Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est soumis aujourd'hui, celui de la mission «Action extérieure de l'État», relève, s'il en est, des missions régaliennes de l'État. Tout à la fois sont en jeu ici notre capacité de représentation, notre attractivité culturelle et notre aptitude à projeter la France sur la scène internationale. C'est donc par le truchement de cette mission que nous présentons le visage de la France.
Les principaux chiffres ont été évoqués, je me contenterai de les rappeler : la mission « Action extérieure de l'État » disposera de 2, 299 milliards d'euros en 2008, l'essentiel de ce montant étant alloué au programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Toute une série d'interrogations, de divers ordres, peuvent être distinguées derrière ces chiffres, et c'est sur elles que j'aimerais axer mon intervention.
La question la plus pressante est, bien entendu, celle du volume des crédits accordés à la mission « Action extérieure de l'État ». Il reste insuffisant
À titre de comparaison, les autres missions régaliennes semblent bien mieux servies : la mission « Administration générale et territoriale de l'État », avec des crédits s'élevant à environ 2, 8 milliards d'euros est mieux dotée que la mission « Action extérieure de l'État ». Le Président de la République, dans son discours aux ambassadeurs le 27 août dernier, avait pourtant affirmé – et j'en étais d'accord : « Je me fais une très haute idée de la France et de son rôle dans le monde aujourd'hui. (...) Encore faut-il que le ministère [des affaires étrangères] ait lui-même les moyens de sa mission. » Le budget révèle une incohérence, hélas prévisible, dans ce propos : nous attendons, nous aussi, beaucoup de cette mission. Encore faut-il que le ministère ait les moyens de l'accomplir !
La perte des recrutés locaux, à laquelle s'ajoute la suppression de 234 équivalents temps plein, semble particulièrement déplacée. Mais sans doute ne devrais-je manifester aucune surprise à voir privilégier la stricte logique comptable, à laquelle vous semblez d'ailleurs souscrire, monsieur le ministre. Lors de votre audition mi-octobre, vous n'avez pas tari d'éloges sur la « rationalité » financière britannique, ce qui fait du ministère un bon élève pour Bercy, mais ne le préserve pas pour autant du gel des crédits.
Je relève d'autres points qui suscitent l'inquiétude. Dans le domaine culturel, on fait grand cas des dotations accordées à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, mais alors pourquoi priver notre action d'influence culturelle extérieure de moyens, lesquels sont déjà limités ? Je note, en effet, que les instituts et centres culturels, postes avancés de notre présence à l'étranger, perdent 10 % de leurs effectifs en recrutés locaux, qui sont toujours les premiers touchés.
La politique immobilière reste largement incertaine. Mon sentiment est que les recommandations de la Cour des comptes n'ont pas encore permis au ministère des affaires étrangères de stabiliser sa politique immobilière.
Je m'inquiète également de la délimitation des compétences entre le ministère des affaires étrangères et le nouveau ministère de l'immigration et de bien d'autres choses. Ce dernier disposera des crédits pour le co-développement – environ 25 millions d'euros – alors que la politique d'aide au développement continue – et c'est heureux – de relever de la responsabilité du ministre des affaires étrangères. Par ailleurs, les deux ministères mèneront une politique commune en matière de visas et il reviendra au ministère des affaires étrangères et européennes de mettre en oeuvre les tests ADN largement promus par M. Hortefeux. Je m'interroge donc sur la coordination de l'action de ces deux ministères, d'autant que le budget et le personnel du ministère des affaires étrangères se trouvent amputés au bénéfice du ministère de l'immigration. La cohérence de l'action du ministère des affaires étrangères en matière d'aide publique au développement semble largement compromise. Sous des dehors de réforme et de modernisation, je distingue nettement trop de désordres, d'incertitudes et de contradictions.
Enfin, j'aimerais dire un mot des crédits pour la présidence française de l'Union européenne. Je sais qu'ils seront examinés demain, dans le cadre de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », mais ils vous concernent au premier chef, monsieur le ministre des affaires étrangères. Il est prévu 190 millions d'euros pour 2008.