenant. N'aurait-on pas pu, comme certains le suggéraient, laisser les groupes politiques, la conférence des présidents ou le président de l'Assemblée décider de la mise en oeuvre de la réforme constitutionnelle sans passer par un texte organique ? Malheureusement ou heureusement, la réponse est biblique :…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

..la Constitution exige qu'un certain nombre de dispositions ne puissent être mises en place qu'après l'adoption d'une loi organique.

Grâce à ce texte, nous concrétisons un nouveau droit d'expression du Parlement.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Désormais, les assemblées pourront voter des résolutions. Elles exprimeront ainsi leur point de vue sans avoir à inscrire dans des textes de loi des dispositions sans portée juridique.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Voter des résolutions, c'est un nouveau droit pour les assemblées et pour les parlementaires.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Bien sûr, la loi organique se doit de respecter la Constitution et son article 34-1. L'intention du constituant est claire : la procédure des résolutions ne doit pas nous faire retomber – et personne ne le souhaite – dans les affres des républiques précédentes. Il ne saurait être question de s'en servir pour mettre en cause de manière détournée la responsabilité du Gouvernement ou la responsabilité individuelle des ministres ; d'autres dispositifs constitutionnels ont cette fonction.

Voilà pourquoi, comme l'article 34-1 de la Constitution le prévoit tout à fait explicitement, le Gouvernement a le droit de constater l'irrecevabilité des propositions de résolution qui reviendraient à mettre en cause sa responsabilité ou à lui adresser des injonctions. Sur ce point, nous ne faisons qu'appliquer la Constitution en la rappelant.

Mesdames et messieurs de l'opposition, quel sens y a-t-il dès lors à multiplier les amendements par dizaines, voire par centaines,…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

…pour remettre en cause une disposition qui se contente d'appliquer strictement la révision constitutionnelle votée par le Congrès ?

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Le deuxième apport fondamental de la loi organique consiste à fixer les conditions de présentation des projets de loi devant les assemblées. L'objectif est simple : lorsque vous êtes saisis d'un projet de loi, vous devez être en mesure de vous prononcer dans les meilleures conditions, en ayant parfaitement connaissance du droit existant, des options juridiques ouvertes et des conséquences attendues de la réforme qui vous est soumise.

On ne mesure pas nécessairement la révolution qui est en germe dans ces dispositions. (Sourires sur quelques bancs du groupe SRC.) Depuis 1789, notre système juridique est entièrement axé sur la loi, expression de la volonté générale. Il n'est pas question de revenir sur ce principe fondateur de notre République ; il s'agit au contraire de le revitaliser en faisant des lois de meilleure qualité, ce qui constitue l'objectif de tous les groupes. En effet, depuis plusieurs décennies, nous faisons trop de lois – quel que soit le Gouvernement et quelle que soit sa couleur politique –, des lois trop volumineuses et qui changent trop souvent. C'est là un mal français que chacun dénonce… avant de l'appliquer le plus tranquillement du monde.

Grâce aux études préalables souhaitées par nombre d'entre vous et qui permettront d'apprécier les conséquences d'un projet de loi, les administrations, le pouvoir exécutif et, naturellement, le législateur seront tenus de s'interroger le plus en amont possible sur l'intérêt de légiférer. Cela nous semble indispensable.

Votre commission des lois et son président et rapporteur, Jean-Luc Warsmann – auquel je veux rendre ici un hommage appuyé pour la qualité de son travail et de ses propositions –, ont souhaité aller plus loin, en précisant notamment le champ des documents d'évaluation préalable. Le président Warsmann le sait, le Gouvernement voit d'un oeil favorable ces avancées, qui renforcent encore le pouvoir d'évaluation et de contrôle des parlementaires.

Soyez assurés que le Gouvernement et les administrations croient en cette réforme, s'y préparent et la mèneront à bien sans état d'âme. Vous aurez du reste la possibilité de contrôler très strictement le respect par le Gouvernement de cette nouvelle obligation, qui constitue aussi un nouveau droit pour le Parlement. Ainsi, votre conférence des présidents pourra refuser l'inscription à l'ordre du jour d'un texte qui ne respecterait pas les nouvelles obligations de présentation et d'information des parlementaires. En cas de divergence de vues entre votre conférence des présidents et le Gouvernement, le Conseil constitutionnel tranchera : voilà encore une nouvelle garantie pour le Parlement.

J'en viens au dernier chapitre de ce projet de loi, qui contient les articles les plus commentés, relatifs au droit d'amendement. Que n'a-t-on entendu à ce sujet ! On a parlé de projet « dangereux », « liberticide », « antidémocratique » – j'en passe et des meilleures. Au lieu d'user de ces termes à la légère, étudions la question d'un point de vue non seulement technique, mais également politique : voyez comment les choses se sont passées.

Tout d'abord, une évidence : l'article 44 de la Constitution exige une loi organique. Je le rappelle à ceux qui nous ont interrogés sur l'utilité de l'article 13 de la loi organique par rapport à un accord direct entre les groupes politiques sous l'autorité du président de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Certes, mais il a été inscrit à l'article 44.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Pour des raisons constitutionnelles, nous ne pouvons donc faire l'économie de cette étape avant que vous ne réformiez vos règlements.

Ensuite, nous nous fondons sur un choix politique clairement assumé par le Président de la République et par le Gouvernement : il faut revaloriser le Parlement en respectant le principe constitutionnel essentiel de la sincérité et de la clarté du débat parlementaire. Il faut que les Français puissent mesurer clairement les enjeux des débats qui ont lieu dans l'hémicycle.

Ce chapitre III obéit à quatre idées principales. Tout d'abord, il s'agit de permettre, comme aujourd'hui, que le dépôt des amendements soit soumis à des délais. C'est l'une des conditions de la bonne organisation des travaux en séance publique : chaque parlementaire doit pouvoir voter en connaissance de cause, monsieur le président.

Deuxièmement, il s'agit de préserver la capacité naturelle du Gouvernement à faire entendre sa voix en commission, comme aujourd'hui en séance, afin de tenir compte du rôle désormais essentiel des commissions. En effet, si c'est le texte de la commission qui est discuté dans l'hémicycle, le Gouvernement doit naturellement pouvoir être présent en commission plus qu'il ne l'est aujourd'hui, afin de débattre avec les élus de tous les groupes de l'évolution du texte et de ses modifications par voie d'amendement.

Troisièmement, il s'agit de permettre l'institution de procédures simplifiées pour des textes qui ne se prêtent pas à la polémique. En effet, rien ne sert d'encombrer l'ordre du jour par de tels textes.

Je sais que cette idée, que traduit l'article 12, a parfois pu inquiéter – à tort, je l'affirme très sincèrement. La procédure simplifiée a été proposée par le comité pluraliste présidé par Édouard Balladur. Il ne s'agit pas d'une nouveauté : elle existe déjà ; du reste, le président Fabius lui-même avait tenté de la revivifier il y a une dizaine d'années. Elle n'a pas vocation à s'étendre à tous les textes ou à conduire à une quelconque limitation du droit d'amendement en séance. Il s'agit simplement de faire en sorte, dans certains cas, de ne pas encombrer l'ordre du jour de la séance publique ; rien de plus. À cet égard, les solutions proposées par votre commission des lois sont de nature à lever les ambiguïtés. J'en remercie de nouveau le président Warsmann.

Quatrièmement, il s'agit naturellement de permettre aux règlements des assemblées d'attribuer une durée programmée à certains débats législatifs. Je préfère du reste la notion de durée programmée, avancée, si je ne me trompe, par le président Accoyer, à celle de temps global, qui n'a pas à mes yeux la même portée.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Pas du tout.

Les nouveaux pouvoirs du Parlement sont une réalité constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La guillotine déguisée reste la guillotine !

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Mais le Parlement doit pouvoir les exercer véritablement et totalement. Il ne faudrait pas que, de manière paradoxale, l'institution parlementaire se trouve paralysée par l'obstruction – qu'elle vienne de gauche ou de droite : tout le monde s'accorde à reconnaître que, depuis un peu plus de vingt-cinq ans, les différents groupes politiques, lorsqu'ils appartenaient à l'opposition, ont utilisé cette méthode. Nul ne conteste donc que la droite a elle aussi cédé, en son temps, à la tentation d'y recourir ; il n'est pas question de prétendre que certains l'ont fait et d'autres non.

Avec l'ordre du jour partagé, l'agenda parlementaire devra être beaucoup plus prévisible, sans quoi le système serait tout entier menacé de paralysie. La confusion qui en résulterait ferait courir un véritable risque à nos institutions. Introduire la possibilité d'une durée programmée des débats relève donc non d'une convenance politique, mais d'une nécessité institutionnelle. Vos travaux doivent être mieux organisés, grâce à une meilleure répartition des tâches entre la séance et la commission, dont le rôle sera désormais fondamental. Voilà pourquoi la révision constitutionnelle a imposé un délai de six semaines, bien plus long qu'aujourd'hui, avant la première lecture. Dans l'hémicycle, il faut naturellement se concentrer sur l'essentiel. Tel est le sens des délais prévus par la réforme constitutionnelle, en particulier les délais de transmission.

Il faut que cessent ces séances au cours desquelles on passe nuitamment en revue des centaines d'amendements sans avoir pu les examiner correctement, après avoir passé un temps fou – pardon de le dire – en rappels au règlement, en suspensions de séance et en discours dilatoires de toute sorte, pour renoncer finalement à discuter bien des amendements, alors même que la durée programmée n'est pas en vigueur !

Il faut aussi que chaque député puisse mieux répartir son travail entre la séance et sa circonscription. Combien de fois avons-nous entendu ici même, depuis le banc du Gouvernement – avec quelque délectation, je le reconnais –, le président de séance déclarer qu'un amendement tombe parce que, les débats ayant traîné, son auteur n'est plus là ? S'agit-il d'une bonne organisation du travail parlementaire ? Je ne le crois pas.

J'entends dire que la durée programmée – dont vous discuterez entre vous, sous l'autorité non du Gouvernement, mais du président de l'Assemblée nationale – serait antidémocratique. Était-ce le cas lorsque Léon Blum en a eu l'initiative après la Première Guerre mondiale et l'a fait adopter en 1935 ?

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Était-ce le cas lorsque Vincent Auriol l'a proposée après la Seconde Guerre mondiale et que Gaston Defferre l'a instaurée ?

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Était-ce le cas lorsque le député socialiste Jean Minjoz en a reparlé en 1952 ? Est-ce le cas lorsque Guy Carcassonne, qui fut conseiller parlementaire de Michel Rocard, en parle comme d'un moyen de mieux voir, de mieux entendre, de mieux comprendre le débat parlementaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Est-ce à dire que le Royaume-Uni, où est né le Parlement…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

…et où de telles procédures sont en vigueur, ne serait plus une démocratie ?

Était-ce antidémocratique de la part du président du groupe socialiste au Sénat, M. Bel, que de formuler cette proposition en 2007, évoquant la possibilité de rééquilibrer les pouvoirs en restreignant ou en supprimant l'article 49-3…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

…et en apportant d'autres modifications qui ont été appliquées dans l'intervalle et concernaient notamment les pouvoirs des commissions ? Il allait bien plus loin que nous, puisqu'il proposait que le Gouvernement, et non la conférence des présidents et tous les groupes, fixe le temps global.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Mais c'était parce qu'il proposait de supprimer le 49-3 !

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Rassurez-vous, le droit d'amendement sera préservé ; vous pourrez toujours déposer vos amendements en commission, puis en séance. La loi organique prévoit en outre que, si la durée programmée des travaux est achevée, vos amendements seront bien mis au vote, quoi qu'il arrive.

Quant à l'obstruction – dont nous sommes hélas témoins aujourd'hui encore, puisque des milliers d'amendements à cette loi organique ont été déposés, répétitifs ou semblables…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

…et sur lesquels je préfère ne pas revenir, tant ils sont étrangers au débat de fond sur le travail parlementaire –, elle peut faire les délices de telle ou telle communication ou l'empoisonner. Mais, sincèrement, essayons tous ensemble de défendre une vision du travail parlementaire qui convainque les citoyens que le Parlement, quelles que soient les opinions des parlementaires et des groupes, oeuvre au mieux-être des Français et mène les débats fondamentaux sur le pouvoir d'achat, l'emploi et les grands sujets qui les concernent, grâce à la conviction et à l'autorité de chacune et de chacun d'entre vous. En toute franchise, le Parlement doit évoluer vers un travail programmé, mais aussi plus visible, plus lisible, plus compréhensible pour nos concitoyens.

Je rappelle que la loi organique n'impose rien : elle ouvre une voie que vous choisirez ou non d'emprunter lors de la réforme de votre règlement. Nous sommes naturellement favorables à une durée programmée des débats, car telle est la logique même de notre nouvelle organisation institutionnelle. Mais il vous appartiendra d'en définir les modalités, afin de préserver les droits de l'opposition, ceux des groupes minoritaires comme ceux de la majorité – ces droits que nous avons inscrits pour la première fois dans la Constitution en juillet 2008. Comme l'ensemble du Gouvernement, comme le Président de la République, je fais entièrement confiance au président Accoyer et à tous les présidents de groupe – j'y insiste – pour trouver, après le vote de cette loi organique, les moyens d'une meilleure organisation de vos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le président Accoyer est élu ! Laissez donc l'Assemblée nationale réglementer elle-même ses travaux !

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Lançant à Épinal, le 12 juillet 2007, ce vaste mouvement de réforme institutionnelle, le Président de la République déclarait que « les institutions sont la réponse que chaque peuple tente d'apporter pour lui-même à l'éternelle question du pouvoir ».

La réponse que nous apportons aujourd'hui est claire : nous voulons une Ve République plus démocratique et plus équilibrée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous voulons un Président qui agisse avec son Gouvernement, conformément au mandat démocratique que le peuple lui a confié.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Nous voulons un Parlement qui légifère mieux,…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

…qui contrôle plus et qui soit plus respecté.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Telle est notre seule ambition ; nous vous proposons de la partager tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, nous allons débuter l'examen de la deuxième loi organique permettant de donner toute sa réalité à la révision constitutionnelle du 23 juillet dernier. Je tiens à remercier le ministre d'avoir défendu ce projet de loi organique, qui représente une occasion si attendue, si heureuse et si historique d'améliorer notre travail parlementaire.

Le vote de cette loi organique est l'avant-dernière étape avant la modification de notre règlement, préparée par les groupes de travail qu'anime notre président, Bernard Accoyer.

Quelles que soient leur sensibilité politique et leur position dans les institutions, magistrats, professeurs de droit, parlementaires dénoncent tous, depuis des années, la boulimie législative de notre pays. En 1990, nous avons passé le seuil des mille pages de lois nouvelles votées en une année ; dix ans après, nous dépassions les mille cinq cents pages : 1 660 en l'an 2000, pour atteindre, en 2006, deux mille pages de lois nouvelles votées en un an, soit une modification de plus de 10 % des articles des codes de notre droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

On ne peut plus continuer à produire de telles quantités de lois ! Nous avons besoin de voter moins de lois, mais des lois mieux préparées et moins longues, moins bavardes et plus ramassées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Notre pays, notre économie, nos entreprises ont besoin d'un droit plus stable, qui soit moins fréquemment modifié. Tel est l'objectif du projet de loi organique sur lequel nous allons débattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Le débat porte d'abord sur la manière de mieux préparer les lois qui nous sont proposées. Je voudrais ici rendre hommage à Alain Juppé, ancien Premier ministre. En 1995, il avait initié cette démarche par une circulaire qui, hélas, n'a pas pesé du poids nécessaire face aux traditions, face aux hautes administrations et à leurs habitudes.

Mais nous avons su prendre, le 23 juillet dernier, la décision d'imposer dans la Constitution un mécanisme qui rend obligatoire les études d'impact. Monsieur le ministre, vous avez parlé de révolution en germe : c'est une révolution totale ! En effet, après le vote de la loi organique, le Gouvernement qui viendra nous soumettre un projet de loi devra l'assortir d'une étude portant sur plusieurs points.

Il devra d'abord présenter l'état du droit qu'il entend modifier, les lois et les textes d'application en vigueur, ce qui permettra notamment de vérifier si les textes d'application des lois précédentes ont bien été pris. Son étude devra évidemment intégrer le droit européen, car on ne peut plus travailler en faisant abstraction des règles européennes.

Le Gouvernement devra également présenter le raisonnement qu'il a suivi pour atteindre ses objectifs. Parmi les solutions possibles, pourquoi est-ce la voie législative qu'il a choisie, alors que la modification d'un ou deux décrets, ou bien le développement d'une politique contractuelle avec les collectivités locales aurait permis d'atteindre le même objectif ? Il devra justifier son choix et apporter la démonstration que le rapport qualitéprix de la loi est plus avantageux que celui des solutions non législatives.

L'étude devra enfin proposer un bilan du coût et des bénéfices attendus de la nouvelle loi. La commission des lois a tenu à ce que ce bilan soit extrêmement détaillé, pour l'ensemble des catégories d'administration publique. Combien va coûter ou faire économiser la nouvelle loi à l'État ? Même question pour les collectivités locales, les administrations de sécurité sociale, mais aussi pour le secteur privé. Sur ce dernier point, l'un de nos amendements propose d'insister tout particulièrement sur les petites et moyennes entreprises, largement touchées aujourd'hui par les politiques européennes. Combien de fois, en effet, avons-nous voté ici des amendements ou des lois en croyant introduire des dispositifs simples, et combien de fois, six mois ou un an après, nous sommes-nous fait interpeller dans nos circonscriptions par des professionnels nous reprochant la complexité des dispositifs mis en oeuvre ?

Avec la loi qu'il nous soumet, le Gouvernement devra nous présenter non seulement ses calculs mais – et c'est l'objet d'un de nos amendements – la méthode qu'il a utilisée. Nous ne voulons pas en effet qu'il nous assène que le texte coûtera dix millions d'euros à l'État ; nous voulons connaître le détail de ses calculs : la réforme va générer trois cent mille dossiers par an, chaque dossier nécessitant quatre heures de travail par fonctionnaire, soit tant d'argent.

Que ces chiffres soient mis sur la table constitue une révolution, car je prends le pari devant vous qu'à l'avenir, un ministre qui viendra présenter un nouveau projet de loi s'attachera au moins autant l'étude d'impact qui l'accompagne qu'au dispositif technique. Je prends aussi le pari que, lorsque nous débattrons désormais d'un projet de loi, nos débats porteront davantage sur les modalités d'application de la loi et sur son coût que sur les principes, qui nous font parfois dériver vers l'idéologie. Nous sortirons du manichéisme pour aller vers plus de pragmatisme.

La commission des lois a adopté plusieurs amendements qui enrichissent le texte et limitent les exonérations d'études d'impact qu'il prévoyait initialement. Nous pensons en effet que les lois de programmation doivent également s'accompagner d'études d'impact, ainsi que les dispositions comprises dans les lois de finances ou les lois de financement de la sécurité sociale. Une réforme des dotations des collectivités locales, par exemple, peut figurer dans une loi de finances ; or elle nécessite évidemment une étude d'impact. De la même manière, si l'on veut toucher au bouclier fiscal, intégré dans une loi de finances, cette modification doit faire l'objet d'une étude d'impact.

C'est une saine manière de raisonner. Il ne s'agit pas d'imposer au Gouvernement des obligations nouvelles mais de s'assurer que chaque nouveau texte qu'il produit est l'aboutissement d'un raisonnement qui doit nous être exposé.

Nous tenons également à ce que les amendements gouvernementaux fassent eux aussi l'objet d'une étude d'impact. Rendre ces études obligatoires pour les projets de loi n'aurait aucun sens si le Gouvernement pouvait ensuite déposer sur son texte des amendements sans en justifier le coût.

Ce dispositif va donc profondément modifier la manière de préparer les lois dans notre pays, ce qu'attendent de très nombreux citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Un amendement de la commission des lois va également combler un manque en permettant à l'auteur d'un amendement de demander à son sujet une étude d'impact aux services internes de l'Assemblée. Nous savons tous que, tout en le jugeant fort sympathique, le Gouvernement peut repousser un de nos amendements au prétexte qu'il évalue son coût à 50 millions d'euros, sans que nous ayons aucun moyen de vérifier si c'est bien 50 et non 15 millions d'euros. Nous devons donc nous doter d'un outil qui nous permette de réagir avec pragmatisme aux études impact.

Mieux préparer les lois : telle est la première ambition de la réforme ; la seconde consiste à mieux les voter. Peut-on dire aujourd'hui à nos concitoyens que la manière dont le Parlement français vote les lois est parfaite, alors que, depuis plusieurs années, les dérapages sont évidents ? Au cours des premières législatures de la Ve République le nombre d'amendements examinés se situait entre 5 000 et 50 000 ; lors de la dernière législature, ils étaient plus de 200 000 ! Pourquoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Mes chers collègues, la démocratie commence par le respect et l'écoute. Je vous écouterai consciencieusement ; merci d'avoir la même attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Pourquoi donc en sommes-nous arrivés là ? Disons-le, c'est d'abord parce que les députés ont davantage de moyens pour recruter des collaborateurs, et c'est aussi grâce à l'informatique, car il est désormais très simple pour un collaborateur de député de changer un mot dans un amendement pour produire plusieurs centaines d'amendements. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Est-ce vraiment une bonne manière de travailler ? Les Français savent-ils que, lors de l'examen d'un texte en commission, le député découvre, en arrivant à neuf heures et demie le matin, le paquet d'amendements qu'il va devoir voter dans les minutes qui suivent, sans avoir eu le temps d'y travailler ? Savent-ils qu'à quatorze heures trente cet après-midi, la commission des lois s'est réunie et que, en vingt-cinq minutes, elle a examiné plus de 3 000 amendements ? Cela n'a plus aucun sens ! C'est un jeu de rôles, du théâtre ou du cinéma ; cela n'a rien à voir avec le vote sérieux d'une loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ce n'est pas un gain de temps que nous attendons de cette réforme, mais avant tout un gain d'efficacité et un recentrage des débats autour des vrais sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Prenons le rythme d'examen de nos lois. Que se passe-t-il aujourd'hui si l'opposition a décidé de déposer 5 000, 10 000 ou 20 000 amendements ? Elle commence rituellement par faire usage de toutes les motions pour expliquer, d'abord, que la loi est contraire à la Constitution, même si elle n'a aucun argument pour cela, ce qui prend déjà trente minutes. Elle dépose, ensuite, une question préalable au prétexte qu'il ne faut pas légiférer, alors que tout le monde est conscient du contraire, mais, là encore, ce sont trente minutes de perdues. Et, pour perdre encore davantage de temps, il lui arrive même d'aller jusqu'à exhumer du règlement la poussiéreuse motion référendaire. Vient enfin le renvoi en commission…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Pourquoi ne pas nommer les députés pour éviter les élections ! C'est le retour du général Boulanger !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Mes chers collègues, la démocratie commence par le respect et l'écoute. Permettez-moi donc de poursuivre mon exposé.

Après les motions, vient la longue litanie des amendements, avec parfois des dizaine voire des centaines d'amendements portant articles additionnels avant l'article 1er, d'où il résulte qu'après des heures de débat, nous ne sommes toujours pas entrés dans le vif du sujet parce qu'il nous a fallu écouter chaque collègue ayant déposé un amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Cela ne vous a jamais empêcher de faire voter vos lois !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Un jeudi soir enfin, une ou deux semaines plus tard – à l'approche de Noël pour le projet sur l'audiovisuel –, les députés de l'opposition commencent à être fatigués, et on décide alors, dans un couloir, d'accélérer la cadence. Si nos discussions s'y prêtent, je vous fournirai les tristes statistiques, mais sachez qu'alors, dans les dernières heures du débat, l'Assemblée discute de 50, 100 ou 200 amendements à l'heure, ce qui signifie qu'elle ne fait plus son travail parlementaire et qu'il n'est plus débattu d'aucune des difficultés soulevées par les auteurs des amendements, parce que l'on a perdu un temps précieux en jeux de rôles et en utilisations abusives du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Même si cette réforme de la loi organique et du règlement ne nous fait pas gagner une heure de temps, l'important est qu'elle améliore la qualité de nos travaux et que les lois qui sortent de l'hémicycle soient mieux débattues, car les députés et les groupes auront librement choisi les points essentiels dont il fallait discuter plutôt que de jouer avec les astuces du règlement.

Il y a quelques années, une députée de la majorité a cru devoir défendre une motion de procédure pendant plus de cinq heures à cette tribune. Dans les semaines qui ont suivi, tous les députés étaient d'accord pour mettre un terme à ces excès, et c'est une majorité de gauche qui a limité à une heure trente la durée des motion, tandis qu'une majorité de droite les réduisait encore à trente minutes par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

On n'avait pas eu besoin de loi organique pour cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

En ce qui concerne les amendements, en revanche, rien n'avait été fait. Malgré quelques tentatives sous la précédente législature, nous nous en tenons à ce raisonnement juridique que, pour ma part, j'ai toujours trouvé bizarre et selon lequel au droit de chaque député de proposer autant d'amendements qu'il le souhaite est lié un autre droit, celui de défendre son amendement pendant cinq minutes. Ce raisonnement ne reposait sur rien, et c'est ce verrou que nous levons avec la révision constitutionnelle.

La loi organique prévoit une date limite de dépôt des amendements avant leur examen en commission, afin que les parlementaires aient le temps de les étudier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Qui vous empêche de le faire dès aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Elle comporte également une disposition permettant de programmer nos travaux, comme cela se fait dans les parlements des démocraties modernes et, au premier chef, au Parlement britannique et au Parlement européen.

Je regrette que la politique politicienne se soit emparée du sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Mais je prends devant vous un pari : quand nous aurons fini ce travail, quand nous aurons révisé le règlement, quand nous aurons mis en place cette procédure programmée qui permettra à un député qui voudra défendre son amendement de savoir quand l'amendement sera appelé et d'être là pour le défendre, eh bien ! nous aurons une procédure dont tous les gouvernements, toutes les majorités, se serviront dans les décennies à venir. Nous aurons tout simplement réparé une erreur malheureuse faite en 1969, quand cette disposition héritée des républiques précédentes a été malencontreusement supprimée de notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous n'y arriverez pas ; vous ne nous ferez pas taire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Soyez bien conscients, mes chers collègues, que cette révision de la loi organique est une étape extrêmement importante, une occasion historique comme il ne s'en présente pas plus que tous les dix ou quinze ans dans l'histoire des institutions d'un pays. C'est l'occasion de mieux préparer les lois, de mieux les délibérer, d'offrir à nos concitoyens un système juridique plus stable, avec des lois moins longues, moins importantes, moins bavardes. C'est vraiment une cause à laquelle nous croyons.

J'espère que nous serons le plus nombreux possible à soutenir ce texte ; en tout cas, je veux dire à toutes celles et à tous ceux qui le soutiendront qu'ils pourront être fiers de leur vote ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

On respecte l'orateur, monsieur Warsmann, on ne fait pas son courrier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je voudrais vous convaincre, en entamant ce débat, qu'il n'est ni technique, ni partisan. C'est la parole d'un parlementaire qui a connu toutes les configurations politiques dans cet hémicycle que je vous invite à écouter. Ce ne sont pas les craintes du président d'un groupe d'opposition qui me poussent à m'exprimer ce soir ; si je suis à cette tribune, c'est pour alerter chacune et chacun d'entre vous, qui représentez la nation, du danger de certaines dispositions que leurs auteurs présentent comme des mesures de bon sens.

J'ai été le président d'un groupe majoritaire. Ce que vous ressentez parfois, je l'ai ressenti comme vous. Comme vous, j'ai dénoncé la multiplication des amendements, les fameux « amendements cocotiers » – expression due aux pratiques de M. Toubon lors du débat sur la loi des nationalisations. Comme vous, il m'est arrivé de ronger mon frein lorsque l'opposition d'alors – c'est-à-dire vous, mesdames et messieurs les députés de droite – monopolisait la parole, et que la consigne sur nos bancs était de ne pas répondre aux provocations. Comme vous, j'ai été requis en pleine nuit pour assurer une majorité dans l'hémicycle. Comme vous, j'ai terminé certaines séances excédé par la longueur des échanges.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est un fait : le soutien dû au Gouvernement agit parfois comme une camisole d'ennui sur le député de la majorité. Pour autant, je n'aurais jamais imaginé qu'on ose revenir sur le droit de chacun d'entre nous à exprimer une position personnelle ou de groupe, à travers le dépôt et la défense des amendements. C'est là une conviction profonde que je veux ce soir défendre devant vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je me souviens, à ce propos, de la leçon que prodiguait l'un de vos glorieux prédécesseurs, qui a été pour beaucoup d'entre vous un modèle.

Lorsque Pierre Mazeaud rencontrait les nouveaux députés de son groupe, il les implorait de ne pas déserter le travail de discussion sur les textes ; il leur demandait de ne pas s'en tenir au caractère formel des discussions générales ; il demandait aux députés de son groupe d'insister « sur toutes les possibilités d'intervention existant lors de la discussion des articles d'un projet ou d'une proposition de loi ; il y a les amendements, » disait-il, « les sous-amendements, sans négliger les interpellations du ministre, du rapporteur, de l'auteur de l'amendement ».

Préserver, entretenir cette flamme démocratique, cette passion commune du débat, est notre devoir commun. C'est de cela qu'il s'agit, et non d'un débat technique ou d'opportunité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La liberté de discussion parlementaire est incompatible avec les concepts de forfait-temps et autre crédit global. C'est ce que nous dit Pierre Mazeaud ; comment ne pas l'entendre ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Cette conception-là de la démocratie parlementaire n'est, hélas ! pas celle de l'actuel Président de la République. C'est bien là tout le problème : cette réforme a été écrite sous la dictée de l'Élysée, dont le secrétaire général a même reconnu vous avoir mandaté, monsieur le président de la commission, pour faire passer cette réforme ici, dans notre assemblée – mais il paraît que vous l'avez démenti.

Le temps que défend aujourd'hui M. le secrétaire d'État, c'est en réalité le rythme que lui a recommandé son frénétique Président : le temps dans lequel vit Nicolas Sarkozy – nous l'avons tous compris depuis longtemps – est celui des annonces. À chaque jour son message, son image ! Dans ce tourbillon médiatique, chaque image doit tout à la fois marquer les esprits pour donner l'illusion de l'action et chasser la précédente pour empêcher tout suivi et toute contestation.

Chaque semaine, depuis son élection, Nicolas Sarkozy s'efforce d'imposer l'agenda politique. Il veut avoir le choix du thème pour conserver la main : c'est vrai, le Président de la République aime les annonces. Mais le Président de la République n'aime pas que l'on fouille derrière ses mots.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

On voudrait vous entendre parler du fond ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Comme tous les illusionnistes, il a ses trucs ; pour les préserver, il veut maintenir la distance avec le public. C'est pourquoi il faut sans cesse aller vite, ne jamais s'arrêter, fixer l'attention sur le tour suivant ! C'est pourquoi, vous l'avez compris, les débats parlementaires doivent aller vite.

La semaine dernière encore, les annonces relatives à la suppression du juge d'instruction ont eu pour effet de braquer les projecteurs sur une proposition inattendue, alors que le Parlement débattait d'un plan de relance que tout le monde s'accordait à juger insuffisant, voire contestable. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est cela, la réalité que vivent les Français, et dont vous voulez les détourner par une accélération de l'annonce et de la procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur Jacob, je comprends votre impatience, comme je l'ai souligné tout à l'heure – mais c'est bien cela le fond.

Ce plan de relance, souvenez-vous, était le septième annoncé depuis le discours de Toulon au mois de septembre. Sa vertu, sa seule vertu, c'est l'affichage d'un Gouvernement en mouvement ; mais sa faiblesse, c'est d'empiler plus d'illusions que de milliards. Il ne fallait donc surtout pas laisser se déployer la critique de l'opposition.

Une fois le Vingt heures passé, je suis désolé de dire que c'est le Parlement que vous voulez éteindre. C'est bien cela le drame. Le temps de Nicolas Sarkozy, c'est celui des spin doctors, du marketing électoral, de la politique spectacle. Son horizon ne dépasse pas une journée ; eh bien le temps que je veux défendre devant vous – et j'en viens au fond, monsieur Jacob –, ce n'est pas le même : c'est le temps du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est le temps de l'analyse des textes, de leur évaluation. C'est le temps des auditions qui permettent la contre-expertise. C'est le temps de la confrontation entre une majorité et une opposition qui, par leurs échanges, font vivre la démocratie. C'est le temps de la délibération collective, qui permet de corriger, d'amender, d'améliorer une copie forcément imparfaite du Gouvernement. C'est le temps des commissions, bien sûr, le temps du débat public dans l'hémicycle, des motions de procédure et de la discussion générale. Mais c'est surtout le temps du débat d'amendements.

Car le débat d'amendements, c'est le moment de l'interpellation directe. Ici, la confrontation est sans filtre : Gouvernement, commission, majorité, opposition, chacun est placé devant ses contradictions – ou tout au moins devant ses contradicteurs.

Sans parlement, la vie politique ne serait qu'une suite de monologues. Où alors aurait lieu la confrontation ? La vie politique ne peut se limiter à un échange de communiqués entre la rue de La Boétie et la rue de Solférino ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La seule question qui vaille, c'est celle de la revalorisation de nos travaux.

Alors, j'entends déjà vos contestations. Vous me direz, et c'est l'objet du crédit-temps : le Parlement doit être au diapason de la vie, il doit aller plus vite, sans cesse plus vite ! J'entends ; j'entends, mais je conteste. Je vous demande d'y réfléchir avec moi.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

On veut juste que vous parliez du fond, du contenu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je conteste d'abord la lenteur supposée du Parlement : vous ne pouvez vous féliciter à la fois d'un record de lois votées en dix-huit mois et vous plaindre d'une obstruction qui bloquerait vos réformes. Il faut choisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Depuis le mois de juin 2007, chaque texte – écoutez les détails : la réalité s'y cache – a fait en moyenne l'objet de dix heures de débats, contre douze lors de la précédente législature.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Et qu'est-ce qu'il en dit, le président Warsmann ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je rappelle qu'en trente ans, sept textes seulement ont fait l'objet de plus de cent heures de débats. Et pour ceux qui auraient perdu la mémoire, ce fut à quatre reprises à l'initiative de la droite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est donc que les excès qu'on ne cesse de dénoncer sont en réalité très largement limités ! M. le rapporteur l'a rappelé : le règlement de l'Assemblée a été modifié pour limiter la durée des motions de procédure. La déclaration d'urgence désormais systématique a privé les assemblées d'une deuxième lecture sur tous les textes importants. Pour les autres projets de loi, la concordance des majorités à l'Assemblée nationale et au Sénat a permis la multiplication des votes conformes, ce qui a eu pour effet, là encore, de supprimer de nombreuses navettes pour vous permettre d'aller vite, encore plus vite. Chacun le sait bien : en réalité, nous ne sommes jamais allés aussi vite – or je le dis et je le répète : nous allons trop vite.

Pourquoi ? Le Président de la République présente ce déferlement législatif comme une nécessité, en répétant sans cesse qu'il faudrait répondre à l'urgence dans l'urgence. Mais ce tourbillon médiatique n'est pas synonyme d'action, tant s'en faut.

Ainsi, dans un rapport publié au mois de décembre dernier, la majorité du Sénat dresse un constat mitigé pour l'année parlementaire 2007-2008. Je voudrais vous citer les détails de ce rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

« On avait déploré, en 2002-2003, le niveau dérisoire du taux d'application des dispositions, insérées dans les lois votées après déclaration d'urgence, appelant un suivi réglementaire : moins de 3 % ! Mais les trois exercices suivants avaient été caractérisés par un progrès très sensible, à un rythme progressif : 5,3 %, puis 14 % et enfin 25 %.

« Loin de confirmer cette évolution favorable, l'année 2006-2007 avait traduit, par rapport à l'exercice précédent, un recul préoccupant de 9 points, à 16 %. La situation a encore empiré en 2007-2008, avec un recul prononcé du taux de publication des mesures réglementaires prévues par les lois votées après déclaration d'urgence, revenu à 10 %. »

Ce n'est pas l'opposition qui le dit : c'est votre majorité, vos amis du Sénat. Souhaitez-vous comprimer encore davantage le temps du législateur, alors que le pouvoir réglementaire dispose de tout son temps ? Trouvez-vous normal que l'on vous demande de débattre en quelques heures, pour qu'ensuite le Gouvernement attende des mois, voire des années, pour rendre applicables les dispositions dont on exige que vous les votiez séance tenante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Au-delà des délais de mise en oeuvre, qui peut croire que les lois bâclées assurent des décisions durables ? Lorsque la loi est mal pensée, mal élaborée, mal mise en oeuvre, elle est à peine votée qu'il faut déjà penser à la corriger ou même à la remplacer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

La réforme de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs a été retouchée cinq fois depuis le passage de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur. En 2007, elle a même été modifiée deux fois !

Les dispositions relatives à la participation ont, elles aussi, été modifiées deux fois en un an.

Pareil avec la loi de finances : une semaine après son vote en décembre, voilà que nous avons été saisis par un projet de loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

C'est sûr que cela change d'avoir un Gouvernement qui agit et une majorité qui travaille !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Autrefois, la loi assurait une stabilité, mais elle assurait également une sécurité. Aujourd'hui, la loi est provisoire. La loi votée appelle d'autres lois, et l'inflation se nourrit d'elle-même. Les lois éphémères viennent servir des vérités saisonnières. Le changement permanent rend impossible l'assimilation par les autorités judiciaires ou l'administration elle-même dont le travail consiste pourtant à les appliquer ou à les faire appliquer. La complexité est totale pour le citoyen, censé ne pas ignorer la loi.

Mes chers collègues, des sages avant nous avaient su dire un certain nombre de vérités. Dès l'Antiquité, Xénophon nous interroge : « Comment pourrait-on penser que les lois ou l'obéissance aux lois sont une affaire sérieuse, alors que ceux-là même qui les ont établies les changent ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Est-ce cela le travail sérieux dont vous parlez, monsieur Lefebvre ?

La précipitation dans laquelle nous travaillons depuis dix-huit mois n'est pas gage d'efficacité. Elle est, au contraire, source d'affaiblissement de la règle. Alors que nous rêvons tous de rendre à la loi son autorité, que se passe-t-il avec cette inflation législative et cette improvisation ? Exactement l'inverse. La bonne loi, mes chers collègues, a besoin de temps. Ce n'est pas un hasard si les lois qui ont traversé les époques sont aussi celles qui ont fait l'objet des discussions les plus acharnées.

Comme le dit d'ailleurs le professeur Carcassonne, déjà cité,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…ces lois, ces bonnes lois sont celles qui « naquirent d'un processus patient, qui leur avait permis de mûrir, de sorte que les évolutions ultérieures les ont complétées sans les remettre en cause ».

Il a ainsi fallu deux ans de débat pour la liberté d'association, un an pour la loi de séparation des églises et de l'État.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Alors qu'il a fallu plus d'un an pour bâtir la loi sur la liberté de la presse qui nous régit encore, vous avez présenté les soixante-dix-sept petites heures de débat que nous avons, excusez-nous, arrachées en décembre sur l'indépendance de l'audiovisuel public comme une intolérable obstruction.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Prenez-en de la graine, messieurs de la droite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Voilà ce que vous avez dit et n'avez cessé de dire pour caricaturer notre travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Les mauvaises lois, monsieur Copé, celles qui embouteillent notre ordre du jour, sont celles qui ne servent à rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

M. Devedjian, qui ne s'est sans doute pas rappelé qu'il était désormais membre du Gouvernement Sarkozy, citait la semaine dernière opportunément Montesquieu dans cet hémicycle : « Les lois inutiles nuisent aux lois nécessaires. » Il a raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ces lois inutiles sont devenues une spécialité présidentielle. La ligne de communication est immuable : un fait divers, une loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Malheureusement, c'est plus grave. L'affaire Evrard, le supplice du petit Enis, la mort par morsure canine d'une jeune fille, l'assassinat d'un chercheur grenoblois par un malade psychiatrique, à chaque drame sa loi. Mais la nouvelle loi est-elle nécessaire pour régler ces problèmes graves de société ? Est-elle utile ?

Les spécialistes vous diront que, pour les chiens dangereux par exemple, c'est la loi de 1999 qui s'applique et qui continue de s'appliquer et que la loi de 2008 est inopérante, ou que la loi de février 2008 relative à la rétention de sûreté n'interdit pas la récidive d'autres Evrard, puisque ce dernier avait purgé plus de trente années de prison. La véritable question dans ce cas dramatique est beaucoup plus difficile, c'est celle du suivi pendant et après la détention. Or elle n'a jamais été abordée par ce projet de loi. D'ailleurs, les lois précédentes qui traitaient de la même question sont ou mal appliquées, ou pas appliquées du tout.

À force de chercher à faire croire que vous agissez, vous créez la défiance, vous induisez la démoralisation du citoyen alors que vous prétendez être à ses côtés. C'est bien une question de principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est une question de conception dont il faut débattre au fond dès ce soir, sans attendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour gagner en efficacité, les moyens à activer sont nombreux. Ils ne sont pas forcément ceux qu'on vous invite à appliquer.

Le crédit global est un remède pour Purgon ou Knock mais il ne guérira aucune crise de la loi ; au contraire, il risque de transformer cette maison en temple vide.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Qui s'intéressera alors à nos travaux lorsque tout enjeu aura disparu, lorsque tous les débats seront pliés d'avance et verrouillés ? Qui les commentera ? Qui assistera à un film dont on prendra soin de donner l'issue avant même qu'il ne débute ?

La fièvre qui a accompagné tous les grands moments dans cet hémicycle disparaîtra et, avec elle, toute passion, cette passion nécessaire décrite avant nous brillamment par Hugo, Zola, Stendhal, ou, plus proche de nous, Éric Orsenna, qui imaginait son héros hanter l'hémicycle hors session, pour y consulter un recueil des grands débats parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est ce livre des grands débats parlementaires que nous vous demandons de ne pas refermer aujourd'hui par vos dispositions, celles de la loi organique et du règlement, que vous voulez nous imposer.

Ne transformez pas cette chambre en théâtre d'ombres. Faites en sorte que l'avenir de cette institution ne soit pas celui d'un simple greffe auprès duquel chaque groupe viendra désormais déposer ses positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, de quoi aurons-nous l'air lorsque la guillotine du chronomètre interrompra la défense d'un amendement ? Comment répartirons-nous le crédit temps sinon à la proportionnelle – je vous pose la question, il faudra bien y répondre ? Et dans ce cas, de quel temps disposerons-nous, de quel temps disposera le Nouveau Centre, quel temps restera-t-il au groupe de la Gauche démocrate et républicaine ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Que feront les non-inscrits, parmi lesquels nous comptons aujourd'hui un ancien candidat à la présidentielle ? Que feront les parlementaires de l'UMP qui souhaiteront exprimer leur singularité ou leur créativité ?

Voilà autant de questions auxquelles personne ne veut répondre, ni dans la majorité ni au Gouvernement, pour des raisons malheureusement évidentes : vous voulez changer profondément la nature des travaux parlementaires. Voilà la vérité ! Voilà le danger !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Mes chers collègues, le droit d'amendement ouvre un droit de parole pour l'opposition. Il lui donne l'instrument d'une pédagogie en direction des citoyens. Il lui permet de faire la démonstration de sa capacité d'alternance. L'exercice de ce droit permet à l'opposition de présenter ses contre-propositions, sans que cela retarde le programme de travail de la majorité.

Je l'ai rappelé tout à l'heure : nos débats sont de moins en moins longs, contrairement à la caricature des clips de M. Copé, qui – je le dis solennellement devant tous nos collègues – joue de façon malsaine et dangereuse avec un antiparlementarisme toujours latent dans la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Nous voulons choisir notre temps.

Il y a quelques textes qui, par l'importance que l'opposition leur accorde, supposent un débat plus ample. C'est pour l'opposition le moyen d'informer, voire d'alerter l'opinion. Toutes les oppositions ont utilisé cette méthode. Contre les nationalisations, contre le service public de l'éducation laïque et unifié, contre les trente-cinq heures, contre le PACS, la droite a usé de ce moyen, et c'était légitime et respectable. Et le débat est devenu plus ample et plus riche, en tout cas il y a eu confrontation.

La gauche l'a fait aussi. Pourquoi aujourd'hui blâmerait-elle la droite de l'avoir fait en son temps, elle qui a trouvé dans le ralentissement de la procédure le temps d'alerter les Français puis de relayer ses revendications par le mouvement social lors du débat sur la loi Falloux ou sur le CPE ?

Avec le crédit global, nous aurions débattu pendant une petite heure de la nomination-révocation des présidents de l'audiovisuel public dans une indifférence générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Au contraire, si on discutait des vrais amendements, tout le monde s'y intéresserait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous le savez bien, et c'est cela qui vous a gêné : sans la menace d'un débat lourd et long, la proposition sur le travail du dimanche n'aurait pas été reportée sine die, à la satisfaction non seulement de la partie gauche de notre assemblée mais également de sa partie droite.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Elle n'a pas été reportée sine die !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Nombre d'entre vous en effet avaient délégué en la circonstance la défense de leurs convictions à l'opposition, comme cela avait déjà été le cas lors du débat sur les OGM. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

L'opposition n'a d'autre pouvoir que celui d'obliger parfois la majorité à revenir sur ses pas, à mieux envisager les conséquences de ses actes, à considérer à nouveau une question.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

C'est pour cela qu'il faut de bons discours, et pas des milliers d'amendements. Un bon discours, ça suffit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est son seul pouvoir. Ne le lui retirez pas. Ce serait dangereux pour la démocratie, mais aussi pour vous-même, je viens de le démontrer.

Ce droit, ce pouvoir, c'est l'essence même du libéralisme politique. Écoutez Mme la professeure Ponthoreau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

« Dans la pensée libérale, la concurrence est valorisée, notamment celle des idées […]. À ce titre, l'opposition est l'expression de la liberté politique et donc d'une valeur en soi. Si elle n'est pas protégée, la majorité elle-même ne l'est pas car ceux qui la composent perdent la liberté de changer d'opinion. »

C'est cela le débat, écouter les autres pour évoluer, changer éventuellement, améliorer. C'est cela notre travail de législateur. Pour cela, il faut du temps, il faut préserver ce droit imprescriptible, ce droit sacré d'amendement que vous mettez en cause dans ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Pour cela, il faut des bons amendements, pas des amendements d'obstruction !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, si vous ne doutez pas de vous-mêmes, alors ne craignez aucune obstruction car tout ce qui se déroule ici est placé sous le regard de notre souverain – rassurez-vous, je ne parle pas de Nicolas Sarkozy, j'évoque l'arbitre ultime de tous nos conflits, qui se tient au-dessus de vous comme au-dessus de nous, un pouvoir dirigeant, celui du peuple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Aucun blocage, fût-il temporaire, n'est possible sans le soutien de nos concitoyens.

Les batailles parlementaires sont moins départagées par le vote final que par l'approbation majoritaire ou minoritaire des Françaises et des Français. Toutes les batailles engagées ne sont d'ailleurs pas victorieuses, il y a des combats qui sont populaires. Le CPE par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Il y a ceux lors desquels nous ne parvenons pas forcément à convaincre sur le moment, je pense cette fois aux montagnes d'amendements que nous avions déposées sur le statut de Gaz de France. L'essentiel, c'est-à-dire la sanction par le peuple souverain, c'est cela qui compte et qui est le plus important.

Ne dites pas le contraire, mes chers collègues, aucune minorité n'a jamais bloqué la majorité. Cette dernière conserve le pouvoir en dernière instance, et c'est bien légitime, d'adopter les projets de son choix. Il est malhonnête de faire croire le contraire.

Voilà, mes chers collègues, quelques éléments qui auront, je l'espère, fait évoluer quelques-unes de vos certitudes.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Sûrement pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je voudrais, avant de conclure, vous faire part du contexte plus large dans lequel se déroule notre discussion. Il nourrit mon inquiétude de voir progressivement effacés de notre pays tous les contre-pouvoirs.

Comment appellerons-nous le régime d'un pays où les juges d'instruction sont remis dans l'orbite du pouvoir politique ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Comment qualifierons-nous ce pays où tous les membres des autorités de régulation, Conseil constitutionnel, Conseil supérieur de l'audiovisuel, sont nommés par le seul pouvoir exécutif et par un seul camp ? Quel est donc ce pays où le Président dispose d'un temps illimité dans les médias, nomme et révoque les présidents de la télévision ou de la radio publiques, part en vacances sur le bateau des autres et leur impose à sa guise ses rédacteurs en chef et ses journalistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans ce pays, le nôtre, comment pourrions-nous accepter que dans la seule chambre parlementaire où l'alternance est possible, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, l'opposition puisse encore être limitée dans son expression ? C'est bien la question essentielle.

Et si ces questions que vous adresse un homme de gauche ne vous touchent pas, laissez-moi – et ce seront mes derniers mots – vous lire ces quelques lignes d'un discours que vous ne pouvez ignorer et qui nous met en garde contre toute dérive autoritaire :

« La nation devient une machine à laquelle le maître imprime une accélération effrénée. Qu'il s'agisse de desseins intérieurs ou extérieurs, les buts, les risques, les efforts, dépassent peu à peu toute mesure. À chaque pas se dressent, au-dehors et au-dedans, des obstacles multipliés. À la fin, le ressort se brise. L'édifice grandiose s'écroule dans le malheur et dans le sang. La nation se retrouve rompue (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe UMP), plus bas qu'elle n'était avant que l'aventure commençât. » Vous le savez, chers collègues de la majorité, ces phrases ont été prononcées par de Gaulle à Bayeux en 1946. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je ne pensais pas, lorsque je suis devenu parlementaire, que je serais amené un jour à citer en référence les analyses du fondateur de la Ve République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Certains y verront peut-être la marque de je ne sais quel désarroi. Il s'agit plutôt du désir de les convaincre. (« C'est raté ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Pour passer de l'omniprésence à l'omnipotence, il n'y a qu'un pas. On exige de nous que nous le franchissions. Au nom de ce droit sacré d'amendement, qui est notre patrimoine démocratique commun, nous vous demandons solennellement de ne pas le faire. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent vivement. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je le répète : le projet de loi organique permettra des améliorations considérables à plus d'un titre dans le vote de la loi. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il revalorisera le travail parlementaire à tous les niveaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Les commissions pourront travailler en amont…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…en ayant connaissance de l'ensemble des amendements. Le texte discuté dans l'hémicycle sera issu des commissions. La manière de voter la loi sera réorganisée à tous les stades.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Est-ce le président de la commission des lois qui parle ou le rapporteur du projet de loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Dans le règlement des assemblées de toutes les démocraties, que ce soit en Grande-Bretagne, mère de la démocratie,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Il n'y a pas de Président de la République en Grande-Bretagne !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…ou au Parlement européen(Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

Chers collègues de l'opposition, le respect de la démocratie commence par l'écoute des autres. Pas une fois, je n'ai interrompu le président Ayrault. Je vous demande le même respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Le président de notre groupe a été souvent interrompu pendant son discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous passerons dans cet hémicycle le nombre de semaines nécessaire. Je n'ai aucun doute à cet égard. Pendant ce temps, je vous écouterai. Je vous demande de vous comporter de la même manière vis-à-vis des orateurs de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les parlements de toutes les démocraties modernes connaissent des règles d'organisation et de prévision. Revaloriser le Parlement, c'est précisément respecter les orateurs qui s'expriment et organiser leur travail. L'article 13 du projet de loi organique n'a pas d'autre but et ne viole en rien cette règle.

Encore un mot : je n'aime pas cette manière de faire de la politique qui consiste, pour un camp, à dénoncer systématiquement toute proposition émanant du camp adverse. Je préfère un Parlement dans lequel on s'écoute et on se respecte davantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans ce cas, ne refusez pas systématiquement de voter nos amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Être dans l'opposition, ce devrait être aussi savoir écouter la majorité et reconnaître les avancées qu'elle propose. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Monsieur Ayrault, « tout le monde a été, est ou sera gaulliste ». J'observe avec bonheur que votre conversion tardive est en bonne voie.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Pour vous répondre, je me garderai de remonter à Xénophon ! Vous avez dit que nous légiférions trop, sous la droite comme sous la gauche. Je suis d'accord avec vous. Vous avez dit qu'il fallait mûrir la réflexion parlementaire. La révision constitutionnelle prévoit justement un délai minimum de six semaines pour qu'un travail de fond puisse être mené en commission. Je ne comprends donc pas pourquoi vous n'avez pas voté en 2008 la révision constitutionnelle qui accroît le pouvoir de chaque parlementaire (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC) et lui permettra, en commission comme dans l'hémicycle, de travailler plus et mieux sur le fond du texte. Je ne comprends pas davantage pourquoi vous vous opposez à la loi organique.

Vous nous prêtez toute sorte de mauvaises intentions, prétendant par exemple que la durée programmée des débats, calculée de manière proportionnelle à la taille des groupes, brimera les moins importants. C'est inexact. Le président Accoyer, puis M. Copé vous ont répondu que tout le monde souhaitait une modulation…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

…qui permettra, comme le prévoit la révision constitutionnelle, d'accroître les droits de l'opposition et des groupes minoritaires. En réalité, tous les arguments que vous avez invoqués devraient vous inciter à voter la loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en arrivons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.

La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

On voudrait nous faire croire que notre but est de préserver le droit d'obstruction. Mais toute l'argumentation de M. Ayrault visait à démontrer très concrètement…

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…qu'il n'y a pas d'obstruction dès lors que le Gouvernement a les moyens de faire voter ses textes. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, l'opposition ne peut que freiner leur adoption. Ce ralentissement a un rôle utile et ancien.

Je me suis reporté à un discours de Jean Jaurès, que le Président de la République cite si volontiers. En 1894, au moment où le Gouvernement propose un texte contre les menées anarchistes, il affirme : « Le groupe socialiste a lutté pied à pied, mot à mot, syllabe à syllabe, pour arrêter la loi s'il le pouvait, pour la corriger tout au moins, en tout cas pour donner à l'opinion publique égarée d'abord et aveuglée le temps de se ressaisir et de bien connaître la loi, son texte et son but. On nous reproche de faire obstruction et nous, nous nous glorifions de nous opposer autant qu'il est en nous à une loi dangereuse. »

De telles manoeuvres ne sont pas nouvelles. Sans doute, cette stratégie de ralentissement ne va-t-elle pas sans quelques excès, que tout le monde est capable de mesurer et que l'on peut aussi déplorer. Mais, à l'Assemblée, je préfère les excès de la parole au silence excessif.

Bien d'autres dispositions de la vie parlementaire ralentissent nos travaux ou nous entraînent à mal légiférer. Les textes discutés en urgence, c'est-à-dire de manière précipitée, tant en commission qu'en séance publique, occasionnent de mauvaises lois. Les séances de questions au Gouvernement, retransmises à la télévision, constituent pour nos concitoyens un spectacle désastreux. L'hémicycle est régulièrement vide pendant les débats, tout comme les salles de commission, parce que le cumul des mandats retient les députés ailleurs. On pourrait réagir contre ces excès. Or vous ne le faites pas. Pourquoi donc focaliser le débat sur le droit d'amendement ? Tout simplement parce que le Président de la République n'accepte pas que ses projets soient retardés. Il est vrai qu'il n'a pas beaucoup d'expérience parlementaire.

J'ai consulté son activité pendant les douze ans où il a été député. Il n'a pas déposé un seul amendement. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Il n'a pas participé à un seul débat législatif. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il s'est contenté de prendre la parole dix fois pendant dix minutes, et puis s'en va.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Cela prouve qu'on n'a pas besoin de faire de l'obstruction pour réussir en politique !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

On comprend que quelqu'un qui a aussi peu d'expérience dans ce domaine n'apprécie pas que le Parlement discute régulièrement. Il s'agit d'un problème politique. La Ve République est en train d'évoluer. Le Président veut tout contrôler. Il s'est déjà substitué au Premier ministre et aux ministres. Il a décidé de domestiquer les médias et la justice. Aujourd'hui, il veut contrôler l'Assemblée. Le projet de loi prévoit que « les amendements des membres du Parlement […] pourront être mis aux voix sans discussion. » N'est-ce pas la négation même du système parlementaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Permettez-moi une dernière citation. Le 4 juin 1888, en réponse à un discours du général Boulanger, un de nos anciens collègues a dit : « Oui, gloire au pays où l'on parle ; honte au pays où l'on se tait. Si c'est le régime de discussion que vous croyez flétrir sous le nom de parlementarisme, sachez-le, c'est le régime représentatif lui-même, c'est la République sur qui vous osez porter la main. En ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas le permettre. Nous sommes, nous, des républicains. Nous acceptons la République, la liberté de parole ici et ailleurs, avec tous ses avantages, avec ses périls. Nous la réclamons. Nous la défendrons. » Vous avez reconnu l'auteur de ces paroles. C'est Georges Clemenceau. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le président, je souhaite répondre à mon tour au discours du président Jean-Marc Ayrault. Si nous avons pris l'initiative de diffuser des images très pédagogiques et éclairantes sur les dérives que nous avons pu constater au cours des vingt dernières années, c'est parce que, si le droit d'amendement est l'honneur du Parlement, il est avili par l'obstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Je tiens à le dire avec la même solennité que M. Ayrault. Il n'y a pas, d'un côté, l'opposition, qui se draperait dans sa dignité et, de l'autre, la majorité, qui ne chercherait qu'à accélérer les débats. Je ne peux accepter un tel procès d'intention. La réalité est tout autre. Celles et ceux qui ont assisté au spectacle lamentable auquel a donné lieu l'examen récent du texte sur l'audiovisuel public savent ce dont je parle. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

À cette occasion, nous avons vu une opposition dont le but n'était pas du tout de démontrer le bien-fondé de ses convictions, mais de faire durer et endurer des heures, des jours, des semaines de débat, imaginant ainsi remporter je ne sais quelle victoire politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Je ne suis pas très fier de cette image. Il me semble que le film que nous diffusons sur Internet depuis hier matin, et a déjà eu plus de 35 000 spectateurs, illustre ce que nous ne voulons plus voir au Parlement français. La défense du statu quo que vous avez entreprise, monsieur Ayrault, me surprend beaucoup.

En d'autres temps, quand vous étiez dans la majorité, n'avez-vous pas défendu la thèse inverse ? Il y a dix ou vingt mois, votre homologue au Sénat, Jean-Pierre Bel, a remis à Mme Royal un rapport préconisant des dispositions bien plus dures que celles que nous défendons.

La vérité, c'est que le discours que vous venez de prononcer, l'attitude que vous commencez à adopter, c'est un remake du théâtre d'ombres habituel, dans lequel on veut faire croire, en se drapant dans sa dignité, qu'il est porté atteinte aux libertés. Je récuse ce procès d'intention, et nous le ferons de la première à la dernière minute de la discussion de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Jamais je ne laisserai dire que nous portons atteinte au Parlement, alors que notre seul objectif est de le mettre à son juste niveau,…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n'est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

….celui d'un grand parlement où de grands orateurs peuvent s'exprimer dans de grands débats.

J'attache autant d'importance que vous à la qualité de nos débats. Et lorsque nous avons la chance, grâce à la révision constitutionnelle, d'avoir autant de prérogatives nouvelles, nous n'avons pas le droit de faire comme si rien ne s'était passé. Comme l'a justement rappelé Jean-Luc Warsmann, l'ordre du jour partagé (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), le fait d'examiner le texte de la commission dans l'hémicycle, le contrôle et l'évaluation du Gouvernement par le Parlement, sont autant de dispositions que nous attendions depuis des années, à gauche comme à droite. Grâce à la loi organique, nous aurons enfin les décrets d'application en même temps que le texte de loi, nous aurons des études d'impact, qui nous permettront de faire de bonnes lois. Tous les élus de bonne volonté, de gauche comme de droite, doivent en convenir. Nous nous battons pour le même idéal d'une République où chacun écoute, se parle et se respecte, non d'une République où l'on se livre à des marathons humiliants pour vous comme pour nous.

Jean-Marc Ayrault, chacun doit comprendre, au-delà de la passion du moment, que, lorsque nous faisons ce travail, c'est pour traduire le fait que la révision constitutionnelle a changé la donne, que nous allons transformer notre mandat de parlementaire, alors que jusqu'à présent nous étions simplement invités à voter oui ou non, selon que nous étions dans la majorité ou dans l'opposition, les yeux fermés. Demain, nous débattrons des projets en connaissance de cause, et nos discussions n'auront plus rien à voir avec ce que l'on a pu connaître dans le passé. Pour cela, il faut en finir avec un règlement qui, tel qu'il est appliqué aujourd'hui, ne nous permet pas de travailler dans de bonnes conditions. Je m'en porte garant en tant que président du groupe UMP (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : nous sommes, les uns et les autres, dans la perspective d'encadrer le temps afin qu'il soit pleinement utilisé par chacun des groupes, non pour faire durer la séance, comme l'ont fait M. Rogemont en parlant du homard ou M. Bloche en parlant de Saturnin ou de Casimir, mais pour aller à l'essentiel. Et n'oublions pas que c'est en commission qu'aura lieu pour l'essentiel l'examen des amendements.

J'ai conscience, et je le dis au nom de tous mes amis de l'UMP, que, malgré vous, malgré vos procès d'intention, nous rendons service à la République et nous mettons le Parlement français au niveau des autres parlements d'Europe et au niveau du Parlement européen, dont personne ne peut contester la qualité et la fibre démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Vous commencez en dépassant votre temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Ce faisant, nous rendons service à notre institution, nous en donnons une autre image aux Français. Les commentaires que les internautes laissent depuis vingt-quatre heures sur notre site en sont la meilleure démonstration.

Aussi, monsieur le président Ayrault, je vous le dis en conscience : même si vous n'avez pas vocation cette fois-ci à nous rejoindre, nous prenons nos responsabilités. Mais la contrepartie, quand cette loi sera adoptée, c'est que les élus prennent la parole pour prononcer de grands discours, et pour faire de l'obstruction. Tel est notre combat, et nous le menons pour la France. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent vivement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera cette exception d'irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je voudrais le justifier en revenant sur deux arguments qui ont été employés et qui sont assez parlants.

D'abord, M. Warsmann a comparé la limitation du temps de parole pour une motion de procédure, qui pouvait durer des heures, un jour, une nuit, limitation justifiée et normale, avec l'interdiction qui sera faite désormais de défendre un amendement, alors que c'est là le fondement du travail législatif. Une telle comparaison n'est pas sérieuse. Le droit d'amendement de chaque député est imprescriptible. Le limiter n'a rien à voir avec réduire le temps de parole sur une motion de procédure qui peut nécessiter une heure mais pas trois jours.

En second lieu, dire comme l'a fait le Premier ministre que limiter l'utilisation de l'article 49.3 est un progrès démocratique gigantesque (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) n'est pas sérieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Vous allez limiter le temps du débat. Vous n'avez donc plus besoin du 49.3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

En effet, c'est un 49.3 permanent.

Ces deux arguments sont fallacieux, aussi fallacieux et imaginaires que les prétendus pouvoirs imaginaires inscrits dans la Constitution. Au mieux, ce sont quelques miettes pour la majorité parlementaire, au pire c'est un leurre. Et c'est parce que ces arguments sont fallacieux qu'on peut s'interroger sur la sincérité de votre projet de loi organique.

Enfin, je vais citer moi aussi le professeur Carcassonne. À la question « Le projet de loi du Gouvernement est-il dénaturé par rapport à l'esprit de la révision constitutionnelle ? », il répond oui, mais il veut croire qu'il s'agit plus d'une maladresse du Gouvernement que d'une intention maligne – il parle même de « bévue ». Je suis d'accord avec lui, mais je regrette qu'il ait fait lui-même une bévue en ne s'apercevant pas que celle qu'il attribue au Gouvernement était inscrite dans le texte même de la révision constitutionnelle. Et si notre assemblée souffre d'une pathologie – pour reprendre un terme qu'il utilise –, c'est d'être encadrée par l'article 38, l'article 40, l'article 44 et l'article 49.3, c'est d'être encore plus irresponsable sur le plan législatif désormais, c'est d'être de plus en plus à la merci d'un homme qui veut régenter le pouvoir législatif comme le pouvoir judiciaire et le pouvoir médiatique. C'est pourquoi nous voterons l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'exception d'irrecevabilité.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 360

Nombre de suffrages exprimés 359

Majorité absolue 180

Pour l'adoption 125

Contre 234

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, qui concerne le déroulement de nos travaux.

Il est important d'informer l'Assemblée que, d'autorité, ont été déclarés irrecevables 1 000 amendements déposés par le groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Bel exemple de logique, monsieur Copé : cela contredit les propos que vous venez de tenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Pour essayer de nous discréditer, vous avez interprété dans le sens qui vous arrange l'article 127, relatif à la procédure de discussion des lois organiques, dont le troisième alinéa dispose que « Il ne peut être présenté aucun amendement ou article additionnel tendant à introduire dans le projet ou la proposition des dispositions ne revêtant pas le caractère organique. » Mais est-il vraiment incongru de déposer sur un tel projet ce type d'amendement : « Les groupes parlementaires de la majorité et de l'opposition disposent d'un temps de parole égal dans les questions d'actualité » ? Cet amendement a été rejeté de façon autoritaire !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Est-ce anormal de demander par amendement que, dans le cadre des questions au Gouvernement, soit créé un droit de réplique pour les parlementaires ? Cela existe déjà dans les questions orales sans débat.

Est-il anormal de demander que l'on crée pour chaque projet de loi une fonction de contre-rapporteur, doté des mêmes fonctions que le rapporteur, choisi par la commission et appartenant obligatoirement à l'opposition ? De donner de droit la fonction de président ou celle de rapporteur à l'opposition lors de la création d'une commission d'enquête parlementaire ? Avez-vous décidé que, désormais, nous n'aurons plus le droit de déposer ce type d'amendement ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Aussi, monsieur le président, je demande une demi-heure de suspension de séance pour réunir mon groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Avant de vous accorder la suspension de séance, je voudrais que vous écoutiez quelques remarques.

N'est-il pas évident que, constitutionnellement, chaque président d'Assemblée, à commencer par le président de l'Assemblée nationale, doit veiller au respect de la Constitution et du règlement qui régit l'Assemblée qu'il préside ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'ai déclaré irrecevables 1 015 amendements sur le projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Une partie d'entre eux, 433 précisément, étaient manifestement contraires à l'alinéa 3 de l'article 127 du Règlement qui interdit d'introduire dans un projet de loi organique des dispositions n'ayant pas un caractère organique. D'autres, 577, attribuaient des droits spécifiques à des députés en fonction de leur circonscription d'élection et étaient donc contraires au principe constitutionnel selon lequel les députés représentent la nation tout entière, et non la population de leur circonscription ; ils étaient de ce fait inconstitutionnels.

S'agissant de l'exemple que vous avez donné tout à l'heure, vous savez fort bien que lorsque la Constitution définit que certaines dispositions sont du domaine de la loi organique, elles peuvent être intégrées dans une loi organique ; lorsque la Constitution ne le spécifie pas, elles ne peuvent pas l'être.

Enfin, le dépôt de cinq autres amendements a été refusé car ils empiétaient sur les prérogatives constitutionnelles de l'exécutif, notamment en lui adressant des injonctions caractérisées.

Par ailleurs, le nombre d'amendements recevables s'élève à 3 885, dont 3 718 déposés par votre groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je ne crois donc pas que le droit d'amendement ait été bafoué. Le groupe SRC aura largement l'occasion de s'exprimer.

Avant de suspendre la séance, je vais donner la parole à M. Copé, puis à M. Mamère, qui me l'ont demandée.

La parole est à M. Jean-François Copé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Mon rappel au règlement se fonde sur le même article que celui que vient d'utiliser Jean-Marc Ayrault.

Tout d'abord, comme vous venez de l'indiquer, monsieur le président, je souligne que la défense des droits du Parlement commence par le respect de la Constitution. Il n'y a donc pas lieu de débattre d'un amendement inconstitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ensuite, monsieur Ayrault, quoi que vous veniez de dire, je constate qu'il nous reste un très, très grand nombre d'amendements à examiner. Parmi eux, certains – car, malheureusement, ils n'ont pas tous été déclarés inconstitutionnels (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC) –, relèvent de l'obstruction la plus grotesque. (Mêmes mouvements.) Le théâtre va donc reprendre !

Vous vous inquiétiez du sort d'un amendement visant à donner à la majorité et à l'opposition le même temps de parole lors des questions au Gouvernement. Vous regrettez qu'il n'ait pas été déclaré recevable. Or, même si c'est le cas, la majorité est favorable à cette disposition, ce qui démontre que nous sommes ouverts. Toutefois, nous avons bien conscience que le cinéma vient seulement de commencer – je le dis à mes amis députés de la majorité. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous allons en avoir pour un certain temps, mais nous ne lâcherons rien parce que c'est l'intérêt de la République ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'amendement auquel M. Ayrault et M. Copé viennent de faire allusion correspond à l'un de mes engagements personnels. Cette disposition, relative au temps de parole lors des questions au Gouvernement, s'inscrit parmi les nouveaux droits de l'opposition et trouvera toute sa place dans la proposition de résolution qui modifiera le règlement de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

D'un projet de loi à l'autre, M. Copé ne change pas. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais nous non plus, nous n'avons pas l'intention de changer (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP),et nous allons résister à votre rouleau compresseur.

Autant que vous, nous sommes les représentants du peuple, et nous ne pouvons accepter que vous nous accusiez, comme vous l'avez fait il y a quelques instants, de faire du cinéma. Nous ne nous livrons à aucun cinéma ! (« Mais si ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous défendons la Constitution, nous défendons nos institutions, et nous défendons les droits de l'opposition dans une démocratie parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Copé a le culot et l'outrecuidance (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) de parler du respect de la Constitution. Ne savez-vous pas, mes chers collègues, qu'au Sénat, en ce moment, de malheureux parlementaires examinent un projet de loi dont la principale disposition a déjà été mise en oeuvre, sur ordre du Président de la République ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Comment cela s'appelle-t-il : république bananière ou régime autoritaire ?

J'ai entendu les arguments du président de l'Assemblée nationale qui se fonde sur l'article 127 du règlement. Monsieur le président, je ne vous parlerai pas de générosité – nous ne sommes pas ici pour recevoir l'aumône –, mais, puisque le Gouvernement invoque son esprit d'ouverture et son attitude constructive en vue de donner plus de poids au Parlement, pourquoi enlevez-vous encore la parole à l'opposition et éliminez-vous plus de mille amendements de notre débat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, une certaine solennité s'impose, et je m'exprime au nom de tous mes collègues de l'opposition. Nous en avons assez (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe UMP), nous en avons ras-le-bol…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…d'être traités comme de la valetaille, comme des députés qui préféreraient l'obstruction à la résistance, comme des élus qui ne seraient pas à leur place, dans cet hémicycle, quand ils font leur travail de députés et défendent l'imprescriptibilité du droit d'amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le président, je demande donc également, au nom de mon groupe, une suspension de séance. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous considérons que la majorité fait preuve de mépris à l'égard de l'opposition. Vous voulez l'humilier ! Vous croyez que vous avez raison parce que vous êtes politiquement majoritaires : nous vous apporterons la preuve que vous vous trompez ! Votre victoire ne sera qu'une victoire à la Pyrrhus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur Copé, vous n'êtes pas le Conseil constitutionnel. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, vous ne pouvez pas faire référence à la Constitution lorsque vous ne faites qu'appliquer le règlement de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

N'invoquez pas la Constitution dans ces circonstances ! Depuis que je suis parlementaire, l'article 127 du règlement n'a jamais été appliqué, alors pourquoi l'est-il ce soir, sinon pour mater l'opposition ?

Monsieur Copé, vous avez, vous, plaidé une thèse contraire : vous avez été jusqu'à prétendre que l'amendement relatif au temps de parole lors des questions au Gouvernement n'était pas constitutionnel, pour nous dire ensuite que vous étiez favorable à son inscription dans le règlement ! Mais de quoi parle-t-on ? Est-il encore possible à l'opposition de défendre ses opinions, et de la faire en utilisant le droit d'amendement ? C'est la question essentielle de ce débat et même la seule, mais nous avons bien compris qu'elle vous gêne.

Je confirme ma demande d'une suspension de séance d'une demi-heure, afin de réunir mon groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Ayrault, j'ai fait référence à la fois à la Constitution et à l'article 127 de notre règlement, qui a déjà été appliqué.

Avant de suspendre la séance, je vous citerai les propos suivants : « Il faut à la Chambre une autre sorte de président dont le mandat formel soit, tout en assurant la liberté de la tribune, et en préservant spécialement le droit des minorités, de défendre le temps et le travail de la collectivité délibérante ; de la protéger contre la répétition, la diversion et le piétinement, contre tout ce qui décourage de l'attention et de l'effort. Non plus seulement un président arbitre, mais un président conducteur de débat, déterminant d'avance, d'accord avec les groupes et le Gouvernement, sa durée raisonnable, en fixant l'ordre et la marche, réglant leur tour et le temps des orateurs grâce aux mêmes négociations préalables, redressant, en cours de route, toutes les tentatives de déviation ou d'écart. »

Qui, selon vous, en est l'auteur, mes chers collègues ? Léon Blum. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappels au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le président, notre groupe veut être éclairé. J'ai indiqué que l'application de l'article 127 du règlement était extrêmement rare. Néanmoins, je conviens que cela mérite vérification. J'ai donc demandé que l'on me fournisse les éléments nécessaires. Or l'administration n'est pas capable de me les donner. Il s'agit donc d'un fait que je ne peux qualifier autrement que de politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Les amendements déposés par le groupe socialiste, dont beaucoup portent sur ce que vous avez appelé le statut de l'opposition, sont éliminés par une décision arbitraire.

Je réitère donc ma demande : je souhaite qu'un rapport sur l'application de l'article 127 du règlement soit présenté à l'Assemblée nationale, afin que nous soyons éclairés. Il ne me paraît pas possible de reprendre la discussion tant que cela n'aura pas été fait. Je vous demande donc de me répondre, monsieur le président. Si je n'obtiens pas de réponse, je vous demanderai à nouveau une suspension de séance afin de réunir mon groupe, pour que nous puissions prendre une décision concernant la suite de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Ayrault, l'article 127 a été appliqué à plusieurs reprises, en 1990, 1991 et 2006, donc sous des majorités différentes. En tout état de cause, je vous rappelle que cette disposition du règlement s'applique aux lois organiques, lesquelles sont peu fréquentes, ce qui explique que cet article ne soit pas d'usage fréquent. Je vous communiquerai demain des précisions sur son application.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je souhaiterais également faire un rappel au règlement, pour les mêmes motifs que Jean-Marc Ayrault.

Monsieur le président, vous avez invoqué l'article 127 de notre règlement pour rejeter plus de mille trois cents amendements déposés par le groupe SRC. On ne peut pas considérer que la discussion commence dans de bonnes conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Non seulement nous avons été invectivés par les représentants de la majorité, en particulier par le président du groupe UMP, mais, ainsi que l'a très bien expliqué notre collègue Jean-Marc Ayrault, les réponses que vous avez apportées à sa question ne sont pas satisfaisantes. Vous citez des dates, sans préciser les textes concernés ni les circonstances exactes dans lesquelles l'article 127 a été appliqué. Convenez que, sur un sujet aussi important qu'une réforme des institutions, qui vise à faire évoluer notre démocratie parlementaire – même si nous considérons, pour notre part, qu'il s'agit d'une involution –, il n'est pas de bonne méthode de commencer en supprimant des amendements par un artifice de procédure.

Notre intention n'est pas du tout de bloquer les débats. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Chers collègues de la majorité, vous êtes en train de commettre une grande erreur, en cherchant, une fois de plus, à passer en force et à escamoter les droits de l'opposition car, en agissant ainsi, c'est au Parlement tout entier que vous vous attaquez. Même si vous remportez une victoire sur ce texte, puisque vous êtes majoritaires, votre groupe risque de se retrouver, demain, en position défavorable face à l'opinion. Un jour, vous devrez rendre des comptes, car vous êtes en train de prendre le risque de faire reculer les droits du Parlement.

Au demeurant, nous savons que, parmi vous, certains ne sont pas d'accord…

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Il y a des hommes sincères, notamment Jean Tiberi !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et regrettent cette dérive autoritaire du Président de la République, son « omniprésidence », l'effacement du Premier ministre et cette manière de tordre le cou aux articles 20 et 21 de notre Constitution, puisque ce n'est plus le Premier ministre, mais le Président de la République, qui conduit la politique de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous êtes en train de vous rendre complices d'un homme saisi par le vertige de l'autoritarisme, responsable d'une dérive autoritaire du régime. (« Oh, là là ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Si les graves problèmes que rencontre notre pays ne peuvent être réglés à l'Assemblée nationale, là où bat le coeur de la démocratie, ne vous étonnez pas, mesdames, messieurs de la majorité, que les choses se passent dans la rue, car il n'y aura plus ni contrôle intermédiaire, ni espaces démocratiques où nous pourrons débattre. Ici, sauf à une période noire de notre histoire, la République est toujours retombée sur ses pieds. Or vous êtes en train de renverser la pyramide républicaine, en donnant tous les pouvoirs au Président de la République, en escamotant les droits du Parlement et en supprimant ceux de l'opposition, que vous voulez museler encore un peu plus. C'est une politique de circonstance et une loi de complaisance, destinée à faire plaisir à un Président qui n'aime pas le Parlement car il ne va pas assez vite ! Eh bien, pour nous, il est urgent d'attendre, de s'expliquer, de débattre, et de suspendre la séance ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Avant de donner la parole à M. Mallot, je précise que l'article 127 de notre règlement a été appliqué le 4 avril 1990, lors de la discussion du projet de loi organique sur le financement des campagnes électorales, au cours de laquelle se posa le problème de la recevabilité d'amendements, déposés par le groupe communiste, ne présentant pas un caractère organique. Cette disposition a également été appliquée en 1991, lors de l'examen du projet de loi organique relatif à l'aide juridique, et en 2006, lors de la discussion du projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

La parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement, sur le fondement de l'article 58, alinéa 1, du règlement de notre Assemblée.

Je dois dire, pour avoir quelque expérience en ce domaine, que la décision que vous venez de nous asséner me laisse perplexe. L'article 127, alinéa 3, dispose qu'« il ne peut être présenté aucun amendement ou article additionnel tendant à introduire dans le projet ou la proposition des dispositions ne revêtant pas le caractère organique. »

Tout d'abord, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, si l'on s'en tient à l'esprit de cet alinéa, il me paraît difficile de justifier le dépôt même du texte. En effet, chacun ici en a convenu, y compris vous, monsieur le secrétaire d'État, lors de votre audition par la commission des lois : toutes les dispositions de ce texte relèvent finalement du règlement de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Elles n'ont pas le moindre caractère organique. La situation est donc pour le moins surréaliste : vous invoquez l'article 127 pour éliminer certains de nos amendements, au motif qu'ils ôteraient son caractère organique à un texte qui ne l'a pas ! C'est un cas d'école pour les professeurs de droit, et j'attends avec impatience leurs conclusions, qui nous permettront de progresser.

Par ailleurs, nous sommes ici, monsieur le président, au coeur du débat, de la qualité, de la précision et de la valeur duquel vous êtes garant, en tant que président de notre assemblée. Bien que n'appartenant pas à la commission des lois, j'ai assisté, comme beaucoup d'entre nous, aux discussions qui ont eu lieu en son sein. Je n'avais pas le droit de vote et je n'ai pas pris la parole, les orateurs du groupe socialiste étant suffisamment brillants pour que je m'en dispense. Néanmoins, j'ai pu observer, et chacun l'a constaté, que les amendements que vous venez de rejeter au motif qu'ils ôteraient au texte son caractère organique ont été discutés en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Eh oui, et c'est là votre contradiction, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Or, aucun des commissaires, à aucun moment, n'a soulevé l'argument que vous venez de nous opposer. Au contraire, tout le monde, y compris au groupe UMP, a reconnu l'intérêt et la pertinence de ces amendements, notamment ceux qui prévoient que, lors des questions d'actualité, la majorité et l'opposition disposent d'un temps de parole égal. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'y revenir, car ce n'est pas parce que vous les avez écartés que le débat est clos. Encore une fois, ces amendements ont été jugés pertinents par la commission,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…qui les a examinés – le procès-verbal en fait foi –, et, en séance publique, vous nous opposez l'article 127 !

Reconnaissez, monsieur le président, que les arguments que je vous oppose tiennent debout !

Pour conclure, je reviens un instant sur ce que vous avez dit au sujet de certains textes – auxquels j'ai eu à m'intéresser autrefois, dans le cadre de fonctions bien différentes de celles que j'occupe actuellement. Je me souviens que l'article 127, alinéa 3, a effectivement déjà été invoqué par le passé, mais de façon ponctuelle, sur des amendements bien précis, lorsque la façon dont ils étaient présentés pouvait conduire à penser qu'ils étaient susceptibles d'éroder le caractère organique du texte. Il en va tout autrement aujourd'hui, où vous arrivez avec une brouette – que dis-je, une faucheuse, une charrette…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…pour jeter à terre nos amendements par bottes de cent et de mille. Il n'y a pas de précédent à une telle pratique, monsieur le président. Je vous mets au défi de nous prouver le contraire, et en tout état de cause nous ne saurions poursuivre ces débats sans que vous ayez répondu précisément aux questions que je viens de vous poser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Mallot, je vous félicite du calme et de la hauteur avec lesquels vous vous êtes exprimé, et je vous en remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Comme vous l'avez dit vous-même, le président doit assurer la qualité des débats et par conséquent le respect des règlements et des principes en usage. Je veux appeler votre attention sur le fait que les dispositions inscrites dans cette loi organique le sont parce que la Constitution a prévu, dans ses articles 34-1, 39 et 44, que les dispositions régissant les études d'impact, les résolutions, mais également le droit d'amendement, devaient être déclinées dans notre règlement selon les indications portées dans ladite loi organique. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Ainsi, il est écrit à l'article 34-1 que « les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'article 39 dispose que « la présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique » et l'article 44 que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement. Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Ce n'est pas un problème de fond, mais de principe !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour ces trois dispositions nouvelles, une loi organique est nécessaire mais, à l'inverse, tout ce qui ne figure pas dans ces trois articles de la Constitution n'a pas place dans une loi organique. C'est à ce titre que l'application de l'article 127 a conduit à déclarer certains amendements irrecevables.

La parole est à M. le président de la commission des lois, rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je veux également m'inscrire en faux contre ce qui vient d'être dit des discussions qui ont eu lieu en commission des lois. Je vous renvoie à l'examen des articles tel qu'il en est rendu compte dans le rapport de notre commission. Ainsi, lorsque celle-ci a été saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas insérant un chapitre relatif au statut de l'opposition, votre rapporteur a rappelé que « le statut de l'opposition est prévu par l'article 51-1 de la Constitution qui ne renvoie pas à la loi organique pour son application. C'est au Règlement de chaque assemblée d'appliquer cette disposition. » De même, lorsque la commission a été saisie d'un amendement du même auteur attribuant à la majorité et à l'opposition un temps de parole égal durant les séances de questions d'actualité, votre rapporteur a indiqué : « Je suis défavorable à cet amendement car l'organisation des questions d'actualité relève du Règlement. »

Les choses ont donc été dites très clairement en commission. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Disons plutôt qu'il a été cité, monsieur Néri.

Vous avez la parole, monsieur Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le président, c'est avec un grand intérêt que j'ai écouté, comme tous mes collègues, la réponse que vous avez faite à Jean-Marc Ayrault. Force est de reconnaître que vous ne répondez pas à la question qui vous est posée : le rappel au règlement qu'a fait Jean-Marc Ayrault à la reprise de nos travaux ne portait pas sur le fond de nos amendements, mais visait à déterminer à quels moments il avait déjà été fait application de l'article 127, sur quels textes, et combien de dispositions avaient été ainsi écartées. Il est indispensable que ces précisions viennent éclairer nos débats, car il est bien évident que nous sommes en train de planter le décor des échanges qui vont avoir lieu. Personnellement, depuis le 10 décembre, j'ai abordé ce texte dans un esprit constructif…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est vrai ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

…afin que nous soyons tous fiers d'avoir, demain, un règlement de l'Assemblée nationale s'inscrivant dans la tradition des textes de la République, c'est-à-dire dans un esprit de consensus.

Je mets au défi de trouver un seul amendement, parmi tous ceux que nous avons déposés, qui ne soit pas digne de notre assemblée. Comme tous mes collègues, je suis prêt à défendre chacun des 4 800 amendements que nous avons présentés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Mais là n'est pas l'essentiel de mon propos. Comme vient de le confirmer M. Warsmann, vous avez décidé que des amendements déposés en commission et ayant donné lieu à discussion – le rapporteur ayant, pour sa part, indiqué qu'il y était défavorable – ne pouvaient pas être examinés en séance. Sauf erreur de ma part, il serait pourtant conforme à l'état actuel du règlement de l'Assemblée nationale que ces amendements fassent l'objet d'un examen en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Si tel n'est pas le cas, vous devez être en mesure de nous indiquer sur quelle jurisprudence vous vous appuyez pour déclarer irrecevables mille amendements, soit un quart des amendements déposés. Je réitère par conséquent la demande du président Ayrault de voir produit un rapport dressant un état précis de l'usage ayant été fait de l'article 127, de 1986 à aujourd'hui. À ce titre, nous demandons une suspension de séance afin de permettre que la représentation nationale soit éclairée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Urvoas, j'ai déjà apporté une réponse à la question que vous posez, assortie de toutes les citations et précisions utiles. Comme l'a dit M. le président de la commission des lois, certains de vos amendements posaient problème parce que, si ces dispositions aient leur place dans le règlement de notre assemblée, elles ne pouvaient être considérées comme recevables dans le cadre d'une loi organique. Je n'ai fait, je vous le répète, qu'appliquer les textes en vigueur.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je constate que vous ne répondez pas à notre demande, monsieur le président. Si nous voulons éviter tout problème d'interprétation, il faut que nous soyons en mesure d'étudier chacune des décisions de non-recevabilité prises précédemment et, pour cela, que nous disposions des références précises des numéros du Journal officiel où figurent ces décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Comme vient de le rappeler Jean-Jacques Urvoas, ce n'est pas sur deux ou trois amendements que la question se pose, mais sur mille !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Cela montre, en tout état de cause, qu'il s'agit d'une décision prise de façon péremptoire et arbitraire, ce qui justifie notre volonté de prendre connaissance de l'intégralité des cas d'espèce répertoriés depuis 1986 et constituant la jurisprudence sur laquelle vous dites vous appuyer. Cette recherche est possible et ne devrait pas prendre beaucoup de temps dans la mesure elle ne porte que sur un nombre de cas très limité. Il doit vous être possible de satisfaire à notre demande durant une simple suspension de séance, monsieur le président, et je vous demande instamment de le faire afin de préserver la qualité de la suite de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur le président Ayrault, je vous répète que 433 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 127 du règlement dans la mesure où ils ne concernent pas les dispositions relatives aux études d'impact, aux résolutions et au droit d'amendement. En tout état de cause, quand bien même un seul de ces amendements aurait été introduit dans le texte, je vous rappelle que celui-ci sera ensuite transmis au Sénat et probablement au Conseil constitutionnel, où l'irrecevabilité de la disposition concernée ne manquerait pas d'être détectée.

Je relève par ailleurs que 577 des amendements concernés étaient constitués d'une déclinaison, sur chacune des circonscriptions législatives, de tel ou tel droit des parlementaires, ce qui était source d'une évidente rupture d'égalité entre les parlementaires et justifiait donc que ces amendements soient jugés non constitutionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Cela étant, il nous reste tout de même 3 718 amendements à examiner, ce qui, à raison de dix minutes par amendement, peut nécessiter environ 600 heures de débat. Si tel est votre objectif, j'en prends acte. Pour ma part, je tâche de faire en sorte que nos débats conservent une certaine qualité et se déroulent dans le respect de la Constitution et du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Vous portez un jugement de valeur ! Ce n'est pas de cela que nous parlons !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Noël Mamère. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je veux revenir sur les arguments juridiques qui ont été invoqués par mes deux collègues. La décision que vous avez prise de procéder d'un coup à la suppression de mille amendements me fait penser à ces grandes affiches que l'on voit à la devanture de certains magasins, portant l'inscription « Liquidation avant travaux » ! (Exclamations.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Quel que soit le respect que nous vous portons, monsieur le président, les réponses que vous nous avez apportées ne peuvent nous satisfaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

J'espère que M. Soisson ne va pas mettre trop de temps à s'asseoir et à retrouver son calme, puisque nous aspirons tous à faire preuve de modération, comme nous y a invités M. le président. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Le président Ayrault a demandé que les services compétents de l'Assemblée rédigent un rapport exhaustif sur les cas où l'article 127 du règlement de notre assemblée a déjà été invoqué afin de supprimer des amendements, et que les références du Journal officiel où figurent ces cas nous soient communiquées.

Il paraît d'ores et déjà établi que l'article 127 n'a jamais servi à supprimer plus de deux ou trois amendements dans un texte – en tout état de cause, il n'a jamais été invoqué pour supprimer 1 300 amendements d'un seul coup ! M. le rapporteur nous explique qu'il a fait connaître en commission son opposition à ces amendements. Mais cela montre bien qu'ils ont été examinés par la commission…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et soumis au vote, effectivement.

La majorité montre ici son vrai visage. Le rapporteur – dont, au demeurant, je ne mets pas la sincérité en doute –…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…nous indique qu'il a, en sa qualité de rapporteur, repoussé des amendements en commission. Alors que vous nous présentez comme une innovation extraordinaire la disposition visant à ce que nous n'examinions en séance que des projets venant des commissions, il me semble qu'il y a une vraie contradiction quand, suivant sans doute l'exemple qui vous est donné à tout propos par le Président de la République, vous décidez de rayer 1 300 amendements d'un trait de plume !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce n'est pas là, me semble-t-il, une pratique respectant notre assemblée et l'esprit de la démocratie parlementaire qui prévaut encore aujourd'hui – n'en déplaise au Président de la République et à ceux qui soutiennent sa politique. Voilà pourquoi nous soutenons la demande de suspension de séance formulée par M. Ayrault au nom de son groupe.

Monsieur le président, vous vous efforcez de diriger nos travaux de manière équitable et de respecter tous les parlementaires. Au nom du respect que nous voulons continuer à vous porter, je vous conjure de ne pas vous rendre pas complice de ces petites machinations politiciennes (Protestations sur les bancs du groupe UMP) visant à museler encore un peu plus l'opposition ! N'oubliez pas que, par le jeu de l'alternance, qui constitue une nécessité démocratique, l'opposition et la majorité sont forcément appelées à échanger leurs places un jour ou l'autre, et permettez-nous de débattre dans les meilleures conditions de sujets aussi essentiels que celui qui nous réunit. Ne galvaudez pas la démocratie parlementaire qui est en vigueur puisque, que je sache, nous ne sommes pas encore en vie République !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Ma conscience et mon devoir me conduisent à appliquer strictement les règlements et la Constitution (« Très bien ! et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La liberté des députés, au premier rang des principes qui régissent notre assemblée, ne peut se comprendre que dans le respect des règles.

Or, mes chers collègues, à force de détourner les dispositions de notre règlement au fil des décennies, nous avons contribué à rendre confus notre travail législatif, qui est aujourd'hui de moins bonne qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous devons, comme tous les Français, et même plus encore, respecter les lois constitutionnelles et les règles qui s'imposent à nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Manuel Valls, pour un autre rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Je me fonde sur l'article 58, alinéa 1, monsieur le président.

Permettez-moi d'insister, après mes collègues Mamère, Mallot et Urvoas, sur une double contradiction au coeur de nos débats.

Premièrement, les amendements que vous venez de rejeter par une méthode peu respectueuse de notre Constitution et de notre règlement ont été, je le rappelle, examinés, débattus et votés en commission.

Deuxièmement, monsieur le président, il me semble gênant que, pour présider la séance, tantôt vous vous appuyiez sur le règlement et la Constitution, tantôt vous émettiez des jugements de valeur. Car ce n'est pas autre chose que vous faites quand vous soulignez que près de 3 000 de nos amendements restent en discussion, malgré les 1 000 que vous avez retranchés. Le président de notre groupe a pourtant bien indiqué, dans son rappel au règlement tout à l'heure, qu'il s'agissait d'une question de principe et non de fond. Nos amendements sont tous des amendements sérieux, qui portent sur des éléments sur lesquels nous pourrions éventuellement nous accorder.

Enfin, s'agissant de l'intervention que vous venez de faire, autant il est normal que chacun puisse porter un jugement sur la manière dont les débats se déroulent, autant, permettez-moi de vous le dire, monsieur le président, avec tout le respect que l'on vous doit et que l'on doit à votre fonction, il ne me semble pas acceptable d'insinuer qu'on n'aurait pas respecté notre Constitution. À qui faites-vous donc allusion ? Aux parlementaires ? Aux présidents successifs de cette assemblée que vous avez défendus lors des questions au Gouvernement, ce dont je vous remercie ?

Je comprends votre souci de donner des explications mais je m'inquiète de la manière dont Jean-François Copé nous a interpellés. Vous avez presque tous les pouvoirs et vous souhaitez en avoir davantage encore pour mieux en imposer à l'ensemble de l'Assemblée, qu'il s'agisse de l'opposition mais aussi de la majorité. Plus de mille amendements ont été déclarés irrecevables…

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

…et ce que nous sommes en train de vivre illustre parfaitement la tentative du Gouvernement et de sa majorité – mais avec quelque malaise sans doute dans les rangs de celle-ci – de maîtriser totalement la procédure législative et d'empêcher le dépôt d'amendements par l'opposition. Et quand une majorité s'improvise juge de la Constitution, l'opposition est réduite à néant.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Cela est inacceptable et c'est la raison pour laquelle nous vous demandons à nouveau une suspension de séance, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, nous avons autant que vous le souci de délibérer selon les règles et d'élaborer des textes qui ne risquent pas d'être soumis à la censure du Conseil constitutionnel, car ce serait regrettable pour tout membre de cette assemblée, quel que soit son rôle ou son rang. Préoccupé moi aussi par la qualité de nos travaux, je souhaite appeler votre attention sur une difficulté et vous inviter à revenir sur la décision que vous avez annoncée tout à l'heure car j'estime que vous avez pris un risque considérable quant à la validité du texte qui sera issu de nos travaux.

Aux termes de l'alinéa 1er de l'article 127 de notre règlement, « les projets et propositions lois tendant à modifier une loi organique ou portant sur une matière à laquelle la Constitution confère un caractère organique doivent comporter dans leur intitulé la mention expresse de ce caractère. Elles ne peuvent contenir de dispositions d'une autre nature ». Autrement dit, dans un texte de nature organique, ne peut figurer aucune disposition n'ayant pas ce caractère. Inversement, aux termes de l'alinéa 4 du même article, « aucune disposition législative de caractère organique ne peut être introduite dans un projet ou une proposition de loi qui n'a pas été présenté sous la forme prévue » à l'alinéa premier.

Mais prenons l'article 2 du projet de loi organique qui nous est soumis : « Le président de l'Assemblée renvoie toute proposition de résolution à l'une des commissions mentionnées à l'article 43 de la Constitution. ». J'aimerais que l'on m'explique en quoi cette disposition est de nature organique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Renvoyant au circuit interne du courrier dans notre assemblée, elle relève à peine du domaine réglementaire ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Prenons encore l'exemple de l'article 11 : « Les amendements sont présentés par écrit et sont sommairement motivés ». Est-ce de nature organique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Si des dispositions de ce genre, qui n'ont rien d'organique, ont pu passer toutes les étapes du travail d'élaboration des lois, c'est qu'il y a un véritable problème de procédure au sein de l'appareil gouvernemental et des institutions de la République. Et il me semble qu'il serait bon, monsieur le secrétaire d'État, que vous vous interrogiez sur ces questions afin de nous expliquez comment de telles dispositions, représentatives de l'ensemble de ce texte, ont pu trouver leur place dans un projet de loi organique et être soumises à notre discussion.

Je tenais à apporter ma pierre à l'édifice car je crains, monsieur le président, que vous ne soyez dans une mauvaise passe.

Toutefois, après ces échanges, tout le monde conviendra qu'il est nécessaire de réfléchir, de compulser des recueils juridiques, de fouiller dans les archives et de consulter quelques éminents professeurs de droit. C'est pourquoi je demande une suspension de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je voudrais préciser à M. Valls qu'aucun président de l'Assemblée n'a jamais déclaré irrecevables des amendements pour des raisons de majorité. Mais sans doute s'est-il exprimé de manière imprécise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Par ailleurs, il n'y a pas de jugement de valeur de notre part, je l'ai déjà répété à plusieurs reprises. Il s'agit pour nous d'apprécier le caractère organique ou non des amendements et la conformité de leur objet aux articles de la Constitution 34-1, 39 et 44, sur lesquels porte le projet de loi organique dont nous discutons.

Enfin, monsieur Mallot, je vous prie de bien vouloir me concéder que les articles dont nous discutons traitent strictement des questions liées aux propositions de résolution, aux amendements et aux études d'impact, comme la Constitution nous y oblige.

Mais nous pourrons méditer sur tout cela entre les deux séances.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma