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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 8 novembre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le rayonnement culturel et scientifique :

Il semble qu'à ce jour seule la coopération franco-allemande ait abouti à la création d'établissements culturels binationaux, comme à Ramallah, Turin, Lahore ou Harare. Pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement des projets avec nos autres partenaires européens ?

Compte tenu de la baisse, puis de la stagnation des moyens budgétaires du programme « Rayonnement culturel et scientifique » depuis 2005, les services de coopération et d'action culturelle à l'étranger, les SCAC, ont dû revoir en profondeur leurs méthodes de travail pour inciter les centres culturels ou ceux de l'Alliance française à mener des projets en partenariat avec des acteurs culturels locaux, les opérateurs français n'ayant plus les moyens financiers suffisants pour organiser par eux-mêmes des manifestations culturelles. Jusqu'où peut aller la gestion de la pénurie budgétaire ?

Il convient de garder en mémoire que pour l'ensemble des pays développés, les crédits d'intervention de la France s'élèvent à 60 millions d'euros en 2007. L'incitation aux cofinancements et aux partenariats cache en fait une certaine indigence de la diplomatie culturelle française. À titre de comparaison, la seule subvention de l'Opéra de Paris dépasse le total des subventions versées à l'ensemble des établissements culturels français dans le monde !

Le désengagement financier de l'État a pour corollaire d'inciter les établissements culturels à s'autofinancer. L'objectif de votre gouvernement est d'atteindre un taux d'autofinancement des établissements de 60 % d'ici à 2010, contre 51,1 % actuellement. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, comment les établissements culturels pourront atteindre cet objectif d'autofinancement. Un effort sera-t-il fait pour les aider à rechercher du mécénat, ce qui est en soi un métier – je suggère d'ailleurs dans mon rapport de favoriser la création d'une fondation qui aurait cet objectif –, ou s'agit-il simplement d'augmenter la participation financière des élèves qui suivront des cours de français ?

Je souhaiterais maintenant évoquer la situation de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Apparemment, la situation financière de cet établissement s'améliore, puisque ses crédits vont augmenter de 8 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2007. La subvention de l'État passe de 283,4 à 291,3 millions d'euros. Mais ces crédits supplémentaires seront consacrés à des travaux immobiliers. Il convient en effet de rappeler que depuis l'entrée en vigueur du décret du 19 mai 2005, l'AEFE doit financer sur ses crédits la maintenance de son patrimoine immobilier. Jusqu'à présent, aucun crédit spécifique n'avait été prévu à cet effet.

Rappelons qu'en 2006, les crédits publics affectés à l'AEFE ont connu une diminution, passant de 325 millions d'euros en 2005 à 323 millions d'euros, tandis que les dépenses de cet établissement public sont en constante augmentation.

D'après les informations communiquées par vos services, le fonds de roulement de l'AEFE aurait été considérablement réduit du fait du financement des travaux immobiliers. Au début de l'année 2007, il ne représentait plus que cinq jours de fonctionnement de l'Agence. Qu'en est il aujourd'hui ?

J'aimerais, monsieur le ministre, que vous fassiez le point sur les moyens dont dispose l'AEFE pour entretenir son patrimoine immobilier et moderniser ses établissements. Il semblerait que des projets existent pour chercher des financements privés. Qu'en est-il exactement ?

J'ai abordé dans mon rapport la question de la prise en charge des droits de scolarité des lycéens français à l'étranger. Je ne l'évoquerai pas à nouveau ici, même si je m'interroge sur les critères qui vont prévaloir pour prendre en charge ces frais. Ce ne sont pas des critères sociaux. Or, il est tout de même gênant que, alors qu'en France, des élèves en grande difficulté financière ont toutes les peines du monde à obtenir des bourses, on en donne à des enfants scolarisés à l'étranger, dont les frais de scolarité sont souvent pris en charge par les entreprises ou les administrations où travaillent leurs parents. Et l'on accorde ces bourses, qui plus est, uniquement aux élèves français. Cette question mériterait une plus ample information. À ce jour, l'obscurité est absolue sur ce point.

Monsieur le ministre, vous le savez, le programme 185 a un autre objectif, celui de renforcer l'attractivité de notre enseignement supérieur, objectif autour duquel j'ai axé une partie de mon rapport. C'est pourquoi j'ai voulu analyser en quoi la création de CampusFrance pouvait être un atout pour nos universités et nos grandes écoles.

Hélas, monsieur le ministre, cette création, présentée comme la panacée par l'un de vos prédécesseurs, se révèle n'être qu'une piètre décoction, au sein de laquelle j'ai vainement cherché le début d'un commencement d'une politique publique cohérente.

J'ai d'abord demandé à vos services et aux personnes auditionnées s'il existait une analyse des enjeux, des objectifs poursuivis, ou même un simple bilan économique de l'accueil des étudiants étrangers en France. De manière surprenante pour un État qui se veut stratège, la réponse est négative. D'ailleurs, les Britanniques eux-mêmes, lorsqu'ils établissent leurs statistiques, extrêmement précises, sur la situation des différents pays européens en ce qui concerne les étudiants étrangers, recensent tous les pays sauf la France, car, nous ont-ils dit, la France est le seul pays à ne pas avoir communiqué de chiffres.

On ne sait ni combien cet accueil coûte au budget de l'État – tout juste dispose-t-on d'une estimation issue du rapport annuel 2003-2004 du Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants, estimation reprise par le rapport Buhler –, ni combien cet accueil rapporte.

Car, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accueil des étudiants étrangers rapporte à la France. À force de faire croire aux Français que les étrangers sont exclusivement une charge pour la collectivité, une menace, quand on ne les transforme pas en boucs émissaires de tous nos problèmes de sécurité, on en oublie qu'ils sont aussi et surtout un véritable enrichissement culturel et économique. Outre-Manche, une étude de la Higher Education Statistics Agency a montré que l'accueil des étudiants étrangers rapportait 27,8 milliards de livres au Royaume-Uni.

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