La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'action extérieure de l'État.
La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, je tiens tout d'abord à vous exprimer toute notre satisfaction pour l'accueil réservé à la France, à travers la personne du Président de la République, hier à Washington. Laissez-moi par ailleurs vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos principaux collaborateurs, en France et à l'étranger, de m'avoir reçu de manière si courtoise, efficace et constructive.
La mission « Action extérieure de l'État », qui compte trois programmes – auxquels on doit ajouter les programmes « Aide au développement » et « Audiovisuel extérieur » que nous n'aborderons pas ce matin –, doit être replacée dans un contexte plus vaste. Un document de politique transversale regroupe l'ensemble des actions extérieures de l'État dont le ministère des affaires étrangères et européennes est considéré comme le « chef de file » – même si l'on peut espérer que les évolutions actuelles permettront d'aller plus loin. Ce document permet de constater que l'ensemble des moyens budgétaires consacrés à l'action extérieure de la France est bien plus important que les seuls crédits regroupés au sein de la mission « Action extérieure de l'État ». Ces moyens représentent en effet un peu plus de 10 milliards d'euros alors que les trois programmes de la mission n'atteignent que 2,28 milliards d'euros.
Avant de vous présenter quelques traits saillants de ces trois programmes, monsieur le ministre, au risque de contredire quelque peu l'esprit de la LOLF, il me paraît souhaitable que, pour le PLF 2009, nous mettions en place un programme de soutien permettant une clarification des moyens mis au service de la logistique de l'action extérieure de l'État. Du reste, d'après ce que j'ai cru comprendre, vos services sont loin d'y être opposés. Ainsi, même si l'on égratigne les grands principes de la LOLF, une telle mesure renforcerait la lisibilité et l'efficacité de l'action quotidienne du ministère.
Je constate que vous perdez un certain nombre de personnels et de responsabilités au profit du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, soit 137 emplois, la totalité de l'OFPRA et 50 millions d'euros. Si ce nouveau ministère est compétent pour ce qui est des étrangers en France, le ministère des affaires étrangères et européennes conserve une responsabilité pleine et entière sur la délivrance des visas aux quatre coins du monde, qu'il partagera dans sa conception et sa mise en oeuvre avec le ministère de l'immigration.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous n'ignorez pas que nous avons un problème en matière de contributions internationales. Nous avons en effet pris un retard regrettable que nous essayons en vain de rattraper chaque année. Ainsi, le budget pour 2008 prévoit un « rebasage » de 40 millions d'euros. Cependant, si l'on observe ce qui s'est passé en 2006 et en 2007, on s'aperçoit que l'on a manifestement sous-estimé les crédits dont on avait besoin. Or je crains une réitération du phénomène pour 2008. Nous sommes à la limite de la sincérité dans cette affaire.
Même si ce n'est pas facile compte tenu de la manière dont on vous « serre » sur le plan budgétaire, il faudrait avoir le courage de donner les estimations qui correspondent à la réalité, faute de quoi nous allons de nouveau faire « exploser » les limites du crédit.
Je n'ai pas examiné le sujet de près, mais il serait souhaitable que nous abordions l'état des contributions volontaires. Alors que pour ce qui concerne les contributions obligatoires nous tenons notre rang, nous en sommes parfois très loin…
« Très loin », c'est beaucoup dire.
…pour ce qui est des contributions volontaires, au risque de porter atteinte à l'image de la France et d'entraver le rôle qu'elle entend jouer dans un certain nombre d'institutions multilatérales.
S'agissant de nos compatriotes à l'étranger, nous pouvons affirmer – et même répéter –, notamment à cette tribune, qu'ils sont sans doute, quand on compare leur situation à celle d'autres ressortissants étrangers, des hommes et des femmes pour le moins choyés par l'État français. Dans tous les domaines, nous sommes, par rapport à bon nombre de pays comparables au nôtre, beaucoup plus près de nos concitoyens vivant à l'étranger qu'eux-mêmes ne le sont vis-à-vis de leurs compatriotes qui sont dans la même situation.
L'engagement très fort du Président de la République de rendre gratuite la scolarité des élèves de terminale, de première et de seconde dans les établissements d'enseignement français à l'étranger est en voie de concrétisation.
Une première étape vient d'être franchie pour le premier trimestre grâce à un redéploiement de crédits non négligeable puisqu'il atteint 5 millions d'euros. Il s'élèvera même à 20 millions d'euros dans le PLF pour 2008 afin de rendre l'enseignement gratuit à tous les élèves de terminale. Il est vraisemblable que nous poursuivrons cet effort en 2009 et 2010 pour que les élèves de première et de seconde bénéficient également de cette mesure. Nous devons saluer cette évolution non seulement parce qu'il s'agit de la réalisation d'un engagement du Président de la République mais aussi parce qu'elle rendra un grand service à nombre de nos compatriotes.
Ces derniers bénéficieront, en outre, de la mise en place du COVAC, le centre opérationnel de veille et d'appui à la gestion des crises, dont le rôle sera de veiller sur l'ensemble des situations troubles dans le monde – et Dieu sait si certaines sont critiques. Le COVAC permettra la mise en oeuvre immédiate de toutes les mesures nécessaires pour venir en aide à nos compatriotes.
À ce propos, je salue une nouvelle fois l'extraordinaire opération menée au Liban en 2006,…
…grâce à laquelle des milliers de nos compatriotes ont pu être évacués en un temps record et avec une efficacité unanimement reconnue. J'ajoute au passage que nous avons alors évacué gratuitement – belle illustration de notre générosité – plusieurs milliers de personnes qui n'étaient pas françaises. Que l'ensemble de votre administration, monsieur le ministre, soit félicitée pour l'efficacité dont elle a fait preuve.
En ce qui concerne les visas, je me contenterai d'une remarque au sujet de l'externalisation. Je suis allé à Istanbul où l'on a confié à une entreprise privée l'élaboration des dossiers de visas – il ne s'agit pas, évidemment, d'octroyer la décision d'attribution à un partenaire extérieur. Les résultats de cette pratique se révèlent très positifs puisque l'efficacité du système a permis la disparition des queues épouvantables, comptant parfois plusieurs centaines de personnes.
Notre seule crainte est que le passage à la biométrie ne puisse être externalisé en cas de décision défavorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Sans vouloir interférer dans les décisions de la CNIL, nous exprimons le souhait d'étendre cette externalisation de la biométrie, sans quoi nous connaîtrons à nouveau les dysfonctionnements qui ont nui à l'image de la France et au confort des demandeurs de visa.
S'agissant des personnels, j'observe que, dans le cadre du contrat triennal de modernisation qui s'achèvera à la fin de l'année 2008, les effectifs de votre administration, monsieur le ministre, diminueront de 271 ETPT. J'appelle votre attention sur l'encadrement supérieur, même si vous connaissez bien le sujet puisque votre direction des ressources humaines est très impliquée dans cette affaire bien qu'elle n'ait, jusqu'à présent, trouvé aucune solution. En effet, quelques dizaines de fonctionnaires ayant rang d'ambassadeur se trouvent, au Quai d'Orsay, sans affectation. Cette situation est fort regrettable non seulement pour notre administration mais aussi pour les personnes concernées. Contrairement à ce qui se passe au ministère de l'intérieur, aucun dispositif ne permet de leur faire quitter la carrière. Aussi l'idée du Président de la République consistant à prévoir, dans le cadre de la réforme de l'administration et du statut de la fonction publique, un pécule de départ, pourrait-elle répondre à cette préoccupation.
S'agissant des bourses des étudiants étrangers, nous avons stabilisé une situation qui se dégradait, et nous l'avons même améliorée. Je pense toutefois que nous pouvons encore mieux faire dans le but de favoriser l'accueil des étudiants étrangers sur notre territoire.
Je souhaite dire un mot sur la gestion de l'immobilier, même si l'affaire de la rue de la Convention, qui a fait hier l'objet d'une question au Gouvernement, ne vous concerne, monsieur le ministre, que par ricochet puisque c'est davantage le prix de vente de l'immeuble qui pose problème plutôt que son prix de rachat. Reste que la décision de regrouper l'administration du ministère des affaires étrangères sur trois sites à l'horizon 2008-2009, paraît bienvenue. Quant à notre politique immobilière à l'étranger, elle doit se révéler très active, très offensive. Nous devons en effet nous efforcer de valoriser nos nombreux avoirs immobiliers. J'ai bien conscience de la difficulté de la tâche puisque le droit foncier, de nature complexe, diffère d'un pays à l'autre. Je m'inquiète quelque peu, en revanche, du paiement des loyers intercalaires des immeubles déjà vendus avant l'installation de vos services rue de la Convention. Je me demande si ces loyers sont importants, s'il n'aurait pas fallu respecter un calendrier plus approprié pour éviter de rester le locataire des propriétaires auxquels nous avons vendu les immeubles.
Pour ce qui est de la coopération décentralisée, elle constitue un excellent outil pour notre politique étrangère. On gagnerait néanmoins à ce que chacun, dans votre administration, monsieur le ministre, soit bien persuadé de la nécessité de penser à cette coopération décentralisée à chaque fois qu'il est possible de la mettre en oeuvre au service de la France.
Permettez-moi une réflexion générale sur l'année 2008 : vous avez été le ministre emblématique de l'ouverture, vous serez peut-être aussi le ministre emblématique…
…de la réforme de fond du ministère.
Votre ministère, il faut le dire, a été très durement touché au cours de ces dernières années.
C'est un ministère dont on a réduit les crédits de manière drastique. En valeur absolue, on est sans aucun doute arrivé à un niveau au-dessous duquel on ne peut pas descendre. Sinon, la politique de la France dans le monde serait profondément remise en cause.
En revanche, je pense que des améliorations sont encore possibles à l'intérieur. Par exemple, quand on regarde le nombre de nos agents à travers le monde et par pays – je n'en citerai aucun, car je ne voudrais pas déclencher à cette tribune un incident diplomatique –, il est clair que des redéploiements sont possibles, sans porter atteinte au rôle de la France.
En 2008, nous aurons le résultat de toute une série d'études – je pense à l'audit, au Livre blanc, à l'analyse de toutes les réformes qui ont été engagées, à celle relative à la fin du contrat triennal ; je pense aussi à la préparation du contrat de cinq ans qui démarrera en 2009 et à la revue générale des politiques publiques. Nous aurons donc vraisemblablement, durant cette année, la possibilité de définir – et vous aurez à le faire – une stratégie globale, d'avenir, pour le ministère des affaires étrangères et pour la présence de la France dans le monde. C'est un sujet passionnant. J'espère, monsieur le ministre, que le Parlement y sera très largement associé. Je sais que ce n'est pas uniquement à vous qu'il faut le dire. Il faut faire passer le message à Matignon, ainsi qu'au ministre des comptes. Mais du côté du ministère du budget, cela devrait quand même se faire sans trop de difficultés, car je vous rappelle au passage que la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, qui a tracé de nombreuses pistes en matière de réforme du budget des affaires étrangères, était à l'époque pilotée par Éric Woerth.
C'est donc un sujet qu'il connaît bien, et sur lequel il manifestera certainement la volonté de s'investir.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les remarques que je voulais formuler oralement sur ce budget.
Monsieur le ministre, votre administration a beaucoup changé. Je l'ai connu il y a un peu plus d'une dizaine d'années comme rapporteur. J'ai constaté qu'elle intègre aujourd'hui dans sa passion pour l'image et le rôle de la France dans le monde les nécessités de l'intendance, de la gestion matérielle, de la logistique. C'est un gage positif pour l'avenir.
Permettez-moi, avant de finir, de remercier l'administrateur avec lequel j'ai travaillé et qui a fait preuve de beaucoup de disponibilité et de compétence. C'est utile, car, au Parlement, nos moyens ne sont pas considérables.
J'allais oublier l'essentiel, monsieur le ministre : la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des trois programmes de l'action extérieure de l'État, et je propose à mes collègues de faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Merci, monsieur Mancel, pour cette précision essentielle.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le rayonnement culturel et scientifique.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour éviter de répéter ce que vient de dire mon prédécesseur sur les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », je me bornerai à vous faire part des préoccupations dont j'ai été saisie de la part de ceux qui contribuent, au quotidien, au rayonnement de la culture française dans le monde. Les remarques qui vont suivre traduisent une réelle inquiétude quant à la capacité de la France à adopter une stratégie de long terme en faveur d'une action culturelle et linguistique offensive.
La culture française ne doit pas craindre la mondialisation, car elle a tout à gagner à la circulation des personnes, des idées et des produits. Encore faut-il qu'il existe une réelle cohérence entre les discours et les actes. La France ne peut prôner dans les instances internationales l'importance de la diversité culturelle et donner l'impression qu'elle n'a plus les moyens de sa diplomatie culturelle.
Quelques exemples concrets suffiront à montrer le décalage entre les moyens alloués et les ambitions affichées.
La situation des établissements culturels ne porte pas à l'optimisme. Sous couvert de rationaliser le réseau culturel, 20 centres culturels ont été fermés entre 2000 et 2007, et ce mouvement va s'intensifier.
La priorité affichée est de renforcer la présence française en Russie, en Europe orientale et dans les pays baltes. D'après votre administration, les moyens économisés en Europe occidentale ont été affectés à la préparation de nouvelles implantations culturelles comme 1'ouverture de centres de l'Alliance française à Oufa, capitale de la République de Bachkirie, et à Kazan, capitale du Tatarstan. De même, les moyens mis à disposition des centres de l'Alliance française d'Irkoutsk, de Novgorod ou de Novossibirsk ont été renforcés.
Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, en quoi la présence française dans ces villes de Russie doit être privilégiée et pourquoi on a préféré recourir à la forme associative de l'Alliance française plutôt qu'à la création d'un établissement culturel ?
Je tiens à me faire ici l'écho de l'incompréhension de certains de nos interlocuteurs rencontrés lors de mon déplacement en Espagne, qui ont regretté la récente fermeture de l'Institut français de Bilbao, une ville aujourd'hui très dynamique, et ce alors même que l'influence française en Espagne est en net recul.
Si la France veut s'affirmer comme une nation méditerranéenne – et je crois, monsieur le ministre, que c'est l'un des objectifs du Président de la République, qui vous a même engagé à favoriser l'édification d'une Union méditerranéenne –, il serait judicieux de ne pas considérer comme acquise l'influence de notre pays au moment même où l'influence anglo-saxonne se fait plus forte, notamment dans les jeunes générations.
L'un des objectifs de votre ministère est aussi de mettre en place des établissements culturels européens, plusieurs États membres de l'Union européenne regroupant leurs moyens pour implanter dans un même bâtiment des services culturels. C'est très bien. Je suis moi-même une européenne convaincue, mais quels objectifs recherchez-vous avec ces co-localisations ? S'agit-il simplement de partager entre plusieurs États les frais fixes de l'exploitation d'un bâtiment, ou bien d'organiser des manifestations communes pour réellement affirmer une identité culturelle européenne ?
Nous pourrions en discuter. Je ne suis pas de cet avis. Et je pense que M. Kouchner partage mon avis plutôt que le vôtre.
Il semble qu'à ce jour seule la coopération franco-allemande ait abouti à la création d'établissements culturels binationaux, comme à Ramallah, Turin, Lahore ou Harare. Pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement des projets avec nos autres partenaires européens ?
Compte tenu de la baisse, puis de la stagnation des moyens budgétaires du programme « Rayonnement culturel et scientifique » depuis 2005, les services de coopération et d'action culturelle à l'étranger, les SCAC, ont dû revoir en profondeur leurs méthodes de travail pour inciter les centres culturels ou ceux de l'Alliance française à mener des projets en partenariat avec des acteurs culturels locaux, les opérateurs français n'ayant plus les moyens financiers suffisants pour organiser par eux-mêmes des manifestations culturelles. Jusqu'où peut aller la gestion de la pénurie budgétaire ?
Il convient de garder en mémoire que pour l'ensemble des pays développés, les crédits d'intervention de la France s'élèvent à 60 millions d'euros en 2007. L'incitation aux cofinancements et aux partenariats cache en fait une certaine indigence de la diplomatie culturelle française. À titre de comparaison, la seule subvention de l'Opéra de Paris dépasse le total des subventions versées à l'ensemble des établissements culturels français dans le monde !
Le désengagement financier de l'État a pour corollaire d'inciter les établissements culturels à s'autofinancer. L'objectif de votre gouvernement est d'atteindre un taux d'autofinancement des établissements de 60 % d'ici à 2010, contre 51,1 % actuellement. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, comment les établissements culturels pourront atteindre cet objectif d'autofinancement. Un effort sera-t-il fait pour les aider à rechercher du mécénat, ce qui est en soi un métier – je suggère d'ailleurs dans mon rapport de favoriser la création d'une fondation qui aurait cet objectif –, ou s'agit-il simplement d'augmenter la participation financière des élèves qui suivront des cours de français ?
Je souhaiterais maintenant évoquer la situation de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Apparemment, la situation financière de cet établissement s'améliore, puisque ses crédits vont augmenter de 8 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2007. La subvention de l'État passe de 283,4 à 291,3 millions d'euros. Mais ces crédits supplémentaires seront consacrés à des travaux immobiliers. Il convient en effet de rappeler que depuis l'entrée en vigueur du décret du 19 mai 2005, l'AEFE doit financer sur ses crédits la maintenance de son patrimoine immobilier. Jusqu'à présent, aucun crédit spécifique n'avait été prévu à cet effet.
Rappelons qu'en 2006, les crédits publics affectés à l'AEFE ont connu une diminution, passant de 325 millions d'euros en 2005 à 323 millions d'euros, tandis que les dépenses de cet établissement public sont en constante augmentation.
D'après les informations communiquées par vos services, le fonds de roulement de l'AEFE aurait été considérablement réduit du fait du financement des travaux immobiliers. Au début de l'année 2007, il ne représentait plus que cinq jours de fonctionnement de l'Agence. Qu'en est il aujourd'hui ?
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous fassiez le point sur les moyens dont dispose l'AEFE pour entretenir son patrimoine immobilier et moderniser ses établissements. Il semblerait que des projets existent pour chercher des financements privés. Qu'en est-il exactement ?
J'ai abordé dans mon rapport la question de la prise en charge des droits de scolarité des lycéens français à l'étranger. Je ne l'évoquerai pas à nouveau ici, même si je m'interroge sur les critères qui vont prévaloir pour prendre en charge ces frais. Ce ne sont pas des critères sociaux. Or, il est tout de même gênant que, alors qu'en France, des élèves en grande difficulté financière ont toutes les peines du monde à obtenir des bourses, on en donne à des enfants scolarisés à l'étranger, dont les frais de scolarité sont souvent pris en charge par les entreprises ou les administrations où travaillent leurs parents. Et l'on accorde ces bourses, qui plus est, uniquement aux élèves français. Cette question mériterait une plus ample information. À ce jour, l'obscurité est absolue sur ce point.
Monsieur le ministre, vous le savez, le programme 185 a un autre objectif, celui de renforcer l'attractivité de notre enseignement supérieur, objectif autour duquel j'ai axé une partie de mon rapport. C'est pourquoi j'ai voulu analyser en quoi la création de CampusFrance pouvait être un atout pour nos universités et nos grandes écoles.
Hélas, monsieur le ministre, cette création, présentée comme la panacée par l'un de vos prédécesseurs, se révèle n'être qu'une piètre décoction, au sein de laquelle j'ai vainement cherché le début d'un commencement d'une politique publique cohérente.
J'ai d'abord demandé à vos services et aux personnes auditionnées s'il existait une analyse des enjeux, des objectifs poursuivis, ou même un simple bilan économique de l'accueil des étudiants étrangers en France. De manière surprenante pour un État qui se veut stratège, la réponse est négative. D'ailleurs, les Britanniques eux-mêmes, lorsqu'ils établissent leurs statistiques, extrêmement précises, sur la situation des différents pays européens en ce qui concerne les étudiants étrangers, recensent tous les pays sauf la France, car, nous ont-ils dit, la France est le seul pays à ne pas avoir communiqué de chiffres.
On ne sait ni combien cet accueil coûte au budget de l'État – tout juste dispose-t-on d'une estimation issue du rapport annuel 2003-2004 du Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants, estimation reprise par le rapport Buhler –, ni combien cet accueil rapporte.
Car, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accueil des étudiants étrangers rapporte à la France. À force de faire croire aux Français que les étrangers sont exclusivement une charge pour la collectivité, une menace, quand on ne les transforme pas en boucs émissaires de tous nos problèmes de sécurité, on en oublie qu'ils sont aussi et surtout un véritable enrichissement culturel et économique. Outre-Manche, une étude de la Higher Education Statistics Agency a montré que l'accueil des étudiants étrangers rapportait 27,8 milliards de livres au Royaume-Uni.
Je conclurai par quelques questions.
Ne pensez-vous pas qu'il serait opportun de savoir enfin où nous en sommes et de faire réaliser une étude par des chercheurs indépendants – afin d'éviter tout biais administratif – pour déterminer quel est l'apport des étudiants étrangers à notre économie ?
Quand pensez-vous que les résultats de l'audit du coût de notre système de gestion des bourses seront rendus publics ? Il règne sur ce point, là encore, une véritable obscurité.
On ne trouve pas trace non plus d'une politique publique concernant les objectifs de l'accueil des étudiants étrangers, notamment pour ce qui concerne le logement. Le mantra ressassé par nos interlocuteurs administratifs résume cet accueil à « la formation des élites ». Je ne suis pas sûre qu'il faille se limiter à cela.
Pas un mot sur le co-développement, ni sur l'organisation de la circulation des cerveaux, ni sur le suivi des étudiants étrangers accueillis en France et qui repartent ensuite dans leur pays. Car il ne peut pas y avoir de mobilité entrante sans cohérence avec une mobilité sortante. Cela, nos amis britanniques ou allemands l'ont bien compris, mais ce n'est pas dans les objectifs actuels de CampusFrance.
Par ailleurs, je souhaiterais vous poser une question sur la SFERE, la Société française d'exportation de ressources éducatives. Il s'agit d'une société anonyme à capitaux essentiellement publics, qui dispose de fonctionnaires détachés et dont l'objet social entre pleinement dans les missions d'Edufrance. Pourquoi donc n'en fait-elle pas partie ?
Je termine rapidement, monsieur le président.
Personne n'a été capable de nous dire quel sera le rôle du nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, alors que son intervention sera essentielle dans la politique d'attribution des visas et qu'il entend être membre du comité d'orientation de CampusFrance. Interviendra-t-il dans la sélection des étudiants de cette agence ? Je pense, pour ma part, que CampusFrance doit être au service des universités, dont l'autonomie, dont on parle beaucoup aujourd'hui, doit aussi se traduire, comme l'a proposé la CPE, par la gestion et l'attribution des bourses. Ce rôle ne doit plus être laissé aux postes diplomatiques.
Vous n'avis pas mentionné l'avis de la commission. C'est pourtant essentiel et vous êtes là pour cela !
La commission, malgré mes réserves, a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l'action de la France en Europe et dans le monde et pour les Français à l'étranger et les étrangers en France, pour dix minutes.
de la commission des affaires étrangères, pour l'action de la France en Europe et dans le monde et pour les Français à l'étranger et les étrangers en France. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2008 des programmes « Action de la France en Europe et dans le monde » et « Français à l'étranger et étrangers en France » ne présente pas de surprise : l'évolution de leurs crédits traduit, d'une part, le respect du contrat de modernisation conclu entre le ministère des affaires étrangères et le ministère du budget en 2006, d'autre part, les engagements pris par le Président de la République. Ces derniers ont entraîné une modification de périmètre du programme « Français à l'étranger et étrangers en France », qui me conduira à vous proposer d'en modifier le libellé pour l'adapter au recentrage de son contenu. Sans entrer dans le détail des crédits de ces deux programmes, j'en présenterai les nouveautés, ainsi que les principaux problèmes budgétaires rencontrés par le ministère.
Les évolutions du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » résultent du contrat de modernisation. Ce dernier a prévu pour 2008 la suppression de 234 équivalents temps plein sur l'ensemble du ministère, dont 114 sur ce programme. Le ministère devra donc faire face aux besoins en personnels de la présidence française de l'Union européenne par redéploiements, sans recourir à des agents contractuels supplémentaires. Le contrat de modernisation a également stabilisé les dépenses de fonctionnement du programme à leur niveau de 2006. Sur cette enveloppe, le ministère dégagera néanmoins des moyens supplémentaires pour la sécurité des postes, dont les dispositifs sont en cours de réforme.
La principale difficulté rencontrée par le ministère dans l'exécution du contrat de modernisation concerne l'objectif d'autofinancement de ses programmes immobiliers. L'idée était de limiter l'inscription budgétaire à moins de 8 millions d'euros, tout en permettant au ministère de disposer de l'intégralité des produits de cessions réalisées à l'étranger. Ces cessions ont rapporté près de 52 millions en 2007, mais le compte d'affectation spéciale par lequel leur produit devait transiter ne remplissant pas son rôle, le ministère a dû réduire de moitié sa programmation immobilière pour 2007 et financer l'essentiel des dépenses par redéploiements de crédits en attendant que le mécanisme se débloque. Il est d'autant plus urgent de résoudre ce problème qu'il vient de vendre, pour plus de 400 millions d'euros, son site de l'avenue Kléber et que les 85 % du produit de cette vente qui lui reviennent doivent aussi transiter par ce compte. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quelles solutions sont envisageables pour sortir de ce blocage ?
Cette somme, ainsi que le produit de la cession de l'hôtel du ministère de la coopération, situé rue Monsieur, qui devrait atteindre 142 millions d'euros, apporteront au ministère des affaires étrangères les moyens de financer son programme de regroupement immobilier. Outre La Courneuve, où seront conservées les archives diplomatiques à partir du second semestre 2008, le ministère n'aura plus, d'ici à 2009, que deux sites, contre onze en 2006 :…
…celui du quai d'Orsay, qui sera entièrement réaménagé, et celui de la rue de la Convention, dont le bâtiment a été acheté en juin dernier pour 325 millions d'euros.
L'augmentation de la dotation budgétaire destinée aux contributions internationales résulte, elle aussi, du contrat de modernisation. Elle atteindra 40 millions d'euros en 2008 et portera à 100 millions la hausse de ces crédits entre 2006 et 2008. Si cet effort est important, il reste cependant inférieur aux besoins. En effet, le ministère estime qu'il lui manquera près de 100 millions pour couvrir les appels à contribution qui lui seront adressés en 2008, compte non tenu de l'opération de maintien de la paix au Darfour. Cette dernière n'est pas incluse dans le projet de loi de finances, son budget n'ayant pas encore été approuvé par le Conseil de sécurité. Elle devrait coûter à la France près de 110 millions d'euros en année pleine. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, la date à laquelle le montant de la contribution de la France sera officiellement connu, et par quel biais les crédits nécessaires seront ouverts ?
Le programme « Français à l'étranger et étrangers en France » est aussi concerné par le contrat de modernisation, mais ses changements de périmètre traduisent surtout deux engagements du Président de la République : la gratuité de l'enseignement pour les lycéens français vivant à l'étranger, et la création d'un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Le premier engagement entraîne la création d'une action « Accès des élèves français au réseau AEFE », qui regroupe les 47 millions d'euros destinés au financement des bourses pour les enfants français et les 20 millions supplémentaires qui permettront de rembourser les frais de scolarité acquittés par les parents de lycéens français dans les établissements de l'AEFE. Ce dispositif bénéficie en effet aux lycéens de terminale depuis septembre, et il sera étendu aux élèves de première en septembre 2008 et à ceux de seconde en septembre 2009, ce dont je me félicite.
La création du nouveau ministère de l'immigration, accompagnée de la création d'une mission « Immigration, asile et intégration », a entraîné le rattachement à cette nouvelle mission de l'action « Garantie de l'exercice du droit d'asile », qui comprend notamment la subvention à l'OFPRA et le transfert de 137 ETPT. Le programme « Français à l'étranger et étrangers en France » conserve, en revanche, les services rendus par les consulats aux Français à l'étranger, ainsi que les services des visas, seule l'administration centrale du service des étrangers en France étant transférée.
C'est donc sur les crédits de ce programme que sera achevée, fin 2008, l'introduction de la biométrie dans les visas, à laquelle seront consacrés 16,55 millions d'euros. Conformément au contrat de modernisation, cette somme s'ajoute aux 24 millions intégrés en 2006 dans les crédits de fonctionnement du programme. L'ensemble constitue le retour de la moitié des recettes issues des frais de dossier des demandes de visa. Aucun effectif supplémentaire n'est en revanche prévu, bien qu'un rapport d'audit préconise la création de 140 ETPT, la généralisation de la biométrie exigeant que tous les demandeurs soient reçus individuellement. Pour résoudre cette difficulté, le ministère envisage de recourir à l'externalisation du relevé des données biométriques, comme il le fait déjà, dans quelques postes, pour les opérations préalables à la décision de délivrance des visas. Il semblerait, monsieur le ministre, que l'externalisation prévue suscite des réticences de la part de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, ainsi que l'inquiétude de la Commission européenne s'agissant du coût qu'elle entraînerait pour les demandeurs de visa. Comment ces difficultés vous semblent-elles susceptibles d'être résolues ?
Ce projet de budget accorde au ministère les moyens de remplir ses missions. L'effort financier porte sur les contributions obligatoires aux organisations internationales, la première étape de la mise en place de la gratuité scolaire dans le second degré des lycées français à l'étranger, l'amélioration de la sécurité des postes, et la généralisation de la biométrie dans les visas. Je considère que les mesures de rationalisation et d'économies prises par le ministère ces dernières années doivent être saluées, et qu'il devrait en être tenu compte dans le cadre de la négociation du nouveau contrat de modernisation que le ministère conclura à l'issue de la révision générale des politiques publiques et de la remise du Livre blanc au Président de la République d'ici au mois de juin.
À la suite de la commission, je vous recommande donc, mes chers collègues, d'émettre un vote favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » pour 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
(M. Marc Laffineur remplace M. Rudy Salles au fauteuil de la présidence.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein de la mission «Action extérieure de l'État », le programme 185, « Rayonnement culturel et scientifique de la France », est doté de 490,2 millions d'euros, en progression de 2,3 % par rapport à 2007. Ce programme vise à promouvoir la marque « France » à l'étranger, en nous appuyant sur le rayonnement culturel et scientifique de notre pays. Le monde entier nous envie notre réseau de lycées français et de centres culturels qui s'étend sur les cinq continents. L'effort budgétaire est finalement marginal au regard du retour sur investissement qu'il nous procure. Il faut donc poursuivre l'adaptation du réseau aux nouveaux besoins nés de la mondialisation engagée ces dernières années.
Dans le temps très court qui m'est imparti, je souhaiterais insister sur quatre points, et d'abord sur nos lycées français à l'étranger.
L'attractivité du réseau de l'AEFE est de plus en plus forte au fil des ans. Or l'augmentation continue du nombre d'élèves pose un problème de capacité : le réseau est saturé. La dotation prévue au titre du programme 185 intègre cette année un montant supplémentaire de 8,54 millions d'euros destiné à de nouveaux projets de rénovation immobilière.
Pendant sa campagne électorale, le Président Nicolas Sarkozy avait promis une prise en charge par l'État des frais de scolarité acquittés par les familles des élèves français scolarisés dans le réseau de l'AEFE. Cette prise en charge ne concerne, dans un premier temps du moins, que les seuls lycéens, pour lesquels les frais d'inscription sont les plus élevés. Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit ainsi d'abonder de 20 millions l'enveloppe consacrée aux bourses. Mais il est en réalité très difficile de mesurer avec précision l'impact budgétaire de la généralisation de la prise en charge par la collectivité nationale des frais de scolarité.
Je suis quelque peu réservé sur cette réforme, dont on ne mesure peut-être pas suffisamment les éventuels effets pervers. La force de notre réseau d'enseignement à l'étranger est de s'appuyer sur un public majoritairement composé d'élèves non français pour en faire des francophones et des amis de la France.
Or il ne faudrait pas que l'appel d'air provoqué par le remboursement des frais de scolarité pour les seuls élèves français ait pour effet d'empêcher, faute de place, les élèves étrangers de s'inscrire dans nos lycées français.
J'estime qu'il serait plus judicieux de continuer à répartir les bourses sur des critères sociaux pour les élèves français, afin de dégager des moyens permettant d'octroyer aux élèves étrangers des bourses au mérite, plutôt que de créer, qu'on le veuille ou non, une discrimination fondée sur la nationalité.
Le deuxième point que j'évoquerai concerne le formidable instrument de diplomatie culturelle que représentent les saisons culturelles, qui sont de puissants leviers pour l'image d'un pays. Elles concourent à la visibilité de notre politique culturelle à l'étranger et la médiatisation qu'elles génèrent permet d'obtenir des financements non négligeables grâce au mécénat et d'associer des acteurs de la vie économique dans les pays concernés. L'Année de l'Arménie en France a ainsi été un franc succès ; elle a donné lieu à plus de 700 manifestations.
Dans le cadre de la prochaine présidence française de l'Union, une saison européenne – première du genre – sera organisée en France au second semestre 2008, afin de présenter à nos concitoyens les cultures des vingt-six autres pays membres de l'Union. La République Tchèque et la Suède, qui assureront, en 2009, la présidence de l'Union à la suite de la France envisagent de reprendre à leur compte cette initiative, qui pourrait ainsi devenir un programme culturel régulier de l'Union européenne.
Troisième point : l'évolution des statuts juridiques des opérateurs CulturesFrance et CampusFrance.
CulturesFrance est chargé de développer les échanges culturels internationaux et de promouvoir la création française dans le monde, tandis que CampusFrance est chargé de renforcer l'attractivité internationale de l'enseignement supérieur français.
S'agissant de CulturesFrance, le statut associatif de cet opérateur a été dénoncé, à de multiples reprises, par la Cour des comptes et par le Sénat. CulturesFrance doit devenir un établissement public industriel et commercial. Pour ce faire, je souhaite que le Gouvernement inscrive au plus vite à l'ordre du jour prioritaire de notre assemblée la proposition de loi que le Sénat a adoptée en première lecture au mois de février dernier.
Il convient de faire passer le statut juridique de CampusFrance de groupement d'intérêt public à établissement public industriel et commercial. Il est, en effet, indispensable de doter cet opérateur de règles de gouvernance adaptées.
Quatrième point : l'avenir du projet de « Maison de la francophonie ». Au Sommet de la Francophonie de Beyrouth, en octobre 2002, le Président Jacques Chirac avait proposé de regrouper sur un site unique…
Je vais conclure, monsieur le président.
…l'Organisation internationale de la Francophonie et ses opérateurs ayant actuellement leur siège à Paris dans sept implantations différentes. C'est ainsi que, en marge du Sommet de Bucarest, le 28 septembre 2006, a été signée une convention entre l'OIF et le gouvernement français, qui prévoit la mise à disposition par les autorités françaises, à titre gratuit, et pour une durée de trente ans renouvelable, de 11 000 mètres carrés dans un bâtiment du VIIe arrondissement de Paris, actuellement occupé partiellement par des services du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.
Je termine, monsieur le président.
Alors que le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention figurait à l'ordre du jour de la session extraordinaire de juillet 2007, un rapport de la commission des finances du Sénat a dénoncé la dérive des coûts de ce projet. La polémique suscitée par la publication de ce rapport a conduit le Président de la République à retirer de l'ordre du jour l'examen de ladite convention.
Quelle que soit la solution finalement retenue, la France doit respecter sa parole.
Il est urgent de rassurer une communauté francophone aujourd'hui préoccupée par certains projets du Gouvernement, s'agissant notamment de l'avenir de l'audiovisuel extérieur, et en particulier de la chaîne de télévision francophone. La francophonie n'est pas une idée ringarde et le volontarisme politique du Président Sarkozy doit servir une vision moderne de la francophonie,…
moins institutionnelle, plus vivante et plus populaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rayonnement culturel et scientifique de la France…
…ne saurait reposer sur les seuls crédits du programme budgétaire qui lui est consacré.
Car, dans un contexte de limitation de la dépense publique, l'État devra de plus en plus s'appuyer sur des partenaires privés pour oeuvrer à l'attractivité de la France dans le monde. C'est pourquoi il faut encourager le mécénat,…
… développer les partenariats public-privé et ouvrir de nouveaux horizons à la coopération culturelle et scientifique.
Ces observations étant faites, je vous recommande, mes chers collègues, d'émettre, à la suite de la commission des affaires étrangères, un vote favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » pour 2008.
Monsieur le ministre, quels engagements le Gouvernement est-il prêt à prendre sur les différents points que j'ai évoqués ?
Je vous remercie pour votre indulgence, monsieur le président.
Monsieur Rochebloine, vous avez doublé votre temps de parole. Nous ne saurions continuer ainsi. Je ne pourrai pas faire preuve de la même indulgence pour les autres orateurs.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans entrer dans le détail des chiffres du budget de la mission « Action extérieure de l'État », qui ont été fort bien présentés par nos collègues, je voudrais simplement rappeler quelques grandes masses budgétaires pour 2008.
La totalité des crédits atteignent presque 2,3 milliards d'euros, et 1,5 milliard d'euro hors dépenses de personnel. Je souhaite appeler votre attention sur deux ou trois points.
Sur cette enveloppe globale, 622 millions d'euros seront affectés aux contributions de la France aux organisations internationales. Le montant des contributions payées par la France augmente année après année, mais ce sont les contributions aux opérations de maintien de la paix qui sont les plus dynamiques. La hausse du coût des OMP, dont la France assure le financement à hauteur de 7,47 %, est imputable à leur développement à la fois quantitatif et qualitatif.
Actuellement, dix-sept opérations de maintien de la paix sont en cours. Pendant la dernière décennie, le nombre de civils et de soldats affectés à de telles opérations est passé de moins de 20 000 à plus de 100 000 personnes, ce qui a porté le montant total de leur budget de 1,25 milliard à plus de 5 milliards de dollars. Parallèlement, les OMP sont devenues plus diverses et complexes ; elles dépassent de loin le seul domaine sécuritaire et englobent désormais la construction d'États de droit, la protection des droits de l'Homme, l'assistance au processus politique et constitutionnel, l'assistance économique et humanitaire.
On ne soulignera jamais assez, me semble-t-il, le caractère indispensable de ces opérations qui, aux quatre coins du monde, et en particulier en Afrique, où sont positionnés plus de la moitié des Casques bleus, évitent bien des affrontements et des souffrances. Leur contribution à la paix et à la stabilité dans de nombreuses régions doit être saluée. Si la Sierra Leone et le Burundi sont aujourd'hui en paix, c'est principalement grâce à l'intervention des Nations unies. Depuis la création de la Commission de la consolidation de la paix, la présence internationale se prolonge pour favoriser la mise en place d'une solution durable à ces conflits et mieux tenir compte du lien entre sécurité et développement. C'est également une mission très utile.
L'Organisation des Nations unies est souvent critiquée. Je ne dis pas que son fonctionnement soit parfait et que tous ses choix soient parfaitement adéquats, mais force est de constater qu'elle constitue le seul garant de la légitimité internationale et qu'aucun autre mécanisme ne contribue autant qu'elle à la paix dans le monde. La récente réorganisation du département des opérations de maintien de la paix, dirigé par un Français, Jean-Marie Guéhenno, et les travaux en cours en vue de la restructuration du secrétariat des Nations unies témoignent d'une réelle volonté de moderniser son fonctionnement et de l'adapter aux nouvelles réalités internationales.
Il faut d'ailleurs reconnaître que, si la contribution de la France à l'ONU est élevée et va croissant, le budget de l'Organisation n'est pas démesuré par rapport aux immenses services qu'elle rend, contrairement à ce que l'on prétend.
Que sont les 6,7 milliards d'euros qu'ont représentés en 2006-2007 son budget ordinaire et celui des OMP par rapport aux 160 milliards d'euros dépensés par les vingt-sept pays de l'Union européenne pour leur nécessaire défense ou aux 444 milliards du budget militaire des États-Unis ? Tout cela méritait d'être rappelé.
La contribution de la France aux budgets de l'ONU et des OMP constitue donc une dépense dont l'utilité ne saurait être contestée. Le projet de budget propose d'augmenter l'enveloppe initiale destinée aux OMP de 30 millions d'euros. C'est une bonne chose, même si le total reste inférieur aux besoins, comme l'ont souligné les rapporteurs. La sous-dotation initiale, de l'ordre de 100 millions d'euros avec le lancement de l'opération au Darfour, sous-dotation qui pourrait doubler, pose, nous le savons, problème au regard de l'orthodoxie budgétaire. Mais les appels de fonds ont finalement, jusqu'à présent, toujours été honorés et continueront à l'être. C'est bien là l'essentiel.
L'autre grande masse budgétaire de la mission « Action extérieure de l'État » assure le fonctionnement des réseaux diplomatique et consulaire français. Des efforts considérables ont déjà été consentis pour réduire leur coût, sans nuire à la présence de la France dans le monde. Ils doivent être poursuivis, dans un contexte général d'optimisation de la dépense publique, mais pas à n'importe quelles conditions.
J'estime que le rapprochement des services des visas des pays membres de l'Union européenne et, à terme, la création de consulats européens doivent être favorisés. Ils permettront d'homogénéiser la qualité des services rendus et de réaliser des économies d'échelle qui pourraient être importantes.
En revanche, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous l'indiquer, monsieur le ministre, je suis opposé à la poursuite du mouvement qui s'amorce en faveur d'ambassades communes à plusieurs pays de l'Union européenne. Les expériences déjà lancées concernent des colocalisations d'ambassades franco-allemandes.
Notre ambassade à Monrovia, recréée cette année, ouvrira prochainement dans des locaux situés au sein du campus diplomatique allemand.
D'autres projets du même type devraient être réalisés à Maputo et à Dacca. Le partage de locaux peut, peut-être, permettre de réaliser quelques économies de fonctionnement, bien faibles.
Mais il me semble que celles-ci seront sans commune mesure avec les inconvénients de ce type de rapprochement.
D'une part, l'image de la France à l'étranger et le message dont elle est porteuse sont très spécifiques et il est important de ne pas les brouiller en associant trop étroitement ses représentations à l'étranger à celles d'autres pays, certes voisins et amis, …
…mais dont l'histoire et la culture sont nécessairement différentes de celles de notre pays. D'autre part, je trouve maladroit de rapprocher les ambassades et, ce faisant, les enjeux économiques de deux pays, dont les entreprises pourront se trouver en concurrence directe pour la conquête de marchés dans le pays où elles se partagent des locaux.
Je voudrais par ailleurs souligner ici le travail remarquable effectué par les représentants de la France à l'étranger, par son corps diplomatique, dont la qualité est rarement prise en défaut.
Un mot, enfin, sur les moyens destinés au rayonnement culturel et scientifique de la France. Comme l'a fait observer M. Rochebloine, notre pays dispose d'un réseau de centres culturels et d'établissements scolaires que le monde entier nous envie. Nous disposons là d'un outil stratégique au service de notre influence culturelle.
L'attractivité des lycées français à l'étranger est telle que le réseau de l'AEFE éprouve de réelles difficultés à faire face à la demande. C'est pourquoi je souhaite que l'on engage un plan ambitieux de rénovation et d'extension immobilières pour nos lycées. Une somme de 8,5 d'euros supplémentaires est prévue dans le projet de budget au titre de l'investissement immobilier. Mais l'État ne peut pas tout faire. Dans un contexte de limitation de la dépense publique, il est indispensable de se tourner vers des partenaires locaux dans le cadre de financements public-privé. Le fait de ne consacrer que 300 millions d'euros à nos lycées à l'étranger, qui accueillent 170 000 élèves par an, dont 60 % d'étrangers, ne représente qu'un montant, somme toute, faible. On pourrait faire mieux en diversifiant les financements. Monsieur le ministre, il faudrait, si je puis me permettre, en faire une priorité de votre ministère.
La commission des affaires étrangères créera prochainement une mission d'information sur ce sujet très important pour le rayonnement et l'influence de la France à l'étranger.
En conclusion et selon la recommandation de Geneviève Collot, la commission des affaires étrangères vous engage, mes chers collègues, à adopter, sous le bénéfice de ces quelques précisions, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » pour 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Poniatowski, je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole.
Nous en venons aux inscrits dans la discussion.
La parole est à M. Rudy Salles.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'action extérieure de l'État français, c'est d'abord et avant tout, la capacité de notre pays à exister en dehors de ses frontières physiques, laquelle résulte d'un choix politique, d'un choix culturel de faire vivre notre vision du monde, les principes et les intérêts que nous entendons défendre.
Le budget de la mission « Action extérieure de l'État » s'élèvera pour l'année 2008 à 2,28 milliards d'euros, somme comparable à celle adoptée en 2007.
Cette mission sera donc mise en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et européennes. Or, il faut bien le souligner, l'action extérieure de l'État ne se résume pas au seul périmètre du ministère des affaires étrangères et européennes. Les collectivités locales, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, par le biais des actions qu'il mène à des fins de développement international de notre économie, sans compter les opérations développées par le ministère de la défense en matière de sécurité, y participent aussi.
Monsieur le ministre, votre ministère s'est engagé dans une grande réforme de la politique de l'action extérieure de la France. Et comme l'a souligné le rapporteur dans ses conclusions, l'esprit de cette réforme est le suivant : « L'heure n'est pas à un exercice d'autojustification de l'action extérieure telle qu'elle est conduite, mais à une redéfinition de cette politique dans sa conception même ». Comment ne pas partager une telle démarche ? Mais, pour répondre à cette exigence de redéfinition, il est nécessaire de sortir des schémas classiques afin de permettre une évaluation globale, et non pas seulement budgétaire, des actions qui sont menées.
Cela dit, je voudrais, monsieur le ministre, me pencher plus précisément sur la partie « Rayonnement scientifique et culturel» de votre budget : bref, sur l'avenir de la francophonie.
Vous avez émis le souhait qu'une priorité soit accordée à la présence de la France à l'étranger. Pourtant, l'examen de ce budget pour 2 008 révèle un certain décalage entre cette volonté affichée et la réalité des crédits. Le programme « Rayonnement culturel et scientifique » sera en effet doté de 490 millions d'euros, contre 526 millions pour 2007, soit une baisse significative.
Or si notre réseau peut être fier de ses soixante-treize établissements d'enseignement du français, la francophonie, vous le savez, recule dans le monde. La situation est préoccupante. L'usage du français régresse, les crédits consacrés à la coopération linguistique aussi. En dix ans, le nombre d'Européens apprenant le français a reculé de près de 15 %. Et la concurrence est rude ; il suffit d'ailleurs de constater avec quelle rapidité le British Council ou le Goethe Institut ont constitué un réseau d'enseignement de renommée internationale. Ne pensez-vous pas que nous devrions mener une politique ambitieuse en la matière auprès de nos partenaires européens, notamment allemands, avec lesquels nous avons à défendre des intérêts communs et des savoir-faire complémentaires ?
La LOLF représente un précieux outil permettant d'évaluer plus précisément l'efficacité budgétaire des politiques menées. Mais des efforts doivent être fournis, notamment pour améliorer le choix des indicateurs utilisés, ce qui suppose de poser la question de l'avenir de notre diplomatie, celle de la forme et du sens que nous souhaitons donner à l'action extérieure de l'État. Et, là aussi, la question du périmètre étatique doit être posée. Il faut sortir des carcans régaliens et dépoussiérer notre action diplomatique, repenser nos actions en faveur de notre rayonnement culturel et linguistique. L'État devra de plus en plus s'appuyer sur des partenaires privés pour oeuvrer à l'attractivité de la France dans le monde. C'est pourquoi il faut encourager le mécénat, développer les partenariats public-privé et ouvrir de nouveaux horizons à la coopération culturelle et scientifique à l'instar, par exemple, du projet du Louvre d'Abou Dhabi.
Le Nouveau Centre considère que le Parlement doit être pleinement associé à cette réflexion. Le Livre blanc, que doit publier le ministère des affaires étrangères en juin 2008, sur la politique étrangère et européenne de la France devra permettre de lever les incertitudes. Une loi de programmation pourrait y donner suite.
Le Nouveau Centre espère, monsieur le ministre, que vous saurez entendre ses remarques qu'il veut constructives pour l'avenir. En attendant, il votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du budget des affaires étrangères, dans son volet « Action extérieure de l'État », est l'occasion d'examiner les moyens des services. En dépit de la faiblesse relative des crédits de cette mission, au sein de l'ensemble du budget, leur utilisation optimale est souvent complexe. C'est aussi l'occasion d'évoquer les grands axes de la politique européenne, étrangère et de coopération de la France.
Alors qu'au lendemain du référendum de mai 2005, la construction européenne semblait durablement en panne, l'action conjointe du Président de la République, Nicolas Sarkozy, et de la Chancelière allemande, Angela Merkel, a permis à l'Europe – en quelques mois – de repartir. Certains contestent le fait que le nouveau traité simplifié, réformé ou modificatif, selon les États, ne soit pas soumis à référendum ; ils oublient que ce traité, débarrassé notamment de la troisième partie, n'est plus le même traité,…
… que la question de la procédure à suivre était déjà au coeur du débat lors de la campagne présidentielle et que l'attente de nos partenaires, réunis pour nous bouder, il y a seulement quelques mois à Madrid, exige que nous dépassions les querelles franco-françaises. Nous devons nous prononcer clairement et rapidement, si nous voulons retrouver toute notre force de conviction et d'action au sein de l'Union.
De plus, l'action du Président de la République et de la diplomatie française auprès des nouveaux pays que nous avions accueillis avec un excès de frilosité en 2004 montre que nous pouvons trouver dans cette partie de l'Europe d'importantes convergences de vue et d'ambitions.
En soulevant la question du gouvernement économique de l'Europe – sur laquelle nos partenaires allemands, soucieux de la montée en puissance des nouveaux fonds souverains, peuvent désormais nous rejoindre –, notre pays s'efforce de répondre à ceux qui, légitimement, s'interrogent sur le rôle et sur les outils de l'Europe face à la mondialisation.
Nous avons, à juste titre, reposé la question de la défense européenne sur laquelle nous attendons avec impatience les propositions du futur Livre blanc, notamment sur l'épineuse question des défenses anti-missiles. Nous regrettons que le Grenelle de l'environnement n'ait pas été conduit en association plus étroite avec nos partenaires. Le précédent du règlement Reach nous a montré que, dans une économie ouverte, la recherche d'équilibres volontaristes, mais partagés, était primordiale.
À quelques mois de la présidence française de l'Union, nous souhaitons en savoir davantage sur les thèmes et les priorités qui en seront le coeur, sur la manière dont vous la préparez avec nos partenaires, notamment portugais, slovènes et tchèques, et comment le Parlement français y sera associé.
Nous souhaitons savoir aussi, puisque la France aura la mission de préparer ce changement institutionnel, comment vous envisagez l'articulation entre la présidence élue du Conseil européen et la présidence tournante.
Nous ne pouvons aborder la politique étrangère sans y intégrer, au moins à un certain degré, le prisme de l'Europe. Nos partenaires parlent de plus en plus souvent, parfois avec appétit, parfois avec défiance, de ce qu'ils appellent « les politiques de voisinage ».
Le voyage du Président de la République réchauffe très fortement la relation transatlantique. Nous ne pouvons que nous en réjouir, tout en souhaitant que ce réchauffement favorise des positions mieux accordées sur l'ensemble des grands sujets, notamment l'environnement, la défense, le règlement des conflits au Proche et au Moyen-Orient.
La relation avec l'autre ancienne puissance, je veux parler de la Russie, n'en est pas moins importante. Nos partenaires européens, particulièrement ceux de l'Est, souhaitent, à juste titre, une unité de vue, et s'il le faut une certaine fermeté, mais ils souhaitent aussi le maintien d'un large dialogue. Il me semble, monsieur le ministre, que ce dialogue est essentiel avec un pays qui surmonte avec un relatif succès un formidable changement de système, et que nous devons y mettre une plus grande cordialité.
Le projet d'Union méditerranéenne suscite à la fois des espoirs et des interrogations. S'agissant des espoirs, l'idée de développer des projets concrets et ambitieux autour d'une mer, qui est le bassin de notre histoire et de notre pensée, est très séduisante. Nous souhaitons que les liens forts que nous avons avec de nombreux pays, particulièrement ceux d'Afrique du Nord, trouvent un cadre plus ouvert et plus fort que celui des seules relations bilatérales.
Mais ce projet suscite aussi des interrogations : la tentative précédente, celle du processus de Barcelone, s'est quelque peu étiolée, peut-être parce que les différences d'approche des États de la Méditerranée sont trop fortes et que l'association de nos partenaires européens non riverains ne se fait pas sans réticences. En outre, cette union n'offre peut-être pas le cadre le mieux adapté à nos relations avec le monde arabe. Si l'on a pu parler longtemps d'une politique arabe de la France, c'est parce que, sur un certain nombre de conflits qui restent au coeur des enjeux internationaux, au Proche et au Moyen-Orient, notre pays avait pris des positions et des initiatives courageuses, et souvent plus équilibrées que celles des puissances locales et internationales également impliquées dans ces conflits. Il nous paraît important que cette dimension de notre politique étrangère, à laquelle nous savons, monsieur le ministre, que vous êtes attaché, s'affirme avec la même lisibilité.
J'ajouterai enfin quelques mots sur la politique de coopération pour souligner qu'il nous paraît essentiel, malgré les contraintes budgétaires – et même si cet objectif ne peut être atteint que dans la durée – de maintenir l'objectif d'une aide au développement représentant 0,7 % du PIB. Je voudrais aussi évoquer au titre de la coopération en matière de santé, la question rarement évoquée des infrastructures hospitalières dans les pays d'Afrique subsaharienne ; il nous paraîtrait important que la France lance une initiative de reconstruction, les structures existantes étant, malheureusement très vétustes.
Sous ces réserves, monsieur le ministre, je vous apporte, au nom du groupe de l'UMP, notre entier soutien sur les crédits de l'action extérieure de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est soumis aujourd'hui, celui de la mission «Action extérieure de l'État», relève, s'il en est, des missions régaliennes de l'État. Tout à la fois sont en jeu ici notre capacité de représentation, notre attractivité culturelle et notre aptitude à projeter la France sur la scène internationale. C'est donc par le truchement de cette mission que nous présentons le visage de la France.
Les principaux chiffres ont été évoqués, je me contenterai de les rappeler : la mission « Action extérieure de l'État » disposera de 2, 299 milliards d'euros en 2008, l'essentiel de ce montant étant alloué au programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Toute une série d'interrogations, de divers ordres, peuvent être distinguées derrière ces chiffres, et c'est sur elles que j'aimerais axer mon intervention.
La question la plus pressante est, bien entendu, celle du volume des crédits accordés à la mission « Action extérieure de l'État ». Il reste insuffisant
À titre de comparaison, les autres missions régaliennes semblent bien mieux servies : la mission « Administration générale et territoriale de l'État », avec des crédits s'élevant à environ 2, 8 milliards d'euros est mieux dotée que la mission « Action extérieure de l'État ». Le Président de la République, dans son discours aux ambassadeurs le 27 août dernier, avait pourtant affirmé – et j'en étais d'accord : « Je me fais une très haute idée de la France et de son rôle dans le monde aujourd'hui. (...) Encore faut-il que le ministère [des affaires étrangères] ait lui-même les moyens de sa mission. » Le budget révèle une incohérence, hélas prévisible, dans ce propos : nous attendons, nous aussi, beaucoup de cette mission. Encore faut-il que le ministère ait les moyens de l'accomplir !
La perte des recrutés locaux, à laquelle s'ajoute la suppression de 234 équivalents temps plein, semble particulièrement déplacée. Mais sans doute ne devrais-je manifester aucune surprise à voir privilégier la stricte logique comptable, à laquelle vous semblez d'ailleurs souscrire, monsieur le ministre. Lors de votre audition mi-octobre, vous n'avez pas tari d'éloges sur la « rationalité » financière britannique, ce qui fait du ministère un bon élève pour Bercy, mais ne le préserve pas pour autant du gel des crédits.
Je relève d'autres points qui suscitent l'inquiétude. Dans le domaine culturel, on fait grand cas des dotations accordées à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, mais alors pourquoi priver notre action d'influence culturelle extérieure de moyens, lesquels sont déjà limités ? Je note, en effet, que les instituts et centres culturels, postes avancés de notre présence à l'étranger, perdent 10 % de leurs effectifs en recrutés locaux, qui sont toujours les premiers touchés.
La politique immobilière reste largement incertaine. Mon sentiment est que les recommandations de la Cour des comptes n'ont pas encore permis au ministère des affaires étrangères de stabiliser sa politique immobilière.
Je m'inquiète également de la délimitation des compétences entre le ministère des affaires étrangères et le nouveau ministère de l'immigration et de bien d'autres choses. Ce dernier disposera des crédits pour le co-développement – environ 25 millions d'euros – alors que la politique d'aide au développement continue – et c'est heureux – de relever de la responsabilité du ministre des affaires étrangères. Par ailleurs, les deux ministères mèneront une politique commune en matière de visas et il reviendra au ministère des affaires étrangères et européennes de mettre en oeuvre les tests ADN largement promus par M. Hortefeux. Je m'interroge donc sur la coordination de l'action de ces deux ministères, d'autant que le budget et le personnel du ministère des affaires étrangères se trouvent amputés au bénéfice du ministère de l'immigration. La cohérence de l'action du ministère des affaires étrangères en matière d'aide publique au développement semble largement compromise. Sous des dehors de réforme et de modernisation, je distingue nettement trop de désordres, d'incertitudes et de contradictions.
Enfin, j'aimerais dire un mot des crédits pour la présidence française de l'Union européenne. Je sais qu'ils seront examinés demain, dans le cadre de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », mais ils vous concernent au premier chef, monsieur le ministre des affaires étrangères. Il est prévu 190 millions d'euros pour 2008.
La somme est importante : elle correspond à plus d'un million d'euros par jour ! À titre indicatif – j'ai suivi un peu cette question jadis et je sais qu'elle est délicate –, la Cour des Comptes a estimé dans son rapport sur l'exécution des lois de finances en vue du règlement du budget de l'exercice 2000 que la présidence française de l'Union européenne avait coûté 13,72 millions d'euros en 1995 et 56,83 millions d'euros en 2000.
Certes, c'était avant l'élargissement, j'en suis d'accord, monsieur Rochebloine. Certes, le nombre de réunions a augmenté.
Certes, c'est une somme similaire à celle dépensée par l'Allemagne. Je suis conscient de tout cela. Reste que notre présidence a lieu au deuxième semestre, qui est plus court, et que, par rapport à 2000, nous avons un Conseil européen de moins à organiser, ce qui nous évite des coûts très importants.
Surtout cette inflation semble excessive. Quelles initiatives seront couvertes par ces crédits ? À quel coût ? Comment seront-elles contrôlées ? Comment justifier ce montant ?
Que retenir, finalement, de cette action extérieure telle qu'elle se dessine pour 2008 ? J'y vois à ce jour une diplomatie énergique, courageuse le plus souvent – personne ne vous dénie ces qualités, monsieur le ministre –, appuyée sur des outils remarquables, mais aussi une diplomatie spectaculaire, ponctuée de coups médiatiques, destinée à récolter des points en politique intérieure,…
… faisant par trop l'économie du travail de réflexion de long terme. J'y vois une pratique diplomatique qui croit pouvoir se passer des instruments diplomatiques traditionnels, remplacés par d'improbables « envoyés du Président », sinon par le Président lui-même. J'y vois une diplomatie heureusement amie des États-Unis, mais, d'une part, trop complaisante à l'égard d'une administration Bush discréditée et, d'autre part, trop pressée de réintégrer les structures intégrées de l'OTAN. J'y vois une diplomatie plus soucieuse d'affirmer le rôle de la France en Europe – ce qui est bon – que d'accroître notre influence en respectant nos partenaires et les institutions de l'Union.
On l'aura compris, ce n'est pas le budget que nous aimerions pour la diplomatie que nous souhaiterions. Nous ne voterons pas ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà même du budget alloué au ministère des affaires étrangères en vue de l'action extérieure de la France, la politique étrangère mise en place par le Gouvernement devient préoccupante en raison de ses possibles conséquences sur les relations internationales et sur la paix mondiale.
Le fait que le ministre des affaires étrangères ait appelé à la guerre contre l'Iran traduit un changement inquiétant : le gouvernement Sarkozy aligne la politique étrangère de la France sur celle des Etats-Unis, autrement dit sur la vision manichéenne atlantiste d'un État qui ne cesse de violer de manière flagrante la Charte des Nations unies.
Notre politique étrangère, qui a su gagner le respect des autres États après avoir marqué son opposition à la guerre en Irak, subit un coup dur. On peut même parler de régression alarmante car, à l'appel à la guerre, s'ajoute le soutien de notre pays à l'application de sanctions bancaires, commerciales, industrielles contre l'Iran, hors du cadre de l'ONU, dans le droit-fil de la politique guerrière du gouvernement nord-américain. Le Gouvernement et le ministère des affaires étrangères ne dénoncent rien : ils se gardent bien de demander que l'occupant nord-américain quitte le territoire irakien ou que les responsables de crimes de droit international – y compris les responsables de l'actuel gouvernement nord-américain – soient traduits en justice. Somme toute, avec cet alignement sur la politique nord-américaine, c'est tout le processus onusien multilatéral de la paix et de la sécurité internationales qui est remis en question.
Ce changement dans la politique extérieure met en péril le respect des obligations liées à la Charte des Nations unies alors que notre pays est membre permanent du Conseil de sécurité – je pense en particulier de l'obligation de régler les différends par des moyens pacifiques et de l'interdiction absolue de la menace et de l'utilisation de la force dans les relations internationales.
L'action 4 de la mission « Action extérieure de l'État » prévoit des apports financiers destinés aux opérations de maintien de la paix décidées par les Nations unies, auxquelles sont consacrés 30 millions des 40 millions d'euros d'augmentation des crédits inscrits au titre des contributions internationales. La FINUL poursuit ses opérations au Liban, conformément à la mission que lui ont confiée les Nations unies, mais on peut regretter que son mandat n'ait pas été étendu au territoire israélien.
La politique étrangère a bien d'autres visages. Et je m'étonne tout d'abord que le ministère des affaires étrangères ne mette pas en place une politique ferme à l'égard du gouvernement marocain et du roi Mohammed VI afin que le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui, largement reconnu, soit pleinement respecté. Le Maroc n'a jamais cessé ses manoeuvres d'obstruction contre la volonté du peuple sahraoui d'accéder à l'indépendance. Et les autorités, en particulier Mohamed VI, n'ont jamais manifesté le désir d'ajuster leur conduite au droit international et refusent obstinément l'application de la résolution de l'ONU prévoyant le règlement définitif du conflit au Sahara occidental. Au total, plus de soixante-dix résolutions ont été prises en vue de l'impérative décolonisation du Sahara occidental, mais l'occupation marocaine continue et l'État fait fi de ses obligations internationales.
Bien que notre gouvernement soit conscient des violations massives, particulièrement graves, des droits humains commises contre les Sahraouis, dans ce conflit vieux de plus de trente ans, du recours systématique à la torture, des arrestations arbitraires et des procès montés de toutes pièces, il n'envisage aucun changement de politique. Lors de leur dernière visite au Maroc, le Président et le ministre des affaires étrangères ont ainsi omis de rappeler au chef de l'État marocain les obligations internationales qui s'imposaient à lui en matière de droits humains et de droits du peuple sahraoui. Deux poids, deux mesures !
Pour le Gouvernement, le marché l'emporte sur le respect des droits humains et le commerce sur l'autodétermination : il suffit qu'il y ait des contrats juteux en perspective pour que le fameux droit d'intervention soit soudain totalement oublié. Aucun commentaire, aucune condamnation ! N'est-ce pas étonnant de la part d'un ministre des affaires étrangères qui n'hésite pas à appeler à la guerre contre l'Iran et à l'adoption de sanctions à son encontre ? Pourtant, de la stabilité de la région et d'une politique étrangère méditerranéenne sérieuse dépend pour une large part la solution de ce conflit.
Tout aussi surprenante est l'absence d'une politique étrangère conforme au droit international en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, surtout si l'ont tient compte du fait que la Cour internationale de justice a souligné les violations massives par Israël de la convention de Genève. L'occupation, l'annexion et la colonisation des territoires palestiniens se poursuivent et les sanctions prises contre le peuple palestinien à Gaza risquent fort de déstabiliser davantage encore la région, bien loin d'un règlement pacifique du conflit.
L'une des fonctions dévolues au ministère des affaires étrangères est d'élaborer des propositions et des concepts français dans les domaines de la régulation multilatérale, de la mondialisation et de la sécurité internationale. Mais de quelle régulation est-il question dans ce projet de budget, si ce n'est d'un amalgame entre mondialisation et sécurité internationale, qui n'annonce rien de bon pour les peuples ?
La mondialisation est déjà régulée juridiquement par des institutions internationales, qui jouent le rôle de véritables gardiennes des intérêts des pays développés et du capital privé transnational, à l'instar de l'Organisation mondiale du commerce, du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, pour ne citer que celles-ci. Est-ce à dire que la mondialisation néolibérale imposée aux peuples – y compris au peuple français – peut se confondre avec la sécurité internationale et exiger des actions armées ?
En tout cas, l'ordre néolibéral n'a jamais rien fait d'autre que déchaîner la violence contre les peuples. Plutôt que réguler la mondialisation comme le propose de manière confuse l'action 4, mieux vaudrait appliquer des politiques d'aide au développement cohérentes et respectueuses des droits humains, j'y reviendrai.
Quoi qu'il en soit, cet amalgame est dangereux. Il n'est pas inopportun de rappeler ici au Gouvernement que la mondialisation néolibérale, avec le concours des pays développés, les États-Unis à leur tête, est précisément l'une des causes profondes de la violence et du désordre actuels, de la dégradation générale du droit international, des violations des droits humains et des dispositions de la Charte des Nations unies par les puissants et par les États dominants.
L'action 2 a trait à la politique européenne de la France. « La construction européenne est au coeur de notre diplomatie et constitue l'un des objectifs du programme » : mais de la construction de quelle Europe parle ce gouvernement ? Dans le droit-fil de son idéologie et sa pratique néolibérales, il se place dans la logique d'une construction européenne fondée sur le « tout au marché » : privatisations forcenées, démantèlement des services publics, réduction des dépenses publiques, attaque du droit de grève, voire politique de criminalisation croissante des mouvements sociaux.
L'approbation, cette année, de l'accord relatif à la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et l'immigration illégale, ainsi que l'amalgame opéré entre migration, terrorisme et criminalité constituent un grave attentat aux droits démocratiques. L'article 14 criminalise explicitement les mouvements sociaux et, plus grave encore, consacre un système de surveillance policière et d'échanges de données à caractère personnel avec d'autres corps de police européens, sans qu'aucun contrôle démocratique et sans qu'aucune garantie ne soient prévus. Cet accord liberticide ne montre que trop bien quelle est la politique européenne de ce gouvernement.
Plus récemment, à Lisbonne, le Gouvernement a donné son accord à l'adoption du mini-traité européen. Aucune participation des citoyens et citoyennes européens n'a été assurée durant sa rédaction, qui s'est, au contraire, déroulée en catimini. Fruit de la diplomatie secrète, ce nouveau traité confirme l'orientation néolibérale de la construction européenne, la dérive idéologique de ce gouvernement ainsi que la soumission de l'Europe aux seules lois du marché. Somme toute, la société darwinienne dans sa version légale.
Dans la mesure où ce texte se borne en réalité à recopier sous une autre forme les trois quarts des dispositions du traité établissant une constitution pour l'Europe, il eût certainement été plus simple de reprendre le texte initial, en rayant seulement les dispositions symboliques abandonnées. On comprend cependant que cette formule ait été écartée car elle aurait manifesté de façon trop criante que l'on se moquait ouvertement de la volonté des peuples français et néerlandais.
Ce n'est maintenant un secret pour personne que la volonté du Gouvernement et du Président de la République est d'imposer au peuple français le nouveau traité, sans ouvrir de débat citoyen, alors même qu'a été introduite en cachette la notion de « concurrence non faussée » par le bais d'un protocole annexé. Plus que de construire l'Europe, le traité est un moyen d'ignorer les droits démocratiques du peuple français, qui a clairement dit non à une Europe dont le seul but serait de garantir des profits au secteur privé, aux grandes entreprises transnationales et la libre circulation des capitaux, avec son cortège trop connu de politiques antisociales. C'est la dictature du marché imposée par d'autres voies ! Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, a affirmé à juste titre que "la démarche du Président de la République prétendant interpréter seul la volonté du peuple français est totalement arbitraire et confine à la dictature".
Si le Président de la République a la conviction personnelle que les dispositions restant dans le traité modificatif ont fait l'objet d'une approbation implicite des Français, encore faut-il qu'il s'en assure en organisant un nouveau référendum tendant à obtenir leur accord explicite. Est-ce là la politique européenne que le Gouvernement va mettre en place, sous le couvert de l'action extérieure de l'État ? Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que le budget n'ait prévu aucun crédit pour la mise en place d'une politique étrangère de lutte contre les paradis fiscaux en Europe.
La politique étrangère concernant l'aide publique au développement suit la même logique. Et, même si votre ministère a été dépouillé de ce domaine d'intervention, je souhaite l'aborder ce matin, monsieur le ministre. Dans son rapport de 2005, le programme des Nations unies pour le développement indiquait déjà que le monde se dirigeait tout droit vers une catastrophe annoncée en matière de développement humain, dont les coûts – vous ne le savez que trop bien – se compteraient en millions de décès évitables et en millions d'enfants non scolarisés. Cette régression constitue une vraie menace pour la paix et la sécurité internationales, comme l'a souligné l'ancien secrétaire général de Nations unies, M. Boutros Boutros-Ghali.
Plus de 100 millions d'enfants n'ont jamais mis les pieds dans un établissement scolaire, ne serait-ce qu'à l'école primaire, et ne possèdent donc pas la moindre bribe d'instruction qui puisse leur être utile un jour et 10 millions d'enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de causes qui auraient pu être évitées.
La pandémie de sida continue ses ravages et, conjuguée au paludisme, à la tuberculose et à d'autres maladies, ralentit l'allongement de l'espérance de vie.
Les infrastructures et les ressources naturelles sont soumises à des pressions grandissantes sous l'effet de la croissance démographique et de l'augmentation de la consommation mais aussi aux programmes macroéconomiques décidés par les pays développés et par des institutions comme le FMI et la Banque mondiale, dont la politique consiste essentiellement à l'anéantissement des services publics.
Selon le rapport sur les indicateurs du développement humain de 2006 du programme des Nations unies pour le développement, deux personnes sur trois sont privées de l'accès à l'eau salubre et survivent avec moins de 2 dollars par jour, plus de 660 millions d'hommes et de femmes vivent avec moins de 2 dollars par jour et plus de 385 millions avec moins d'un dollar par jour. Ces chiffres nous parlent de la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les populations les plus pauvres des pays du sud.
Les dramatiques événements que vivent les migrants africains et autres, sur lesquels on ouvre le feu alors qu'ils tentent de passer une frontière ou qu'on abandonne en plein désert, illustrent de façon sanglante les obligations qui sont les nôtres.
Le budget que le Gouvernement nous propose pour l'action extérieure de la France n'est autre que le renforcement de la politique néolibérale et de l'alignement sur la politique nord-américaine. Il est fort à craindre que l'action extérieure se limite à renforcer cet ordre international de la misère et de l'exclusion juridiquement organisée. Nous ne pouvons donc que rejeter clairement ce budget. Nous ne pouvons en aucun cas le cautionner.
Monsieur le ministre, vous êtes institutionnellement et constitutionnellement la voix de la France, à un moment où la situation internationale va à l'évidence à la dérive. Mais pour savoir, pour agir, pour être entendu, il vous faudrait un outil diplomatique à la hauteur. Or, le budget du ministère des affaires étrangères stagne puisque l'ensemble de ses crédits augmentent d'à peine un million, pour atteindre 4,534 milliards cette année, contre 4,533 milliards l'an dernier. C'est même un recul, compte tenu de l'inflation actuelle.
Je regrette que les crédits alloués à la coopération militaire reculent également alors même que nous avons besoin de cet outil pour structurer des États, notamment en Afrique. Je déplore également que les crédits alloués à la langue française et ceux relatifs au renforcement des échanges scientifiques, techniques et universitaires baissent respectivement de 30 millions et de 8 millions, et que l'aide publique au développement recule, même si les crédits relatifs à l'action diplomatique augmentent de 5 millions. Mais que représentent 5 millions, alors même que ces crédits ont été trop souvent malmenés ces dernières années ?
Face à cette situation, que proposez-vous ? Un ersatz : l'instauration d'ambassades et de consulats franco-allemands. C'est une faute sans appel car, comme l'a dit fort justement le président de la commission des affaires étrangères, nous n'avons pas les mêmes intérêts. Certes, nous respirons le même air que les Allemands et nous devons nous entendre avec eux pour maintenir la paix en Europe. C'est un acquis qui n'est pas remis en cause. En revanche, nous sommes concurrents en matière commerciale, économique et d'influence linguistique. Sur ce dernier point, il ne vous a certainement pas échappé que les Allemands parlent allemand alors que nous, nous parlons français ! (Sourires.)
Vous glorifiez aussi le service diplomatique de l'Union européenne. Au mieux, ce sera un gâchis de crédits car il s'agira d'un doublon des diplomaties nationales, au pire ce sera l'alignement sur nos partenaires européens dont on connaît l'atlantisme impénitent. Telle n'est pas ma vision de la France et de son action dans le monde.
Nous avons besoin de coopération européenne, mais il n'empêche que nous avons aussi une vocation mondiale. L'Europe « puissance » est une idée de génie dans l'esprit de Dieu, une idée d'avenir et qui le restera longtemps !
Redescendons un peu sur terre : la France est une puissance mondiale, elle a les moyens d'agir. Nous comprenons bien que nous sommes entrés dans un monde des puissances relatives ; il n'y a plus d'hyperpuissance. J'en veux pour preuve ce qui se passe en Irak. Nous avons quitté le monde de la Conférence de Messine pour entrer dans celui de la balkanisation, où prévaut la théorie des jeux.
Pour pouvoir agir dans ce monde, nous devons absolument préserver notre indépendance de décision et nous en donner les moyens. Cessons de nous paralyser avec la recherche utopique d'une Europe « puissance ». Certes, nous avons besoin de coopération européenne, mais ne mettons pas tous nos oeufs dans le même panier ! Plus la France est indépendante, plus l'Europe l'est également ; moins la France est indépendante, plus l'Europe est américaine. C'est une réalité constante, notamment en matière de défense.
Nous sommes les alliés des Américains, mais il ne faudrait pas oublier cette loi d'airain formulée par Virgile : « Jamais de confiance dans l'alliance avec un puissant ».
Réintégrer l'OTAN serait une faute. Certains prétendent qu'on y gagnerait en efficacité. Au contraire, ce serait perdre cinquante ans d'indépendance diplomatique, cinquante ans d'influence française et cela se retournerait contre nous. Sur ce point, je partage pleinement ce qu'a écrit Hubert Védrine au Président de la République. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous devons également conserver la maîtrise de nos aides bilatérales. Lorsque nous privilégions les aides multilatérales, nous perdons notre influence.
Nous devons utiliser notre langue et, permettez-moi de dire que j'en ai par-dessus la tête d'entendre parler globish, y compris dans votre administration ! Il est clair qu'il faut regarder aujourd'hui le monde tel qu'il est. Nous allons vers un multilinguisme. Aussi devons-nous apprendre les langues des pays émergents. Il y a dix ans, la Toile était à 100 % en anglais, contre 30 % maintenant. Cessons d'utiliser les moyens d'un monde dépassé alors que nous sommes au xxie siècle ; parlons plusieurs langues et pas simplement l'anglais !
Monsieur le ministre, je sais que vous avez des idées et je connais bien votre enthousiasme. C'est en gardant la maîtrise complète de nos moyens que nous pourrons nous faire entendre face à une situation qui part à la dérive. Voilà pourquoi nous devons impérativement redresser notre action diplomatique vers l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient et dans la Méditerranée. Du reste, j'approuve sans réserve ce grand projet d'Union méditerranéenne.
Je m'abstiendrai sur ce budget pour appeler solennellement l'attention du Gouvernement et du Président de la République sur la nécessité de maintenir notre rang. (Applaudissements sur divers bancs.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'action extérieure de la France peut paraître modeste pour un pays qui se croit encore la lumière du monde et que les autres nations désignent comme l'arbitre préféré de leurs querelles, une sorte de Deus ex machina, capable de résoudre les questions internationales les plus embrouillées, selon l'inénarrable portrait qu'en a dressé notre ministre.
Cependant, ce budget paraît extravagant si on en recherche la justification à l'euro près, à l'aune de la part très modeste que prend le ministère des affaires étrangères dans la conception, la mise en oeuvre et le suivi de notre politique extérieure, et dans la contribution encore plus réduite, parfois négative, de ce département à la défense de nos intérêts nationaux.
« La tour de contrôle » de la politique étrangère de la France se situe à l'Élysée, et l'aiguilleur en chef de ce ciel encombré est un diplomate de haut rang qui ne dépend que du premier des ministres, pardon du secrétaire général de l'Élysée. Ceci n'est pas une extrapolation ou un fantasme mais bien la description quasi-officielle clairement exposée à la presse.
La pratique correspond parfaitement à cette description. Quand il s'agit tout à la fois de conclure la libération des infirmières bulgares et de renouer durablement avec la Libye, ni le ministre, ni le ministère, ni l'ambassade ne jouent le moindre rôle, tout est décidé, organisé ailleurs. Quand il s'agit de récupérer des personnes détenues au Tchad, tout s'organise et se traite depuis l'Élysée, y compris une interprétation stupéfiante d'un accord d'aide judiciaire qui dit précisément le contraire de ce qu'on veut lui faire dire.
Quand il faut promouvoir les grands contrats à l'exportation, en particulier en matière d'armement, on installe une war room à l'Élysée, selon l'expression officielle, laquelle ne comprendra aucun agent dépendant du ministre des affaires étrangères pour arbitrer les décisions. Au passage, je trouve que, depuis quelque temps, on abuse un peu trop du mot « guerre » dans notre diplomatie, tant en français qu'en anglais.
Sans contester le rôle très légitime du chef de l'État de concepteur de notre diplomatie, et ce d'autant moins que je considère comme très claires et très positives les orientations nouvelles qu'il a données à cette diplomatie, je constate que l'administration centrale et le réseau diplomatique des affaires étrangères ne jouent aucun rôle significatif.
Il existe bien sûr un précédent illustre de cette manière de faire d'un président très actif dans la politique extérieure et très méprisant vis-à-vis de son ministère des affaires étrangères. On se souvient en effet de ce que John Fitzgerald Kennedy disait de son département d'État et de la manière qu'il avait de le court-circuiter. Cette analogie n'est peut-être pas le fait du hasard ; espérons simplement qu'elle ne nous conduira pas à quelque mésaventure comme celle de la Baie des Cochons.
Quant à la défense de nos intérêts nationaux, je sais bien que ce n'est pas l'essentiel et que nous avons avant tout à promouvoir notre rayonnement, notre rôle, notre rang, mais comme je suis un être vulgaire et peu sensible aux grandeurs et aux splendeurs, je voudrais dire un mot sur le commerce extérieur, lequel s'effondre. Vous me répondrez sans doute, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas en charge du commerce extérieur. Mais il est délicat de s'en désintéresser quand on est en charge, même théoriquement, de notre diplomatie.
J'ai lu avec attention le fascicule de votre département. Or, il n'y a pas un mot du commerce extérieur, sauf page 32, à propos de la défense des intérêts français dans le cadre de l'union européenne et de l'OMC.
Mais je suis injuste, notre diplomatie vient de réussir un exploit qui mérite d'être salué : après deux ou trois magnifiques gaffes diplomatiques, une longue indécision sur un accord de financement, et une totale ignorance de l'activité très politique des États-Unis sur ce dossier, nous avons réussi à dissuader le Maroc d'acheter des avions Rafale. Il fallait le faire ! Nous y perdons quelques milliards d'euros mais surtout la dernière petite chance de donner un semblant d'espoir à la carrière internationale du meilleur avion de chasse au monde. Chapeau bas, quel coup de maître !
Alors que reste-t-il à votre ministère en dehors de l'intendance et de la francophonie sur lesquelles il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire ? Sommes-nous capables d'assumer nos obligations financières vis-à-vis des organisations internationales ? Non parce qu'il manque cent millions d'euros dans cette loi de finances, que l'on rajoutera en loi de finances rectificative, ce qui est une atteinte évidente à la sincérité budgétaire, comme l'a fort justement fait remarquer le président de la commission des affaires étrangères, Axel Poniatowski.
Je note d'ailleurs au passage que si nous ne trouvons pas le moyen de prévoir de quoi respecter nos obligations, nous n'hésitons pas à financer, à titre de bénévolence, les intérêts d'un emprunt de 80 millions d'euros sur vingt ans au profit de l'UNESCO et dont il n'est pas dit un mot dans ce document tandis que l'on ne répond pas à une question écrite précise sur ce sujet.
Avons-nous au moins depuis six mois une action significative sur le plan humanitaire, en dehors de la grotesque affaire des « zozos » de Zoé ? Par exemple, où en sont la piste d'atterrissage et le pont aérien et les corridors humanitaires qui devaient aider, dans l'extrême urgence, les malheureuses victimes du Darfour et dont vous nous parliez il y a quelques mois ?
Ça va venir !
Je conclus, monsieur le président.
J'ai gardé un souvenir très précis et très direct de notre action officielle lors du tremblement de terre au Gujarat en Inde. J'espère que nous n'en sommes plus là. Je voudrais vous entendre nous donner des exemples concrets et probants de notre action humanitaire.
Au total, et dans l'esprit de la LOLF, il vous reste à justifier à l'euro près les crédits inscrits à ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, traiter en cinq minutes de la mission « Action extérieure de l'État » peut être apprécié soit comme dérisoire, soit comme surréaliste. C'est pourquoi je limiterai mon propos à quelques remarques politiques et budgétaires.
Ma tâche est facilitée par la qualité et l'honnêteté intellectuelle des rapports, comme en a parfaitement conscience le président de la commission des affaires étrangères.
Ainsi que l'a indiqué Mme Filippetti, il existe un formidable décalage entre les ambitions affichées et les moyens alloués.
Mais ce décalage s'accentue : l'augmentation des crédits de 1,5 % compense à peine l'inflation. Les carences, le déclin de notre politique culturelle, scientifique et d'éducation à l'extérieur – et nous le ressentons tous dans nos déplacements – sont l'élément le plus inquiétant dans le tableau bien terne des moyens de notre instrument diplomatique.
S'y ajoute une politique immobilière pour le moins incertaine, frisant parfois le scandale, comme le rachat pour 325 millions d'euros de locaux ayant appartenu à l'Imprimerie nationale, vendus en 2003 par l'État 85 millions au groupe Carlyle.
S'y ajoute aussi la multiplication des commissions ministérielles ou interministérielles superposant les innombrables couches géologiques de propositions de réforme, de modernisation, ce qui a pour effet d'accroître incertitude et confusion dans l'action diplomatique elle-même.
Enfin, les règles administratives internes ne sont plus respectées. Jusqu'en 2005, la procédure de nomination des chefs de mission reposait sur la transparence : une liste d'ambassadeurs atteignant l'âge de la retraite ou ayant accompli trois années en poste était rendue publique, permettant à des postulants de se manifester. Cette procédure a été appliquée en 2005 et 2006. Ce n'est plus le cas aujourd'hui…
Mais si, c'est le cas !
En témoigne l'attribution des postes de Dakar, Genève, Madrid, Paris-OCDE, Nicosie, Bucarest, Asmara, Andorre, Copenhague, Monaco, entre autres exemples.
S'agissant de notre politique internationale, de notre diplomatie, c'est-à-dire du fond, il est évidemment trop tôt pour porter un jugement global sur les six premiers mois d'une action captée accaparée à l'excès par les démarches personnelles et excessives du Président de la République – quelles que soient vos intentions et votre volonté, monsieur le ministre. Pierre Moscovici a dit excellemment à ce sujet ce qui convenait. Nous posons les questions suivantes parce que nous voyons trop de flou, trop d'agitation, trop de contradictions ou de parades médiatiques : où est la cohérence ? Où est le contenu ? Où est la vision, le dessein de notre politique étrangère ? Il est hélas encore trop tôt pour le discerner.
Deux remarques de caractère local, l'une sur le Kosovo, l'autre sur la relation transatlantique.
À propos du Kosovo, j'exprimerai une conviction personnelle, mais qui n'est pas isolée, que ce soit chez nous ou en Europe : proclamer, aujourd'hui ou dans quelques semaines, l'indépendance de cette région serait pure folie et les conséquences en seraient graves, et pas seulement sur les territoires de l'ex-Yougoslavie. Le Kosovo doit certes disposer du maximum de délégation de compétences – « 95 % des compétences », disait le ministère des affaires étrangères de Serbie –, mais ce territoire doit aussi être à terme totalement démilitarisé, avec une puissance militaire étrangère durant une période intérimaire et sans retirer à Belgrade la responsabilité de la défense. Aller plus loin serait déstabilisant et, disons-le, très contagieux.
La nouvelle relation transatlantique méritait, ô combien, un vrai renouveau ; s'il faut s'en féliciter, gardons cependant la mesure et l'équilibre. N'allons pas au-delà des sollicitations, voire des pressions américaines, celles de l'administration finissante du Président Bush, notamment à propos de la question essentielle de l'Iran qu'évoquera dans un instant mon collègue et amiJean-Michel Boucheron.
Un dernier mot, mes chers collègues, en forme de souhait : s'il y avait une seule rupture à opérer s'agissant de notre action, mais surtout de notre expression diplomatique, ce serait de mettre fin à la trop fameuse arrogance française, à cette façon détestable de vouloir donner en permanence des leçons au monde entier. Le discours de Dakar était de ce point de vue, hélas ! caricatural.
Il faut s'appliquer à soi-même cette recommandation, monsieur l'orateur !
Mes chers collègues, la politique étrangère n'est pas un luxe. Nous devons veiller nous aussi, parlementaires, à son déploiement et à son efficacité. Vous pouvez compter sur nous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous assistons à une inflexion de la politique étrangère française, que le Président lui-même revendique. Je n'aime pas l'anti-américanisme, parce qu'il est infantile, simplificateur et injuste. Le peuple américain est un grand peuple, un peuple ami. Mais nous pouvons cultiver notre amitié avec les Américains sans pour autant aligner notre politique sur celle du président Bush. Il suffit de regarder le globe pour savoir que nous ne sommes pas dans la même situation : l'Amérique est la première puissance du monde et sa logique est d'aller au bout de sa puissance ; nous ne vivons pas au même endroit de la planète ; nous avons deux histoires différentes ; l'Amérique est une île entre deux gigantesques océans alors que nous, nous sommes à un carrefour de civilisations, entourés de voisins avec qui nous devons vivre, vivre en paix et dans l'interdépendance. Or certains signes, monsieur le ministre, donnent un sentiment d'alignement. Les États-Unis ne manquent pas de pays alignés ; il serait inutile d'y ajouter le nôtre.
Nous valons mieux que cela, et nous pouvons être une voix – mais aussi une voie – autonome. Nous y avons intérêt.
Quelles sont nos inquiétudes ?
La Russie tout d'abord : pourquoi laisser se détériorer nos rapports avec ce grand partenaire historique qui, tôt ou tard, s'imposera comme l'allié naturel de l'Europe ?
Nos cultures sont proches, et nos complémentarités économiques et stratégiques évidentes. Pourquoi alors accepter que, sous un prétexte auquel personne ne croit, les États-unis, tournant le dos au traité ABM, installent de nouveaux radars et de nouveaux missiles en Europe de l'Est ? En rétorsion, hier, la Douma a mis fin au traité FCE limitant les forces conventionnelles en Europe, et grâce auquel l'Europe vivait depuis vingt-cinq ans dans l'équilibre stratégique et la paix. Pourquoi accepter que d'autres fassent remonter les tensions dans notre continent qui ne demande rien à personne ?
S'agissant de L'Iran, monsieur le ministre, on nous a déjà fait le coup des armes de destruction massive. Pourquoi alors emboîter le pas à un président américain qui semble souhaiter une dernière aventure guerrière, de surcroît en utilisant Israël ? On n'imagine guère scénario plus catastrophique en cette région du monde.
Tout le monde semble penser qu'il ne s'agit de la part de Georges Bush que d'une simple gesticulation tactique, mais, monsieur le ministre, vous n'êtes sûr de rien. Quand le rapport Baker, il y a un an, préconisait un retrait planifié de l'Irak, Georges Bush s'est empressé de faire l'inverse et de renforcer la présence américaine.
Celui-ci peut très bien préparer une dernière provocation avant de partir, pour créer une forte tension favorable à son camp en pleine élection. Souhaitez-vous être entraîné dans cette aventure ?
J'ajoute que dans quelques mois, après l'élection du nouveau président, les États-Unis négocieront avec l'Iran, comme naguère avec la Chine, car ils ne pourront faire autrement.
À l'euro-Méditerranée, je dis oui, mille fois oui ; je salue le magnifique discours de Tanger. Le monde chinois, le monde indien, le monde américain compteront chacun plus d'un milliard d'hommes, et le monde euro-méditerranéen, avec la Russie, devra aussi construire sa cohérence avec un poids comparable. Mais alors, pourquoi cette attitude désobligeante vis-à-vis de la Turquie, pays charnière, pays vecteur d'une grande stratégie d'influence européenne vers l'Asie centrale et le Golfe ?
Et puis il y a le terrorisme, ou plutôt les terrorismes. Les attentats qui ensanglantent New York, Tel-Aviv, Istanbul, Bagdad, Londres, Alger, Madrid, Karachi ne répondent pas aux mêmes logiques. Ils sont la déviance de conflits fort différents. Vouloir en faire un phénomène unique qui implique une réponse unique et globalisée aboutit au choc des civilisations, à la guerre globale. Chaque conflit mérite une réponse adaptée, chaque peuple, une compréhension particulière. Notre pays, qui est aussi atlantique que méditerranéen, aussi proche du Centre-Europe que du Maghreb, n'a aucun intérêt à emboîter le pas à une administration américaine qui a fait tant d'erreurs !
En ce qui concerne l'Irak, je ne suis pas de ceux, monsieur le ministre, qui vous reprochent d'y être allé, tant la reconstruction est nécessaire. Mais il faut se poser une question : pourquoi les forces présentes en Irak et en Afghanistan, censées libérer le peuple, apporter sécurité, démocratie et développement, ne recueillent-elles pas l'adhésion des populations ? Il est fondamental, il est temps que soit répondu à cette question.
Ne devenons pas le dernier allié d'un président américain en fin de parcours, tenté par une dernière aventure. La France mérite mieux que cela. Monsieur le ministre, rassurez-nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je vous remercie, monsieur Myard, je suis très sensible à vos encouragements. (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, j'ai écouté avec un intérêt passionné vos interventions et j'y retrouve beaucoup de mes propres préoccupations. En définitive, vos observations se résument à une interrogation simple et forte : quelle présence et quels moyens pour notre diplomatie ? Quels sont nos objectifs ? Quels doivent être nos modes d'action ? Je vais bien entendu m'efforcer de répondre aussi précisément que possible à vos différentes interventions, aux dernières en particulier, mais je voudrais d'abord regrouper vos préoccupations autour de différents thèmes autour desquels notre débat de ce matin s'organise. J'ai noté cinq principales têtes de chapitre : notre réseau et son avenir ; l'évolution de nos moyens et de nos effectifs, notamment dans le contexte du contrat de modernisation que nous avons conclu avec le ministère du budget ; le dossier de nos contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix ; la problématique des affaires consulaires et la question, toujours sensible, de la politique des visas ; enfin, l'important dossier, qui me tient à coeur, de notre diplomatie culturelle et de nos orientations en ce domaine.
Premier point : notre réseau et notre présence dans le monde. Plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, le réseau diplomatique français est le deuxième par la taille, après celui des États-unis. Faut-il le conserver en l'état ? En avons-nous les moyens ?
Non, monsieur Myard.
La géographie de notre présence correspond-elle bien à celle de nos intérêts ? Votre rapporteur spécial, Jean-François Mancel, que je veux remercier pour la qualité de son travail – nous nous sommes rencontrés plusieurs fois et ce fut très productif – a dressé sur ce dossier un constat et avancé des pistes que j'approuve très largement. Je reviens d'une longue tournée qui, durant ces dix derniers jours, m'a fait voyager en Asie, en Turquie, à Lisbonne, et aux États-unis dont je rentre à peine. Et quand je dis « peine », vous voyez ce que je veux dire. (Sourires.)
J'ai pu mesurer dans chacun de ces pays tout à la fois la nécessité absolue de notre présence, nos atouts et les progrès possibles. Je voudrais partager avec vous quelques réflexions que m'inspire la question, centrale pour le Quai d'Orsay, de l'évolution de notre réseau diplomatique.
Je suis, en premier lieu, convaincu qu'il nous faut préserver une présence universelle.
La France ne peut pas en effet vouloir s'adapter à la mondialisation et en même temps se rétracter. Il nous faut au contraire pouvoir analyser, anticiper et répondre dans toutes les zones du monde aux évolutions qui sont à l'oeuvre et qui auront une incidence directe sur nos intérêts politiques, économiques et culturels. Je crois donc profondément que nous devons préserver une présence mondiale, tout en la modernisant.
Cela étant, nous ne pouvons être présents partout de la même manière, et je rejoins sur ce point l'analyse développée par M. Mancel et, pour une part, par Mme Filippetti. C'est la limite de notre dispositif actuel : une rigidité certaine dans les formes de notre déploiement, des difficultés à faire évoluer nos dispositifs, notamment, vous l'avez tous dit, vers des grands pays émergents – même si j'ai pu constater, lors de mon déplacement en Chine, combien nous avons su accroître significativement notre présence en ouvrant de nombreux consulats dans cet immense pays. Mais que dire de l'Inde ? Nous ne sommes à l'évidence pas assez représentés dans ce grand pays. Tel est le défi que nous devons relever : définir et mettre en oeuvre un réseau souple, adaptable, modulable. Nous avons besoin de déplacer nos agents. Or même lorsque c'est possible, cela s'avère extraordinairement difficile.
Il faut donc réorganiser ce réseau pays par pays, en fonction de la nature réelle de nos intérêts – qui eux-mêmes évoluent.
Il faut aussi concevoir notre présence à l'étranger, non plus comme la juxtaposition de structures propres à chaque administration, mais comme une véritable « équipe de France » interministérielle – ce qui est bien difficile. J'ai avancé l'idée que nos ambassades deviennent non seulement des bureaux-conseils venant en aide à nos entreprises, à nos ONG, à nos collectivités locales et à nos universités, mais aussi des maisons des droits de l'homme.
Monsieur Poniatowski, vous avez évoqué les ambassades communes – tout comme M. Myard,…
…mais il s'agissait pour lui de les condamner ! Bien entendu, vos préoccupations doivent être prises en compte. Gardons-nous de toute systématisation et privilégions une approche pragmatique, qui s'adapte à la situation des pays, à leurs évolutions et à nos besoins. Prenons le cas du Timor oriental, que j'ai déjà évoqué. Vous vous êtes félicité des succès des missions de l'ONU : en voilà un qu'il convient de saluer tout particulièrement, après tant d'années d'efforts et tant de difficultés surmontées. Faut-il ouvrir une ambassade de France au Timor oriental ? M. Ramos Horta, prix Nobel de la paix et président nouvellement élu de ce pays, nous le demande. Mais devons-nous accepter ? Ne vaudrait-il pas mieux ouvrir avec nos partenaires une maison européenne, dont nous serions les promoteurs, plutôt que la première ambassade – si l'on excepte celle du Portugal, qui tient aux liens particuliers liant ce pays au Timor ? Et pourtant, on nous le demande instamment – et il convient de saluer l'existence de ce nouvel État !
Voilà un exemple qui donne matière à réflexion.
Certes, monsieur Myard, mais nos partenaires allemands – que nous ne pouvons ignorer – ne sont pas les seuls à nous proposer de telles réalisations communes : les Espagnols et les Italiens aussi. Peut-être pourrions-nous coordonner nos efforts.
Se pose aussi, comme vous l'avez rappelé, monsieur Mancel, la question de la présence française en Europe, à la fois dans les capitales d'État et dans les grandes régions. Essayons de nous entendre au moins là-dessus.
Je suis convaincu que, contrairement aux idées reçues, nous avons encore besoin de grandes ambassades en Europe.
Encore faudrait-il qu'elles soient organisées différemment. Demandez aux ambassadeurs concernés : tous disent qu'il faudrait procéder à des ajustements de personnel, et transférer une partie des agents vers d'autres contrées. Ce n'est pas chose facile : il ne faut pas pénaliser ces agents, tenir compte de leurs liens familiaux et de leurs obligations personnelles. Néanmoins, dès lors que nos ambassades travaillent dans un cadre interministériel, je pense qu'il faut redéployer nos effectifs afin de relayer nos intérêts et renforcer nos positions en fonction de nos pôles de compétence.
S'agissant de l'évolution de nos représentations consulaires en Europe, le moment est venu, madame Colot, de tirer les leçons de la construction européenne en la matière, notamment en ce qui concerne les prestations de service public offertes à nos compatriotes installés dans l'Union européenne – dont on dit qu'ils sont les plus assistés d'Europe. En revanche, il convient de renforcer la présence de la France dans les grandes régions, là où se dessine la future Europe des régions, là où émergent de nouveaux territoires.
Ces réflexions, qui engagent l'avenir de notre outil diplomatique, sont au coeur de la rédaction du Livre blanc de la politique étrangère et européenne, qui m'a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre. Pour conduire ce chantier, j'ai constitué une commission spécifique, dont la présidence a été confiée à MM. Alain Juppé et Louis Schweizer et qui rendra d'ici à l'été ses conclusions et ses recommandations. Son ambition est de reformuler nos objectifs et nos priorités – rien de moins ! Aussi ai-je souhaité que votre assemblée y soit représentée ; et je me félicite que le président de votre commission des affaires étrangères, M. Axel Poniatowski, et votre collègue François Loncle participent activement à ses travaux.
J'en viens au deuxième thème : la question des moyens. Je ne peux qu'approuver vos observations face à l'ampleur croissante des missions qui, tandis que les crises se multiplient dans le monde, sont confiées à notre diplomatie, nos moyens restent trop modestes. Je suis le premier à le déplorer, croyez-le !
J'accueille avec satisfaction vos critiques. Cependant, il ne suffit pas de critiquer : il faut ensuite passer aux actes – ce qui est autrement difficile.
C'est une autre des questions fondamentales auxquelles devra répondre la commission du Livre blanc – et M. Juppé l'a parfaitement formulée : avons-nous encore les moyens de notre ambition ?
Ou plutôt devrais-je dire : de nos ambitions – sinon, j'approuverais les critiques de M. Giacobbi. Car la France n'a pas qu'une seule ambition, mais plusieurs !
Comme vous l'avez noté, notre pays consacre environ 1,5 % du budget de l'État à sa diplomatie.
Le budget que je vous propose pour 2008 sera, à structure constante, en croissance d'environ 1,5 % par rapport à 2007. Votre assemblée ayant déjà examiné et approuvé les crédits de la mission « Aide publique au développement », présentés par le secrétaire d'État à la coopération et à la francophonie, Jean-Marie Bockel, je ne reviendrai pas, faute de temps, sur ce dossier – ce que je regrette, car je l'aurais fait volontiers. L'autre mission dont le Quai d'Orsay est le chef de file – « Action extérieure de l'État », dont je vous demanderai tout à l'heure d'approuver les crédits – voit ses moyens croître de plus de 3,5 %, ce qui représente une augmentation significative dans le contexte général des finances publiques.
Plusieurs orateurs l'ont regretté, le budget prévoit de nouvelles diminutions d'effectifs. Vous avez dit, madame Colot, que 234 postes équivalent temps plein seront supprimés en 2008, soit une baisse de 1,5 % des effectifs du ministère des affaires étrangères et européennes. À juste titre, vous avez relevé que les emplois de ce ministère avaient déjà connu une baisse continue ces dernières années, de l'ordre de 12 % en dix ans.
M. Mancel a quant à lui très justement souligné l'encombrement du sommet de la pyramide des emplois au ministère. Ce problème trouvera un début de solution avec la publication – dans quelques jours, je crois – d'un décret nous permettant de modifier déjà quelques dizaines de postes ; nous poursuivrons ensuite dans cette voie – nous n'avons d'ailleurs pas attendu la publication officielle de ce décret pour proposer d'autres affectations à ces agents. Si, à réseau constant, cette solution risque, j'en suis bien conscient, de montrer rapidement ses limites, une autre approche est cependant possible, en redéfinissant, comme je viens de le proposer, la présence de notre pays dans le monde. Car ne nous leurrons pas : comme l'ensemble des administrations de l'État, le ministère des affaires étrangères et européennes sera soumis, dans les prochaines années, à la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux.
Il faut donc anticiper cette évolution, organiser les redéploiements et concevoir une nouvelle carte, souple et modulaire, de notre réseau d'implantations.
Plusieurs intervenants m'ont interrogé sur le contrat de modernisation signé en 2006 entre le Quai d'Orsay et Bercy et sur le bilan qui pouvait en être dressé. Ce contrat, qui garantit sur trois ans les moyens de fonctionnement du ministère et planifie l'évolution des effectifs, arrivera à terme fin 2008. Il a permis d'assouplir la gestion des services du ministère, tout en produisant d'importants gains de productivité grâce à la restructuration mise en oeuvre – et qui est loin d'être terminée. C'était indispensable : que l'on songe à l'amélioration des primes pour le personnel de l'administration centrale ! La lettre de mission que j'ai reçue du Président de la République et du Premier ministre me fixe comme objectif de préparer un nouveau contrat de modernisation pour les années 2009 et suivantes. Je souhaite qu'il soit plus ambitieux encore et qu'il intègre notamment l'évolution de notre réseau. Je me tiens évidemment à la disposition de l'Assemblée pour lui présenter, le moment venu, le bilan complet de ce contrat.
S'agissant de la gestion du parc immobilier de l'État à l'étranger – qui est d'une taille considérable ! –, vous avez raison, monsieur Mancel et madame Colot : les progrès à accomplir sont importants, surtout au regard de ce qui s'est passé en France. Arrivé trop tard, je n'ai pu, hélas ! que m'en étonner. Mais nous travaillons à l'élaboration d'un dispositif différent pour l'étranger. S'il faut, certes, s'adapter au marché, le dit marché varie d'un pays à l'autre : on ne peut pas demander aux ambassadeurs d'être experts en immobilier, ce n'est pas leur métier ! Il convient donc de trouver une solution souple et efficace, à l'instar de ce qu'ont déjà expérimenté d'autres ministères, afin de réaliser de meilleures opérations. Soyons extrêmement attentifs aux exemples qui nous sont donnés.
J'ai déjà informé votre commission des affaires étrangères de ma volonté de réformer entièrement ce secteur. J'envisage ainsi de confier la gestion du patrimoine du ministère des affaires étrangères à l'étranger à un opérateur extérieur, sous le contrôle de l'État.
Le recours à cet opérateur permettrait d'améliorer les travaux de construction, de maintenance et d'entretien de notre parc, tout en les laissant sous le contrôle de l'État.
C'est la solution adoptée par les Anglais et je pense qu'elle est parfaitement adaptée à la spécificité de nos implantations immobilières à l'étranger.
À Mme Colot, qui m'a plus précisément interrogé sur le financement de nos opérations dans le cadre du contrat de modernisation, j'annonce que le ministère des affaires étrangères a décidé de renoncer jusqu'en 2008 à l'essentiel de ses crédits d'investissement, et de financer ses projets grâce au produit de la vente des immeubles qui ne lui sont plus utiles. Plus d'une centaine de millions d'euros seront ainsi dégagés entre 2006 et 2008, grâce à d'importantes cessions immobilières à Monaco, New York, Athènes ou Tokyo. Cela étant, vous avez raison de souligner que le compte d'affectation spéciale connaît quelques difficultés de fonctionnement – c'est le moins qu'on puisse dire ! ; nos services s'efforcent de les régler avec ceux de Bercy, ce qui n'est pas toujours simple.
L'externalisation de notre immobilier doit être mise en oeuvre dès que possible, en souplesse et en toute transparence. Si elle devait s'avérer inefficace et se traduire par des pertes financières, il n'y aurait pas de quoi pavoiser ! (Sourires.)
M. Mancel a évoqué le dossier – que je suis avec grande attention – du regroupement des services centraux, qui nous permettra de réduire nos implantations sur Paris de neuf à deux. Avouez que c'est un progrès !
Merci, monsieur Myard ! Vous voyez bien que vous pouvez nous apporter votre soutien !
Ce chantier est très important pour le ministère et ses agents, dont nous améliorons considérablement l'outil de travail. Le personnel s'en réjouit, je crois – je le rencontre fréquemment. En outre, les gains de productivité seront importants. Il n'y aura plus qu'un seul site, pourvu de toutes les facilités pour le personnel, garde d'enfants incluse ! Je vous engage d'ailleurs à visiter le chantier de la Convention.
S'agissant des conditions de ce rachat, je suis là encore d'accord avec vous. Cependant la différence est grande – et c'est là l'essentiel, n'est-ce pas ?
Bien que le chantier ne soit pas encore terminé – il reste encore à réaliser l'aménagement intérieur, soumis à un appel d'offre – c'est un bien bel outil de travail qui a été installé dans les locaux de l'ancienne Imprimerie nationale.
S'agissant maintenant de la maison de la francophonie, je souhaite vous rassurer, monsieur Rochebloine : la France tiendra ses engagements. Un site avait été pressenti, avenue de Ségur – je m'en souviens fort bien, puisque j'étais chargé, à l'époque, d'un ministère proche. On a contesté la pertinence de ce choix, ce que je comprends.
Une mission conjointe de l'inspection des finances et de l'inspection des affaires étrangères a été mandatée pour étudier toutes les formules de localisation possible, sans tabou – l'important est que le projet aille à son terme. Le Gouvernement arrêtera, je l'espère, sa décision d'ici à la fin de l'année ou au tout début de l'année prochaine.
Troisième point : la contribution aux organisations internationales. M. Poniatowski et M. Mancel ont à juste titre relevé l'écart important qui existe entre les crédits affectés à notre participation au financement des organisations internationales et des opérations de maintien de la paix d'une part, et les besoins réels de financement de l'autre. Une telle situation n'est pas tenable et votre assemblée a eu raison de s'en inquiéter. Le rattrapage a été lancé, et sera poursuivi en 2008. Ce n'est certes pas suffisant, mais votre assemblée aura à approuver une mesure nouvelle de 40 millions d'euros supplémentaires. Il faudra, si possible, achever le processus en 2009.
Comme l'a relevé Mme Colot, l'année 2008 restera marquée par une incertitude budgétaire liée à l'opération au Darfour, dont le financement n'a pas encore été soumis à l'Assemblée générale des Nations unies. Mais nous savons très bien que cela va coûter très cher : c'est la plus grande opération de maintien de la paix, ou plutôt « d'imposition » de la paix – je ne trouve pas de meilleur terme, et M. Myard me reprocherait un anglicisme – jamais entreprise par les Nations unies.
Certes, l'affaire a été lente à se mettre en place, puisque cela fait plus de trois ans qu'on y pense, mais je suis indigné lorsque j'entends que la diplomatie française est immobile. Nous cherchions depuis longtemps à faire voter une résolution par l'assemblée générale, mais surtout par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il y a deux mois, alors que nous sommes en place depuis seulement six mois, la décision a enfin été prise de déployer une force hybride de 26 000 hommes. Or c'est à la France que l'on doit ce grand succès, car tout s'est dénoué à la conférence de Paris, si décriée, où les Chinois, que l'on jugeait alliés au président du Soudan, non seulement ont accepté le principe d'une force internationale, mais se sont engagés à y contribuer. Ce fut un changement décisif. Après le vote à l'unanimité de cette résolution – adoptée dans le cadre du chapitre VII, bien entendu –, la chaîne de commandement devrait se mettre en place dans les jours qui viennent, grâce à un effort conjoint de l'ONU et de l'Union africaine, avec le soutien de M. Konaré.
Nous ne savons pas encore combien cela coûtera, mais le budget de l'intervention devrait être voté avant la fin de l'année. L'opération étant gérée en trésorerie par les Nations unies, le déploiement de la force hybride ne sera pas affecté par ce calendrier.
Parallèlement, une force conjointe, européenne et internationale, sera déployée à l'est du Tchad et en République centrafricaine, en tant que second pivot de l'action internationale en vue de stabiliser la région. On a beaucoup parlé du Tchad ces temps-ci. Je tiens à souligner que ces fameux « enfants du Tchad », en tant que personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, ne bénéficieront que d'une seule aide internationale, celle que nous venons de mettre en place pour eux, avec l'accord des pays européens.
Le financement en est assuré.
L'opération organisée dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense commune est un élément de confort très important. Même les pays les plus réticents au début ont fini par participer à cette manifestation de la défense européenne.
Non, l'opération de police est menée par les Nations unies dans les camps de réfugiés.
Pas du tout ! Il y aura, d'un côté, une opération de police conduite par les Nations unies avec le soutien de gendarmes africains et, de l'autre, une opération militaire et de développement, destinée à protéger les zones toujours sous la menace des milices venues du Darfour, afin de permettre aux Tchadiens de reconstruire leurs villages.
Vous devriez être content : c'est une opération européenne, sans Américains.
C'est très compliqué, je le reconnais. Je tiens à saluer publiquement la position du président tchadien Idriss Deby, qui a confirmé au Président de la République son attachement à la mise en oeuvre de cette opération. Vous avez raison, madame Colot : plus tôt nous en connaîtrons le coût, mieux cela vaudra. Une première estimation fait état de 110 millions d'euros pour la quote-part française à l'opération du Darfour. J'informerai votre assemblée dès que j'aurai connaissance d'un chiffre précis. Avec M. Woerth, nous sommes tombés d'accord sur le principe d'une couverture complémentaire.
Je remercie Axel Poniatowski d'avoir souligné que les opérations des Nations unies ne sont pas toujours des échecs. Au contraire, les échecs sont bien plus rares que les succès. Sans ces opérations auxquelles la France participe pleinement, non seulement au point de vue financier, mais par l'apport de ses soldats, je ne sais pas ce que nous ferions.
J'en viens à mon quatrième point : les questions relatives aux Français de l'étranger et aux étrangers en France. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention de Mme Colot, que je tiens à remercier pour la qualité de son rapport. Comme vous l'avez souligné, madame la députée, le budget pour 2008 traduit un réel effort au profit de notre dispositif d'enseignement à l'étranger. Nous étions hier à Washington, en présence des Français établis là-bas. Il va sans dire que la décision de rendre gratuite la scolarité en classe terminale est unanimement saluée. Il faut bien sûr aller plus loin, et étendre la gratuité à la première en 2008, ainsi qu'à la seconde en 2009.
Évidemment, cela coûte cher : 20 millions d'euros de crédits supplémentaires seront donc mobilisés.
Je serai attentif à l'effet d'aubaine qui peut en résulter, ainsi qu'au risque d'éviction des élèves étrangers. Le problème se pose, en effet, …
…et nous l'avons écarté un peu rapidement – je le dis avec précaution, ne voulant viser personne. C'est pourquoi il nous faut revoir les modalités du dispositif. Comme l'a très justement remarqué Mme Filippetti, certaines personnes n'ont pas besoin que l'État les aide à financer la scolarité de leurs enfants, ne serait-ce que parce que les entreprises le font. En outre, il convient de respecter un équilibre entre les inscriptions de Français et les inscriptions d'étrangers. Reste que c'était une promesse du Président de la République, et nous commençons à la tenir.
Nous engageons par ailleurs en 2008 un réel effort de rénovation immobilière de nos lycées. Des crédits à hauteur de 8,5 millions y sont consacrés, inscrits dans le programme 185 « Rayonnement culturel ». C'est la première tranche d'un travail indispensable et trop longtemps différé, certains établissements vétustes posant des problèmes de sécurité.
Au cours de mes nombreux déplacements – trop nombreux, peut-être – j'ai pu mesurer l'importance que nos compatriotes accordent à ce dossier de la scolarité à l'étranger. C'est peut-être la condition essentielle d'une expatriation réussie. Nous avons la chance de disposer d'un réseau incomparable par sa densité et sa qualité. Nos lycées ont également vocation à former des élèves étrangers, contribuant ainsi de manière décisive à la diffusion de la francophonie. Je me félicite, à ce titre, de l'annonce par le président de votre commission des affaires étrangères de la constitution d'une mission d'information sur cette grande priorité.
Comme plusieurs d'entre vous l'ont relevé, les besoins à satisfaire sont importants. Tel qu'il existe, notre réseau n'est plus en mesure de répondre à l'afflux des demandes de scolarisation d'enfants français ou étrangers. En outre, nous ne sommes pas assez présents dans les grands pays émergents. J'ai ainsi pu constater, lors de mon séjour à Pékin, l'importance cruciale que revêtait la présence d'un lycée français dans la ville, mais aussi la saturation de l'établissement. Un second lycée est indispensable, et j'ai donc sollicité du Premier ministre chinois la cession d'un nouveau terrain, situé entre l'ambassade de France et l'aéroport – comme vous le savez, la ville est en extension permanente. Reste à trouver les financements nécessaires.
Toutes ces raisons m'ont conduit à convoquer des états généraux de l'enseignement français à l'étranger, afin que l'ensemble des acteurs, parents d'élèves, enseignants, entreprises, associations, partenaires étrangers, puissent réfléchir à l'avenir de ce système et aux moyens de le développer, sans forcément faire appel au budget de l'État, compte tenu de nos contraintes. Je souhaite pouvoir lancer officiellement ces états généraux au cours des prochaines semaines.
J'en viens à notre politique des visas. Le budget pour 2008 tire les conséquences de la création du ministère de l'immigration, et transfère à ce ministère des moyens jusque-là inscrits au budget des affaires étrangères au titre de l'asile et du service des visas, à Paris et à Nantes. Je considère qu'en la matière, le ministère des affaires étrangères et européennes doit conserver une responsabilité importante, et même décisive .
C'est facile : grâce à la cogestion. Nous l'avons déjà expérimentée. Mais certaines décisions politiques nous appartiennent. Ne croyez pas que je me désintéresse de ces questions ; nous nous sommes bien débrouillés pour qu'elles ne nous échappent pas. En effet, elles ne concernent pas seulement les problèmes migratoires, mais touchent à nos relations politiques, voire à la sécurité nationale. Avec M. Hortefeux, nous sommes parvenus à un bon équilibre, fondé sur le principe d'une responsabilité conjointe sur la politique des visas.
Cela étant, il est de ma responsabilité de veiller à ce que nos consulats disposent des moyens nécessaires à leur action. Les pressions sont très fortes, et les conditions d'accueil parfois médiocres, même si nous les avons beaucoup améliorées. Les équipes restent surchargées.
En 2008, nous allons poursuivre la mise en place de la biométrie dans une quarantaine de consulats supplémentaires, après les 62 consulats d'ores et déjà équipés. Pour répondre plus précisément à votre question, madame Colot, nous devons accompagner cette introduction de la biométrie de procédures d'externalisation, ce qui implique en effet une validation par la Commission nationale informatique et libertés, avec laquelle nos services sont en contact. En 2008, les premières expériences de prises de données biométriques externalisées seront menées. Un décret sera préparé à cette fin.
J'encourage les membres de votre assemblée, lorsqu'ils se rendent en mission à l'étranger, à visiter nos consulats, afin de se rendre compte de la réalité des conditions de travail, de la limite de nos moyens, mais aussi de l'ampleur des modernisations effectuées. À Moscou, tout a changé : alors qu'il fallait quinze jours pour obtenir un rendez-vous, un seul suffit désormais, plus trois jours pour l'obtention du visa. Ce n'est pas si mal ! Je remercie M. Mancel de s'être déplacé à Istanbul et d'y avoir mesuré les progrès que nos services ont réalisés dans ce domaine.
Cinquième et dernier thème : notre diplomatie culturelle.
Vos rapporteurs, Mme Filippetti et M. Rochebloine, ont très justement souligné l'originalité de nos actions dans ce domaine, mais aussi la nécessité de clarifier nos priorités et notre organisation. En réponse à leurs observations, je tiens tout d'abord à souligner l'importance que j'attache à la politique culturelle qui constitue l'originalité de notre diplomatie autant que son indispensable accompagnement. Je suis convaincu que nous avons un intérêt fondamental, je dirai même stratégique, à maintenir une présence culturelle forte, à promouvoir dans la mondialisation notre conception de la diversité culturelle, à valoriser nos idées, nos concepts et nos savoirs – bref, à accompagner nos intérêts politique par ce que j'appelle une diplomatie publique d'influence.
Comme vous dites ! (Sourires.)
Les enjeux sont clairs : faire de notre pays et de son système d'enseignement supérieur un lieu d'attractivité pour les étudiants étrangers ; mettre en place de véritables partenariats dans le domaine culturel et scientifique avec une forte priorité sur les pays émergents ; promouvoir, grâce à un outil d'audiovisuel extérieur, une conception française et francophone de la culture et de l'information.
Vos deux rapporteurs ont souligné avec raison les avantages, mais aussi les limites, de notre organisation actuelle. Les moyens que nous consacrons à cette ambition française inscrits sur le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique », de l'ordre d'une centaine de millions d'euros – soit l'équivalent de la subvention de l'Opéra de Paris – sont limités. Je remercie Mme Filippetti et M. Rochebloine, de l'avoir souligné, estimant même – et je ne puis dire le contraire – que nos moyens en ce domaine ne sont pas à la hauteur de nos ambitions.
La réorganisation de notre réseau culturel, sa capacité à générer davantage d'autofinancement, son évolution vers des partenariats de tous ordres avec des institutions étrangères, par exemple, constituent les orientations de la politique que je compte mettre en oeuvre dans ce domaine.
Le suivi des étudiants étrangers en France, madame Mme Filippetti, est en effet un grand chantier. Mais nous ne le découvrons pas. Plusieurs associations d'anciens étudiants par pays se sont déjà constituées, notamment en Inde, et ont mené des expériences très positives. Nous avons intérêt à maintenir une part des bourses allouées par le Gouvernement français au niveau local. Les ambassadeurs, qui appréhendent mieux la situation et connaissent les familles où l'influence française est grande, ont une influence politique incomparable, à condition que les jurys universitaires et scientifiques locaux soient mis en place, ce qui est souvent le cas. Par ailleurs, comme vous le proposez, nous augmentons, en accord avec nos universités, le nombre de bourses.
Une nouvelle agence, CampusFrance, a été créée par le ministère des affaires étrangères et de l'enseignement supérieur et par les conférences d'établissements d'enseignement supérieur. Nous travaillons, bien sûr, avec le nouveau ministère chargé de l'immigration, dès lors qu'il est désormais chargé d'attribuer les visas. Je rappelle, à ce titre, messieurs Moscovici et Loncle, que la politique des visas reste aussi suivie et décidée par notre ministère. Je suis particulièrement attaché au développement de notre politique d'attractivité pour les étudiants étrangers d'Asie et d'Amérique latine, sans pour autant abandonner notre action en Afrique.
Non, il faut en faire plus (Sourires) !
Sur un plan plus général, madame Filippetti, vous avez raison d'affirmer que, malgré la création de CampusFrance qu'il nous faut développer, il est opportun de procéder à une évaluation et à une amélioration du dispositif existant, y compris sous l'angle de la collecte et de l'analyse des informations. J'ai d'ores et déjà décidé, avec mes collègues du Gouvernement concernés, de confier une mission à plusieurs experts de haut niveau.
Enfin, Mme Filippetti a évoqué la carte de nos établissements culturels à l'étranger. Ce réseau ne doit pas être figé. Nous devons parfois ouvrir des alliances françaises en mesure de s'autofinancer – effort qu'il convient de saluer, car il soulage l'État, sans évidemment diminuer ses responsabilités – et étendre le réseau dans certaines régions dynamiques des pays émergents. Je suis très favorable aux centres culturels européens. Il ne s'agit pas simplement de partager des locaux, mais de porter des projets culturels communs. Ce n'est tout de même pas impossible ! Cela ne nuit ni à l'influence de la France ni à notre culture ! Je citerai, à titre d'exemple le centre franco-allemand de Ramallah.
M. Rochebloine a évoqué CulturesFrance. Sa création était nécessaire, même s'il faut aujourd'hui amener cet opérateur à concentrer ses activités sur un nombre de priorités bien définies. C'est l'objet d'un contrat d'objectifs et de moyens passé avec nos services cette année. Je rejoins votre analyse selon laquelle son statut de simple association de loi 1901 limite probablement ses capacités d'action.
Faut-il dès maintenant passer au régime de l'établissement public ? Au moment où nous réfléchissons intensément à la réorganisation de nos dispositifs dans le contexte de la revue générale des politiques publiques, il est prudent d'attendre les décisions qui seront prises d'ici au mois de mars prochain.
Je dirai un mot de la réforme de notre politique audiovisuelle extérieure, même si les crédits correspondants ne figurent pas sur la mission « Action extérieure de l'État », mais sur la mission « Médias », qui n'est pas l'objet de notre débat budgétaire d'aujourd'hui. Cela étant, cette question de l'audiovisuel extérieur ne peut être détachée de notre diplomatie et de ses moyens d'action.
Mais il n'en est pas question ! C'est encore une légende ! Nous travaillons avec acharnement avec tous les pays partie prenante à TV5. Deux réunions internationales se sont déjà tenues. Il y en aura une troisième. Il n'est pas question d'abandonner cet outil, tout au plus de l'améliorer. Je pense à ceux qui se rendent à l'étranger et suivent TV5. Nous conserverons une chaîne culturelle dans notre réseau d'information…
Mes chers collègues, seul le ministre des affaires étrangères a la parole. Ne dialoguez pas ainsi pendant son intervention !
La nécessité de disposer d'outils puissants me semble chaque jour plus évidente dans la bataille des idées qui se gagne aujourd'hui également par les images. Votre assemblée déplore, à juste titre, année après année, l'éparpillement de nos moyens, le manque de lisibilité de nos opérateurs et l'absence de direction stratégique. Le Président de la République et le Premier ministre m'ont donné mandat, ainsi qu'à Mme Christine Albanel, de présenter les éléments d'une réorganisation en profondeur. Ce très intense travail de fond est actuellement entrepris pour identifier les schémas possibles. Les orientations sont aujourd'hui tracées : nécessité de mettre en place une instance de pilotage stratégique ; complémentarité à trouver entre RFI et France 24 pour doter nos opérateurs chargés de l'information d'une masse critique suffisante ; ouverture de l'audiovisuel extérieur avec de nouveaux médias par Internet ; préservation du caractère francophone d'une chaîne de culture et de divertissement, comme peut l'être TV5.
Tels sont les principaux axes d'une réforme que je vous soumettrai d'ici à la fin de l'année, après l'avoir présentée au Président de la République. Je serai, bien évidemment, disposé à l'expliquer et la commenter devant vos commissions spécialisées. Je propose d'ailleurs à tous les parlementaires présents de nous retrouver au ministère des affaires étrangères et européennes une fois par mois. Nous pourrions organiser ces rencontres à l'occasion d'un déjeuner, soit à une heure qui vous conviendra, en fin de journée, par exemple. Je m'en entretiendrai avec le président de la commission. Nous fixerons alors une date précise pour commencer à discuter de l'évolution de ce dossier.
Je sais que vous y serez assidu ! Pardonnez-moi, monsieur le président, il est vrai que je ne dois pas dialoguer !
C'est une coutume entre nous !
Que voulez-vous, je suis faible ! (Sourires.)
Permettez-moi maintenant, monsieur le président, de répondre aux questions très précises soulevées par chacun des intervenants.
Vous disposez de tout votre temps, monsieur le ministre… C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je ne veux pas que vous soyez ainsi interpellé !
Je vous remercie de me protéger, monsieur le président ! (Rires.)
Monsieur Rudy Salles, vous avez raison de souligner le caractère interministériel de l'action de notre ministère. L'enseignement du français augmente dans le monde, mais, vous l'avez précisé, nous connaissons une situation spécifique et délicate en Europe et nous devons nous battre pour généraliser l'enseignement d'une deuxième langue vivante dans les systèmes nationaux d'enseignement. Ce n'est pas simple. Les crédits consacrés au rayonnement culturel augmentent, à périmètre constant, de 2,3 %. Ce n'est certes peut-être pas assez.
Je vous remercie, monsieur Garrigue, d'avoir souligné l'importance de la conclusion d'un traité simplifié pour relancer l'Europe. Maintenant qu'il est plus ou moins accepté par certains – et je les en remercie – je peux vous dire que ce n'était pas gagné d'avance.
Ce succès, comme vous l'avez fait remarquer, n'a pas été la seule activité européenne de notre pays ces derniers mois. Nous avons engagé, avec Jean-Pierre Jouyet, les préparatifs de la présidence française de l'Union européenne. Je détaillerai plus longuement le budget qui y sera consacré, en réponse à M. Moscovici. Le Premier ministre réunira prochainement sur ce thème le Gouvernement et plusieurs responsables étrangers, dont mon collègue et ami allemand Frank Steinmeier.
Les Slovènes commencent leur présidence à partir du 1er janvier. Cent dix ambassadeurs de France seront chargés de soutenir la présidence slovène dans les pays où la Slovénie n'est pas encore représentée.
Oui, c'est cela, l'Europe…
…mais c'est aussi cela, le budget !
Donc notre présidence ne commencera pas en juillet, mais, d'une certaine manière, sous la présidence slovène, car nous les assisterons à partir du 1er janvier. Le problème n'est pas de comparer l'Union à vingt-sept et l'Union à quinze, mais de prendre en considération le fait que nous sommes loin de posséder les moyens dont disposait la présidence allemande !
Le Président de la République a déjà clairement annoncé les grandes priorités de la présidence française : l'énergie, l'environnement, le développement de la politique européenne de sécurité et de défense dont il a parlé à New York et, bien entendu, les politiques de maintien de la paix.
Je suis heureux que vous ayez salué le projet d'union de la Méditerranée, qui me paraît essentiel. Développé par le Président de la République à Tanger, il se fonde sur la solidarité de fait entre les pays riverains, tant sur la rive nord que sur la rive sud de la Méditerranée. Il est de nature à compléter – et non à supplanter – les processus déjà en cours, en particulier celui de Barcelone. Nous avons assisté, avant-hier à la réunion de l'euro-Méditerranée. Peut-être imaginez-vous l'accueil rencontré par cette idée de l'Union européenne ! Nous rencontrerons, bien sûr, des difficultés administratives et politiques. Il est évident que nous devrons convaincre les pays du nord de l'Europe, ceux-là même qui ont su mettre au point, et de la meilleure des manières, je vous le rappelle, une union de la Baltique ! Un de nos ambassadeurs, M. Alain Le Roy, travaille à ce projet. Il est entouré à Paris d'une équipe de cinq à dix personnes « thématiques », car nous pensons que l'Union européenne doit se bâtir sur de grands projets, y compris d'entreprises, entre la rive sud et la rive nord. Des cellules semblables ont été mises en place en Italie, en Espagne et au Portugal, et très prochainement au Maroc. Nous procédons pays par pays, suivant la politique de proximité prônée pour le reste de l'Europe par Mme Benita Ferrero-Waldner.
Vous avez évoqué, monsieur Garrigue, des structures hospitalières du Sud. Je ne saurais m'y opposer. Nous avons d'ailleurs créé un groupement d'intérêt public d'associations et de jumelages entre les hôpitaux : ESTHER. Je lancerai en 2008 une nouvelle initiative sur le développement des systèmes locaux d'assurance maladie, car on ne peut parler de l'amélioration de l'outil sans parler du financement. Le financement de la santé, c'est le grand péché. Personne ne s'en est soucié depuis que ces pays sont indépendants. On croit que cela tombe du ciel et on se tourne vers les organisations charitables… Même si la fondation de Bill Gates est d'une dimension colossale, cela ne peut pas continuer ainsi. Il faut un financement propre. Nous allons voir comment développer des assurances maladie à un niveau très élémentaire dans les communautés, parfois par la microfinance.
Monsieur Moscovici, je suis d'abord satisfait que vous n'ayez pas trop critiqué ce projet. (Sourires.)
Cela dit, vous avez raison, nos moyens sont insuffisants, ce n'est pas moi qui dirai le contraire. Et, croyez-moi, je me suis beaucoup battu pour les avoir.
La question des recrutés locaux est très difficile. Nous sommes probablement allés trop loin dans le remplacement d'agents titulaires par des recrutés locaux,…
…notamment dans les services des visas.
Cela soulève la question de leur protection sociale, qui varie avec chacun des pays. Parfois, il n'y en a pas du tout. Parfois, l'ambassadeur doit faire un effort personnel. De toute façon, il faut maintenir la plus grande égalité possible. Vis-à-vis des recrutés locaux comme de ses agents, l'État doit être un employeur irréprochable, et nous essayons d'y parvenir, qu'il s'agisse de protection sociale, de fiscalité ou du niveau de rémunération.
S'agissant du partage des compétences avec M. Hortefeux, vous connaissez ma position, en particulier sur les tests ADN : je suis favorable au codéveloppement, mais on ne peut pas l'isoler de notre politique de développement en général. Oui, il y a eu un transfert de 25 millions pour le codéveloppement, et nous allons continuer à travailler dans ce sens.
Au Bénin, par exemple, peut-être dois-je toucher du bois et être moins présomptueux, nous menons une mission pour l'école. Le Président du Bénin ayant décrété la gratuité de l'inscription, on assiste à un afflux formidable d'élèves. Il faut évidemment trouver des maîtres, mais il faut aussi des locaux, plusieurs centaines. Nous avons développé un grand projet pour les bâtir, et c'est par le codéveloppement que nous voulons agir. Dans ces conditions, il y aura de l'argent fourni par les deux ministères – je crois d'ailleurs savoir que M. Hortefeux se rend au Bénin dans quelques semaines.
Nous essayons de développer au mieux cette collaboration, notre politique en ce domaine devant à mon avis prendre une orientation plus bilatérale qu'auparavant. Il faudrait évidemment plus d'argent, vous avez raison.
Je crois avoir répondu sur les crédits ouverts sur le programme de la présidence française de l'Union européenne. Il faut les rapprocher de ceux de la présidence allemande du premier semestre de 2007. L'exercice des présidences tournantes est devenu année après année de plus en plus coûteux. Devons-nous réduire la voilure pour ce qui sera, je crois, la dernière présidence de l'aventure européenne ? Nous aurons ensuite un président de l'Union pour deux ans et demi, et il faudra régler la question des rapports entre les deux présidences. Mais il fallait d'abord régler le problème de ce qui fut un traité constitutionnel, remplacé maintenant par ce qui sera le traité de Lisbonne.
La Cour des comptes avait critiqué la dispersion des dépenses consacrées à la présidence de 2000. Ses recommandations ont été scrupuleusement prises en compte, avec le regroupement de l'ensemble des dépenses de la présidence, tous ministères confondus, sur un programme unique, gage d'une meilleure maîtrise des coûts. Nous contribuons très largement aux dépenses de la présidence slovène qui commencera le 1er janvier.
Sur nos liens avec les États-Unis, monsieur Moscovici, monsieur Lecoq, évitons les faux procès. Lisez le discours du Président et ce qu'en dit la presse américaine. J'y ai assisté et avec un certain bonheur ; non, non et non, ce n'est pas un pays aligné sur les États-Unis qui était ainsi accueilli par le peuple américain, aussi bien par les démocrates que par les républicains, au Congrès, et façon aussi spectaculaire !
Lorsque le Président a développé l'idée d'une défense européenne comme condition d'une réorientation de l'OTAN, c'était très clair. Lorsqu'il a rappelé avec force ce qu'il pensait de la position américaine sur le changement de climat, tous les démocrates se sont levés comme un seul homme, certains républicains sont restés assis. Lorsqu'il a dit : « Amis, oui, mais debout, alliés, oui, mais pas alignés », c'était clair – d'ailleurs, les plus perplexes dans les tribunes, c'étaient les journalistes français... Je n'ai pas eu le temps de lire ce matin ce qu'ils en ont dit puisque je viens d'arriver, mais ce qui se reflétait, je vous l'assure, c'était une attitude amicale, une confiance retrouvée, un soutien réel, mais parfois critique. Le mot « Irak » n'a pas été prononcé, a-t-on dit. C'était tout de même un peu normal, mais je vais vous en parler puisque j'y suis allé récemment.
Je peux vous en parler aussi – si vous êtes prêts à rester encore un moment…
Donc, pas de procès d'intention, considérez les faits, lisez les textes, et vous verrez qu'il s'agit au contraire d'une affirmation extrêmement forte de nos positions et de celles de l'Europe par rapport à celles des États-Unis.
La dernière fois qu'un Président français est allé au Congrès, il y avait cent personnes. Là, il y en avait plus de mille. Cela fait une petite différence et, pour faire passer des idées, il vaut mieux qu'il y en ait mille que cent – qui, de toute façon, étaient déjà hostiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
S'agissant de l'Iran, il y a un texte que je connais encore mieux que celui du Président de la République, c'est celui que j'ai prononcé. Je n'ai jamais dit que j'étais partisan de la guerre ; j'ai dit que le pire serait la guerre, ce qui n'est pas exactement pareil. Je n'ai jamais appelé à la guerre. J'ai passé ma vie, qui est assez longue maintenant, à m'occuper de la paix, j'ai même reçu, avec une organisation dont vous avez entendu parler, le prix Nobel de la paix. On a sorti un mot de mon discours et on a glosé dessus. L'instant d'avant, j'avais dit qu'avec l'Iran, il fallait une négociation permanente, sans crainte des rebuffades, avais-je même ajouté. C'est précisément ce que nous faisons.
Le Président de la République a réaffirmé très clairement notre position hier au cours de sa conférence de presse à Washington. Nous travaillons à des sanctions européennes, les sanctions de l'ONU s'étant révélées inopérantes. Parallèlement, nous développons par tous les moyens une politique de la main tendue. Il n'est pas question que la seule alternative soit d'accepter la bombe iranienne ou de bombarder l'Iran. Ce fut réaffirmé encore fortement hier à Washington.
Notre attitude est très cohérente. Il faut évidemment des sanctions : avant un conflit, il n'y a pas d'autre moyen. C'est ainsi dans le système des Nations unies. Est-ce productif ? N'allons pas en débattre maintenant. Cela dépend des occasions. Il y a des pays pour lesquels ça l'a été, bien peu d'ailleurs à mon avis. En tout cas, on n'a rien inventé d'autre. À côté, il faut un dialogue avec le peuple iranien, qui vaut mieux que son président. Après cette explication avec le Président Bush, nous allons développer encore plus cette politique.
Ne croyez pas que ce soit nouveau, c'est ce que nous avons toujours fait. Depuis six mois, nous avons eu de nombreux contacts avec les Iraniens, vous avez d'ailleurs remarqué qu'ils ne s'en plaignaient pas vraiment. C'est la position que le Président de la République a adoptée, en particulier dans son discours devant les ambassadeurs mais bien avant. Ce n'est pas une politique univoque, unilatérale, ce n'est pas du tout une politique de tension, de sanction et de menace. Nous travaillons aux sanctions pendant que nous travaillons à l'amélioration de nos relations avec l'Iran. Vous savez que ce n'est pas un pays monolithique et que, même à l'intérieur de sa direction, il y a des différences, et nous en tenons très largement compte.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'après trois résolutions des Nations unies, dont deux accompagnées de sanctions, l'effet n'est pas probant. Il faut donc tenter autre chose.
Nous attendons le rapport de M. Mohamed Al Baradeï, qui doit venir à Paris, ainsi que celui de Javier Solana. Un premier rapport de l'agence internationale de l'énergie atomique devrait arriver à la fin du mois de novembre. Il faudra alors que nous adoptions une attitude commune avec nos partenaires. Je vous rappelle que nous avons maintenu à New York un texte commun avec la Chine, la Russie, les États-Unis, l'Angleterre et l'Allemagne sur cette décision commune de nous adresser aux Nations unies, et la France n'y est pas pour rien. Le multilatéral est donc préservé.
Monsieur Moscovici, la diplomatie par coups d'éclat, c'est mieux que la diplomatie par coups d'État. (Sourires et applaudissements.)
Obtenir la libération des ressortissants bulgares n'exclut pas, bien au contraire, le développement d'une nouvelle stratégie, dont le projet d'union méditerranéenne. Au demeurant, les Roumains et les Bulgares en feront-ils partie ? Ils considèrent en tout cas qu'ils doivent en faire partie, et cela va s'étendre… C'est là un problème que je ne saurais régler avec vous pour le moment.
Notre relation avec la Libye est sans complaisance, mais elle permet le développement d'un partenariat. Le Président de la République l'a affirmé avec force : il n'y a aucune raison que les pays qui ont renoncé à l'arme atomique n'aient pas accès au nucléaire civil, surtout ceux qui voient diminuer leurs réserves de pétrole, souvent leur seule richesse. C'est, comme pour la Corée du Nord, un exemple de négociations bien menées puisque la Libye a abandonné ses prétentions et est bien surveillée par l'Agence internationale de l'énergie atomique.
J'aurais bien aimé parler des trois journalistes que l'on est allé chercher au Tchad, mais vous n'avez pas soulevé la question et je ne vais pas l'aborder maintenant. Dommage d'ailleurs…
Quand vous voulez !
Un mot de l'Irak. Hier, il a été clairement réaffirmé que, pour la France, hostile à l'intervention américaine sous la forme qu'elle a prise, l'unité et l'intégrité de cette démocratie naissante devaient être préservées, sans éclatement de la région.
Nous y tenons absolument. L'Irak a déjà, vous le savez, Constitution plus ou moins fédérale ; faut-il ou non renforcer ce fédéralisme, en mettant au milieu un gouvernement central très fort ? Cela se discute, les Irakiens eux-mêmes se posent la question. Quoi qu'il en soit, en tant que ministre des affaires étrangères, je suis allé à Bagdad constater l'ampleur du désastre, qui n'est pas niable. Nous approuvons la résolution des Nations unies d'août dernier, qui propose que la communauté internationale prenne progressivement en charge une administration et des services publics, aussi bien de santé que d'instruction. C'est dans cet esprit que s'inscrit la réouverture d'un bureau diplomatique, appelé à devenir consulat, à Erbil, ainsi que notre proposition de travailler à mettre en place avec les Irakiens – et non avec les États-Unis, j'insiste sur ce point – un système de santé. Nous faisons ce que nous pouvons également dans le domaine de l'éducation. Voilà comment nous concevons notre rôle.
Pour le reste, c'est aux Alliés, à qui une résolution des Nations Unies a confié la charge d'administrer le pays pour le moment, de proposer un calendrier de retrait des troupes, et non à nous de l'imposer : ce serait en ce moment parfaitement ridicule. Cela a été très clairement indiqué lors de la conférence de presse commune du Président de la République française et du président Bush.
L'accueil des Irakiens a été exceptionnel : on avait le sentiment d'ouvrir une petite brèche dans leur isolement. Le ministre des affaires étrangères suédois, M. Carl Bildt, s'y est rendu à son tour, et j'espère que d'autres pays européens, en particulier le Portugal, s'inscriront dans cette ligne pour mettre en oeuvre de la meilleure manière la résolution des Nations unies.
Telle est notre conception : l'ensemble du dispositif administratif et politique actuellement en construction doit être à la disposition des Irakiens, il ne s'agit pas de se substituer à eux.
Ne soyons pas plus Palestinien que les Palestiniens, ni plus Israélien que les Israéliens. Nous apportons notre soutien au processus de paix et aux discussions engagées entre M. Ehoud Olmert et M. Abou Mazen. Nous avons reçu M. Abou Mazen dès les premiers jours et nous lui avons demandé ce que nous pouvions faire de plus positif : d'abord favoriser le dialogue, ensuite abriter la conférence des donateurs. Après la réunion d'Annapolis, qui doit se dérouler fin novembre, Paris accueillera la conférence des donateurs, pour mettre en oeuvre le programme qui sera proposé dans quelques jours par le premier ministre palestinien, M. Salam Fayad, ainsi que le financement de ce programme. Cette conférence se tiendra dix ou quinze jours après celle d'Annapolis, au cours de laquelle sera proposé le programme de pacification, de sécurisation et de réforme administrative de ce que j'espère être l'État palestinien. Vous voyez que nous ne sommes pas du tout absents de ce processus, avec la participation pleine et entière des Palestiniens.
Quant au problème de la bande de Gaza, ce n'est pas à nous de le régler, mais aux Palestiniens. Nous nous bornons à maintenir notre aide aux Palestiniens de Gaza – c'est d'ailleurs une des seules qui leur parviennent – par l'intermédiaire de l'Europe.
On a tout de même le droit de constater que, pendant ce temps, la colonisation se poursuit !
Je l'ai dit : ne soyons pas plus Palestiniens que les Palestiniens. Ils sont en mesure de dire eux-mêmes ce qu'ils ont à dire, ils ne manquent du reste pas de le faire savoir, et c'est aux Israéliens de leur répondre. N'apportons pas de complications supplémentaires. Il y a déjà eu plusieurs tentatives pour établir un dialogue – Oslo, Madrid, etc. – mais c'est peut-être cette dernière tentative entre les deux premiers ministres qui va réussir, tous deux y ayant personnellement intérêt. Cela ne signifie pas que je méconnaisse le problème du moratoire.
En ce qui concerne le Sahara occidental, la proposition du Maroc a été, pour la première fois, qualifiée de positive et d'utile par le Conseil de sécurité des Nations unies. S'agissant d'un conflit qui dure depuis bientôt trente ans, et alors que tout a été essayé, bien malin qui sait comment régler un tel problème. Pour la première fois une proposition marocaine a été qualifiée de positive : c'est une initiative qu'il faut laisser s'épanouir et c'est pourquoi nous la soutenons – d'autant qu'il n'y en a pas d'autre…
Sur le traité simplifié, je crois que tout a été dit, pour le refuser ou pour l'accepter. Remarquons simplement que nous avons obtenu quelques garanties en matière sociale, en particulier sur le maintien des services publics, ce qui n'était pas gagné, ainsi que sur le fait que la concurrence ne sera pas posée comme un but mais comme un moyen de développement, entre autres. Le processus n'est pas terminé.
Quant à vous, monsieur Myard, je ne dirai qu'un mot : quelle verve !
Nous ne sommes pas des atlantistes impénitents.
Pour l'instant, c'est moi qui vous parle ! Nous tenons à la défense européenne, non pas comme à un symbole, mais comme une exigence. Connaissant chaque phrase du rapport d'Hubert Védrine, non seulement parce que c'est un ami, mais parce que ce rapport sera un élément du livre blanc, je sais exactement ce qu'il demande : pas d'alignement – cela tombe bien, il n'y en a pas –, un peu de construction européenne…
Pour lui, c'est déjà pas mal !
En ce qui concerne les colocalisations franco-allemandes, monsieur Poniatowski, il est vrai que les moyens sont modestes.
Personne ne prétend, monsieur Giacobbi, être le juge universel. Nous ne pensons pas que la France soit l'arbitre des élégances : nous n'avons pas cette prétention ni cette arrogance.
Mais nous pensons que la voix de la France peut et doit se faire entendre, et on nous le demande. C'est notre devoir, et nous ne le faisons pas si mal que ça. Nous acceptons évidemment les critiques ; elles sont même les bienvenues. Mais je ne pense pas que nous ayons mal agi en l'occurrence. Nous le saurons bientôt puisqu'une commission d'enquête sur ce qui s'est passé en Libye vient d'être créée – dommage que son président ait dû s'absenter…
Je vous en remercie infiniment. C'est la moindre des choses, et vous ne vous en réjouissez sans doute pas autant qu'elles !
Même si ce dossier avait été pris en main par le Président de la République – lequel, vous me l'accorderez, était hiérarchiquement très compétent en la matière –, je vous assure que j'y ai pris ma part. La seule promesse que j'ai faite concerne l'hôpital de Benghazi, et elle sera tenue.
Je n'ai pas le temps d'aborder ce problème de l'action humanitaire. C'est dommage,…
…mais j'en reparlerai très volontiers avec vous. Certes, le dispositif que nous avons créé il y a quinze ans mériterait d'être modernisé pour redevenir performant. Mais ce qu'on appelle l'humanitaire à la française, voire l'humanisme à la française, a fait la preuve de son efficacité en dépit de quelques dérives, comme celle à laquelle nous venons d'assister. Je suis convaincu que nombre de gens ont été abusés dans cette dernière affaire, qui étaient tout à fait sincères.
Nous ne nous prenons donc pas pour la lumière du monde, mais nous pensons qu'un petit éclairage de temps en temps n'est pas inutile.
Comment pouvez-vous, monsieur Loncle, me reprocher un manque de transparence dans la nomination des ambassadeurs, alors que je viens de créer un conseil de sélection qui garantit la transparence de la procédure ? Qui plus est, celle-ci sera étendue aux postes de directeurs au ministère. À l'exception de la nomination de notre ambassadeur à Dakar – exception dont je suis fier –, j'ai suivi absolument les recommandations, non pas celles qui avaient été adressées à mes prédécesseurs et qui avaient été agréées par eux, mais toutes celles qui m'avaient été faites, et je crois que le comité de sélection en est plutôt satisfait.
le Président de la République m'a autorisé, à ma grande satisfaction, à ouvrir un peu la fenêtre lors de chaque mouvement afin d'aérer notre dispositif diplomatique. C'est ce qui m'a permis de nommer à Dakar Jean-Christophe Ruffin. Le choix comme ambassadeur à Dakar d'un homme qui, non seulement connaît un tout petit peu l'Afrique pour y avoir déployé ses talents de médecin pendant bien longtemps, mais qui en plus est prix Goncourt, me paraît de bon aloi. C'est le seul cas où je me suis permis de m'écarter de cette procédure pour le proposer au Président de la République, qui signe toutes les nominations d'ambassadeurs. Pour le reste, j'ai suivi scrupuleusement les recommandations du conseil, en choisissant dans les trois noms qu'il propose pour chaque poste.
Je vous ai bien entendu sur le Kosovo, mais je ne peux me prononcer avant le 10 décembre, date à laquelle la troïka doit normalement remettre au groupe de contact, qui le transmettra au secrétaire général des Nations unies, un rapport sur l'avancée des négociations entre les Albanais du Kosovo et les Serbes. Il reste peut-être 5, ou 10, voire 20 % – en tout cas fort peu – de chances de trouver un compromis. Faute de quoi, il faudra prendre une décision, mais je ne saurai en préjuger pas avant que ce rapport ne soit remis. J'attends donc les conclusions de la troïka où l'Europe est représentée par Wolfang Ischinger. Je n'ai rien proclamé jusqu'ici, à la différence de certains, qui s'étaient laissés aller à des promesses. Moi qui ai été près de deux ans envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies au Kosovo, je n'ai jamais, ni en public ni en privé, préjugé du statut final de cette province de la Serbie.
Vous étiez, monsieur Boucheron, le dernier à intervenir, mais certainement pas le moins intéressant. Je partage bon nombre de vos réflexions. Je souhaite comme vous qu'il n'y ait pas d'alignement sur la politique de M. Bush, et il n'y en a pas : il y a en certains cas des convergences, voire une vraie unité de vues, et il y a dans d'autres cas des divergences profondes. On l'a vu hier, et pour avoir assisté à toutes les discussions entre M. Bush et le Président de la République française, je vous assure qu'il nous en sait gré. Que nous ayons affaire à une administration finissante, c'est vrai. Qu'il nous faille parler aux démocrates, c'est évident et cela a étét fait ; je crois que vous aurez une bonne surprise à cet égard. Ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué, comme vous dites. En attendant, nous parlons au Président des États-Unis, comme nous parlerons à celui ou celle qui lui succédera.
Monsieur le ministre, votre exposé est écouté avec beaucoup d'attention, mais je me permets de vous rappeler que nous siégeons cet après-midi.
On a le temps, au point où on en est ! Et puis c'est très intéressant !
Nous ne sommes pas alignés : je le maintiens, je le prétends, je l'affirme. Le multilatéralisme reste notre credo. Nous venons encore de le prouver avec cette mission au Tchad qui, avec l'aide de tous les Européens et des Nations unies, apportera un secours à ces enfants tchadiens parmi les populations déplacées.
En ce qui concerne la Russie, je suis d'accord avec vous. Je m'y suis rendu avant que le Président de la République ne s'entretienne avec le président Poutine, et j'ai senti comme vous que ce pays voulait retrouver toute sa place. Ce grand pays, qui a effectivement joué un rôle essentiel dans notre histoire, il se sent pour l'heure quelque peu assiégé. Il sent en particulier que ses rapports avec l'Union européenne ne sont pas suffisamment clairs, simples, fraternels. Il trouve que les décisions lui sont imposées, qu'il s'agisse de l'OTAN ou des batteries antimissiles des États-Unis. Tout cela est vrai, et je pense qu'il faut corriger cette impression et tenter de maintenir nos liens avec ce partenaire exigeant. Il ne faut pas nier cependant que le ton a changé, et M. Poutine a lui-même fait preuve d'un franc-parler et d'une véhémence qu'il condamne pourtant chez les autres. Il faudra donc être vigilant quant à la suite des événements. Vous savez qu'il y aura bientôt une élection, et que M. Poutine risque – si c'est un risque – de ne pas s'éloigner du pouvoir. Nous devons maintenir des relations cordiales avec ce grand pays.
Sur la Turquie, monsieur Boucheron, les positions ont évolué. Celle du Président de la République est très claire et très simple, et il l'a évoquée plusieurs fois. En attendant, l'ouverture des chapitres de négociation avec l'Union européenne a été maintenue et j'espère que d'autres chapitres seront ouverts à la fin de l'année, dès que la commission des sages, dans laquelle ne figurera aucun Français, sera acceptée par nos partenaires. Je me suis rendu en Turquie où j'ai rencontré le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères. Nous avons très clairement exprimé nos points de vue.
Le but de la Turquie est d'entrer dans l'Union européenne – les Turcs, loin de le cacher, l'affirment. Le nôtre est de discuter point à point avec eux, sauf sur cinq chapitres. Il y en a trente à ouvrir : nous avons le temps et l'évolution se fera au cours des années.
Quant au problème qui se pose à la frontière de la Turquie avec l'Irak, nous avons mis en garde nos amis turcs en les invitant à la retenue, bien que le PKK soit une organisation terroriste et bien qu'il leur faille certainement réagir pour ne pas laisser la population en butte à des agressions permanentes. Reste qu'une intrusion de l'autre côté de la frontière irakienne serait une catastrophe pour la stabilité de ce pays meurtri qu'est l'Irak. Une intrusion des troupes turques – 100 000 hommes sont actuellement massés à la frontière – seraient extrêmement dangereux. C'est ce que nous avons dit et rappelé ; les Américains eux-mêmes partagent tout à fait cette position, malgré leur proximité avec la Turquie.
À propos de la Syrie enfin, qui faisait l'objet de la dernière question, notre position est très claire et tient, vous le savez bien, monsieur le député, à notre attitude face au problème libanais.
Nous voulons, nous affirmons, nous nous battons pour que l'élection présidentielle libanaise ait bien lieu à la date fixée, c'est-à-dire avant le 23 novembre, et conformément au processus constitutionnel en vigueur. La France est l'amie de toutes les communautés libanaises. Je vous rappelle, mesdames et messieurs les députés, que nous avons invité à La Celle-Saint-Cloud tous les représentants de toutes les communautés – Hezbollah compris, ce qui nous a valu force critiques. Or, si l'on ne parle pas avec le Hezbollah, on ne parle pas avec tous les Libanais. Il fallait le faire et nous l'avons fait. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) L'un des invités, Antoine Ghanem, qui était l'un des plus ouverts, le plus fraternel vis-à-vis des autres, a été assassiné depuis lors, avec quatre membres de sa famille et de son entourage… Ne faisons pas semblant de fermer les yeux ! Il faut faire preuve de beaucoup de prudence et exiger qu'il n'y ait ni intrusion, ni ingérence, ni pression exercée par aucune des parties sur le processus libanais…
…ni sur l'établissement d'une liste de nominés présentée par le patriarche. Nous avons clairement exprimé notre position à nos amis comme à tout le monde, parce que nous voulons un Liban uni, indépendant, aussi intègre territorialement et aussi démocratique que possible. Certes, l'intercommunautarisme est difficile à maintenir, mais un succès ferait du Liban un exemple déterminant, en montrant qu'il est possible à plusieurs religions et plusieurs communautés de travailler et de vivre ensemble dans un même pays au Moyen-Orient.
Pour ce qui concerne la Syrie, nous avons dit très clairement que nous reprendrions des relations normales dès lors que le processus électoral libanais se déroulerait de manière correcte ; cette position, nous la maintenons et nous l'affirmons.
Je ne le crois pas. La clé consiste à laisser les Libanais déterminer entre eux leur candidat. Attendons le résultat du processus électoral. Que l'élection se fasse aux deux tiers ou à 51 % des suffrages, c'est leur affaire.
Monsieur Bapt, ne soyez pas plus libanais que les Libanais ! Ils approuvent notre attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous connaissez la conjonction de difficultés que présente ce pays, du Sud chiite à Tripoli. Lorsqu'il y a trop d'oppositions au Liban, elles dégénèrent en affrontements civils qui durent des années. N'oublions pas que, sur trente ans, ce pays a connu dix-huit ans de guerre. C'est cela que nous voulons éviter. Qu'on ne m'accuse pas de faire la guerre : je fais la paix depuis quarante ans !
Certes. Je le disais à la cantonade – pardonnez ma véhémence, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les rapporteurs, j'aime discuter avec vous. Nous prolongerons ce dialogue tous les mois, si vous le voulez bien, et je vous invite tous très cordialement pour cela au Quai d'Orsay. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, je retire ma question, qui portait sur l'Irak, car M. le ministre y a déjà répondu dans son intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi d'un amendement n° 170 .
La parole est à Mme la rapporteure pour avis pour l'action de la France en Europe et dans le monde, pour le soutenir.
pour avis pour l'action de la France en Europe et dans le monde. L'amendement n° 170 vise à modifier le libellé du programme « Français à l'étranger et étrangers en France » afin de l'adapter à l'évolution de son périmètre.
Dans ce programme, les crédits destinés aux étrangers en France, dans le cadre d'organismes tels que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et les associations de demandeurs d'asile ou au soutien aux rapatriés d'Algérie ont été transférés au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Seule la délivrance des visas relève encore de ce programme, ainsi qu'une cellule de veille qui sera prochainement transformée en centre opérationnel de veille et d'appui aux crises – le COVAC.
Le libellé « Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnes » rend mieux compte que le libellé actuel des différentes actions relevant désormais de ce programme.
La commission n'a pas été saisie de cet amendement. À titre personnel, j'y suis favorable.
Favorable.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », modifiés par l'amendement n° 170 .
Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008, no 189.
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation :
Rapport spécial, n° 276, annexe V, de M. Jean-François Lamour, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ;
Avis, n° 277, tome II, de M. Jean-Claude Mathis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;
Avis, n° 280, tome I, de M. Patrick Beaudouin, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées ;
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008, no 189.
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (suite).
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton