Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 8 décembre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • histoire
  • identité
  • l'identité nationale
  • logement
  • nation

Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Rousset, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la réforme de la taxe professionnelle et ses conséquences pour l'avenir des régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

À l'issue des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale et au Sénat, que constate-t-on ?

D'abord, la territorialisation de la contribution économique territoriale n'est plus assurée pour les régions, ou plutôt elle se traduit par un renforcement considérable des résultats d'Île-de-France. Ensuite, les régions ne disposeront plus d'aucun impôt direct local, hormis l'infime part que constitue l'impôt sur les cartes grises. De ce fait, les recettes fiscales des régions ne représenteront plus désormais que 10 % de leurs ressources. En somme, monsieur le Premier ministre, les régions deviennent les grandes perdantes de ce réaménagement fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Les études le démontrent : selon l'agence de notation Moody's, « la réforme de la taxe professionnelle privera les collectivités de leur autonomie en 2011, de manière partielle pour les départements et totale pour les régions ».

Au regard de ce scénario qui conduira à une réduction drastique des moyens dont disposeront les régions, pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelles missions elles devront sacrifier ?

Aujourd'hui, il résulte de cette réforme un renforcement de l'émiettement communal puisque les communes ont obtenu gain de cause. La réforme de la taxe professionnelle, par le biais de la contribution sur la valeur ajoutée, va peser sur les salaires, donc sur l'emploi. L'État demande aux régions et aux départements de contribuer au financement de leurs compétences – je pense aux LGV et au plan Campus.

À la veille d'élections régionales primordiales pour l'avenir de notre pays, le Gouvernement doit clarifier sa position. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Monsieur Rousset, votre question me surprend. En effet, les conseils régionaux ont une compétence et une responsabilité en matière de développement économique et le développement économique du territoire régional est forcément lié aux investissements productifs des industries et des entreprises qui y sont implantées et à leur capacité à créer des emplois.

Que s'est-il passé au Sénat, samedi soir ?

Le second volet de la discussion sur la suppression de la taxe professionnelle au 1er janvier prochain a été adopté. Je dirai même que ce texte qui, à l'origine, a été présenté à l'Assemblée nationale, a été largement amélioré après l'avoir déjà été par les députés.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Certes, il reste encore l'examen par la commission mixte paritaire. Malgré la fronde que l'opposition a essayé de déclencher parmi l'ensemble des élus locaux de notre pays, personne ne s'y est trompé. Le résultat est là, et tout le monde le connaît : le second volet de la réforme, qui était le plus difficile, car il portait sur la compensation des collectivités territoriales, a été adopté dans un climat consensuel et apaisé, à l'issue d'une seule journée de débat. C'est d'ailleurs le fruit d'une large concertation avec Christine Lagarde et le Gouvernement dans son ensemble.

Mesdames et messieurs les socialistes, les faits vous ont donné tort. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Cet impôt, que certains dans vos rangs, dont M. Mitterrand, disaient « imbécile », ne sera plus là le 1er janvier prochain. Ce sera, monsieur Rousset, et c'est en cela que je ne vous comprends pas, entièrement au bénéfice des régions qui, en matière de compétences économiques, se verront renforcées par la nouvelle dynamique de l'ensemble des entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Après de nombreux mois de concertation avec tous les responsables du monde éducatif, où vous avez été très attentif aux suggestions et propositions des uns et des autres,…

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

…vous avez présenté, il y a quelques jours, la réforme du lycée, qui a été bien accueillie.

Cependant, l'Association des professeurs d'histoire et de géographie s'inquiète de la possible suppression de ces matières dans les classes de terminale scientifique, même si, aujourd'hui, il faut bien le reconnaître, elles ne sont peut-être pas traitées comme il conviendrait qu'elles le soient. Un certain nombre d'universitaires et d'historiens bien connus s'en sont également émus.

Par ailleurs, au moment où le débat sur l'identité nationale s'affirme et où l'enseignement de l'histoire est recommandé par les uns et les autres, ces craintes peuvent paraître fondées.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Il n'en demeure pas moins, monsieur le ministre, que nous pensons – et nous vous avons confiance en vous pour cela – que vous voulez défendre ces matières essentielles. Nous souhaitons que vous nous expliquiez ce qui a fondé cette décision, afin de lever toutes les craintes que certains, de bonne foi, peuvent avoir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, je serai très clair. Il n'est pas question de supprimer le programme d'histoire et de géographie étudié par les élèves de terminale scientifique. Il le sera dorénavant en classe de première. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

C'est pourquoi nous allons augmenter le nombre d'heures d'histoire et de géographie pour les élèves de première scientifique. Ils auront désormais quatre heures d'histoire et de géographie par semaine, au lieu de deux heures trente actuellement. Cela signifie que tous les élèves de première bénéficieront d'un même enseignement en histoire et en géographie, d'une culture commune, d'un programme commun (Mêmes mouvements), ce qu'empêche actuellement la différenciation des sections. L'histoire et la géographie seront donc au coeur des disciplines d'enseignement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui !

Les élèves scientifiques pourront ainsi passer, par anticipation, l'épreuve du baccalauréat à la fin de la première en histoire et en géographie, comme il en va depuis longtemps, et pour tous les élèves, de l'épreuve de français. Ils pourront, par conséquent, se consacrer en terminale à leurs disciplines scientifiques et de spécialisation.

Vous pouvez donc le constater, monsieur le député, l'histoire et la géographie, matières essentielles de notre système éducatif, seront confortées grâce à la réforme du lycée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

Vous avez déclaré, monsieur le ministre, devant la commission des affaires culturelles : « Une politique publique digne de ce nom n'est possible que si l'on a à sa disposition un instrument administratif efficace dont on connaît bien le fonctionnement et les agents. » Apparemment, vous n'avez pas pris le temps de connaître votre ministère et ses agents, puisque ceux-ci sont en grève depuis le 23 novembre au Centre Pompidou et depuis le 2 décembre dans de nombreux musées de Paris et de province.

Ce qui est en cause, c'est votre entêtement à vouloir poursuivre l'application de la RGPP dans des services et des établissements culturels déjà asphyxiés par des restrictions budgétaires. Pour vous et pour ce gouvernement, ceux qui sont visés sont les femmes et les hommes qui sont, pourtant, au coeur de la création et de la diffusion artistique et culturelle dans ce pays ; ceux qui ne seront pas remplacés, comme pour mieux signifier que leur travail est accessoire !

C'est ainsi, monsieur le ministre, que vous appliquez scrupuleusement votre feuille de route, qui pourrait s'intituler : « comment économiser encore plus sur le budget de la culture, déjà inférieur à 1 % du budget de la nation » ! Cela signifie une perte de 1 000 emplois sur les 23 000 de votre ministère, dont 200 au Centre Pompidou. À ceux qui résistent, vous envoyez, rue de Valois, les forces de police… Tout un symbole !

Vous vous proclamez solidaire du gouvernement auquel vous appartenez. Soit ! Mais l'alternative, pour un ministre, n'est pas toujours, comme on l'a parfois entendu, de « fermer sa gueule ou partir ». L'ouvrir aurait d'ailleurs de l'allure ! Mais nous n'en sommes pas là. Je vous demande simplement : quand allez-vous vous asseoir à la table des négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le député, une politique ambitieuse et volontaire de modernisation de l'État est mise en oeuvre depuis deux ans. L'objectif poursuivi est d'évaluer la pertinence des missions de l'État et des établissements publics qui en dépendent et de mieux mesurer l'efficacité avec laquelle ces missions sont remplies. Il n'y a aucune raison pour que le ministère de la culture, dont les missions ont été confirmées, et dont le budget est en hausse, échappe à cette réforme qui, par-delà les caricatures que certains veulent en faire, est au service des publics.

Les mouvements que vous évoquez, monsieur le député, interviennent précisément au moment où la réforme de l'administration centrale est en cours d'achèvement. Je suis conscient que ce processus de modernisation suscite des réactions d'inquiétude chez les agents de certains établissements (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) parmi ceux placés sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication.

Je souhaite toutefois préciser que, ce matin, à l'exception du Centre Pompidou, tous les musées étaient ouverts, et que la mobilisation est passée sous la barre des 0,5 % ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

On sait également que des minorités très réduites peuvent bloquer entièrement un établissement, lorsqu'il s'agit de personnes chargées de l'accueil ou de la sécurité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ainsi, sans doute pour masquer la faiblesse de la mobilisation, des piquets de grève sont installés dans plusieurs établissements pour bloquer les caisses. (Protestations sur les mêmes bancs.) Je laisse juges de cette attitude les visiteurs venus du monde entier, les usagers habituels, ainsi que toutes celles et tous ceux qui veulent accéder aux trésors de notre patrimoine ! Je reste évidemment très attentif à l'inquiétude des agents. Quant à l'évocation de brutalités policières lors de l'évacuation du ministère, vendredi, c'est évidemment une affabulation romanesque ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale : le groupe Nouveau Centre veut revenir lui aussi sur la réforme des lycées.

Monsieur le ministre, vous avez une bonne approche de la réforme des lycées en disant tout d'abord que tout ne fonctionnait pas si mal dans les lycées de notre pays.

Vous avez su ensuite garder un cadre national aux horaires d'enseignement, tout en laissant de la liberté aux proviseurs et aux équipes pédagogiques pour les heures de dédoublement ou l'organisation propre à chaque établissement. C'est bien pour l'autonomie et le dynamisme des établissements de notre pays.

Grâce aux heures de soutien que vous avez proposées pour ceux qui sont les plus en difficulté ou aux heures de renforcement pour ceux qui se débrouillent mieux, tout élève pourra mieux s'en sortir au lycée et j'espère que nous aurons moins de jeunes sur le bord du chemin.

Vous avez enfin souhaité redéfinir les filières de formation, L, ES et S, puisque vous proposez que, comme le font ceux de STI et STL depuis de nombreuses années, les élèves de la filière S passent l'épreuve d'histoire et de géographie en fin de première. Mais de nombreuses questions se font jour dans un grand nombre de disciplines.

Pouvez-vous donc garantir devant la représentation nationale que les futurs bacheliers bénéficieront de formations variées leur permettant d'acquérir une bonne culture générale nécessaire à leur épanouissement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

L'objectif de la réforme du lycée, monsieur le député, c'est d'abord de mieux orienter les élèves, de passer d'un système d'orientation subi, dans lequel, à quatorze ans, il faut décider quasiment pour la vie de sa filière et même, parfois, choisir son métier, à un système beaucoup plus progressif, réversible, qui autorise les changements de trajectoire et de série, afin que chaque élève trouve sa voie.

La seconde va donc devenir une classe générale, avec deux enseignements d'exploration pour découvrir des matières différentes, en littérature, en sciences, en économie.

La classe de première, elle, sera une classe de spécialisation progressive, avec un tronc commun de matières, de vraies valeurs communes, des enseignements communs, dont l'histoire et la géographie feront partie, et, à côté, une spécialisation, les élèves ayant la possibilité de changer de série en cours de première ou en fin de première, si c'était nécessaire.

La terminale, quant à elle, sera une classe de spécialisation destinée à mieux préparer les élèves à l'enseignement supérieur. Je rappelle qu'un étudiant sur deux échoue en fin de première année d'université parce qu'il a été mal orienté, parce qu'il n'a pas trouvé sa voie.

Vous le voyez, monsieur Lachaud, nous avons voulu à la fois renforcer les savoirs fondamentaux, et l'histoire et la géographie en font partie, et mieux préparer l'orientation vers l'enseignement supérieur. C'est ainsi que nous permettrons à chaque élève de réussir. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Monsieur le Premier ministre, plusieurs millions de nos concitoyens vivent cette fin d'année avec angoisse.

Salariés, retraités ou chômeurs, ils pensent à juste titre que vous n'avez pas pris la mesure de la crise qui constitue pour eux une réalité chaque jour plus dramatique.

L'augmentation du pouvoir d'achat ressemble pour chacun d'entre eux, au mieux à un mensonge, au pire à une escroquerie quand ils voient le maintien des niches fiscales et les cadeaux faits aux plus riches par votre gouvernement, surtout en période de crise, avec le bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pour eux, nous vous demandons une mesure immédiate de 200 euros, pour enfin montrer que votre plan de relance s'adresse aussi à nos concitoyens les plus démunis.

Pour ceux qui, de plus en plus nombreux, sont touchés par le chômage, annoncer pour 2010, comme le fait votre gouvernement, des mesures plus offensives ressemble à un abandon, alors même que vous maintenez cette machine à détruire les emplois sur fonds publics que constitue l'encouragement aux heures supplémentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Pour eux, nous vous demandons un allongement de six mois de la durée d'indemnisation du chômage.

Pour ces salariés modestes, pour ces chômeurs qui vont se trouver en fin de droit, pour ces jeunes installés dans la précarité, qui doutent de l'avenir, pour ces retraités qui voient chaque mois leur vie se dégrader,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

…allez-vous enfin, en 2009 – le temps vous est compté – mettre en oeuvre ces mesures : 200 euros pour nos concitoyens les plus modestes, un allongement de la durée d'indemnisation du chômage ? Cela ne remédiera pas à l'injustice de votre politique mais cela apportera, pour cette fin d'année, un peu d'espoir à nos concitoyens les plus touchés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Franchement, monsieur Le Roux, arrêtons la démagogie (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) car en matière de coeur et de solidarité à l'égard de nos concitoyens les plus démunis, les mesures les plus pragmatiques sont celles qui ont été prises par le Gouvernement, sous l'impulsion du Premier ministre.

La vérité, c'est que le monde entier a connu une année de crise sans précédent et que la plupart des grandes nations ont suivi l'exemple de la France et des initiatives du gouvernement de François Fillon.

Nous avons mis en place un plan de relance à la fois ambitieux, solidaire et efficace.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Ambitieux, parce que 27 milliards d'euros d'investissement, c'était une réponse directe pour soutenir ceux qui craignaient le plus pour leur emploi. Solidaire, parce que le Gouvernement a consacré près de 3 milliards d'euros aux Françaises et aux Français les plus en difficulté et les plus démunis.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Efficace, parce qu'en cette période de récession, la croissance aura chuté deux fois moins en France que dans la totalité des pays de la zone euro et que nous enregistrons pour la première fois au troisième trimestre une croissance positive de 0,3 %. La consommation a résisté au mois de septembre, avec une augmentation de 1,1 %, et, en octobre, elle est en augmentation de 2,4 %. La prime à la casse à l'automobile a, bien sûr, bénéficié à la plupart de nos ouvriers.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Lors de la visite du Premier ministre en Alsace, monsieur Le Roux, il fallait voir ces milliers d'ouvriers d'Alstom applaudir et remercier le Gouvernement de ses efforts (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour comprendre que l'industrie française, les entreprises françaises, l'emploi en France résistent grâce au courage et à la volonté du gouvernement de François Fillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Giran, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Giran

Madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, la conférence de Copenhague constitue une grande espérance pour tous ceux qu'inquiètent le réchauffement climatique et la perte de biodiversité qui lui est liée.

Dans le débat qui s'ouvre, la France joue un rôle majeur et dispose d'atouts particuliers, dont l'expérience et l'expertise des parcs nationaux ne sont pas les moindres. Par leur situation géographique, dispersée sur l'ensemble du globe, par les suivis scientifiques dont ils bénéficient depuis près d'un demi-siècle, par la relative intangibilité de leurs territoires, les parcs nationaux constituent des lieux d'information et d'étude privilégiés.

C'est le cas de nos parcs de montagne des Alpes et des Pyrénées, qui étudient depuis longtemps le recul des glaciers et ses conséquences sur les différentes espèces.

C'est le cas également des parcs maritimes de la Guadeloupe, de Port-Cros et des Calanques, qui analysent sous différentes latitudes le niveau des mers et des océans ainsi que l'effet de l'augmentation de la température sur la biodiversité marine.

C'est le cas enfin des parcs forestiers tropicaux de la Guadeloupe, de La Réunion et de Guyane, qui participent à une veille écologique fondamentale eu égard au rôle de réservoir de carbone joué par les forêts.

Madame la secrétaire d'État, face aux défis que nous devons relever, et dans l'attente de la création de trois nouveaux parcs nationaux, pouvez-vous nous indiquer les liens que vous souhaitez établir entre les parcs nationaux et les grands enjeux des années à venir : le climat, bien entendu, mais aussi la biodiversité, dont 2010 sera l'année mondiale ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Monsieur le député, je vous remercie de votre question, car nous avons tous, à juste titre, les yeux tournés vers Copenhague et la question du climat, pleinement liée à celle de la biodiversité. Ce matin même, nous avons lancé, avec Michel Havard et Martial Saddier, une concertation en vue de l'élaboration d'un plan national d'adaptation au changement climatique.

Car il ne faut pas se voiler la face : nous aurons à nous adapter au changement climatique. Quoi qu'il advienne, même si Copenhague réussit, les températures vont, dans notre pays, augmenter de deux, voire de trois degrés. Il en résultera deux milliards de mètres cubes de pertes en eau, sans doute 140 000 logements menacés par la montée des eaux en Languedoc-Roussillon, ainsi qu'une importante diminution de la biodiversité puisque 20 à 30 % des espèces vont disparaître.

Les parcs nationaux, et surtout votre établissement public, ont un rôle majeur à jouer : un rôle d'observation de cette perte de biodiversité et de l'impact des changements climatiques, mais aussi un rôle d'expérimentation. Vous avez d'ailleurs un mode de gouvernance particulier, un peu « grenellien », qui vous permet de mener des expériences que l'on ne fait pas ailleurs. En outre, vous aurez un rôle majeur à jouer dans la mise en oeuvre des trames verte et bleue.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que vous soyez l'un des piliers du groupe chargé de réfléchir aux questions de biodiversité, piloté par Michel Havard. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le ministre du budget des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État,…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…le groupe Nouveau Centre mène depuis de nombreuses années le combat en faveur de l'assainissement de nos finances publiques.

C'est tout d'abord un impératif éthique, car nous ne devons pas faire supporter aux générations futures nos dépenses de fonctionnement d'aujourd'hui. C'est aussi un impératif économique, si nous voulons une croissance économique solide et durable. C'est enfin un impératif démocratique, si nous voulons laisser une marge de manoeuvre aux futurs gouvernements.

Notre groupe avait proposé, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2010, une série de mesures visant à la réduction de nos déficits de l'ordre de 5 milliards d'euros. Ces propositions n'ont pas été retenues.

Le Nouveau Centre ne peut certes que se réjouir de votre volonté de diminuer de 10 milliards d'euros les dépenses de fonctionnement de l'État.

Il se réjouit également de voir le Gouvernement se rallier à la position défendue depuis des années par notre famille centriste, visant à inscrire dans le marbre de la Constitution la règle d'or de l'interdiction de présenter le budget de l'État en déficit de fonctionnement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Notre famille politique sera très attentive aux suites qui seront données à ces engagements de sagesse, d'autant que la Commission européenne a récemment fixé à l'horizon 2013 le retour de nos déficits publics sous la barre des 3 %, conformément à nos engagements internationaux.

Ma question est donc la suivante : comment le Gouvernement compte-t-il procéder, et selon quel calendrier, pour réduire les dépenses ou accroître les recettes afin de réduire d'ici à 2013 le déficit public de 5,5 points de notre richesse nationale, soit de 110 milliards d'euros en quatre ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Monsieur le président, je souhaite excuser Éric Woerth, qui n'a pu être présent.

Bien entendu, monsieur le député, nul ne peut contester que l'augmentation de la dette, plus particulièrement cette année, est liée pour une grande part, pour l'essentiel même, au plan de relance que j'évoquais voici quelques instants.

En même temps, les mesures de relance portent leurs fruits, car la croissance, je le rappelle, est redevenue positive au deuxième trimestre. La France est d'ailleurs l'un des pays où la hausse de la dette publique liée à la crise est la mieux contenue : 19 points de PIB, au lieu de 32 points aux États-Unis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Si la crise a mécaniquement éloigné l'horizon de l'assainissement des finances publiques, je vous confirme que ces objectifs continuent de guider la stratégie du Gouvernement.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Pour ne pas nuire à la reprise, la consolidation budgétaire devra être graduelle, en fonction des évolutions de l'environnement macroéconomique. La part du déficit liée à la crise diminuera graduellement sous l'effet, d'une part, d'un retour progressif à la croissance et, d'autre part, de l'extinction des crédits de la mission « Relance ».

Monsieur le député, cette dette est nécessaire et utile car elle contribue à la croissance. Cela n'empêche d'ailleurs pas l'État de maîtriser fortement ses dépenses, et même de faire davantage, puisque l'augmentation des dépenses de l'État sera de 0 % en 2010. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous aurions aimé que les régions socialistes fassent de même ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Ma question s'adresse à madame la ministre de la santé. Je souhaite l'interroger sur la gestion de l'épidémie de grippe A liée au virus H1N1.

Jusqu'à maintenant, je ne suis pas intervenu, pour ne pas gêner une action de santé publique. Aujourd'hui, je me dois cependant de dénoncer ce qu'il faut bien appeler les fautes, le scandale d'une prévention mal organisée. (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) J'y suis obligé pour tenter de vous faire comprendre, madame la ministre, qu'il est urgent pour nos compatriotes que vous changiez de paradigme et de méthode.

Vous aviez pourtant commencé avec de bonnes intentions. Afin de ne pas réitérer l'erreur d'un de vos prédécesseurs, qui avait sous-estimé l'impact sanitaire de la canicule, vous avez lancé une vaste opération de communication et créé un dispositif spécifique. Malheureusement pour vous, les deux ont été erronés : la communication n'a fait que relayer le message d'une mobilisation ministérielle sans précédent au lieu d'informer précisément et objectivement, ce qui a abouti à dissuader les Français de se faire vacciner ; le dispositif de vaccination s'est, lui, vite apparenté à une usine à gaz, repoussante, peu efficace, non rodée et n'inspirant pas confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Je sais bien qu'au XVIIe siècle le mot « grippe » désignait un caprice, une fantaisie soudaine et passagère, mais est-ce une raison pour appliquer aujourd'hui cette même fantaisie irrationnelle à la prévention et au traitement de la grippe H1N1 ?

Pourquoi avoir retardé la vaccination ? Pourquoi ne pas avoir eu recours aux professionnels, médecins généralistes et pédiatres, qui, depuis plusieurs générations, pratiquent les vaccinations dans de bonnes conditions de confort et en bénéficiant de la confiance de tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est ainsi qu'ont opéré, avec moins de bruit mais plus de prophylaxie, la plupart des autres pays européens. Pourquoi nous tromper sur le coût de la vaccination par les généralistes ?

Pourquoi avoir commandé 94 millions de doses, sachant qu'au mieux 30 % de la population seront vaccinés et qu'habituellement une seule dose suffit ? Sommes-nous donc 300 millions de Français ? Et puis quand il y a de graves dysfonctionnements, trouvez-vous de noble solution que de désigner comme fusible un directeur des affaires sociales ? Enfin, est-il digne de faire attendre dans le froid, pendant plus de quatre heures, des personnes désirant se faire vacciner, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur le député, la polémique n'est pas de mise. Nous menons la plus grande opération de santé publique que notre pays ait jamais pilotée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Je constate, contrairement à ce que vous dites, l'adhésion de plus en plus importante de nos compatriotes à cette campagne de vaccination. Nous avons ainsi multiplié par vingt le nombre de personnes qui se sont fait vacciner journellement, passant de 10 000 la semaine dernière à 200 000. D'ores et déjà, 2,5 millions de nos compatriotes se sont fait vacciner, selon un ordre de priorité qui tient compte de leur fragilité.

Nous avons préconisé une vaccination en centres collectifs parce que nous voulons protéger les médecins libéraux. Nous avons ainsi enregistré la semaine dernière un million de consultations supplémentaires liées à la grippe A H1N1. Il faut préserver la capacité soignante de nos professionnels libéraux, c'est le plus important. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Il nous reste à régler des questions logistiques. Ce matin, j'ai organisé une réunion avec des représentants de l'ensemble des professionnels libéraux, des professionnels de l'hôpital, de l'administration et des étudiants. Je tiens à remercier ces derniers pour leur implication dans cette campagne de vaccination, aussi bien les étudiants médecins que les étudiants infirmiers ou infirmières. Ils exercent une remarquable action dans ce domaine.

Oui, nous menons une grande campagne de prévention. Elle peut certes rencontrer des difficultés ; comment en serait-il autrement ? C'est la raison pour laquelle, avec mon collègue Brice Hortefeux, nous avons noté les dysfonctionnements de fin de semaine, et nous y avons remédié : en trois jours, ils ont été réglés. Voilà ce qui doit entièrement nous mobiliser. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie.

Il y a maintenant pratiquement un an, au plus fort de la crise financière, le Président de la République a souhaité mettre en place une nouvelle organisation : la médiation du crédit. Beaucoup d'entre nous, sur tous les bancs de l'hémicycle, ont pu, pendant cette crise, voir combien était grand le nombre d'entreprises concernées par des problèmes de trésorerie, de manque de fonds propres, et par des difficultés d'accès à l'assurance-crédit.

Un an après, je souhaite clairement savoir où nous en sommes. Dans mon département, plus de 400 entreprises sont aujourd'hui concernées par la médiation, ce qui représente plus de 150 millions d'euros d'en-cours. Bien évidemment, il y a quelquefois des difficultés à trouver des solutions mais, dans tous les cas, l'approche est totalement novatrice : novatrice par la facilité d'accès au dispositif, novatrice par sa mise en oeuvre sur le terrain par les professionnels de la médiation. À cet égard, il faut souligner le travail accompli par René Ricol.

Un an après la mise en place de la médiation du crédit sur le territoire, quel bilan pouvons-nous en dresser, et surtout, au moment où la reprise semble se profiler, comment le Gouvernement entend-il accompagner en 2010 les entreprises concernées par la médiation ? Nous savons en effet que ces mêmes entreprises, qui ont eu des difficultés à résister à la crise, auront besoin d'investir et de se développer, et que c'est de tout le développement de l'activité économique française qu'il s'agit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Madame la députée, je vous prie d'excuser l'absence de Christine Lagarde. Comme vous l'avez dit, voici un an que la médiation du crédit a été créée par le Président de la République. C'est une première mondiale. La médiation du crédit a pour but d'assurer le financement des entreprises en difficulté. Ce n'est pas une administration, mais une mission qui s'appuie sur des réseaux : celui de la Banque de France, bien sûr, mais aussi ceux de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, des services de l'État, avec les préfets et les trésoriers-payeurs généraux. Elle s'appuie aussi sur les socioprofessionnels, qui ont désigné près de 1 000 tiers de confiance de la médiation, pour accompagner bénévolement un certain nombre de chefs d'entreprise.

Les résultats sont particulièrement éloquents : 1,8 milliard d'euros ont été négociés auprès des banques, près de 13 000 dossiers ont été instruits et le financement de 8 500 entreprises a été garanti. Grâce à la médiation du crédit, en 2009, nous aurons sauvegardé dans notre pays 166 000 emplois. Voilà la réalité !

Je veux à mon tour remercier le médiateur du crédit René Ricol ainsi que son successeur, Gérard Rameix. Je vous confirme que nous allons poursuivre au même rythme et avec la même organisation structurelle en 2010.

Je note d'ailleurs que plusieurs pays ont commencé à nous emboîter le pas – je pense au Royaume-Uni et à la Belgique –, et Mme Angela Merkel vient d'annoncer qu'elle avait décidé d'installer en Allemagne la médiation du crédit.

Vous le voyez, madame la députée, la médiation du crédit, c'est le contraire des 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : c'est une idée française que tous les Européens nous envient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Catherine Quéré, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Quéré

Madame la ministre de la santé et des sports, 10 000 jeunes filles de moins de dix-sept ans ont eu, en 2008, une grossesse non désirée ; la plupart d'entre elles ont eu recours à une IVG. Ce nombre reste désespérément élevé. L'an dernier, près de 12 000 mineures ont eu accès à la « pilule du lendemain » par le biais de leur infirmière scolaire.

Ces chiffres, madame la ministre, posent avec acuité la question de l'échec de la prévention chez les jeunes. Ils ne peuvent qu'interpeller tous les citoyens et tous les élus, et ce par-delà des sensibilités politiques.

Depuis trois ans, les élus de ma région ont travaillé sur ces problèmes avec l'ordre des médecins, l'ordre des infirmiers, les associations de parents d'élèves et les élèves eux-mêmes. Cette concertation a abouti à la création du « pass contraception », destiné à être distribué dans chaque lycée. Il est composé de quatre bons : un pour une consultation gratuite chez un médecin, un autre pour une analyse médicale gratuite, deux pour une contraception gratuite.

En milieu rural, l'accès au Planning familial n'est pas chose facile, et les uns et les autres ont bien compris l'intérêt de faciliter l'accès des jeunes filles à la contraception.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, soutient que les mineures doivent avoir l'autorisation de leurs parents pour accéder à la contraception. Puisque nul n'est censé ignorer la loi, je pense utile de lui rappeler que le consentement parental n'est pas requis pour la prescription ou la délivrance de contraceptifs aux mineures.

Madame la ministre, lors d'une conférence de presse en juin dernier, vous avez déclaré que la santé des femmes était une priorité pour vous et pour le Gouvernement. Ne pensez-vous donc pas que le « pass contraception », dont la vertu est de compléter les dispositifs de prévention et d'éducation sexuelle, mériterait d'être étendu à toute la France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. (« Estrosi ! sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Madame la députée, la contraception et l'accès à l'IVG relèvent du droit fondamental des femmes à la liberté de disposer de leur corps. Je mène une politique active en ce sens, comme en attestent nombre de mes décisions.

C'est ainsi que nous soutenons le Planning familial, qui a la possibilité de prescrire la contraception aux mineurs. Avec l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé, nous menons des campagnes d'information et de prévention ciblées en fonction des publics, telles celles dédiées à nos compatriotes ultramarins…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

…qui rencontrent des difficultés spécifiques d'accès à la contraception et à l'IVG.

Certaines dispositions de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009 répondent à ce besoin, notamment celle qui donne aux services universitaires de prévention et d'accès à la santé la possibilité de prescrire la contraception orale et la contraception d'urgence, dite « pilule du lendemain ».

Grâce à votre collègue Bérangère Poletti, nous avons aussi pris des dispositions sur le renouvellement de la contraception par les sages-femmes et les pharmaciens.

Vous le voyez, le Gouvernement se déploie de façon constante dans ce domaine.

Vous évoquez une action – sympathique mais qui m'apparaît désordonnée – du conseil régional de Poitou-Charentes. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je pense que cette façon de procéder – qui a d'ailleurs recueilli une large approbation au sein du conseil régional – est plutôt de nature à semer le trouble et à désorganiser l'organisation de la santé (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) qu'à apporter une véritable solution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Madame la ministre de la santé et des sports, le 26 novembre dernier, M. Michel Rioli vous a remis un rapport intitulé « Le pharmacien d'officine dans le parcours de soins », qui est le fruit d'un groupe de travail sur l'avenir de la profession de pharmacien.

La réflexion menée par ce groupe de travail s'inscrit dans la démarche lancée par l'article 38 de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires ». Cet article définit les missions du pharmacien d'officine et ouvre à celui-ci des perspectives professionnelles nouvelles, de nature à lui permettre de mieux s'inscrire dans les parcours de soins des patients, en particulier ceux atteints de pathologies chroniques.

L'implantation des officines est en effet soumise à une loi de répartition démographique qui autorise l'ouverture d'une pharmacie par tranche de 2 500 ou 3 000 habitants. Il en résulte une certaine densité de la présence des pharmaciens d'officine sur le territoire national, qui les met en mesure de contribuer efficacement au maintien d'un service de santé de proximité.

Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions sur les travaux menés par M. Michel Rioli, nous dire quelles suites seront données à ce rapport, et nous indiquer notamment si ces missions seront mises en oeuvre en particulier dans les zones touchées par une insuffisance de médecins ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur le député, le rapport Rioli constitue une excellente base de travail pour mettre en oeuvre les préconisations de l'article 38 de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet dernier.

D'ores et déjà, nous travaillons sur certaines pistes qui pourront donner lieu à des mesures applicables immédiatement.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je pense en particulier à l'éducation thérapeutique et à la coopération entre professionnels de santé.

Avec ma collègue Valérie Létard, nous avions étudié la question du pharmacien référent dans les établissements d'accueil des personnes âgées dépendantes. Il s'agit là d'un sujet extrêmement important, et les dispositions pourront entrer en vigueur très vite.

Deuxième sujet : la prise en charge des affections chroniques et de longue durée. Nous y travaillons avec les pharmaciens mais aussi avec d'autres professionnels de santé, car ce sujet est beaucoup plus complexe.

Reste un sujet plus délicat : les modes alternatifs de rémunération. Pour les médecins comme pour les pharmaciens, je suis extrêmement attachée à trouver des modes de rémunérations autres que le paiement à l'acte, et plus susceptibles d'accompagner de véritables politiques de santé publique.

Nous sommes en train d'y travailler. J'ai indiqué que, dans le cadre de notre politique de santé et du juste équilibre des comptes sociaux, ces transferts devaient s'effectuer à enveloppe constante, ce qu'a bien voulu admettre la profession. Telles sont les pistes que nous explorons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, il y a un an, notre assemblée a approuvé, dans le cadre de la mission d'information sur les questions mémorielles placée sous l'autorité du président Accoyer, un rapport, dont l'une des préconisations, votée par l'ensemble des députés de ladite mission, consistait à affirmer le caractère obligatoire de l'histoire dans le primaire et le secondaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Or l'enseignement de l'histoire et de la géographie est aujourd'hui remis en cause, non pas, comme vous le prétendez, par souci d'efficacité mais par souci d'économies. Ces matières essentielles à la formation et à la liberté de penser deviendront optionnelles dans les séries scientifiques du baccalauréat :…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

…en 2011, contrairement à ce que vous avez dit, les élèves perdront une heure d'histoire-géographie.

Considérer que l'enseignement de la géographie n'est pas une priorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

…est plus qu'une erreur, monsieur le ministre : c'est une faute grave à l'égard des nouvelles générations de lycéens. Alors que s'ouvre le sommet de Copenhague consacré à l'avenir de la planète – le climat, n'est-ce pas de la géographie ? –, alors que vous lancez ici même un débat très controversé sur l'identité nationale et que le Président de la République impose la lecture de la lettre de Guy Môquet à chaque rentrée scolaire, beaucoup de Français jugent votre décision incompréhensible.

D'un côté, vos discours invoquent le passé avec nostalgie ; de l'autre, vous réduisez la place de toutes les sciences sociales. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous laissez supposer que les scientifiques n'ont pas besoin de connaître l'histoire et la géographie dans leur futur environnement professionnel, et que ces disciplines doivent être réservées aux littéraires.

Sans vous faire injure, monsieur le ministre, je vous rappelle que c'est souvent dans des régimes où la liberté de penser n'est pas la priorité que l'enseignement de l'histoire et de la géographie est remis en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au-delà de l'appel en faveur de cette discipline, c'est une conception de la citoyenneté que nous défendons. Une chose est sûre, monsieur le ministre : vous ne marquerez pas le cours de l'histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Estrosi ! Estrosi !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Je veux dénoncer, madame la députée, trois contrevérités dans vos propos. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La première est l'idée selon laquelle nous supprimerions l'enseignement de l'histoire-géographie pour les élèves de terminale des filières scientifiques. Comme je l'ai indiqué à M. Luca et à M. Lachaud, le programme concerné sera dorénavant étudié en classe de première. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Pour ce faire, nous augmenterons le volume horaire de l'histoire-géographie pour les élèves de première S.

Deuxième contrevérité : vous avez laissé entendre qu'il s'agit d'une réforme idéologique (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR) destinée à reléguer les humanités aux marges des emplois du temps. Ces propos, madame Coutelle, sont fallacieux. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je vous rappelle en effet que la réforme prévoit, pour les élèves de première de toutes séries, un tronc commun associant le français, l'éducation civique, les langues, l'histoire et la géographie. Ces élèves auront donc une culture commune et des savoirs fondamentaux, qui leur servira tout au long de leurs études : c'est une vraie nouveauté, et une vraie avancée. (« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

La troisième contrevérité consiste à dire que nous entendons réaliser des économies (« Oui ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR) : comme le Président de la République l'a rappelé le 13 octobre dernier, la réforme se fera à moyens et à taux d'encadrement constants.

Quand tant d'élèves sortent du système éducatif sans diplôme, on ne peut éternellement verser des larmes de crocodile et rester les bras croisés. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Nous discutons de l'avenir du lycée depuis des mois ; je n'ai pas entendu les propositions du parti socialiste. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous les attendions à Dijon mais, au lieu d'y évoquer la grande histoire, on n'y a parlé que des petites histoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marianne Dubois

Monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, aujourd'hui, cinq millions de nos compatriotes sont en situation de handicap, et près d'un million d'entre eux sont sans emploi. Les personnes handicapées connaissent donc un taux de chômage deux fois plus élevé que celui de l'ensemble de la population active. Elles sont parmi les premières à souffrir du ralentissement du marché du travail.

Face à cette situation, le Gouvernement et la majorité se sont mobilisés, en particulier avec la mise en oeuvre du contrat d'insertion et d'accompagnement vers l'emploi et la revalorisation de l'allocation adulte handicapé. À l'occasion de la journée internationale des personnes handicapées du 3 décembre dernier, vous avez annoncé, avec Mme Nadine Morano, une série de mesures visant notamment à favoriser leur insertion sociale et professionnelle.

En visitant les sites du CEREMH, le Centre de ressources et d'innovation mobilité handicap, et du Commissariat à l'énergie atomique, Mme Morano a souligné la nécessité d'encourager le développement des technologies de pointe pour donner à leurs utilisateurs les moyens de s'insérer réellement dans la vie active.

Monsieur le ministre, je connais votre total engagement en faveur de la solidarité nationale pour toutes les personnes défavorisées. Afin d'aller plus loin dans l'accompagnement, pouvez-vous détailler à la représentation nationale les solutions que vous préconisez pour permettre aux personnes handicapées de réaliser leurs projets professionnels et tout simplement leurs projets de vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

Je suis heureux, madame Dubois, de répondre à la première question au Gouvernement que vous posez dans cette enceinte, question qui concerne un sujet sensible.

De toutes les souffrances subies par une personne handicapée, l'éloignement du monde du travail est l'une des plus injustes. De fait, il faut le reconnaître, le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois supérieur à celui des autres. Voilà pourquoi le Président de la République, dans le cadre du plan national pour l'emploi, a décidé, en juin 2008, un accompagnement des entreprises afin de leur permettre d'embaucher des personnes handicapées. Le système fonctionne puisque, en 2009, le nombre d'entreprises n'employant pas de personnes handicapées sera divisé par quatre.

Toutefois, il faut évidemment aller plus loin ; voilà pourquoi Nadine Morano et moi avons décidé d'apporter une aide supplémentaire de 135 millions d'euros à l'Agence pour la formation et l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Nous demandons également aux employeurs publics de donner l'exemple, notamment en matière d'accessibilité.

Le Gouvernement de François Fillon est néanmoins déterminé à aller plus loin encore, en faisant pression sur les entreprises qui renâcleraient. Aussi, la contribution que devra verser une entreprise inactive en matière d'emploi de personnes handicapées sera triplée en 2010, atteignant 1 500 SMIC horaires par unité manquante, contre 500 aujourd'hui.

Il existe bien des façons de contribuer à l'emploi des personnes handicapées, y compris pour des sous-traitants : ce n'est pas une question de charité mais d'équité. Le Gouvernement est mobilisé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, pourquoi vous obstinez-vous à priver les forces de sécurité de moyens d'agir ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Jeudi dernier, dans plusieurs villes, les policiers ont manifesté contre votre politique. Vous savez, comme nous, que ce n'est pas dans leurs habitudes. Il fallait que la situation soit très dégradée pour qu'ils soient contraints de se retrouver dans la rue afin de tenter de se faire entendre.

De fait, depuis votre arrivée, vous avez beau multiplier les annonces, vos choix budgétaires contredisent vos proclamations. En 2010, vous allez supprimer 1 400 emplois de policiers et 1 354 emplois de gendarmes. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Malheureusement, ce n'est pas une première. Cette année même, vous avez supprimé 2 400 postes de policiers et 1 600 postes de gendarmes. Et, en 2008, vous aviez déjà supprimé 1 400 postes de policiers et 967 de gendarmes. En trois ans, le gouvernement auquel vous appartenez, sous la responsabilité de M. Fillon, a supprimé plus de 9 000 postes de fonctionnaires chargés de la sécurité des Français.

Vous pouvez, bien sûr, tenter d'abuser par de belles paroles ceux qui nous écoutent, et je ne doute pas que vous allez à nouveau essayer de le faire. Mais vous ne pouvez plus tromper ceux dont le métier est de protéger les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Tous les élus connaissent la situation de leur commissariat ou de leur gendarmerie. Jeudi, à Dijon, à Marseille, à Bordeaux, à Bayonne, à Rennes, à Strasbourg, à Toulouse, les policiers ont témoigné de la dégradation de leurs conditions de travail.

Vendredi, à l'occasion de la Sainte-Geneviève, dans tous les départements, nous avons entendu les plaintes des gendarmes. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Monsieur le ministre, il n'y a que dans vos chiffres que la sécurité soit garantie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le député, soyez honnête et précis : ce ne sont pas les policiers, mais un syndicat de policiers qui a décidé de manifester. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est vrai que la proximité des élections professionnelles, que j'ai fixées au mois de janvier, peut encourager une certaine émulation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

D'autre part, il est vrai – et je le revendique – que le ministère de l'intérieur participe à l'effort national engagé dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Cet effort, qui est certes difficile, mais courageux et indispensable, porte sur 2 632 postes.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

L'année prochaine – en 2010 –, on comptera, dans le respect du plafond d'emploi, 4 240 incorporations au sein de la police nationale et environ 6 500 dans la gendarmerie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Mais la lutte contre la délinquance ne peut pas et ne doit pas se limiter à la seule question des effectifs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est d'abord une question de volonté, de détermination et de direction. C'est aussi, naturellement, une question de moyens, telle la vidéoprotection (Mêmes mouvements) dont, vous le savez, le Gouvernement, en liaison avec les collectivités locales, encourage la mise en place.

C'est enfin une question d'organisation. Or l'organisation a bien évolué, avec le rapprochement de la police et de la gendarmerie, avec la création de la police d'agglomération en Île-de-France, qui pourra être étendue à d'autres territoires.

Les résultats sont au rendez-vous. (Mêmes mouvements.) La tendance à la hausse, enregistrée dernièrement, a été cassée en septembre et s'est inversée en octobre de près de 6 %, ce qui se confirme au mois de novembre. Je vous remercie donc, monsieur le député, de me donner l'occasion de remercier la police et la gendarmerie d'assumer la plus belle des missions, la protection de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Geneviève Colot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Colot

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Julien, vingt-six ans, Dimitri, dix-huit ans, Laurence, quarante-deux ans : la liste est longue des utilisateurs de deux-roues qui ont perdu la vie cette année – elle compte plus de huit cents noms. Derrière ces chiffres, des drames, des vies brisées, des familles désespérées.

Depuis plusieurs années, le nombre de morts sur les routes diminue, mais celui des conducteurs de deux-roues ne cesse d'augmenter. En octobre, l'augmentation par rapport au mois d'octobre 2008 était de près de 25 %.

Ces chiffres le prouvent, un jeune – ou un moins jeune – qui pilote un scooter ou une moto risque sa vie en permanence. Le nombre croissant des utilisateurs, la fréquence et la durée d'utilisation aggravent le problème. J'ai pratiqué la moto et je connais bien le problème : un motard n'est pas protégé par une carrosserie ; un simple accrochage peut provoquer de grands traumatismes, voire des handicaps définitifs, quand il n'entraîne pas la mort.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation, car il n'y a pas de fatalité. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour assurer une meilleure sécurité aux utilisateurs de deux-roues, pour que ceux-ci soient davantage visibles des automobilistes, pour que les infrastructures routières soient mieux adaptées ? Quelles mesures allez-vous prendre pour que cesse cette hécatombe ? (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Estrosi !

Debut de section - PermalienDominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports

Madame la députée, vous avez fait résonner trois prénoms dans cet hémicycle : Julien, Dimitri, Laurence. Cela doit être terrible pour ceux qui les connaissaient, et vous avez cité des chiffres qui sont, c'est vrai, très inquiétants : 844 motards et 313 conducteurs de cyclomoteurs ont été tués l'an passé. Nous pouvons d'ailleurs tous constater, dans nos communes, la dangerosité de certaines conduites. Ces accidents représentent 20 % des morts sur la route – dans un bilan qui, certes, a plutôt tendance à diminuer, mais les chiffres n'en sont pas moins inacceptables.

Avec Brice Hortefeux et Jean-Louis Borloo, nous avons étudié de très près les résultats du mois d'octobre, où l'on constate une certaine baisse – nous n'avons pas encore les chiffres définitifs de novembre. On déplore, en octobre, la mort de 79 motocyclistes – 771 depuis le début de l'année.

Nous avons demandé au préfet Étienne Guyot de rencontrer toutes les associations, les maires, les élus, et de nous faire des propositions sur les règles, sur les véhicules – faut-il prévoir un contrôle technique ? –, sur la formation et le noviciat – faut-il un permis à points ? –, sur les infrastructures, sur la connaissance des causes d'accidents.

Les préconisations du rapport Guyot seront rendues publiques au cours du premier trimestre de l'an prochain. Nous vous y associerons, madame Colot, puisque vous connaissez bien ce sujet.

Le Premier ministre réunira prochainement un comité interministériel de la sécurité routière, à l'issue duquel nous annoncerons, avant même le premier trimestre, de nouvelles mesures.

Enfin, nous menons actuellement une campagne « Mortel scooter », que tout le monde a pu voir dans les médias et qui a pour but de contribuer à éduquer les jeunes. Nous devons également jouer notre rôle de parent. Il n'y a d'ailleurs pas que des jeunes parmi les motocyclistes victimes d'accidents. Nous devons nous mobiliser. Nous souhaitons, chère madame Colot, que les trois prénoms que vous avez cités soient les derniers à retentir aussi tristement dans cet hémicycle. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Sécurité des utilisateurs de deux-roues

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de loi pour un tiers secteur de l'habitat participatif, diversifié et écologique (nos1990, 2088).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord excuser notre collègue Noël Mamère, empêché d'être parmi nous aujourd'hui. Croyez bien qu'il le regrette bien, puisqu'il est le principal auteur et le rapporteur de cette proposition de loi pour un tiers secteur de l'habitat participatif et écologique, débattue jeudi dernier lors d'une séance d'initiative parlementaire du groupe GDR.

« Débattue » est toutefois un bien grand mot, puisque, malheureusement, le groupe UMP a alors déserté les bancs de notre hémicycle, sinon le débat, à une exception près. C'est – hélas ! – devenu une habitude pour lui, voire l'attitude qu'il adopte systématiquement lors des séances d'initiative parlementaire réservées aux groupes de l'opposition. Voilà qui en dit long sur ce que nos collègues appellent le « renforcement des pouvoirs du Parlement » – expression malheureusement bien éloignée de la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Par contraste, je tiens à saluer l'intervention prononcée par notre collègue Geneviève Gaillard au nom du groupe SRC, mais également celle de notre collègue UMP Étienne Pinte. Elles auront montré qu'un débat utile est possible pour peu que l'on abandonne les postures politiciennes pour s'intéresser au fond,…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…ce qui vaut le coup, me semble-t-il, dans le domaine du logement.

Nos collègues du groupe SRC avaient d'ailleurs déposé une proposition de loi il y a quelques mois, défendue par M. Le Bouillonnec et que nous avions soutenue. Notre collègue Pierre Gosnat expliquera tout à l'heure notre vote, également favorable, sur la proposition qu'il a également défendue sur ce sujet, ô combien important, du logement.

Notre proposition de loi est au croisement de trois préoccupations majeures : le défi écologique du logement ; la justice sociale, car elle nous donne de nouveaux outils d'accès au logement ; la démocratie participative, car elle autorise les habitants à s'organiser pour construire de nouveaux logements.

Le but est bien de tracer une autre voie, entre la promotion privée et l'habitat public aujourd'hui structuré autour du mouvement HLM. En matière de logement comme en d'autres, le marché ne peut pas tout régler : les crises du marché de l'immobilier sont malheureusement là pour le démontrer régulièrement. Pour autant, la puissance publique ne peut pas. Il est donc utile de favoriser l'initiative privée, surtout quand elle est collective et qu'elle permet l'exercice d'une solidarité active. C'est tout l'esprit du mouvement coopératif, qui, dans le domaine du logement, existe depuis longtemps et a joué un rôle déterminant en certaines périodes de notre histoire. Je songe notamment au mouvement des Castors, particulièrement implanté en Bretagne et dans l'ouest de la France, qui a permis à beaucoup de Français d'accéder à la propriété de logements qu'ils avaient eux-mêmes construits ou contribué à construire grâce à l'échange de savoir-faire.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Mon collègue Yves Cochet, présent à mes côtés, y a lui-même participé et a ainsi construit sa maison.

Le mouvement coopératif pourrait aujourd'hui connaître un nouvel essor. Il permettrait d'associer pleinement les futurs habitants des éco-quartiers que de nombreuses communes veulent construire. Au-delà de cet aspect participatif, ce sont souvent de nouvelles technologies de construction qui sont utilisées. Or le code de l'urbanisme et le code de la construction ne sont plus toujours adaptés à ces nouveaux projets, pourtant pleinement en phase avec le Grenelle de l'environnement.

Or des initiatives de ce type existent dans d'autres pays, notamment en Italie, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Des tentatives ont vu le jour dans certaines villes françaises, comme Lyon et Toulouse. C'est pourquoi nous souhaitons, par cette proposition de loi, créer un droit à l'expérimentation.

L'article 34 de la loi du 13 juillet 2006 avait permis de faire un premier pas, un petit pas. Nous proposons d'aller plus loin. Les députés du groupe GDR, notamment les députés verts et les députés ultramarins du groupe, voteront cette proposition de loi. Nous invitons les autres groupes à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Ce texte de nos collègues du groupe GDR et des Verts entend traiter la question de l'habitat participatif, de l'habitat coopératif, l'habitat mobile et des logements vacants – autrement dit, il aborde tout à la fois. Mais si l'on se place du point de vue de l'efficacité, est-on sûr que les mesures proposées sont véritablement opérationnelles ?

L'introduction de la notion de logement décent dans les textes de lois, saluée sur l'ensemble des bancs de cette assemblée n'a pas permis la disparition des marchands de sommeil. Selon les estimations, la France compte entre 400 000 à 600 000 logements indignes, ce qui est déjà considérable.

En matière de logement, toute initiative doit être considérée, car le problème, de taille, est crucial. L'examen attentif de votre proposition de loi invite à conclure – on peut le regretter – à son imperfection.

Qui plus est, ce texte laisse à penser que le budget pour le logement pour l'année 2010 ne comporte aucune disposition en faveur de la création, de la rénovation et de l'ensemble des actions menées en faveur du logement, ce qui est tout à fait réducteur et, à certains égards, simpliste.

Certes, depuis cinquante ans, nous avons pu constater que la croissance du nombre de ménages et donc des besoins en logements a toujours été plus rapide que celle de la population. Surtout, les besoins se font sentir de manière différenciée selon que l'on se trouve dans de grandes agglomérations, dans des villes moyennes, dans des secteurs rurbains ou dans des secteurs ruraux profonds.

Ce desserrement est également lié au vieillissement de la population et à certaines évolutions démographiques à l'origine de la démultiplication des besoins de logements. Cela explique l'inadaptation de l'offre de logement à laquelle je faisais allusion ; celle-ci doit évoluer pour répondre aux nouvelles demandes spécifiques, ce que votre texte, compte tenu de l'analyse des besoins dont il procède, ne permet pas – il n'est qu'à prendre le cas des seniors des classes moyennes, souvent confrontés à une baisse de leur niveau de vie qui les empêche de conserver un logement en centre-ville.

Nos collègues Mamère, Cochet et de Rugy, évoquent dans leur proposition de loi, de nouvelles demandes de logement, faisant notamment référence à l'habitat à l'année dans les campings : « Des habitants décident délibérément de choisir ce type d'habitat ou de s'adapter à leurs besoins. » C'est atteindre, me semble-t-il, les limites de l'indécence : dans la majorité des cas, il ne s'agit pas de choix mais, vous le savez, de situations subies. Ouvrir une telle brèche reviendrait à condamner des gens à résider en habitat mobile, à les enfermer dans une situation de précarité alors qu'elles n'ont jamais souhaité y rester. Vous appelez vous-mêmes, chers collègues, à des détournements divers du système plutôt qu'à son amélioration. C'est un choix, mais ce n'est pas le nôtre.

Vous appelez au développement du système coopératif ; en tant que membre de la fédération nationale des coopératives HLM, j'y suis très attaché. Nous ne pouvons que souscrire à cet objectif, et les Français peuvent bien entendu se reconnaître dans le secteur de l'économie sociale et solidaire ; mais, malgré les bonnes intentions manifestes de votre proposition de loi, nous estimons que les dispositifs qu'elle tend à mettre en place sont trop complexes pour qu'elle puisse trouver une traduction dans les faits. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) C'est cela qui nous sépare.

Oui, nous approuvons et encourageons le développement de l'action de l'État en faveur de l'habitat social. Je reviendrai d'ailleurs sur la proposition faite à plusieurs reprises, par l'UDF puis par le groupe Nouveau Centre, d'instaurer un dispositif de location-attribution, forme de location avec option d'achat d'un logement social. Elle aurait tout à fait pu trouver sa place dans votre texte ; nous regrettons donc qu'elle n'y figure pas.

Redoublons d'efforts en matière de prêts à taux zéro, de 1% logement – nous avons déjà abordé cette problématique – et d'éco-subventions.

Pour le Nouveau Centre, l'enjeu des politiques du logement réside dans le développement de l'offre pour les ménages à revenus modestes, la maîtrise des dépenses énergétiques, la lutte contre la précarité et l'amélioration de la qualité de la vie en général.

Nous sommes au regret de constater que le texte proposé est quelque peu imprécis et incomplet et manque, à certains égards, d'ambition. C'est pourquoi nous ne le voterons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin.

La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Les mesures proposées par ce texte nous paraissent largement insuffisantes, voire dangereuses. Je le montrerai avec quelques exemple.

L'article 3, portant sur l'expérimentation écologique est dangereux, car il pourrait conduire à l'absence de possibilités de recours en cas de malfaçons.

L'article 4 est pour sa part insuffisant. Il s'agirait, une fois de plus, de faire appel au 1 % logement, déjà très fortement sollicité dans le cadre de l'Agence nationale de l'habitat et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. N'en jetez plus !

L'article 8 est également insuffisant : tel qu'il est rédigé, il rendrait impossible l'implantation d'habitations légères en-dehors des périmètres prévus et n'en permettrait aucune si le PLU ne prévoit rien de tel.

L'article 9 l'est tout autant. Il pourrait même contribuer à précariser davantage les habitants qu'il s'agit plutôt d'aider.

L'article 10 est quant à lui dangereux, car il romprait l'équilibre extrêmement fragile qui existe entre le droit de propriété et le droit à l'accès à un logement décent, que nous n'entendons pas modifier.

L'article 12, portant sur la cogestion de la vie dans les foyers, n'est pas non plus sans dangers : il pourrait notamment avoir pour conséquence de bloquer la réalisation de travaux nécessaires à la sécurité et au bien-être des occupants.

Sur un plan général enfin, cette proposition de loi contient de très nombreuses dispositions totalement et purement théoriques qui me conduisent à me demander si l'on n'attend pas aujourd'hui de la loi ce que l'on attendait autrefois de l'imposition des mains sur les écrouelles. Est-ce bien raisonnable ? Je comprends que l'on puisse se laisser aller à quelques digressions déclaratives ; mais le but du législateur n'est-il pas d'élaborer des règles rationnelles, certes plus austères mais, espérons-le, plus efficaces que celles que vous nous proposez ?

Telles sont les raisons pour lesquelles nous rejetterons ce texte. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Gaillard

La semaine dernière, l'ordre du jour a permis d'examiner deux propositions de loi issues de l'opposition : celle de Noël Mamère, sur laquelle nous sommes appelés à voter dans un instant, et celle de M. Gosnat. Toutes deux ont trait au logement, ce qui prouve que les parlementaires, particulièrement de l'opposition, sont conscients des problèmes que rencontrent nos concitoyens dans ce domaine.

Que proposait le texte de M. Mamère ? Rien de plus que des ajustements du droit existant, visant à doter les communes et la société tout entière d'outils nouveaux, afin de sortir de la crise. Pourtant, la majorité UMP n'a pas voulu participer au débat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et le Gouvernement a, comme d'habitude, demandé la réserve des votes sur les articles et les amendements. Est-ce sérieux, alors que tant de nos concitoyens attendent avec impatience d'être logés convenablement ?

Que proposait encore ce texte ? La création et la reconnaissance d'un secteur coopératif et participatif qui contribue à ouvrir le champ des solutions. J'entends bien l'argument de M. Piron, qui a jugé certains articles dangereux. Dans ce cas, pourquoi ne pas en discuter, afin de les amender, ce qui nous permettrait à tous d'avancer ?

Les mesures présentées osent un changement d'approche. Elles reposent sur la mobilisation de tous les acteurs de la société. En cela, il me semble indispensable de les discuter, de les étudier et de les amender. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

À la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets aux voix par un seul vote les articles 1er à 12, ainsi que l'ensemble de la proposition de loi, à l'exclusion de tout amendement.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 452

Nombre de suffrages exprimés 452

Majorité absolue 227

Pour l'adoption 176

Contre 276

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de loi visant à prendre des mesures urgentes pour le logement (nos 1993, 2087).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Gosnat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, chers collègues, je veux d'abord dire à nos collègues de l'UMP le plaisir que nous avons à les voir aussi nombreux dans l'hémicycle pour exprimer leur position sur la proposition de loi présentée par les députés de la Gauche démocrate et républicaine.

Je m'interroge néanmoins sur leur absence, jeudi, lors du débat de fond. Les bancs de la droite étaient un véritable désert, à l'exception notable du soldat Michel Piron.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo Piron !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Chers collègues de l'UMP, les députés d'opposition jouent le jeu de l'initiative parlementaire. Même s'ils ne se font guère d'illusion quant au sort réservé à leurs propositions, ils tiennent à soumettre à la représentation nationale un ensemble de mesures destinées à ouvrir le débat politique. Malheureusement, votre absence en séance et l'utilisation par le Gouvernement de l'article 96 paralysent toute discussion. La réforme du règlement censée conférer plus de pouvoir aux parlementaires, notamment à ceux de l'opposition, n'est que poudre aux yeux. Les niches parlementaires sont de véritables parodies de démocratie et le procédé ne grandit pas l'institution. Le débat se réduit à une suite de déclarations générales et d'échanges contraints, la discussion article par article étant rendue impossible par l'imposition abusive et systématique de la réserve. Pourtant, un échange s'imposait sur chacune des dispositions du texte.

La proposition de loi comporte une série de mesures concrètes d'application immédiate. Vous le savez, l'article 40 de la Constitution limite grandement l'initiative parlementaire en interdisant toute proposition engageant le moindre euro de dépense ; autant dire que, en matière de logement, l'exercice s'avère du coup très délicat.

Pourtant, nous avons élaboré un texte dont les mesures, si elles étaient adoptées, auraient une répercussion immédiate sur la population : je pense notamment au relèvement à 20 000 euros du plafond du livret A ou encore à l'augmentation du 1 % logement. Nous aurions souhaité entendre les arguments de la majorité sur le rôle conféré au logement social, puisque, dans l'article 1er, nous proposions d'en faire le garant d'un droit au logement pour tous.

Nous aurions aimé entendre ses arguments sur la limitation des loyers, charges et surloyers à 20 % du revenu des ménages : le logement, qui reste la première dépense des Français, engage actuellement près de 30 % de leur revenu. Cette mesure serait un signe fort pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Sur le renforcement des pénalités en cas de non-application de la loi SRU, nous aurions aimé entendre la position de nos collègues de l'UMP, particulièrement de ceux des Hauts-de-Seine, département où, sur trente-six communes, quatorze, toutes de droite, n'appliquent pas la loi.

Que pensent-ils enfin de la limitation des expulsions et de l'arrêt des coupures d'électricité et de gaz, que nous proposons d'interdire dans le cas des personnes en grande difficulté économique et sociale ? En temps de crise, avec un chômage qui a bondi de plus de 20 % en un an, une telle interdiction nous semble salutaire. Pourtant, M. le secrétaire d'État nous a opposé une fin de non-recevoir.

Un des objectifs de la proposition de loi était d'ouvrir le débat sur l'application de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Dix mois après son entrée en vigueur, force est de constater que la situation n'a guère évolué. Pire, offices HLM et locataires sont de plus en plus nombreux à s'inquiéter de l'application des conventions d'utilité sociale en 2010. Avec cette mesure, le Gouvernement joue le coup de force : il prive des milliers de locataires de leur logement et place sous tutelle les bailleurs sociaux sommés d'appliquer sa politique, sous peine de ne plus bénéficier des aides à la pierre.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Après le Grand Paris, la réforme des collectivités et la loi Hôpital, l'autoritarisme gouvernemental revient encore une fois en force. Parce que nous y sommes fermement opposés, nous proposons de rendre les CUS facultatifs.

Pour toutes ces raisons, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche appellent à voter le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les chiffres de l'INSEE révèlent la gravité de la crise actuelle du logement. La France compte environ 100 000 sans-abri et 3,5 millions de personnes mal logées : des gens qui vivent dans les caravanes et les hébergements d'urgence, familles nombreuses en chambre d'hôtel, auxquelles s'ajoutent plus de 6,5 millions de personnes en situation de réelle fragilité de logement à court ou à moyen terme. Avec la présente crise économique, la situation des sans-abris et des mal-logés se détériore à un rythme inquiétant.

Certes, de nombreuses mesures ont été prises afin d'améliorer cette situation préoccupante. Ainsi, la loi DALO, instaurant le droit au logement opposable, a permis d'accélérer le relogement des personnes démunies dans de nombreuses régions de France. Cependant, dans la réalité, la situation des mal-logés en Île-de-France continue de se dégrader. Fin juin 2009, au moins 7 250 ménages désignés comme prioritaires, dont 6 500 pour la seule région parisienne, n'ont pas pu obtenir une offre de logement dans le délai prévu par la loi. À la fin du mois de septembre, le problème s'est aggravé, atteignant 9 780 ménages, dont 8 878 Franciliens. Si cette loi était nécessaire – nous avions d'ailleurs cet engagement –, elle s'avère insuffisante. Le Gouvernement a entendu notre position à ce sujet.

Ainsi, le secrétaire d'État au logement a détaillé récemment un plan d'aide aux sans-abris. Il a notamment annoncé la mise en place dans les six prochains mois d'un référent personnel chargé de suivre chaque sans-abri. Nous nous félicitons de cette nouvelle action. M. Apparu a également annoncé la mise en place, au 1er décembre, d'un outil informatique permettant de recenser l'ensemble des places d'hébergement d'urgence disponibles dans la capitale. Ce sera un outil essentiel. Enfin, un planning permettra de mieux coordonner les maraudes effectuées par les associations. Par ailleurs, les personnes en capacité d'accéder au logement seront orientées immédiatement vers une solution durable plutôt que vers des hébergements d'urgence. Il faut faire preuve de pragmatisme et de volonté politique. Tels sont bien les objectifs de l'action engagée.

Le sénateur maire socialiste de Dijon, François Rebsamen a qualifié ce plan d'urgence de « nécessaire » mais de « désespérant, dans la mesure où, chaque hiver, on découvre ou redécouvre une situation aggravée » et que « d'année en année, de plus en plus de nos concitoyens sont condamnés à vivre et dormir dans la rue ». Nous sommes d'accord avec lui : « Il est fondamental de s'attaquer, en amont, à l'offre de logement. »

Le groupe Nouveau Centre juge nécessaire de prendre des mesures urgentes face à la crise du logement. Mais la vision ne doit pas être restreinte, comme l'est la proposition de loi qui, parce qu'elle ne prend en compte que l'urgence, reste sur des solutions à court terme. Or les solutions dont nous avons besoin et que soutient le Nouveau Centre portent sur le long terme et visent à proposer une perspective d'avenir aux mal logés. Il importe de définir ensemble une stratégie cohérente répondant efficacement à une crise qui dure depuis bien trop longtemps.

Les mesures présentées au titre premier de la proposition de loi – interdiction des expulsions de personnes en grande difficulté économique ou sociale, interdiction de couper l'électricité ou le gaz pendant la trêve hivernale aux personnes en grande difficulté ou mobilisation des logements vacants –, qui nous semblent pertinentes, devraient être mises en oeuvre. En revanche, les dispositions relatives au financement de la politique du logement figurant au titre III, ne nous paraissent pas adéquates : elles méritent d'être retravaillées.

Il est temps d'agir et de définir ensemble une politique publique du logement dépassant la simple réponse d'urgence à une crise et répondant efficacement aux besoins des personnes non ou mal logées.

Ne nous trompons pas : le Nouveau Centre adhère aux objectifs de la politique du logement, mais il entend travailler à une définition toujours plus complète et efficiente de cette politique. Aussi comprendrez-vous que nous ne prenions pas part au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'indique d'ores et déjà que le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Piron.

Debut de section - PermalienPhoto de Albert Facon

En voilà un qui fait des heures supplémentaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Mes chers collègues, la proposition soutenue par M. Gosnat avec une courtoisie que je salue ne peut malheureusement recueillir notre approbation, et ce pour différentes raisons.

En premier lieu, le choix d'une nouvelle loi est mal venu sur un thème dont nous avons débattu si longuement, votant successivement la loi ENL, la loi DALO, puis la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. L'adoption d'un nouveau texte créerait encore plus d'instabilité juridique, alors même que certaines lois votées sont loin d'être appliqués – il est vrai que nous en avons produit beaucoup. Je ne suis donc pas certain que ce soit de textes dont nous ayons le plus besoin : il faut surtout appliquer ceux qui existent, voire faire paraître les derniers décrets d'applications toujours attendus.

En second lieu, sans aller jusqu'à prétendre qu'il ait permis d'apporter une solution à tout et partout, reconnaissons que depuis 2002 l'effort ne s'est jamais démenti : jamais on n'avait fait un tel effort en faveur du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Pour ce qui est du logement social, jamais on n'en avait financé un tel nombre depuis plus de vingt-cinq ans sans doute: 105 000 cette année. Et on en a produit 80 000 sur un total de 305 000 à 310 000. L'Union sociale pour l'habitat qui représente l'ensemble des bailleurs sociaux a salué cet effort contracyclique tout à fait remarquable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

On peut nier l'évidence, elle n'en est pas moins là.

S'agissant de vos propositions précises, il en est une dont je ne peux récuser l'intention, mais dont je ne peux que récuser la lettre. Prétendre garantir à tout citoyen le droit d'accéder à un logement équivaut à affirmer que la totalité de la population devient éligible au logement social. Pour notre part, nous avons fait un autre choix – gouverner, c'est choisir, disait déjà Mendès-France. Le choix que nous avons fait, c'est de destiner le logement social aux plus démunis et à ceux qui en ont besoin en priorité. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle nous avons révisé les plafonds de ressources.

Autre proposition, étendre la trêve hivernale. Au moins est-ce déjà reconnaître son existence. Faut-il aller jusqu'à rompre l'équilibre fragile entre propriétaires et locataires ? Sans juger utile de nous y appesantir, il nous semble que cet équilibre doit être préservé.

En tout état de cause, notre engagement en faveur du logement représente cette année 34 milliards d'euros. Il ne s'est pas démenti depuis sept ans, je l'ai dit. Je n'aurai pas l'outrecuidance de prétendre que nous répondons à tous les besoins et partout ; mais je voudrais qu'on reconnaisse que le logement, et notamment le logement social reste bien au premier rang de nos priorités. C'est pourquoi j'appelle le groupe UMP à ne pas voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, mes chers collègues, depuis un an, notre pays traverse une crise économique qui pénalise fortement le pouvoir d'achat des Français, déjà bine malmené auparavant. Leurs difficultés pour faire face à leurs dépenses quotidiennes s'aggravent et le logement constitue le premier poste de dépense, avec près de 40 % du budget des plus modestes.

La crise n'est pas seule responsable. Cette situation désastreuse est d'abord la conséquence directe du désengagement financier de l'État depuis 2002 et de la politique hasardeuse et clientéliste de la droite. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

L'État ne peut plus être un observateur passif de cette situation qui se dégrade ; il doit réagir car il est le garant du droit au logement.

Votre majorité est aux affaires depuis de nombreuses années maintenant et les gouvernements successifs sont responsables des conséquences de vos choix politiques. Ils sont comptables de cette vision libérale du logement qui veut en faire un bien comme un autre.

Votre Gouvernement doit répondre devant les Français et devant la représentation nationale de ce bilan calamiteux : alors que l'on recense 1 400 000 demandeurs de logements HLM, vous vous entêtez à privilégier les avantages fiscaux sans effet réel sur l'offre de logement. Baisse du financement de la surcharge foncière dans les lois de finances pour 2009 et pour 2010, baisse de la subvention unitaire de l'État en faveur des PLUS, qui passera cette année de 2700 à 1 000 euros : autant de choix qui sont les vôtres, monsieur le secrétaire d'État, et que vous devez assumer… On sait quelles sont vos priorités !

On peut tout justifier, tout travestir, mais, ne vous en déplaise, on ne peut pas mentir sur ce que les Français vivent au quotidien. Nous sommes des élus de terrain : dans nos permanences, dans nos rues, on nous interpelle, vous le savez bien, pour nous dire les fins de mois difficiles, la peur du lendemain, l'angoisse de ne pas trouver de logement, l'angoisse d'être expulsé et de se retrouver dans la rue. Nous vous offrons la possibilité de faire un autre choix et d'oeuvrer pour l'intérêt général en adoptant les mesures urgentes que nous présente notre collègue Pierre Gosnat pour le groupe GDR.

Nous vous proposons notamment de revenir sur la réduction de trois ans à un an du délai d'expulsion par la loi MOLLE et d'accorder des délais supplémentaires si les personnes concernées ne sont pas relogées dans des conditions normales. Avec l'adoption de la loi DALO, c'est parfaitement envisageable.

Grâce à la baisse des plafonds de ressources pour accéder au parc social avec augmentation des surloyers de solidarité améliore certes les statistiques officielles. Mais une tranche de la population se retrouve dans l'impasse puisqu'elle est dans l'incapacité de se loger dans le privé. Le nombre des expulsions locatives n'ont cessé de croître ; elles redoubleront une fois passée la trêve hivernale.

Mettre un terme à la crise du logement passe également par une pérennisation des moyens consacrés au logement social.

Acceptez donc de doubler les amendes sur les logements vacants et facilitez leur réquisition. C'est une arme de dissuasion, comme l'a dit très justement notre collègue Etienne Pinte.

Il n'y a pas assez d'argent pour financer la construction du logement social ? Relevez donc le plafond du livret A, afin d'augmenter les encours destinés au logement social tout en confortant l'épargne populaire.

Appliquez enfin strictement l'article 55 de la loi SRU et augmentez les amendes contre les communes récalcitrantes !

Il est nécessaire, urgent d'adopter ces mesures. L'État doit pouvoir compter sur un véritable service public du logement pour être à même de mener une politique efficace. Il ne doit plus se décharger sur les collectivités locales, sur les partenaires sociaux, notamment les gestionnaires du 1 % et sur les bailleurs sociaux.

Mener une politique publique du logement efficace nécessiterait d'agir tout au long de la chaîne du logement. D'abord, pour l'hébergement d'urgence, cessez les annonces médiatiques et agissez vraiment. Il faudrait aussi que l'État s'engage de nouveau à hauteur de 2 % du PIB pour l'aide à la pierre et la construction effective de 120 000 logements vraiment sociaux, via les PLUS et les PLAI.

Opérez ce changement de cap : les circonstances l'imposent et les Français l'attendent. Adoptez cette proposition de loi dont les mesures sont pertinentes. Pour sa part, le groupe SRC le fera. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

À la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets aux voix par un seul vote les articles 1 à 9 et l'ensemble de la proposition de loi, à l'exclusion de tout amendement.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 472

Nombre de suffrages exprimés 470

Majorité absolue 236

Pour l'adoption 188

Contre 282

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de loi instaurant une planification écologique (nos 1191, 2096).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Faut-il une planification écologique dans notre pays ? Lors du débat du jeudi 3 décembre, Mme la secrétaire d'État Chantal Jouanno m'a répondu que cela n'était pas nécessaire, que les lois du Grenelle suffisaient.

Au contraire, les députés du parti de gauche pensent que cette planification écologique est indispensable. C'est pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi cosignée par nos collègues communistes.

Indispensable, parce que la somme des changements de comportements individuels ne peut suffire à répondre aux enjeux et à l'urgence de la crise ; parce qu'il n'est pas possible de se limiter à une planification environnementale ; parce que la loi Grenelle 1 sur laquelle les signataires de cette proposition de loi se sont abstenus, est insuffisante, notamment parce qu'elle n'est pas assez prescriptive et qu'elle a été dévoyée si l'on se réfère au rapport issu des travaux du Grenelle.

Rappelons que non seulement notre assemblée n'a toujours pas examiné la loi Grenelle 2, mais que son examen est renvoyé à après les élections régionales. Pour l'environnement, il n'y a jamais urgence, contrairement à d'autres projets. Pourtant il y a une urgence climatique et plus globalement une urgence écologique.

Mais cette urgence ne peut être traitée sans tenir compte de l'économique et du social.

C'est pourquoi l'article 1er de notre proposition de loi précise : « le plan écologique détermine les choix stratégiques et les objectifs à moyen et long terme de la Nation dans les domaines économiques, sociaux, environnementaux et d'aménagement du territoire ainsi que les moyens nécessaires pour les atteindre. »

De même cette planification ne peut se faire que de manière démocratique, en y associant l'ensemble des acteurs sociaux et économiques, environnementaux ainsi que les collectivités territoriales et plus largement les citoyens, selon les modalités proposées par l'article 5.

« Planification écologique » aussi car aujourd'hui, s'il existe des contrats de projet État-région, des schémas d'aménagement des Régions et des lois de programmation sectorielles, il manque une vision d'ensemble et un outil qui permette de coordonner et de donner une cohérence à une politique au niveau national. En effet, trop de déclarations d'intentions sont contredites par les politiques mises en oeuvre. Ainsi, malgré les grandes déclarations sur la nécessité de répondre aux urgences écologiques de la loi Grenelle 1, on a accepté de poursuivre la construction des autoroutes, la construction ou l'agrandissement d'aéroports et de relancer le nucléaire avec la construction de l'EPR.

De même la libéralisation du rail et de l'énergie, les fermetures ou privatisations de services publics de proximité comme La Poste et les hôpitaux sont en totale contradiction avec une réelle politique d'aménagement du territoire.

De plus, nous ne pensons pas que la fiscalité puisse être l'outil principal pour répondre à l'urgence climatique et nous récusons le principe du marché des droits à polluer comme moyen de réduire les émissions de gaz à effets de serre.

Au laisser-faire libéral, comme au mythe du marché régulé, nous voulons opposer la volonté politique.

Pour promouvoir un modèle de progrès humain tout à la fois respectueux des écosystèmes et émancipateur pour les individus, assurant à toutes et tous les habitants, au sud comme au nord, la satisfaction de leurs besoins et une maîtrise réelle sur leur vie. Pour réduire l'empreinte écologique de nos activités, il faut nous donner les moyens de sortir du modèle productiviste à l'oeuvre sur toute notre planète. En tant que pays riche, et au même titre que tous les pays industrialisés, nous sommes débiteurs à l'égard des pays du Sud qui sont les premières victimes du réchauffement climatique alors qu'ils en sont très peu responsables. Nous devons donc montrer l'exemple.

L'économiste James Galbraith écrit : « soit la solution du problème du changement climatique sera planifiée par une autorité publique agissant avec la puissance publique, soit on déléguera sa planification à des entreprises privées dont la grande priorité est de vendre du charbon, du pétrole et des voitures qui consomment de l'essence. Si c'est la seconde voie qui est suivie, dans un siècle ou deux le monde industriel développé tel que nous le connaissons n'existera peut-être plus et beaucoup d'êtres humains n'existeront plus non plus. »

Voilà, chers collègues, les enjeux de la planification écologique que nous proposons par référence à celle que nous avons connue avec le Commissariat au plan et c'est pour ces raisons qu'au nom du groupe GDR, je vous appelle à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Monsieur le président, mes chers collègues, cette proposition de loi fait le constat de l'urgence écologique. Fort heureusement, nous le faisons tous sur les bancs de cet hémicycle et les mentalités de l'ensemble de la société ont largement évolué : Chacun est désormais convaincu qu'il faut lutter contre le réchauffement,

Aussi depuis plus de deux ans, grâce à la mobilisation de l'ensemble des forces vives de la Nation, la mutation écologique s'accélère. Cette mutation a modifié en profondeur la vie quotidienne de nos concitoyens et nombreuses sont les réalisations concrètes que l'on peut observer ces derniers temps en faveur du respect de l'environnement.

Ce foisonnement d'initiatives est soutenu et encouragé par le Gouvernement et les élus locaux. Le Grenelle de l'environnement aura été à ce titre un élément déclencheur fondamental sur le plan national, européen et désormais mondial.

Le Grenelle a été novateur sur plusieurs aspects : pour commencer, la société civile a été invitée à participer aux travaux de réflexion et de définition de projet stratégique pour une meilleure protection de l'environnement.

La configuration des cinq collèges de tailles égales regroupant des représentants de l'État, des collectivités territoriales, des entreprises, mais aussi des syndicats et des associations de protection de l'environnement : voilà la concertation populaire que vous appelez de vos voeux à l'article 5 de votre proposition de loi.

Vous soulignez ensuite le fait que l'initiative individuelle ne pourra suffire à changer la donne ; je vous rejoins sur ce point. Néanmoins, je vous rappelle que les engagements du Grenelle 1 et 2 entendent impliquer les acteurs privés et les acteurs publics. C'est bien une vision globale de l'ensemble des sujets environnementaux qui a été prise en compte dans la politique publique ainsi définie, elle concerne les secteurs de l'énergie, du transport, de la construction, de l'agriculture, et j'en passe.

Ajoutons, pour renforcer le poids de ces arguments, que le Président de la République, faisant le constat d'une crise climatique et écologique de grande ampleur, a impulsé une dynamique pour l'ensemble de la société, à court, moyen et long terme. La création du grand ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat est à cet égard le plus bel exemple d'une volonté d'agir dans le cadre d'une vision globale.

Aussi, pour le Nouveau Centre, l'instauration d'une planification écologique n'a-t-elle pas lieu d'être. Car dans les faits, la vision d'ensemble, la dynamique et les actions concrètes sont déjà bien là. La préoccupation écologique est présente dans l'ensemble de nos prises de décision, et loin de nous, l'idée qu'elle doive aboutir à une économie administrée.

Notre vision entend embrasser les engagements du Grenelle de l'environnement. Leur mise en oeuvre permettra d'aller vers des modes de production et de consommation durables,

Il reste encore beaucoup à faire, j'en conviens avec vous.

Il faut d'abord convaincre les plus sceptiques, car les changements doivent avant tout se faire dans les esprits.

Il s'agit ensuite d'investir dans des capacités de production toujours plus propres et renouvelables.

Il faut par ailleurs gérer les transitions professionnelles afin de développer les métiers verts, porteurs d'avenir. En la matière, nous soutenons les actions de notre secrétaire d'État, Valérie Létard, en faveur du développement de ces emplois : il y a 600 000 emplois à la clé, grâce à la croissance verte.

Enfin, il est nécessaire de déployer des politiques publiques vigoureuses et coordonnées. Je fais confiance au Gouvernement qui s'y est d'ores et déjà largement employé.

Mes chers collègues, l'objectif est de se diriger résolument vers une croissance verte qui fait face à l'urgence écologique. Il n'est toutefois pas nécessaire de choisir entre la croissance et la protection de l'environnement : la croissance doit reposer sur de nouveaux modes de consommation et de production plus sobres et plus justes. Telle est la vision du Grenelle : une vision globale et stratégique.

Aussi vous comprendrez que le Nouveau Centre ne soutienne pas cette proposition de planification écologique. Je tiens toutefois à remercier Mme Billard dont le texte permet, à nouveau, d'attirer l'attention sur l'enjeu écologique, ce n'est jamais trop pour cet enjeu fondamental. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous indique que le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Fabienne Labrette-Ménager, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Labrette-Ménager

Cette proposition de loi présentée par le groupe de la GDR se propose de développer un modèle alternatif de société, opposé au capitalisme et au productivisme, qui serait le fruit de décisions collectives impliquant l'ensemble des acteurs de la vie politique, économique et sociale. Elle comporte six articles qui visent à instaurer un plan écologique de la nation, à définir les orientations de la loi et à élaborer un plan écologique s'appuyant sur un commissariat à la planification.

Le groupe UMP partage l'objectif de la reconversion écologique de l'économie, mais le nouveau modèle de croissance que nous souhaitons, fondé sur un développement économique et social maîtrisé et durable, prenant en compte les limites de nos ressources naturelles, repose sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Le constat d'urgence est bien présent dans le Grenelle 1 et dans le Grenelle 2 ; il justifie d'ailleurs la lutte contre le réchauffement climatique menée par le Gouvernement. Ces deux textes constituent déjà un programme visant à assurer la transition écologique de notre pays en répondant aux préoccupations actuelles, notamment celles relatives à l'énergie, au climat, à l'agriculture, à la biodiversité et à la responsabilité environnementale des entreprises.

Les participations du public n'ont pas été oubliées dans le cadre du Grenelle, puisque de nombreuses réunions publiques ont été organisées en régions, tandis qu'un comité de suivi a été mis en place regroupant cinq collèges.

Enfin, le Grenelle s'appuie aussi sur l'engagement des collectivités territoriales, qu'elles soient régionales, départementales ou plus locales, en définissant des politiques d'aménagement et de développement durable.

Pour toutes ces raisons, le Groupe UMP votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Gaillard

Le groupe SRC soutiendra cette proposition de loi examinée – si l'on peut encore utiliser ce mot – la semaine dernière.

Il est indispensable que nous puissions, les uns et les autres, nous exprimer sur un certain nombre de termes souvent employés : ainsi, Mme Labrette-Ménager et de nombreux orateurs de la majorité confondent l'environnement, qui recouvre une notion bien plus large, et l'écologie, définie comme la science qui étudie l'équilibre des espèces, dont l'espèce humaine, leur permettant de vivre et de se développer.

Cette proposition de loi instaurant une programmation écologique était à demi soutenue par Mme Chantal Jouanno, la secrétaire d'État chargée de l'écologie, lorsqu'elle était présente en séance. Elle nous a rappelé à quel point la diversité biologique était menacée et nombre espèces, tant floristiques que faunistiques, condamnées à disparaître si des mesures indispensables n'étaient pas prises à temps. Mais le Grenelle de l'environnement embrasse des sujets beaucoup plus larges, même si plusieurs articles de la loi, en particulier ceux qui créent les trames bleue et verte, traitent précisément d'écologie. Mais comment ces trames bleue et verte pourront-elles permettre de préserver les équilibres ou les espèces alors qu'elles ne sont pas opposables au moment de l'élaboration des documents d'urbanismes ?

Programmer, c'est prévoir l'avenir, fixer des engagements, définir des objectifs, en particulier financiers : tout le texte de nos collègues devait permettre de mettre en place une telle programmation. Il était donc indispensable de discuter des articles de la proposition de loi et, le cas échéant, de les amender. Malheureusement, comme cela est désormais régulièrement le cas, les parlementaires de la majorité n'étaient pas présents – à l'exception de quelques-uns ou de quelques-unes. Nous n'avons donc pas avancé, ce que je regrette d'autant plus que le Gouvernement a demandé la réserve des votes pour aujourd'hui.

Pour ma part, au nom du groupe socialiste, je continue de penser qu'il est indispensable de discuter de textes de cette nature pour progresser dans la prise en compte de l'environnement, mais aussi de l'écologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

À la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets aux voix par un seul vote les articles 1er à 6 ainsi que l'ensemble de la proposition de loi, à l'exclusion de tout amendement.

Je rappelle que chacun doit regagner sa place et voter exclusivement pour lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 444

Nombre de suffrages exprimés 440

Majorité absolue 221

Pour l'adoption 157

Contre 283

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de résolution estimant urgente la création d'un service public bancaire et financier ainsi que d'un pôle public financier, afin de favoriser le développement humain (2003).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l'industrie, mes chers collègues, la semaine dernière, beaucoup d'entre nous ont été scandalisés par l'action de Greenpeace dans cet hémicycle. Mais aujourd'hui, monsieur le président, c'est par le déroulement des journées d'initiative parlementaire que je suis outré, et je ne suis pas le seul, car la réserve de vote systématique dévalorise le travail de l'opposition.

Je veux réaffirmer notre conviction : il est urgent de créer un pôle public bancaire et financier.

Les rappels à l'ordre et les convocations des banquiers à l'Élysée ou à Matignon n'ont pas eu les effets escomptés. Si la majorité ne veut pas voir la destruction des entreprises et des emplois se poursuivre à un rythme effréné, si le Gouvernement ne veut pas que son plan de relance soit ruiné par l'irresponsabilité des banques, il faut forcer les établissements de crédit à financer l'économie réelle et à mettre un terme à la spéculation.

Actuellement, les banques ne remplissent pas leur mission de soutien et de développement des activités utiles ; elles sont trop occupées à soigner les dividendes de leurs actionnaires et à valoriser leur capitalisation boursière.

On ne peut pas, d'un côté, nous expliquer que les banques françaises sont solides, et, de l'autre, chercher à nous rassurer en nous expliquant qu'il existe un fonds de garantie destiné à couvrir les dépôts et titres en cas de défaillance…

La proposition visant à créer un pôle public bancaire et financier n'a rien d'idéologique, même si je n'ai rien contre les idéologies. Loin de moi la République des experts : dans la lutte des classes, il faut choisir son camp ! Toute globalisée et instantanée que soit notre économie, c'est bien l'efficacité économique et sociale qui impose la constitution d'un tel pôle public.

Pour cela, il faut bien aller contre les intérêts capitalistes.

Combien de situations délicates et de gâchis pourraient être évités, pour peu que, du local au national en passant par le plan européen, l'argent serve les activités réellement utiles ?

Nous proposons donc de mettre le crédit et l'épargne au service de l'emploi, de la formation et du développement maîtrisé des territoires. Pour accomplir ce projet réaliste, nous ne partons pas de rien. Nous nous réjouissons, par exemple, que la puissance publique intervienne pour soutenir les agriculteurs et les PME à travers OSÉO. Nous voulons simplement faire plus et mieux, sans faire la fine bouche ni prôner le tout ou rien.

Faire plus, c'est mettre le doigt sur la responsabilité des grands groupes, comme la Société générale ou la BNP, dont la force de frappe est sans commune mesure avec celle d'OSÉO ou même de La Banque Postale.

À son corps défendant, notre collègue Jérôme Chartier nous a confortés au cours du débat puisqu'il a été obligé de concéder que le caractère public d'OSÉO lui permet d'être le bras armé de la volonté publique.

Pour ce qui est de La Banque Postale, la droite ne ménage pas ses efforts pour nous expliquer qu'elle entend garantir que les capitaux restent 100 % publics.

Je pense donc déceler un consensus pour dire qu'il ne faut pas laisser la finance au privé.

Notre optique est la suivante : de nouveaux types de nationalisation seraient des points d'appui pour voir plus large. Notre collègue Christian Eckert a d'ailleurs parfaitement expliqué que la « participation de l'État dans les banques donnerait à ce dernier plus de facilité de contrôle et plus de présence afin de contribuer à la mise en oeuvre des politiques qu'il estime nécessaires ». Dans ce cadre, la propriété publique n'est pas une fin en soi, mais un moyen pour que, non seulement, l'État, mais aussi, les citoyens et les travailleurs acquièrent une maîtrise démocratique du comportement des banques.

Si des régulations plus fortes sont indispensables, nous doutons que l'on puisse réorienter fondamentalement le crédit et les pratiques en laissant en place la clique actuelle des actionnaires.

Pour ce qui est de mieux faire, c'est très simple. Nous pensons que la puissance publique doit jouer le rôle de facilitateur et garantir le bien commun, par l'initiative et le contrôle des salariés et des usagers. Vous noterez que je ne parle pas de clients : nous nous situons dans le cadre d'un nouveau service public.

Vous le voyez, nous ne proposons pas de vieilles recettes qui n'ont jamais marché. C'est d'un beau projet démocratique qu'il est question, un projet d'aujourd'hui, qui place l'intervention populaire en son centre, bien différent des expériences de nationalisation passées ou actuelles.

Pour terminer, l'UMP critique le coût jugé insurmontable de notre projet. Je voudrais rassurer nos collègues, qui, tout en votant des déficits publics inédits, veillent au bon état de nos finances publiques – même si la démocratie n'a pas de prix : notre projet pourrait bien ne rien leur coûter. D'une part, donner des droits nouveaux d'intervention aux salariés ne coûte pas plus que l'encre du Journal officiel ; d'autre part, on peut parfaitement imaginer qu'en vertu d'un intérêt général supérieur, le possible transfert de propriété des banques se fasse sans indemnisation pour les gros actionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Voilà quelques garanties qui seront à même de rassurer nos collègues de la majorité.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite, mes chers collègues, à adopter la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution du groupe GDR sur la création d'un service public bancaire et financier ainsi que d'un pôle public financier afin de favoriser le développement humain ne m'a guère étonné ; mais je dois bien avouer qu'à la lecture de ce texte, j'ai été doublement déçu.

Déçu que nos collègues de l'opposition ne mettent pas à profit le partage de l'ordre du jour récemment adopté pour proposer des solutions innovantes qui, à défaut de pouvoir convaincre la majorité d'entre nous, devraient au moins permettre de nourrir nos réflexions. Ce texte est avant tout idéologique. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Pis, il dénature l'essence même de l'idée de service public, car le service public, ce n'est pas l'intervention de l'État partout et tout le temps, mais quand il est le mieux placé pour se substituer aux initiatives individuelles.

Déçu également de voir combien cette proposition de résolution apporte des réponses éminemment simplistes et réductrices à la complexité du monde d'aujourd'hui. En fait, comme l'ont souligné nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jérôme Chartier la semaine dernière, le groupe GDR nous propose, une fois encore, des solutions éculées et inadaptées à un univers économique globalisé. Mesdames, messieurs les députés du groupe GDR, soyez pour une fois innovants et pragmatiques : ce qui a échoué hier n'a aucune raison de réussir aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Cela n'a pas pu échouer, puisque cela n'a encore jamais existé !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je vois trois raisons à cela.

La première tient justement au caractère mondialisé des flux monétaires et financiers. À la lecture de cette proposition de résolution, qui comporte notamment, je le rappelle, la nationalisation des principaux groupes bancaires français, j'ai eu le sentiment que la France était un îlot éloigné de toutes les réalités du monde, ce qui n'est évidemment pas le cas – et vous le savez bien. Cette vieille rengaine a donc encore moins de sens aujourd'hui qu'hier. Je suis, pour ma part, convaincu que l'issue de cette crise sera mondiale ou ne sera pas.

Deuxièmement, non seulement l'État ne peut pas tout, comme le laissent à penser nos collègues communistes, mais, surtout, il ne doit pas tout. Ce que nous a enseigné la crise, c'est que le principe de subsidiarité devait prévaloir en toute chose. Ainsi l'État a-t-il su, au plus fort de la crise, éviter la faillite de notre système bancaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

À situation exceptionnelle réponse exceptionnelle. Le reste du temps, c'est la régulation qui doit prévaloir, et non la préemption du secteur financier par l'État. Encadrer et contraindre plutôt que capter : tel est le sens de l'action du Président de la République et de sa majorité depuis le début de la crise financière. Aussi le groupe Nouveau Centre salue-t-il, depuis le début de la crise, l'entreprise de moralisation et de responsabilisation du capitalisme que nous appelons tous de nos voeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Par ailleurs, je tiens à vous rappeler que je suis moi-même favorable – M. Sandrier le sait – à l'instauration d'une taxe de type « Tobin », contre laquelle de nombreux députés de gauche, en particulier du PCF, avait voté au Parlement européen, en 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

En outre, je précise que la plupart des propositions qui figurent dans le texte dont nous discutons aujourd'hui feront l'objet de débats, cette semaine, puisqu'il sera notamment question de la lutte contre les paradis fiscaux lors de l'examen du collectif budgétaire. Au reste, la France est pionnière en ce domaine, puisqu'elle a adopté par voie législative les conclusions du sommet du G 20 de Pittsburgh notamment.

Enfin, le groupe Nouveau Centre et moi-même nous sommes toujours positionnés…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

…en faveur d'une responsabilisation des acteurs du monde de la finance, car nous sommes convaincus que le gain doit être proportionné aux risques encourus. Je vous renvoie ici à deux amendements que nous avons déposés en commission la semaine passée, visant, d'une part, à taxer les fameux carried interests au titre des traitements et salaires et, d'autre part, à empêcher toute dérogation à la taxe de 1 % sur les FCPI. Je m'étonne que vous n'ayez pas voté en commission ces deux dispositifs, dont nous reparlerons dans les prochains jours et que je vous invite, chers collègues de l'opposition, à voter avec nous.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe Nouveau Centre votera contre cette proposition de résolution, dont il me sera permis de dire, une nouvelle fois, le caractère démagogique et simpliste. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le président, une fois n'est pas coutume, je voudrais saluer la proposition de résolution des communistes visant à nationaliser les groupes bancaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

En effet, depuis un an, les deux seuls pays à avoir procédé à ce type de nationalisations sont le Royaume-Uni et les États-Unis d'Amérique. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe GDR.) Les libéraux ne sont donc pas forcément ceux que l'on croit ; les communistes sont très progressistes, ces derniers temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Contrairement à ce qu'a indiqué M. Candelier, le débat que nous avons eu jeudi fut très intéressant. Les membres du groupe GDR ont démontré que leur proposition de résolution était formidable ; nous avons, quant à nous, exposé les raisons pour lesquelles elle n'ajouterait rien à ce qui a été fait depuis un an pour lutter contre les effets de la crise financière.

Je vais en effet citer trois éléments caractéristiques d'un service public bancaire et financier qui ont inspiré les actions menées en France depuis quelques mois.

Premier élément majeur : la rapidité avec laquelle l'État français a apporté sa garantie aux banques afin que le crédit reste fluide. Ainsi que l'attestent les comparaisons mondiales, cette action rapide a provoqué dans notre pays un choc d'une puissance telle que la consommation a été soutenue. Il est vrai, en revanche, qu'elle n'a pas produit tous les effets escomptés en faveur des entreprises. Toutefois, le rapport du médiateur du crédit, qui a été remis aux parlementaires aujourd'hui, prouve qu'en la matière, la situation fut largement meilleure en France que dans les autres pays de l'Union européenne et dans la plupart des démocraties que l'on dit économiquement avancées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

L'engagement immédiat de l'État auprès des banques, au plus fort de la crise, pour soutenir les conditions du crédit a donc été efficace.

Deuxième élément important : nous avons, en France, un dispositif quasiment unique au monde, la banque OSÉO. Celle-ci accorde, aux côtés des établissements bancaires, sa garantie aux entreprises dont le bilan pourrait faire apparaître les plus grands risques, mais elle finance également les situations dites intermédiaires, en intervenant auprès des très petites entreprises, des artisans, par exemple, pour financer, avec des garanties relativement faibles, leur trésorerie lorsqu'elles réalisent un chantier pour lequel elles seront payées ultérieurement. Encore une fois, il s'agit d'un dispositif financé par une banque publique et qui est unique au monde.

Ces deux éléments suffisent à démontrer que la nationalisation des banques n'apporterait rien à ce qui est fait actuellement.

Or il existe un troisième élément. Lorsque l'État doit, seul ou avec des partenaires européens, devenir majoritaire au sein d'un établissement bancaire parce que celui-ci en a besoin – je pense, bien entendu à la banque Dexia –, il n'hésite pas à intervenir de façon rapide et puissante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Si les résultats de Dexia sont aujourd'hui encourageants, c'est grâce à l'intervention de l'État français. Toutefois, cette position ne doit pas être définitive : à terme, l'État devra se désengager de la banque.

Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles rien ne justifie, aujourd'hui, la création d'un service public monétaire et financier. Le groupe UMP s'opposera donc à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le président, mes chers collègues, qui peut douter aujourd'hui de l'opportunité d'un texte abordant la question des banques, de leur régulation, du service public et de la création d'un pôle financier, comme nous l'ont proposé nos collègues du groupe GDR ? Eh bien, les députés de droite et le Gouvernement, qui ont esquivé le débat, jeudi dernier. Quel culot !

Les banques jouent un rôle déterminant dans l'économie, aussi bien réelle que virtuelle. Il faut, à notre sens, légiférer en la matière. En effet, le code de bonne conduite que quelques-uns acceptent, lors d'une invitation à l'Élysée, après une admonestation amicale est, selon nous, insuffisant, voire méprisant.

Quel est le rôle des banques ? Assurer l'accès de tous nos concitoyens au service bancaire, assurer l'accès au crédit des particuliers, des agriculteurs et des entreprises, qu'il s'agisse des PME, des TPE ou des grandes entreprises. Leur rôle n'est pas de spéculer pour gonfler des bulles plus ou moins artificielles ou pour fabriquer du papier plus ou moins volatil.

Quel est le rôle de l'État ? S'assurer que le service est rendu, que l'argent des déposants est garanti, que le rôle de prêteur, qui permet d'alimenter et de faire fonctionner l'économie, est bien exercé, et que le risque pris en prêtant et en investissant ne dépasse pas les capacités des établissements à assurer, avec leurs fonds propres, la stabilité de l'édifice financier. Tout cela impose une régulation et une surveillance.

La crise dite financière que nous avons connue – et que nous connaissons encore – était inscrite dans les comportements. Je me souviens ainsi des propos du candidat Sarkozy vantant les mérites des prêts américains, érigés en modèles. Je me souviens également des propos larmoyants de Christine Lagarde, ministre de l'économie, qui vantait, au mois de juin 2007, les mérites de la place londonienne, en versant des larmes sur les pauvres traders, obligés de faire la queue à la gare du Nord pour prendre l'Eurostar en classe affaires afin de se rendre dans le paradis londonien !

Cette crise nous a démontré les failles des systèmes de régulation. Elle nous oblige à renforcer la présence de la puissance publique, donc de l'État, dans les mécanismes financiers. Elle nous conduit à revoir les différents outils. Je pense aux agences de notation, à la fois juges et parties, dont le comportement a été dénoncé à juste titre. Je pense à la titrisation, qui permet de véhiculer des avoirs, actifs ou passifs, en faisant en sorte que plus personne ne sache, après quelques manoeuvres, qui est qui et qui doit combien à qui. Je pense aux rémunérations des dirigeants, des traders et des différents acteurs, qui dépassent toute imagination. Je pense aux systèmes plus ou moins sophistiqués, comme les leveraged buy-out – ou LBO –, qui permettent de racheter en s'endettant, de se rembourser sur la bête et qui sont responsables de l'absence de politique industrielle dans ce pays. Cette crise nous oblige enfin à réfléchir sur les normes utilisées, notamment au niveau mondial.

J'ose espérer que le texte sur la régulation bancaire, qui nous est annoncé comme imminent, sera ambitieux. Le directeur général du Fonds monétaire international indiquait lui-même que 50 % des pertes bancaires liées à la crise financière, particulièrement en Europe, n'étaient pas encore intégrées dans les bilans des grandes banques.

Ainsi, la présente proposition de résolution aborde des sujets importants. Certaines des suggestions qui y sont formulées sont excellentes. Il convient en effet de plafonner les écarts de rémunération, de soumettre à la négociation annuelle obligatoire les rémunérations variables des dirigeants, d'imposer davantage et de soumettre aux cotisations sociales ces mêmes rémunérations variables. Nous approuvons ces orientations. Quant à la question des paradis fiscaux, monsieur Vigier, elle mérite également d'être traitée. Et ce ne sont pas les dispositions frileuses contenues dans le projet de loi de finances rectificative qui nous rassurent. En effet, je n'oublie pas que les plus grands paradis fiscaux du monde sont l'État du Delaware et la City londonienne !

La création d'une agence nationale financière et d'un pôle public financier nous semble une bonne idée. À ce propos, il ne faudrait pas que les dispositions législatives qui nous seront, paraît-il, présentées à la fin de ce mois ou au début de l'année prochaine soient de simples mesurettes, comme celle qui consiste à fusionner la commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Alors que le rôle du Parlement doit être renforcé dans ces domaines, je n'ai pas vu l'ombre du quart d'un progrès dans ce qui nous est proposé, ici ou là, par le Gouvernement. On nous parle de G 20, de réunions de consensus, mais, pour ce qui est des dispositions législatives, rien !

Cette proposition de résolution contient donc, mes chers collègues, un certain nombre de préconisations que nous partageons. Toutefois, la question de la nationalisation a été évoquée ; c'est peut-être aller loin et vite !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Nous pensons qu'une participation de l'État dans les banques lui donnerait une plus grande capacité de contrôle et plus de présence afin de contribuer à la mise en oeuvre des politiques qu'il estime nécessaires. Pour autant, la nationalisation des banques ne doit pas être une fin en soi. Nous ne partageons donc pas pleinement cet objectif, et c'est pourquoi le groupe SRC s'abstiendra lors du vote de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la proposition de résolution.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 435

Nombre de suffrages exprimés 309

Majorité absolue 155

Pour l'adoption 21

Contre 288

(La proposition de résolution n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Néri, vous ne pouvez faire un rappel au règlement au moment d'un scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Le scrutin est clos, monsieur le président! J'ai justement pris soin d'intervenir à un moment situé entre l'examen de deux textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur quel article et pour quel motif voulez-vous faire ce rappel au règlement, monsieur Néri ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Sur les articles qui ont trait au fonctionnement de notre assemblée, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est ici, dans notre hémicycle, que bat le coeur de la démocratie et de la république. Or nous assistons aujourd'hui à une mascarade intolérable. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

La majorité nous avait assurés que le nouveau règlement permettrait de renforcer les droits du Parlement et le débat démocratique. Qu'en est-il dans les faits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Force est de constater qu'en cette fin d'après-midi, les bancs de notre assemblée sont très largement occupés, alors que jeudi 3 décembre, lors de l'examen des textes sur lesquels nous votons aujourd'hui – des propositions portant sur des sujets aussi importants que le logement, les banques, le revenu des agriculteurs ou encore la planification écologique, un thème dont chacun voudrait s'octroyer l'apanage –, les bancs de la majorité offraient le spectacle d'un vide sidéral !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Après le simulacre de démocratie auquel nous avons assisté jeudi 3 décembre – on peut d'ailleurs voir dans cette date, lendemain d'un 2 décembre constituant une date historique, une troublante coïncidence…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Néri, vous avez épuisé les deux minutes que je vous avais accordées pour faire votre rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous répondrai en vous assurant que la séance que nous tenons aujourd'hui se déroule tout à fait conformément aux décisions de la conférence des présidents, lesquelles ont été prises dans le respect de la Constitution et de notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de loi sur le droit au revenu des agriculteurs (nos 1992, 2086).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le président, le ministre chargé de l'industrie, mes chers collègues, comme cela a été dit et répété tout au long des débats sur ce texte, la situation dramatique que vivent aujourd'hui nos agriculteurs est tout autant le fait d'une crise structurelle que de fluctuations conjoncturelles sur le niveau des prix des productions.

Ainsi, quelle que soit leur sensibilité, les responsables politiques et syndicaux n'ont eu de cesse de s'exprimer ces derniers mois pour que la question des prix et des revenus agricoles soit prise à bras-le-corps, afin d'apporter des réponses concrètes et rapides. Nous convenons tous du fait que le revenu des agriculteurs est tout à la fois trop faible et trop instable. Partant de ce constat, la proposition de loi que j'ai déposée avec les députés communistes, républicains et du Parti de Gauche, un texte volontairement partiel, avait pour seul objectif de proposer certains outils, immédiatement disponibles et applicables, visant à apporter des garanties de prix rémunérateurs pour tous les producteurs. Il s'articulait autour de deux axes : le premier visait à renforcer ou à créer des mécanismes permettant d'évaluer et d'agir efficacement sur le niveau des prix payés aux producteurs, le second à assurer un dispositif plus réactif d'alerte et de mise en place de mesures d'urgence en période de crise, associant largement les représentants du monde agricole.

Je ne reviendrai pas sur le détail des dispositifs présentés dans les différents articles qui ont été examinés en commission, puis en séance. Ils ont reçu un accueil favorable sur le fond et ont suscité un grand intérêt auprès des parlementaires présents. Ainsi, je pensais sincèrement que certains des outils proposés auraient pu utilement être améliorés par voie d'amendement – nos collègues socialistes en avaient déposé plusieurs –, puis adoptés et mis en oeuvre au bénéfice de nos agriculteurs, plus que jamais dans l'attente.

Malheureusement, la majorité parlementaire a préféré botter en touche plutôt que de jouer le jeu du travail collectif et de l'intérêt général. C'est d'autant plus regrettable que l'argumentaire invoqué pour rejeter ce texte s'est résumé à une seule phrase : « il est urgent d'attendre la loi de modernisation de l'agriculture. » Bien évidemment, nous ne sommes pas dupes de ce positionnement tenant de la stratégie politicienne, qui consiste à refuser toute possibilité d'adopter, fût-ce partiellement, une proposition de loi issue d'un groupe de l'opposition, quel que soit par ailleurs son apport.

Je le regrette profondément, car ce parti pris tient bien plus de la crispation identitaire que de l'opposition raisonnée, sur un sujet – l'agriculture – qui aurait pu faire l'objet de moins de rigidité dogmatique de votre part. N'avons-nous pas su adopter, à l'unanimité, en décembre 2008, une résolution commune sur notre vision de la politique agricole commune dans le cadre du bilan de santé porté par Hervé Gaymard et Michel Raison ?

Alors que la majorité parle si souvent d'ouverture, pourquoi faire preuve aujourd'hui d'une si grande fermeture devant des dispositions urgentes qui ne portent pas la marque de la démesure ou de la démagogie, mais paraissent à tous, au contraire, tout à fait réalistes ? Je conserve la certitude qu'il est urgent d'agir au plus vite afin de contenir l'hémorragie agricole provoquée par l'accélération de la politique de dérégulation. Ma crainte, largement partagée, est de voir des centaines de milliers d'agriculteurs continuer à subir les pires difficultés, et plusieurs milliers d'entre eux cesser toute activité faute de mesures rapides, en attendant le débat sur la loi de modernisation de l'agriculture en mai ou juin prochain, puis sa mise en oeuvre dans des délais non définis.

Poursuivant votre argumentaire de pure forme, vous m'avez invité à patienter pour traduire sous la forme d'amendements l'essentiel des dispositions du texte. Je vous remercie de ce conseil, mais il n'était pas nécessaire à ma détermination ! Au demeurant, nous avons l'habitude des scénarios à rebondissements sur certains amendements, qui paraissent si consensuels que la majorité s'acharne à trouver tous les subterfuges imaginables pour les affaiblir ou les contester !

Vous le savez, mes chers collègues, nous ne connaissons pas précisément le contenu du futur projet de loi dit « de modernisation agricole », pas plus que son calendrier et ses modalités d'application. Ce que le ministre – que je remercie pour sa participation – nous a proposé en séance, c'est un acte de foi pour un miracle en gestation, pour ne pas dire l'imposition des mains sur les écrouelles ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mon souhait était, au contraire, de vous proposer une réponse immédiate et concrète, sans doute incomplète, mais qui avait le mérite d'exister et pouvait être améliorée collectivement par la représentation nationale.

Comme le disait Charles Péguy, « tout commence en mystique et finit en politique ». J'appelle tout simplement les parlementaires à la raison, en leur proposant de ne pas attendre, et de voter cette proposition de loi avec les députés de la gauche démocrate et républicaine. Ce texte pourrait ensuite utilement être mis à l'ordre du jour du Sénat pour répondre dans les semaines à venir à l'attente du monde agricole. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe du Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi nous amène à nous attarder quelques instants sur la question agricole, ce dont je me réjouis.

À l'heure actuelle, l'agriculture française est confrontée à de graves défis qui conditionnent son avenir. Bien que la France soit le premier pays agricole mondial, sa population active connaît une érosion continue. D'autre part, l'agriculture française souffre d'une sur-administration qui l'étouffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Ce n'est pas spécifique à la France : aux États-Unis c'est pire !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je veux d'ailleurs réitérer devant M. le ministre mon souhait de voir suspendue pendant deux ans la mise en place des bonnes conditions agricoles et environnementales non exigées par Bruxelles, encore imprécises à ce jour, au moment même où les agriculteurs préparent leur assolement. Je demande également la mise en place urgente de l'observatoire des prix et des marges dans l'ensemble des filières.

Enfin, comme vous le savez tous, mes chers collègues, l'agriculture doit faire face à une grave dérégulation des prix. Dans leur immense majorité, les agriculteurs sont désemparés face à ces fluctuations : ils veulent de la lisibilité, afin de vivre simplement de leur activité professionnelle. Aujourd'hui, les distributeurs ne leur en laissent pas la possibilité, en pratiquant des marges toujours plus larges, des marges insensées pour les agriculteurs comme pour les consommateurs. Avec la crise, ce n'est plus tenable !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Dégradation rapide des prix d'achat de la production des agriculteurs français et européens, perte de revenus de 10 à 20 % pour les agriculteurs – jusqu'à 50 % pour les producteurs laitiers –, explosion des charges et libéralisation programmée du marché : la crise financière fait désormais place à une véritable crise agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Cette crise agricole est l'une des plus graves que l'Europe ait eu à affronter. Si nous n'apprenons pas de cette crise et si nous n'en tirons pas les conséquences en termes de mesures structurelles à prendre, nous serons confrontés aux mêmes crises encore et encore. Aujourd'hui, il est nécessaire de répondre à la crise immédiate, mais aussi de repenser la stratégie de la politique agricole française et européenne.

Cette crise est au coeur des préoccupations du Nouveau centre, pour qui il est nécessaire de répondre à la crise immédiate, mais aussi, évidemment, de bâtir la PAC 2013. Notre groupe parlementaire a, semaine après semaine, montré son intérêt pour la cause des agriculteurs, en attirant l'attention du Gouvernement sur ces questions, en particulier sur la situation inquiétante des producteurs de lait. Il nous faut agir, c'est pourquoi je me réjouis de la prise en compte par l'ensemble des groupes parlementaires – notamment par le GDR, pour le texte qui nous réunit aujourd'hui – de la problématique propre au monde agricole. Le Nouveau centre a, lui aussi, interpellé, et il a été entendu.

Il convient de répondre à la désespérance rurale. Aujourd'hui, même les urbains les plus éloignés du monde rural ont pu prendre la mesure de l'enjeu. Il nous faut apporter un peu de répit aux agriculteurs, tant au niveau de leurs revenus que de leur trésorerie. Sans cela, la colère qui se fait d'ores et déjà sentir dans nos campagnes risque de monter d'un cran et de s'étendre à l'ensemble du monde rural. Je tiens à remercier M. Chassaigne pour ses propositions car, dans une période de crise aussi violente que celle que nous traversons, il est fondamental de montrer notre prise en compte de la question agricole. Je veux réaffirmer, au nom de l'ensemble des députés du Nouveau centre, notre soutien à la profession agricole. Nous ne vous laisserons pas sur le bord de la route, l'enjeu n'est pas simplement économique, il est humain !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Lemasle

Vous allez donc voter pour cette proposition de loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Pour autant, nous ne pouvons approuver totalement votre proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Ne tirez pas de conclusions hâtives, monsieur Néri ! Nous soutenons les principes de cette proposition et souhaitons les intégrer dans un débat plus large, lors de la toute prochaine réforme proposée par la loi de modernisation agricole. Nous ne prendrons donc pas part au vote (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), le ministre s'étant engagé devant la représentation nationale à reprendre en compte les propositions de M. Chassaigne ainsi que les nôtres, que nous réitérons semaine après semaine.

L'agriculture et les agriculteurs ne peuvent se permettre un échec, pas plus qu'ils ne peuvent se permettre de trop attendre. Aussi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous appelons à la présentation de cette loi de modernisation agricole dans les délais les plus brefs, et serons d'une vigilance toute particulière dans le cadre de l'examen de ce projet de loi. L'avenir de l'agriculture française et de milliers d'agriculteurs en dépend, c'est pourquoi nous serons présents dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'indique d'ores et déjà que le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons tous conscience du fait que le secteur agricole connaît aujourd'hui sa plus grave crise depuis trente ans. Cette crise touche l'ensemble des filières agricoles, qu'il s'agisse de la filière laitière ou de celle des fruits et légumes, des céréales, des viandes ou encore de la pêche. Le Gouvernement et la majorité n'ont pas attendu la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui pour prendre des mesures fortes dans le secteur agricole et répondre aux difficultés et à la détresse des agriculteurs.

Le 27 octobre dernier, le Président de la République a proposé un plan massif d'urgence de 1,65 milliard d'euros. Les mesures de ce plan, en cours de mise en oeuvre, témoignent de la rapidité d'action du Gouvernement et du ministre de l'agriculture. Elles permettront à chaque agriculteur en difficulté d'assainir sa trésorerie et d'engager les dépenses d'investissement nécessaires : un milliard d'euros de prêts bancaires bonifiés sont prévus par l'État, auxquels s'ajoutent 650 millions d'euros de soutiens exceptionnels. Le texte qui nous est proposé par le groupe GDR se cantonne à la question de la garantie des prix et n'évoque que sommairement la mise en place d'un dispositif d'alerte. Cette proposition de loi nous paraît constituer une réponse imparfaite et insatisfaisante à la crise actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Non, monsieur Chassaigne, la majorité ne botte pas en touche : elle construit le projet de loi de modernisation de l'agriculture, qui devrait être déposé devant notre assemblée avant la fin de l'année, et ne manquera pas de compléter les dispositifs déjà mis en oeuvre afin d'apporter des solutions efficaces pour éviter les crises futures.

Ce texte, très ambitieux, ne manquera pas d'aborder la question des prix agricoles, de la fiscalité, des charges, et proposera des mesures sur la contractualisation, la protection contre les aléas, avec notamment des formules d'assurance, sur les dispositifs d'alerte et la protection du foncier agricole.

Enfin, concernant la politique agricole européenne, le ministre de l'agriculture a réalisé un travail remarquable, que je tiens à souligner.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Si ! Grâce à sa ténacité et à sa combativité, il a obtenu le soutien de vingt-deux autres États membres et du Parlement européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Les négociations qu'il mène ont permis une réflexion positive sur la mise en place d'une nouvelle régulation européenne des marchés agricoles. Un fonds laitier de 280 millions d'euros a ainsi été créé, dont 50 millions d'euros ont été octroyés à la France.

Nous ne pouvons donc que soutenir l'action du ministre de l'agriculture qui accomplit un travail de grande qualité.

Les mesures d'urgence voulues par le Président de la République et les actions concrètes et ambitieuses mises en oeuvre par le Gouvernement répondent d'ores et déjà aux attentes des agriculteurs. Le projet de loi de modernisation de l'agriculture permettra également de redéfinir la place de l'agriculture dans notre société en lui redonnant une ambition et des perspectives.

Mes chers collègues, adopter les mesures proposées aujourd'hui nous paraît réducteur face à l'ampleur de la crise qui touche l'ensemble du monde agricole. Nous invitons à en débattre dans le cadre de la future loi de modernisation de l'agriculture.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe UMP ne voteront pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous a réunis jeudi dernier sur le droit au revenu des agriculteurs, à l'initiative de notre collègue André Chassaigne, est essentiel. Chacun d'entre nous a entendu, en effet, les cris d'alarme des éleveurs laitiers, qui sont à la pointe de la crise depuis plus d'un an maintenant. Nous sommes quotidiennement saisis par l'ensemble du monde agricole, qui connaît une crise globale dans la quasi-totalité des filières avec des conséquences dramatiques pour l'emploi et l'aménagement du territoire.

Chers collègues, le groupe socialiste, radical et citoyen soutient cette initiative du groupe GDR parce qu'elle témoigne d'abord de notre solidarité et de notre engagement commun à défendre le travail et la dignité des agriculteurs.

Face à l'ouverture des marchés sans contrainte, face au démantèlement des outils de régulation – que vous soutenez, chers collègues de la majorité –, les socialistes considèrent qu'il est urgent d'agir en s'appuyant sur la relocalisation des productions agricoles.

L'idée soutenue par les libéraux que les productions agricoles peuvent être assurées sur n'importe quel continent pourvu qu'elles le soient au plus bas prix est aujourd'hui dépassée.

Au moment même où se tient le sommet de Copenhague visant à lutter contre le réchauffement climatique, il faut s'efforcer de limiter les transports inutiles. Nourrir l'Europe avec du mouton de Nouvelle-Zélande, qui a parcouru 22 000 kilomètres, du boeuf d'Argentine, des pommes de Chine, des poires d'Afrique du Sud et des kiwis du Chili, n'a plus aucun sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

La relocalisation est une réponse possible à la crise environnementale au niveau tant mondial que local. C'est aussi une réponse possible à la crise alimentaire car, contrairement à ce qu'on a voulu nous faire croire, la libéralisation des échanges n'a en rien réglé le problème de la faim dans le monde.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

L'Afrique, qui était autosuffisante sur le plan alimentaire en 1970, est aujourd'hui totalement dépendante. Les pays riches, en déversant leurs surplus à bas prix, ont recolonisé le continent africain par la voie alimentaire.

Un milliard d'êtres humains souffrent de malnutrition et leur nombre ne cesse d'augmenter. Il est temps, comme le demande Jacques Diouf, directeur de la FAO, de produire là où les gens ont faim.

Nous devons soutenir au plan national et européen des agricultures de qualité, respectueuses de l'environnement et attachées à leurs territoires.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Il n'y a pas une seule agriculture dans notre pays. Il y a des agricultures, que nous devons toutes soutenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Le maintien des agriculteurs passe par la coexistence entre des grandes entreprises produisant pour les marchés mondiaux et des exploitations qui valorisent leurs productions par la vente directe et des circuits courts.

Mes chers collègues, il y a urgence à agir : 300 000 à 400 000 emplois sont en jeu dans le secteur agricole et agroalimentaire de notre pays, avec pour corollaire la vie des espaces ruraux, principalement dans les zones de montagne, les zones fragiles et les zones intermédiaires.

Le groupe socialiste, radical et citoyen soutient la proposition de loi du groupe GDR car le problème du revenu des exploitations ne concerne pas que les agriculteurs : il met aussi en jeu la souveraineté alimentaire de l'Europe, la qualité de notre alimentation et l'équilibre économique, social et environnemental de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

À la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets aux voix par un seul vote les articles 1er à 10 ainsi que l'ensemble de la proposition de loi, à l'exclusion de tout amendement.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 429

Nombre de suffrages exprimés 427

Majorité absolue 214

Pour l'adoption 167

Contre 260

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle le débat sur l'identité nationale.

L'organisation du débat ayant été demandée par le groupe UMP, la parole est à M. Jean François Copé, premier orateur de ce groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, mes chers collègues, il y a quelques semaines, le Gouvernement a annoncé l'ouverture d'un grand débat sur l'identité nationale. À peine lancé, ce débat a suscité toutes les polémiques, et c'est bien normal : nous payons au prix fort le fait d'avoir évacué depuis trente ans, sans état d'âme, ce qui est pourtant au coeur du débat public français.

Je veux vous dire, avec d'autres, ma part de conviction sur ce sujet. La France souffre d'un problème majeur : nous avons la culture de la division et non du rassemblement ; dans notre débat public, trop souvent, l'indignation étouffe la raison, le dénigrement écrase les arguments et la diabolisation triomphe du respect de l'autre.

Un débat sur l'identité nationale, c'est l'occasion de se mettre à l'écoute des autres, pas de les condamner par avance. C'est également l'occasion de défendre des opinions, pas parce qu'elles viennent de son propre camp, mais parce qu'on les croit justes. C'est, enfin, l'occasion de se rassembler pour faire émerger des solutions qui peuvent dépasser les réflexes partisans. Cela est si rare dans nos débats français ! La plupart du temps, on est obligé de choisir son camp et de jouer un rôle écrit à l'avance, sans d'ailleurs prendre toujours la peine d'écouter. Chacun est renvoyé à une catégorie ou à une étiquette.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Sans doute parce que nous n'avons pas digéré certains traumatismes de notre histoire, au cours des dernières décennies. Au lieu de se dire les choses franchement, on s'est enfermé dans le non-dit, puis dans une culpabilisation permanente. La colonisation, la guerre, la décolonisation, les vagues d'immigration qui ont suivi : autant de thèmes douloureux qui ont conduit nos dirigeants successifs à ne plus parler des sujets qui fâchent, à refuser de crever des abcès.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Ils ont ainsi feint de ne pas voir que bien des plaies restaient ouvertes, multipliant les incompréhensions entre nos compatriotes, toutes générations et origines confondues.

« Identité nationale » : ces deux mots méritent, sans nul doute, au début de ce débat, d'être décryptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Au sujet du premier mot, l'« identité », l'essentiel est de réfléchir à ce que nous sommes, au regard de nos parents, de nos enfants et de notre pays, la France. Le xixe siècle a été le siècle de la constitution des nations ; le xxe siècle, celui du choc des idéologies, dans ce qu'il a eu de pire. Le xxie siècle est quant à lui celui de la mondialisation. Le besoin d'être pleinement identifié à sa terre, à ses racines, de trouver sa place dans le vaste monde, et de bien la vivre, est aujourd'hui devenu un défi essentiel.

C'est une réflexion qui relève sans nul doute – je n'ai pas peur d'utiliser le mot – de la psychanalyse, individuelle et collective.

Le second mot est « national ». Qu'est-ce que c'est la nation ? On se souvient des cours d'antan.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'était à l'époque où il y avait encore des cours d'histoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

C'est la volonté d'une population donnée, sur un territoire donné, de vivre ensemble.

La volonté de vivre ensemble, la belle affaire ! Aujourd'hui, dans nos quartiers, dans nos villes, dans les halls de beaucoup d'immeubles, on voit des gens qui ne se parlent pas, ne s'écoutent pas et ne se respectent pas, tout simplement parce qu'ils ne se connaissent pas. (Oh ! sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ainsi, ils n'ont plus la volonté de vivre ensemble. Du coup, la nation se fissure en silence.

On peut bien sûr le nier et considérer que tout cela n'existe pas, mais enfin, l'intérêt de ce débat, c'est aussi de réfléchir aux raisons qui ont conduit à cette situation.

C'est à dessein que j'utilise le mot « fissure », et non celui de « fracture » : une fracture, on l'entend, ce qui n'est pas le cas de la fissure et, le jour où l'on aperçoit la fissure, il est trop tard. D'ailleurs, à mes yeux, il existe non pas une fissure, mais quatre, parce que la population d'aujourd'hui est profondément différente de celle d'il y a cinquante ans.

Ce sont donc, à mon sens, quatre fissures qui doivent être évoquées aujourd'hui. La première est celle à laquelle on pense le plus spontanément : elle concerne le débat sur la question de savoir si l'on doit assimiler ceux qui souhaitent réussir leur vie en France en prenant la nationalité française, ou bien prôner le multiculturalisme comme dans les années soixante. Les discussions sur ce sujet ont occupé bien des esprits.

L'assimilation, c'était le modèle du tout début du xxe siècle, quand on absorbait des vagues d'immigration, venues de la lointaine Europe centrale et fuyant le bolchevisme, le nazisme et l'antisémitisme. Tout le monde venait en France, parlait français sans accent et, on le sait, s'engageait au côté de l'armée française, avec l'uniforme français.

L'autre modèle, celui des années soixante et soixante-dix, est celui du multiculturalisme. C'est la négation de ce qui s'était fait avant. Chacun gardait sa culture. On a mis ceux qui venaient des anciens pays colonisés dans des tours, construites dans l'urgence, sans plus jamais vouloir entendre parler d'eux…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…et sans jamais leur donner les codes d'accès pour réussir sur le chemin de l'intégration. Cette première fissure a conduit à des situations folles, comme entendre un certain nombre de nos jeunes compatriotes siffler la Marseillaise. Et pourtant, en ce qui me concerne, au-delà de l'indignation du moment, je me suis demandé : qu'est-ce qui a pu conduire ces jeunes à siffler la Marseillaise, alors qu'ils sont français ?

La deuxième fissure oppose nos jeunes à nos aînés. Ceux-ci, on le voit bien, loin de parler de la solidarité entre les générations, n'ont plus aujourd'hui que l'argent à la bouche. Ils demandent : comment va-t-on payer les retraites ? Comment ferez-vous lorsque nous serons décédés ? Cette fissure-là est peu apparente, mais bien réelle.

La troisième fissure apparaît entre ceux qui pensent qu'il n'y a pas de problème d'égalité entre les hommes et les femmes et ceux qui voient bien, tous les jours, que cette inégalité est un sujet majeur d'identité pour notre pays.

La quatrième fissure, dont on parle encore moins que des trois autres, sépare ceux qui habitent les villes et ceux qui habitent les campagnes. À la ville, on pense que, quand on vit à la campagne, tout va bien, que c'est le bonheur permanent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Pas de pollution, pas de difficultés, pas de stress, mais les oiseaux et la nature ! Quand on habite à la campagne, on sait que c'est un peu plus compliqué. Cette césure est, elle aussi, une partie constitutive du débat sur l'identité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Ce débat est essentiel. C'est un rendez-vous de réflexion humaniste, un rendez-vous de sensibilité, un rendez-vous pour une nation qui a besoin d'être rassemblée. Pour vous dire le fond de ma pensée, il faut y aller franchement, ne pas craindre de raconter à l'autre ce que l'on est, ce à quoi l'on croit et d'où l'on vient, ne pas craindre de partager avec l'autre, même si l'on doit laisser échapper quelques larmes d'émotion ou de nostalgie.

Il nous faut avoir deux exigences : nous devons être au clair sur notre histoire et sur nos valeurs. Sur notre histoire, d'abord, parce qu'il faut la transmettre.

Plusieurs députés du groupe SRC. Pour cela, il faut l'enseigner !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Or l'histoire n'est pas unique. Elle est commune, parce que nos ancêtres ne sont pas seulement des Gaulois. Et partager cette histoire commune, c'est aussi une manière de parler ensemble d'avenir.

Il nous faut ensuite être au clair sur nos valeurs, parmi lesquelles figurent bien sûr la liberté, l'égalité et la fraternité, mais j'y ajoute volontiers la laïcité et la sécurité, parce qu'on ne peut pas se parler et s'écouter quand on a peur les uns des autres.

Cela veut dire, en clair, que je suis très soucieux de respecter les règles de chaque communauté – philosophique, politique ou religieuse – à la condition que les diverses communautés sachent que les règles qui les régissent doivent être subordonnées aux lois de la République. (Mme Élisabeth Guigou s'exclame.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Il s'agit là, à mes yeux, d'un point absolument majeur. Et voilà qui explique aussi pourquoi la burqa doit être interdite par la loi :…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…sur cette question, il en va aussi de l'exigence de courage politique au regard de valeurs qui sont les nôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Il ne doit y avoir ni banalisation face à un phénomène comme celui de la burqa, ni stigmatisation – contrairement à ce que l'on a pu voir –, lorsqu'il s'agit de l'exercice régulier du culte dans une religion ou dans une autre. C'est à mes yeux un débat essentiel et c'est sur cette base que nous, députés de l'UMP qui avons souhaité ce débat, nous avons commencé d'animer des réunions avec les Français dans nos circonscriptions.

Pour finir, je lancerai quelques pistes de réflexion, sur une base simple. Nous sommes là non pour dresser un catalogue de mesures, mais pour nous poser la question essentielle. Or, celle-ci, finalement, n'est pas de savoir ce que c'est qu'être français, mais ce que cela exige, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, car cela revient à poser la question des droits et des devoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Les droits, bien sûr, sont ceux que l'on a vis-à-vis de l'État et pour lesquels nos aînés ont donné leur vie. L'État protège tous ses enfants, leur garantit des libertés individuelles et des libertés civiques. Il leur garantit l'éducation. Il leur offre aussi des garanties face aux risques de la vie, ceux qui sont liés au chômage, à la maladie et à la vieillesse.

Les devoirs sont certainement, pour nous, une des questions les plus essentielles. Il s'agit des missions qui sont les nôtres en contrepartie de nos droits en tant que citoyens français. Chaque Français a une mission : il lui faut réussir sa vie, pour lui, pour ses enfants, demain, et pour son pays, la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Voilà pourquoi j'attache tant d'importance à ce qu'il y ait en France, un jour, un service civique obligatoire pour chaque jeune Français, pour qu'il donne ainsi à son pays un peu de lui-même. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Ce sera mon dernier mot pour lancer ce débat. Je pense que la question essentielle, que tous, autant que nous sommes – pas simplement en tant que députés de la nation, mais en tant qu'enfants de France –, nous devons nous poser tous les jours, puisque nous avons la chance de vivre dans un pays comme le nôtre, est la suivante : comment redonner un peu de ce que notre pays nous a donné ? Derrière cette question, il y a l'idée que l'on doit quelque chose à son pays.

Cette idée, qui est tellement taboue, nous renvoie à l'essentiel de ce que sont nos missions et de ce que doit être notre vie. C'est également pour cela que le débat sur l'identité nationale est aussi fort : c'est grâce à cette clé que nous pourrons proposer à chacun de nos concitoyens, quelles que soient ses origines et ses sensibilités philosophiques ou religieuses, de réussir sa vie, pour lui-même, pour ses enfants, demain, et pour son pays, la France. (Bravo ! et applaudissements nourris sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier l'Assemblée nationale d'avoir donné suite à l'initiative du groupe UMP et de son président, et d'avoir inscrit à son ordre du jour ce débat sur l'identité nationale.

Cette initiative reprend l'un des engagements pris par le Président de la République devant les Français lors de la campagne présidentielle, ainsi que la demande inscrite dans la lettre de mission qu'il m'a adressée, avec le Premier ministre, le 31 mars dernier.

En effet, non seulement l'Assemblée nationale a toute sa place dans ce débat, mais elle en est même, historiquement, la matrice. C'est bien la première assemblée nationale, instituée par les députés du tiers état le 17 juin 1789, qui a transféré la souveraineté du roi à la nation. C'est bien cette assemblée qui, après le serment du Jeu de paume, a aboli la féodalité, adopté la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et proclamé la première constitution démocratique de notre nation.

L'Assemblée nationale a toujours été, et doit rester au centre du débat sur l'identité de notre nation. Ce débat sur l'identité nationale est ancien et permanent ; l'État y a toujours joué un rôle central. La plupart des nations du monde se sont progressivement dotées d'États. En France, au contraire, l'État a précédé et construit la nation. C'est lui qui oblige à utiliser la langue française dès l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. C'est lui qui impose la conscription dès 1793. C'est lui qui généralise l'école gratuite et obligatoire, avec les lois Ferry de 1881 et 1882. C'est lui qui prescrit la séparation de l'Église et de l'État avec la loi de 1905. Et c'est vers lui que se tournent nos concitoyens face à chacune des grandes crises – économique, financière, sociale, environnementale ou sanitaire – que traverse notre pays.

L'État a fait de la nation l'échelon fondamental d'exercice des solidarités. En France, l'État a toujours été créateur de nation. En organisant un grand débat sur l'identité nationale, il est donc fidèle à sa vocation.

Notre nation n'est ni un hasard de la nature ni une statue figée ; elle est une construction permanente, le produit d'un volontarisme incessant.

À tous ceux qui contestent le principe de ce débat, je répondrai en citant Fernand Braudel : « Le thème de l'identité française s'impose à tout le monde, qu'on soit de gauche, de droite ou du centre, de l'extrême gauche ou de l'extrême droite. C'est un problème qui se pose à tous les Français. »

Notre nation n'a pas toujours été une et indivisible. Elle n'a été maintenue unie que par les efforts renouvelés de l'État. « La France est divisible. La France, ce sont des France différentes qui ont été cousues ensemble » écrivait encore Braudel. Michelet disait : « C'est la France française, c'est-à-dire la France autour de Paris, qui a fini par s'imposer aux différentes France qui, aujourd'hui, constituent l'espace de l'Hexagone. » C'est parce que nous devons préserver l'unité de notre nation, la raffermir, que le débat sur l'identité nationale est utile.

L'identité nationale ne se décrète pas. Raison de plus pour associer à la réflexion sur ses valeurs toutes les forces vives, tous nos concitoyens !

L'identité nationale est évolutive. Raison de plus pour prendre la mesure de cette évolution, pour esquisser ensemble les scénarii possibles et surtout les scénarii souhaitables.

L'identité nationale est un projet autant qu'un héritage. « Qu'est-ce que la France ? » s'interrogeait Victor Hugo. Il répondait : « Un passé qui éclaire l'avenir ».

Le débat sur l'identité nationale doit être cela : un passé, des valeurs qui éclairent l'avenir et doivent nous permettre de définir un projet commun. Le débat débouchera sur des propositions. J'en formulerai moi-même dans quelques instants, que j'ai déjà eu l'occasion de présenter il y a quelques semaines. D'autres feront des propositions et, après l'arbitrage du Président de la République et du Premier Ministre, elles deviendront des décisions. Certaines vous seront proposées.

Mais ce débat a une vertu en lui-même. Il a la vertu de l'échange, du dialogue, du diagnostic.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

C'est sans doute pour cela que le peuple s'en est saisi avec passion.

Ce débat est indispensable si nous voulons anticiper les conséquences de la mondialisation, nous adapter pour préserver un modèle de cohésion sociale fondé sur une compétitivité économique qu'il nous faut renforcer et d'une protection sociale qu'il nous faut toujours préserver et aménager. Convenons que ces enjeux suscitent, chez certains de nos concitoyens, des interrogations, des doutes, des craintes, parfois des crispations.

Un peuple qui a inventé les « services publics à la française » (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et revendique son « exception culturelle »…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…est fondé à s'interroger sur sa capacité à préserver son mode de vie dans un monde chaque jour plus compétitif, plus globalisé. Il nous appartient donc de répondre à ces doutes, d'y apporter des réponses à la fois modernes et républicaines. Nos concitoyens attendent du politique à la fois une protection et des moyens d'émancipation. Rassurer, protéger est un préalable indispensable à la réforme, à la modernisation. Nos concitoyens attendent du politique qu'il dessine les contours d'une solidarité moderne face aux forces centrifuges.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Ils attendent que le politique propose un point d'équilibre où l'émancipation individuelle ne consacre pas le culte de l'individualisme, où les appartenances multiples soient hiérarchisées et repoussent le spectre du communautarisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

En matière de cartes multiples, vous êtes un spécialiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ils attendent des politiques qu'ils ne changent pas d'avis comme de chemise !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

On me dit que tout débat, toute libération de la parole comporte sa part de risque. C'est dans doute vrai, même si le risque est ici bien maîtrisé.

Mais je suis surpris par le peu de foi dans la République, le peu de foi dans la démocratie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), le peu de foi dans le peuple de ceux qui prétendent qu'il est dangereux de poser des questions à nos concitoyens parce qu'ils pourraient apporter des réponses qui ne seraient pas celles souhaitées. (« Pas vous ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Pourquoi vous sentir visés ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Que préfère-t-on ? Le silence imposé ? Le déni de réalité ? Que veut-on ? Qu'une partie du peuple, sporadiquement, affirme sa frustration comme un certain 21 avril ou qu'elle se saisisse d'un référendum sur un traité constitutionnel pour dire son scepticisme sur la construction européenne,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous n'avez pas le droit : ils ont dit non au référendum, ils ne se sont pas trompés !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

son attachement au cadre national et sa crainte de certains abandons de souveraineté ?

Écoutons le peuple ! Entendons le peuple ! N'ayons pas peur du peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Par essence, un républicain n'a pas peur du peuple ; il n'est jamais dans le déni de réalité ; il croit aux vertus du dialogue, au règne de la raison. Aux doutes, aux angoisses du peuple, un républicain doit apporter des propositions, des solutions républicaines et ne rien éluder.

Plusieurs députés du groupe SRC. N'importe quoi !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Aujourd'hui, dans la France de 2009, un Républicain doit en particulier s'intéresser au lien entre immigration et intégration,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…entre immigration et identité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

L'identité nationale ne se confond pas avec la politique d'immigration !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

La France, par sa position géographique de carrefour européen, par son exposition méditerranéenne, par l'étendue et l'hospitalité de ses territoires,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

a toujours été une terre d'immigration, une nation fondée par un pouvoir centralisateur parce qu'elle ne repose ni sur la coopération entre régions, ni sur l'agglomération de communautés, ni sur des origines linguistiques et culturelles communes, ni sur l'ethnie, ni sur la race ou sur la religion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Puisque vous en parlez, il n'y a qu'une seule race !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Une nation de ce type doit donc développer une intelligence particulière pour maintenir son unité. Cet appel au dépassement des origines et au rassemblement autour de valeurs communes constitue, dès ses premiers souffles, et bien avant ses Lumières, l'universalisme de notre nation. La nation a été créée par l'État pour intégrer des populations d'origines différentes au sein d'une même communauté. Dire qu'immigration et identité nationale n'ont pas de lien est un contresens.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Dire que c'est seulement le lien, c'est aussi un contresens !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

L'immigration se situe en réalité au coeur de notre identité nationale. Et l'intégration des immigrés est la vocation et l'histoire de notre nation. « Il n'y a pas de civilisation française sans accession des étrangers » écrivait Braudel.

La France, qui continue à accueillir chaque année près de 200 000 étrangers non européens qui souhaitent s'y installer et à accorder sa nationalité, la nationalité française, à 110 000 étrangers par an, reste parfaitement fidèle à cette tradition d'accueil de l'immigration et d'intégration.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Et c'est pour renforcer l'intégration des populations immigrées que je propose que tout nouvel arrivant en France puisse être accompagné d'un parrain républicain, qui le guidera dans ses démarches et l'appuiera dans son parcours d'intégration,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous avons déjà fait cela !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

que le niveau de connaissance de la langue française et des valeurs de la République soit accru, et que le suivi de formations pour ceux qui ne parviennent pas à atteindre un niveau minimal soit rendu obligatoire.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et vous les arrêterez dans les écoles ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

C'est pour cette raison que je propose de créer une voie d'accès accélérée à la nationalité française, pour les ressortissants étrangers ayant accompli des efforts exceptionnels d'intégration, de solenniser l'entrée des nouveaux Français dans leur citoyenneté en leur faisant prêter un serment citoyen…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La fidélité aux serments, ça vous connaissez !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…et de systématiser les cérémonies d'accueil dans la nation, quel que soit le mode d'accès à la nationalité française : naturalisation, acquisition par déclaration après un mariage, acquisition automatique à la majorité.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Si le débat sur l'identité nationale ne doit pas être focalisé sur l'immigration, il ne doit pas l'ignorer pour autant. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Les 40 000 premières contributions reçues sur le site internet du grand débat et les premiers comptes rendus des 300 réunions locales déjà programmées et que vous organisez, mesdames et messieurs les députés de la majorité,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je croyais que c'était l'État qui faisait cela ! Votre parti, c'est l'État ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…ce dont je vous remercie et vous félicite,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Remerciez d'abord les préfets, c'est eux qui font tout !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…connaissent un très grand succès.

Un grand nombre de tensions pèsent sur le lien national, qui ne se limitent pas aux seules questions de l'immigration, qu'il s'agisse du communautarisme, de la place des différentes religions dans la République ou des tentations de repli sur soi.

C'est pour renforcer le lien national que je propose de donner à tous les enfants de France l'occasion de chanter au moins une fois par an l'hymne national.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Mes ambitions sont limitées. Jack Lang a dit que ce devait être beaucoup plus. Il a sans doute raison.

Je propose d'accroître la place des symboles de la République dans l'ensemble des édifices publics, ou encore de mettre en place dans les préfectures des cycles d'instruction civique ouverts à tous : écoles, associations, simples citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Avec les profs d'histoire que vous supprimez ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Notre nation a la passion de la République, de ses symboles, de ses valeurs et de ses principes. Elle se rêve, elle se veut une et indivisible.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Mais elle a toujours su éviter de transformer cette unité en uniformité. L'identité nationale n'a jamais été synonyme de conformité. Elle n'en est pas moins mise au défi de manière permanente.

Jean-François Copé évoquait, il y a un instant, le port de la Burqa. Il est évident que le port de la Burqa est contraire aux valeurs de notre identité nationale. Non pas parce qu'il exprimerait une foi religieuse, mais parce qu'il porte atteinte à la dignité humaine, à la dignité des femmes. (« Exactement ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Laisser déambuler dans notre espace public des femmes ainsi « engrillagées », c'est remettre en cause cette part d'humanité, dont la personne humaine ne dispose pas librement.

La construction de minarets est un tout autre débat, qui relève des règles d'intégration architecturale et paysagère prévues par les lois de la République. Interdire la construction de minarets reviendrait à créer un droit de l'urbanisme propre à l'islam.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Il s'agirait d'une discrimination contraire aux principes fondamentaux de notre République, et d'une atteinte caractérisée au principe de laïcité. Les villes et villages de France, avec leurs églises, leurs mairies, et leurs écoles, constituent un élément essentiel de notre identité nationale,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…et doivent être protégés par nos lois sur l'urbanisme, sans qu'il soit besoin d'une législation spécifique à la religion musulmane (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La place de l'islam dans notre nation n'en est pas moins, bien évidemment, en question. Pour ma part, je suis convaincu qu'un islam laïc peut et doit avoir sa place dans notre République.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Mais ayons bien conscience que nous demandons à la religion musulmane d'accomplir en quelques années le parcours de laïcisation que la religion catholique a effectué en plusieurs siècles. Accompagnons donc les musulmans de France vers l'insertion harmonieuse de leur culte dans les principes et les valeurs de la République !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Dans le même temps, la République est une construction permanente et toujours inachevée. Il ne suffit pas d'affirmer le principe d'égalité pour que l'égalité soit réalisée. Il ne suffit pas de se préoccuper de la République formelle ; il faut se préoccuper de la République réelle. (« Charabia ! » sur les bancs du groupe SRC.) Car, en dépit de nos efforts, les premières contributions au grand débat montrent que, pour certains de nos concitoyens, la République réelle reste trop souvent celle des discriminations.

Les discriminations liées à l'origine sont les plus répandues. La France n'est pas un pays raciste, mais elle cultive encore trop l'« entre-soi ».

L'intégration est freinée par la reproduction sociale. Les études publiées par l'INSEE montrent que les immigrés ont de plus en plus de difficultés à accéder à l'emploi et à s'y maintenir, et qu'une majorité d'entre eux restent cantonnés dans des emplois peu qualifiés.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Ma conviction est que le meilleur moyen de lutter contre le communautarisme est de faire en sorte que la République tienne, respecte ses promesses.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Pour rétablir l'égalité des chances, la République doit donner plus à ceux qui ont moins, faire plus pour ceux qui partent de plus loin. Le Président de la République en a donné l'exemple, en nommant tout d'abord, plus que personne avant lui, un très grand nombre de personnalités issues de l'immigration à des postes clefs au sein du Gouvernement, dans les administrations et les entreprises publiques.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Il a ensuite décidé la mise en place d'une politique active de promotion de l'égalité des chances, reposant sur le critère social, parce que les inégalités sociales recoupent toutes les autres.

C'est la solution qu'avait déjà choisie la IIIe République en créant le statut de boursier. C'est la solution qu'a retenue le Président de la République, avec la préparation par Fadela Amara du plan Espoir Banlieues,...

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

…le développement, avec Luc Chatel, des internats éducatifs destinés à prendre en charge les bons élèves des milieux modestes, la création, avec Valérie Pécresse, d'« internats d'excellence » et l'obligation de réserver aux meilleurs lycéens boursiers 30 % des places dans les classes préparatoires aux grandes écoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Et pour les mauvais élèves, c'est l'exclusion ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Je suis convaincu de la justesse et de l'importance de ces efforts. Je suis convaincu aussi que l'ouverture des grandes écoles, des administrations et des entreprises à la diversité de notre société ne sera possible dans des délais raisonnables sans franchir un niveau supplémentaire de volontarisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Vos convictions sont à géométrie variable !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Le ministère dont j'ai la charge a mis en place un label qui distingue les entreprises et les administrations accomplissant des efforts importants de promotion de la diversité dans le recrutement et la gestion de leurs ressources humaines. Je proposerai, dans le cadre de ce débat, d'aller plus loin. Je proposerai notamment à Christine Lagarde et Xavier Darcos que les grandes entreprises incluent un volet diversité dans leur bilan social annuel, que le label diversité soit pris en compte dans l'attribution des marchés publics,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

que le financement public accordé aux partis politiques soit conditionné à leurs efforts dans ce domaine, que les concours d'accès à notre haute fonction publique réservent une voie aux élèves boursiers issus des quartiers défavorisés.

Cette réaffirmation de l'identité nationale est d'autant plus importante que l'Union européenne achève, avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, une phase importante de sa construction. Il est indispensable d'engager sans tarder la réflexion sur la prochaine étape du projet européen, et de proposer aux peuples d'Europe un nouvel horizon. Car la recherche de cette union sans cesse plus étroite entre peuples européens constitue, désormais, un nouvel universalisme pour notre nation.

Parce qu'il passionne les Français, et parce que ses enjeux sont immenses, ce débat se poursuivra tout au long de l'année 2010, avec un tour de France qui me permettra de présenter aux Français ses premières conclusions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

Passez par Sangatte, venez voir les abris, venez voir la « jungle » !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

C'est, je crois, mesdames et messieurs de la majorité, le voeu que vous avez vous-mêmes formulé : que nous puissions continuer, notamment après les élections régionales, puisqu'elles semblent, pour certains, l'horizon indépassable de ce débat.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

La France dont nous défendons les couleurs est une France ouverte sur les autres, sur l'Europe, sur le monde, sur l'avenir.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Une France qui évolue avec son temps ; une France à laquelle chacun apporte ses origines, son histoire, et sa contribution ; une France fidèle à ses valeurs, qui continue de croire que le but ultime de la politique, c'est de favoriser l'émancipation des individus et des peuples. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

C'est la République de l'intolérance ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (Plusieurs députés du groupe UMP quittent l'hémicycle, apostrophés par les députés du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Où est le débat si vous n'écoutez pas les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le président, mes chers collègues, m'exprimant à cette tribune m'accompagnent les mots de l'historienne Esther Benbassa : « il n'y a pas de patriotisme français sans rêve français ». Oui, à bien des égards, la France s'est constituée sur un rêve d'elle-même : unir des hommes et des femmes de toutes conditions, de toutes origines, en une langue, une culture, un savoir-vivre ; fonder une communauté de destin qui parle au monde et qui influe sa marche.

C'est ce rêve qui a tissé notre histoire, des rois capétiens aux sans-culottes de Valmy. C'est ce rêve qui a engendré les idéaux de la République, de Gambetta à Jules Ferry, des enfants de Jean Jaurès aux héritiers du général de Gaulle. Nous ne sommes pas une race. Nous ne sommes pas une ethnie. Nous ne sommes pas une religion. Nous sommes un peuple multiple qui transcende ses différences dans une communauté de valeurs et d'ambitions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ce n'est pas du même niveau que le discours précédent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Mes chers collègues, ce rêve, nous continuons d'y croire et de le réinventer. Il est notre raison d'être et notre voix dans le grand concert des nations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Vous êtes toujours dans le rêve, nous, nous sommes dans la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Mais force est de constater aujourd'hui que beaucoup de nos compatriotes ne se retrouvent pas tout à fait dans ce miroir, les uns parce qu'ils se vivent en déclin, les autres parce qu'ils se vivent en marge. Ce postulat, nous pouvons le partager. Oui, la France doute d'elle-même et de sa cohésion. Oui, elle s'interroge sur sa faculté à relever les défis de la mondialisation et des vagues migratoires. Ce questionnement identitaire n'est aucunement un embarras. Il existe chez tous les peuples, et il est au coeur du pacte que nouent les Français lors de chaque élection présidentielle.

Ce que je reproche au Président de la République, ce n'est pas d'avoir ouvert un débat, c'est d'en faire un instrument de division nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est de vouloir décréter qui sont les bons et les mauvais Français (Protestations sur les bancs du groupe UMP), comme si de telles catégories avaient le moindre sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est de désigner l'immigré ou le musulman comme fauteur d'une « dénaturation » de l'identité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Dans son texte de rattrapage, qu'il publie aujourd'hui dans le journal Le Monde,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…apparaît toujours cette méfiance de l'autre, de l'étranger, du trouble qu'il introduirait dans nos traditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Et dans votre questionnaire de préfecture « Qu'est-ce qu'être Français », onze questions sur les quinze ont trait à l'immigration. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans chacune de vos interventions, vous brandissez la burqa comme le nouveau chiffon noir de la République. Dans chacun de vos exemples des « fissures » – j'ai entendu ce mot tout à l'heure dans la bouche de Jean-François Copé – de l'identité nationale, vous pointez le cas de musulmans, vous alimentez les préjugés, vous semez les graines de la discorde – on ne peut que le regretter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ce qui honore la France, mesdames, messieurs, ce n'est pas de faire la chasse aux « mariages gris », c'est d'être le pays d'Europe qui abrite le plus de mariages mixtes entre conjoints français et étranger. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) À l'oublier, votre administration en vient à multiplier les tracasseries sur l'appartenance nationale de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Jusqu'à refuser, personne ne l'a oublié ici, j'espère, un certificat de nationalité à un soldat français qui engage sa vie pour la France en Afghanistan. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

De quel rêve français êtes-vous donc les porteurs ? Dans votre démarche, je ne vois que son envers : la peur, le recroquevillement, l'exclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Là où les Français recherchent l'alliage qui les unit, vous érigez un mur de suspicion entre eux. Là où ils aspirent à trouver un espoir qui les transcende, vous leur présentez des boucs émissaires. « La France, tu l'aimes ou tu la quittes. » Jamais je ne croyais pouvoir entendre une telle apostrophe dans la bouche d'un Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Si c'est ça votre vision de l'identité nationale, alors soyez sûrs qu'elle ne sera jamais aimée ! L'amour d'une nation, c'est l'adhésion du coeur, pas un décret de la peur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

À cette conception craintive, nous opposons notre vision d'une fraternité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Être Français, c'est d'abord assumer l'héritage d'une nation métissée qui se veut indivisible. C'est notre premier pilier.

Je veux le dire avec force, contrairement aux affirmations affolées – je dis bien affolées –, notre système d'intégration continue de marcher. Nos compatriotes issus de l'immigration ne sont pas des Français à moitié. Dans toutes les enquêtes parues à l'occasion de ce débat, ils expriment très majoritairement leur reconnaissance à la France de leur avoir permis de vivre mieux que leurs parents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ils partagent les valeurs de la République et ne demandent ni passe-droits, ni discrimination positive. Ce qu'ils veulent, c'est le droit à l'indifférence, c'est n'être plus des étrangers dans le regard des autres, c'est être considérés comme des citoyens ordinaires avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Dire cela ne me fait pas sous-estimer les difficultés de ce creuset national : les multiples discriminations au nom et au faciès ; la ghettoïsation des quartiers ; les tentations communautaires ou intégristes. Votre politique concrète contribue à ces tensions. Mais le mal est plus profond. Il touche aux défaillances dans l'effort de remise à niveau des quartiers populaires, avec ces taux massifs de chômage, en particulier chez les jeunes, aux carences de nos règles en matière de mixité et de mobilité sociales, à l'érosion des liens civiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, c'était quoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Il ne faut jamais se lasser de le dire : la France a la passion de l'égalité et de l'unité. C'est son deuxième pilier.

Oui, la nationalité est bien plus qu'un passeport pour ouvrir les frontières. Elle est un contrat de solidarité entre ses citoyens mais aussi avec ceux que le pays accueille. Et ce rappel doit valoir pour tout le monde : pour les expatriés de la fortune comme pour les jeunes des cités,…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Besson a oublié d'en parler des expatriés de la fortune !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…pour les dirigeants d'entreprise comme pour les responsables politiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Cette réappropriation de l'exigence civique et de l'exemplarité concerne toute la société, de ses élites, en premier lieu, aux plus modestes des citoyens. C'est dans c'est esprit que le groupe socialiste a toujours défendu l'idée d'un service civique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Nous partageons cette préoccupation avec Jean-François Copé, je l'ai entendu. Parce qu'une citoyenneté qui se réduit à la consommation n'est plus la citoyenneté. Nous avions déposé il y a quelques années une proposition de loi que vous aviez rejetée. Nous sommes prêts ; faisons-le ensemble, ce service civique !

Le troisième pilier de notre identité, que vous refusez de voir en face, c'est le modèle social. Il a été évoqué par le Président de la République à Versailles, à propos du Conseil national de la Résistance. Le modèle social français, c'est l'abolition des privilèges qui fait partie de notre patrimoine, au même titre que la langue, l'histoire ou la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Le modèle français, ce n'est pas le bouclier fiscal !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Il n'y aura jamais de cohésion nationale sans cohésion sociale. La République s'est constituée sur l'idée de justice, de progrès commun, de répartition des efforts.

C'est la grande faute de Nicolas Sarkozy. Le défenseur autoproclamé de « la France éternelle » est celui-là même qui sape son armature la plus solide : le modèle social français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Tout ce qui relève de la solidarité entre les Français est jugé lourd, coûteux, archaïque, bureaucratique, inefficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Et le Président de la République est même allé jusqu'à effacer l'un des héritages les plus précieux de notre histoire chrétienne à laquelle vous faites si souvent référence et qui est devenue une conquête sociale : le repos dominical. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Il ne reste plus qu'à évoquer le bouclier fiscal !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Eh bien, le malaise français, il est d'abord là : dans le saccage de notre patrimoine social, dans le sentiment que l'effort et le mérite ne protègent plus du déclassement et que le principe héréditaire l'emporte sur le principe égalitaire – j'imagine que cela vous rappelle quelque chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Où est notre identité quand le marché envahit toutes les sphères de la société, quand l'argent devient la seule valeur de référence, quand le monde du travail est relégué tout en bas de la hiérarchie des priorités ? Que veut dire la fraternité quand les ouvriers et tous ceux qui vivent de leurs mains sont de plus en plus marginalisés et précarisés ?

Non, ce n'est pas la France qui est coupable d'égoïsme, ce n'est pas son peuple qui manque de générosité. C'est le modèle de société qu'on leur propose. Voilà la question centrale à laquelle vous ne répondez pas, bien sûr, puisque c'est le résultat de votre politique.

Le quatrième pilier, je voudrais l'évoquer parce qu'il faut que les masques tombent dans ce débat. Quand vous dénoncez l'école comme une armée rouge sans cervelle, vous prenez la responsabilité d'ébranler ce quatrième pilier de notre identité nationale : qui sont, aujourd'hui encore, les premiers hussards du civisme ? Les professeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Qui sont, aujourd'hui encore, les premiers transmetteurs de notre histoire et de sa langue ? Les professeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Et pour seule récompense, vous les privez de considération et de postes. Vous allez même plus loin puisque vous avez décidé de supprimer l'enseignement de l'histoire en terminale pour les classes scientifiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Faut-il alors s'étonner que votre France soit muette ? La grande affaire est au contraire de remettre l'école, l'école publique, au centre de la cité, de lui donner des moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Les moyens de se transformer là où c'est nécessaire pour qu'elle retrouve pleinement sa mission de transmettre cette immense bibliothèque du savoir qu'a constituée au fil des générations notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

De la même manière, n'était-il pas hasardeux que le Président de la République veuille réformer nos principes de laïcité, ce cinquième pilier de notre identité, qui apparaît, aux yeux mêmes de nombreux pays étrangers, comme l'une des réponses les plus adaptées à la résurgence des conflits religieux ? La France laïque est mieux qu'une marque de fabrique : elle est aujourd'hui un produit d'exportation et un facteur de concorde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

La France laïque doit, sans hésitation, dire non à la burqa, parce que cette prison de tissu qui enferme les femmes contredit notre conception des droits fondamentaux de la personne humaine. (Même mouvement.)

Mais la France laïque doit avoir la même intransigeance pour reconnaître à l'islam le droit d'exercer son culte dans les mêmes conditions de dignité que les autres religions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Quand le Président de la République justifie l'interdiction des minarets, il nie et défigure l'article 1er de la loi de séparation des églises et de l'État, qui assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. La liberté de conscience et la laïcité sont un même bloc. Elles ne se divisent pas, elles ne sont pas à géométrie variable selon que l'on est chrétien, juif, musulman ou athée. (Même mouvement.)

Nos compatriotes musulmans sont les premières victimes de l'intégrisme. C'est avec eux et non contre eux que nous prouverons que l'islam, deuxième religion de France, peut être en harmonie avec la démocratie et la laïcité.

Et c'est par quoi je veux conclure, mes chers collègues : « Ne laissons pas tomber l'identité nationale dans n'importe quelles mains », écrivait Fernand Braudel en conclusion de son fameux ouvrage, L'identité de la France.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Surtout pas dans les vôtres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Mes chers collègues, ces derniers jours nous encore ont fourni quelques exemples que nous avons tous en tête. Méfions-nous des emportements que nous ne saurions plus maîtriser. Les tragédies de l'histoire nous ont rapprochés ici, dans cet hémicycle. (M. Emmanuelli apostrophe le ministre. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Le ministre m'a interpellé ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

C'est inadmissible ! Nous ne pouvons accepter de telles manières !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

C'est l'illustration même de l'intolérance !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Ayrault, veuillez poursuivre et vous acheminer vers votre conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Méfions-nous des emportements ! Les tragédies de l'histoire nous ont rapprochés – en tout cas, je l'espère. Je sais que nous avons tous le souvenir et la même aversion pour ces hommes du passé qui, malheureusement à cette tribune, désignaient à la vindicte « les mauvais nationaux » en pointant du doigt un président du Conseil parce qu'il était juif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ce que nous avons à transmettre, c'est un patriotisme fédérateur. Un patriotisme qui s'enracine dans les droits de l'homme autant que dans l'attachement à une terre. Un patriotisme qui s'ancre dans la fibre populaire autant que dans l'exemplarité de ses dirigeants. Un patriotisme qui sait s'ouvrir aux autres et se reconnaît pleinement dans l'Europe.

Notre pays n'est pas un bloc à prendre ou à laisser. Il ne met pas un signe « égale » entre les croisades et l'édit de Nantes, entre la colonisation et la résistance, entre le despotisme de l'Ancien régime et la République démocratique ! La grandeur d'un peuple, c'est de savoir regarder en face ses lumières et ses ombres, sans repentance, mais sans concessions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ce que nous devons, c'est transmettre une idée de la nation qui dépasse ses racines multiples et parfois opposées. C'est construire une mémoire partagée qui concilie la vérité et l'estime de soi. C'est offrir à tous les Français les mêmes droits et les mêmes devoirs, quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques. Ce que nous voulons, c'est enraciner une adhésion du coeur dans laquelle chaque enfant de la République puisse se reconnaître. « Être Français », disait Renan, « c'est avoir fait de grandes choses ensemble et vouloir les faire encore ». Là est la France, là est son rêve ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quel cinéma !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Et les excuses d'Emmanuelli, c'est à quelle heure ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi un mot sur les conditions dans lesquelles se déroule notre débat sur l'identité nationale, des conditions iniques qui ne sont pas dignes du rôle de notre assemblée.

Le courant communiste, malgré son rôle dans la construction de notre nation, ne dispose dans cet hémicycle que de dix minutes pour aborder un sujet aussi grave. Pourtant, aucune personne, aucun courant de pensée ne détient le monopole de la nation, et je suis choqué que les formations de cet hémicycle ne soient pas traitées équitablement.

Le 21 février 1944, les murs de notre capitale se couvraient d'une grande affiche rouge annonçant l'exécution des vingt-trois membres du groupe Manouchian, ces résistants communistes, juifs, d'origine arménienne, hongroise, polonaise, espagnole, italienne, qui avaient fui le totalitarisme pour venir défendre dans notre pays les valeurs républicaines contre Vichy, contre les nazis. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC apostrophent vivement les commissaires du Gouvernement en train de rire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous en prie, n'interrompez pas l'orateur !

Poursuivez votre intervention, monsieur Asensi.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Les commissaires ne savent pas se tenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Monsieur le ministre, vous auriez pu leur apprendre le respect !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Calmez-vous et asseyez-vous ! (« C'est une honte ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ici, nous débattons d'idées et nous ne devons pas nous en prendre aux personnes !

Quant à vous, messieurs les commissaires du Gouvernement, je vous rappelle que vous êtes tenus à une neutralité absolue. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Veuillez poursuivre, monsieur Asensi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Tous ces étrangers qui avaient fui le totalitarisme, étaient venus défendre les valeurs de notre pays contre Vichy et contre les nazis.

Comment ne pas se rappeler cette affiche, inspirée de la xénophobie de la droite nationaliste, qui présentait ces étrangers comme l'anti-France ? Ils font désormais partie du Panthéon de notre mémoire nationale. Mais, de cet épisode, les prochaines générations ne sauront peut-être rien, puisque vous semblez décidés à supprimer l'enseignement de l'histoire dans certaines classes de terminale, à un moment si important dans la formation d'un adulte citoyen.

Aujourd'hui, des amalgames abjects se développent entre Français d'origine immigrée, étrangers et délinquants, dans les circulaires ministérielles. Les reprises des slogans du Front national par des représentants de l'État heurtent, je le crois, tous les républicains. Vous ouvrez une boîte de Pandore dont nul ne connaît l'issue, et je sais que beaucoup de députés, sur tous ces bancs, y compris à droite, partagent notre inquiétude.

À chaque période de crise économique, des gouvernements, singulièrement de droite, ont élevé un rideau de fumée en désignant de prétendus ennemis de la France. Ces boucs émissaires ont eu pour nom Dreyfus, ils ont eu le visage de ces étrangers internés par la République à la veille de la Seconde guerre mondiale, sous la pression des fascismes de droite.

L'histoire semble bel et bien bégayer et, pour masquer une politique économique et sociale en échec, pour débaucher un électorat ultra, le Président de la République sème la division dans le peuple français.

Son concept d'identité nationale est scientifiquement inexistant, mais politiquement dangereux. L'intrusion de l'État dans la définition de la nation, instrumentalisée à travers la création d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale, est un fait grave. Avec les chercheurs et les intellectuels, j'en demande ici solennellement la suppression, car on ne peut présenter l'immigration comme une menace pour la France. Comment accepter une telle atteinte aux principes de la République ? Le Gouvernement privatise l'État, nos préfectures, pour les mettre au service de la campagne de l'UMP. La neutralité des préfets, chargés de conduire des débats selon une circulaire biaisée et offensante, est profondément bafouée.

Pour autant, la nation n'est aucunement taboue pour les députés communistes et républicains. Pour nous, la nation est une construction permanente, une volonté des citoyens de participer à un projet progressiste et émancipateur. La nation est une histoire, mais bien plus encore, elle a un avenir commun.

Notre nation n'est pas la nation sclérosée du Président Sarkozy, qui reconnaît comme origine immuable la chrétienté et l'Ancien régime. Notre nation, c'est la nation de l'abbé Sièyes qui, en 1789, accordait la citoyenneté à tous les Français, quel que soit leur statut social. Notre nation, c'est la Déclaration des droits de l'homme, qui faisait de la contribution à l'impôt un élément essentiel de la citoyenneté française. C'est la Constitution de l'An II qui accordait des droits civiques identiques aux étrangers résidant en France.

Au nom de quoi limiterait-on aujourd'hui les droits civiques de ces citoyens étrangers résidant en France, alors que de riches Français s'excluent volontairement de la solidarité nationale par l'évasion de leurs revenus dans les paradis fiscaux ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Notre nation, c'est celle de la laïcité, remise en cause par le discours de Latran.

Notre nation, c'est celle du Conseil national de la Résistance et de son pacte social. Or, du démantèlement du droit du travail à la privatisation des services publics, la politique de votre gouvernement renie cette République sociale, véritable ADN de la France.

Notre nation, c'est, enfin, une communauté politique ouverte sur les autres nations, dans une relation de coopération et de dialogue. Comme le rappelait Jean Jaurès, cet internationalisme-là ne nous éloigne pas de la nation. Il nous en rapproche, à l'inverse d'un capitalisme mondialisé qui met les peuples en concurrence, attisant hier les guerres coloniales, aujourd'hui les guerres économiques et impériales.

Je ne cesse de m'étonner d'une contradiction : les initiateurs du débat sur l'identité, les défenseurs des symboles de la nation, sont ceux-là mêmes qui fragilisent le rôle des États en promouvant la liberté absolue de circulation des capitaux ; ceux-là mêmes qui soutiennent une construction européenne coupée du peuple ; ceux-là mêmes qui abaissent les solidarités nationales en défendant la directive Bolkenstein. Ces élites capitalistes apatrides, dignes héritières des réfugiés de Coblence, mettent en doute le patriotisme des classes populaires, alors qu'elles n'hésitent jamais à défendre leurs privilèges depuis les fourgons de l'étranger.

Enfin, comment accepter que le Gouvernement français caricature et stigmatise à ce point l'immigration ? Notre nation est un creuset de cultures, une terre ancienne d'immigrés. Près d'un quart des jeunes français a un grand-parent né à l'étranger, ne l'oublions pas, monsieur le ministre.

Élu du département de la Seine-Saint-Denis, berceau depuis longtemps de métissages au gré des migrations économiques, je ne peux accepter le procès de la différence que votre gouvernement instruit. Non, l'immigration n'est pas un danger. Elle est une richesse, pour peu que l'on sache lui donner une juste place dans notre République. La France, sa croissance, son modèle social, se sont construits sur les efforts et les sacrifices de ces populations qui nous ont rejoints. La stigmatisation de l'immigration est un reniement absolu de l'intégration républicaine. En confortant les préjugés, vous condamnez certains Français à devenir d'éternels étrangers dans leur propre pays. Vous condamnez ces Français de la deuxième ou troisième génération à subir, comme leurs parents, des discriminations ethniques qui sont la honte de notre République.

Parfois avec difficulté, la France a su, par le passé, offrir sa générosité à plusieurs générations d'immigrés. Je constate avec beaucoup de tristesse que votre politique discriminante ferme désormais la porte à la génération des enfants d'immigrés maghrébins et africains, terriblement absents de notre hémicycle.

Je constate également que la tradition humaniste française est bafouée, à l'heure des charters pour l'Afghanistan. Ces réfugiés ou immigrés sans papiers ont vécu le déchirement de quitter leur pays, leur famille, font le sacrifice d'occuper des emplois pénibles, en deçà de leurs compétences, pour assurer à leurs enfants un avenir en France. Quelle épreuve supplémentaire comptez-vous leur imposer, alors que leur régularisation est un droit fondamental ?

La France, patrie des droits de l'homme, voit chaque jour ses lumières décliner. Le Conseil de l'Europe vient de dénoncer « la vision étriquée de l'identité », défendue par le gouvernement français, qui n'accorde aucune place à la diversité des cultures. La tribune du Président Sarkozy, dans Le Monde, ressuscite la funeste idée d'assimilation. Le juste refus du communautarisme ne saurait faire table rase des cultures d'origine.

Finalement, le véritable mal français n'est pas l'immigration, c'est l'affaiblissement de notre modèle républicain. Affaiblissement dû à la crise systémique du capitalisme, mais aussi à un passé colonial qui a durablement figé une image de la France opposée à la culture africaine. Une image réaffirmée récemment par le Président de la République dans le terrible discours de Dakar.

Rien n'est pire que ces murs d'incompréhension et de discriminations qui existent au coeur de notre République, où les jeunes diplômés immigrés subissent un chômage quatre fois plus important que les non immigrés, où l'ensemble de la société souffre d'inégalités si criantes que le vivre-ensemble est brisé.

Certains à droite, au nom de leur chef, font le choix de maintenir ces murs de défiance et d'injustice, les députés communistes et républicains sont, au contraire, déterminés à les faire tomber ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

C'est lamentable ! C'est incroyable ! C'est stalinien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment de prendre la parole au nom des députés du Nouveau Centre, je tiens à saluer l'occasion qui nous est offerte de débattre enfin pleinement, dans cet hémicycle, de la question de l'identité nationale.

Ce débat, d'aucuns ont tenté, exercice paradoxal dans une démocratie, d'en contester l'opportunité. Le Gouvernement aurait des visées électoralistes ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ah oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La belle affaire ! Citez-moi un seul gouvernement qui n'en ait jamais eues !

La majorité voudrait donner des gages à la partie la plus à droite de son électorat ? Et alors ? Nous, centristes, avons toujours préféré qu'elle se retrouve dans un vote républicain plutôt que dans un vote extrême !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Sur le fond, nous nous réjouissons de cette opportunité de débattre, car, à nos yeux, le sujet est essentiel. L'enjeu, c'est de définir ce qu'est la France aujourd'hui, à l'heure où la mondialisation et les différences parfois criantes de niveaux de vie conduisent à un métissage accéléré des populations comme de leurs cultures. Se poser la question de son identité, c'est s'interroger sur son rapport à l'altérité, c'est chercher ce qui aujourd'hui nous distingue, nous Français, mais aussi ce qui nous rassemble, c'est savoir qui nous sommes pour mieux porter notre message dans le monde.

Dès lors que l'on évoque la nation, on oppose traditionnellement, un modèle germanique, la Heimat, théorisé par Fichte, reposant sur des critères objectifs et tournés vers le passé, tel le partage d'une histoire et de racines communes, à une conception française, héritée des Lumières, où la nation aurait, cette fois, une dimension politique, voire strictement « contractualiste », où elle serait, selon les mots d'Ernest Renan, « un plébiscite de chaque jour » appuyé sur le partage d'une volonté de vivre ensemble. Cette opposition est toujours vivante dans le droit actuel de la République fédérale allemande, avec le droit du sang, et notre droit républicain, avec le droit du sol.

Oui, nous avons fondé notre République sur des valeurs autour desquelles tous ici, quelles que soient nos sensibilités, nous nous retrouvons. Elles constituent bien le socle de notre identité et sont, en quelque sorte, le règlement de copropriété de la maison France, ces fameux droits et devoirs. Ces valeurs, ce sont le fameux triptyque républicain, liberté, égalité, fraternité, mais aussi, depuis plus d'un siècle, celle, tout aussi fondamentale de la laïcité. Pour autant, faut-il renvoyer dos à dos l'histoire et ces valeurs ? Peut-on même séparer, dès lors que nous nous interrogeons sur ce que nous sommes, ces valeurs qui fondent l'universalité du message républicain de l'histoire de notre pays ? Notre conception de la laïcité elle-même aurait-elle pu surgir d'une pensée autre que chrétienne, la première à exiger de « rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu et à César ce qui appartient à César » et qui pose ainsi dans ses fondements mêmes la séparation entre pouvoirs temporels et spirituels ?

Oui, l'identité française, c'est tout à la fois un héritage fait de symboles, de repères culturels, historiques et une volonté de vivre ensemble, un projet politique. Oui, la France, c'est au sens fort, notre patrie, « la terre de nos pères », la mémoire de nos morts. Et dans un même temps et dans un même élan, la France, c'est aussi l'exigence et le rêve républicain.

Il n'est pas d'identité nationale solide qui ne s'appuie sur ses deux jambes : patriotique et faisant mémoire du passé, d'une part, politique et tournée vers l'avenir, d'autre part. Faire abstraction de tout héritage patriotique, c'est faire le choix de s'enfermer dans une vision froide et désincarnée de la nation qui, tôt ou tard, ne recueillerait plus l'adhésion des Français. À l'inverse, il n'est pas de nation ouverte et intégrant avec succès les étrangers qui viennent vers elle qui ne soit pas assise sur un projet politique vivant. Et la vie ne connaît pas l'immobilité. Qui pourrait donc imaginer que notre identité nationale se trouve figée une fois pour toutes ? Le faire, ce serait d'abord et avant tout, commettre une faute historique.

Je m'en tiendrai à un seul exemple, longuement développé par Fernand Braudel dans son magnifique ouvrage L'identité de la France. Braudel montre ainsi combien l'exode rural accéléré qu'a connu notre pays après la dernière guerre a été à l'origine d'un bouleversement profond, durable et structurel pour notre identité nationale. Dans la France de 1940, ce sont les paysans et leur culture qui déterminent largement l'identité de la France. Aujourd'hui, la France, c'est majoritairement une nation d'employés du secteur tertiaire, avec leur culture propre et leur psychologie, qui s'interroge sur ce qu'elle est. Être fidèles à notre identité, c'est respecter et faire vivre, sans verser dans l'outrance, notre héritage symbolique, patriotique et historique. C'est à ce titre qu'il nous faut respecter notre hymne et notre drapeau, notre histoire et notre culture, mais aussi, et peut être surtout, notre langue.

Je voudrais insister sur ce point. La querelle linguistique que connaît, à l'heure actuelle, la Belgique n'est, à ce titre, pas anodine. Elle est même fondamentalement politique. La langue française n'est pas seulement le magnifique support de grandes oeuvres littéraires ou encore notre langue maternelle, c'est le vecteur d'une vision du monde unique et identitaire. Nous avons donc le devoir de faire vivre notre langue dans ce monde du XXIe siècle et de l'internet, mais aussi, c'est vrai, de redonner sa place à l'histoire dans les programmes scolaires sans verser dans les errements simplistes et parfois caricaturaux que nous avons connus par le passé.

Être fidèles à notre identité, c'est aussi, sous peine d'une régression nationaliste aux relents maurrassiens bien peu sympathiques, faire vivre notre projet politique dans toute son originalité. Oui, faire vivre soixante-trois millions de personnes dans une société de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité, c'est notre véritable défi. Chacun peut mesurer la distance qui demeure entre la réalité de notre pays et l'objectif républicain. Ne nous trompons pas, c'est cette distance qui menace directement la cohésion sociale de notre pays, et donc notre identité, que ce soit pour les jeunes Français issus de l'immigration dans nos banlieues ou pour les habitants oubliés de la France des territoires ruraux.

Mais, être fidèles à notre identité, mes amis, c'est également ne pas vouloir imposer à nos concitoyens « d'être français, un point c'est tout ». À ce titre, il y a un véritable piège à confondre identité nationale et identités personnelles. Il n'y a pas d'identité française qui ne se définirait pas par rapport à une identité européenne commune – la grande absente de nos débats pour le moment – dans ce que la France a de singulier et de ce qu'elle a en partage avec ses nations soeurs européennes.

Là aussi, il y a bien une identité européenne qui repose sur des faits objectifs. Cette identité est le bien commun de l'ensemble des pays ayant en partage d'avoir pris part, depuis vingt siècles, à une même séquence historique marquée notamment par l'Empire romain, le christianisme, le Moyen Âge, la Renaissance, la Réforme et les Lumières, puis, au XXe siècle, par le naufrage de deux guerres mondiales. Cette réflexion, mes amis, est centrale pour définir les frontières de l'Europe et pour penser justement la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Mais l'Europe, aujourd'hui et depuis cinquante ans, c'est aussi un projet politique auquel nous sommes, nous les centristes, génétiquement attachés. Il n'y a pas aujourd'hui de projet politique français, de rêve français et donc d'identité nationale française qui n'intègre pas le projet politique européen. C'est un projet politique porté sans doute par une part d'idéalisme kantien qui ambitionne désormais de délivrer un message au monde et qui contribue, lui aussi, à l'évolution de nos identités nationales respectives.

Pas plus qu'il n'y a d'identité française sans référence à l'Europe, il n'y a de rêve français qui n'ait pas une dimension universelle et qui n'ambitionnerait pas de relever les grands défis de ce monde, qu'ils soient climatiques ou qu'ils touchent à la faim dans le monde. Charles de Gaulle écrivait à ce sujet : « Il y a entre la grandeur de la France et la liberté dans le monde un pacte vingt fois séculaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Eh bien, nous, centristes, nous nous retrouverons pleinement dans cette ambition française ! C'est en cela aussi qu'il nous appartient de faire vivre notre identité à la surface du globe et qu'il nous appartient, par exemple, d'y soutenir avec force et d'y faire vivre la francophonie, ses peuples et ses institutions.

Encore une fois, notre langue est bien l'un des vecteurs privilégiés de notre vision du monde et l'on ne peut penser défendre les valeurs qui fondent le message universel de la France si l'on ne défend pas, dans le même temps, l'usage du français lui-même.

Mais il faut également, dans la ligne de la reconnaissance des langues régionales par notre Constitution, rénover notre discours républicain pour clarifier la place qu'il laisse aux communautés de tout ordre qui composent la nation. En ce sens, un certain discours anti-communautariste, d'un républicanisme exaspéré, est aujourd'hui, à plus d'un titre, à bout de souffle dans le pays de plus en plus brassé et métissé qu'est la France d'aujourd'hui. À l'heure où internet refaçonne les relations sociales en offrant une nouvelle vie aux communautés de tout ordre, reconnaissons enfin et calmement que chacun d'entre nous porte en lui plusieurs identités qui ont chacune le droit à l'expression.

Voilà pour les fondements de philosophie politique qui sont les nôtres en matière d'identité nationale. Il nous revient maintenant de les intégrer dans notre pratique politique contemporaine pour faire vivre l'exigence républicaine, le rêve français et européen. C'est à nous de trouver les mille et une initiatives qui replaceront la réalité vécue quotidiennement par nos concitoyens à la hauteur de notre ambition nationale.

Permettez-moi de citer quelques-unes de ces mille et une initiatives. Plus de dix ans après la fin du service national – et je suis heureux que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et le groupe de l'Union pour un mouvement populaire aient cité cette initiative –, oui, nous avons besoin d'une grande réforme proposant à notre jeunesse, garçons et filles, le don du temps dans une grande initiative de service civique national. C'est pourquoi nous, centristes, apportons aussi tout notre soutien aux initiatives prises en ce sens par le haut-commissaire Martin Hirsch, afin de mettre, enfin, en place ce nouveau service civique.

De la même manière, je l'ai déjà souligné, mais permettez-moi d'y revenir, la promotion de la langue française, à l'intérieur comme à l'extérieur de notre pays, est un enjeu majeur. Où est, aujourd'hui, l'ambition de la France dans l'alphabétisation des immigrés ? Où est l'ambition de la France pour la francophonie ? Nous proposons, nous centristes, au Parlement d'agir fortement dans ce domaine.

Il nous appartient maintenant, loi après loi, de mettre en cohérence notre discours républicain, notre rêve français et la réalité quotidienne. Le lien entre la nation et les citoyens n'est pas un acquis. C'est un travail permanent que de le faire vivre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

(Mme Danielle Bousquet remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, ce débat est légitime. C'est le débat de tous. Nous débattons donc naturellement ici, à l'Assemblée nationale, comme le groupe UMP l'a proposé. En même temps, ce débat ne doit pas être celui d'un trimestre. Ce ne doit pas être un débat de préfecture ou de ministère. Il est bien que le Président de la République se soit, aujourd'hui, de nouveau exprimé sur ce sujet. Il ne saurait non plus être, par les éléments que l'on y met, un programme de gouvernement. Si vous m'y autorisez, monsieur le ministre, je n'ai pas beaucoup aimé tout à l'heure, dans votre bouche, l'utilisation du mot « scénario » qui ne me paraît pas adapté.

Oui, ce débat est, pour nous, une passion partagée ; il intéresse. On nous demande parfois si nos électeurs nous en parlent. Oui, parce que les Français ne sont heureusement pas uniquement préoccupés de questions matérielles, aussi importantes et urgentes soient-elles.

Nos concitoyens comprennent bien que cette question n'est pas résolue d'avance et que la réponse n'est pas acquise. Nous sommes dans un monde ouvert qui pose naturellement de nouvelle manière la question de l'identité nationale. Oui, Jean-François Copé l'a rappelé, notre pays vit, subit des fissures et des menaces. Oui – et c'est heureux – nos concitoyens demandent que le débat soit permanent et exigent des réponses. Je pense, en effet, que le plus grand nombre d'entre eux ressent, vit, exprime, exige que l'identité nationale soit un lien social et non un self-service où chacun viendrait chercher sa réponse et apporterait son opinion. L'identité nationale, c'est quelque chose de plus fort.

Oui, ce débat est essentiel et indispensable parce que l'identité nationale est une force, un fait à nourrir et non un contrat à négocier. Beaucoup l'ont dit, beaucoup le diront – mais pourquoi faire nécessairement compliqué ? – l'identité nationale est une source d'énergie qui se trouve dans notre belle devise de liberté, d'égalité et de fraternité : la liberté, en ce qu'elle a d'insolence et de création ; l'égalité, quand, face à nos concitoyens qui se trouvent dans des situations très difficiles, nous ne devons pas mener des politiques « localistes », spécifiques, clientélistes, mais faire en sorte que l'ascenseur social puisse fonctionner pour tous les Français, où qu'ils soient ; la fraternité, quand on mesure ce qu'est la force de la politique familiale française et qu'on voit un pays européen comme l'Allemagne se demander comment elle pourrait éclairer des politiques publiques dans d'autres pays.

Liberté, égalité, fraternité, cela dit beaucoup, et je suis parfois perplexe quand je vois ce qu'on veut ajouter à la devise de la République. La laïcité, je suis pour, mais ce n'est pas la quatrième vertu républicaine, la République en comporte trois. La diversité, c'est un objectif politique indispensable, mais ce n'est pas la cinquième vertu républicaine, il y en a trois.

Monsieur le ministre, nous sommes massivement ici contre le communautarisme, et je suis heureux qu'il y ait eu une clarification et un progrès sur ce terrain. Je suis aussi, car l'ascenseur social passe heureusement par d'autres voies, contre les discriminations positives, même parées de nouvelles présentations.

Source d'énergie, intelligence de mouvement aussi, parce que l'identité, c'est un héritage, et c'est le refus de l'ingratitude, comme Alain Finkielkraut l'a très bien décrit. L'identité nationale, c'est une transmission, c'est la conscience de ce que nos parents nous ont transmis, c'est la conscience de ce que nous voulons transmettre à nos enfants, avec une interrogation, avec une forme d'ambition, sur ce que nous aimerions qu'ils transmettent à leurs propres enfants. L'héritage, la transmission ne retirent rien à ce que la richesse nouvelle peut apporter à notre pays, tout cela est indispensable.

Source d'énergie, intelligence de mouvement, esprit de don enfin.

L'esprit de don dans notre pays, c'est le sens du service public, c'est le sens de l'effort gratuit, y compris dans la formation et les programmes scolaires. C'est le lien entre science et conscience. Y aurait-il une réponse française aux enjeux de la bioéthique – la France, dernier rempart contre la déferlante utilitariste, comme le dit le professeur Munich – si les scientifiques de notre pays n'avaient pas cette culture, ces humanités, cette histoire, que nous devons continuer de leur offrir ?

L'esprit de don, ce n'est pas l'esprit de créance. Toute revendication, même légitime, ne doit pas nécessairement ébranler l'identité nationale. L'identité nationale, c'est se poser des questions, mais c'est aussi ne pas constamment s'agiter, douter, fragiliser ce qui nous a été offert, ce que nous voulons vivre et transmettre.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Oui, le monde bouge et nos valeurs sont offertes au monde. Elles doivent l'être de manière active à l'Europe. Lorsque nous sommes convaincus que certains éléments de notre identité française sont une force, nous voulons que l'Europe fasse avec nous un bout du chemin.

Ce monde que nous voulons construire, ce monde nous éveille aussi constamment, et c'est cela le mouvement de l'identité nationale. Elle n'est pas gelée, elle n'est pas figée. En même temps, elle est forte, elle est riche. C'est l'identité nationale pour un monde meilleur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon Jacques Ancel, géographe persécuté par les nazis et mort en 1943, « un État se marque sur une carte, une nation est une communauté morale plus malaisée à circonscrire ». Il ajoutait : « Ce serait puérilité que de tracer des sentiments dans le rigide cadre des territoires ».

Il est donc toujours complexe de définir ce qu'est le sentiment d'être français. Le mot sentiment désigne lui-même à la fois des sensations et une conscience. Il est périlleux que ce soit l'État qui cherche à dire ce que cela signifie et, ainsi, à « cadrer » des sentiments. En la matière, il ne peut dire « le vrai » car il ne peut y avoir d'objectivité.

Permettez-moi d'avoir une pensée pour Raymond Forni, qui a été président de cette assemblée, l'enfant d'un immigré. Je vous invite à relire le préambule du discours qu'il a prononcé après son élection et qui a fait l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je voudrais vous faire part de ma propre expérience, celle de devenir française, ayant été une étrangère pendant une moitié de ma vie.

Je suis née en Grèce, un pays dans lequel l'État, jusque dans les années soixante-dix, avait la tentation de délivrer un certificat de loyauté, où, à la nationalité, s'ajoutait en quelque sorte un serment de bonne conduite vis-à-vis de la nation. À bien y réfléchir, cela fait froid dans le dos.

Je vais essayer de définir ces sentiments qui m'ont fait devenir française et me sentir française.

Mes parents étaient modestes et ont été des résistants à l'occupation nazie. Ils ont connu la famine et ont perdu leur maison dans un tremblement de terre. Autant vous dire qu'ils ont connu l'adversité. J'ai donc été élevée dans une culture de résistance, y compris un peu à eux-mêmes, et d'amour de la liberté collective.

Ma première fascination et mon premier amour pour la France ont été la langue et la création à la française. J'aimais et j'aime le français, même s'il est difficile. C'était et cela reste une langue de liberté, de tolérance et d'espoir.

À mon époque, dans ma ville, Volos, il y avait l'Institut français et ses mille auditeurs. J'ai lu Colette, Balzac, Rousseau, Françoise Sagan. Le français me « parlait », il était et reste pour moi une langue riche et agréable à entendre. Aujourd'hui, on ne pourrait plus faire une telle découverte : on a fermé l'Institut français – c'est déjà une RGPP d'avance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Dord

C'est dommage, la polémique appauvrit le discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

J'enviais aussi ce qu'étaient les créations françaises, notamment la mode, car j'y voyais le signe de quelque chose qui se réinventait constamment, s'adaptant aux besoins nouveaux et créant des goûts originaux. En ce sens, la France, c'était pour moi un pays qui ne subissait pas le changement mais le pratiquait par la culture. D'une certaine façon, la France me faisait rêver.

Ma deuxième découverte et mon deuxième sentiment ont été, à vingt ans, le fait que je me sente à l'aise dans le pays lui-même.

En venant d'abord à Grenoble, puis à Paris et au Mans pour mes études, j'ai eu d'emblée le sentiment que je pourrais y vivre pour toujours, chose que je ne pouvais savoir avant d'y être. C'est un sentiment fort, que nul État ne peut prescrire ni interdire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Au-delà de la diversité des paysages et des hommes et femmes, de l'harmonie des goûts, de la beauté du vin, domine une morale laïque. Ici, ce n'est pas la religion qui détermine votre appartenance à la communauté nationale. Je viens d'un pays où 98 % des Grecs sont baptisés orthodoxes et, si vous ne vous mariez pas à l'église, vous n'êtes pas tout à fait le gendre ou la belle-fille de vos beaux-parents.

La France, c'est aussi un pays qui croit à l'école, depuis la maternelle, aujourd'hui menacée malheureusement, certains n'y voyant que de petits enfants à changer, jusqu'à l'université, avec l'idée que chacun a une chance.

C'est un pays qui croit aussi à une morale laïque faite de devoirs, de justice et de bonté, d'habitude de la réflexion, une morale qui se suffit à elle-même sans avoir besoin d'un prêtre ou d'un chef qui décide seul de ce qui est bon pour tous, même si notre Président de la République pense autre chose.

Mon troisième sentiment pour la France a été le plaisir de me savoir reconnue pour ce que j'étais.

Plus tard, en lisant Ferdinand Buisson, philosophe, pédagogue, et ministre de la IIIe République, j'ai découvert que c'était ce qu'il nommait « l'individualisme de conscience ». Ici, vous pouvez être vous-même et ne pas être défini exclusivement par votre famille, votre religion, votre travail ou votre entreprise, votre pays d'origine, ou encore vos préférences sexuelles. Vous êtes, quelque part, « indépendant » d'eux. On y pratique non pas la coexistence des particularismes mais le partage de ce qu'il y a de meilleur dans les individualités et les valeurs.

Par ailleurs, cet individualisme n'est pas l'individualisme de concurrence qui est aujourd'hui valorisé et vanté partout, jusqu'aux plus hauts sommets de l'État. Être puissant, riche, riche parmi les puissants ou puissant parmi les riches, cette ivresse-là qui s'empare de celui qui a devancé ses semblables ou est en passe de le faire, qui veut constamment dominer et qui se comporte comme tous les riches et les puissants du monde, ce n'est pas cela qui m'a fait choisir la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Avec ce que j'appelle l'individualisme de conscience, je me suis sentie proche d'une valeur qui est la recherche de la justice dans la diversité et la reconnaissance des personnes.

Mon quatrième sentiment à l'égard de la France a été le bonheur d'être dans un pays ayant le goût des autres. Ce pays a encore la réputation d'aimer les autres, de les reconnaître et de les accueillir quand ils en ont envie ou besoin.

Jeune, je savais que la France avait su accueillir mes compatriotes grecs, ceux qui étaient considérés comme déloyaux ou dangereux par l'État des colonels.

De façon plus générale, j'ai toujours eu la sensation que notre pays était curieux des cultures des autres et apte à oeuvrer dans le monde sans penser en être le maître. J'ai le souvenir de ces touristes français curieux de la Grèce antique, que je rencontrais au bureau de poste de ma ville et avec lesquels je partageais quelques mots de français. D'une certaine façon, la France a su donner l'exemple ; c'est parce qu'elle sait être ouverte qu'elle rayonne et est aimée.

Ces sentiments que j'ai essayé de décrire m'ont permis de me sentir chez moi sans renier mes origines, de vouloir porter une idée du progrès pour les autres.

Un vieux Sarthois m'a dit, alors que j'avais un accent plus marqué encore qu'aujourd'hui, bien qu'il risque de l'être de plus en plus au fur et à mesure que l'on avance dans la nuit en raison de la fatigue : « Je sais, vous n'êtes pas d'ici mais, moi, je vous préfère car je sais que, vous, vous me comprendrez et me défendrez ». Il a mieux que quiconque défini ce qu'était être Français, avoir une grande solidarité de vie et d'avenir dans le respect des lois que nous définissons ensemble.

Pour lui comme pour moi, être Français ce n'est pas quelque chose de figé, quelque chose dont l'essence nous échapperait pour être décidé par en haut, fût-ce par un ministre.

Évidemment, la France, c'est aussi mon mari, ce sont mes quatre enfants, de dix-huit à trois ans, qui se sentent tous français et qui aiment tous leurs origines étrangères. Ils se sentent forts d'une histoire riche. Petits, ils dessinaient, sans qu'on leur dise quoi que ce soit, des drapeaux français, mais aussi grecs. Allez comprendre !

Quand j'ai dit à mes parents que je resterai ici, ils ont été tristes. Quand je suis devenue Française, leurs sentiments n'ont pas changé et ils sont devenus fiers de ce que la France avait fait de moi et de ce que je pouvais y faire.

Que peut-on inférer de ces quelques propos personnels et de ces sentiments sans doute vécus par des centaines de milliers d'étrangers devenus Français ?

Selon moi, parler de l'identité nationale comme de quelque chose d'objectif et d'immuable qu'on pourrait « valoriser », comme le dit le site du ministère, c'est impossible.

Se retenir de dire que cette vision est inepte reviendrait à se sentir coupable. Mais de quoi ? D'être français ? Ça non ! D'oublier l'humanité à la Française ? Certainement, et ce serait une entorse à notre propre culture et ça, parce que je suis française, j'aurais du mal à l'accepter.

Selon l'historien Gombrich, l'histoire humaine est un fleuve qui parcourt des paysages différents et jamais les mêmes. Il nous faut donc admettre que nos valeurs, y compris celles que nous appelons nationales, puissent avancer sur ce fleuve et se renouveler. (Les députés des groupes SRC et GDR se lèvent et applaudissent longuement.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le ministre, tout a été dit sur votre manoeuvre préélectorale autour de l'identité nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Le peuple français est un peuple sage. Les Français ressentent profondément cette manipulation, et il y a fort à parier qu'ils vous la renverront en boomerang lors des élections régionales de mars prochain. À trop vouloir briller, monsieur le ministre, on finit par se brûler les ailes.

À l'époque, j'avais fait partie de ceux que vos propos avaient choqués lorsque qualifiiez Nicolas Sarkozy de « néo-conservateur américain à passeport français ». Aujourd'hui aussi, vous devriez mieux choisir vos mots ; l'intitulé même de votre ministère est pour nous une provocation.

Que les choses soient bien claires : l'identité, nous sommes prêts à en discuter, mais ce qui nous étonne, c'est votre obsession à parler d'identité nationale en reléguant au second plan la République et ses valeurs : liberté, égalité, fraternité.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

J'ai relu aujourd'hui le discours prononcé par Nicolas Sarkozy le 12 novembre à La Chapelle-en-Vercors.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

La réaffirmation de la place de la République dans notre identité ne vient qu'à la trente-sixième page. Et encore n'arrive-t-il pas à citer la devise !

Auriez-vous un problème avec la liberté ? Sans doute. Avec l'égalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Assurément. Avec la fraternité ? Ce n'est malheureusement même pas la peine d'en parler. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Contrairement à vous, nous ne réduisons pas la question de l'identité à la question de l'identité nationale. Par ailleurs, nous refusons un débat déclenché artificiellement d'en haut, organisé sur ordre par les préfets. La réflexion sur l'identité, qui est d'abord, pour nous, une réflexion personnelle de chacun, cette réflexion-là est permanente. Qui aurait imaginé un jour qu'elle serait commandée, imposée même, par l'État et le Gouvernement ? Qu'aurions-nous dit si un autre pays avait fait cela ?

L'identité de chacun ne se réduit pas à l'identité nationale. Nous défendons une vision autrement plus complexe qui intègre et respecte l'histoire personnelle, familiale et sociale de chacun. Je pourrais à mon tour évoquer l'identité de personnes particulières.

C'est l'honneur de la France que de respecter cette liberté essentielle. L'identité de chacun se nourrit de cultures diverses : par exemple, la culture ouvrière, la culture paysanne, la culture maritime, la culture montagnarde… Je pourrais allonger la liste pour notre pays.

Bien sûr, il y a aussi une dimension collective. La force de la France est aussi de permettre à chaque trajectoire individuelle de participer à une histoire collective, elle-même toujours en perpétuelle construction.

Tout le monde, d'ailleurs, n'a sans doute pas les mêmes références historiques. Peut-être ici même, dans cette assemblée, les références des uns et des autres ne sont-elles pas les mêmes. Pour nous, la Révolution de 1789 fait partie de l'identité nationale, mais aussi la Commune de Paris, juin 1936, juin 1944, mai 1945 et, ne vous en déplaise, mai 1968.

Nous voulons rapprocher la question de l'identité de celle du sentiment d'appartenance. En France, le sentiment d'appartenance à cette communauté de vie et de destin qu'est la nation n'est pas exclusif d'autres sentiments d'appartenance. On raille parfois l'esprit de clocher ; mais de la commune, parfois même du quartier, au monde, en passant par la région, la France ou l'Europe, les sentiments d'appartenance s'additionnent et s'imbriquent subtilement et utilement. C'est pour nous le meilleur antidote au racisme et à la xénophobie. À cet égard, je tiens, monsieur le ministre, à dénoncer vos propos rapportés dans Le Monde de ce soir, selon lesquels il faudrait une « hiérarchie » entre les sentiments d'appartenance.

Pour les écologistes, s'il y a bien quelque chose à cultiver, c'est ce sentiment de multi-appartenance, y compris par un apprentissage, en plus de la langue française, de différentes langues : des langues régionales aux langues des pays d'origine, trop souvent ignorées par notre enseignement.

Quand je disais que ce débat, ce questionnement sur l'identité, doit être permanent, je voulais souligner à quel point il est lié aux différents choix politiques que l'on fait. On ne peut pas monter de toutes pièces un débat sur l'identité nationale sans faire le lien avec les valeurs de la République ni avec les choix politiques sur des sujets aussi essentiels que la solidarité nationale, l'école, la sécurité sociale, les services publics ou encore, et surtout, la fiscalité. Oui, aujourd'hui l'école publique, La Poste ou la SNCF sont autant constitutifs de l'identité française que le drapeau bleu-blanc-rouge ou La Marseillaise.

À quoi bon parler de l'identité nationale si l'on ne fait pas de la cohésion nationale une priorité ? Il n'y aura pas de cohésion nationale sans cohésion sociale. Il n'y aura pas de cohésion nationale sans cohésion territoriale. Comment parler d'une France une et indivisible, aujourd'hui, quand on a laissé se créer des ghettos, quand on laisse les banlieues et les quartiers en difficulté sans perspectives ?

Comment oser parler d'identité nationale quand on en est à demander des certificats de nationalité à certains Français qui viennent faire renouveler leur carte d'identité dans les mairies ou les préfectures ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Le Président de la République a dit dans son discours, en parlant des résistants : « Ils aimaient leur patrie parce qu'ils aimaient ce qu'elle avait fait d'eux. » Pensez-vous vraiment que nos compatriotes à qui l'on inflige ces vexations peuvent aimer ce que vos lois ont fait d'eux ?

Croyez-vous vraiment qu'en érigeant en dogme le bouclier fiscal on renforce le sentiment d'appartenance à la nation ? Quel plus terrible symbole que de s'attaquer à l'impôt juste et équitable, qui est à la source de notre République depuis la Révolution française ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Votre prétendu débat est un bien triste cache-misère de toutes vos politiques qui vont à l'encontre du pacte social dans lequel se retrouve la très grande majorité des Français. Je ne prendrai, avant de conclure, qu'un seul exemple : qu'est devenu le si mal nommé plan « Espoir banlieues » ? Rien n'a changé depuis les émeutes de novembre 2005. Et c'est cela qui casse la logique du « vivre ensemble » au profit des logiques de repli et d'affrontement.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Tous ces exemples sont autant d'offenses à l'identité française, à l'identité de notre nation et de notre République, à cette identité ouverte et vivante à laquelle nous sommes, comme une très grande majorité de Français, attachés.

La question de l'identité est complexe. C'est cette complexité qui fait sa richesse. C'est cette richesse qui fait la force de la France. En réduisant la question à une manoeuvre politicienne préélectorale, vous appauvrissez ce qui fait la substance de la France. En un mot, vous l'affaiblissez. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Dominique Souchet.

Mes chers collègues, merci de bien vouloir respecter vos temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est une excellente initiative. Il nous offre une rare occasion d'échapper à la tyrannie de l'instant pour nous soucier de l'essentiel, les fondements de notre unité nationale, en dresser un état des lieux et examiner comment les consolider.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

J'appartiens à une région qui a été agressée puis martyrisée par un gouvernement français terroriste, qui a écrit là une des pages les plus noires de notre histoire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Et pourtant, le hiatus qui aurait dû se creuser ne s'est pas creusé. Les « colonnes infernales » n'ont pas débouché sur la constitution d'une mémoire locale opposée à la mémoire nationale. Au contraire, cette mémoire locale n'aspire qu'à devenir un chapitre reconnu et assumé de l'histoire nationale.

C'est la force de l'appartenance à un héritage millénaire qui l'a emporté sur la trahison momentanée de ses valeurs fondatrices. Le choix de l'appartenance à la communauté nationale, bien qu'elle ait revêtu un temps le visage hideux de la Terreur (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), a été préféré à la tentation autonomiste. Mieux même, c'est le département vengé qui donnera à la France Clemenceau et de Lattre, et le plus grand nombre de tués par habitants pendant la Première Guerre mondiale.

Cet attachement chèrement acquis à l'identité nationale, nous ne pouvons accepter d'en voir aujourd'hui l'objet caricaturé ou tourné en dérision, assimilé de manière irresponsable à une intolérance culturelle ou à une xénophobie d'État. Face à ces menaces, l'identité nationale reste pour nous un combat, qui doit s'ordonner aujourd'hui autour de trois priorités : un combat contre le délitement de la langue commune, un combat contre l'oubli de l'histoire nationale, un combat contre l'abandon du modèle de l'assimilation à la française.

Face au laisser-aller linguistique, nous devons être aussi vigilants que nos cousins québécois.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Nous devons rappeler à l'école que la parfaite maîtrise de la langue commune est le premier de ses devoirs, parce que c'est cette maîtrise qui permet à chacun de tenir son rôle dans la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Nous devons tous veiller à ce que le français ne perde pas ses vertus de précision, de justesse, de rigueur qui ont longtemps fait de lui la langue préférée des diplomates. Nous ne devons pas le laisser s'effacer au profit d'une langue globale, unique et pauvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Le combat pour l'identité nationale nous fixe un véritable devoir de résistance linguistique.

Dans l'ordre des urgences, la fourniture des repères historiques communs vient aussitôt après l'apprentissage de la langue commune. Il faut donner très tôt à nos enfants les clés de compréhension de leur environnement culturel et le sens de la profondeur historique sans la rétrécir. Il faut leur transmettre la longue mémoire de leur pays, qui leur resterait totalement incompréhensible s'ils n'étaient pas tous initiés à la colonisation romaine ou à l'histoire du christianisme.

Il faut dire et redire le récit de notre pays pour le faire aimer, au lieu de laisser s'installer l'amnésie de l'histoire nationale. Il faut le faire en utilisant tous les vecteurs que nous offre la technologie et en multipliant les instruments de transmission novateurs. C'est l'appartenance assumée à une histoire commune, avec ses ombres et ses lumières, ses lâchetés et ses héroïsmes, qui permet à chaque Français de se construire et de s'avancer vers l'avenir avec confiance.

Cela suppose de ne pas se laisser intimider par une idéologie de la repentance qui, en sortant artificiellement les événements de leur contexte historique, entend sidérer le jugement au lieu de l'aider à se former.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

La fierté d'être français, de parler une langue universelle, d'assumer une grande histoire et de vouloir la poursuivre, ce qui implique évidemment de ne pas brader sa souveraineté, c'est ce qui met à l'abri de toutes les tentations de repli et permet l'accroissement de la communauté nationale.

Pour que nous puissions maintenir une conception de la nation ouverte aux apports extérieurs, il faut que ceux-ci constituent une source d'enrichissement et non de remise en cause des principes qui la fondent. Cela suppose que l'on se tienne à l'écart des idéologies de la haine de soi. Cela implique de ne pas renoncer à l'assimilation à la française : c'est la meilleure voie que l'on ait trouvé jusqu'ici pour prévenir la communautarisation ou l'atomisation de notre société, pour éviter que la France ne devienne, selon l'expression du philosophe, « l'interaction chaotique de subjectivités multiples ».

Fernand Braudel nous a indiqué par avance à quelles conditions le débat que nous ouvrons pourra être fécond : « Une nation ne peut être qu'au prix de se chercher elle-même sans fin, de se transformer dans le sens de son évolution logique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

J'en termine, madame la présidente.

Ce débat, qui va se poursuivre dans nos départements, ne sera fécond que s'il ne reste pas un événement ponctuel. Il doit s'inscrire dans la durée et permettre de déboucher sur les propositions concrètes dont la France et les Français ont besoin : la France pour retrouver pleinement son rayonnement international et les Français pour reprendre pleinement confiance dans l'avenir de leur pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Tout à l'heure, Jean-Marc Ayrault citait Renan. C'est le même Renan qui a dit aussi : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage que l'on a reçu. » C'est bien le sens, monsieur le ministre, du débat que vous avez voulu engager dans le pays aujourd'hui, et qui a donc toute sa légitimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Mes chers collègues, pour débuter mon propos, je voudrais vous lire les extraits d'un discours qui a été tenu à cette tribune il y a quelques années, et dont je vous laisse deviner l'auteur :

« Nous sommes façonnés par les communautés où nous vivons. Nous sommes façonnés par leur histoire aussi bien que par leur langue. Tout cela traduit notre appartenance à la nation. Une nation, ce n'est pas seulement un héritage, pas seulement une communauté de vie ; une nation, c'est une communauté de citoyens qui partagent les mêmes valeurs.

« Nous croyons que l'idée nationale, non pas nationaliste mais nationale, est une idée d'avenir et que cela a été une très grande faute de laisser opposer l'idée d'Europe à l'idée de nation.

« La nation, c'est le bien de tout le monde, mais c'est d'abord le bien de ceux qui n'ont pas grand-chose d'autre.

« La nation est construite à la fois à partir d'un héritage et du partage d'un idéal. Dans le cas de la France, de surcroît, cet idéal est politique et moral. Il invite à l'universalité. Il exclut le renfermement sur soi. Il a été écrit au nom de toute l'humanité et pour toute l'humanité dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. L'exception nationale française est une chance.

« Tout le monde a présents à l'esprit les débats si lourds au sujet du voile islamique, mais la vision communautariste, la vision du chacun pour soi ne s'arrête pas à la religion. Cela ne vaut pas que pour les étrangers, cela est vrai aussi pour les Français, mais le risque est particulier pour celui qui vient d'ailleurs.

« Ainsi, notre système de valeurs est particulièrement mis en cause, fragilisé, et de plus en plus ignoré. La laïcité française, par exemple, est pour des groupes entiers un sujet d'ignorance ou de contestation profonde. Cela est également vrai pour le principe républicain d'égalité entre les sexes, que nous regardons comme l'une des conquêtes essentielles de notre société.

« Que reste-t-il alors pour garantir l'intégration des étrangers qui nous rejoignent ? Il reste » – il restait, avant que Mme Guigou ne fasse sa loi – « le geste d'adhésion volontaire à la nation.

« Les trois principes de la commission Marceau Long, loin d'être dépassés, sont d'une brûlante actualité.

« Le premier était que la politique de la nationalité devait jouer un rôle décisif dans le processus d'intégration, même si elle ne suffit pas à le garantir.

« Le deuxième était qu'il devait y avoir corrélation entre identité française » – c'est-à-dire identité nationale – « et intégration, la seconde ayant plus de chances de réussir quand la conscience de la première est forte.

« Le troisième était que les étrangers qui souhaitent s'intégrer doivent adhérer volontairement aux valeurs nationales, conformément au principe français selon lequel la nation est constituée par le libre consentement des individus.

« Telle est notre conception de la loi : elle doit être généreuse pour ceux qui souhaitent réellement entrer dans la nation […] ; mais elle doit être également inflexible et rigoureuse pour ceux qui veulent en abuser. »

C'était M. François Bayrou,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

…le 26 novembre 1997, qui s'exprimait au nom de mon groupe d'alors. Je l'ai applaudi. Je n'ai pas changé. Et je tiens le même discours, monsieur le ministre, pour soutenir votre initiative de créer ce débat sur l'identité nationale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, après avoir entendu les orateurs précédents, en particulier M. de Rugy, je veux souligner l'importance de la cohésion sociale, fondement de notre pacte républicain. N'est-ce pas notre majorité qui a fait une loi de cohésion sociale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

N'est-ce pas notre majorité qui a créé la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ? J'étais fier d'être membre d'un tel gouvernement ! N'est-ce pas le ministre du logement de l'époque qui a fait voter une charte pour éviter les discriminations dans l'accès au logement, et un certain Jean-Louis Borloo qui a injecté 35 milliards d'euros qui, jour après jour, sont en train d'irriguer les quartiers les plus défavorisés de notre société ? Dois-je rappeler que, ministre délégué à la ville, j'ai augmenté de 300 % les dotations de solidarité urbaine dans les quartiers les plus défavorisés ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) S'agissant de la cohésion sociale, il y a ceux qui en parlent, et il y a ceux qui agissent !

J'ajoute que c'est un certain François Baroin qui a réuni nombre de parlementaires autour de lui pour faire voter une grande loi sur la laïcité, texte qui rappelle les droits fondamentaux de la République et aussi, de manière rigoureuse, ses devoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je termine, madame la présidente.

Mes chers collègues, au moment où certains soulèvent des interrogations à travers leur votation sur les minarets, où d'autres prônent la régularisation massive des sans-papiers, qui veut instrumentaliser qui ? Monsieur Ayrault, puisque vous avez cité Renan, il sera ma conclusion : « La nation est un plébiscite de tous les jours. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, en préambule à mon intervention, faire un petit rappel concernant l'Alsace, ma belle région natale. Mes parents, mes grands-parents, comme tous les Alsaciens et Mosellans, ont, compte tenu de l'histoire, changé quatre fois de nationalité entre 1870 et 1945 ; c'est dire que nos pères se sont battus pour rester ou redevenir français. Mais pour le prouver, nous avons dû, jusqu'à la fin des années 1960, pour remplir toutes sortes de formalités, présenter les certificats de réintégration de nos parents dans la nationalité française.

Alors pour moi, héritier de cette histoire, qu'évoque la notion d'identité nationale ? Pour moi l'identité nationale, c'est, comme l'a écrit le général de Gaulle, « une certaine idée de la France » ; cela évoque un ensemble de symboles et de valeurs : tout d'abord, une langue commune, le français – ce qui n'exclut en rien mon attachement à mon dialecte alsacien – ; ensuite, notre devise « Liberté, Égalité, Fraternité », un ensemble de valeurs humanistes fondées sur les droits de l'homme, la laïcité, la solidarité, l'égalité entre l'homme et la femme, le progrès social, le respect et la tolérance.

Je vois une France multiculturelle, riche de ses diversités, une France plurielle, animée d'un vouloir vivre ensemble fédérateur.

Oui, monsieur Ayrault, je rêve, comme vous, d'une France digne, fière de ses valeurs, dans laquelle tous les citoyens, quelle que soit leur origine – même alsacienne – ou leur religion, vivent en harmonie. Mais il faut pour cela redonner du sens à nos symboles : le drapeau tricolore, La Marseillaise, et permettez à l'enseignant d'ajouter, monsieur le ministre : notre école, socle de notre république, formidable creuset de citoyenneté.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Bref, il s'agit de cultiver l'amour de la patrie et la fierté d'être français, et de faire respecter ces valeurs par tous.

Enfin, être français, pour moi, c'est une émotion. Moi l'Alsacien originaire des « TOV » – les territoires d'outre-Vosges –, j'éprouve toujours une grande émotion, héritée de l'histoire transmise par mes parents, au son de La Marseillaise.

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai qu'être français, c'est aimer fièrement la France, le devenir, c'est adopter la France avec sa langue, ses moeurs, sa culture, et donc partager ensemble nos droits et nos devoirs. Il s'agit là pour nous tous d'un pacte d'avenir. Vive la France riche de ses diversités, ouverte à ceux qui dans un élan de respect mutuel sont prêts à partager notre idéal. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous remercie de nous donner aujourd'hui l'occasion de débattre de cette importante question. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Mes chers collègues, au moment où nous abordons ensemble la question de l'identité nationale, nous sondons le temps long de l'histoire, celui qui forge le discours que les peuples du monde ont appris à aimer de la France. À la manière d'un long et vieux fleuve, notre pays transporte des alluvions qui sédimentent une culture avec ses lignes de force, ses contradictions et ses questions restées sans réponse.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous demandez à la France de vous dire qui elle est. Elle s'apprête à vous répondre sèchement qu'elle a peur de ce que vous êtes en train de faire d'elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous exigez de ceux qui vivent sur son sol qu'ils reconnaissent la République. Mais vous changez à ce point le visage de la République que chacun peine désormais à se reconnaître en elle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

À force de synthèses politiques douteuses et de relectures historiques frelatées, vous rendez peu à peu la France nauséeuse. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

D'abord Nicolas Sarkozy s'est plu, pendant la campagne présidentielle, à préempter, avec un souci permanent d'autopromotion, à la fois de Gaulle et Jean Jaurès, la République et les racines chrétiennes de la France, le message universel de la Déclaration des droits de l'homme et l'appartenance de la France à la civilisation occidentale. À coup de manipulations, il s'est employé à faire tomber un à un les repères établis par les respirations de l'histoire ; et beaucoup des valeurs fondatrices de la République ont ainsi été passées au laminoir des discours successifs du chef de l'État.

Jusqu'à lui, nul républicain ne s'était aventuré à revisiter la laïcité, valeur fondatrice de la République, et tous ceux qui avaient exercé la plus haute responsabilité de l'État avaient conscience de ce lien intime et indestructible qui unit la République à la laïcité au point d'en faire un élément essentiel de son identité. La laïcité fut en effet l'aboutissement d'un combat sans merci, qui synthétisait l'aspiration de la République à voir se réaliser les trois ambitions de sa devise : la liberté, l'égalité et la fraternité.

La laïcité désirait que chaque citoyen pût trouver dans l'indifférence de l'éducation à l'égard des croyances et des religions un chemin pour le libre exercice de sa conscience. Elle fut ainsi le moyen de conforter, au coeur de la République, la devise de la liberté. Comme elle établissait que l'essence même de l'homme l'emportait sur toutes les autres appartenances qui pouvaient le distinguer, elle fut un ressort puissant de l'égalité. Enfin, comme, dans l'école de la République, dégagée de toute inféodation aux croyances et à leurs églises, elle garantissait l'accès de chacun à la connaissance et formait à la tolérance par l'apprentissage de l'ouverture à l'autre, la laïcité constituait le socle solide de la fraternité.

Mais sans doute la laïcité est-elle trop encombrante pour ne pas être la cible de cette obsession de la rupture qui semble guider chacun des pas du Gouvernement. Sur ce sujet grave, la parole du Président de la République, portée au coeur de la basilique Saint-Jean de Latran il y a quelques mois, entend justifier, avec toute la rigueur d'analyse que l'on pourrait trouver dans l'encyclique d'un pape, une nouvelle conception de la laïcité : en quelques mots, l'héritage laïque de la France se trouve bradé, au coeur d'un lieu de culte où, en proie à la jubilation de se voir consacrer chanoine d'honneur de Saint-Jean de Latran, le chef de l'État s'est sans doute cru autorisé à sonder la laïcité avec les arguments d'un pape ultramontain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En accusant la laïcité de couper la France de ses racines chrétiennes, il réintroduit la religion au coeur du discours politique, et va jusqu'à consacrer la supériorité du prédicateur qui évangélise sur l'instituteur qui éduque : « Dans la transmission des valeurs et de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le prêtre ou le pasteur [...] parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance.»

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Dès lors, comment ne pas confronter ce propos à celui que tenait Jean Jaurès, à Castres, en juillet 1904, parlant de la laïcité : « Ainsi se dissiperont les préjugés, ainsi s'apaiseront les fanatismes […] Et la conscience de tous ratifiera les lois nécessaires et bienfaisantes dont l'effet prochain sera de rassembler dans les écoles laïques, dans les écoles de la République et de la nation, tous les fils de la République, tous les citoyens de la nation […]» (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quoi de plus fort que la juxtaposition de ces deux paroles politiques, celle de Nicolas Sarkozy et celle de Jaurès, pour mesurer l'intensité du divorce entre deux conceptions de la laïcité, et de ce fait entre deux conceptions de la République ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

La rupture est ici consommée autant qu'elle est assumée. Elle établit non seulement la négation de la laïcité comme valeur républicaine intangible, mais relativise l'apport des Lumières à l'oeuvre d'émancipation des hommes désireux d'acquérir leurs libertés et leurs droits contre toutes les formes d'obscurantisme. En fait, en s'attaquant à la laïcité sous prétexte de vouloir en inventer une autre, plus positive – ce qui laisse supposer que celle d'avant les discours de Nicolas Sarkozy était négative –, c'est la politique qu'on atteint, la politique et la République dans ses fondements, c'est l'identité de la France qu'on détruit dans ses principes les plus intangibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

On comprend mieux, dès lors, l'effort réitéré de Nicolas Sarkozy pour faire perdre à la France sa singularité. On comprend mieux pourquoi, autant par culture que par conviction, il s'emploie à banaliser le discours de notre pays dans le concert des nations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Là où la France s'affirmait laïque, il la préfère revendiquant ses racines chrétiennes ; là où elle constituait un refuge, portant une parole singulière dans le monde, il la désire fondue au sein de l'OTAN ; là où son message universel la plaçait comme un pont entre les civilisations, il théorise, hier encore aux côtés de George Bush, le choc des civilisations ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

…enfin, là où les services publics, dans leur neutralité, constituaient le patrimoine laïc de ceux qui n'ont rien, votre gouvernement les détruit un à un, à l'instar de l'éducation nationale, de l'hôpital public ou encore de La Poste, après avoir diminué les mérites de ceux qui les incarnent. Alors que Jaurès, déjà, préconisait que l'émancipation laïque et la résolution de la question sociale marchent ensemble dans la société et dans la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Oubliant que la laïcité porte en elle l'espérance de l'affranchissement de l'homme par le dépassement de tous les dogmatismes, votre gouvernement réduit le débat sur l'identité de la France à celui de notre relation à l'étranger, stigmatisé au sommet d'un minaret, avec tous les égarements nauséabonds que cela autorise. Comment, avec un tel discours, éviter que la morale religieuse qui distingue jusqu'à enfermer les êtres dans le communautarisme, ne se substitue dans chaque conscience à la morale républicaine qui rassemble ? Comment éviter, dès lors, que des jeunes, cherchant en vain un chemin qui les conduise vers la citoyenneté, se retrouvent ailleurs que dans l'école et les institutions de la République, au point de se perdre parfois dans l'extrémisme des fanatismes et des violences sectaires ?

Comment expliquer à ceux qui ne sont pas chrétiens que, si le prêtre ou le pasteur sont plus légitimes que l'instituteur pour transmettre les valeurs essentielles, ils devront, malgré tout, respecter le maître d'école (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) comme le firent des générations et des générations d'élèves de toutes confessions et nationalités, face à ceux qu'on appelait les « hussards noirs de la République » ?

Par-delà la posture, chacun mesurera bien les risques de dislocation de la République par la négation de ses racines laïques. Le modèle anglo-saxon, communautariste, a montré ses dangers et ses limites.

Si aucun creuset de valeurs partagées ne vient, comme un pacte chaque jour réitéré, garantir l'indivisibilité de la République, les particularismes mineront la démocratie, alors que les cultures qui la traversent auraient pu l'enrichir.

C'est pourquoi la laïcité renvoie à la notion ancienne de peuple formant un tout, à l'idée d'une indivisibilité par ailleurs inscrite dans notre Constitution, à l'unité du peuple français.

Cette unité n'est pas un nivellement. Elle permet à la République laïque, depuis plus d'un siècle, d'accueillir et d'intégrer en son sein l'ensemble de ses enfants.

La France que nous désirons ardemment n'accepte pas ces discriminations qui éloignent de l'emploi, ou tout simplement de la vie, une grande partie de ses enfants, en raison de leurs origines ethniques, religieuses ou sociales.

La France que nous désirons ardemment n'a pas peur des musulmans de France, car elle pense la République laïque assez forte pour les accueillir tous dans le respect de ses valeurs.

La France que nous désirons ardemment doit assurer l'égalité républicaine plutôt que réinventer les népotismes d'ancien régime. Elle doit tendre la main à tous les quartiers de ses villes plutôt que de stigmatiser ses banlieues. Elle doit tout mettre en oeuvre pour que l'égalité des chances et la méritocratie quittent leur statut de chimère.

Les immigrés et les plus faibles des Français sont les premiers à pâtir des manquements au contrat social et au pacte républicain. Si l'aggravation de leur condition devait les renvoyer à leurs origines, à leur dénuement, ou, pis encore, étendre les discriminations qu'ils peuvent subir, alors le malaise social aujourd'hui perceptible pourrait se muer demain en rage sociale.

Il ne resterait plus alors qu'à dire, comme aux heures tristes du bonapartisme : « Il est temps que les bons se rassurent et que les méchants tremblent. »

Au moins la démonstration aura été faite, par vous, que la sécurité est davantage menacée par l'éclatement de notre modèle social que par une immigration que, chaque jour, vous assignez devant le tribunal de l'opinion.

En engageant ce débat, Nicolas Sarkozy a sans doute voulu conduire la France à changer peu à peu d'identité. C'est la raison pour laquelle il a confié à un ministre expert en changement d'identité le soin de conduire ce débat. Mais nul n'est dupe de ce qui se joue ici et sur ces thèmes. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je voudrais dire mon étonnement : alors que le groupe UMP a tant demandé ce débat, ses rangs sont quasiment vides ce soir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Eh oui ! C'est dire combien vous y êtes attachés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est la grande cause du Président de la République et de l'UMP, et l'on constate que même le président du groupe UMP a déjà déserté, que le secrétaire général du groupe UMP est parti…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

C'est très révélateur, c'est une forme d'aveu : ce débat s'est retourné contre ses auteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

En politique, mes chers collègues, il arrive que trop de ruse – surtout électoraliste – finisse par nuire. Nous en avons la démonstration. Vous pensiez que la gauche craignait ce débat. Non seulement la gauche assume ce débat, mais elle est fière de le mener avec ses convictions et ses valeurs ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Nous reprenons le débat.

La parole est à M. Jean-Claude Guibal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je me fais une certaine idée de la France, vieux pays façonné par les rêves d'hommes et de femmes, nés ici ou venus d'ailleurs, et qui ont eu le génie de lui faire penser tout à la fois l'humain et l'universel.

Certains, comme moi, sont le produit de l'histoire qui a fait notre pays. Ils en sont pétris et ils en sont fiers. Pour eux, la France est une personne dont ils partagent les valeurs et les contradictions.

Il y a ceux aussi qui ne sont pas nés en France mais qui ont choisi d'en être les citoyens parce qu'ils se reconnaissent en elle.

Puis, il y a ceux qui, bien qu'ils en aient la nationalité, ont du mal à se sentir français, faute de le vouloir avec suffisamment de force ou de trouver dans notre pays les conditions de leur intégration.

L'identité de la France actuelle est faite de ces composantes diverses que doit au moins réunir la volonté de vivre ensemble et de partager un destin commun, si nous voulons que se prolonge l'aventure d'une civilisation commencée il y a plus de mille ans.

La France est née de l'adhésion des tribus gauloises aux forces éducatrices de Rome. Elle est née de l'adoption par ces tribus d'une culture étrangère, la culture romaine…

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Les socialistes pourraient écouter, au lieu de discuter entre eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Il faut suspendre la séance, le temps que Copé et Xavier Bertrand reviennent !

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Mes chers collègues, je vous en prie.

Veuillez poursuivre, monsieur Guibal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

La France est née de l'adoption par ces tribus gauloises d'une culture étrangère, la culture romaine, qui avait elle-même été fécondée par la culture grecque.

La civilisation française, qui s'est développée sur le terreau du bas empire romain, est la fille de deux colonisations successives dont je me réjouis quant à moi d'être l'un des lointains descendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Elle doit à la monarchie la forme de son territoire, le choix de sa langue et l'invention de l'État, géniteur et protecteur des Français.

Le siècle des Lumières, la révolution de 1789, les républiques successives ont forgé les valeurs – telle la laïcité – qui sont actuellement les siennes, et dessiné son organisation politico-administrative, y compris la sécurité sociale. Telle est, à très grands traits, la genèse de la nation dont nous avons le bonheur d'être les citoyens.

Aujourd'hui, je m'interroge. Cette France que j'aime peut-elle rester elle-même au milieu des influences puissantes et diverses qui l'assaillent ? Cette interrogation est au coeur de l'action politique, s'il est vrai que la spécificité de la politique est d'assurer la pérennité du groupe au sein duquel elle s'exerce.

Poser la question ne signifie pas faire un arrêt sur image en postulant la fin de l'histoire. L'identité est par nature évolutive. Pour être vivante, elle doit s'adapter aux changements du monde qui l'entoure.

Dès lors, il s'agit de savoir ce que nous voulons préserver d'essentiel pour assumer la permanence de notre identité. Plus précisément, il s'agit de savoir ce nous acceptons de changer dans notre modèle et, au contraire, ce que nous voulons approfondir.

J'évoquerai très rapidement certains points qui méritent une attention particulière. La mondialisation, c'est-à-dire la libéralisation des échanges de toute nature, à laquelle s'ajoutent les mutations technologiques, accentue la tendance à l'individualisme au détriment du sentiment d'appartenance à la nation, transforme les citoyens en consommateurs, remet en cause le rôle de l'État, et menace notre langue en même temps qu'elle accroît les flux migratoires.

Sur ce plan, je m'en tiendrai à trois remarques. La première concerne la langue, dont je n'oublie pas qu'elle est la seconde patrie. Souvenez-vous aussi de Bonaparte qui disait : « La France, c'est le français quand il est bien écrit. » On pense en fonction de sa langue, de ce qu'elle est et de la manière dont on la maîtrise. Nous ne pouvons la laisser s'atrophier ou se dénaturer.

La seconde concerne les flux migratoires, d'où qu'ils viennent. Leur maîtrise doit tenir compte de l'adhésion des migrants à l'histoire – ce qui implique qu'on la leur enseigne –, aux symboles, aux valeurs et aux lois de la France, et aussi de leur volonté de partager le destin de ce pays.

Par ailleurs, notre conception de la laïcité ne doit pas faire de la religion un obstacle, tant que celle-ci n'est pas instrumentalisée.

Ma troisième remarque porte sur la perte des repères par les individus. Plus les frontières s'effacent, plus les individus ont besoin de retrouver leurs racines, la terre où ils sont nés, l'histoire de leurs ancêtres, les valeurs dont ils héritent et qu'ils ont à transmettre – en résumé, ce qui fonde leur identité et légitime la question de l'identité nationale.

La construction nécessaire de l'Europe nous amène aussi à nous poser la question de savoir ce que, parmi les éléments constitutifs de notre identité, nous n'accepterions pas qu'elle remette en cause.

Cela peut concerner cet inquiétant déni de réalité historique qui a amené les constituants à refuser d'acter ne serait-ce qu'une référence au contexte judéo-chrétien dans lequel se sont développés nos pays.

Cela peut concerner aussi l'extension du droit anglo-saxon au détriment de notre tradition de droit écrit, la tentative de supprimer les forces de l'ordre à statut militaire, ou encore la généralisation des normes de constructions nordiques pourtant inadaptées à nos territoires méridionaux.

Quant à moi, je ne souhaite pas que l'Europe soit synonyme d'accroissement de l'entropie. Je ne souhaite pas non plus qu'elle se transforme en un trou noir absorbant l'identité des nations qui la composent, qui font sa richesse et qui ont engendré des cultures de valeur universelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Pour terminer, je dirai que les humains sont des êtres sociables. Ils ont toujours ressenti le besoin de faire partie d'un groupe, sinon de plusieurs.

Aujourd'hui, la plupart d'entre nous vivons des sentiments d'appartenance multiples et sommes riches d'identités plurielles. Parmi celles-ci, l'identité nationale est politiquement la plus puissante et la plus nécessaire, car si nous ne pouvons pas dire de quelle nation nous sommes les citoyens, il nous sera demandé de nous définir par notre race ou notre religion.

Pardonnez-moi cette référence mais, de toutes les attitudes envisageables, celle de l'empereur Hadrien, au deuxième siècle de notre ère, m'a toujours semblé la plus digne. Conscient que l'empire allait connaître des changements qui le dépassaient, il avait pris le parti de défendre sur le limes cet empire que lui, citoyen de Rome, avait connu et aimé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Mes chers collègues, je vous prie de respecter vos temps de parole.

La parole est à M. Lionnel Luca.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'est-ce que l'identité ? Si l'on en croit le dictionnaire, c'est un caractère permanent…

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

…et fondamental d'un individu ou d'un groupe.

Qu'est-ce que la nation ? Le même dictionnaire indique qu'il s'agit d'une communauté humaine, le plus souvent installée sur un même territoire, qui possède une unité historique, linguistique, culturelle, économique.

Qu'est-ce donc que l'identité nationale ? Cette synthèse : c'est le caractère permanent et fondamental d'une communauté installée sur un territoire – sa géographie – et qui possède une unité historique, linguistique, culturelle, économique.

Il n'y a donc rien de particulièrement indigne à poser la question de l'identité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Les mots sont simples, les définitions sont claires. Pourquoi refuser un débat de cette nature ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

S'interroger sur l'identité nationale revient tout simplement à poser la question suivante : qu'est-ce qu'être Français en 2009 ?

Il faut donc saluer l'initiative du Président de la République, qui a osé ouvrir un débat simple sur une question qui intéresse tous les Français…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Mais sur laquelle vous n'avez rien à en dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

…et qui, contrairement à ce que certains veulent faire croire, ne vise pas des Français d'origine étrangère. Elle concerne tous les Français et tous ceux qui vivent sur notre sol.

Pour autant, cela n'empêche pas les Français de s'interroger légitimement lorsqu'ils voient des jeunes nés en France manifester bruyamment leur joie pour soutenir l'équipe de football du pays de leurs origines.

L'expression de cette joie peut dériver jusqu'à les conduire à arracher et brûler des drapeaux, comme à Toulouse et à Lyon, et à siffler l'hymne du pays qui a accueilli leur familles. À ce moment-là, l'interrogation peut se muer en incompréhension.

C'est peut-être dans ce cas que le débat est utile. Finalement, monsieur le ministre, on peut regretter qu'il n'y ait plus que le sport pour donner aux Français – à tous les Français – un vague souvenir d'appartenance, un vague sentiment d'identification, notamment lorsque c'est la seule occasion de chanter l'hymne national.

Il faut bien reconnaître que, pour des raisons diverses, certaines institutions ne jouent plus leur rôle : faire de tous ceux qui venaient sur notre sol des citoyens français.

C'est notamment le cas de l'école, dont les programmes, voici quelques décennies, ont supprimé toute référence à la nation (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), comme si cette référence était honteuse. La raison en est simple : le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale et le régime dévoyé de Vichy, lequel avait perverti les notions de patrie et de nation, ont amené certains à confondre patriotisme et nationalisme. Il aura fallu attendre Jean-Pierre Chevènement, lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, pour affirmer la nécessité de réapprendre l'hymne national à l'école.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Et il faudra attendre François Fillon, ministre de l'éducation nationale en 2003, pour que l'apprentissage de cet hymne national fasse partie des obligations scolaires (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), de sorte que les jeunes Français et, parmi eux, ceux qui ne sont pas nés sur notre sol, puissent partager l'hymne de leur pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

C'est faux ! C'était au programme du certificat d'études ! Il faut éviter de dire n'importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Sans doute, monsieur Néri ; mais il faut aussi écouter ce qui se passe dans les écoles. Lorsqu'un enseignant dit à ses élèves qu'il ne leur apprendra pas La Marseillaise parce qu'il en désapprouve les paroles qu'il juge trop guerrières, c'est à la fois une offense faite aux jeunes et une marque d'irrespect à l'égard de la philosophie de Jules Ferry : quoi que nous partagions au fond de nous, écrivait en substance celui-ci, nous n'avons pas à l'exprimer devant la jeunesse. Et lorsqu'un enseignant reçoit des consignes, il doit les appliquer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Quoi que l'on en pense, l'hymne national est l'hymne de notre pays. (Même mouvement.) Trop de Français sont morts pour la liberté, dans votre famille politique comme dans la nôtre, chers collègues de l'opposition, pour que la jeunesse française ignore les paroles de notre hymne lorsqu'elle sort de l'école.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je vous dis seulement que l'apprentissage de l'hymne national faisait partie du programme du certificat d'études, c'est tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

C'est d'abord dans les programmes d'histoire, de géographie et d'éducation civique, monsieur le ministre, qu'il faut redonner le goût et l'amour de la patrie, mais aussi la fierté d'une histoire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas non plus en cultivant une repentance permanente que l'on suscitera l'adhésion à la communauté nationale. Permettez-moi de citer Albert Camus : « Il est bon qu'une nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle peut avoir encore de s'estimer elle-même. Il est dangereux en tout cas de lui demander de s'avouer seule coupable et de la vouer à une pénitence perpétuelle. » Cette dernière tendance, trop répandue, doit nous inviter à méditer la réflexion de Camus : comme plusieurs d'entre nous l'ont rappelé – certes selon leurs orientations personnelles –, il y a tant de motifs d'être fiers de notre histoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Je termine brièvement, madame la présidente.

L'autre institution concernée est l'armée. Le service national ayant été supprimé avec la professionnalisation, il faut à tout prix que l'appel de préparation à la défense ne dure plus une journée mais une semaine : il s'agit en effet d'une occasion de brassage pour tous les jeunes, quels qu'ils soient, et ce à travers la référence au service à la nation.

Si , de notre débat, découlent le respect du drapeau et de l'hymne national, la défense de la République et de la démocratie, la fraternité, enfin, entre toutes celles et tous ceux qui composent la nation, il y a toutes les raisons, monsieur le ministre, d'y participer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Luca vient de dire qu'il n'y avait rien d'indigne à poser la question de l'identité ; mais ce qui est indigne, c'est de l'instrumentaliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous refusez la repentance, monsieur Luca ; mais reconnaissez au moins la colonisation et le crime de l'esclavage.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Bien sûr ! Mais il n'y a pas que cela. La francophonie, par exemple, cela existe aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

L'offensive relancée par l'équipe gouvernementale sur l'identité nationale s'inscrit dans une logique politique dont la ficelle est un peu grosse. Il s'agit évidemment de maintenir l'épicentre du débat électoral sur des perspectives nationales sécuritaires, au détriment d'une autre question bien plus structurante, mais qui vous est beaucoup moins favorable électoralement : celle de savoir si la richesse nationale est équitablement partagée. (Approbations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Cette stratégie n'est pourtant pas sans produire des effets dont, semble-t-il, vous ne mesurez pas la gravité ; car, en somme, que faites-vous ? Sous prétexte de renforcer la cohésion nationale et sociale, vous ne faites que la fragiliser en opposant les « bons Français » aux « mauvais » ; ou, plus exactement, les « vrais Français » aux « vrais étrangers », ceux qui, étant désignés comme « étranges », deviennent les figures contemporaines de l'altérité.

Or, l'identité nationale n'est-elle pas un produit historique diffus et contradictoire ? N'est-elle pas ce que chacun y met, selon son identité propre, ses espoirs et ses souffrances ? Seuls ceux qui ont le pouvoir comme vous, monsieur le ministre, et surtout ceux qui en abusent, peuvent prétendre la définir une fois pour toutes, parce qu'ils pensent en posséder la seule définition légitime ; seuls ceux qui ont le pouvoir et en abusent peuvent opérer la sélection et la hiérarchisation des êtres qu'une telle ambition suppose, quand bien même cet arbitraire se dissimule derrière une consultation qui ne peut être autre chose que la farce qu'elle est en train de devenir.

En ce domaine, définir, c'est choisir, sélectionner et hiérarchiser ; c'est par conséquent exclure : exclure symboliquement et souvent physiquement ceux qui auront l'insigne déshonneur de ne pas correspondre aux définitions que vous aurez vous-mêmes imposées.

Il ne suffit pas, dans ce schéma, d'avoir la nationalité française pour échapper à l'extrême violence symbolique que vous mettez en oeuvre ; il suffit de correspondre, dans l'imaginaire collectif que vous aurez contribué à formaliser, au portrait forcément caricatural de l'anti-France. Dès lors considérés comme autres, non Français, étrangers, ceux-là, quel que soit le nom qu'on leur donne, n'auront plus qu'à se taire s'ils veulent être tolérés, et à se convertir à l'image que vous aurez imposée ; ils n'auront plus qu'à céder, si tant est qu'ils le puissent, à cette injonction d'assimilation, de conformité, de mimétisme. Faute de quoi il n'auraient plus qu'à partir : « La France, on l'aime ou on la quitte », selon les mots mêmes du Président de la République.

Et moi, dont les miens ont contribué dans le sang et la sueur à la construction de la France ? Moi dont l'art culinaire et la langue sont différents ; moi dont l'histoire, pour citer Camille Darsières, « enseigne que maintes fois [j'ai été] à l'envers de la médaille française » ; moi, nègre, indien, français mais profondément martiniquais, devrais-je donc aussi me soumettre à cette injonction ? On voit bien que le respect du droit à la différence culturelle, laquelle ne nie pas l'égalité des droits, est au coeur de l'évolution des sociétés et des peuples d'outre-mer. Mais je doute que vous soyez sensibles à de tels défis.

On voit aussi la logique de domination que votre posture entretient. Ceux que vous aurez exclus par le fait même de votre définition, qu'ils soient nationaux ou pas, seront comme déchus de quelque chose d'essentiel : leur culture et leur identité, parce que la France a du mal à se reconnaître société multiculturelle. On connaît ceux que vous montrez du doigt depuis plusieurs années : ils sont les exutoires des frustrations que votre politique socio-économique ne fait qu'aggraver.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Ce sont évidemment ceux qui occupent le bas de la hiérarchie sociale ; ceux qui, victimes d'une double domination, ne seront pas en mesure de se défendre politiquement et symboliquement : domination liée à une origine étrangère réelle ou supposée et à une condition économique et sociale extrêmement fragile – conséquence des mutations du capitalisme et de la déstructuration des classes populaires –, marquée par le chômage, la précarité du travail et de l'habitat, avec les difficultés scolaires qui en découlent souvent.

Les immigrés dits clandestins, et notamment les groupes populaires perçus comme d'origine africaine et nord-africaine : voilà les gêneurs que vous désignez ! Ce sont ces « mauvais Français » coupables de violer les lois d'entrée sur le territoire et soupçonnés en permanence de déloyauté et de double langage ; ceux dont les pratiques culturelles et religieuses, sans cesse victimes d'une dramatisation caricaturale, ont la malchance de réactiver le vieux fond raciste et orientaliste issu d'une période coloniale sur laquelle votre camp s'obstine par ailleurs à refuser toute analyse critique, afin d'en souligner le rôle positif, notamment par la « loi de la honte » de 2005.

Vous tentez d'être plus subtil que le Front national, mais l'ennemi que vous nous désignez est en fait le même ! La ficelle, disais-je, est grosse. Vous ne faites en effet qu'inverser les rapports de domination propres à la société française, en faisant de toute victime un coupable idéal.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Quel charabia ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Monsieur Luca, sortez ! Faites-le taire, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Mes chers collègues, monsieur Luca, respectons l'orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Tel est bien l'usage du fameux thème du communautarisme, devenu bizarrement omniprésent au moment même où s'opérait la conversion française au néolibéralisme.

Comme toujours, la posture nationaliste sert à échapper aux attendus de la question sociale chère à Jaurès, au prix d'une xénophobie et d'une discrimination galopantes. Bref, annoncer que l'on décrétera l'identité nationale et définir quelque chose d'aussi subjectif relève en réalité d'une formidable prétention qui en dit long sur la conception bien restrictive que vous avez de la société contemporaine.

La France d'aujourd'hui, monsieur le ministre, plonge ses racines dans toutes les régions d'Europe, d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Asie, d'Amérique, des Caraïbes et d'Océanie.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Pourquoi me regardez-vous ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Toutes les cultures, toutes les histoires, toutes les langues, toutes les sagesses et toutes les douleurs que portent les cinq continents sont aussi les nôtres, dans le sens où elles s'interpénètrent en permanence sur notre territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Quelle est cette façon de viser ainsi un collègue ? Faites votre travail, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Je ne vous visais pas, monsieur Luca ; seulement, votre théorie n'est pas la bonne.

Ce sont ces cultures, disais-je, qui font la diversité de notre société, c'est-à-dire son dynamisme et sa richesse. La France telle que vous la concevez, monsieur le ministre, me paraît hors du temps, un peu comme l'homme africain dans l'idéologie coloniale, décrit de manière pour le moins inopportune par le Président de la République à Dakar.

En raison du poids de son héritage colonial et de son statut ancien de pays d'immigration, la France, moins que tout autre pays, ne saurait être réduite à l'identité étriquée que vous tentez de nous imposer. Ce pays correspond bien plus sûrement à un vaste espace d'affiliations multiples, plurielles et en interdépendance constante. La nation n'est donc pas une éternité mais le produit d'un métissage sans cesse renouvelé entre une multitude d'intérêts et d'appartenances sociales, culturelles et politiques qui ne s'excluent pas les unes les autres.

Dans l'espace de liberté qui est le nôtre, espace délimité par le respect de l'intégrité et la liberté de chacun, toutes ces affiliations et ces appartenances subjectives sont également légitimes : il ne vous appartient pas de dire celles qui sont conformes ou non à l'identité nationale, à moins de vous engager dans une voie extrêmement dangereuse, aussi bien pour nos libertés que pour la cohésion sociale.

Je n'ai pas pour référence ceux qui ont fait l'apologie des conquêtes coloniales et du prétendu droit des races supérieures sur les races inférieures – je veux parler de Renan. Parallèlement à la conception élective dont il se réclamait face aux intellectuels prussiens, il affirmait aussi que seuls ceux qui ont des ancêtres communs peuvent être admis au fameux « plébiscite de tous les jours », nous ramenant ainsi à ce grand fantasme de la France éternelle et homogène que je dénonçais plus haut. Aussi, mes chers collègues, Barrès se réclamait-il de Renan : on comprend pourquoi.

Un autre héritage français, également antillais, africain et nord-africain, l'héritage de Césaire et de Fanon, nous invite à nous défaire de ce qu'Achille Mbembe, chercheur sud-africain, présentait comme « un narcissisme politique, culturel et intellectuel dont on pourrait dire que l'impensé procède d'une forme d'ethno-nationalisme racialisant ». Il s'agit bien de nous concentrer sur une approche sociologique pluraliste, cosmopolite et égalitaire, de la société et du « vivre ensemble ».

« Il y a deux manières de se perdre : par ségrégation murée dans le particulier, ou par dilution dans l'universel », écrivait Aimé Césaire en 1956.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Je termine, madame la présidente.

« Ma conception de l'universel », poursuivait Aimé Césaire, « est celle d'un universel riche de tout le particulier, riche de tous les particuliers, approfondissement et coexistence de tous les particuliers. »

Il est temps de rejeter le vieil assimilationnisme ethnocentrique hérité de la Troisième République ; il est temps de penser l'universalité dans la diversité. Le même Aimé Césaire nous mettait en garde : « Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. » Et il nous invite, au contraire, à une « identité non pas archaïsante dévoreuse de soi-même, mais dévorante du monde, c'est-à-dire faisant main basse sur tout le présent pour mieux réévaluer le passé et, plus encore, pour préparer le futur ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'expression « identité nationale » date des années 1980. Elle désigne le sentiment, ressenti par une personne, de faire partie d'une nation. C'est aussi l'ensemble des points communs aux individus d'une même nation et formant un ensemble d'habitus socialisant.

Sociologiquement et historiquement, l'identité nationale d'une personne est une intériorisation de repères identitaires, due à une présence quotidienne de points communs de la nation, de manière intime, pratique et symbolique, organisée volontairement par l'État auprès des individus dès leur enfance.

De manière générale, l'identité nationale d'une personne n'est pas figée ; elle évolue et correspond à un parcours de vie.

Ainsi définie, l'identité nationale semble un concept simple : c'est l'ensemble des points communs partagés par un peuple au sein d'une nation, et qui évoluerait a priori de manière individuelle. « L'identité n'est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l'existence. » C'est bien sur ce point que le débat est engagé.

L'identité nationale a été, en 2007, l'un des thèmes de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Par fidélité au programme, mais aussi par nécessité, voire par urgence sociétale, il faut à présent réaffirmer et réactualiser, pour mieux les intérioriser et les transmettre, les valeurs et les principes qui font la spécificité, le caractère, la réputation et la fierté de la France. N'hésitons donc pas à poser la question : qu'est ce qu'être français ?

Certains journaux ont eu l'audace – ou le courage – de dire que le débat lancé par M. Besson était une « gageure ». Nous qui sommes les représentants de la nation, nous nous devons de clarifier les repères des Français. La France, terre d'accueil par tradition, se doit de préciser ce que c'est qu'être français. Ce débat n'a rien d'une catastrophe, d'un cataclysme, d'une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la société française, dont il menacerait la cohésion et la solidarité. Bien au contraire, il représente une aubaine.

Certes, nul ne l'ignore, toutes les nations – française, italienne, espagnole, anglaise ou autre – se définissent par une langue, un drapeau, des valeurs, une histoire, un hymne. Ce débat nous est l'occasion de réaffirmer et de rappeler cet héritage commun. L'identité française est associée aux valeurs républicaines ; elle est enracinée dans des valeurs universelles, respectueuses de la dignité de l'homme et qui ne peuvent que susciter l'adhésion de tous.

La politique d'assimilation doit prévaloir, et c'est en sens, je crois, qu'il faut comprendre et mener ce débat. Hannah Arendt a dit : « Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. » Ne nous laissons pas emprisonner et impressionner par la propagande opportuniste qui soutient que la diversité culturelle, réalité de la France d'aujourd'hui, serait un danger pour l'identité française et donc pour l'unité nationale : je suis bien placé pour vous en parler, moi qui suis élu de Seine-Saint-Denis. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Fernand Braudel affirmait que « la France se nomme diversité » et que « c'est de l'identité qu'est née la différence. » La France, vivier de rencontres interculturelles, c'est la traduction d'un paradoxe : l'alliance de l'ouverture et de la fermeture, de l'assimilation et de la différenciation, de la transformation et du maintien de l'identité de chacun.

La France d'aujourd'hui est métissée, elle se nourrit des apports des uns et des autres. Filiation et affiliation ne doivent pas être pensées comme exclusives, mais plutôt comme complémentaires.

Considérons cela comme une richesse et non comme un handicap, surtout dans notre monde internationalisé, globalisé, où les frontières sont de plus en plus pénétrables physiquement, virtuellement, intellectuellement. De nos jours, un pays fermé, uniquement peuplé d'autochtones, vivant en autarcie, est inconcevable. Grâce à sa diversité, la France dispose indéniablement d'atouts considérables. La France a le monde en elle. Les minorités visibles sont une chance pour l'économie française, elles sont un levier de la croissance économique. En ce contexte de crise avérée, reconnue et vécue, il n'est pas inutile de le rappeler.

Trois Français sur cinq pensent que ce débat est une bonne chose. Arrêtons donc toutes ces polémiques inutiles sur son inopportunité.

Les actes d'incivilité, de délinquance ou de criminalité commis par des personnes d'origine étrangère ou par des Français issus de l'immigration sont perçus par une grande majorité de la population comme un manquement aux devoirs envers notre pays terre d'accueil.

Encore une fois, et sans stigmatiser ma circonscription ni mon département, je suis convaincu que ce débat est très important, qu'il est devenu indispensable d'encadrer et de définir ce que c'est qu'être français. L'objectif n'est nullement de figer la notion, mais plutôt de l'affirmer, afin de mieux la transmettre. La Seine-Saint-Denis est d'autant plus concernée par le sujet que, pour bien des raisons, le brassage des populations y est important, massif. Ce département, plaque tournante pour les étrangers et les immigrés, est riche de diversités : il est essentiel, tant pour leur intégration que pour leur socialisation, mais aussi pour le bien-être de tous, résidents anciens et nouveaux habitants, que nous définissions la notion d'identité nationale.

Il me semble aussi opportun et inévitable de poser la question de l'Union européenne, des retombées du traité de Lisbonne et des conséquences de ce dernier sur l'identité nationale et sur la problématique houleuse de l'asile et de l'immigration.

Pour conclure, je voudrais vous rappeler un débat qui s'est tenu dans cette assemblée en 1920 à propos de Jeanne d'Arc, l'un des symboles de notre pays. « Ainsi tous les partis peuvent réclamer Jeanne d'Arc. Mais elle les dépasse tous. Nul ne peut la confisquer. C'est autour de sa bannière radieuse que peut s'accomplir aujourd'hui, comme il y a cinq siècles, le miracle de la réconciliation nationale. » Je souhaite que ce débat, comme en 1920, soit un moment de rassemblement, et non pas de division partisane. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers camarades, mes chers compagnons (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), la France, c'est avant tout un socle commun de trois mille ans d'histoire européenne. Nous sommes les lointains descendants de ces guerriers achéens partis pour l'honneur et la gloire assiéger la cité d'Asie mineure qu'a chantée Homère. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.) Nous étions trois cents à combattre aux côtés du roi de Lacédémone pour sauver les cités libres de la Grèce que symbolise la tapisserie derrière moi, et où régnaient la philosophie et la liberté. Nous étions ces patriciens qui se soulevèrent contre l'iniquité des Tarquins pour fonder la République romaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Au cours de ces trois millénaires d'histoire, nous fûmes des deux côtés, à Gergovie comme à Alésia, mais aussi à Teutobourg, car nous sommes aussi les descendants de ces peuples germains et celtes qui, librement parmi leurs pairs, savaient élire un chef. Nous avons été forgés par quinze siècles d'histoire de France, quinze siècles pendant lesquels nos rois, nos empereurs et nos Républiques ont su travailler sur deux axes principaux : séparer l'intime et le public, renvoyer le pouvoir spirituel à ses affaires et forger le pouvoir temporel en les séparant.

La laïcité, mes chers camarades, mes chers compagnons, n'est pas née simplement par un beau jour du xviiie siècle. Elle est la lente construction de quinze siècles d'histoire nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

C'est cela, la France. La France, c'est aussi ce travail d'unité nationale, de cohésion de la nation, de lutte contre les potentats locaux. Et quand j'entends ces duchés provinciaux et ces comtés départementaux oublier qu'ils participent de la nation, je veux leur rappeler que l'État est le seul unificateur, le seul juste mesureur des libertés individuelles et locales. Cela ne nous a pas empêchés de graver dans le marbre de la Constitution l'existence de ces langues que l'on dit régionales et la libre indépendance de ces territoires.

La France, c'est aussi une langue, une langue ciselée, précise, qui permet aux amants et aux amantes d'explorer précisément toutes les profondeurs de l'âme humaine, toutes les nuances du sentiment humain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Apportez-nous le Trombinoscope, qu'on sache qui est ce député ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

C'est aussi la langue de la diplomatie précise. Quand l'anglais s'occupe de l'action, le français est obsédé par le résultat. C'est cela, et plus encore, la France.

Ce sont aussi des valeurs, les valeurs de l'universel, car la France a cette destinée spéciale d'être universelle. La France et le français, ce sont aussi ces valeurs d'égalité entre les hommes et les femmes, de respect du corps humain qui n'empêche pas la recherche, d'interdiction du travail des enfants et de liberté de pensée. C'est ce pays où le libre penseur et le croyant peuvent cohabiter sur des fondations judéo-chrétiennes qui respectent l'individu et permettent cette liberté de pensée et de parole dont, ici, nous bénéficions tous aujourd'hui.

C'est cela, et plus encore, la France. C'est cette identité qui nous oblige à donner chaque jour le meilleur de nous-mêmes. Nous devons extirper de nos rangs la haine de nous-mêmes, la repentance permanente, la culpabilité enseignée, pour retrouver – que l'on soit noir ou clair de peau, et quel que soit l'endroit où l'on est né – la fierté nationale, qui s'est forgée dans les tranchées. Corses, Bretons, Basques, originaires d'Extrême-Orient ou d'Afrique ont versé leur sang pour la liberté, dans la boue et la douleur. Être français exige la grandeur et le meilleur de nous-mêmes. Chaque jour, à chaque instant, nous devons retrouver ce chemin de la fierté. C'est ce débat que j'attends, c'est ce débat que souhaite le peuple. Par-delà les clivages politiques, montrons, dans cet hémicycle, que nous savons ensemble retrouver le chemin de la grandeur et de la fierté nationales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier mes collègues du groupe socialiste : alors que, sur la question de la nation, nous avons tous bien des choses à dire, ils ont tenu symboliquement à ce que les porte-parole du groupe soient Marietta Karamanli, Serge Letchimy et moi-même, c'est-à-dire des Français un peu particuliers.

Nous nous demandons ce que vous cherchez avec ce débat. Cherchez-vous à dire que certains Français sont plus respectables que d'autres ? Voulez-vous dire aux étrangers qui viennent travailler dans notre pays qu'ils doivent renoncer à leur propre identité, à leur histoire personnelle ?

Permettez-moi d'évoquer ma propre histoire : je suis née en Guadeloupe, j'ai des ancêtres qui sont venus d'Afrique, j'avais une grand-mère indienne, je suis mariée à un Parisien et mon petit-fils nouveau-né est à moitié kabyle. J'ai l'impression que nous sommes une famille française comme beaucoup d'autres. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Ce débat n'est pas digne de la réalité que vivent aujourd'hui tous les Français. (Même mouvement.)

Si l'on peut avoir l'impression que l'identité est remise en cause, c'est parfois par vos services, monsieur le ministre. Je pense à cette famille qui est venue me voir, l'autre jour, et qui est en plein désarroi. Ils se sont vu réclamer avec insistance des preuves de leur nationalité française, alors qu'ils vivent dans ce pays depuis toujours et y ont toujours eu des papiers d'identité. Leurs parents sont venus de Pologne après maintes persécutions et ont été naturalisés français. Aujourd'hui, on veut remettre en cause leur nationalité française, cette identité qui, pour eux, ne faisait aucun doute : c'est leur infliger une blessure insupportable.

En fait, les Français ne doutent pas de leur identité. Attachés aux valeurs de la Révolution de 1789, et particulièrement à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ils savent qu'elle s'adresse aussi aux non-nationaux.

Cette conception n'a jamais été remise en cause, mais au contraire réaffirmée par Renan, même si nous n'éprouvons pas une admiration sans borne pour cet auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Être français, ce n'est pas une question de race ni de religion : c'est la volonté de vivre ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Si nous sommes tous d'accord, pourquoi ce débat ? Pourquoi cette remise en cause par certains d'entre nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Il n'y a que les problèmes du PS qui vous intéressent ?

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Dans son discours de Latran, le 20 décembre 2007, le Président de la République affirmait que les racines chrétiennes faisaient la valeur de la spiritualité de notre nation. « Arracher la racine, disait-il, c'est affaiblir le ciment de l'identité nationale. » Pour nous, la racine, c'est l'éducation, et je ne comprends pas que ce pays, qui a su apprendre à des milliers d'enfants à travers le monde, avec leurs cheveux crépus ou leurs cheveux frisés, ce poème de Joachim du Bellay : « France, mère des arts, des armes et des lois », ne soit plus capable de l'enseigner aux enfants des banlieues.

C'est quand on réduit l'enseignement de l'histoire, comme il en est aujourd'hui question, qu'on arrache la racine. Enseigner l'histoire, c'est effectivement enseigner l'histoire de France, avec ses pages glorieuses, mais aussi avec ses pages sombres.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Il faudrait beaucoup parler de François Mitterrand, alors !

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Il faut parler de l'esclavage, de la colonisation, de la collaboration, des guerres parfois sanglantes de la décolonisation.

Tout cela fait partie de notre histoire, tout cela révèle parfois l'intolérance, l'avidité excessive et l'exploitation de l'homme par l'homme, qui vont à l'encontre de l'idéal de la nation. En intégrant au récit national ces faits et ces éclairages qui, jusqu'alors, étaient sous-estimés ou passés sous silence, on permet le partage d'une mémoire, ce qui est très important pour des gens qui ont souvent eu l'impression de ne pas être intégrés à la mémoire et au récit nationaux.

Il ne s'agit pas de repentance : en chacune de ces heures sombres de l'histoire, il s'est toujours trouvé des Français pour défendre les idéaux de la France éternelle. Je pense, par exemple, à propos de l'esclavage, à Condorcet, à Mirabeau, à l'abbé Grégoire et à Schoelcher qui, toute leur vie, ont lutté pour la dignité de la personne humaine, pour l'égalité et pour la fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Sitôt aboli l'esclavage, en 1794, les révolutionnaires ont accordé la citoyenneté française aux hommes de l'outre-mer, sans distinction de couleur. Siègent, depuis lors, dans cet hémicycle, des représentants de la nation de toutes les couleurs. Je pense qu'ils seront encore plus nombreux demain, car il n'y a aucune raison que ce roman national, cette habitude française ne se perpétuent pas avec ceux qui sont devenus français ultérieurement.

Nous allons, je le crois, aller de l'avant. Nous allons faire en sorte que toutes les composantes de la population, issue d'une immigration qui l'a façonnée et qui fut, tout au long des XIXe et XXe siècles, italienne, slave, portugaise, maghrébine, africaine ou asiatique, soient parfaitement représentées. Nous savons que l'immigration procure des ressources à notre pays : elle lui fournit talent, force et jeunesse. Nous savons aussi – nous l'avons entendu tout à l'heure – qu'elle est parfois source de crispations et de populisme ; notre nation, diverse, peine parfois à accepter son altérité.

Nous avons lu ces fameuses contributions sur le site du ministère. Les énoncés du type « ils sont dix millions payés à ne rien foutre » nous ont rappelé d'autres moments de l'histoire et d'autres libelles haineux qui parlaient, à propos de l'immigration, de « l'immense flot de la crasse napolitaine […], des « tristes puanteurs slaves », de « l'affreuse misère andalouse », […] du « bitume de Judée... »

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Et Frêche ? Vous ne parlez pas de Frêche ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

« Doctrinaires crépus, polaks mités, gratin des ghettos, contrebandiers d'armes, pistoleros en détresse, espions usuriers, gangsters, marchands de femmes et de cocaïne, ils accourent précédés de leur odeur, escortés de leurs punaises... »

Il faut le savoir, des propos de ce type ont été tenus, mais, au même moment ou un peu plus tard, d'autres, que l'on a déjà longuement cités, comme Braudel, ont affirmé que la France était diversité : diversité des paysages, diversité des hommes, diversité des couleurs. Ainsi Braudel écrivait-il : « Tant d'“immigrés”, depuis si longtemps, depuis notre préhistoire jusqu'à l'histoire très récente, ont réussi à faire naufrage sans trop de bruit dans la masse française que l'on pourrait dire, en s'amusant, que tous les Français, si le regard se reporte aux siècles […] qui ont précédé notre temps, sont fils d'immigrés. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La querelle que vous lancez aujourd'hui, à propos des bons et des moins bons Français, ne tient donc pas compte de cette vérité énoncée par Dominique Schnapper : « la société moderne n'est pas formée de groupes juxtaposés aux frontières claires […]. Les sociétés modernes sont fondées sur la mobilité des hommes, la pluralité de leurs fidélités et de leurs abandons, de leurs identités […]. »

Cette pluralité fait la force de notre nation. C'est elle qui lui a permis, hier, de construire un État, et c'est elle qui lui offre, aujourd'hui, la possibilité de construire des passerelles entre la France et le monde entier. Nous n'avons pas intérêt à enfermer qui que ce soit dans une identité réductrice, car c'est la force de la France que nous affaiblirions ainsi.

Il existe encore aujourd'hui un décalage entre l'idéal républicain et universaliste auquel nous adhérons et la situation difficile dont souffre une partie de la population nationale, notamment celle issue des départements d'outre-mer et de l'immigration, particulièrement celle concentrée en périphérie des zones urbaines.

J'ai souffert, tout à l'heure, en entendant comment certains d'entre vous parlaient des habitants qu'ils représentent. Je songe notamment à ceux qui évoquaient la Seine-Saint-Denis.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Comment voulez-vous que les gens dont on parle ainsi puissent se sentir respectés par leur pays ? Ou quand on leur dit : « La France, on l'aime ou on la quitte » ? Croyez-vous que les gens aient l'impression, en entendant certains discours, que leur pays les aime ? Quand satisfaire des désirs aussi simples que celui de trouver un travail ou un logement tient du parcours du combattant, quand on est régulièrement victime de contrôles au faciès, quand on entend un discours méprisant fondé sur les idées de délinquance et de dangerosité, on ne peut pas se croire aimé de son pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

C'est inadmissible ! Vous êtes intolérante !

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Vous le savez très bien, les enquêtes des renseignements généraux indiquaient que les jeunes qui avaient saccagé les cités avaient en commun l'absence de perspective et d'intégration par le travail à la société travail.

Je vous le dis, monsieur Raoult, il faut parfois savoir entendre la demande d'amour derrière les cris de rage. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Je voudrais vous rappeler les propos de Tidjane Thiam, ce Français patron de Prudential, premier groupe d'assurances du Royaume-Uni. Diplômé de Polytechnique et des Mines, il déclarait : « Je suis reconnaissant à la France qui m'a permis d'effectuer un parcours scolaire remarquable et d'avoir aujourd'hui une carrière de premier plan. » Mais comme, fatigué de se heurter au plafond de verre, il avait quitté la France pour Londres, il évoquait aussi, toutefois, sa frustration de voir que l'Angleterre avait su lui donner ce que son pays n'avait pas pu ou voulu lui donner : l'indifférence à la couleur de sa peau.

Dès lors, ce n'est pas le repli vers des identités particulières, et parfois exclusives, qui fait échec à la République : c'est l'incapacité, souvent orchestrée, ces dernières années, par la droite, de la République à assumer sa vocation d'intégration, à assurer l'égalité des chances entre tous ses enfants qui ouvre la brèche par laquelle peuvent s'infiltrer l'amertume et l'intégrisme.

C'est aujourd'hui en luttant contre les discriminations, dont vous avez parlé, que l'on pourra faire en sorte que chaque enfant des banlieues se sente particulièrement français. Notre pays a énoncé une utopie fascinante, un rêve de liberté et d'égalité. La question n'est pas de changer notre conception de l'identité ou de changer l'identité des habitants de ce pays, elle est de faire en sorte que les promesses d'égalité et de fraternité contenues dans notre pacte républicain soient tenues. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Les socialistes s'en vont ! Ils ont faim ! Ils ont soif ! Elle est belle, la courtoisie républicaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Madame la présidente, les médias ont repris en boucle la malheureuse déclaration du maire de Gussainville, localité de mon département, lors du premier débat sur l'identité nationale. Certains en ont alors profité pour critiquer ce débat : il serait malsain, disent-ils, de s'évertuer à demander l'avis de nos concitoyens sur des sujets de société, malsain de leur demander leurs propres convictions.

Je ne souscris évidemment pas aux propos de cet élu, que je considère contraires aux valeurs de l'UMP, formation politique dont il se réclamait. En conséquence, j'ai décidé de proposer à nos instances politiques départementales de le suspendre, tout en affirmant solennellement que chacun est libre de ses déclarations.

On a beaucoup cité Fernand Braudel, en oubliant qu'il était né dans ma circonscription, mais je n'en fais grief à personne. (Sourires.) Mme Pau-Langevin reprenait ainsi la formule selon laquelle nous sommes tous des fils d'immigrés, et présentait les vagues d'immigration successives comme une chance pour notre pays.

Attaché viscéralement à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, j'estime qu'un étranger accueilli sur notre territoire selon les lois de la République doit être considéré comme ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs que les Français dits de souche.

Je soutiens sans réserve le grand débat qui a été organisé, car nos concitoyens demanderont à l'avenir des règles et des valeurs à leurs dirigeants, ce qui est nouveau.

Les règles sont issues des grands changements intervenus dans notre société ces vingt dernières années. La démocratie occidentale, théorisée par Benjamin Constant au XIXe siècle, reposait sur des pouvoirs totalement transférés aux responsables politiques, lesquels, par le biais d'une économie de plus en plus libre, permettaient à leurs concitoyens de jouir d'une quantité croissante de biens et de services. Pour leur part, les citoyens n'avaient pas vocation à intervenir dans les affaires publiques, hormis en période électorale, mais l'élévation du niveau de formation, la généralisation de l'information, les catastrophes sanitaires et les cataclysmes environnementaux rendent maintenant indispensable d'associer nos concitoyens aux décisions prises.

Depuis quelques années sont apparues des exigences nouvelles : fixer des limites aux dérégulations économiques des marchés mondiaux, afin de nous prémunir contre une nouvelle crise ; contrôler l'utilisation de nos ressources énergétiques, afin d'éviter des cataclysmes ; donner de la conscience à la science, afin d'empêcher la création de monstres au visage humain. Des règles de vie sont exigées par le plus grand nombre de nos concitoyens, qui veulent se les approprier. Nous avons donc besoin de valeurs hiérarchisées, comme quoi ce débat n'arrive pas par hasard.

Les valeurs sont le fruit des grands apports de notre civilisation et du passé, mais aussi la résultante des grandes mutations du temps présent. Les apports de la civilisation sont les héritages gréco-romains, mêlés aux valeurs de la religion judéo-chrétienne et à la pensée du siècle des Lumières. Les mutations de notre temps résultent, pour leur part, de l'infusion de nos cultures nées des échanges et des immigrations.

L'héritage de notre passé se conjuguant aux grands courants présents doit constituer le socle de notre identité nationale. Sans la conscience de qui nous sommes, nous ne pouvons pas nous projeter dans l'avenir.

Beaucoup d'autres pays, comme le Canada, ont mené des réflexions analogues. Il est très heureux que la France, à l'instar d'autres nations, s'engage dans ce dialogue.

Je voudrais cependant insister, monsieur le ministre, sur le besoin de mieux structurer ce débat et la nécessité, surtout, de toucher l'ensemble des Français, sans exception. Nous devons prendre notre temps, car il serait trop regrettable de ne pas réussir.

Le Gouvernement s'engage dans de grands débats publics, toujours plus nombreux, avec nos concitoyens : les nanotechnologies, la ruralité, la politique industrielle et, en ce moment, l'identité nationale. Notre devoir est de réussir ces débats. Notre pays trop centralisé, aux contrepouvoirs insuffisants, s'est trop illustré dans le passé en décidant et en discutant ensuite ; partout ailleurs, on consulte, on sonde, on teste, on expérimente. Il ne faut donc pas s'étonner que l'on manifeste en France à la moindre réforme ou que ceux qui n'ont que trop rarement droit à la parole se défoulent en public.

Prenons notre temps afin de toucher le plus grand nombre. Définissons des objectifs précis. Mettons-les en oeuvre en affirmant qu'il s'agira de constituer le socle de notre nouvelle société.

Je souhaite, monsieur le ministre, que ce débat soit un vrai succès, que nous puissions enfin transcender nos clivages politiques et que nos concitoyens, longtemps aveuglés par notre société de consommation, se rappellent que, fort de ses grandes valeurs, notre pays fut longtemps le phare du monde.

« Tout homme a deux pays, le sien et puis la France », disait Goethe. La France doit et peut à nouveau entraîner le monde, et je pense que le monde en a besoin. Encore faut-il que notre pays se retrouve dans ses si grandes et si belles valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Éric Raoult, impérativement pour cinq minutes. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

M'accordez-vous une minute de plus, madame la présidente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Je suis persuadé de votre mansuétude…

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur l'identité nationale est lancé, et plutôt bien lancé. Ceux qui en ont peur sont ceux qui le craignent (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC) ; ce sont ceux qui ne veulent rien, qui ne voient rien ou qui n'ont plus rien à dire. La France a beaucoup évolué, sa population a changé ; il faut être aveugle pour ne pas le voir.

Rappelons-le : ce débat est déjà un véritable succès, car il répond à une véritable attente et à une réelle demande des Français, ce dont témoignent les plus de 40 000 contributions publiées sur le site du débat – des contributions, riches, constructives, intelligentes – et les deux millions de pages lues.

Ce débat, c'est aussi un pays qui s'exprime, qui parle de son histoire, de ses racines, de ses valeurs, de son projet.

Monsieur le ministre, ne vous en faites pas : les socialistes aboient, mais la France vous soutient…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

…car vous avez eu le courage de prendre cette initiative, avec le soutien du Chef de l'État. Ce débat est l'occasion de répondre à une véritable question qu'il convient de ne pas ignorer : aujourd'hui, qu'est-ce qu'être français ? Cette question ne devrait pas être un sujet de polémiques ou d'affrontements, mais offrir l'occasion d'un véritable engagement pour échanger des idées, partager des témoignages et faire progresser l'identité de notre pays.

Vous proposez un débat, quand d'autres, lors de la dernière campagne présidentielle, réclamaient un drapeau dans chaque foyer ; certains l'ont oublié. « L'identité nationale n'est pas un gros mot », indiquait, pour sa part, Nicolas Sarkozy, durant cette même campagne. Il avait raison !

Quand un pays oublie son identité, il va au-devant de bien des déconvenues, avant un douloureux réveil. Un proverbe africain, que je cite souvent, l'exprime clairement : « Quand on ne sait pas d'où l'on vient, on se sait pas où l'on va. » Quand un pays ne sait plus se regarder en face, il est amené à s'oublier, l'un des meilleurs moyens pour faire le jeu des extrémistes, de faire le jeu de tous ceux qui sont tentés par le communautarisme, la division et la rébellion. L'actualité le montre au quotidien, en France et à l'extérieur.

Certains pays engagent la même réflexion que le nôtre, mais dans la concertation et sans opposition. Je rappelle à nos collègues socialistes qu'en Grande-Bretagne, en Russie ou au Canada, il n'y a pas d'élections régionales. En France, faut-il préférer la culpabilisation qu'ils nous ont imposée durant tout l'après-midi ? Doit-on choisir l'autocensure, non pour diviser ou opposer, mais bien pour fixer des repères, des racines et les valeurs de notre unité nationale ?

Pour le gaulliste que je suis – il y en a un certain nombre dans l'hémicycle (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) –, notre identité, c'est Schuman, Debré, Michelet, mais aussi Guy Môquet, Jean Moulin, Maurice Thorez et Missak Manouchian.

Vous parlez, chers collègues, de la France de gauche et de la France de droite, mais, dans notre langage, il n'y a qu'une France. Mon propos ne fera pas plaisir à Mme Pau-Langevin, mais, puisqu'elle ne parle pas de Paris, je vais parler de la Seine-Saint-Denis. Dans ce que M. Calméjane a décrit comme un « département-monde », dont je suis un élu et qui compte une centaine de nationalités, l'identité, cela veut dire quelque chose. Le « 9-3 », qui est un peu le département témoin de la gauche, qui l'a de tout temps géré, est le premier département populaire, même si, malheureusement pour vous, monsieur Asensi, ce n'est plus une démocratie populaire. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Il est attaché à une vraie identité française, car la patrie, disait Jaurès, « est le dernier bien du peuple ».

Cette banlieue, c'est aussi le Grand Stade, la cité de la Muette à Drancy, la basilique de Saint-Denis et le cimetière musulman intercommunal de Bobigny. Notre débat doit être l'occasion de rappeler que la France n'est pas une race, une ethnie ou une religion, mais d'abord une idée : celle de nos valeurs républicaines. Notre identité nationale est avant tout faite de liberté, d'égalité et de fraternité – et maintenant de laïcité.

L'égalité a fait vibrer tous les Français à Saint-Denis, il y a un peu plus de dix ans, dans ce stade mythique qui porte le nom de la France et la mémoire de nos champions du monde qui s'appellent non Dupont ou Durand, mais Zidane, Djorkaeff, Thuram, Blanc ou Trezeguet.

Avec fraternité, la France a su accueillir des milliers de migrants – pas uniquement sous des gouvernements de gauche –, à commencer par tous les anonymes, nombreux sous notre sol, qui ont su reconstruire nos routes ou nos immeubles, et se sont battus courageusement à Verdun et Monte Cassino.

La liberté d'expression permet de voter, de manifester, de se syndiquer ou de critiquer un pays qui, à tout prendre, n'est pas si monstrueux.

La laïcité enfin, qui n'est pas le refus de toutes les religions, mais le respect de toutes les croyances, est unique en Europe.

Le débat sur l'identité nationale ne doit pas être un tabou ni un combat – c'est pourquoi je regrette l'attitude de la gauche dans notre hémicycle –, mais un échange et une discussion entre tous nos compatriotes, quelles que soient leur origine, leur religion et leur classe sociale.

L'identité de la banlieue, que je pense connaître aussi bien que nos collègues de l'opposition,…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Madame la présidente, les six minutes ne sont pas terminées.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Non, six ! Vous l'avez dit tout à l'heure, et tous nos collègues l'ont entendu ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L'identité de la banlieue, c'est cette identité du double respect, que le Président de la République rappelle aujourd'hui dans Le Monde : respect de ceux qui arrivent et respect de ceux qui accueillent.

Une vielle expression yiddish promet qu'on peut être « heureux comme Dieu en France ». Tous ensemble, montrons que nous pouvons être heureux et fiers d'être Français. C'est cela, l'identité de notre pays.

Monsieur le secrétaire d'État, pour ce débat, pour votre courage, que beaucoup ont salué dans cet hémicycle, et pour votre visite en Seine-Saint-Denis le 15 décembre, je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. le ministre. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC et GDR se lèvent et quittent l'hémicycle. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Madame la présidente, chers collègues, malgré un éloignement de plus de deux ans et demi, je connais encore assez bien la gauche et le groupe socialiste. J'avais annoncé à mon équipe que ses députés ont le courage grégaire, et parié qu'ils quitteraient l'hémicycle au moment où je leur répondrais. S'ils sont courageux pour lancer collectivement des cris et des insultes dans l'anonymat des travées de l'hémicycle, ils le sont beaucoup moins quand il faut écouter un adversaire répondre. Ceux qui ont parlé ne sont plus là. J'avais déjà eu l'occasion d'apprécier leur lâcheté individuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J'aurais aimé qu'Henri Emmanuelli soit là pour assumer les insultes qu'il a lancées. Mais il a appliqué sa devise : « Courage, fuyons ! » Je constate d'ailleurs que, lorsque je propose un face-à-face sur notre politique d'immigration ou d'asile, qu'on nous reproche tant, ou sur tout autre sujet aux membres du groupe socialiste, nul ne relève le défi. Dès lors, à quoi bon répondre à des députés absents ? Je réserverai donc exclusivement à ceux de la majorité.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Jean Dionis du Séjour a souligné d'entrée l'intérêt du débat. Le patriotisme, il l'a dit, ne va pas sans mémoire. C'est pourquoi Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de la mémoire combattante, multiplie les initiatives de ce type. Jean Dionis du Séjour a justement souligné l'importance de concilier nos identités individuelles et l'identité nationale. Nous avons plusieurs appartenances. Pour ma part – mais cela mérite débat –, je crois qu'il existe une hiérarchie dans ce domaine. Si chacun a son histoire individuelle et peut être fier de ses racines, il existe en même temps un creuset : celui de la République et de la nationalité françaises, qui, pour moi, instaure une hiérarchie entre les appartenances.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Il a aussi souligné à juste titre qu'il faut concilier l'identité nationale et celle de l'Europe. Je suis frappé de constater que, sur le site que nous avons ouvert,www.debatidentitenationale.fr, beaucoup de contributions vont dans ce sens. Puisque les Français s'interrogent sur le lien entre identité nationale et européenne, c'est un point que nous devons éclaircir.

Comme beaucoup d'entre vous, Jean Dionis du Séjour a insisté sur la place de la langue. Je le rejoins donc sur bien des points, sauf sur sa conclusion relative à la place des communautés. J'ai cru y discerner une acceptation du communautarisme, que je ne peux approuver. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Hervé Mariton a rappelé que les Français demandent ce débat, qui est légitime. Même si le propos appelle des nuances, il a eu raison de souligner que le débat ne doit pas être celui d'un seul ministère. Celui dont j'ai la charge se contente d'initier et d'organiser la discussion. Nous nous tournons vers les Français pour les interroger.

Il a noté que j'ai parlé de « scenarii du futur ». J'aurais aimé lui indiquer, ce que j'aurai sans doute l'occasion de faire, ce que nos compatriotes attendent de nous. Ils veulent que nous leur expliquions comment la compétitivité, dans une mondialisation maîtrisée et régulée, peut nous permettre de préserver notre système de cohésion et de protection sociales. Il a aussi rappelé à juste titre que l'identité nationale doit être une force, une énergie pour se projeter dans l'avenir.

J'en viens enfin au thème de la laïcité. Dans mon esprit, il n'est pas question d'ajouter une quatrième valeur à la devise républicaine inscrite au fronton des édifices publics. Mais reconnaissons qu'en France, la laïcité est un pilier. Le terme ne désigne pas seulement un rapport à la religion. Il affirme une foi et le rêve de fabriquer des citoyens dotés de raison, rationnels et rationalistes. Ainsi, la laïcité est une déclinaison de l'humanisme.

J'ai approuvé l'intervention de Dominique Souchet sur la langue. Comme le montrent certaines contributions au débat parvenues sur notre site, nos compatriotes sont attachés à la langue française, non seulement comme à un système d'expression, à un outil de communication, mais aussi comme à une forme de structuration de la pensée et de l'échange. Il a insisté ensuite sur le fait que la reconnaissance dans notre mémoire, dans l'histoire de France, de zones d'ombre et de zones de lumière ne devait pas conduire à l'autoflagellation : la France doit s'estimer elle-même. Il a conclu que le débat devait tout à la fois redonner aux Français confiance dans l'avenir et contribuer au rayonnement international de notre pays. Je souscris totalement à ses propos.

Je me suis délecté à écouter Marc-Philippe Daubresse. Si j'ai gagné mon pari sur l'attitude des députés socialistes à la fin du débat, je n'ai pas su répondre à sa devinette concernant l'auteur de sa longue citation. J'ai pensé qu'il pouvait s'agir de Lionel Jospin, puis de Jean-Pierre Chevènement. Je n'avais pas pensé à François Bayrou, lequel a tenu ces jours-ci des propos sensiblement différents. Le lien établi dans ce texte entre identité nationale et intégration me paraît précieux et digne d'être utilisé.

J'ai beaucoup aimé la façon dont André Schneider, avec la modestie et la force de conviction qu'on lui connaît, a traduit son amour immodéré de la France et son ancrage alsacien. Je ne connaissais pas la jolie expression de « territoires d'outre-Vosges », mais je la retiendrai. Il a parfaitement souligné le lien indéfectible entre les valeurs et les symboles, et nous a invités à partager tous ensemble – Français, étrangers et Français d'origine étrangère – cet équilibre de droits et de devoirs qui fonde notre République.

Je voulais répondre à Bernard Cazeneuve, mais j'aurais préféré le faire en sa présence. « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » Je m'abstiendrai donc.

Jean-Claude Guibal a souligné à juste titre ce que la construction de la nation française doit à Rome et à la Grèce, avant de rappeler l'importance de la structuration de nos pensées par la langue française. J'ai particulièrement apprécié le lien qu'il a établi entre mondialisation et besoin de racines. Si nous voulons être tournés vers l'extérieur et nous ouvrir aux autres, il faut se connaître, s'aimer soi-même et être sûr de ses valeurs. C'est ce à quoi il nous a incités.

Lionnel Luca a eu raison de rappeler que la question posée aux Français dans ce débat est ouverte, libre et généreuse : pour vous, qu'est-ce qu'être français ? Il a indiqué à juste titre que le match Algérie-Égypte qui se jouait au Soudan a suscité en France des scènes de liesse aussi respectables que les débordements, la casse et l'absence de respect à l'égard des symboles de la République française étaient inacceptables. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Nous devons à la fois condamner et chercher à comprendre pour trouver une solution. Certains ont cru deviner que, le lendemain ou le surlendemain de ces événements, des messages à caractère xénophobe ou raciste sont parvenus sur le site du débat, mais que les modérateurs les ont filtrés. C'est exact. Qui pouvait en douter ?

Lionnel Luca a rappelé le nécessaire apprentissage de la langue française, mais aussi de La Marseillaise, dont il a expliqué les termes. Dans la France de 2009, il faut indiquer à nos enfants que ce fut d'abord un chant de libération. Le « sang impur » qui doit « abreuver nos sillons » est celui des ennemis de la Révolution. La phrase ne pose plus de difficulté, dès lors qu'on le sait. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Il a dit à juste titre que nous voulons raviver la fierté d'être français. Mais entendons-nous bien : cette fierté, c'est celle d'être héritiers d'une histoire avec ses ombres et ses lumières, sans arrogance ni sentiment de supériorité, mais avec la conscience que cet héritage nous dépasse. Il a enfin cité cette phrase de Camus que je ne connaissais pas : « La France doit s'estimer elle-même. » Je suis totalement d'accord.

Même si Serge Letchimy est absent, je tiens à dire, au moins pour le Journal officiel, combien son intervention m'a profondément heurté. Je le suis d'autant plus après avoir entendu Mme Pau-Langevin, dont l'intervention n'a pas été du tout du même registre, dire que le parti socialiste avait choisi, en la personne de Serge Letchimy et la sienne, des « Français particuliers ». Pour ma part, je ne sais pas ce que sont des « Français particuliers », et j'aurais aimé lui dire en face que si d'autres avaient utilisé cette expression, il y aurait eu un tollé justifié.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Elle voulait parler, je pense, des Français d'outre-mer ; mais ce sont des Français comme les autres.

Serge Letchimy est allé beaucoup plus loin. Il nous a accusés de parler de vrais Français, de mauvais étrangers, de vrais étrangers. Il a même commis un lapsus pour évoquer le fait que nous voulions empêcher « de mauvais Français » de violer les lois concernant l'entrée sur le territoire. C'est dire combien, dans son délire, il est allé loin. Personne ne veut figer l'identité nationale, comme il nous en accuse.

Je voudrais être sûr d'avoir bien entendu. Je relirai sa déclaration au Journal officiel et, si jamais j'avais mal compris, je retirerais mes propos. Mais si j'ai bien compris sa chute, il a appelé à rejeter ce qu'il a appelé la « civilisation de la Troisième République » au profit du communautarisme. J'ai alors noté, et je pense que le Journal officiel en fera foi, qu'il a été applaudi sur les bancs du groupe socialiste qui l'avait choisi comme orateur principal. J'espère que nous aurons des éclaircissements à ce sujet : s'est-il exprimé en son nom ou au nom de son groupe, et peut-il assumer ce qu'il a dit en conclusion ?

Patrice Calméjane a dit à juste titre qu'il faut clarifier les repères. Je crois en effet que les Français attendent des politiques un projet qui respecte notre histoire, nos valeurs, nos modes de vie, nos traditions, et qui nous permette de nous projeter dans l'avenir. Il a souhaité comme plusieurs d'entre vous, dont Éric Raoult en conclusion, un rassemblement. Son voeu n'a été que partiellement exaucé en cette fin de journée.

Nicolas Dhuicq, par un impressionnant discours sans notes – mais certains d'entre nous l'ont déjà entendu dans cet exercice –, nous a prouvé que l'érudition et l'art oratoire font partie de l'identité nationale française. Il nous a aussi confirmé que le goût du risque est le privilège de la jeunesse en s'adressant, du haut de cette tribune à ses « chers camarades, chers compagnons » – ce que je n'aurais pas osé faire. Il a insisté, plus sérieusement, sur l'importance du patrimoine et a conclu sur la grandeur et sur cette fierté dont j'ai dit quelques mots.

Mme Pau-Langevin a dit en introduction bien des choses auxquelles je n'aurais rien à redire ; je ne veux donc pas caricaturer son propos. Mais j'ai été surpris par sa conclusion. Elle a dit que, sur le site du ministère, figurait une intervention parlant de « dix millions d'étrangers payés à ne rien foutre ». Bertrand Pancher a aussi cité, pour dire son désaccord, cette expression proférée par un maire. À ce moment, l'un d'entre vous a crié : « Et Georges Frêche ? » Peut-être était-ce Éric Raoult.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Alors est montée des bancs socialistes une clameur qui voulait récuser cette comparaison. Et pourtant….

Je veux être mesuré. On ne peut pas résumer Georges Frêche, que j'ai eu l'occasion de connaître, à ses dérapages. Il a une stature d'homme politique, a formidablement développé la ville de Montpellier, c'est un homme d'histoire, d'érudition. Il vaut mieux que ses dérapages, mais ces dérapages ont été extrêmement lourds. Il a notamment affirmé que les harkis étaient des « sous-hommes », qu'il y avait dans l'équipe nationale de football « trop de blacks ». Or ce n'est pas le maire d'une petite commune de cinquante habitants. Il vient même d'être confirmé par les socialistes comme tête de liste dans la région Languedoc-Roussillon. Il va bien falloir, à un moment, clarifier les choses.

Pour ma part, j'ai entendu répéter pendant une semaine que, si le maire d'une commune de cinquante habitants avait eu une expression malheureuse, c'est que j'avais libéré sa parole, que je lui avais pratiquement dicté cette expression malheureuse. Mais il semble que l'on puisse, dans un parti qui se veut de gouvernement, accorder l'investiture, pour diriger une région, à quelqu'un qui a traité les harkis de « sous-hommes » et estimé qu'il y avait « trop de blacks » dans l'équipe nationale de football… Je croyais d'ailleurs me souvenir que François Hollande, en son temps, l'avait exclu du parti socialiste pour cela. Si je peux me permettre d'exprimer un souhait, je demande à la représentation nationale d'obtenir des éclaircissements sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je remercie Éric Raoult pour ses propos, ses références historiques. J'ai apprécié sa chute footballistique et son hommage à deux « coups de boule », glorieux ceux-là : ceux de Zidane au Stade de France, lors de la finale victorieuse contre le Brésil. Je le rassure sur un point : malgré le sectarisme dont ont fait preuve un certain nombre de parlementaires, le peuple s'est saisi de ce débat. C'est cela l'essentiel, qu'il nous faut retenir. Le peuple veut ce débat, il s'en est saisi partout ; chaque fois que les télévisions et les radios ont créé des espaces d'échanges libres, il s'y est précipité. Sur les sites internet, et pas seulement celui que nous avons créé, qui a reçu quand même plus de 40 000 contributions, dont certaines de ministres et de parlementaires dont je salue la qualité, partout où la parole lui a été donnée, le peuple s'en est saisi.

Je veux donc être optimiste. Dans quelques semaines, quelques mois, quelques années, on oubliera les scories, dont certaines que l'on a entendues en cette fin de journée, pour ne retenir que l'essentiel : à un moment, les Français se sont tournés les uns vers les autres ; les étrangers francophones, francophiles, se sont tournés vers la France pour nous dire : Vous ne vous appartenez pas, vos valeurs, votre langue, votre histoire, nous sont communes à tous. Je trouve cela très beau, et cela me permet de conclure : vive la Nation, vive la République, vive la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures vingt :

Débat sur le rapport d'information de la commission des finances sur les services départementaux d'incendie et de secours ;

Débat sur le rapport d'information de la commission des lois sur l'exécution des décisions de justice pénale.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma