Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Séance du 10 février 2010 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • AEF
  • RFI
  • chaîne
  • diffusion
  • développer
  • extérieur
  • radio
  • synergies
  • tv5

La séance

Source

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 10 février 2010

La séance est ouverte à dix heures trente.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée, sur la mise en oeuvre de la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Je suis heureuse d'accueillir aujourd'hui les dirigeants de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France, M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée. Notre commission va être très attentive à la mise en oeuvre des réformes profondes de l'audiovisuel qui sont en cours depuis 2008, qu'il s'agisse de l'audiovisuel extérieur de la France ou de France Télévisions. Nous sommes également très mobilisés sur les aspects culturels de la présence mondiale de la France et nous travaillerons dans ce but pour enrichir le projet de loi sur l'action extérieure de la France qui va être examiné par le Sénat à la fin du mois.

C'est dans ce contexte que nous avons souhaité vous entendre pour faire le point sur la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France, pour voir avec vous comment se concrétisent les synergies et la nouvelle ambition qui ont été à l'origine de la création de la holding AEF. J'indique au passage que vous comptez parmi les membres de votre conseil d'administration un éminent membre de notre commission en la personne de M. Michel Herbillon. Dans le cadre de cette réforme, nous n'ignorons pas les situations particulières de telle ou telle entité de l'audiovisuel extérieur. Je pressens des interrogations de nos collègues notamment sur RFI, mais je veux insister sur le caractère global de votre audition. Et à ce titre, je vous pose d'ores et déjà la question de la signature du contrat d'objectifs et de moyens qui aurait dû intervenir en 2009. Par ailleurs, je me fais l'interprète de plusieurs de nos collègues pour soulever la question de la place de TV5 dans le dispositif de l'audiovisuel extérieur, notamment par rapport à France 24.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Nous avons été nommés par le Président de la République le 28 février 2008 pour moderniser et dynamiser l'audiovisuel extérieur de la France. Cette mission doit être conduite avec le souci d'améliorer l'efficacité et de réduire les coûts de sociétés fonctionnant jusqu'ici de manière autonome et non coordonnée. Nous devons à présent définir le plan opérationnel, assorti d'un plan d'affaires dans le cadre de la signature du contrat d'objectifs et de moyens 2010-2013.

L'intégration des sociétés qui composent l'AEF (TV5 Monde, France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya) a été lente et difficile, et ce pour des raisons indépendantes de l'AEF mais elle est aujourd'hui terminée. Elle s'est opérée dans un environnement qui change profondément à cause de deux facteurs : la mondialisation et la révolution technologique qui a changé profondément et durablement les attitudes, les comportements et les attentes des consommateurs de médias dans le monde et à laquelle nos concurrents ont su d'adapter plus rapidement. Dans ce contexte de changement, la constitution d'un groupe de médias français de service public, à dimension internationale, moderne et compétitif, offrant un regard spécifique, celui des valeurs françaises partout dans le monde est indispensable. Il a pour mission de contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, mais aussi au rayonnement de la France dans le monde pour le plus grand nombre de personnes, en français et en langues étrangères, avec un objectif de francophonie et de francophilie.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

L'acquisition des 49 % du capital de TV5 Monde n'a été approuvée en conseil d'administration qu'en décembre 2008. L'accord signé entre les partenaires non français francophones (Suisse, Belgique, Canada, Québec) et le gouvernement français a fait en sorte que l'AEF soit minoritaire avec 49 % des actions et que TV5 Monde soit traitée non pas comme une filiale, mais comme un partenaire autonome régi par la charte de TV5 Monde, et sous l'autorité des Hauts Fonctionnaires et des Ministres. La situation à notre arrivée était très difficile après le rapport Benamou qui avait pu « froisser » nos partenaires. Aujourd'hui la situation est pacifiée. Le droit d'alerte posé par le comité d'entreprise a été levé il y a huit mois. La coopération et l'entente avec la direction, Marie-Christine Saragosse et ses équipes, et les partenaires non français francophones sont aujourd'hui excellentes.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

S'agissant de RFI et Monte Carlo Doualiya (MCD), nous en sommes devenus actionnaires par la loi du 9 mars 2009, MCD étant la filiale arabophone de RFI détenue à 100 % par RFI.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

France 24 a rejoint l'AEF au cours du premier trimestre 2009 – le 12 février 2009. Elle est restée pendant un an en dehors de l'AEF puisqu'il s'agissait d'une société privée, détenue à parité par TF1 et France Télévisons. Début 2009, après des mois d'échec dans les négociations entre l'État et les anciens actionnaires, nous avons repris la négociation pour la mener à bien.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

En résumé, cette intégration lente et difficile explique que l'État ait considéré 2009 comme une année à part. C'est la raison pour laquelle le contrat d'objectifs et de moyens liant l'État à l'AEF ne commencera qu'en 2010.

S'agissant de TV5 Monde, l'état des lieux est le suivant. Les audiences sont en diminution de 10 à 15 %. Le passage de la diffusion analogique à la diffusion numérique dans toute l'Europe constitue un vrai danger. Enfin, la politique de sous-titrage n'apparaissait pas cohérente. Le sous-titrage n'était pas continu et coûtait quatre fois plus cher que ce qu'il devait coûter.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Lancée en décembre 2006, France 24 est une entreprise jeune et dynamique qui a pris d'entrée le virage du multimédia et du multisupport, même si elle n'a pas les moyens de ses concurrentes que sont CNN, Eljazeera et BBC World. Elle s'exprime en trois langues : en français et en anglais vingt-quatre heures par jour et en arabe dix heures par jour. Elle est aujourd'hui compétitive dans deux langues : le français et l'anglais mais elle n'est toujours pas compétitive en arabe malgré le passage de quatre heures à dix heures par jour depuis fin avril, dans la mesure où nos concurrents majeurs diffusent en arabe vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Autre faiblesse de France 24 : sa couverture, qui n'est pas encore mondiale. Elle est présente en Europe, au Proche et au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne. L'évolution de son audience est très satisfaisante et en progression constante. La chaîne compte déjà 20 millions de téléspectateurs hebdomadaires. Sa cible est constituée des décideurs et non du grand public. En Europe, France 24 parvient à « grignoter » des parts de marché dans un environnement hautement concurrentiel. En Afrique subsaharienne, France 24 a élargi sa cible au grand public. Elle touche chaque semaine 13,6 millions de téléspectateurs en Afrique. Le site de France 24 figure parmi les sites leaders et les grandes marques d'information dans le monde. En Amérique du Nord, 1 million de personnes suivent France 24 sur Internet.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

S'agissant de RFI, à notre arrivée, la situation y était très préoccupante sur le plan des audiences, de la compétitivité au plan géopolitique et technique, de la culture d'entreprise et du rôle des syndicats, et sur le plan financier. Notre objectif et notre mission sont de relancer RFI. L'audience globale hebdomadaire était passée de 44 millions à 35,6 millions entre 2004 et 2008, soit une diminution de 20 %. Hors MCD, l'audience globale hebdomadaire était passée de 33,5 millions à 29,8 millions, soit une diminution de 11 %. Le poids de l'Afrique dans l'audience de RFI, dont je rappelle qu'elle était diffusée en dix-huit langues, était passé dans le même temps de 73 % à 85 %. La part de marché de RFI est passée parallèlement de 1,1 % à 0,75 %. L'audience de RFI a donc chuté partout alors qu'elle s'est stabilisée en Afrique.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Sur le plan de la compétitivité par rapport aux évolutions géopolitiques, RFI ne s'était pas suffisamment adaptée, contrairement à Deutsche Welle ou à la BBC. Le choix des langues n'avait pas évolué depuis la chute du Mur de Berlin. Six n'avaient plus de raison d'être, à commencer par l'allemand et le polonais. Nous les avons donc supprimées après avoir demandé une mesure de l'audience. Il est apparu qu'elles n'étaient même plus mesurées, ni mesurables (moins de 0.01 % d'audience) et qu'elles coûtaient annuellement plus de 3 millions d'euros.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Sur le plan technologique, l'onde courte a été le cheval de bataille de RFI. Il faut s'interroger sur son utilisation (le contrat de TDF arrivant à échéance en décembre 2011) dès maintenant eu égard à la révolution technologique et aux possibilités qu'offrent Internet, les mobiles et les web radios pour le développement des audiences. Il y a déjà trois fois plus de Chinois qui nous écoutent en Chine en mandarin sur Internet que de Chinois qui nous écoutent sur ondes courtes.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

RFI présente une autre caractéristique importante : sa culture d'entreprise et le rôle des syndicats qui ont pris l'habitude de participer à la gouvernance de l'entreprise, au-delà de leur rôle qui est de veiller au sort des salariés. À RFI, les syndicats SNJ, CGT et FO ont pris depuis des décennies l'habitude de la cogestion. À l'inverse, trois syndicats ont accepté de construire un dialogue (CFDT, CGC, CFTC).

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Nous avons voulu mettre fin à la culture du déficit qui régnait à RFI. L'audiovisuel extérieur de la France a été obligé de demander à l'État de recapitaliser RFI à hauteur de 16,9 millions d'euros il y a neuf mois pour combler les déficits antérieurs à 2009. Nous savions que cela n'était pas suffisant. Si nous n'agissions pas, le déficit sur 2009 et 2010 aurait été proche de 10 millions d'euros ! Il est à noter que RFI est la seule société de l'audiovisuel extérieur de la France qui a des déficits récurrents. Ni TV5 Monde, ni France 24 n'en ont, alors que c'est RFI qui dispose du budget le plus important en 2009 : 133 millions d'euros contre 91.7 millions d'euros pour France 24 et 70 millions d'euros pour TV5 Monde. Ces déficits empêchent tout développement stratégique. L'État a été clair : pour recevoir les moyens de développer RFI sur les quatre prochaines années, il fallait arrêter les déficits. C'est la raison pour laquelle nous avons été obligés de lancer un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui a conduit au départ volontaire de 206 personnes, ce qui nous permet pour la première fois d'équilibrer les comptes de RFI. Il y a eu 275 demandes de départs volontaires. Nous devons maintenant régler le sort des 69 autres volontaires au départ. Nous avons fait des demandes dans ce sens à l'État. Nous attendons les réponses avec confiance.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

S'agissant de Monte Carlo Doualiya, filiale à 100 % de RFI, elle a perdu en l'espace de cinq ans plus de 50 % de son audience, qui est passée de 10,5 millions en 2004 à 5 millions en 2009. MCD était, comme RFI, en déficit chronique, perdant 2,2 millions d'euros en 2009. MCD utilise l'onde moyenne comme principal vecteur de diffusion, mode d'écoute tout à fait démodé, à partir d'un relais de diffusion à Chypre, complété par 14 relais FM repartis sur le Proche et le Moyen Orient, dont la qualité d'écoute est discutable et n'a jamais été vérifiée. La ligne éditoriale n'était pas contrôlée, d'autant que la direction de l'époque ne parlait pas arabe. La rédaction a pu être remaniée sous l'impulsion de Nahida Nakad, qui est directrice adjointe en charge de l'éditorial arabophone à MCD et à France 24. Nous avons remis en place une grille d'information de qualité et pour la première fois, l'audience entre 2008 et 2009 semble stabilisée. Elle est même repartie à la hausse au Liban. Sur le plan éditorial et du climat social, la situation semble donc stabilisée à MCD.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Qu'a fait l'AEF depuis sept mois ? Nous avons en premier lieu opéré une réforme des contenus.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

À France 24, nous avons mis en place une nouvelle grille de programmes en mai 2009 avec plus de culture, de sport, d'économie, d'émissions en direct. Nous avons toujours beaucoup plus de reportages que nos concurrentes en Europe. Nous avons mis en place une émission qui est une vraie singularité, « Les Observateurs », vidéastes internautes qui, sous notre contrôle éditorial, livrent des images et des informations que l'on ne trouve nulle part ailleurs. En arabe, nous sommes passés de quatre heures à dix heures d'antenne en avril 2009.

En ce qui concerne RFI, nous avons mis en place une nouvelle grille en français qui a donné de bons résultats puisque pour la première fois, l'audience de RFI en Afrique francophone, son plus large bassin d'audience, est repartie à la hausse, notamment au Sénégal, en Côte d'Ivoire et au Gabon.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Nous avons créé un pôle arabophone sous la direction de Nahida Nakad, qui était grand reporter à TF1 et qui nous a rejoints. Pourquoi ? Parce que 60 à 80 % de la population du Proche, du Moyen Orient et du Maghreb ne parle qu'arabe et il était souhaitable que la France puisse diffuser sa vision et ses valeurs dans ces territoires. Nous avons donc mutualisé les équipes pour que la langue arabe, qui après le français, est la langue prioritaire pour l'AEF devienne compétitive sans demander à l'État de nouveaux financements. Nous avons pris les équipes arabophones de France 24 et de MCD pour créer une équipe développant de la radio, de la télévision et du multimédia. Nous avons lancé une nouvelle grille pour MCD le 19 janvier, qui comporte plus de direct, de proximité, de sports, de société et de musique et joue à la fois sur l'information et le divertissement.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Nous avons fait porter nos efforts sur le développement des synergies entre ces différentes sociétés, y compris TV5 Monde, même si cette chaîne est partagée avec nos partenaires non français francophones. Nous venons d'évoquer les synergies entre France 24 et MCD. Ces synergies se prolongent sur Internet puisque les deux sites ont été mutualisés. Des synergies ont également été mises en place entre RFI et France 24 avec une toute nouvelle émission hebdomadaire sur l'Europe et des opérations conjointes sur de grands événements comme le vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin et la création ponctuelle de mini sites Internet en commun sur le festival de cannes ou la conquête de l'espace etc. D'importantes synergies ont été mises en place en ce qui concerne le traitement de l'Afrique. Il y a, à RFI et c'est l'un de ses grands atouts, une forte expertise sur ces problèmes et les journalistes de RFI contribuent à la qualité de la couverture africaine de France 24. Des synergies ont également été permises au niveau des correspondants et des pigistes sur le terrain qui, dans certains cas, travaillent déjà pour les deux médias. Des synergies ont également été organisées entre RFI et TV5 Monde avec deux émissions hebdomadaires « Internationales » et « Afrique Presse », mais également pour l'apprentissage du français, qui constitue un chantier d'avenir mené fort bien par TV5 Monde et RFI.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Nous avons mutualisé les équipes de direction. Il y aujourd'hui sept directeurs communs aux entreprises, ce qui présente un triple avantage : l'assurance de politiques coordonnées, une plus grande efficacité et des synergies de masse salariale. Nous sommes en train de réunir les régies publicitaires de RFI, France 24, et MCD au sein de l'AEF, sachant que la régie publicitaire de TV5 Monde est assurée par France Télévisions Publicité.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Pour ce qui concerne les études, les synergies ont été mises en chantier très tôt de façon à mutualiser les coûts, ce qui nous a permis de choisir, après un appel d'offres, TNS Sofres, mieux disant et moins cher, de façon à disposer d'un échantillon plus large de pays et de populations. Nous pouvons désormais mesurer de manière fiable, quantitativement et qualitativement, nos audiences dans 34 pays en utilisant des études existantes et en développant les nôtres deux fois par an, ce qui permet à chacune des sociétés qui participent à notre dispositif d'avoir accès à la totalité des résultats en ne payant que le quart du coût. Parallèlement, nous avons signé des accords avec nos concurrents, BBC, Voice of America ou Deutsche Welle, qui ont besoin des mêmes études, en les associant pour réduire encore les coûts et augmenter ainsi le nombre de pays mesurés

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Nous développons la convergence dans la distribution. Trois types de synergies ont été développés. Pour développer France 24 en Asie, l'équipe de TV5 Monde à Hong Kong est en charge de sa distribution. Nous avons mis en place une équipe qui développe France 24, RFI et MCD dans les endroits stratégiques que sont les aéroports, les compagnies d'aviation et de transport et les hôtels. Enfin, nous sommes en train de mettre en commun une équipe afin que dans les hôtels, il n'y ait pas de concurrence entre TV5 Monde et France 24. Je rappelle que TV5 Monde est une chaîne généraliste et France 24, une chaîne d'information.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Dans le domaine du développement du multimédia, le laboratoire multimédia de France 24 a travaillé à la rénovation des sites de RFI. Les rédactions en chef web et les équipes techniques travaillent ensemble. Plusieurs web documentaires ont été élaborés de conserve. Il y a de plus en plus de vidéos de France 24 sur les sites de RFI, en français et dans les autres langues, notamment le vietnamien qui est le site de RFI qui progresse le plus vite. Inversement, il y a de plus en plus de documents sonores de RFI et MCD sur les sites de France 24.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Nous allons signer un contrat d'objectifs et de moyens (COM) avec l'État pour la période 2010-2013. Les objectifs de ce COM seront d'intensifier encore les synergies entre les sociétés de l'AEF dans tous les secteurs. France 24 doit avoir une distribution mondiale à l'horizon de la fin 2010. Elle doit passer à 15 heures puis à 24 heures en langue arabe fin 2010. Enfin, elle doit encore développer sa politique de multimédia en la centrant sur les téléphones mobiles.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

S'agissant de RFI, elle doit développer sa diffusion en modulation de fréquences partout où cela est possible et développer de nouvelles langues, qui correspondent à d'immenses bassins de population qui sont déjà investis par nos concurrents, notamment la BBC mais aussi les Chinois. Je souligne que Pékin va débloquer 1 milliard d'euros pour développer en langue étrangère ce que le régime considère comme de l'information dans les régions où il veut étendre son influence. RFI développera donc le Swahili à destination de l'Afrique de l'est. RFI doit impérativement anticiper le déclin des ondes courtes et moyennes en utilisant Internet, formidable cure de jouvence pour la radio puisque les gens écoutent de plus en plus ce média sur Internet. Il y a là un potentiel considérable pour RFI. Nous sommes candidats à la radio numérique terrestre et espérons donc que ce réseau pourra être développé en France. De façon générale, le multimédia fait l'objet de toutes nos attentions à RFI.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

MCD a lancé une nouvelle grille de programmes mais nous devons développer son réseau FM. Nous n'avons que 14 relais FM sur le Proche et le Moyen Orients dont deux ont été interdits par les pouvoirs politiques. J'ai le plaisir de vous annoncer que nous sommes en FM dans le nord du Liban depuis avant-hier, depuis hier dans le sud du Liban et à compter d'aujourd'hui dans la totalité du Liban.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

S'agissant de TV5 Monde, elle doit devenir un média global, c'est-à-dire continuer à se développer sur Internet, consolider sa transition de l'analogique vers le numérique, continuer à faire du sous-titrage, seul moyen de maintenir et d'accroître son audience, et améliorer la visibilité de son image.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Au plan financier, il va y avoir une montée en puissance du financement de l'État dans les deux prochaines années. Cette montée sera ensuite relayée par l'augmentation des ressources propres de l'AEF jusqu'en 2013. Nous allons déménager dans un lieu unique dans Paris ou en proche banlieue avant le premier trimestre 2011. Enfin, au plan du multimédia, tout en gardant notre savoir-faire et nos performances sur les métiers de base (télévision, radio), nous souhaitons améliorer notre présence sur les nouveaux médias pour toucher les 1,7 milliards d'utilisateurs d'Internet et les 3,5 milliards de mobiles.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Avec l'audiovisuel extérieur de la France (AEF), nous sommes en terrain miné. D'ailleurs, historiquement, sur ce sujet, il y a un contentieux entre le Parlement et le Gouvernement. Nous sommes plusieurs à avoir participé à une mission d'information qui avait proposé, à l'unanimité, un modèle pour la constitution et le développement de ce volet de la politique audiovisuelle. Par la suite, cette proposition consensuelle a été torpillée par l'un d'entre nous, mais je ne m'appesantirai pas sur le passé.

Aujourd'hui que constate-t-on ? Je suis désolé d'aborder des sujets qui fâchent, mais, nous avons peu de visibilité sur l'AEF. TV5, on le sait, ne peut pas être une filiale de l'AEF, puisque cette chaîne est le produit d'un traité international. Mais il faut bien reconnaître et regretter que, par le passé, TV5 avait davantage de visibilité lorsqu'elle était présidée par des présidents emblématiques et charismatiques, dont certains sont chers à notre coeur. Certes, récemment, le rapport Benamou sur la réforme de l'audiovisuel extérieur avait proposé des pistes, mais qui ont beaucoup « hérissé » – à juste titre d'ailleurs.

En ce qui concerne RFI, j'aborderai de manière frontale les problèmes que connaît cette radio. M. Alain de Pouzilhac, vous avez été finalement très fidèle, ce dont nous nous réjouissons, à l'image de « patron de choc » que vous affectionnez.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Est-ce un compliment ?

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Pour ce qui nous concerne, nous autres députés, nous disposons d'une légitimité certaine : celle que confère le suffrage universel. Mais je reprends mon propos. Président de choc, donc, vous présidez RFI alors que cette radio a connu la plus longue grève de l'audiovisuel public depuis mai 1968 et que 20 % de ses effectifs ont été supprimés. Sur ce dernier point, le nombre de candidats au départ est supérieur à celui des départs prévus, ce qui vous oblige à demander à l'État les moyens de gérer les 69 départs volontaires « supplémentaires ». Cette situation sociale justifie, vous en conviendrez, le discours critique que je tiens.

Certes, on peut estimer que RFI doit évoluer, en particulier pour s'adapter à la nouvelle donne créée par Internet. Dans le même temps, il s'agit d'une radio emblématique, qui assure un rayonnement culturel et linguistique sans pareil. Cette radio était aussi la voix de la liberté quand le mur de Berlin divisait encore l'Europe.

La lutte contre les déficits ne peut tout justifier ! D'autant qu'à ma connaissance, RFI n'est pas la seule entreprise audiovisuelle publique qui connaît un important déficit. Pourtant, on ne demande pas autant d'efforts aux autres. À titre d'illustration, France 2 connaît un déficit de 137 millions d'euros, mais qui serait, semble-t-il, comblé par les recettes publicitaires supplémentaires obtenues en journée. On voit bien que la lutte contre les déficits n'est qu'une fausse excuse.

Je termine par France 24. On en parle beaucoup… au travers des nombreux placards publicitaires vantant les mérites de cette chaîne que nous pouvons admirer dans nos journaux. Mais lorsque je voyage à l'étranger, j'ai le sentiment qu'on en parle beaucoup moins que dans ces fameux placards publicitaires.

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Justement, j'aimerais vous interroger au sujet de France 24. En précisant qu'aucun lien ne doit être établi ente ma question et les derniers propos de Patrick Bloche, comment, concrètement, mesurez-vous les performances de France 24 ? Des sondages circulent et certains en font état. Qu'en est-il en réalité ?

Quant à votre plan stratégique pour France 24, il m'incite à poser une question qui peut sembler anecdotique, mais qui ne l'est aucunement. Elle concerne la présence effective de France 24 dans les hôtels. Vous avez indiqué que cette chaîne s'adresse en priorité aux décideurs. Or ces gens voyagent et séjournent dans des hôtels dans lesquels, selon mon expérience, la présence de cette chaîne est trop faible. Ce constat vaut aussi pour les hôtels relevant d'un grand groupe français comme Accor, dont les établissements sont présents dans toutes les grandes capitales. Quelles sont les raisons d'une si faible présence ?

J'en viens à la place que devrait occuper l'Europe dans l'AEF. Certes, la place de la France au sein de ce dispositif nous concerne directement. Mais, la France étant un pays leader en Europe, son audiovisuel doit s'intéresser à la place qu'y occupe cette dernière. J'aimerais vous entendre sur ce sujet.

Enfin, les moyens que notre pays consacre à l'audiovisuel extérieur, soit environ 300 millions d'euros, seraient, c'est du moins ce qu'affirme un rapport parlementaire, grosso modo équivalents à ceux de nos concurrent, la BBC et Deustche Welle .En revanche, ce qui rend la situation française singulière, c'est la dispersion des différentes structures constitutives de l'audiovisuel extérieur. Cette dispersion génère des doublons et par conséquent des pertes. J'ai entendu vos propos concernant les synergies devant être créées au sein de votre société, mais je souhaiterais obtenir des précisions sur les mesures qui, concrètement, permettront de résorber ces doublons et d'accroître ainsi la visibilité de l'audiovisuel extérieur français.

PermalienPhoto de Patrick Roy

Je ne referai pas l'analyse développée par mon excellent collègue Patrick Bloche. Mais tout de même ! Quand M. de Pouzilhac nous dit « Non au déficit ! », je ne peux m'empêcher de comparer ce slogan, appliqué au domaine culturel, qui est si particulier, avec ce qui se passe dans l'hémicycle où M. Woerth doit défendre un déficit très considérable…C'est le règne du double langage !

J'en viens à l'AEF. J'ai deux passions dans ma vie : le rock et les voyages. C'est au cours de ces derniers que j'ai pu constater une chose surprenante : la grande fantaisie des prévisions météorologiques de TV5 Monde. En effet, je regarde toujours, quand c'est possible, cette chaîne quand je suis en voyage, car la météo est non seulement utile, mais instructive. Or très souvent, cette chaîne pratique le comique, involontaire ou non, je ne sais pas. Ainsi, au cours d'un voyage dans les Andes, elle annonçait la neige, alors que je portais tous les jours un t-shirt. Elle a pu aussi prévoir des températures caniculaires – 35 ou 36 degrés – à San Francisco alors que tous ceux qui connaissent cette ville savent qu'il n'y fait jamais aussi chaud… C'est ainsi qu'avec mon fils, nous regardons cette météo mondiale comme une émission comique. Que faire pour lutter contre ce manque de crédibilité ?

PermalienPhoto de Bernard Debré

Quelques mots sur TV5 Monde pour dire, d'abord, qu'elle est bien diffusée. Il m'arrive de voyager aussi, en particulier en Afrique et en Asie. Mais je ne suis pas sûr que certaines émissions à caractère ludique soient intéressantes pour les habitants de Pékin, Shanghai et Bamako. Si je compare ces programmes à ce peut offrir CNN, clairement, ce n'est pas de la même envergure. Ainsi, un événement tel que le drame de l'Airbus partant de Rio est traité sur CNN, mais pas sur France 24, qui n'est pas diffusée en Asie, ni sur TV5 Monde, qui à ce moment peut diffuser un reportage sur le championnat de boules de Béziers…

Ce décalage dans la qualité des contenus semble résulter du fait que TV5 Monde est dans l'obligation de diffuser des « queues de programmes » diffusées en Belgique ou au Canada. Tout cela ne vole pas très haut et je ne suis pas sûr que ces programmes véhiculent la culture française.

Le manque de diffusion de France 24 est patent. Il faut que cette chaîne soit présente dans les grands hôtels, pour les voyageurs qui ont envie de garder un lien avec la France, mais aussi dans la vie de tous les jours pour nos expatriés ou les francophones vivant sur place et qui ont envie de « fond ».

Quant à RFI, je ne m'attarderai sur le fait qu'elle est indispensable en Afrique. Cela étant dit, s'il doit être clair, pour tous, que la liberté éditoriale de cette radio constitue un impératif, trop souvent celle-ci donne l'impression à nos expatriés qu'elle donne exclusivement la parole à l'opposition des pays dans lesquels ils résident. Or, cette image que véhicule RFI peut avoir des conséquences très désagréables sur nos expatriés, qui peuvent ainsi être pris à partie par des forces politiques locales. Je ne m'étendrai pas sur des exemples récents, au Gabon, en Mauritanie ou ailleurs encore, dans lesquels RFI a pu alimenter une attitude agressive contre les Français habitant sur place. C'est très bien d'avoir des opinions, mais il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas, dans certains pays, un contrecoup pour nos compatriotes.

PermalienPhoto de Michel Françaix

En ce qui concerne France 24, il est difficile de juger son action au bout de trois ans d'existence seulement d'autant que l'on sait d'où cette entité vient et qu'elle n'a pas toujours reçu de moyens suffisants.

C'est aussi difficile de prévoir les résultats des synergies qui se mettent en place. Elles ne peuvent être complètes entre France 24 et TV5, car ce ne sont pas les mêmes structures. Cependant, il faudrait regarder si la baisse d'audience de TV5 n'est pas proportionnellement compensée par une hausse très légère de celle de France 24. Il reste que ces deux chaînes ne devraient pas proposer la même chose, encore que ce soit parfois le cas, même si, comme le soulignait M. Bernard Debré, les sujets traités par TV5 relèvent parfois de l'anecdotique.

En ce qui concerne RFI, je pense que les journalistes ne croient plus dans cette radio. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils partent, massivement. Pourquoi en serait-il autrement ? On peut comprendre en effet que ces journalistes, sachant qu'ils sont de bons professionnels, aient pour seul objectif de partir, maintenant, pour continuer à exercer, dans de bonnes conditions, un travail qu'ils continuent d'aimer. Ils quittent ainsi RFI, en ayant le sentiment que les journalistes n'y sont pas bien vus. C'est peut être le même schéma qui attend l'AFP…

Cette situation est plutôt triste car, au fond, RFI et l'AFP c'est ce qui se fait de mieux dans le domaine. On se prend à rêver qu'Eric Besson prenne le parti de RFI et de l'AFP pour les inclure dans l'identité française et les préserver ainsi…

Pour revenir au déficit et aux synergies, je ne suis pas sûr qu'on ait réfléchit au coût que représente l'installation, dans des lieux différents, des correspondants de l'AFP et de RFI. On devrait creuser cette piste d'économies pour réduire les déficits.

Par ailleurs, M. de Pouzilhac, quelle est votre politique en matière de publicité ? Le Gouvernement ne sait pas s'il faut augmenter ou pas cette source de recettes. Est-ce une solution intelligente ou n'y croyez-vous pas ?

PermalienPhoto de Christian Kert

Le but premier de France 24 était de développer un regard français sur l'actualité internationale et vice versa. Pensez-vous l'atteindre ? Y a t-il une demande en la matière ou cherchez-vous à vaincre une espèce d'indifférence ? En ce qui concerne Euronews, dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle présente de bons programmes, des synergies sont-elles possibles avec cette chaîne ? Inversement, est-il envisageable que toutes les chaînes françaises parlent d'une même voix sur les questions européennes ? Enfin, s'agissant de la distribution de France 24, il faut être présent et par conséquent disposer de locaux. Très clairement, un effort dans être fait dans ce domaine.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

J'apprécie vos propos sur le service public et le déficit. Peut-être pourriez vous nous en dire plus sur les recettes propres de l'AEF ? Après tout, le déficit résulte aussi des décisions prises par ceux qui versent de l'argent à la société que vous présidez – en particulier des choix faits par l'État. Je suis de ceux qui pensent que la présence de la France dans le monde mérite qu'on y consacre un peu d'argent.

Concernant les départs de journalistes de RFI, comment les interprétez-vous ? Je ne suis pas sûr à cet égard que le signal qu'a constitué la décision d'attribuer des rémunérations élevées aux plus hauts dirigeants de la société ait été un bon signal.

Par ailleurs, que pouvez-vous nous dire sur les problèmes de concurrence ou la complémentarité entre France 24 et TV5 ? Sur la part occupée par la publicité dans le financement, elle est, semble-t-il, en croissance forte sur RFI. J'ai lu aussi que la publicité faite sur France 24 pourrait être faite via la régie de France Télévisions et que ce pourrait être aussi le cas pour RFI.

En ce qui concerne Internet et France 24, je souhaiterais obtenir davantage de précisions sur votre plan de développement. Enfin, s'agissant des connexions pour 2009 et 2010 sur les services Internet de France 24, ils semblent stables plutôt qu'en augmentation – ce qui ne peut que susciter notre perplexité. Qu'en est-il exactement ?

PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Je regrette qu'il soit difficile d'accéder à France 24 à l'étranger dans certains hôtels, notamment dans certaines capitales européennes comme Berlin ou Rome. Or, il est réellement souhaitable de développer l'accès aux informations en langue française à l'étranger. À cet effet, serait-il possible de prévoir la conclusion d'accords de partenariat avec des chaînes internationales d'hôtels, voire d'instituer une obligation pour les chaînes d'hôtel françaises de diffuser France 24 à l'étranger, à l'instar de chaînes internationales concurrentes telles que CNN ou la BBC ?

PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Je regrette également que la présence française dans les médias à l'étranger soit très inférieure à celle d'autres pays. Afin de pallier cette insuffisance, il est notamment nécessaire de développer les émissions sur l'Europe. Pour favoriser l'accès des étrangers à la langue française, il serait également souhaitable de développer voire de systématiser le sous-titrage des émissions en langue française, ainsi que le font la plupart des grandes chaînes étrangères internationales.

PermalienPhoto de Didier Mathus

Je ne suis pas membre de la commission, mais j'ai souhaité m'associer à cet échange sur un sujet passionnant. Je veux souligner combien les difficultés que connaît RFI sont une véritable catastrophe. RFI était en effet un trésor contribuant au rayonnement de la France à l'étranger. Or, la gestion du conflit a considérablement dégradé son image d'autant que le plan de restructuration s'est appuyé sur des chiffres d'audience contestables, fournis par l'institut GEDA. Pourtant, RFI n'est pas un média dépassé. Il y aurait un intérêt certain à maintenir les émissions de RFI, même en ondes courtes, car internet ne peut pas remplacer la radio, en particulier dans beaucoup de pays africains dont une partie de la population n'a même pas accès à l'électricité.

Si l'on se réfère à l'expérience de CNN, il y a lieu de s'interroger sur la nécessité de créer une chaîne de breaking news comme France 24. Ces chaînes sont sorties de la période triomphale des années 1990 et même CNN perd du terrain compte tenu de la multiplicité de l'offre de médias. Il faut également s'interroger sur la montée en puissance de France 24 qui ne doit pas s'effectuer au détriment de TV5 Monde, laquelle n'est pas une chaîne française et peut être définie comme la seule chaîne généraliste mondiale et la mieux distribuée dans le monde. Il faut absolument éviter les risques qui pourraient découler d'une concurrence frontale entre France 24 et TV5 Monde, en particulier en lien avec l'arrêt de la diffusion hertzienne analogique.

Enfin, il y a lieu de s'interroger sur le projet de confier la régie publicitaire de l'AEF à celle de France Télévisions. Nous sommes opposés à la privatisation en cours et très contestée de cette dernière qui pourrait en effet constituer une affaire commerciale très juteuse pour ses acquéreurs si la publicité sur France Télévisions devait être maintenue.

PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Je ne comprends pas la réaction des syndicats de RFI contre le regroupement des journalistes en langue française et en langues étrangères en deux catégories. 271 salariés se seraient portés volontaires au départ de l'entreprise, dont cinq chefs de service sur sept, 80 % de l'encadrement intermédiaire. Pourquoi ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Enfin, vous avez dit que vous feriez tout pour relancer RFI mais nous craignons que cela implique des refinancements excessifs.

PermalienPhoto de Hervé Féron

Je m'associe aux propos tenus par Patrick Bloche. L'échange de ce matin contribuera aux réflexions des membres de la mission d'évaluation et de contrôle sur l'enseignement français à l'étranger, dont je suis co-rapporteur. À l'instar de ce que font d'autres chaînes étrangères comme la BBC, ne serait-il pas souhaitable de développer des politiques communes avec des objectifs communs et des stratégies partagées entre France 24 et les alliances françaises, les centres culturels français, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ou d'autres organismes contribuant à la diffusion de la culture française et au rayonnement du français à l'étranger ? Au-delà, il convient de s'interroger à nouveau sur le concept de francophonie et la politique visant à favoriser le rayonnement culturel de la France à l'étranger.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Les mesures d'audience émanent du GEDA ne sont pas « miraculeuses », elles sont fiables et incontestables. Elles résultent des statistiques établies par divers organismes comme Africascope, EMS, ou TNS SOFRES dans 34 pays. Les budgets d'études d'audience sont d'ailleurs mis en commun avec d'autres télévisions comme la BBC, la Deutsche Welle ou Voice of America. Elles correspondent à la réalité, que les audiences ressortent en hausse ou qu'elles soient stables ou même à la baisse, comme c'est aujourd'hui le cas, puisqu'elles sont passées pour RFI de 44 millions, il y a cinq ou six ans, à 35 millions, aujourd'hui. Je suis surpris que l'on puisse penser un instant que nous « bidonnons » les audiences. Ce serait criminel.

Notre rôle est d'accroître l'influence de la France dans le monde. Pour cela, il faut regarder les maux et ne pas faire semblant. Nous avons un combat d'influence à mener contre les opérateurs audiovisuels concurrents anglo-saxons, arabes ou asiatiques pour défendre notre culture, nos valeurs et notre vision du monde. Il faut donner au plus grand nombre de personnes dans le monde accès à notre culture. Nous nous battons pour notre pays.

Il n'y a pas de fatalité à la diminution de l'audience. Nous avons mené des études pour analyser les résultats des différentes émissions et mettre en place les actions correctives nécessaires pour combler cette déperdition d'audience. Il n'y a aucune gloire à constater que la totalité des langues développées à RFI faisaient moins d'audience que Monte-Carlo Doualiya en langue arabe dont l'audience est passée de 10 millions à 5 millions. Afin de faire face à la concurrence de nouveaux médias locaux dans sa zone de diffusion, il convient de développer notre langue mais aussi, afin de diffuser nos valeurs, les émissions en arabe et en langues véhiculaires, comme le swahili ou le haoussa, que développent nos concurrents en Afrique francophone.

À titre personnel, si j'ai accepté cette mission à la tête de l'audiovisuel extérieur de la France, c'est pour contribuer au développement du rayonnement de la France à l'étranger. Passant 80 % de mon temps à l'étranger, je m'étais en effet rendu compte que la présence médiatique de la France à l'étranger était de plus en plus faible. Le salaire qui m'est attribué me paraît correspondre à la charge de travail qui est la mienne, à la mission qui m'a été confiée et à laquelle je me consacre totalement. Je n'ai donc pas le sentiment de voler mon argent. Cette rémunération correspond d'ailleurs à ce qui est attribué dans l'audiovisuel public pour des fonctions équivalentes.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

S'agissant de la distribution de France 24, il faut rappeler que TV5 a 25 ans, Euronews a 15 ans, BBC International a été créée il y a 50 ans, CNN, il y a 25 ans, la Deustche Welle, il y a 20 ans, et Eljazeera, il y a 5 ou 6 ans. Pour sa part, France 24 a été créée il y a seulement 3 ans. Nos concurrents sont donc installés dans le paysage depuis plus longtemps et disposent de plus de moyens.

Je rappelle que la distribution dans les hôtels des chaînes de télévision, et notamment de celles que nous devons promouvoir, dépend des contrats commerciaux qui sont négociés avec les opérateurs de satellite et les câblo-opérateurs qui participent à la chaîne de la diffusion. La France peut être ainsi mise en concurrence par exemple dans certains pays arabes avec des chaînes arabes qui disposent de moyens très importants. Sans l'argent pour payer ces opérateurs, on n'existe pas. C'est une des raisons pour lesquelles la France doit disposer de moyens suffisamment importants pour affirmer sa présence et la diffusion de ses chaînes dans les hôtels. Sur ce plan, il y a d'ailleurs lieu de souligner que la signature d'accords avec les chaînes d'hôtel n'est pas suffisante. Il faut également s'assurer de l'accord des câblo-opérateurs locaux. Des difficultés ont été rencontrées sur ce point dans certaines capitales européennes, comme par exemple à Berlin. Tout est donc une question de moyens financiers.

Le développement de France 24 ne fait pas une concurrence directe à TV5 Monde, puisque cette dernière, à la différence de France 24 qui est une chaîne d'information en continu, est une chaîne généraliste. Les deux chaînes n'ont donc pas les mêmes missions. En outre TV5 Monde est une chaîne qui associe plusieurs pays. L'évolution de ses sept principaux programmes dépend donc d'accords à passer avec les différents partenaires. On peut d'ailleurs saluer, à nouveau, le rôle déterminant qu'a joué Serge Adda pour implanter et développer TV5 Monde. Mais ces partenaires n'ont pas forcément intérêt à voir se développer la concurrence de TV5 Monde sur leurs propres bassins d'audience. C'est pourquoi lorsque l'on critique les programmes de TV5 Monde, il faut avoir à l'esprit que cette chaîne est elle-même en concurrence avec certains de ses actionnaires. Cela pourrait par exemple expliquer le fait que TV5 Monde n'obtient que 2 % d'audience au Québec.

Dernier point, l'Europe. Sur RFI et France 24, nous diffusons davantage d'émissions sur l'Europe que toutes les chaînes françaises réunies. Ce n'est d'ailleurs pas difficile… Sur cette thématique également, la complémentarité des médias joue à plein. D'ailleurs, RFI est une radio très compétitive de ce point de vue puisque nous avons réussi à mobiliser des financements européens au service de formations ou de programmes à destination notamment de l'Afrique, mais également d'autres pays.

De même, conjointement sur RFI et France 24, des fonds européens obtenus sur concours nous ont permis de financer une émission hebdomadaire à Bruxelles. C'est d'ailleurs un aspect très « vendeur » auprès de nos diffuseurs.

Il y a à l'étranger une forte attente de la France. L'attente d'un point de vue français sur l'information est d'autant plus forte que cette information est différenciée des pays anglo-saxons et arabes. Les auditeurs et téléspectateurs veulent pouvoir comparer les informations dont ils disposent, comparer les angles et les points de vue.

A ce sujet, les talents sont nombreux et très variés à RFI. Il est inexact de dire qu'il y a eu un raz de marée de départs ! Il y avait, uniquement à Paris, 1 170 salariés en équivalent temps plein plus environ 600 pigistes sur le terrain à l'étranger, qui sont d'ailleurs un atout extraordinaire pour RFI.

Demain, c'est le pari que nous faisons, c'est toute une génération qui va pouvoir exprimer ses envies, évoluer en termes de carrière, de manière plus flexible. Concomitamment, nous encourageons et formons les salariés pour qu'ils s'approprient l'ensemble des nouvelles technologies. Ces technologies offrent la possibilité de démultiplier les canaux de diffusion.

L'évolution de RFI, quel que soit son prestige, est indispensable. On ne peut maintenir une radio identique à celle qui existait il y a vingt ans ! Aucun média ne résiste à ce genre de glaciation.

Les négociations avec les syndicats partenaires se sont déroulées sur cette base, d'autant que les personnes qui sont parties ont voulu partir parce qu'elles avaient d'autres projets de vie. Aucun salarié de RFI n'est parti « dans la nature », qu'il soit journaliste ou technicien. Ces départs volontaires concernent, rappelons-le, très peu de salariés puisqu'il restera à RFI plus de 1 000 salariés en équivalent temps plein, personnels qui pourront exprimer, mieux qu'ils ne le pouvaient sous l'effet du nombre, leur talent.

S'agissant de la liberté éditoriale, il s'agit d'un acquis de longue date, qui fut long à obtenir, tant en France qu'en Europe. En Afrique, le contenu de cette information, notamment s'agissant des régimes en place, est tout à l'honneur de cette conception démocratique de l'information. Certes, elle ne satisfait pas forcément tout le monde, et si les intérêts des expatriés français sur place doivent être pris en compte, l'information ne peut pas consister à se placer uniquement de leur point de vue. Il convient de maintenir nos valeurs et non de les adapter aux considérations de terrain.

PermalienAlain de Pouzilhac, président-directeur général de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

S'agissant de TV5 Monde, j'apporterai quelques précisions. Je suis un ardent défenseur de cette chaîne. La chaîne – et sa nouvelle directrice générale Marie-Christine Saragosse y est pour beaucoup, comme avant elle M. Serge Adda – effectue un travail remarquable de diffusion de la francophonie, ainsi que de la langue et de la culture françaises. Marie-Christine Saragosse travaille à transformer TV5 en un média global. Le travail est gigantesque et nous devons aider le plus possible les équipes de TV5.

Les deux principales entrées vers TV5 Monde sont la météo et l'apprentissage du français. Il s'agit d'un élément essentiel d'attraction de nouveaux internautes vers le site. S'il y a un problème s'agissant de la météo, nous allons le résoudre, d'autant plus que le site de TV5 sert de modèle pour le développement des autres sites météo de l'audiovisuel extérieur.

S'agissant des ressources propres, contrairement à ce que j'ai entendu, la publicité sur RFI n'est pas en croissance, elle ne l'a jamais été. Elle apporte 1,2 million d'euros de ressources cette année. Alors que les ressources propres de la Deutsche Welle approchent 22 % de son budget de 330 millions d'euros, pourquoi l'audiovisuel extérieur de la France n'arrive-t-il qu'à 2 % ? Serions-nous dix fois moins performants que les Allemands ? De même, les ressources propres de BBC World News atteignent, je vous le rappelle, plus de 70 millions d'euros. Nous ne pouvons nous en satisfaire et devons donc développer nos ressources propres. C'est une nécessité absolue car cela nous permettra de disposer de ressources supplémentaires pour nous adapter aux nouvelles technologies.

Cette adaptation est indispensable et décidera de notre avenir. Il existe aujourd'hui quatre milliards de téléphones mobiles et Internet prend chaque jour de plus en plus de place au sein des médias. Notre expérience africaine le montre, le téléphone portable peut être un vecteur de développement : 235 000 SMS ont été envoyés pour informer les porteurs de téléphone portable de la diffusion du Journal de l'Afrique de RFI depuis la Côte d'ivoire, 175 000 jeunes Ivoiriens ont écouté ce journal le soir même depuis leur téléphone ! Le constat est le même en Tanzanie.

Le grand enjeu de demain, ce sont clairement les nouvelles technologies et nos concurrents le savent bien. Ainsi, Voice of America utilise également le téléphone portable comme vecteur d'information : à Téhéran, 2,3 millions d'Iraniens abonnés reçoivent des SMS quatre fois par jour car c'est le seul vecteur de diffusion de l'information qui ne peut être censuré. Pour développer ce type d'actions, il faut des ressources propres, tant publicitaires que liées à des produits dérivés.

S'agissant d'Euronews, je ne dirais pas qu'il s'agit d'un concurrent de France 24, CNN ou BBC. En effet, Euronews diffuse des images de presse traduites dans différentes langues, alors que France 24 développe les valeurs de la France, et de l'Europe. L'osmose n'est pas possible.

Concernant la régie de l'audiovisuel extérieur de la France, nous n'avons pas l'intention de travailler avec France Télévisions Publicité. Nous allons développer une régie interne qui travaillera pour l'ensemble des chaînes et radios de l'AEF.

Le sous-titrage en langue étrangère des chaînes d'information qui travaillent, comme nous, en direct, est impossible en l'état actuel des technologies. Google expérimente ce type de traduction simultanée, pour le moment, sans grand succès.

Je suis d'accord avec Christine Ockrent, il n'y a pas de catastrophe à RFI. La catastrophe, c'est bien plutôt de passer de 44 millions d'auditeurs à 35 millions, c'est également que 85 % de notre influence se résume à l'Afrique, alors qu'auparavant nous étions à 50 % – cela veut dire que nous perdons pied ailleurs. La baisse de notre part de marché dans toutes les langues est également une catastrophe. Nous avons essayé de passer par un plan de départs volontaires, qui fonctionne d'ailleurs bien. Il n'y a eu aucun départ contraint. Il n'y a aujourd'hui plus de déficit et nous allons pouvoir de nouveau investir.

S'agissant des ondes courtes, elles sont indispensables dans certaines parties du monde, vous avez raison. Ainsi, nous sommes encore autour de 23 % d'ondes courtes dans trois pays d'Afrique, le Niger, le Nigeria et la Tanzanie. Les autres sont tombés entre 1 et 3 %.

PermalienChristine Ockrent, directrice générale déléguée de la société en charge de l'Audiovisuel extérieur de la France

Je reviens sur Internet puisque vous nous interpelliez sur notre manque d'ambition en termes d'audience. Au contraire, notre ambition est immense sur ce média qui est un vecteur de développement, en particulier pour France 24.

Cette jeune chaîne s'est développée concomitamment sur l'ensemble des médias et a été la première à être diffusée en direct sur l'iPhone. 800 000 personnes regardent France 24 par ce biais. Nous sommes également présents sur Mobiclip et d'autres applications de téléphonie mobile de pointe. Dans les régions du monde où nous ne sommes diffusés ni par câble ni par satellite, c'est via Internet que nous développons notre audience. Ainsi, 42 % de l'audience de France 24 sur Internet provient d'Amérique du Nord. Nous développons donc cette politique car on ne peut plus envisager l'univers télévisuel de manière classique. Il faut également englober les réseaux sociaux et tous les modes de diffusion. Ainsi, sur Facebook, France 24 a couvert la Coupe d'Afrique des Nations et l'application a reçu plus de visites que le site Internet « classique ».

Le développement de ce type de programmes, répondant à de nouvelles formes de consommation, conditionne notre dynamisme. De même, les sites de RFI, notamment dans les langues prioritaires que sont le russe, le farsi, le vietnamien et le mandarin, connaissent une expansion tout à fait intéressante, tout en bénéficiant de l'apport de vidéos de France 24.

La séance est levée à douze heures quinze.