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Intervention de Jacques Myard

Réunion du 8 novembre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Monsieur le ministre, vous êtes institutionnellement et constitutionnellement la voix de la France, à un moment où la situation internationale va à l'évidence à la dérive. Mais pour savoir, pour agir, pour être entendu, il vous faudrait un outil diplomatique à la hauteur. Or, le budget du ministère des affaires étrangères stagne puisque l'ensemble de ses crédits augmentent d'à peine un million, pour atteindre 4,534 milliards cette année, contre 4,533 milliards l'an dernier. C'est même un recul, compte tenu de l'inflation actuelle.

Je regrette que les crédits alloués à la coopération militaire reculent également alors même que nous avons besoin de cet outil pour structurer des États, notamment en Afrique. Je déplore également que les crédits alloués à la langue française et ceux relatifs au renforcement des échanges scientifiques, techniques et universitaires baissent respectivement de 30 millions et de 8 millions, et que l'aide publique au développement recule, même si les crédits relatifs à l'action diplomatique augmentent de 5 millions. Mais que représentent 5 millions, alors même que ces crédits ont été trop souvent malmenés ces dernières années ?

Face à cette situation, que proposez-vous ? Un ersatz : l'instauration d'ambassades et de consulats franco-allemands. C'est une faute sans appel car, comme l'a dit fort justement le président de la commission des affaires étrangères, nous n'avons pas les mêmes intérêts. Certes, nous respirons le même air que les Allemands et nous devons nous entendre avec eux pour maintenir la paix en Europe. C'est un acquis qui n'est pas remis en cause. En revanche, nous sommes concurrents en matière commerciale, économique et d'influence linguistique. Sur ce dernier point, il ne vous a certainement pas échappé que les Allemands parlent allemand alors que nous, nous parlons français ! (Sourires.)

Vous glorifiez aussi le service diplomatique de l'Union européenne. Au mieux, ce sera un gâchis de crédits car il s'agira d'un doublon des diplomaties nationales, au pire ce sera l'alignement sur nos partenaires européens dont on connaît l'atlantisme impénitent. Telle n'est pas ma vision de la France et de son action dans le monde.

Nous avons besoin de coopération européenne, mais il n'empêche que nous avons aussi une vocation mondiale. L'Europe « puissance » est une idée de génie dans l'esprit de Dieu, une idée d'avenir et qui le restera longtemps !

Redescendons un peu sur terre : la France est une puissance mondiale, elle a les moyens d'agir. Nous comprenons bien que nous sommes entrés dans un monde des puissances relatives ; il n'y a plus d'hyperpuissance. J'en veux pour preuve ce qui se passe en Irak. Nous avons quitté le monde de la Conférence de Messine pour entrer dans celui de la balkanisation, où prévaut la théorie des jeux.

Pour pouvoir agir dans ce monde, nous devons absolument préserver notre indépendance de décision et nous en donner les moyens. Cessons de nous paralyser avec la recherche utopique d'une Europe « puissance ». Certes, nous avons besoin de coopération européenne, mais ne mettons pas tous nos oeufs dans le même panier ! Plus la France est indépendante, plus l'Europe l'est également ; moins la France est indépendante, plus l'Europe est américaine. C'est une réalité constante, notamment en matière de défense.

Nous sommes les alliés des Américains, mais il ne faudrait pas oublier cette loi d'airain formulée par Virgile : « Jamais de confiance dans l'alliance avec un puissant ».

Réintégrer l'OTAN serait une faute. Certains prétendent qu'on y gagnerait en efficacité. Au contraire, ce serait perdre cinquante ans d'indépendance diplomatique, cinquante ans d'influence française et cela se retournerait contre nous. Sur ce point, je partage pleinement ce qu'a écrit Hubert Védrine au Président de la République. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Nous devons également conserver la maîtrise de nos aides bilatérales. Lorsque nous privilégions les aides multilatérales, nous perdons notre influence.

Nous devons utiliser notre langue et, permettez-moi de dire que j'en ai par-dessus la tête d'entendre parler globish, y compris dans votre administration ! Il est clair qu'il faut regarder aujourd'hui le monde tel qu'il est. Nous allons vers un multilinguisme. Aussi devons-nous apprendre les langues des pays émergents. Il y a dix ans, la Toile était à 100 % en anglais, contre 30 % maintenant. Cessons d'utiliser les moyens d'un monde dépassé alors que nous sommes au xxie siècle ; parlons plusieurs langues et pas simplement l'anglais !

Monsieur le ministre, je sais que vous avez des idées et je connais bien votre enthousiasme. C'est en gardant la maîtrise complète de nos moyens que nous pourrons nous faire entendre face à une situation qui part à la dérive. Voilà pourquoi nous devons impérativement redresser notre action diplomatique vers l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient et dans la Méditerranée. Du reste, j'approuve sans réserve ce grand projet d'Union méditerranéenne.

Je m'abstiendrai sur ce budget pour appeler solennellement l'attention du Gouvernement et du Président de la République sur la nécessité de maintenir notre rang. (Applaudissements sur divers bancs.)

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