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Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 8 décembre 2009 à 15h00
Débat sur l'identité nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

À force de synthèses politiques douteuses et de relectures historiques frelatées, vous rendez peu à peu la France nauséeuse. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

D'abord Nicolas Sarkozy s'est plu, pendant la campagne présidentielle, à préempter, avec un souci permanent d'autopromotion, à la fois de Gaulle et Jean Jaurès, la République et les racines chrétiennes de la France, le message universel de la Déclaration des droits de l'homme et l'appartenance de la France à la civilisation occidentale. À coup de manipulations, il s'est employé à faire tomber un à un les repères établis par les respirations de l'histoire ; et beaucoup des valeurs fondatrices de la République ont ainsi été passées au laminoir des discours successifs du chef de l'État.

Jusqu'à lui, nul républicain ne s'était aventuré à revisiter la laïcité, valeur fondatrice de la République, et tous ceux qui avaient exercé la plus haute responsabilité de l'État avaient conscience de ce lien intime et indestructible qui unit la République à la laïcité au point d'en faire un élément essentiel de son identité. La laïcité fut en effet l'aboutissement d'un combat sans merci, qui synthétisait l'aspiration de la République à voir se réaliser les trois ambitions de sa devise : la liberté, l'égalité et la fraternité.

La laïcité désirait que chaque citoyen pût trouver dans l'indifférence de l'éducation à l'égard des croyances et des religions un chemin pour le libre exercice de sa conscience. Elle fut ainsi le moyen de conforter, au coeur de la République, la devise de la liberté. Comme elle établissait que l'essence même de l'homme l'emportait sur toutes les autres appartenances qui pouvaient le distinguer, elle fut un ressort puissant de l'égalité. Enfin, comme, dans l'école de la République, dégagée de toute inféodation aux croyances et à leurs églises, elle garantissait l'accès de chacun à la connaissance et formait à la tolérance par l'apprentissage de l'ouverture à l'autre, la laïcité constituait le socle solide de la fraternité.

Mais sans doute la laïcité est-elle trop encombrante pour ne pas être la cible de cette obsession de la rupture qui semble guider chacun des pas du Gouvernement. Sur ce sujet grave, la parole du Président de la République, portée au coeur de la basilique Saint-Jean de Latran il y a quelques mois, entend justifier, avec toute la rigueur d'analyse que l'on pourrait trouver dans l'encyclique d'un pape, une nouvelle conception de la laïcité : en quelques mots, l'héritage laïque de la France se trouve bradé, au coeur d'un lieu de culte où, en proie à la jubilation de se voir consacrer chanoine d'honneur de Saint-Jean de Latran, le chef de l'État s'est sans doute cru autorisé à sonder la laïcité avec les arguments d'un pape ultramontain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En accusant la laïcité de couper la France de ses racines chrétiennes, il réintroduit la religion au coeur du discours politique, et va jusqu'à consacrer la supériorité du prédicateur qui évangélise sur l'instituteur qui éduque : « Dans la transmission des valeurs et de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le prêtre ou le pasteur [...] parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance.»

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