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Séance en hémicycle du 17 janvier 2008 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur le Grenelle de l'insertion et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Monsieur le président de l'Assemblée nationale, j'ignore si l'usage le permet, mais laissez-moi vous remercier de présider vous-même une séance consacrée à l'insertion et de marquer ainsi l'intérêt que vous portez à ce sujet. De même, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre présence qui témoigne de votre implication personnelle.

Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est parce que nous pensons que les politiques d'insertion ont besoin de nouvelles perspectives. Le Grenelle de l'insertion, qui regroupe l'ensemble des acteurs, est l'occasion de les fonder sur d'autres bases. Il nous a semblé opportun d'en débattre en amont avec vous et non pas de venir vous demander seulement de ratifier ce qui aurait été élaboré par d'autres dans d'autres enceintes.

Trop souvent, les questions d'insertion sont abordées à partir d'éléments techniques parmi lesquels seuls quelques rares spécialistes se retrouvent. Or nous avons aujourd'hui la possibilité de discuter des grandes lignes des réformes nécessaires, de répondre à des questions de principe, de confronter des visions différentes, de dégager des enjeux prioritaires.

Nous nous trouvons à la fin d'un cycle d'une vingtaine d'années. Notre pays a, par touches successives, forgé une politique d'insertion dont on ne doit pas oublier ni nier certains résultats positifs. J'en rappellerai quelques étapes.

Avant 1988, on pouvait, dans ce pays, se retrouver sans aucune ressource et ne dépendre que de la charité publique ou privée. La loi du 1er décembre 1988 a créé le revenu minimum d'insertion qui constitue une incontestable avancée sociale. C'est même désormais une caractéristique de l'Europe sociale que d'avoir un revenu minimum.

Avant 2000, on pouvait, dans ce pays, n'avoir aucune assurance maladie et se voir refuser l'accès aux soins, faute de ressources. La loi du 27 juillet 1999 a créé la couverture maladie universelle.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Des centaines de milliers de personnes ont bénéficié d'emplois aidés ou sont passées par des entreprises d'insertion ou encore par les différentes structures d'insertion. Or elles n'auraient pas travaillé ou pas retravaillé sans ces dispositifs spécifiques. Certains parcours d'insertion individuelle sont des réussites formidables qui justifieraient, à eux seuls, l'invention de l'insertion.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Pourtant, nous sommes obligés de constater un échec collectif. Sans attribuer aux politiques d'insertion les échecs d'autres politiques – éducation, formation et emploi –, notre pays n'a pas obtenu des résultats à la hauteur de sa richesse économique ni de son ambition sociale. Il ne devrait pas compter tant de personnes exclues du monde du travail, tant de personnes ne gagnant pas plus que le revenu minimum, tant de personnes dont la majorité des ressources proviennent de la solidarité et si peu de leur travail, tant de personnes qui, après avoir remis un pied à l'étrier, sont renvoyées à la case départ, tant de personnes, enfin, qui se débattent en vain dans une foultitude de difficultés où s'entremêlent l'isolement, les problèmes de santé, de logement, de surendettement...

Ce n'est pas faire injure aux constructions d'un passé récent, encore moins à leurs inventeurs, à leurs promoteurs, à leurs soutiens, à ceux qui les ont mis en oeuvre, que de dire qu'il faut bâtir autre chose. C'est plutôt leur rendre hommage d'affirmer que, malgré des difficultés, les acteurs de l'insertion, qu'il s'agisse des travailleurs sociaux, des responsables d'entreprises d'insertion, des élus, se battent pour essayer de trouver des solutions concrètes.

Mais quand tant de personnes perdent de l'argent en retrouvant un travail, c'est qu'il faut changer le système.

Quand on vous écrit – j'ignore si c'est votre cas, mais c'est le mien – pour vous proposer de rembourser une partie de son salaire pour pouvoir à nouveau bénéficier de la couverture maladie universelle, il faut changer de système.

Quand on veut travailler, quand on donne satisfaction au sein d'une entreprise d'insertion, mais que la loi prévoit que vous ne pouvez pas rester plus de deux ans sous contrat d'insertion et que vous allez donc vous retrouver, en application des textes – et non à cause de problèmes personnels –, au chômage à cinquante-huit ans, il faut changer de système.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Quand vous voulez travailler à plein-temps, que votre employeur y est favorable, mais que le contrat de travail que vous avez signé dans le cadre des politiques d'insertion ne vous permet pas de travailler plus de 26 heures par semaine et de gagner plus de 750 euros par mois, il faut changer de système.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Quand un pays compte, parmi ses adultes actifs pauvres, autant d'exclus du travail que de gens qui travaillent – et n'en sont donc pas moins pauvres pour autant –, il faut changer de système.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est un véritable réquisitoire contre le Gouvernement que vous dressez là !

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

C'est un réquisitoire contre des politiques d'insertion qu'il ne faut plus poursuivre.

Pourtant, chaque mesure a été prise avec de louables intentions et non dans le but de nuire ou d'exclure. Seulement, mises bout à bout, elles produisent un système de relégation. Ce n'est pas l'une d'entre elles qu'il faut modifier, ce sont les politiques d'insertion dans leur ensemble qu'il faut repenser, rebâtir.

Parfois, face à des constats si désolants, on recherche des boucs émissaires. Ici, aucun des acteurs pris isolément n'est en lui-même coupable. Ce n'est pas tel ou tel qu'il faut montrer du doigt. La responsabilité est collective ; il s'agit même, plutôt, d'une irresponsabilité collective qu'il faut dénoncer, l'objectif de ce débat étant d'y mettre fin.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Les causes en sont nombreuses. Je vous proposerai pour ma part un diagnostic de ce problème très français. C'est ce que j'appelle l'effet « centrifugeuse », à savoir un système qui tourne de plus en plus vite sans se préoccuper de ceux qui, pourvus d'une capacité un peu plus faible que le niveau exigé, sont peu à peu renvoyés à la périphérie. On juge qu'il ne sont pas assez performants parce que trop jeunes : n'oublions pas le taux de chômage dans cette catégorie de la population. Pas assez performants parce que trop vieux, et dans le monde du travail on est vieux de plus en plus tôt. Pas assez performants parce que insuffisamment qualifiés, mal qualifiés ou trop qualifiés. Parce que toujours disqualifiés. Parce que discriminés.

Ainsi, une enquête récente montre que les annonces d'emplois en France comportent, dans 20 % des cas, un critère d'âge, contre 1 % en Grande-Bretagne ; dans 73 % des cas, un critère de formation, contre 63 % en Espagne et 27 % en Grande-Bretagne ; dans 9 % des cas, une demande de photographie, contre 3 % en Espagne et jamais en Grande-Bretagne.

Notre société a cru que son moteur gagnait en efficacité parce qu'il donnait l'impression de s'alléger, mais il s'est privé de carburant et a rejeté directement dans l'assistance une proportion de plus en plus importante de la population. Oh, certes, pour que l'éviction ne soit pas trop douloureuse, des mécanismes de compensation ont été mis en place. Ainsi a-t-on compensé l'éviction au lieu de la combattre, mais la douleur n'en est pas moins sensible.

Après l'effet centrifugeuse, la deuxième cause des difficultés dans lesquelles nous essayons de surnager, c'est que les réponses se sont révélées chaque fois très spécifiques, très cloisonnées, trop déconnectées du travail, trop déconnectées de la formation, trop déconnectées de l'économie, trop déconnectées des aspirations individuelles. Nous avons mis en place des systèmes de plus en plus sophistiqués, de plus en plus complexes, de plus en plus coûteux, de moins en moins compréhensibles, de moins en moins efficaces.

Le résultat, nous le connaissons : nos politiques d'insertion sont à bout de souffle. Mais l'énergie n'est pas morte. Nous l'avons vu au moment du lancement du Grenelle de l'insertion, à Grenoble, il y a un mois et demi, avec la participation de l'ensemble des acteurs : associations, élus, entreprises d'insertion, présidente du MEDEF, secrétaires généraux des syndicats, pionniers et inventeurs de l'insertion d'il y a vingt ou trente ans. Tous sont prêts à mettre leur énergie au service de nouvelles politiques.

Nous le voyons dans les départements, pourvus depuis quelques années de nouvelles responsabilités qui les ont amenés à concevoir de nouvelles politiques. Nous le voyons au sein des réseaux associatifs, qui ont inventé des solutions originales, devant parfois se débrouiller aux marges de la légalité. Nous le voyons dans le dynamisme de l'insertion par l'activité économique, déjà à la pointe du développement durable quand le concept n'intéressait personne.

Dans ce contexte, nous voyons quelques raisons d'être optimistes et qui poussent à agir, à commencer par les aspirations des personnes en insertion. Un sondage réalisé récemment montre leur appétence à travailler, à être formées, leurs demandes pour que les systèmes évoluent – ce qui confirme tous les témoignages dont nous pouvons disposer – mais aussi leur implication dans les groupes de travail : je pense à certains d'entre-vous qui président des groupes de travail du Grenelle avec un collège des usagers, composé notamment d'allocataires du RMI et de jeunes en insertion, tout à fait représentatifs de la très grande majorité d'entre eux.

Nous voyons une autre raison d'espérer dans ce que nous montrent les acteurs de l'insertion qui, souvent avec des bouts de ficelle, parviennent à sortir de l'ornière les personnes les plus « cassées », et interpellent les pouvoirs publics en faisant valoir qu'avec les moyens considérables dont ils disposent, ils devraient parvenir à intégrer une plus grande partie de la population, d'autant qu'elle est moins fragile que les publics prioritaires.

Enfin, changement considérable par rapport aux dix dernières années : les entreprises prennent aujourd'hui conscience qu'on ne peut plus continuer ainsi. Elles ont besoin de main-d'oeuvre, et donc de recruter des personnes sans attendre d'elles qu'elles arrivent déjà entièrement formées et dotées d'une expérience professionnelle. Dans les métiers traditionnellement en tension mais aussi dans de nombreux autres secteurs de notre économie, on nous reproche de ne jamais proposer des allocataires du RMI ou des personnes en insertion lorsqu'il y a des emplois à pourvoir. C'est le cas notamment des pôles de compétitivité. L'intérêt et l'implication des entreprises viennent aujourd'hui de ce qu'elles pensent que des politiques d'insertion réussies sont indispensables à leur développement.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Tous ces enjeux nécessitent de réunir autour de la table les différents acteurs. Il s'agit de discuter avec l'ensemble des partenaires sociaux, avec les associations, les spécialistes de l'insertion, les collectivités territoriales.

Nous avons préparé ce débat en vous soumettant une dizaine de questions centrales retenues par les trois groupes de travail mis en place mi-décembre : gouvernance et objectifs de la politique d'insertion, engagements des employeurs privés et publics, parcours d'insertion. Nous vous proposons maintenant une dizaine de principes.

Le premier consiste à simplifier de manière drastique les dispositifs existants, aussi bien les minima sociaux et les aides de retour à l'emploi que les contrats aidés. Là encore, personne n'a souhaité, au départ, établir un système compliqué, tant il est vrai qu'on ne recherche pas a priori la complexité. Il faut donc se demander pourquoi personne ne s'y retrouve. C'est parce que, selon moi, phénomène bien connu, non seulement on ajoute une couche sans effacer la précédente, mais encore parce que tout repose sur le régime de la défiance.

L'État n'a pas confiance dans les collectivités territoriales ; ceux qui disposent des financements n'ont pas confiance dans les travailleurs sociaux ; les acteurs de terrain eux-mêmes n'ont pas forcément confiance dans les populations en difficulté. Aussi, pour éviter une sorte de fuite en avant, on définit des critères d'une précision diabolique : les moins de vingt-six ans doivent bénéficier de mesures spécifiques, de même ceux qui sont au RMI depuis plus d'un an… Ainsi, à chaque cas correspondent des critères extrêmement restrictifs. C'est un mécanisme qui prend un temps fou, qui induit des passages d'un acteur à l'autre, et surtout qui exclut ! Le parcours d'insertion, c'est d'abord un parcours du combattant entre les différents acteurs, qui aboutit inévitablement à des refus.

Simplifier, cela ne consiste pas à passer de cinquante lettres à quarante, puis à trente l'année suivante, puis à vingt l'année d'après. Simplifier, cela signifie que l'on accepte un système plus souple, dans lequel le législateur définit des principes généraux, des objectifs, une répartition des moyens, des publics prioritaires, et où chaque acteur, qu'il s'agisse des collectivités ayant la responsabilité d'un secteur ou de la personne qui est en contact direct avec l'allocataire du RMI, ne soit plus dans la situation de devoir dire oui ou non en fonction d'un paragraphe d'une circulaire expliquant un arrêté qui résulte d'un décret pris en application d'une loi.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Chaque acteur doit pouvoir dire oui non en fonction des besoins de la personne concernée, et, éventuellement, des engagements qu'elle prend.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Le RSA, c'est déjà une simplification puisqu'il consiste à remplacer un certain nombre de minima sociaux, d'aides et de prestations par un mécanisme unique.

Le contrat unique d'insertion, c'est aussi une simplification par rapport au maquis des contrats.

Le bouclier sanitaire, s'il est accepté, c'est potentiellement une simplification considérable par rapport aux différents mécanismes de l'assurance maladie.

La connexion entre un service public de l'emploi rénové et l'insertion professionnelle, c'est également une simplification, avec la suppression de critères d'accès en fonction des statuts.

Simplifier impose de donner de la souplesse et de faire confiance. C'est, me semble-t-il, la première question de principe que l'on doit se poser : peut-on mettre en place des prestations moins normées réglementairement, en améliorant l'équité et sans laisser filer les dépenses ?

Le deuxième principe, c'est de garantir que les revenus du travail soient supérieurs à ceux de la solidarité. C'est le but de la création du revenu de solidarité active, qui a trois objectifs : supprimer les effets de seuil pour les allocataires de minima sociaux qui retrouvent du travail ; lutter contre la pauvreté au travail ; rendre lisible et prévisible un système qui ne l'est plus. Il est expérimenté, sous une forme incomplète, dans des départements volontaires. À terme, il a l'ambition de se substituer à de nombreux dispositifs, en garantissant que toute augmentation du revenu du travail se traduise par un accroissement des ressources du ménage. Il est aussi destiné, bien évidemment, à soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs à bas salaire, et ce de façon plus lisible que la prime pour l'emploi.

Pour que le RSA soit juste, il faut qu'il soit complet. Nous le concevons comme un système qui donne, à travail égal et à composition familiale équivalente, les mêmes revenus à tous, que l'on soit passé par les minima sociaux ou que l'on soit simplement un travailleur aux revenus modestes.

Il faut insister sur ce point. J'entends parfois exprimer la crainte qu'avec le revenu de solidarité active, une personne qui ne serait pas passée par les minima sociaux, qui serait à mi-temps, ou qui serait même au SMIC avec des charges de famille, aurait des revenus inférieurs à ceux d'une personne qui sortirait du RMI pour occuper un emploi du même type. Cette crainte n'est pas fondée.

J'entends aussi parfois dire que le RSA va pousser dans le sens du temps partiel. Or, quand on analyse le barème du revenu de solidarité active sur lequel nous travaillons et qu'on le compare au barème actuel fixé par la loi pour le retour à l'emploi, on constate que le gain de revenu, quand on passe d'un mi-temps à un trois-quarts de temps ou d'un trois-quarts de temps à un plein temps, serait supérieur avec le barème du RSA.

Faire en sorte que les revenus du travail soient supérieurs à ceux de la solidarité, par le biais du RSA, cela impose de revoir un certain nombre de mécanismes, et notamment celui des aides au logement, sujet que connaît bien M. Pinte. Il convient d'éviter les effets de trappe.

Il faudra également se pencher sur les effets de seuil liés à la couverture maladie universelle. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé le bouclier sanitaire. Dès lors que le reste à charge est fonction du revenu, il n'y a plus d'effort pesant sur ceux qui sont juste au-dessus du seuil d'exonération de la participation de l'assuré. Cet effet de seuil devrait disparaître, pour laisser place à un continuum.

Il faudra également que les aides connexes, celles des collectivités locales ou celles de l'État, puissent être revues afin d'éviter les effets de seuil.

Le troisième principe, c'est une conception plus souple, plus large et plus réaliste de la notion d'employabilité. Bien évidemment, tout le monde n'a pas les mêmes besoins. Mais certains évoquent, au sujet de personnes qui seraient, à un instant t, dans l'incapacité d'être immédiatement recrutées par une entreprise dans le cadre d'un contrat de travail classique, la notion de « handicap social » ou de « COTOREP sociale ». Ils sous-entendent qu'il vaut mieux prendre acte d'une difficulté à travailler, plutôt que de s'acharner vers une insertion impossible. Permettez-moi de pointer les risques d'une telle approche, même adoptée avec les meilleures intentions du monde, et ses possibles dérives.

Certes, on peut reconnaître que certaines personnes ont des besoins qui relèvent d'abord de l'accompagnement social. Mais les classer comme « inemployables », et prévoir à ce titre un système qui leur serait spécifiquement destiné, ce serait faire une croix sur elles. Je pense à certaines associations, dont l'une m'est particulièrement chère, qui font travailler dans les métiers de la récupération des personnes cataloguées comme « inemployables » par le reste de la société alors qu'elles vivent dignement de leur travail. Il serait dramatique de les renvoyer à une notion d'« inemployabilité ».

Cela veut dire qu'il faut élargir la définition de ce qu'on appelle l'employabilité. Il me semble que quelqu'un qui travaille dans une entreprise d'insertion, c'est quelqu'un qui est employé…

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

…et dont les revenus sont liés à l'activité qu'il fournit. Le traiter d'« inemployable », c'est lui faire injure.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Tout notre effort vise à donner à ces personnes une place digne, liée à l'utilité qu'elles peuvent avoir, avec une exigence qui soit à la hauteur de ce qu'elles peuvent supporter. Et l'expérience montre que quand cette exigence est proportionnée, ces personnes reprennent progressivement confiance et peuvent à nouveau entrer dans le système.

J'entends évoquer depuis quelques temps cette notion d'« inemployabilité ». Je souhaiterais qu'on en débatte, et mon voeu est qu'on puisse l'écarter.

Le quatrième principe, c'est de passer d'un système de contrats aidés à une logique de contrats aidants, fondée sur la notion de parcours.

Depuis 25 ans qu'existent les contrats aidés, les sigles ont changé, mais la logique est restée la même, les insuffisances n'ont été corrigées qu'à la marge. Les contrats aidés, c'est un instrument ambigu, pour lequel la pression quantitative l'a trop souvent emporté sur la pression qualitative. C'est un instrument décrié quand il baisse et décrié quand il augmente. C'est aujourd'hui un instrument indispensable. Il n'y à qu'à voir les difficultés provoquées par les périodes de freinage des contrats aidés, comme celle que nous vivons actuellement, et cela ne nous a pas échappé.

Quels reproches peut-on faire aux différents contrats aidés ?

Le premier est un lien trop distant avec un parcours d'insertion débouchant sur un emploi pérenne. D'après la dernière enquête disponible, un an après avoir bénéficié d'un contrat aidé dans le secteur non-marchand, 80 % des personnes concernées n'ont pas d'emploi.

Le deuxième est une limite dans le temps qui ne correspond pas aux besoins. Je vous rappelle qu'une limite est fixée par la loi. Or on ne peut pas décréter a priori qu'après dix-huit mois ou deux ans, tout le monde doit être en mesure de se passer de soutien. Sur ce point, les textes et les pratiques sont impitoyables. On peut être ainsi relégué à la case départ. Vous recevez sans doute les mêmes courriers que moi, vous avez les mêmes contacts, et les mêmes expériences vous sont rapportées, celles de personnes qui nous disent : « Je ne comprends pas. J'avais repris du travail. Quand je demande à mon employeur s'il est content de moi, il me répond oui. Quand je lui demande s'il a besoin de moi, il me répond oui. Quand je lui demande s'il va me garder, il me répond non. » Ces personnes, on leur fait ça une fois, on leur fait ça deux fois, ensuite ce n'est plus la peine de leur parler de droits et de devoirs, d'emploi, de formation, de quoi que ce soit.

Le troisième reproche que l'on peut faire aux contrats aidés est une durée du travail contingentée, comme la limite des 26 heures que j'évoquais tout à l'heure.

Quatrième reproche, un contenu en formation à la qualification souvent trop faible, parfois totalement inexistant.

Cinquième reproche, des effets d'aubaine mal maîtrisés.

Sixième reproche, une complexité administrative indéniable. Si l'on faisait un quiz sur le fonctionnement du contrat d'avenir ou du contrat d'accompagnement dans l'emploi, je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais moi je n'aurais pas la moyenne ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Quelles peuvent être les axes d'évolution ?

D'abord, remplacer les contrats existants par un contrat plus souple : c'est ce que l'on appelle le « contrat unique d'insertion », demandé par de nombreux acteurs associatifs et par les entreprises d'insertion. Que ce contrat soit dit unique ne signifie pas qu'il est uniforme, mais qu'il est modulable en fonction des besoins du couple employeur-employé.

D'où la deuxième proposition que l'on peut faire, et qui justifie que l'on passe de la notion de contrat aidé à celle de contrat aidant. Un contrat aidé, c'est souvent un contrat uniquement caractérisé par une subvention versée à l'employeur. Dans un contrat aidant, on demande à la personne ce dont elle a besoin, et on demande à l'employeur ce qui pourrait le conduire à embaucher une personne en insertion. Et que répondent-ils ? Ils répondent : accompagnement social pris en charge, tutorat pris en charge, formation prise en charge. Le montant de la subvention que l'on verse pour le contrat aidé serait peut-être plus utile, et éviterait les effets d'aubaine, s'il était consacré au financement du tutorat, de l'accompagnement social et professionnel, toutes prestations qui facilitent le retour à l'emploi.

Troisièmement, le contrat unique d'insertion doit pouvoir être modulé. Certains ont d'abord et avant tout besoin d'une formation, d'autres d'un tutorat dans l'entreprise, d'autres encore d'un accompagnement social à l'extérieur durant la première année où ils reprennent un travail. Pourquoi proposer un menu uniforme quand les besoins sont différents ?

En outre, cela supprime les effets d'aubaine. Si, au lieu d'abaisser le coût du travail pour des emplois non qualifiés pour lesquels des allégements de charges existent déjà, on dit aux entreprises que si elles prennent des personnes en insertion, on leur paie les heures de tutorat et tout le suraccompagnement nécessaire,…

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

…cela ne créée plus d'effet d'aubaine. Cela sécurise également les entreprises d'insertion par l'activité économique, lesquelles préfèrent bénéficier d'aides de ce type plutôt que de dépendre des contrats aidés tels qu'ils sont conçus aujourd'hui, avec les coups de frein et d'accélérateur que l'on connaît, ainsi que les couperets à l'issue d'une période définie de manière purement administrative.

Une autre évolution que l'on peut proposer est celle qui consiste à réorienter les contrats aidés vers des contrats qualifiants, reposant sur le principe de l'alternance, en accélérant la montée en charge des contrats de professionnalisation et des contrats d'apprentissage. Il y a beaucoup de gens que l'on envoie vers des contrats aidés avec retour à la case de départ au bout d'un an ou de deux ans, et pour lesquels serait beaucoup plus adapté un contrat de professionnalisation, avec un temps de travail dans l'entreprise, un temps de formation, et la possibilité de déboucher sur un emploi pérenne.

Cela ne devrait pas être extrêmement compliqué à financer. Il me semble que les contrats de professionnalisation sont notamment financés par les organismes chargés de la collecte des contributions des entreprises au financement de la formation professionnelle. Rien n'empêche une montée en charge dans ce domaine.

Et puis, si une aide doit être donnée à l'entreprise, donnons-la au moment où elle transforme le contrat de professionnalisation en contrat à durée indéterminée. Alors, vous n'aurez plus d'effet d'aubaine, mais un lien entre le parcours d'insertion et l'embauche pérenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

Les sommes nécessaires sont prévues au budget ?…

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

C'est possible avec le budget tel qu'il existe.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Tout est prévu, effectivement.

Le cinquième principe est celui de l'universalité effective de l'accès au service public de l'emploi, de l'insertion et de la formation.

Lorsque j'ai été auditionné par vos commissions, j'ai dit que la moitié des allocataires du RMI n'étaient pas inscrits à l'ANPE. Je m'étais trompé. En fait, seuls 35 % d'entre eux le sont. Si 65 % ne le sont pas, ce n'est pas en raison d'un choix personnel ou parce qu'ils ne veulent pas travailler ! Ils ne sont pas inscrits à l'ANPE parce que l'on a considéré qu'ils n'avaient pas à bénéficier du service public de l'emploi.

Au moment où l'on réorganise ce dernier en l'unifiant, il faut mettre ce problème sur la table. Des centaines de milliers de personnes, à cause de leur statut, ne bénéficient pas du service public de l'emploi alors que – injonction paradoxale ! – on leur reproche de ne pas suffisamment se tourner vers le travail. Traiter le problème sous ses aspects quantitatif et qualitatif implique de reconnecter les mécanismes du service public de l'emploi et ceux de l'insertion professionnelle pour que l'offre soit adaptée à l'ensemble de ces publics.

Il faut aussi faire en sorte que l'argent de la formation professionnelle bénéficie bien davantage à ceux qui en ont le plus besoin. Les chiffres effrayants nous font collectivement honte : les personnes les moins qualifiées, les bénéficiaires de minima sociaux, les chômeurs de longue durée sont ceux vers lesquels les actions de formation et l'argent de la formation professionnelle – qu'il provienne de l'État ou des entreprises –, sont le moins orientés. La branche professionnelle de la propreté s'est organisée pour que 10 % de ses ressources soient consacrés à des actions de lutte contre l'illettrisme, ayant constaté que nombre de ses salariés – pour beaucoup des travailleurs pauvres – en souffraient. De la même façon, on pourrait négocier que 10, 15 ou 20 % des fonds de la formation professionnelle aillent vers les publics prioritaires.

Sixième principe : donner une priorité à l'accès à la mobilité et à la garde d'enfants. Dans tous les groupes de travail auxquels participent des bénéficiaires potentiels des politiques d'insertion, ces deux problèmes sont désignés comme des freins puissants à l'insertion professionnelle, que ce soit en milieu urbain, en banlieue ou en zone rurale.

Septième principe : il faut que les pouvoirs publics entrent dans une logique de responsabilité, en laissant une large place à l'initiative locale. Au fondement des réformes à venir, la question est de savoir si l'État doit tout réglementer ou s'il doit faire confiance aux acteurs locaux pour adapter les politiques locales aux besoins. Dans son parcours d'insertion, une personne doit s'adresser aux services de la caisse d'allocations familiales, du conseil général, du centre communal d'action sociale, de la caisse primaire d'assurance maladie, de l'ANPE… près d'une dizaine au total. Est-ce à l'État de fixer l'ordre dans lequel ils doivent intervenir ? Quand un département s'est organisé pour que les mêmes équipes s'occupent de l'insertion professionnelle et de l'accompagnement social, la loi ou le décret n'ont pas à décider d'une organisation différente. Laisser aux collectivités locales une plus grande marge d'initiative permettrait d'éviter la complexité administrative qui fait obstacle à une réponse rapide aux besoins des publics et des entreprises, celles-ci réclamant qu'on leur propose à bref délai des solutions intégrées en matière de formation et d'accompagnement.

La définition de ce qui relèvera de la responsabilité des acteurs locaux pourrait sans doute faire l'objet d'accords territoriaux entre la région, le département, la commune et l'État. Ainsi, dans certain département, plutôt que de laisser les allocataires du RMI courir pendant trois mois de service en service, c'est l'ensemble des acteurs qui sont réunis dans un même lieu, le vendredi, pour les recevoir dès la première semaine où ils perçoivent le RMI.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

C'est précisément à cela que servent les maisons de l'emploi. Il faut les garder !

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

En effet, mais dans l'exemple que je viens de donner, il s'agit de la maison du département. Le bilan est spectaculaire : le nombre de RMistes couverts par un contrat d'insertion est passé de 25 % à 95 % dans un délai ramené de trois mois à trois jours, les bénéficiaires de la CMU sont passés de 80 % à 100 %, et la personne est systématiquement mise en contact avec le service public de l'emploi dans les premiers jours du RMI.

Huitième principe : clarifier la notion de droits et devoirs pour les publics d'insertion. C'est une notion centrale ; encore faut-il que les droits soient effectifs et que les devoirs puissent être remplis. Ce qu'il faut demander en contrepartie de la solidarité nationale fait souvent l'objet de discussions. Il me semble que l'on pourrait, en première exigence, poser le principe que si la contrepartie est de travailler, ce travail doit donner lieu au versement d'un vrai salaire, avec tous les droits qui y sont attachés.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Exactement : si l'on ne veut pas développer un système dans lequel deux catégories de main-d'oeuvre – travailleurs bénéficiaires de minima sociaux et travailleurs pauvres – se feraient concurrence, il faut créer un vrai statut de travail.

La deuxième exigence, c'est que les engagements soient pris dans la durée. Souvent, on rencontre des personnes qui acceptent de faire des efforts la première année pour peu que cela débouche sur quelque chose. Or, très souvent, au bout de la première année, on les renvoie à la case départ. Si l'on prend vis-à-vis des jeunes, qui bien souvent n'ont ni allocation, ni formation, ni travail, un engagement de continuité de revenus dans la durée, il est alors possible de leur demander en contrepartie l'engagement d'accepter emplois et formations proposées pendant la durée du contrat. Cette notion d'engagement réciproque dans la durée devrait être creusée.

La logique des droits et devoirs doit, de la même façon, s'appliquer aux employeurs. Je vous le disais, ceux-ci ont davantage conscience de leurs responsabilités qu'auparavant, mais il est normal de veiller à ce qu'ils tiennent leurs engagements. En matière de handicap, par exemple, un système de quota d'embauches a été mis en place ; certains préconisent de l'appliquer pour les personnes en insertion. Il me semble cependant que d'autres voies sont possibles. Une entreprise peut contribuer à la politique d'insertion en embauchant des personnes en difficulté, si tant est que celles-ci puissent contribuer à la bonne marche de l'entreprise. Elle peut aussi participer à la formation des personnes les plus éloignées de l'emploi. Elle peut enfin conclure des partenariats avec des entreprises d'insertion. De même qu'il existe des clauses de marché public, il peut y avoir dans le secteur privé la possibilité de réserver du travail aux publics en insertion. L'année dernière, vous avez voté à l'unanimité le principe de la « contribution textile », qui permet de financer des emplois d'insertion dans le recyclage. Je pense que des dizaines de milliers d'emplois pourraient être financés de cette manière.

Enfin, dixième et dernier principe, il faut savoir passer de la petite à la grande échelle et associer toute politique d'insertion à l'évaluation et à l'expérimentation. Tous les acteurs y sont prêts, y compris ceux de l'insertion par l'activité économique, s'ils ont en contrepartie une garantie sur la pérennité de leur financement. Encore faut-il que les critères d'évaluation soient adaptés à leur travail avec un public peu performant. Consacrer une partie de leur budget à l'évaluation, l'ingénierie ou l'expérimentation, est un moyen de faire gagner en efficacité ces politiques d'insertion.

À travers ces dix principes que nous versons au débat, nous avons l'ambition de mettre la politique d'insertion au service de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de notre pays, et de simplifier considérablement les dispositifs. Encore une fois, nous détenons le record d'Europe du nombre de minima sociaux et celui de ceux qui en vivent. Si les choses étaient plus simples, moins de personnes vivraient avec 447 euros par mois. Notre politique d'insertion doit également préférer le « sur mesure » à la logique des « petites cases » ; elle doit favoriser l'adaptation des personnes aux défis du monde du travail tout en adaptant les exigences du travail aux difficultés des personnes ; elle doit s'appuyer davantage sur les territoires et la responsabilité des acteurs locaux. Bref, ce doit être une politique de solidarité active.

Nous attendons beaucoup de ce débat pour alimenter notre réflexion. Forts de votre éclairage et de vos expériences, nous pourrons revenir avec des propositions de nature à améliorer une situation dramatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Monsieur le président, mes chers collègues, je ne doute pas que nous soyons nombreux à nous réjouir de ce débat et nous vous reconnaissons, monsieur le haut-commissaire, la volonté de mettre sur la table un sujet bien complexe.

La lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion est un défi que notre société moderne doit relever : les 7 millions de pauvres qui vivent aujourd'hui avec moins de 650 euros par mois représentent 10 % de la population française. Est-ce à dire que les politiques d'insertion menées jusqu'alors ont échoué, que des dispositifs comme celui du RMI ne sont plus efficients et que l'ensemble de notre système de solidarité est dépassé ? Je n'en crois rien, même si une analyse un peu rapide des statistiques, mélangeant quantitatif et qualitatif, pourrait le laisser penser.

Si le nombre de bénéficiaires du RMI a fortement progressé au cours des dernières années, c'est en raison, d'une part, de la dégradation du contexte économique, et d'autre part, des modifications apportées par le précédent gouvernement au régime de l'ASS, provoquant, chacun le sait, un déversement massif de l'assurance chômage vers le RMI. Et si, à l'inverse, le nombre d'allocataires du RMI s'est réduit de manière importante, cela est dû au grand nombre de contrats aidés mis en oeuvre au cours de l'année dernière. Voilà pour l'aspect quantitatif.

Du point de vue qualitatif, je constate d'importants progrès entre la gestion effectuée par les caisses d'allocations familiales avant 2004 et la situation actuelle. Il faut à cet égard rendre hommage aux collectivités, notamment aux départements qui, toutes sensibilités politiques confondues, ont multiplié les efforts, depuis que la compétence leur a été transférée, pour mettre en oeuvre des plans et des mesures de soutien à l'insertion professionnelle et sociale, en développant des partenariats forts avec le monde associatif, l'ANPE, voire des sociétés privées de placement, et en participant à la mise en place de nombreux contrats d'avenir. Et cela, malgré la charge non compensée du surcoût de l'allocation RMI transférée en 2004 : la dette de l'État envers les conseils généraux, qui est d'environ 2 milliards d'euros, demeure.

Mais pendant que le qualitatif commençait à assainir la situation, le quantitatif en brouillait la perception. Nous nous sommes trouvés devant ce paradoxe où, plus nous faisions sortir de personnes du RMI, plus il en entrait, en raison des mécanismes que j'évoquais à l'instant.

Loin de moi l'idée de considérer que la bataille de l'insertion est sur la voie de la réussite avec les dispositifs actuels. Mais ce que redoutent le plus les acteurs de l'insertion – associations, travailleurs sociaux, collectivités locales –, ce sont les changements incessants de dispositif, dont ce secteur est le témoin et la victime depuis de nombreuses années. Sans doute, avant d'imaginer une nouvelle réforme, de nouvelles aides, de nouveaux règlements, de nouveaux contrats, avions-nous probablement besoin de plus de temps : chacun sait qu'il s'agit d'un critère essentiel dans un parcours d'insertion et d'un élément indispensable à l'évaluation des politiques publiques engagées.

Premier constat : je suis plus nuancé que certains quant au bilan de l'action menée jusqu'alors et à l'appréciation du moment pour entamer ce Grenelle de l'insertion, dont l'objectif, nous dit-on, est de remettre cette thématique au coeur des débats de la société, de permettre à tous les acteurs de l'insertion sociale et professionnelle de se rencontrer et de remettre à plat les droits et devoirs des pouvoirs publics, entreprises et bénéficiaires.

Louable intention mais qui, inévitablement, amène à se poser la question de la méthode et des moyens.

La méthode tout d'abord. On nous engage à nous réunir, à réfléchir, à sortir des débats de spécialistes, à cesser d'opposer insertion sociale et insertion professionnelle, et on nous dit que tout cela devrait déboucher sur des mesures concrètes.

Mais, dans les axes que vous venez de suggérer, monsieur le haut-commissaire, je suis surpris de voir que rien n'est précisément proposé pour aborder les autres causes qui, comme le manque d'emploi, participent de l'exclusion : notamment l'absence de logement ou les problèmes de santé.

Comment comprendre que la réforme de l'opérateur national du service public de l'emploi, prévoyant la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, n'entre pas dans le champ du travail de ce Grenelle, alors que les incidences peuvent être fortes sur les bénéficiaires des minima sociaux ?

Pourquoi la question générale du logement est-elle exclue du champ du Grenelle, alors même que chacun sait que c'est un élément indispensable à toute politique solide d'insertion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Comment interpréter le fait que la mise en oeuvre du revenu de solidarité active soit organisée selon un dispositif administratif et de consultation d'ores et déjà défini ?

Comment enfin lier ce travail avec l'objectif annoncé d'une réforme globale des minima sociaux déjà bien avancée et dont on ne nous dit concrètement rien ?

Nous pensons que nous devrions nous atteler à une politique d'ensemble pour parvenir à plus d'efficacité, au lieu de la morceler entre plusieurs ministres, dont nous ne savons pas, finalement, s'ils partagent la même philosophie du projet.

Examinons maintenant les actes et les moyens. Force est de constater que les premières décisions prises par ce Gouvernement n'indiquent pas qu'il s'agisse là d'une priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Avec la loi TEPA, vous lanciez le RSA, à l'intérieur d'une enveloppe finalement portée péniblement à 35 millions d'euros, à mettre bien sûr en perspective avec les 13 milliards d'euros du paquet fiscal destinés aux plus aisés et prévus dans la même loi. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

C'est aussi ce gouvernement qui, avant même que la réflexion que vous suggériez n'ait abouti, a publié un décret sur le contrôle des allocataires du RMI, afin d'évaluer leurs biens et éléments de train de vie. ( « Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

C'est cette majorité qui a adopté un projet de loi de finances réduisant de manière drastique le nombre de contrats aidés pour l'année 2008 (« Eh oui ! » sur les mêmes bancs), plaçant d'ores et déjà de nombreuses structures de l'insertion dans l'inquiétude.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

C'est votre camp qui a mis en oeuvre les franchises médicales, qui viendront pénaliser d'abord les ménages les plus fragiles. (« Eh oui ! »)

Ce sont les députés de la majorité qui ont choisi de modifier les conditions d'attribution de la couverture maladie universelle complémentaire, ce qui exclura 20 000 bénéficiaires actuels, prioritairement des familles avec enfants. (« Eh oui ! »)

Ce sont vos arbitrages, monsieur le haut-commissaire, qui ont fait baisser de 40 % les crédits destinés au secteur spécifique de l'économie sociale et solidaire. (« Eh oui ! ».)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Il faudra plus que des intentions, si bonnes soient-elles – je vous l'accorde –, pour conduire la réforme que vous nous suggérez.

Après le constat, la méthode et les moyens, voyons maintenant les outils que vous proposez.

La mesure phare, c'est bien sûr la mise en oeuvre du revenu de solidarité active, dont vous nous dites qu'il pourrait se substituer à plusieurs minima sociaux, sans d'ailleurs préciser clairement lesquels. C'est une réforme d'ampleur, mais dont on aurait pu penser qu'elle s'appuie sur une véritable analyse de l'expérimentation que vous avez voulue par la loi du 21 août 2007. Vous avez, en effet, autorisé – j'en sais quelque chose – quarante départements à se lancer dans une expérimentation d'une durée de trois ans, dont ils financent 50 % du coût. La plupart en sont encore à boucler leur projet. Autant dire qu'en dehors du département de l'Eure, la capacité d'enseignement est quasi nulle ! Et pourtant, vous annoncez la généralisation pour la fin de l'année 2008. Trois ans d'expérimentation mais dix mois pour la généralisation !

Cette analyse est cependant nécessaire car le RSA, en tant que tel, sans mesure corrective, n'est pas la solution miracle et comporte même de grands risques.

D'abord – et ce n'est pas le moindre des paradoxes – une précarisation de l'emploi, contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure. Ce dispositif, qui permet de compléter les revenus d'un travail, peut, si l'on n'y prend pas garde, être une véritable incitation pour certains employeurs à accroître le nombre de contrats à temps partiel et à durée déterminée, tout en favorisant les bas salaires.

Ensuite dans le cadre de cette réforme profonde voyant le RSA se substituer à d'autres minima sociaux, se pose la question des personnes les plus éloignées de l'emploi. Votre approche – que je comprends – consiste à penser que ce sont les emplois qui doivent être adaptés, et non les personnes qui doivent s'adapter à l'offre d'emploi. Soyons réalistes : dans une société d'économie de marché largement mondialisée, cet objectif est extrêmement dur à atteindre, même si je crois que le champ de l'économie sociale et solidaire est sans doute un axe de développement intéressant car moins soumis aux diktats des profits ; mais encore faut-il ne pas l'amputer de ses moyens d'action.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Plus globalement, le risque que le RSA ne bénéficie qu'aux personnes qui ont déjà un emploi ou qui sont très proches de l'emploi amène à se demander ce qu'il adviendrait de certains allocataires qui sont dans l'incapacité psychologique et physique d'assurer un emploi si le RMI venait à disparaître. Devront-ils retrouver le chemin des bons alimentaires des CCAS ou des commissions sociales des départements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

La question du coût et du financement même du RSA mérite d'être posée. Vous avez vous-même estimé le montant de la généralisation de ce dispositif à 2 milliards d'euros, en restant bien évidemment sur la base légale du texte de loi, c'est-à-dire le public relevant du RMI pour la compétence des conseils généraux et de l'API pour la compétence de l'État. Mais, si, comme le suggèrent certains travaux, ce dispositif devait aussi intégrer l'API et la prime pour l'emploi, le montant de cette prestation s'élèverait alors à 13 ou 14 milliards d'euros, et cela sans tenir compte d'une piste, que vous n'excluez pas, incluant l'ASS et l'AAH.

Avant d'aller plus loin dans le schéma que vous nous proposez, sommes-nous sûrs que les finances de l'État pourront en assumer le coût ? Vous me permettrez d'en douter. Mais, puisque vous êtes partis dans l'expérimentation sur la base d'un financement à cinquante-cinquante avec les conseils généraux, je vous rappelle que les départements assument, au titre de leurs dépenses actuelles d'aide sociale – RMI, ASE et APA –, une charge de 20 milliards d'euros, que l'augmentation de la prise en charge du simple vieillissement accroîtra encore. Un surcoût lié à votre réforme, pouvant s'établir entre 8 et 9 milliards d'euros, sera insupportable pour les finances des collectivités, sauf à imaginer une grande réforme fiscale, ou tout simplement leur disparition. J'ai lu de nombreux articles et dossiers sur ce point.

Votre principal outil est source de nombreuses interrogations qui restent à ce jour sans réponse. Je ne sais pas si nous passerons, monsieur le haut-commissaire, de la petite à la grande échelle, comme vous l'avez souhaité dans votre discours, mais je voudrais être sûr que l'échelle ne soit pas trop courte.

Je termine en répondant directement à votre interrogation sur ce qu'il faut garder et sur ce qu'il convient de faire évoluer.

Nous pensons qu'il peut être pertinent d'imaginer à la fois une simplification et un regroupement de nos minima sociaux – neuf au total, bien davantage que nos voisins, même si leur nombre n'est pas au coeur de la problématique. Il semble assez normal de répondre aux trois risques que chacun de nos concitoyens peut être amené à rencontrer au cours de sa vie et qui pourraient finalement constituer l'armature de la protection proposée par les pouvoirs publics au nom de la solidarité.

Le risque de perte d'emploi tout d'abord. De ce point de vue, il nous faut sans doute organiser la réponse au travers de la sécurisation du parcours professionnel, de la formation tout au long de la vie et de la place que nous devons faire à l'économie sociale et solidaire, sans oublier le travail à accomplir avec le monde de l'entreprise. Oui à un premier minimum social sur la base du retour à l'emploi.

La seconde expression de solidarité que nous devons construire tourne autour de la cellule familiale, de ses accidents ou de sa rupture. Le problème du veuvage, des parents isolés, voire du vieillissement ou de la dépendance peuvent s'inscrire avec pertinence dans ce cadre. Oui à un second minimum social qui permettrait de relever cet enjeu.

Enfin, il reste à imaginer l'accompagnement indispensable à développer pour les personnes empêchées de travailler en raison d'un handicap, d'une maladie ou d'une inadaptation reconnue à l'emploi, et je crois que le RMI pourrait, à cette occasion, retrouver sa vocation initiale où le « I » d'insertion équivaudrait au lien indispensable que notre société doit maintenir avec les personnes relevant de ces situations, car si l'emploi n'est pas possible, l'activité l'est.

Vous aviez demandé, monsieur le haut-commissaire, que nous nous inscrivions pleinement dans une volonté constructive, et nous le faisons en considérant que ces trois niveaux de minima sociaux doivent être maintenus, car les problématiques sont fondamentalement différentes et ne peuvent trouver leur solution dans le seul outil que vous nous proposez avec le RSA.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Mais nous ne voudrions pas que ce grand débat, auquel vous nous appelez et que nous revendiquons, fasse que la montagne accouche d'une souris et, plus grave, que des espoirs soient nourris et plus tard déçus par manque de moyens.

Le Grenelle de l'insertion que vous lancez devra, au-delà de vos bonnes intentions – souvent, votre discours contient peu d'éléments différents de ce que nous pensons les uns et les autres –, démontrer votre capacité à dégager les moyens nécessaires pour financer ces politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

(M. Jean-Marie Le Guen remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Huguette Bello

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, pendant six mois, l'insertion, à son tour, aura droit à son Grenelle. Cette mise à jour des politiques, des dispositifs et des moyens m'intéresse tout particulièrement.

D'une part comme élue d'un département dont le quart des habitants est concerné – en tant qu'allocataires ou en tant qu'ayants droit – par le revenu minimum d'insertion. Ce pourcentage montre à lui seul quelles conséquences structurelles les décisions issues de ce Grenelle auront sur la société réunionnaise.

D'autre part, de façon plus générale, l'insertion me semble constituer un de ces prismes à travers lesquels se reflète le bien-fondé de nos choix de société, et cela dans à peu près tous les domaines : éducation, urbanisme, économie, social. Trop souvent aspect marginal ou point aveugle de la décision politique, l'insertion devrait en être le point de départ.

Vouloir placer l'insertion au centre des débats, c'est donc une démarche que je veux saluer. Mais reconnaissez tout de même, monsieur le haut-commissaire, que le contexte est pour le moins défavorable et qu'il incite plutôt à la perplexité. En voici quelques éléments.

D'abord, la question du pouvoir d'achat des titulaires de minima sociaux, qui a été entièrement ignorée.

Ensuite, l'amputation d'un quart récemment infligée aux contrats aidés par le Gouvernement. Cette diminution, que Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi justifie par la baisse tendancielle du taux de chômage, est vivement contestée par un collectif d'associations, où figure Emmaüs France.

Les dégâts provoqués par cette mesure seront infiniment plus graves à La Réunion. La situation de l'emploi y rend totalement irréalisable l'idée du Gouvernement de parvenir à un taux de chômage de 5 % d'ici à la fin du quinquennat.

Il y a aussi ce décret, à paraître très prochainement, qui vise à conditionner le versement du RMI par une évaluation des biens et du train de vie des bénéficiaires. Sous prétexte de lutter contre quelques cas de fraude, il fera peser une détestable suspicion sur tous les bénéficiaires du RMI (« Malheureusement ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) comme s'ils étaient les principaux profiteurs de l'argent public !

Nous le disons souvent : l'insertion est un tout. Elle passe par le logement, dont nous savons à quel point il pose problème. Elle passe par l'accès aux soins, que les franchises que vous avez instaurées rendent plus difficile. Elle passe aussi par l'enseignement et l'éducation, que les réductions d'effectifs ne favoriseront pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Huguette Bello

Il me semble important d'observer que la vocation de l'insertion est double. D'une part, elle doit favoriser l'accès à l'activité et au travail de ceux qui en sont exclus. D'autre part, elle est aussi l'espace où se forgent des activités qui correspondent à des besoins ressentis par tous les citoyens, mais auxquels le secteur économique classique n'apporte pas de réponse. En ce sens, l'insertion est aussi le vivier des emplois de demain. Son aspect créatif doit être fortement souligné. C'est ainsi, par exemple, que la protection et la valorisation de l'environnement ou les services à la personne constituent des gisements d'emplois importants pour peu qu'on se donne les moyens de les imaginer et l'énergie de les mettre en oeuvre : des milliers d'emplois pourraient être, de cette façon, offerts aux jeunes Réunionnais.

Il va de soi que le caractère global de l'insertion nous fait souhaiter que, loin d'aggraver la séparation – voire l'opposition – entre l'économie solidaire et l'économie marchande, ce Grenelle de l'insertion soit une occasion privilégiée de les mettre en synergie. Rien n'est plus décourageant pour les bénéficiaires ni plus dommageable pour l'économie solidaire que la trop fréquente dévalorisation des emplois aidés. Le temps n'est plus aux oppositions arbitraires, idéologiques, et finalement stériles. L'ouverture de nos esprits à la réalité du travail nous oblige à lancer toutes les passerelles possibles entre l'économie marchande et l'économie solidaire. L'implication des entreprises par le biais de la clause du mieux-disant social ou du tutorat a montré ses limites. Sans doute, comme vous le proposez, faut-il commencer à chercher la façon d'associer davantage les entreprises à cet effort d'insertion. Une des pistes serait d'envisager leur participation sur le modèle de ce qui s'est fait pour la formation permanente.

Malgré de nombreuses créations d'emplois, mais du fait de l'arrivée massive des jeunes sur le marché du travail, l'île de La Réunion a une longue expérience des politiques d'insertion. Aux dispositifs de droit commun sont venues régulièrement s'ajouter des mesures spécifiques : l'allocation de retour à l'activité – à laquelle s'apparente d'ailleurs le nouveau RSA – ; le projet initiatives jeunes ; le revenu de solidarité ; enfin, une agence départementale d'insertion.

De notre expérience longue et multiple de l'insertion, nous pouvons tirer deux enseignements principaux.

L'insertion, elle aussi, a d'abord besoin de stabilité. Les trop fréquentes évolutions de ses procédures lui sont nuisibles. Personne ne peut comprendre que l'on supprime les dispositifs qui fonctionnent bien. Il en a été ainsi des emplois-jeunes, dont le succès, à La Réunion, avait été phénoménal. Il en a été ainsi, plus récemment, du congé-solidarité auquel le Gouvernement vient de mettre fin en dépit des milliers d'emplois pour les jeunes diplômés qui étaient à mettre à son crédit. À sa manière, le succès jamais démenti du plus vieux dispositif d'insertion, le service militaire adapté, ce SMA créé dans les départements d'outre-mer il y a plus de quarante-cinq ans et qui a même survécu à la suppression du service militaire, montre que la continuité dans les dispositifs est une condition sine qua non du succès de l'insertion. Il va de soi que la stabilité des financements en est une autre.

Outre la stabilité, notre expérience nous montre que l'insertion suppose aussi une bonne structuration de l'économie solidaire, capable de favoriser des itinéraires d'insertion cohérents. Un quart de siècle après le début des politiques d'insertion, il est temps de créer un secteur spécifique pour l'insertion. Du fait des évolutions souvent déstabilisantes du marché du travail, aucun salarié, jeune ou plus âgé, avec ou sans diplôme, n'est à l'abri de ruptures ou de changements au cours de sa vie professionnelle.

Le contrat unique d'insertion, dont la création a été curieusement annoncée avant même le lancement de ce Grenelle, est-il le signe précurseur d'une évolution en ce sens ? La superposition des contrats aidés avait fini, il est vrai, par brouiller le paysage de l'insertion. Mais la fusion préconisée préservera-t-elle assez de souplesse pour répondre aux caractéristiques des différents publics et des divers territoires ? L'échec patent de l'application du contrat d'avenir et du revenu minimum d'activité à La Réunion est un précédent à méditer.

À côté de la fusion des contrats aidés, vous avez déjà annoncé aussi celle des minima sociaux. Aborder cette réforme dans le cadre du Grenelle sans parler de la question de leur revalorisation serait incompréhensible. Le « choc de confiance » passe aussi par ce préalable.

Enfin, puisque la généralisation du revenu de solidarité active, bien avant la fin de l'expérimentation de trois ans qui avait été prévue, semble acquise, pouvez-vous d'ores et déjà nous préciser quel sort sera réservé à ceux qui ne trouveront pas d'emploi ? Quelle allocation leur sera versée ? Qui en assurera le financement ? Ce nouveau dispositif, vous le savez, suscite questions et inquiétudes. Ne serait-il pas raisonnable, plutôt que de substituer le RSA aux minima sociaux, de les faire coexister ?

Nous savons tous à quel point ces questions sont sensibles et qu'elles concernent des personnes en situation de fragilité. Aussi l'audace nécessaire doit-elle rester empreinte de sérénité.

Je vous remercie, monsieur le haut-commissaire, de prendre en considération ces remarques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le débat qui nous occupe est de ceux qui donnent tout son sens au pacte républicain. Il s'agit, ni plus ni moins, de réfléchir aux moyens et aux modes d'action que notre société peut déployer, dans les années à venir, pour assurer à nos compatriotes les plus fragilisés par la vie des filets de sécurité qui leur évitent de tomber dans une exclusion durable. Comme vous le faites régulièrement remarquer, monsieur le haut-commissaire, ces filets existent, mais se sont révélés trop peu efficaces.

L'évolution de notre société, la persistance d'un taux de chômage encore trop important, en particulier dans les quartiers populaires de nos villes, mais également la situation des travailleurs pauvres, doivent nous inciter à redéfinir les outils de l'insertion.

Quels dispositifs de solidarité développer en faveur de la personne qui, pour des raisons diverses, « décroche » ? Comment intervenir avec pertinence dans les différentes phases du processus d'exclusion ?

D'emblée, on le voit, si la formation et l'emploi jouent un rôle majeur dans le processus d'insertion, ou la perte de l'emploi dans celui du processus d'exclusion, ils ne sont pas les seuls facteurs à prendre en compte. Les accidents de la vie que sont une maladie, une rupture ou un contexte familial difficile, l'absence de logement ou le logement précaire, un handicap, une addiction, sont autant de situations où un individu fragile peut basculer dans l'exclusion. Le Grenelle de l'insertion doit donc mener une réflexion transversale.

C'est en appréciant la diversité des situations d'exclusion qu'il nous sera possible d'en mieux cerner les causes afin de mieux pouvoir y remédier.

Plusieurs départements ministériels sont directement concernés par la réflexion que nous avons entamée fin 2007, à l'initiative du Gouvernement et de vous-même, monsieur le haut-commissaire. Ces différents ministères doivent s'investir dans la réflexion sur les enjeux de l'insertion, si nous voulons mettre en oeuvre une gamme complète de solutions susceptibles de nous permettre d'atteindre l'objectif de réduction de la pauvreté d'un tiers en cinq ans.

Différents domaines sont inclus dans le champ du Grenelle de l'insertion : le droit du travail, la protection sociale, la formation professionnelle, mais aussi, par exemple, l'environnement familial et le logement.

J'ajoute qu'au titre de leur contribution à l'aide sociale, les collectivités locales sont des acteurs à part entière de la modernisation des outils de l'insertion.

C'est aussi de l'implication de l'ensemble des administrations et collectivités concernées par ce sujet, en amont : au stade de la réflexion, comme en aval : par la mise en oeuvre des mesures décidées, que dépend la réussite de ce Grenelle.

Enfin, il sera important de travailler, en parallèle, sur les causes de l'exclusion, donc sur sa prévention, dès le plus jeune âge, dans les domaines de l'éducation, de la santé ou de la citoyenneté.

Si nous sommes persuadés de la nécessité d'une politique de l'insertion véritablement offensive, c'est parce que nous sommes conscients qu'il est urgent de venir à bout de situations sociales particulièrement précaires dans lesquelles un certain nombre de nos concitoyens sont relégués.

Pour le groupe Nouveau Centre, le champ de réflexion repose sur quatre enjeux principaux : débloquer les freins au retour à l'emploi ; engager la réforme des contrats aidés, en particulier dans le secteur non marchand ; impliquer plus nettement les entreprises dans la démarche d'insertion ; enfin, renforcer l'accompagnement des personnes en difficulté sociale.

Débloquer les freins au retour à l'emploi est évidemment un premier enjeu.

Disons le clairement : on n'est pas chômeur, et encore moins chômeur de longue durée, par choix. Je n'ai personnellement rencontré personne pour qui bénéficier d'un minimum social était un projet de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Il peut y avoir des abus et ceux-ci doivent être sanctionnés. Nous sommes néanmoins clairement opposés à toute démarche de stigmatisation des personnes vulnérables, qui le sont déjà suffisamment par ailleurs, ne serait-ce que par les parcours d'insertion qu'elles empruntent.

Le RMI est depuis longtemps devenu synonyme d'exclusion alors qu'il aurait dû être un outil de réinsertion : quel paradoxe ! On ne peut dans ce contexte qu'approuver l'action des conseils généraux de toutes tendances, qui se mobilisent pour redonner au RMI sa dimension d'insertion.

Dans son rapport sur les minima sociaux, Valérie Létard avait soulevé, à juste titre, la difficile question de la réforme des droits connexes. Elle avait mis en évidence leur multiplicité, leur diversité et leur opacité, y compris pour celles et ceux qui en bénéficient. Elle avait également montré que c'est à la fois la difficulté d'y voir clair sur les droits liés au statut de demandeur d'emploi, et la peur de perdre un ou plusieurs de ces droits en reprenant un travail, qui pouvaient constituer un frein au retour à l'emploi. Les dispositifs d'intéressement imaginés depuis pour inciter à la reprise d'un emploi sont intéressants, mais resteront insuffisants s'ils ne sont pas accompagnés d'une réforme des droits connexes. Et c'est évidemment l'un des objets de l'expérimentation du revenu de solidarité active. Nous souhaitons, dans l'esprit de ce rapport, que les droits connexes soient désormais liés à un niveau de revenu plutôt qu'à un statut, ce qui permettrait également aux travailleurs pauvres de bénéficier d'un certain nombre de droits, alors qu'ils ne peuvent aujourd'hui y prétendre parce qu'ils ont un emploi. Ce n'est bien sûr pas la solution pour réduire le nombre des travailleurs vivant en dessous du seuil de pauvreté, mais c'est en tout cas, une piste pour apporter quelques améliorations à certaines situations difficiles.

L'expérimentation du revenu de solidarité active doit permettre de mieux apprécier l'efficacité des mécanismes d'intéressement au retour à l'emploi en contournant les effets de seuil. Cependant, nous craignons que ceux-ci ne perdurent sous d'autres formes. Il en est ainsi de la couverture maladie universelle, dont le retour à l'emploi fait perdre le bénéfice. De même, le fait que certaines allocations – je pense notamment aux APL – soient calculées en fonction du revenu fiscal de l'année précédente, pose problème en cas de reprise temporaire d'activité suivie d'un retour au chômage. Une personne bénéficiant de ces allocations, qui retrouve un travail, mais retourne ensuite au chômage, risque de ne plus en bénéficier, alors qu'elle en a évidemment besoin. La question des effets de seuil reste donc d'une réelle acuité.

Quant au RSA lui-même, nous constatons aujourd'hui qu'il ne s'applique qu'à un nombre limité de minima sociaux : le RMI et l'allocation de parent isolé. Qu'en sera-t-il des autres minima sociaux : l'allocation de solidarité spécifique, l'allocation aux adultes handicapés ou l'allocation d'insertion ? Pour être véritablement efficaces, il nous faut envisager l'application du RSA à tous les publics éloignés de l'emploi.

En outre, compte tenu de la diversité des dispositifs expérimentés, selon quel schéma le RSA sera-t-il généralisé ? Si la diversité perdure, comment assurer l'équité entre les départements qui disposent de moyens importants et les autres ? De ce point de vue, le montant de l'apport financier de l'État est essentiel.

Au-delà de ces questions, le groupe Nouveau Centre reste particulièrement intéressé par ce dispositif innovant qui sécurise le retour à l'emploi des chômeurs. Le RSA sera une réussite s'il permet à ces personnes de percevoir rapidement que leur situation s'améliore durablement parce qu'elles ont retrouvé un travail.

La réforme des contrats aidés constitue le deuxième enjeu du Grenelle de l'insertion.

Dans un document de travail très précis, rendu public le 13 décembre dernier, le collectif ALERTE et les partenaires sociaux ont identifié les multiples freins à l'accès des personnes en situation de précarité à un emploi permettant de vivre dignement. Tous recommandent le maintien du nombre des contrats aidés, notamment dans le secteur non marchand, parce qu'ils sont nécessaires aux personnes les plus éloignées de l'emploi. Nous en sommes d'accord ; j'avais d'ailleurs insisté sur ce point lors du dernier débat budgétaire. Je pense en particulier aux bassins d'emploi industriels fragilisés par les restructurations et les délocalisations, où il est nécessaire d'accompagner les anciens salariés touchés par le chômage grâce à ce genre de contrat. Ici, politique de l'insertion et réflexion sur la sécurisation des parcours professionnels se retrouvent liées.

Les structures d'insertion s'accordent également pour reconnaître la nécessité de simplifier les contrats aidés. En effet, ils obéissent davantage à une logique de statut, voire parfois à une logique comptable, qu'à une logique fondée sur la singularité de la situation de la personne exclue et ses besoins réels. Ils doivent donc gagner en souplesse, tant en termes de durée que de temps de travail hebdomadaire, pour mieux prendre en compte les spécificités de chacun.

D'une façon générale, il s'agit d'inscrire la démarche d'insertion professionnelle dans une logique plus qualitative que quantitative.

Faut-il instaurer dans ce cadre un contrat unique d'insertion ? La question est posée et devra être tranchée à l'aune des résultats des expérimentations. Ce qui est impératif pour le Nouveau Centre, c'est que la réforme des contrats aidés prenne mieux en compte la nécessité d'un accès à la formation des salariés sous contrat. On ne peut en effet se satisfaire de situations où l'obligation de formation, quand elle existe, n'est pas respectée.

Chacun ici est conscient qu'en matière de formation professionnelle, ce sont les salariés déjà les plus qualifiés qui ont accès la formation, alors que les moins qualifiés en restent éloignés – vous-même l'avez rappelé tout à l'heure. Or le paradoxe selon lequel les salariés ayant le plus besoin de formation s'en trouvent écartés vaut également pour les salariés en contrat aidé. Le Nouveau Centre propose donc de réfléchir à un contrat aidé dans la logique des contrats en alternance, qui permette au salarié d'effectuer un temps au sein d'une association, articulé à un temps en entreprise et à un temps en formation. On pourrait imaginer que le parcours d'insertion soit établi en trois phases, chacune en alternance – association et formation, association et entreprise et enfin entreprise et formation – afin que la transition vers un emploi pérenne puisse se dérouler dans les meilleures conditions.

L'idée d'accorder une place à la formation qualifiante dans le cadre des contrats aidés était déjà présente dans le plan de cohésion sociale, mais il convient d'amplifier cette dimension dans le cadre des contrats aidés simplifiés. Bilan de compétences, acquisition des savoir-faire professionnels, validation des acquis et formation qualifiante doivent être au coeur de l'insertion professionnelle et au centre de la démarche qu'entame une personne en contrat aidé : le contrat d'insertion devient ainsi un facteur de qualification et de professionnalisation.

Enfin, l'objectif du retour à l'emploi ne doit pas nous faire ignorer le sort des personnes en très grande difficulté d'insertion. Cumulant les handicaps, elles ne parviennent pas à retrouver le chemin de l'insertion professionnelle, tant il est difficile pour elles de se maintenir sur la voie de l'insertion sociale. Elles doivent pouvoir être accompagnées pour structurer un projet personnel bâti autour d'une activité sociale, qui puisse ensuite servir de fondement aux prémices d'une démarche d'insertion professionnelle. Il nous faut donc réfléchir à la création d'un contrat d'utilité sociale qui permette de prendre en compte ces situations dramatiques.

Le troisième enjeu consiste à impliquer les entreprises dans une démarche d'insertion.

Les entreprises sont ou devraient être les partenaires naturels des acteurs de l'insertion, parce que c'est vers elles que les personnes qui se sont engagées dans un parcours d'insertion doivent être orientées pour trouver un emploi pérenne. L'objectif n'est pas, en effet, de maintenir ces personnes dans le processus d'insertion, en les faisant indéfiniment passer de contrat en contrat et de structure en structure. La crédibilité même de la démarche d'insertion risque d'être remise en cause, si elle ne permet pas, après un parcours réussi, de trouver un emploi. À cet égard, le rôle du service public de l'emploi est fondamental. Et j'ai pris bonne note de vos propos, monsieur le haut-commissaire. Vous me permettrez de les reprendre la semaine prochaine lorsque j'interviendrai dans la discussion générale du projet de loi sur la réforme de ce service public. Au niveau local, les maisons de l'emploi ou les structures locales de l'emploi doivent être capables de discerner les offres d'emplois susceptibles de constituer un débouché adapté à la personne en insertion, en vue de réussir le deuxième et le troisième temps du parcours.

C'est aussi par un travail plus en amont avec les entreprises du bassin d'emploi que le service public de l'emploi et ses partenaires pourront définir les besoins en main-d'oeuvre et adapter les parcours proposés aux personnes issues de l'insertion. Je relève d'ailleurs que l'une des propositions du Conseil national de l'insertion par l'activité économique va dans ce sens : dans son rapport rendu public en juin dernier, il souhaite faciliter les transitions entre contrat en insertion et contrat en entreprise classique. Le salarié en structure d'insertion doit en effet pouvoir suspendre son contrat de travail pour effectuer une période d'essai en entreprise s'il trouve un emploi – ce que ne permet pas la législation actuelle. Cela constituerait un élément de sécurité autant pour le salarié concerné que pour l'entreprise susceptible de l'embaucher.

Réfléchissons également à l'impact du changement de convention collective sur le salarié qui entre dans une entreprise classique. Il passe de la convention collective applicable aux structures d'insertion à la convention collective du secteur dans lequel il a trouvé un emploi durable, avec des garanties sociales parfois moindres, ce qui peut, là encore, constituer un obstacle au retour à l'emploi pérenne. Il faudrait donc faire en sorte que le salarié en insertion dépende directement, dès son passage dans la structure d'insertion, de la convention collective du secteur d'activité dans lequel il va travailler.

Il importe également d'explorer toutes les pistes de nature à inciter les entreprises à embaucher des salariés en insertion. Le rapport du Conseil national de l'insertion par l'activité économique évoque ainsi la possibilité d'instaurer des avantages fiscaux pour les entreprises qui s'engagent dans une démarche d'insertion : exonération de l'impôt sur les sociétés ou allégement de charges tenant compte du coût généré par de telles embauches. En tout état de cause, les entreprises ont à l'égard du territoire où elles sont implantées une responsabilité sociale dont elles doivent avoir conscience et qui doit les conduire à s'engager. Au Grenelle de l'insertion de trouver, là aussi, les outils pour les aider. Vous avez fait des propositions allant dans ce sens, monsieur le haut-commissaire.

Le dernier enjeu est de renforcer l'accompagnement des personnes en difficulté.

La personne en insertion qui s'est inscrite dans un parcours professionnel reste une personne fragile, qu'il faut accompagner. Il s'agit de mieux l'écouter et de répondre à ses besoins, de détecter les éventuelles difficultés qu'elle rencontre avant qu'elles ne posent un problème réel et n'interrompent son parcours. Aussi est-il nécessaire de prendre en compte tout l'environnement social de la personne en insertion. Il ne s'agit pas seulement des implications professionnelles de sa démarche, mais également des difficultés liées au logement, à la situation familiale, à la santé. En effet, si le chômage dérègle tout, l'emploi ne règle pas tout : il faut contribuer à stabiliser durablement la personne concernée.

Nous devons aller vers une plus grande professionnalisation des structures d'accompagnement et des associations d'insertion. Il importe que l'accompagnement soit en prise avec les réalités du monde de l'entreprise, de manière à mieux assurer les transitions vers l'emploi pérenne, en fin de contrat d'insertion. Il nous faut donc déterminer la nature de cet accompagnement, son financement et sa durée, et établir qui, du service public de l'emploi ou des associations labellisées, en est responsable.

Nous attirons également l'attention sur la diversité des structures d'insertion : leur multiplicité, lorsqu'elle s'accompagne d'un cloisonnement excessif, peut nuire à la qualité du service rendu à la personne qui fait l'objet d'un suivi. Le passage d'une structure à une autre implique un changement d'interlocuteur et donc une double rupture pour la personne suivie, qui peut être mal vécue dans un contexte de fragilité.

Pour conclure, je souhaite attirer votre attention sur un point qui n'est que peu évoqué, même si vous l'avez effleuré. Élu de l'agglomération roubaisienne et d'un territoire fortement concerné par la question des discriminations à l'embauche et dans l'emploi, j'insiste pour que cette question ne soit pas négligée dans le cadre du Grenelle de l'insertion. Il est impératif de briser ce plafond de verre qui prive, souvent durablement, un certain nombre de nos concitoyens de l'accès à l'emploi, en raison de critères qui n'ont rien à voir avec leur qualification, leurs compétences ou leur expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Lors de la précédente législature, j'ai beaucoup milité en faveur de l'obligation d'anonymat des curriculum vitae. Je me suis félicité que cela devienne une réalité en 2006, mais j'ai par la suite regretté que le gouvernement d'alors, arguant de la signature en octobre 2006 d'un accord national interprofessionnel sur la diversité dans l'entreprise prévoyant l'expérimentation du CV anonyme, renonce à la rédaction des décrets qui auraient permis l'application de cette mesure. Certains syndicats ont expliqué à l'époque que cet accord était une coquille vide. En novembre dernier, les syndicats signataires appelaient encore à le faire vivre et demandaient son extension à l'ensemble des entreprises. Quant au président de la HALDE, il a déploré, en décembre dernier, que le CV anonyme soit insuffisamment utilisé en l'absence de décret d'application.

Je crois sincèrement pouvoir dire qu'en matière d'insertion professionnelle, il est urgent d'agir pour accélérer la lutte contre les discriminations à l'embauche et la promotion de la diversité dans l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le Président de la République, en décidant de créer un haut-commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté, a lancé un signal fort pour venir en aide à ceux de nos concitoyens qui rencontrent de graves problèmes d'exclusion. En confiant cette mission à l'ancien président d'Emmaüs, il a clairement manifesté sa volonté de rechercher et de trouver des solutions concrètes, qui dépassent la simple allocation pour aller vers un réel retour à l'emploi des plus exclus du marché du travail. C'est l'objet même des mesures que vous avez déjà prises avec le RSA et c'est le principal enjeu du Grenelle de l'insertion, qui réunit depuis plusieurs mois au sein de groupes de travail tous les acteurs concernés par l'accès à l'emploi.

La première mission de l'insertion, c'est de ne laisser personne sur le bord de la route. Il s'agit de détecter, d'accueillir, voire d'aller au devant des publics concernés. C'est d'abord diagnostiquer et évaluer ; c'est ensuite orienter et accompagner ; c'est aussi traiter la santé physique et mentale, remotiver les publics concernés en intégrant tous les éléments favorisant l'autonomie des personnes, comme la garde des enfants ou le permis de conduire ; c'est enfin former et, si possible, mettre ou remettre au travail. Et mettre au travail, c'est insérer dans l'utilité économique ou sociale, afin que l'individu retrouve un sens à sa vie, prenne conscience de son existence dans la société et ait une image positive de lui-même. Il faut donc cibler les publics, puis l'ensemble des parcours et des acteurs, et définir qui finance et qui gouverne.

Afin de bien comprendre le problème actuel, il me semble utile de reprendre rapidement l'historique des politiques d'insertion, ce qui implique de remonter près de trente ans en arrière. Cela fait des années que l'insertion est devenue l'une des préoccupations majeures de notre société. Depuis les années quatre-vingt, les différents gouvernements n'ont cessé de soumettre au Parlement des textes traduisant cette volonté. Bertrand Schwartz, père fondateur d'une approche globale de l'insertion des jeunes, a été à l'origine des missions locales. Puis, ce fut une série de mesures en faveur de l'emploi aidé, soit dans le secteur marchand, notamment dans les zones franches, soit dans le secteur socio-économique, voire d'utilité sociale. Nous avons donc connu les TUC, travaux d'utilité collective ; les CES, contrats emploi solidarité ; les CEC, contrats emploi consolidé ; les emplois-ville ; les emplois-jeunes ; les adultes relais ; les contrats d'accès à l'emploi, et j'en passe ! Évoquons aussi les aides à la création d'entreprise, comme l'ACRE, parfois éphémères, et la mise en place de filets de sécurité comme le RMI, dont le « I » devait signifier « imagination » plutôt qu'« insertion », calculé sur une base différentielle par rapport aux autres ressources, comme les allocations familiales, ce qui ne simplifie pas sa réforme.

Bien sûr, tout cela s'est accompagné de structures diverses. D'un côté, on peut citer les associations intermédiaires, les entreprises d'insertion, les entreprises de travail temporaire d'insertion, les SCOP ; de l'autre, les commissions locales d'insertion, les CLI, les plans départementaux d'insertion, les PLI, et d'autres dispositifs variés et variables, comme les plans locaux d'insertion par l'économique, les PLIE, les maisons de l'emploi. Toutes ces structures sont financées aussi bien par l'État et l'Europe que par la région, le département et les communes.

À cet édifice, il faut ajouter la lutte contre l'illettrisme, la préformation, le soutien psychologique, la remise en forme, l'encadrement et le suivi de tous ces outils. Et dans une moindre mesure, hélas, la formation dont bénéficient bien plus les personnes insérées et qualifiées que les publics précaires et faiblement qualifiés, comme vous l'avez souligné, monsieur le haut commissaire.

Pour quels résultats ? Certes, le chômage baisse depuis quelque temps mais, si ce résultat est statistiquement satisfaisant, il ne doit pas nous leurrer car la pyramide des âges y participe largement et les radiations de l'ANPE sont nombreuses. En outre, nous sommes bien placés pour savoir que nombre de jeunes et d'adultes ne s'inscrivent plus. Même si ce phénomène n'est pas récent, il ne faut pas le négliger. Dans ma commune, par exemple, 80 jeunes sont inscrits alors que 300 sont au chômage.

Que peut apporter le Grenelle de l'insertion ? Affirmer la volonté de l'Assemblée et du Gouvernement de combattre cette exclusion qui détruit l'existence de centaines de milliers de nos concitoyens et ne peut à terme que générer la violence ; faire comprendre l'enjeu économique que représente la réussite de l'insertion sociale, la productivité ne pouvant qu'être améliorée par l'accès à l'emploi des trois grandes catégories qui en sont massivement exclues : les jeunes sans qualification, les plus de cinquante ans et les chômeurs de longue durée.

Une fois ciblées les populations les plus concernées, nous devons définir les outils adaptés, préciser une gouvernance claire et imposer la nécessité d'une action massive pour relever ce défi.

La situation est grave : plus de 600 000 emplois ne sont pas pourvus tandis que plus de 2 millions de personnes sont sans activité ; il n'y a pas assez de logements ; les prix à la construction augmentent ; les loyers et les charges flambent. Il est temps d'arrêter ce processus par une vraie révolution dans le domaine de l'insertion. C'est ce que vous souhaitez, monsieur le haut commissaire, et c'est ce que nous voulons vraiment.

Pour commencer par le plus important, parlons moyens. Faut-il dépenser plus ? Pas sûr. Dépenser mieux ? Certainement.

Réfléchissons à ce qui a été tenté depuis Bertrand Schwartz jusqu'à Jean-Louis Borloo. Des missions locales jusqu'aux maisons de l'emploi, qu'observe-t-on ?

Le « guichet unique » préconisé par Bertrand Schwartz traduisait déjà la volonté de globaliser les financements, d'additionner les moyens et les compétences en mettant les acteurs en réseau.

Les maisons de l'emploi présentent en plus l'avantage d'être ancrées dans les bassins d'emploi, ce qui permet de prévoir les emplois de demain, donc les mutations, et de se donner les moyens d'être des interlocuteurs crédibles face au secteur économique traditionnel en le reliant au secteur socio-économique, voire à l'utilité sociale.

On voit aussi au fil des ans la création de mesures « chaînées » en forme d'itinéraires, comme les programmes Trace et Civis, qui tentent d'éviter les ruptures liées à la multiplicité des intervenants sur le même parcours, ainsi qu'à la multiplicité des financeurs. Mais cela ne concerne que les jeunes.

Récemment, on a vu apparaître la volonté de réaliser la fusion entre l'UNEDIC et l'ANPE.

Après ce constat, que peut-on proposer concrètement ?

Dans un premier temps, afin d'éviter l'éparpillement des crédits et la dilution des mesures, il faut unifier les dispositifs, globaliser les fonds et les territorialiser. Dans un souci de transparence, l'ensemble des crédits affectés à l'insertion devraient être rendus fongibles et abondés d'une partie des crédits de formation utilisés dans le cadre des parcours des différents publics concernés par le retour à l'emploi, voire d'une partie des crédits consacrés par les entreprises à la formation permanente. Certaines branches professionnelles se sont déjà investies dans la formation en amont des recrutements. C'est le cas, vous l'avez rappelé, du secteur de la propreté.

Ensuite, il est indispensable de déterminer une gouvernance claire avec des objectifs précis en termes de droits et de devoirs, tant des bénéficiaires que des organismes et entreprises qui concourent à l'insertion.

La mise en oeuvre, contractualisée par la gouvernance, pourra se faire, soit par les maisons de l'emploi, soit par les communautés de communes ou d'agglomération, en associant l'ensemble des structures qui concourent à l'insertion, à la formation et à l'accompagnement à l'emploi.

L'objectif doit être celui d'un contrat unique conclu auprès du territoire. Ce pourrait être un contrat territorial d'insertion sécurisant le parcours de l'intéressé sous tous ses aspects et assurant une véritable plus-value lors de l'accès à l'emploi.

Dans ce cadre, plusieurs mesures paraissent indispensables.

D'abord, il faut supprimer la catégorisation des bénéficiaires selon l'âge et considérer les personnes en fonction de leur profil et de la spécificité de leurs problèmes, avec un statut unique pour tous les bénéficiaires, afin de les rendre si possible intégrables dans l'entreprise.

Il convient aussi de prévoir un financement des postes d'encadrement en milieu de travail ; de garantir l'affectation d'une partie des moyens de la formation permanente au bénéfice des publics concernés par l'insertion ; de réduire à six mois la durée de travail exigée des salariés des entreprises d'insertion pour pouvoir obtenir un congé individuel de formation, au lieu des vingt-quatre mois requis actuellement ; de renforcer en les structurant les liens entre les organismes d'insertion, ceux de formation, les acteurs sociaux et l'entreprise.

Il faudra formaliser un itinéraire d'insertion transversal via l'octroi d'un statut unique du bénéficiaire alternant périodes en entreprise, périodes de formation professionnelle continue, périodes de formation de base et périodes d'accompagnement et de suivi.

Il est nécessaire de développer et formaliser dans chaque bassin d'emploi via les maisons de l'emploi la coopération entre les acteurs de l'insertion professionnelle et les acteurs du monde économique, tant dans le secteur marchand que non marchand, afin de développer l'accueil des publics les moins qualifiés.

Les entreprises, y compris d'insertion, devront être incitées à créer des emplois d'insertion qualifiants et à anticiper les évolutions techniques en assurant la formation théorique des salariés peu qualifiés. L'alternance entre entreprises du secteur socio-économique et du secteur marchand devra être développée. La formation, au sein de l'entreprise, des tuteurs de l'insertion ou la mise à disposition, notamment des petites entreprises, de professionnels formés à cet effet, que l'on pourrait appeler « compagnons de l'insertion », devront être encouragées.

Un crédit d'impôt dédié aux entreprises qui jouent le jeu de l'insertion pourrait être mis en place en s'inspirant des textes organisant le travail protégé. Cette mesure pourrait d'ailleurs être étendue aux collectivités locales, qu'il ne faut pas négliger car elles ont des obligations à assumer elles-mêmes.

Il faudrait établir un bilan social de l'entreprise et prévoir une fiscalité avantageuse pour celles qui investissent dans l'insertion.

Enfin, il conviendrait de renforcer le rôle des maisons de l'emploi dans leurs missions d'adaptation de la formation initiale et permanente aux besoins actualisés du secteur marchand et des entreprises.

En conclusion, monsieur le haut-commissaire, le Grenelle de l'insertion que vous avez initié, avec le Président de la République, recouvre à la fois l'esprit de 1968 et du premier Grenelle, qui transforma une révolution sociale en une évolution du dialogue social, et celui du Grenelle de l'environnement, qui a légitimé en politique le concept de « durable », lequel doit s'appliquer non seulement au développement mais aussi aux mesures.

Les travaux et le débat que vous avez engagés avec nous et les partenaires de l'insertion doivent maintenant conduire notre société à construire une véritable stratégie dans ce domaine complexe, mais également à le simplifier, à le rendre plus lisible, et enfin à le légitimer en tant que facteur essentiel de la paix sociale, garant de l'égalité des chances, garant aussi de l'efficacité économique de l'action publique en faveur des moins favorisés.

Il reste au milieu politique, et particulièrement à notre assemblée, à montrer sa détermination à réussir. Monsieur le haut-commissaire, le groupe UMP y contribuera en soutenant vos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Monsieur le haut-commissaire, une nouvelle dynamique de l'insertion, telle est l'ambition du Gouvernement et la vôtre. Que peut apporter le Parlement ? C'est l'objet de ce débat.

Le RMI a vingt ans et chacun ressent qu'une nouvelle étape s'impose.

Quelque 150 000 jeunes sortent sans formation du système éducatif.

Lors d'un récent débat organisé à la Maison de la Chimie, auquel participaient de nombreux parlementaires, chacun reconnaissait la complexité, le cloisonnement et le corporatisme du système de formation professionnelle.

Le budget de la protection sociale s'élève à 570 milliards d'euros, soit le même niveau que la Suède, sans avoir les mêmes performances au niveau social. Comme vous l'avez dit dans votre introduction, les résultats de notre pays ne sont pas à la hauteur de sa richesse économique ni de ses ambitions sociales. J'ajouterai qu'ils ne sont pas non plus à la hauteur des moyens financiers qu'il consacre à la politique sociale.

Enfin, 12 % de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté.

Partant de ce constat, quels objectifs pouvons-nous atteindre et surtout comment y parvenir ? Comme le disait le Premier ministre luxembourgeois, « je sais ce que je dois faire, mais dites-moi comment le faire ».

Pour ma part, je souhaite fixer six objectifs et voir comment nous pouvons les atteindre.

Premièrement, vous l'avez dit, nous sommes face à une nouvelle donne en ce qui concerne l'emploi. Tout doit être fait pour lever les freins au retour à l'emploi. 400 000 offres d'emplois n'étant pas pourvues, nous pensons pouvoir atteindre, dans les cinq ans, un taux de chômage de 5 %. Si le mécanisme d'intéressement était un début d'incitation, nous savons qu'il y a encore beaucoup de freins au retour à l'emploi : d'abord, la sécurité qu'apporte aux familles le RMI avec ses avantages connexes, et la peur de les perdre ; ensuite, la complexité et l'incertitude des systèmes de retour au travail, de même que l'organisation des modes de transport. Je suis très étonné de voir que, dans les zones semi-rurales ou semi-urbaines, 30 % de la population ne dispose pas de moyens de transport pour accéder à l'emploi.

Enfin, dans les régions industrielles, les familles monoparentales ne trouvent que des emplois à des horaires en deux-huit ou en trois-huit, souvent non compatibles avec les systèmes de garde existants. Pour ces familles, le retour à l'emploi sans modes de garde atypiques est pratiquement impossible. Mais comment les financer ?

Voilà quelques freins à l'emploi qu'il me paraît urgent de lever. Je suis convaincu que nous pourrions ainsi réduire d'un tiers le nombre de bénéficiaires du RMI dans les cinq ans à venir, dégageant par là même des moyens financiers pour les politiques d'accompagnement.

Mon deuxième objectif concerne précisément les politiques d'accompagnement. Nous savons qu'un nombre non négligeable de bénéficiaires du RMI ou des minima sociaux ne pourront pas retrouver un emploi dans le secteur privé ou public. L'honneur d'une société se mesure à l'attention qu'elle porte aux plus faibles, non pas en les maintenant dans l'assistance tout au long de leur vie, mais en les faisant bénéficier, compte tenu de leur faible employabilité, de structures d'insertion ou de contrats d'autonomie sociale. Dans ce domaine, je tiens à rendre hommage – on ne le fera jamais assez – à l'association Emmaüs dont vous avez été le président, monsieur le haut commissaire, qui a été un modèle en redonnant de la dignité par le travail à beaucoup de nos compatriotes.

Il serait utile de connaître le degré de mobilisation des collectivités locales. Bien que vous ne nous ayez pas fourni les chiffres, nous savons qu'il est extrêmement variable. La publication régulière des résultats obtenus par les départements ou les communautés d'agglomération pourrait être un facteur d'émulation et de motivation, parce que les clés de l'avenir n'appartiennent pas seulement à l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Elles dépendent tout autant du dynamisme des collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Michel Mercier a eu l'honnêteté de reconnaître que, si l'État devait encore aux collectivités départementales et régionales un milliard d'euros,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…le même État prenait en charge des dégrèvements de cotisations sociales qui représentent beaucoup plus de deux milliards ! Je rappelle que l'État prend en charge 35 % de la taxe professionnelle et que, dans beaucoup de villes, 20 % des familles ne paient pas de taxe d'habitation et 30 % ont droit à des dégrèvements. Cessons donc ce débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je ne suis pas sûr que l'évolution des cinq dernières années ait été au détriment des collectivités locales compte tenu du poids des dégrèvements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Toujours dire que c'est la faute de l'État, c'est faire preuve de paresse. D'ailleurs, il suffit de se livrer à des comparaisons entre départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

C'est son boulot ! Elle se doit de défendre les intérêts des collectivités locales.

Certes, l'insertion peut être d'un coût élevé pour les collectivités locales. Mettre fin au contrat au bout de deux ans, c'est beaucoup trop rapide et leur prise en charge ne peut pas monter brutalement de 20 % de la rémunération jusqu'au niveau du SMIC. Le coût pourrait être réduit en utilisant mieux les perspectives du service civil dans la mesure où c'est l'encadrement qui est très onéreux. Or il y a beaucoup de jeunes qui sont prêts à consacrer une année de leur vie à l'insertion. L'accompagnement pourrait ainsi être développé.

Troisième objectif : les jeunes, en particulier dans les banlieues. Il faut à tout prix et de toute urgence redéployer les 26 milliards consacrés à la formation professionnelle.

Quatrièmement, 12 % de nos compatriotes se situent au-dessous du seuil de pauvreté. Le Président de la République a fixé comme objectif de réduire d'un tiers la pauvreté en cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

L'État seul ne peut y parvenir. D'ailleurs, j'ai proposé à M. le haut-commissaire, qui a assisté à un débat à la communauté d'agglomération de Vitré, sept objectifs. La vertu d'un grand peuple, ce n'est pas d'en appeler en permanence à l'État, elle réside dans l'esprit de responsabilité de ses citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Il faut tout de même rappeler que les deux tiers des efforts consentis pour lutter contre la pauvreté le sont par les associations de base et les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Et les 15 milliards du mois de juillet ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faut vraiment vous rafraîchir la mémoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Vous savez pertinemment qu'il ne s'agit pas d'un cadeau aux riches !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Cinquième objectif : simplifier, encore simplifier, toujours simplifier ! Monsieur le haut-commissaire, si parfois des élus et des associations se sont découragés, c'est que les systèmes changent en permanence. Peut-on éviter que les dispositifs changent tous les dix-huit mois ? Plusieurs de mes collègues l'ont dit : la stabilité est une absolue nécessité que devront respecter les différentes commissions dans les travaux qu'elles vont engager. Qu'elles se concentrent sur quelques points et, de grâce, qu'elles ne contribuent pas à l'empilement des structures et à la complexité des procédures !

Dernier objectif : la réforme des minima sociaux. À la différence de nos voisins européens, nous n'avons pas moins de dix prestations différentes constitutives des minima sociaux – dix et non pas neuf – et vous avez reconnu, monsieur le haut-commissaire, que nous ne les connaissions pas toutes. J'ajoute qu'il existe vingt-quatre prestations entre la naissance et la mort ! D'ailleurs, dans son dernier rapport, Jacques Delors écrivait :...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

« Le revenu socialisé au cours de ces dix dernières années a progressé au détriment du revenu individuel immédiatement disponible, fruit de son travail. » Nous ne pouvons pas laisser progresser sans arrêt les dépenses, il faut faire un effort de redéploiement et procéder au rapprochement de certaines prestations, non seulement du RMI, de l'API et de l'ASS, mais aussi de la prime pour l'emploi et du bouclier fiscal. Dans une économie ouverte, il n'y a pas d'autre solution, pour concilier la compétitivité des entreprises et la revalorisation des bas salaires, que l'effort permanent pour revaloriser la PPE. Je souhaite que nous y parvenions en 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Tels sont les objectifs qui seront les nôtres dans les prochaines années et que j'espère nous voir atteindre ensemble. La compassion est nécessaire, mais elle doit aller de pair avec la lucidité, le courage et la mobilisation des initiatives locales. La réussite dépend avant tout de la volonté des élus locaux et des associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Lors du lancement du Grenelle de l'insertion, vous avez dit, monsieur le haut-commissaire : « Le Grenelle permettra d'organiser la discussion entre l'ensemble des acteurs qui contribuent à l'insertion pour améliorer la performance globale des politiques d'insertion. »

Que faut-il entendre par « performance globale des politiques d'insertion » ? S'agit-il de réduire le nombre d'allocataires assistés ou d'améliorer le niveau de vie des plus faibles ? D'améliorer l'accès aux soins ou de travailler sans contrainte ?

À une politique de clair-obscur, j'aurais préféré des objectifs simples comme l'augmentation des minima sociaux de 50 % sur cinq ans, qui est le préalable à une fusion des prestations. Il faudrait également une allocation d'autonomie pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, qui constituerait une première étape vers un revenu d'existence pour toutes et tous. Nous affichons notre volonté d'aller vers une société de pleine activité, où le travail salarié ne soit plus qu'une composante, parmi d'autres, d'un revenu lié à une activité d'utilité sociale.

J'ai trois remarques à vous faire, monsieur le haut-commissaire.

Premièrement : le Grenelle de l'insertion part du présupposé que seul l'emploi peut répondre aux problèmes sociaux, qu'il serait un préalable à la prise en compte des problèmes de santé, de logement, de mobilité, et que celui qui en serait privé ne pourrait prétendre à rien. Loin de moi l'idée qu'il faudrait négliger l'emploi. En tant que membre de l'Alliance Villes Emploi, je ferai d'ailleurs des propositions précises à ce sujet, mais, en tant que maire, je me dois de rappeler sans cesse l'aspect cumulatif des inégalités : pas d'argent, c'est peu d'éducation, peu de soins, le « mal-logement » et la « malbouffe » assurés.

La vraie question du Grenelle devrait donc être : comment assurer les droits fondamentaux à tous ceux qui vivent sur un même territoire ? Pour reprendre l'emprunt « copié-collé » du Président de la République à Edgar Morin, l'enjeu est de construire une politique de civilisation. Il faut en effet façonner une société où chacun puisse concilier à son gré son temps de travail et son temps de vie pour soi, accroître son autonomie, tout en ayant un revenu et des droits garantis.

Votre politique de flexibilité, de lutte contre les 35 heures ou d'application de franchises médicales va évidemment à l'encontre de cet objectif. Elle le contraire d'une politique de civilisation, à moins qu'il ne s'agisse d'imiter la civilisation américaine, en tout cas celle de M. Bush, qui a institutionnalisé la précarité.

Deuxième remarque : l'urgence est de lutter contre le basculement dans la pauvreté alors que se multiplient les travailleurs pauvres : ils sont déjà plus d'un million. De nombreux salariés restent pauvres et mal logés, car ils sont très peu payés ou travaillent à temps partiel, ou bien connaissent des alternances répétées de chômage et d'emploi. Face à une telle situation, les propositions du Gouvernement sont, pour certaines inappropriées, pour d'autres insuffisantes. Toutes renvoient à un traitement spécifique des difficultés qui, faute de mesures globales, maintiendra durablement de nombreuses personnes dans l'exclusion. Le Grenelle de l'insertion devrait commencer par définir le seuil en dessous duquel il n'est pas possible de vivre dignement.

Troisième remarque : la multiplication des Grenelle ne permet de discuter des politiques publiques transversales. Or ce sont les plus pauvres qui subissent à la fois la précarité sociale et la précarité environnementale. Ce sont eux qui vivent dans des logements mal isolés et roulent dans des voitures qui consomment beaucoup d'énergie. Ils subissent ainsi une sorte de « double peine ». Qui plus est, les avantages consentis le sont souvent sous forme de déductions d'impôt, impôt que les plus pauvres ne paient pas directement.

Ensuite, parler de l'insertion sans évoquer le développement du tiers secteur de l'économie sociale et solidaire est un non-sens. Tout le monde sait qu'il concerne des centaines de milliers d'emplois d'utilité sociale.

S'agissant du RSA, il ne doit pas devenir le cache-sexe d'une politique sociale se réduisant comme peau de chagrin. Les 35 millions d'euros qui lui ont été consacrés doivent être comparés aux 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux consentis aux plus riches. Ne pouvant plus utiliser cette manne distribuée aux nantis, vous allez ponctionner un peu plus les collectivités, principalement les communes et les départements. L'Assemblée des départements de France a raison de s'en inquiéter car ils devront assumer cette nouvelle charge au détriment des autres politiques sociales.

L'autre risque, c'est d'enfermer les bénéficiaires dans la spirale du travail précaire. En mai 2005, un rapport d'étude du Sénat avertissait déjà : « Le soutien très important apporté par le RSA dès les premières heures d'activité fait craindre des pressions à la baisse sur les salaires, et un renforcement du recours par les entreprises à des emplois à temps partiel. » L'auteur de ce rapport ? Mme Valérie Létard, l'actuelle secrétaire d'État à la solidarité ! Elle avait bien raison de souligner de telles insuffisances.

Pour limiter les effets pervers du RSA, il était prévu de l'expérimenter pendant trois ans. Mais sa généralisation fin 2008 ne permettra pas son évaluation. Déjà appliqué dans plus de quarante départements, le RSA sera généralisé sans que l'on ait pris le temps d'en mesurer les effets. C'est donc le contraire de l'expérimentation sociale dont vous étiez jusqu'ici le défenseur attitré, monsieur le haut-commissaire. Malheureusement, vous êtes passé à la culture du résultat, c'est-à-dire du « court-termisme ».

Enfin, comme l'Alliance Villes Emploi le préconise, je souhaiterais que le Gouvernement s'appuie sur les outils qui ont fait leurs preuves dans la lutte contre l'exclusion. Les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi, les PLIE, plates-formes territoriales de coordination des politiques d'inclusion, ont atteint leur objectif : le retour à l'emploi des publics qui en sont le plus éloignés. Voici quelques chiffres nationaux qui le prouvent : sur 303 968 personnes concernées entre 2000 et 2006, on compte 105 285 sorties positives, soit par CDI, soit par des CDD de plus de six mois, soit encore par une formation qualifiante. Avec un taux de réussite de 46 %, les PLIE ont démontré leur efficacité en tant qu'outil local de la politique d'inclusion active.

Pour la mise en oeuvre du RSA en partenariat avec les départements, je ferai trois propositions.

Premièrement, l'État doit inciter les départements à s'appuyer sur les PLIE. C'est pourquoi je demande leur cofinancement par l'État en l'assortissant de contrats d'objectifs : articulation des PLIE et des maisons de l'emploi, indicateurs mesurant le retour à l'emploi, l'ingénierie de projets, ou encore la concrétisation du partenariat. Les PLIE sont le seul dispositif de retour à l'emploi des publics éloignés du marché du travail qui ne bénéficient pas d'un tel cofinancement.

Deuxièmement, dans le cadre du plan d'inclusion active, le rôle de coordination des politiques d'insertion par les PLIE doit être déterminant.

Enfin, il faut, comme nous l'avons fait à Bègles, prévoir des clauses d'insertion pour tous les marchés publics. Afin d'assurer une meilleure cohérence et coordination des dispositifs d'insertion, un niveau de collectivité devrait être désigné chef de file de la gouvernance. La loi de décentralisation du RMI de décembre 2003 en a confié la mise en oeuvre aux conseils généraux, mais il serait préférable que la gouvernance : coordination des dispositifs, des parcours, de la formation, du retour à l'emploi, soit confiée à l'échelon de proximité que sont les intercommunalités, c'est-à-dire aux EPCI, qui s'appuieraient sur les PLIE et les maisons de l'emploi.

Monsieur le haut-commissaire, vous avez choisi un chemin difficile en apportant votre caution à une politique de rupture libérale, en contradiction avec vos valeurs. Vous estimez que vous pourrez construire une sorte d'îlot de bien-être pour les pauvres dans un océan de précarité. Libre à vous de faire un tel choix. Je vous souhaite bonne chance, vous en aurez besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, je voudrais commencer sur une note positive et saluer la démarche de M. le haut-commissaire de saisir le Parlement en amont des discussions du Grenelle de l'insertion – bien que je partage les réserves formulées par certains de mes collègues concernant l'ordre de saisine des deux chambres.

En regardant le banc du Gouvernement, je me faisais la réflexion que vous étiez bien seul, monsieur le haut-commissaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

Cela est regrettable, d'autant que vous semblez placer de grands espoirs dans ce Grenelle de l'insertion, ce qui est légitime. Or, si les ambitions affichées se traduisaient dans les faits, la moitié du Gouvernement au moins devrait être à vos côtés, voire sous votre autorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Obligation qui devrait être aussi celle des députés !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

En effet, ces ambitions ne souffrent pas de modestie, et c'est tant mieux. Le Président de la République les a d'ailleurs fixées lui-même : réduire d'un tiers la pauvreté dans notre pays en cinq ans. De fait, on compte 7 millions de pauvres en France, soit 10 % de la population qui vit avec moins de 650 euros par mois.

Loin de moi la volonté de modérer votre enthousiasme, mais force est de constater qu'on peut légitimement douter de la réalité et de l'efficacité du dispositif appelé « Grenelle de l'insertion ». Si les effets de présentation et de communication en sont particulièrement bien soignés, il y a de grands risques qu'il se réduise à des pétitions de principe. Permettez-moi, avant d'aborder les questions de fond, d'expliciter nos réserves.

Ce grand débat public risque en effet d'être quelque peu étriqué : vous ne prévoyez d'aborder l'insertion que dans ses aspects économiques, et plus précisément professionnels, alors qu'un parcours d'insertion forme un tout.

Vous ne pouvez en traiter sérieusement sans embrasser d'autres domaines : ainsi, le logement – comme vous le savez, monsieur le haut-commissaire, sans adresse et sans domicile décent, pas d'emploi ; l'éducation, la formation tout au long de la vie et la sortie, parfois précipitée, du système éducatif – qui n'est pas une question secondaire, puisque 9 % de la population âgée de 18 à 65 ans souffre d'illettrisme ; la protection sociale, la santé et l'accès aux soins et aux droits liés à la sécurité sociale ; ou encore, la nouvelle politique de la ville annoncée par Mme Boutin – en contradiction avec le plan « Banlieue » que prépare, pour sa part, sa secrétaire d'État, Mme Amara. Mais je compte sur votre intervention dans ce débat pour renforcer la cohésion gouvernementale…

De toutes ces questions pourtant fondamentales pour l'insertion, pas un mot ! Vos collègues s'engagent en ordre dispersé sur des chantiers qui auraient dû s'inspirer de nos préoccupations et de nos débats, comme la réforme du service public de l'emploi, voire celles du marché du travail, des conditions d'accès aux soins ou des minima sociaux. Compte tenu des priorités affichées, on aurait pu s'attendre à ce que ces textes relèvent d'une même orientation ; or force est de constater qu'on ne favorise pas précisément l'insertion lorsqu'on s'apprête à vendre plus de logements sociaux qu'on n'en construit, qu'on instaure des franchises médicales ou qu'on annonce la suppression des maisons de l'emploi avant même d'en avoir fait l'évaluation.

Vous ne manquez cependant pas de persuasion ; aussi serais-je tenté de dire que nous sommes prêts à vous croire, et même à vous suivre. Et si c'est une priorité du Président de la République, tout devient possible, car vous avez certainement les moyens de vos ambitions. C'est en effet par les moyens mobilisés que l'on mesure une volonté politique.

Or, de cela non plus, pas un mot ! Manifestement, vous n'aurez – sauf heureuse surprise – pas un centime de plus ; vous êtes condamné à faire avec ce que vous avez… Au vu du sort qui vous a été réservé lors de l'examen du projet de loi de finances, nous sommes inquiets et craignons que ce Grenelle de l'insertion ne soit en réalité qu'une opération de camouflage. Souvenez-vous, ce n'est pas si vieux : les crédits destinés à la prévention de l'exclusion et à l'insertion des personnes vulnérables ont été diminués de plus de 5 %, et ceux en faveur des jeunes de près de 14 %, alors que les collectivités locales participent au financement des points d'accueil et d'écoute jeunes, qui apportent un soutien aux jeunes en difficultés ; les crédits pour les allocations et prestations d'aide sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées n'ont pas été augmentés, pas plus que ceux des services de veille sociale ou d'accueil et d'orientation. J'arrête là mon énumération : je risquerais d'être fastidieux, tant la liste est longue.

Même sur les sujets qui sont au coeur du Grenelle de l'insertion, on ne vous a pas facilité la tâche. Ainsi, on a mis fin, de manière unilatérale, aux contrats aidés au cours des derniers mois de 2007 ; pour 2008, la programmation n'est guère plus réjouissante, puisque 60 000 d'entre eux seront supprimés et leurs crédits diminués d'un tiers. Vous aviez d'ailleurs déclaré que vous auriez préféré que cette décision soit prise au terme des débats du Grenelle plutôt qu'en préalable – c'était une question de bon sens, et des centaines de collectivités ont d'ailleurs voté des motions de protestation. Dans ma ville de Boulogne-sur-Mer, quatre-vingts personnes sont concernées et plusieurs dizaines ont eu, en guise de cadeau de Noël, le non-renouvellement de leur contrat.

Parmi les thèmes que vous souhaitez voir aborder à l'occasion du Grenelle, vous évoquez la notion d'« employabilité ». À nos yeux, elle constitue un réel danger. Sa définition même porte à confusion : à partir de quand, et sur quels critères, peut-on considérer qu'une personne est ou non employable ? Qui l'appréciera ? Quelles en seront les conséquences ? Les finalités de cette classification sont dangereuses. En Grande-Bretagne, une partie de la population relève de ce que l'on appelle « incapacity », ce qui revient en définitive à l'assimiler à une classe subalterne. Est-ce un modèle à suivre ? Soutenir cette approche, n'est-ce pas donner un statut à l'exclusion, abandonner tout espoir d'insérer une partie de la population, et se résigner au constat que notre société échoue à assurer à tous un accès égal à la citoyenneté ?

Et comment parler d'« employabilité » pour les personnes touchées par le handicap ou placées sous protection judiciaire ? Ayant visité, il y a quelques semaines, les ateliers protégés de Boulogne-sur-Mer, je crois pouvoir dire que mon expérience le dément : des personnes, souffrant d'un handicap, qui auraient, au début de leur parcours d'insertion, été qualifiées d'« inemployables », sont aujourd'hui amenées, après un suivi individualisé, à fabriquer des objets médicaux de grande précision. C'est dire qu'une telle notion ne peut que nous laisser dubitatifs !

Par ailleurs, l'insertion suppose que l'on place au centre des dispositifs la personne, et non sa capacité à être productive ; le coeur de nos préoccupations est l'être humain, avec son histoire, son parcours et ses carences. La spécificité et l'adaptation des parcours d'insertion sont les garants d'un accompagnement efficace : ces parcours doivent être différenciés, en distinguant par exemple les activités qui relèvent du secteur marchand et celles qui n'en relèvent pas, mais n'en sont pas moins importantes et indispensables à la société. Il est étrange de vouloir tout unifier, jusqu'à l'insertion ! Allocation unique, guichet unique, contrat unique : la standardisation est à la mode… Certes, il faut simplifier les procédures – je ne le conteste pas –, mais considérer le contrat unique comme un postulat à poser préalablement à toute réflexion va à l'encontre du but poursuivi : l'insertion de la personne.

Comme vous le savez bien, monsieur le haut-commissaire – puisque vous êtes un fin connaisseur de ces questions –, la précarité face à l'emploi n'est pas toujours la même. Elle peut être exceptionnelle et récente, suite à un problème familial : divorce, séparation ou perte d'emploi. Elle peut être plus ancienne, due à des carences de formation ou à l'illettrisme – comme j'y faisais référence à l'instant. Elle peut enfin tenir à des difficultés profondes, qui rendent problématique la confrontation avec la réalité économique. Gommer ces différences revient à instaurer un système unique inadapté à la plupart des situations individuelles : une chose est de bénéficier d'un contrat permettant de rebondir après une période délicate, une deuxième d'avoir besoin d'un contrat renforcé, sur une durée modulable, par des formations et un suivi individualisés, et une troisième d'être orienté vers des structures adaptées, dotées de personnels formés et bénéficiant de relations privilégiées avec les partenaires sociaux susceptibles d'agir sur l'environnement familial.

En outre, le contrat unique posera d'innombrables questions, en premier lieu, en termes d'efficacité : comment peut-on confier aux mêmes structures, et suivant un même parcours, des personnes aux expériences et aux réalités si différentes ? Quid de la gouvernance et des compétences ? Unique ou pas, le contrat d'insertion doit impérativement être un contrat de travail de droit commun, afin d'éviter toute discrimination et de garder comme cadre les protections garanties par le droit du travail.

Comme tous les acteurs de l'insertion le soulignent – et nous en sommes nous-mêmes les témoins, voire les victimes, dans nos circonscriptions –, les conditions d'allocation des contrats aidés privent souvent le système de toute efficacité. Aujourd'hui, l'attribution de ces contrats constitue la négation même d'un parcours individualisé ; elle dépend d'éléments conjoncturels, de contraintes budgétaires, voire de l'évolution des statistiques – notamment celles du chômage ; il n'y a ni cohérence, ni vision à long terme, ni évaluation du système, alors que les collectivités et les associations en auraient besoin pour mener à bien leurs missions. Bref, elle est aujourd'hui le fait du prince, un exercice solitaire de l'État.

Il n'est pas sérieux d'attendre des associations et des collectivités des résultats probants en matière d'insertion, lorsque les missions et les services à la population dépendent du nombre de contrats attribués tous les six mois ! Nombreuses sont les personnes se trouvant stoppées net dans leur retour à l'emploi à cause de la non-reconduction de ces contrats. Un minimum de stabilité est en effet nécessaire pour rendre possible un suivi individualisé, les formations adaptées et la réadaptation de la personne au monde du travail. C'est ce qui avait d'ailleurs fait, en d'autres temps, la réussite de dispositifs tels que les emplois-jeunes, qui constituaient le coeur d'une politique d'insertion et avaient pour eux la durée, un rôle de tremplin et l'exigence d'un haut niveau de formation.

Il est en outre fondamental que les contrats ne soient pas répartis de manière uniforme sur l'ensemble du territoire national : priorité doit être donnée aux régions qui sont confrontées aux taux de chômage les plus élevés ou aux départements qui mènent des politiques d'insertion efficaces.

Les systèmes d'insertion n'ont de sens que s'ils sont d'une durée suffisante : il ne faut pas que les publics concernés se trouvent dans la stabilité de l'exclusion, mais dans l'instabilité de l'insertion. Les professionnels aussi ont besoin de stabilité : les associations et entreprises d'insertion me signalaient que le désengagement de l'État mettait en péril le devenir même de leurs structures. Si le Gouvernement entend allonger les périodes d'essai pour les CDD ou les CDI, cela signifie qu'il considère qu'il faut du temps pour intégrer des personnes aux entreprises ; pourquoi n'appliquerait-on pas ce raisonnement aux associations intermédiaires et à tous ceux qui agissent dans le domaine de l'insertion ? Or on limite le contingent à 240 heures – soit un mois et demi – par personne salariée ! Comment travailler correctement avec un tel contingentement ?

Monsieur le haut-commissaire, les questions que vous posez sont pertinentes. Il faut explorer toutes les pistes afin de sortir de la spirale de la précarisation. Or, outre l'exclusion, existe la crainte de l'exclusion.

Vous le savez : près de 60 % des Français craignent aujourd'hui de se trouver dans une situation d'exclusion. Il convient donc d'explorer toutes les voies visant notamment à améliorer l'efficacité et l'évaluation des stratégies d'insertion et de formation ainsi que l'insertion et l'apprentissage dans l'entreprise, à inciter les entreprises à jouer la carte des clauses d'insertion, permettre et faciliter l'accès des associations et des entreprises d'insertion dans les appels d'offres et généraliser les clauses sociales dans les marchés publics – je ne suis pas exhaustif.

Il nous faut également rationaliser les mécanismes de suivi des bénéficiaires, mieux coordonner les acteurs de terrain, ne pas multiplier les référents et renforcer les liens avec les entreprises qui, loin de se détourner des parcours d'insertion, doivent y voir une force plus qu'une faiblesse.

Monsieur le haut-commissaire, en dépit de votre solitude, vous avez de bonnes intentions. Méfiez-vous en toutefois : l'enfer en est souvent pavé ! « Grenelle », dans sa référence historique, évoque des acquis et des progrès, en un mot des « avancées sociales ». Votre démarche, j'en témoigne, suscite de grands espoirs chez les acteurs de l'insertion et au sein des populations concernées. Votre devoir et le nôtre n'en sont que plus grands, car derrière les mots il y a la souffrance, notamment de ceux que la vie a laissés de côté ou de ces milliers de familles qui ne peuvent accéder aux avantages offerts par notre société. C'est la raison pour laquelle, monsieur le haut-commissaire, je souhaite que ce Grenelle de l'insertion, après sept mois d'action gouvernementale, permette à ces personnes de retrouver enfin quelques raisons d'espérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Monsieur le haut-commissaire, vous avez déclaré que nous sommes à la fin d'un cycle de vingt ans. Il y a vingt ans, en effet, le gouvernement de Michel Rocard engageait une politique de lutte contre l'exclusion et de réinsertion des chômeurs dans l'entreprise. C'est ainsi que la loi du 1er décembre 1988 créa le revenu minimum d'insertion, dont l'article 1er précisait que « l'insertion sociale et professionnelle constitue un impératif national », et que celle de décembre 1989, visant à favoriser le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion professionnelle, instaura les contrats de retour à l'emploi, les contrats emplois solidarité et les missions locales. J'étais ministre…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

…d'ouverture, chargé du travail et de la formation professionnelle, dans un gouvernement de gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Vous êtes aujourd'hui ministre d'ouverture dans un gouvernement de droite : je voudrais rappeler à l'opposition…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

…que la loi de décembre 1989 sur la lutte contre l'exclusion avait été votée par l'Assemblée à la quasi-unanimité ! Je souhaiterais, monsieur le haut-commissaire, que vous puissiez bénéficier aujourd'hui de l'indulgence et de l'attention des groupes de l'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Il est nécessaire d'agir pour le pays en procédant à une mise à plat des mécanismes de formation professionnelle. Vous avez donc raison de l'entreprendre et le fait qu'elle soit très difficile la rend d'autant plus indispensable. En effet, chaque gouvernement, chaque ministre a introduit une ou plusieurs mesures sans supprimer les précédentes. On peut ainsi faire l'archéologie de la formation professionnelle, dans laquelle les socialistes peuvent fort bien discerner les dispositions qui ont été adoptées sous tel ou tel gouvernement.

Par-delà la nécessité de cette mise à plat, la question, déjà évoquée, est celle des moyens permettant de financer les dix actions que vous nous proposez. En un mot : comment lever l'obstacle financier ?

Je crois que nous devrons, les uns et les autres, réfléchir aux mécanismes d'intervention de la formation professionnelle. Vous l'avez noté : une trop faible partie des fonds de la formation professionnelle va aux publics qui en ont le plus besoin. Nous devons donc réfléchir à une correction et à une réorientation des fonds de la formation professionnelle, dont M. Méhaignerie a rappelé l'importance.

Il ne s'agit pas de revenir sur la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales : les régions ont reçu une compétence de droit commun en matière de formation professionnelle. En revanche, une meilleure coordination des actions entreprises est nécessaire, avec un rôle d'impulsion et d'innovation plus important de l'État. Du reste, les différents responsables des collectivités territoriales attendent de celui-ci qu'il donne une impulsion nouvelle dans le cadre d'une simplification, d'une clarification et d'une meilleure coordination.

La formation professionnelle n'en demeure pas moins le pré carré – je reprends une expression traditionnelle – des partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Vous aurez donc à engager une négociation interprofessionnelle difficile afin de recevoir, d'une part, l'accord du patronat et des syndicats ouvriers pour définir la réorientation des fonds de la formation professionnelle et celui, d'autre part, des régions qui, très souvent, se sont laissé entraîner, au fil des années, dans des actions sans avoir toujours une claire vision politique de celles qu'il convenait de conduire.

Je souhaite que vous réussissiez dans votre action sans pour autant penser, contrairement à l'orateur précédent, qu'il faille tout rejeter de ce qui a été fait au cours des dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

L'action, non des associations, mais des entreprises d'insertion, qui travaillent dans le secteur marchand concurrentiel et dont les salariés bénéficient de contrats, ont notamment fait un travail considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Elles méritent d'être soutenues et encouragées, d'autant qu'elles pèsent peu sur les finances publiques, les postes de travail conventionnés devant représenter quelque 170 millions d'euros dans le budget de l'État.

Dans cette tâche nouvelle que vous entreprenez, nous devrions être très nombreux sur tous ces bancs, dans l'esprit d'ouverture qui avait animé l'Assemblée lorsque j'étais ministre du travail, à vous soutenir afin de concourir à la réussite d'une nouvelle politique d'insertion et de formation professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous avez souhaité, monsieur le haut-commissaire, l'organisation d'un débat parlementaire autour des enjeux de l'insertion, débat dont l'objectif est d'éclairer les groupes de travail, réunis dans le cadre du « Grenelle de l'insertion », sur les orientations exprimées par le Parlement.

Nous ne contestons évidemment pas le principe d'une telle consultation mais nous craignons qu'elle n'invite essentiellement les différents acteurs du Grenelle à entendre les exigences de la majorité parlementaire.

Comment voulez-vous en effet que nous puissions, en deux heures à peine et dans le cadre d'un débat sans vote qui se résume par nature à une succession de déclarations, éclairer de quelque manière que ce soit les enjeux de ce Grenelle ? Avouez que l'exercice, qui demeure assez formel, contribuera au contraire à verrouiller le débat public !

Vous avez du reste vous-même levé toute ambiguïté sur ce point en proposant, dans une lettre adressée aux parlementaires, le 7 janvier dernier, « d'orienter la réflexion sur quelques points précis », l'objectif étant de redéfinir la problématique de l'insertion autour des mots « employabilité », « droits et devoirs des bénéficiaires » ou « gouvernance ». Ces mots n'ont rien d'innocent, leur habillage technocratique faisant directement écho tant aux réformes libérales engagées ces derniers mois et ces dernières années, qu'à l'ensemble des politiques européennes de retour à l'emploi inspirées des mesures du workfare.

Nous avons aujourd'hui tout lieu de craindre que votre « Grenelle de l'insertion » ne vise au fond qu'à organiser et parfaire la transition, déjà engagée, d'un modèle social fondé sur la solidarité et le droit de chacun à vivre dignement vers un modèle où la personne privée d'emploi sera livrée au régime de 1' « emploi contraint », dans le cadre duquel les aides ne seront plus considérées comme un droit mais comme une faveur éphémère.

Monsieur le haut-commissaire, nous ne vous faisons pas ici un procès d'intention.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Nous vous ferons en revanche un procès tout court, s'il y a lieu ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Nous vous faisons simplement part de nos craintes, en dressant le constat que le contexte politique n'est pas de nature à rendre crédible la réussite de votre entreprise. Un débat sur l'insertion doit en effet placer au coeur de ses réflexions le respect de la dignité de la personne. C'est l'accès à un emploi qualifié, correctement rémunéré et permettant de vivre dignement, de se loger et de se cultiver, qui constitue aujourd'hui l'enjeu majeur pour les personnes en situation de précarité.

Or ce n'est à l'évidence pas ainsi que le Gouvernement et la majorité envisagent les choses. Vous avez du reste évoqué à plusieurs reprises dans votre discours votre objectif d'employabilité, jamais la formation.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Si !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous vous pliez de ce fait au dogme de Mme Parisot.

L'éthique du travail et de la responsabilité dont le Gouvernement et la majorité se réclament se résume à l'affirmation selon laquelle « qui ne travaille pas ne mange pas », maxime…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Absolument pas !

…dont le bon sens le dispute à la barbarie et qui est d'autant plus indécente que nos parangons de vertu font par ailleurs pleuvoir les cadeaux fiscaux sur les ménages les plus riches.

Monsieur Hirsch, vous nous proposez aujourd'hui de réfléchir à des questions dont vous nous dites qu'elles sont structurantes pour la réforme en cours des minima sociaux et de la politique d'insertion professionnelle et d'accompagnement social. Mais ces mêmes questions n'ont-elles pas déjà été largement structurées et inspirées par les réformes conduites depuis juillet et n'est-ce pas là le signe que votre « Grenelle » est décidément bien mal engagé ?

Prenons le texte sur le service public de l'emploi que nous examinerons la semaine prochaine. Quel est l'objectif poursuivi par la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, sinon de créer une confusion des genres entre les activités de placement et d'indemnisation, une confusion dont nous savons, vous et moi, qu'elle aura notamment pour effet de permettre le renforcement des moyens de contrôle et de sanction des demandeurs d'emploi et de contraindre les personnes privées d'emploi, jugées « employables », à accepter n'importe quel petit boulot, sous peine de ne plus percevoir d'indemnité ?

Prenons également le texte de recodification du code du travail, que nous avons examiné en décembre. Il est évident que ce texte a été pour la majorité l'occasion d'opérer un véritable tour de passe-passe consistant à instrumentaliser le travail de recodification pour modifier en profondeur l'économie générale du code du travail.

Est-ce en effet le fruit du hasard si le code du travail remanié à la sauce UMP comporte désormais un titre relatif aux « droits et obligations du demandeur d'emploi » qui ne contient que ses obligations et aucun de ses droits ? Est-ce un hasard si le contrat d'apprentissage, qui figurait jusqu'alors au début du code du travail, dans la partie consacrée aux « conventions relatives au travail » avec le contrat de travail, les conventions collectives et le salaire, est désormais classé dans la partie « formation professionnelle », au détriment des droits des apprentis ? Devons-nous enfin avoir la cruauté de rappeler, monsieur le haut-commissaire, le sort réservé à votre revenu de solidarité active, porté sur les fonts baptismaux en juillet dernier et doté alors seulement de 25 millions d'euros – 30 millions dit-on aujourd'hui ? Doit-on en conclure que les plus démunis, dont Mme Lagarde n'hésitait pas à l'époque à fustiger le farniente, n'ont pour seul droit que de bénéficier de la charité souvent parcimonieuse de l'État en lieu et place de politiques publiques solidaires autrement ambitieuses et respectueuses de leurs droits et aspirations ?

Si je me suis permis de revenir sur ces quelques réformes, c'est pour souligner la limite de l'exercice qui consiste à conduire un « Grenelle de l'insertion » dans le contexte de la remise en cause des droits des salariés, d'une précarisation toujours accrue des conditions de travail et des conditions d'existence et d'une libéralisation à marche forcée du marché du travail.

Les politiques conduites par votre majorité ont pour effet, sinon pour objet, de valider et de normaliser la situation des travailleurs pauvres et de faire en sorte que les bénéficiaires de l'aide sociale en rejoignent demain le cortège toujours plus imposant. Nous n'acceptons ni n'accepterons de telles évolutions !

Les questions soulevées par le retour à l'emploi et les conditions de vie des personnes en situation de précarité représentent évidemment un enjeu majeur. Sur ces questions, il n'est pas envisageable que l'État n'exerce pas un rôle central, tant sur le plan de la mise en cohérence des politiques publiques que sur celui des moyens financiers permettant d'en garantir l'efficacité.

Au mois de décembre, le collectif Alerte, qui réunit trente-sept fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, a remis au Premier ministre des propositions visant à améliorer l'insertion dans l'emploi des salariés précaires. Fruit d'un an de travail, ce document a formulé des recommandations précises visant à ce que, demain, les personnes en situation de précarité puissent accéder à un emploi leur « permettant de vivre dignement ».

L'accent mis sur le respect du principe de conditions de vie dignes a permis de relever de manière tout à fait significative à la fois les enjeux relatifs à l'amélioration de la formation initiale, à l'accès à la formation professionnelle tout au long de la vie et à l'accompagnement professionnel des personnes en situation de précarité ainsi que la nécessité de ne pas réduire les contrats aidés.

Travailler à améliorer l'accès à la formation et l'exercice du droit de formation, faire de la lutte contre l'illettrisme une vraie priorité nationale, renforcer la proximité et la cohérence de l'action territoriale, assurer le financement des missions de l'ensemble des acteurs de l'insertion – PLI, missions locales, régies de quartiers, associations – : tout cela exige une volonté politique et des moyens nouveaux.

De la réponse à cette exigence, nous ne voyons pour le moment pas trace.

Vous avez déclaré, dans une surprenante interview commune avec la patronne du Medef publiée récemment dans le Figaro Madame – un titre certainement prisé des personnes sans travail –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Qu'est-ce que cela veut dire ? Les femmes aussi peuvent être sans travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…que vous aviez lancé le Grenelle de l'insertion pour briser les idées reçues. C'est là une ambition sans rapport ni avec la nature des phénomènes d'exclusion ni avec leur ampleur. Par ailleurs, contrairement à Mme Parisot, je ne pense pas que les difficultés des personnes en situation d'exclusion proviennent d'un manque de confiance en elles ! L'essentiel est ailleurs, et vous le savez fort bien. Les causes sont profondes et structurelles ; elles appellent des mesures volontaristes et une autre répartition des richesses. Voilà ce que l'on est en droit d'attendre du Grenelle de l'insertion.

Localement, les acteurs sociaux attendent aussi la levée de blocages juridiques qui entravent leurs actions. Prenons l'exemple des régies de quartiers, qui participent depuis maintenant vingt ans à la politique de la ville et contribuent de manière décisive à améliorer le cadre de vie des quartiers populaires. À Gennevilliers, la régie de quartier du Luth emploie vingt-cinq personnes, dont dix-sept salariés – pratiquement tous Gennevillois – en parcours d'insertion. La réussite de ce parcours s'appuie sur un suivi individualisé, des actions de formation, l'apprentissage d'un savoir-être et d'un savoir-faire, de cours d'alphabétisation si nécessaire… Bref, un travail en profondeur qui s'étale sur deux ans et qui peut être brutalement remis en cause par des problèmes de logement ou de santé. Si l'objectif est vraiment la lutte contre l'exclusion, tous ces éléments ne doivent pas être négligés. On est loin de la psychologie de comptoir de la patronne du Medef !

Or voilà maintenant trois ans que les régies de quartiers, via leur comité national de liaison, réclament de pouvoir faire partie du dispositif social et fiscal des activités de services à la personne mis en place par la loi de juillet 2005. Tous les acteurs sociaux, y compris l'UNCCAS, insistent dans ce sens. Il vous appartient de les satisfaire et de lever cet obstacle à leur action.

Trop nombreux sont sans doute, dans les rangs de la majorité et sur les bancs du Gouvernement, ceux qui, à l'instar de Mme Parisot, versent dans le psychologisme, dans le « vertuisme », de façon à masquer l'importance des responsabilités collectives et la nécessité d'une politique volontariste et efficace. Trop nombreux sont ceux pour qui la priorité est d'organiser le basculement d'un État « assurantiel » qui protège les gens du risque du chômage à un État qui les pousse à reprendre n'importe quel emploi, au mépris de leur dignité et au risque de faire prospérer l'emploi sous-qualifié. Pour le dire autrement, trop nombreux sont les partisans d'une approche idéologique et moralisatrice de l'exclusion.

Dans ce contexte, monsieur le haut-commissaire, si nous ne remettons pas en cause votre bonne foi, nous ne nous faisons guère d'illusion sur l'issue de votre entreprise ni sur votre perméabilité aux thèses de ceux qui veulent enterrer le modèle social français. Nous redoutons que ce Grenelle ne participe en fait du patient et dangereux travail de démolition des politiques sociales. Nous aurions sans doute accueilli avec plus d'enthousiasme une loi de programmation soutenue par une véritable relance de la lutte contre l'exclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Vous avez strictement respecté votre temps de parole. Je vous en félicite, et je veillerai à ce que vos collègues fassent de même.

La parole est à M. Laurent Hénart.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Quand on l'interrogeait, il y a près de cent quarante ans, sur le programme de Belleville et ses objectifs en matière d'éducation, de santé ou de droits des vieux travailleurs, Léon Gambetta – une référence qui s'impose pour un radical – se disait convaincu « que la forme emporte et résout le fond ». Compte tenu de mon temps de parole, je me concentrerai donc sur la forme : de quelle façon piloter la politique d'insertion qui résultera de ce Grenelle ?

Vous avez souligné, monsieur le haut-commissaire, la nécessité de faire confiance aux acteurs locaux et de laisser toute leur place aux initiatives locales, et vous avez d'ailleurs appliqué ce principe en expérimentant le RSA ou le contrat unique d'insertion. Pour appliquer de façon concrète les dix principes que vous avez évoqués, il est en effet indispensable que l'État délègue beaucoup de choses aux acteurs de terrain, organisés par bassins d'emploi.

Vous avez regretté la durée trop brève des emplois aidés. C'est une réalité. On sait combien il est difficile d'enchaîner les statuts, de passer d'une formation ou d'un métier à l'autre sans perdre en cours de route ses droits à la santé ou au logement, de privilégier la mobilité tout en assumant les charges familiales. Le Parlement peut certainement voter un texte sur la question, mais rien ne marchera jamais sans impulsion locale. Il faut que les acteurs locaux soient dégagés d'un carcan administratif trop sévère. Lorsque, avec Jean-Louis Borloo, nous avons lancé le plan de cohésion sociale, avec des enveloppes pour les jeunes sans qualification accompagnés par les missions locales, le premier réflexe des administrations d'État avait été de sortir un barème extrêmement précis d'une dizaine de pages, qui ne laissait aucune latitude dans l'appréciation du coût du transport, de l'alimentation, du logement ou de la garde d'enfant, que l'on soit en Île-de-France, à Nancy ou à Brive-la-Gaillarde ! Nous devons lutter contre de tels comportements, ce qui n'est possible qu'en déléguant largement.

Vous avez aussi évoqué le caractère incomplet des contrats aidés : ils ne permettent pas d'intégrer la formation, une phase de découverte ou l'enchaînement de qualifications. Le contrat unique d'insertion devra organiser des étapes et la succession des employeurs, prévoir des rappels à l'ordre si les formations ne débouchent pas, intégrer une gestion prévisionnelle de l'emploi et de compétences pour orienter les choix de formation et les perspectives professionnelles de l'allocataire. Et, pour tout cela aussi, le seul échelon pertinent et viable, c'est l'agglomération, c'est le bassin d'emploi, c'est le terrain.

Vous avez enfin rappelé que ce sont des personnes, des situations individuelles qui sont concernées. L'individu n'est-il pas au coeur de nos principes d'action ? Il est certes compliqué de calculer les droits à formation ou le temps de travail, mais les contraintes individuelles sont incontournables. Comment ignorer les problèmes de garde auxquels doit faire face une mère isolée avec trois enfants ? La question du transport pour une personne dépourvue de permis ? Celle du logement pour un jeune qui vient de quitter ses parents ? Les situations doivent être envisagées de manière globale, cohérente et intégrée. Il faut en effet tout faire bouger en même temps si nous voulons faire progresser les personnes concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Or le législateur peut manifester les meilleures intentions et la loi aligner les plus belles phrases : concrètement, l'insertion ne peut être réalisée que sur le terrain.

C'est pourquoi – et au risque de paraître attacher trop d'importance à la « tuyauterie » – l'organisation territoriale de cette politique est à mes yeux essentielle, tout autant que les modalités du contrat unique d'insertion, la souplesse des filières, la personnalisation des parcours ou la question de l'employabilité, sur laquelle vous avez eu des mots très justes. Si elle n'est définie qu'à Paris, la notion d'employabilité ne sera plus une chance qu'on donne, mais un couperet qui tombe. Ce n'est que sur le terrain que l'on peut rapprocher les capacités des besoins existants, et transformer l'employabilité en utilité économique et sociale.

C'est donc sur cette nécessité que je souhaitais attirer votre attention : faire confiance aux acteurs de terrain. Je sais que vous en êtes déjà convaincu, monsieur le haut-commissaire, mais le soutien des parlementaires, dont témoignera le Journal officiel, vous aidera à poursuivre dans ce sens. S'il est bien sûr indispensable de revoir les outils de l'insertion, il nous faut surtout réorganiser le pilotage de cette politique. Un tel objectif doit nous rassembler tous.

En 1988, lors de la création du RMI, il s'est trouvé des parlementaires de toutes les sensibilités pour soutenir cette belle idée. En 1998, il en a été de même pour la loi contre les exclusions. Même si le gouvernement a changé, votre initiative, qui est ouverte et ne néglige aucune des étapes de débat, de concertation et d'imagination, mérite d'être soutenue sur tous les bancs de l'Assemblée, par tous les républicains de bonne volonté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Déclaration du Gouvernement et débat sur cette déclaration

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La séance est reprise.

La parole est à M. Alain Joyandet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous sommes au coeur d'un sujet qui passionne toutes les personnes présentes aujourd'hui ; j'espère que d'autres, qui ne sont pas là, le sont tout autant.

Monsieur le haut-commissaire, je profiterai de ces quelques minutes qui me sont allouées pour faire part de mon expérience sur le terrain et insister sur quelques points.

Nous agissons déjà en matière d'insertion dans nos villes, dans nos collectivités, dans nos hôpitaux. À titre personnel, j'ai voulu jouer le jeu de l'insertion et tout particulièrement de l'insertion par le travail dans la ville que j'ai l'honneur d'administrer et dans l'hôpital actuellement en construction. Il n'y a pas de combat perdu d'avance, même s'agissant de personnes dont on pourrait penser qu'elles sont sur le bord de la route pour très longtemps. Lorsqu'on s'en occupe bien, nombre d'entre elles montrent la ferme volonté de se réinsérer et de reprendre le bon chemin. Je l'ai remarqué dans ma bonne ville de Vesoul où nous avons fait le pari de créer quarante contrats d'avenir – soit 10 % du nombre total des salariés de la collectivité. Nous avons offert, dans l'hôpital actuellement en construction, 70 000 heures d'insertion par le travail à des personnes dont on pensait qu'elles ne pourraient plus travailler. Cela a été un très grand succès. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs été engagées par les entreprises de travaux publics et ne rencontrent plus de difficulté. Donc, je le répète, le succès est au bout du chemin si on s'occupe convenablement de ces personnes.

Pourquoi réussit-on ou échoue-t-on ? Chaque fois que l'on s'est vraiment bien occupé de ces personnes en difficulté, qu'elles ont pu s'adresser à un référent – et non à quelqu'un de différent chaque jour – et que s'est donc instaurée une relation de confiance entre elles et leur « tuteur », cela s'est bien passé. Il en va de même lorsque les procédures mises en place sont simples, comme le prouve l'exemple des chantiers d'insertion. Mais dès que les systèmes sont compliqués, c'est l'échec. Je me suis ainsi heurté au conseil général de la Haute-Saône, lorsque j'ai voulu proroger les contrats d'avenir. Il m'a alors été répondu que c'était impossible parce que trop cher et qu'il était donc préférable que les gens entrent à nouveau sur le marché du travail parce qu'ils n'étaient alors plus pris en charge par le département ou par l'État, mais par les Assedic. En effet, la loi Borloo de 2005, dont j'étais le corapporteur au nom de la commission des finances, s'est avérée inapplicable de par son côté « usine à gaz », d'ailleurs dénoncé à l'époque.

Tel est donc le constat : il n'y a pas de combat perdu d'avance. Donnons-nous les moyens de la simplification, de la globalisation de l'action et surtout de la souplesse.

Puisque vous nous faites le plaisir de discuter d'un texte qui sera ultérieurement examiné – les uns et les autres nous devons saluer cette initiative –, je tiens à vous adresser ces quelques messages du terrain de l'expérience. Il est impératif que nous offrions aux bénéficiaires des différentes procédures l'attention d'un interlocuteur permanent. Dans les périodes les plus difficiles, notre « usine à gaz » ne doit pas être impersonnelle. La personne en difficulté doit pouvoir créer ce lien de confiance et de respect qui lui permettra de franchir les premières étapes, souvent les plus difficiles. Les fonctionnaires de nos différents services publics ne doivent plus prendre en charge autant de personnes. Cela ne se passe pas ainsi dans les autres pays. Ainsi, en France, chaque salarié du service public de l'emploi est parfois responsable de 100 ou 150 chômeurs, contre trente au Danemark ! Cela change tout dans le relationnel. De ce point de vue, le grand service public de l'emploi que nous appelons de nos voeux et que nous sommes en train de créer est une nécessité.

En outre, notre action doit être globale. Il n'y a pas, d'un côté, les chômeurs « normaux » et, de l'autre, ceux qui sont beaucoup plus éloignés dans l'emploi. Pour moi, c'est une seule et même problématique et il n'existe qu'une différence de degré dans la difficulté entre les chômeurs. Vous devez donc absolument fusionner les moyens et vous rapprocher des autres ministères. Je suis en effet persuadé, contrairement à ce que j'ai entendu ici ou là, que ce n'est pas en consacrant beaucoup plus d'argent que l'on obtiendra des résultats, mais en mutualisant et en utilisant avec beaucoup plus d'efficacité et d'attention les crédits disponibles.

Enfin, il est essentiel de simplifier cette usine à gaz qu'est la loi « Borloo », monsieur le haut-commissaire. L'État déconcentré doit jouer un grand rôle dans l'application des dispositifs d'insertion, y compris le RSA. Il doit être en relation directe avec ceux qui mettent en oeuvre ces politiques sur le terrain. Nous n'avons pas besoin d'intermédiaires. Je le dis à ceux qui ne sont pas forcément de cet avis : je ne suis pas persuadé que le conseil général, le département, soit le bon échelon pour appliquer toutes ces politiques. Une relation directe entre l'État, qui fournit les moyens, ses services déconcentrés, le futur grand service de l'emploi et nos collectivités, permettant de contractualiser directement, améliorait notablement l'efficacité du système.

Telles sont les quelques pistes que je souhaitais vous soumettre.

Je vous remercie à nouveau, monsieur le haut-commissaire, de nous avoir accordé ce temps de dialogue et de réflexion sur un sujet qui nous tient à coeur. Si nous nous réunissons tous, à droite comme à gauche, nous obtiendrons des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Permettez-moi, comme vous l'avez fait, monsieur le haut-commissaire, de dresser un constat brutal : notre pays est en mal d'insertion. Nous sommes tous d'accord ici pour reconnaître que ce mal ronge les chômeurs de longue durée comme les jeunes sortis du système sans formation.

Il est temps que notre politique d'insertion donne les moyens à chacun de trouver – ou de retrouver – sa place dans notre société en accédant à un emploi stable.

Je n'aborderai que deux pistes qui me tiennent particulièrement à coeur. Tout d'abord, l'insertion des adultes suppose une bonne reconversion professionnelle. Les mutations économiques laissent de nombreux salariés au chômage, l'actualité nous le démontre trop souvent. Il est indispensable pour ces personnes d'acquérir de nouvelles compétences afin de trouver un nouvel emploi, véritable parcours du combattant pour celles qui l'ont expérimenté. Vous avez vous-même employé cette expression. Elles doivent avant tout trouver la bonne formation qui permettra d'accéder à un emploi là où le besoin s'en fait sentir, mais la profusion des organismes de formation peut les plonger dans la confusion. Une fois la formation trouvée, elles doivent faire face à des délais d'attente beaucoup trop longs qui atteignent parfois dix-huit mois. Chacun sait que plus le temps passe, moins un chômeur a de chances de retrouver rapidement un emploi, plus le temps passe, plus son énergie et sa volonté s'érodent, et plus le temps passe, plus il sort du système. Il est par conséquent indispensable que la reconversion professionnelle ne s'apparente plus à ce long labyrinthe. La politique de reconversion professionnelle, ses méthodes, ses objectifs, et surtout son financement doivent être repensés. Il faut simplifier pour tendre à plus de clarté. Vous l'avez dit monsieur le haut-commissaire : c'est l'un des objectifs de ce Grenelle.

Quant à l'insertion des jeunes, elle dépend de leur employabilité. Beaucoup quittent l'école sans un bagage minimum, sans idée de ce que le monde du travail exige en termes de ponctualité, de rigueur, de responsabilité. Sans ce B.A.-BA, aucun employeur ne souhaite leur donner une chance. Certains entrent alors malheureusement dans l'engrenage de la marginalisation, des économies parallèles, des trafics ou de la délinquance. Il faut donc créer les conditions pour récupérer les jeunes sortis du système scolaire et des règles de vie en société, avant qu'il ne soit trop tard. Eh bien monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, j'ai une bonne nouvelle ! Ce dispositif existe déjà et a largement fait ses preuves ! Il a été créé en 1961 par Michel Debré pour répondre à un contexte d'urgence sociale dans les départements et territoires d'outre-mer. En raison de son succès, il est devenu un vecteur efficace d'insertion des jeunes dans les DOM-TOM. Mme Bello elle-même y a fait tout à l'heure allusion. Le SMA – service militaire adapté – a été transposé en métropole en 2005 par le dispositif « défense deuxième chance » – D2C – qui propose à la fois une formation comportementale, une remise à niveau scolaire et une formation professionnelle.

Rapporteure des missions d'information sur le SMA, puis sur le D2C, j'ai pu évaluer tous les nombreux avantages de ces deux dispositifs. J'ai été frappée par l'enthousiasme des jeunes, qui deviennent des acteurs à part entière de leur insertion sociale et professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Eux qui se plaignent de manquer de repères sont accompagnés dans leur démarche et bénéficient d'un soutien, certes exigeant mais solide. Le dispositif deuxième chance donne les outils aux jeunes pour une insertion réussie. Les premiers résultats démontrent qu'à l'issue de la formation, 70 % des jeunes sont parvenus à se réinsérer. Ce dispositif est malheureusement mis à mal faute de financement suffisant. Et pourtant, on peut en trouver ! Développons les partenariats avec les entreprises, celles-là mêmes qui embauchent ensuite ces jeunes. Elles sont prêtes à assurer les formations dont elles ont besoin. Pourquoi ne pas utiliser les contributions versées par ces entreprises au titre de la formation professionnelle ? Le D2C est un véritable gage de sérieux comme l'est le SMA outre-mer, qui, je le rappelle, a été la deuxième chance pour quelque 100 000 jeunes depuis plus de quarante-cinq ans. Le dispositif deuxième chance n'est certes pas « la » solution miracle à toutes les difficultés d'insertion, mais c'est assurément « une » solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Je vous remercie d'avoir vous aussi respecté le temps qui vous était imparti.

La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, l'exercice est difficile en cinq minutes, tant il y a à dire sur ce sujet !

Permettez-moi tout d'abord, monsieur le haut-commissaire, de vous féliciter de votre démarche. Vous avez choisi d'être à l'écoute des acteurs de terrain, et aujourd'hui des élus nationaux, avant de déterminer vos lignes d'action et les mesures que vous mettrez en place. Je vous remercie d'associer la représentation nationale à la recherche de solutions à ce formidable défi qu'est l'insertion sociale des personnes les plus démunies.

Nous savons tous que la bonne volonté ne suffit pas. Quoi que l'on en dise, les associations, les collectivités, l'État font un effort considérable pour permettre l'insertion sociale des personnes en difficulté. Mais force est de constater – et notre présence aujourd'hui en est la preuve – que cela ne marche pas très bien. Pire, la précarité touche désormais de nouveaux publics : les jeunes, les femmes – souvent avec enfants – et les personnes de plus de cinquante ans.

Elle touche des catégories de personnes qui ont un potentiel, mais qui sont ce que l'on peut appeler des accidentés, voire des traumatisés, de la vie, et les différentes formules existantes pour les aider à trouver ou retrouver un emploi ou un statut social en tiennent rarement compte. Il arrive même que les solutions proposées soient des handicaps supplémentaires.

Il faut du temps pour se remettre d'un accident, il faut même parfois éviter de remarcher trop vite pour ne pas rechuter. Il en va de même de l'insertion sociale, mais cet aspect est totalement gommé dans une société où tout va vite et où seules comptent la réussite et l'excellence, dans une société de plus en plus complexe aussi, ce qui contribue à éloigner encore un peu plus les personnes les plus fragiles.

Les tracasseries administratives, les critères d'éligibilité aux multiples contrats, ce parcours du combattant, ce cercle vicieux entre logement, emploi et transport sont une cause supplémentaire d'exclusion.

Tout a été dit sur la succession de contrats précaires, censés permettre le retour à l'emploi mais trop souvent détournés de cet objectif. Régulièrement, on en change l'habillage – il y a eu les emplois jeunes, il y a les contrats d'avenir –, mais l'issue est souvent la même à l'épuisement des renouvellements : le chômage ou le RMI, mais souvent sans le « I ».

Ce qui manque à tous ces dispositifs, c'est l'accompagnement social dans la durée.

Il y a deux ans, j'avais rédigé un rapport sur la polygamie en France. Les associations qui travaillaient à l'accompagnement des femmes dans le cadre de la décohabitation m'avaient expliqué qu'il fallait entre trois et cinq ans pour stabiliser une famille. Il faut avoir conscience de cet aspect du temps dans les politiques de reconstruction humaine.

Il faut aussi faire très attention, quel que soit le type de contrat, à ne pas tromper les gens. Je me souviens d'un jeune qui avait décroché un emploi-jeune dans un collège. Comme beaucoup d'autres, il n'avait pas eu de véritable accompagnement pendant toute la période de son contrat. À la fin, il était sorti sans rien : pas de qualification, pas de nouveau contrat, et une fragilité supplémentaire, la perte de confiance en lui et dans la société. Vous voyez, m'avait-il tout simplement dit, ils m'ont jeté, je ne vaux rien.

Quel que soit le type de contrat que vous mettrez en place, il faut qu'il soit simple pour tous les acteurs, employeurs, associations, bénéficiaires, et durable, voire définitif pour certains. Il faut un accompagnement adapté, de la souplesse, du sur mesure, et, surtout, des passerelles avec les dispositifs de formation et de qualification ordinaires pour ne pas ghettoïser les personnes qui suivent un parcours d'insertion.

Ce qui me paraît essentiel, c'est la prévention car, comme dit l'adage, mieux vaut prévenir que guérir. Là aussi, il faut faire preuve d'imagination.

Prévenir l'exclusion c'est, par exemple, aider une entreprise à adapter son personnel ou son outil de production plutôt que de recourir au licenciement, comprendre que ce genre d'investissement a des avantages collatéraux énormes en la matière.

C'est aussi développer des activités réputées non rentables mais qui offrent du travail à des personnes non qualifiables et qui leur assurent leur place dans la société. On a supprimé les poinçonneurs dans le métro, les pompistes, les concierges. Il faut réinventer des activités de proximité.

C'est enfin tout faire pour empêcher le décrochage scolaire, d'abord en aidant les parents dans leur rôle de parents. Le système éducatif a sa part de responsabilité dans l'échec scolaire, mais la démission des parents et de la société en général en est la première cause.

Il vaut mieux empêcher quelqu'un de se noyer que de devoir le ranimer. S'il est indispensable de travailler sur l'insertion, il me paraît primordial de travailler d'abord sur la prévention du décrochage social

Tous les gouvernements qui se sont succédé au cours des quinze dernières années ont essayé de mener des actions d'insertion sociale. On peut toujours penser que cela aurait été pire s'il n'y en avait pas eu, mais il faut bien reconnaître que la situation s'aggrave.

Ce qui a manqué le plus souvent, c'est la cohérence dans les actions, et je ne voudrais pas que le gouvernement actuel persiste dans cette dérive.

On entend parler d'un plan Marshall pour les banlieues, de lutte contre l'échec scolaire, du retour à une police garantissant la sécurité dans les zones urbaines sensibles, de la culture à la portée de tous, d'une politique du logement sans précédent.

Si ces politiques sont menées séparément, l'État et les collectivités vont encore dépenser des millions d'euros pour rien, mais, si elles sont menées en complémentarité, avec intelligence, et focalisées sur l'insertion sociale des personnes, dans le respect des valeurs de la République, à travers une activité économique ou sociale, en respectant la dignité des personnes, chacune de ces actions sera alors renforcée par l'autre et tous seront gagnants, à commencer par ceux de nos concitoyens les plus en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, notre politique d'insertion doit être fondée sur la dignité reconnue à chaque personne car chacun doit trouver sa place dans notre société.

L'un des éléments forts de cette dignité, avec la santé, le logement et l'éducation, est de pouvoir vivre des revenus de son travail, ce qui procure la liberté.

L'honneur de notre société est d'avoir adapté le marché du travail pour que le handicap, la maladie ou l'accident n'empêchent pas l'activité, l'État devant garantir sur l'ensemble du territoire un égal accès de tous aux dispositifs d'inclusion sociale.

Depuis trente ans, face à la montée du chômage, on a privilégié un traitement social de ce dernier, en considérant qu'il n'y aurait plus assez d'emplois pour tout le monde. La segmentation des prises en charge a conduit à créer des catégories de gens plus ou moins éloignées de l'emploi et, pour les personnes les plus éloignées, le renoncement s'est installé.

Aujourd'hui, monsieur le haut-commissaire, vous refusez ce renoncement et vous vous attelez à une réflexion franche et pragmatique afin de voir comment garantir la réussite du parcours d'insertion et comment, au-delà de la compassion, agir de manière responsable et digne.

Pour cela, il nous faut voir la réalité en face.

On nous dit que certains titulaires de minima sociaux seraient inemployables, mot détestable. Si c'est parce que ces personnes souffrent d'un handicap reconnu par la loi du 11 février 2005, elles doivent être reconnues comme telles. Sinon, elles sont employables, et la société doit les accompagner de la manière la plus individualisée possible pour leur permettre d'accéder à un emploi ou à une activité.

On dit encore que l'insertion de ces hommes et de ces femmes ne pourrait se faire que par des contrats aidés, dans des associations ou des services publics. Nous ne réussirons pas sans l'implication du monde de l'entreprise, qui doit aussi jouer un rôle de marchepied vers une insertion durable du plus grand nombre.

Cette ambition, c'est un acteur local, proche des réalités et des personnes ayant besoin d'un accompagnement dynamique, qui doit la porter. Aux communes ou aux intercommunalités qui le désirent ou, à défaut, aux départements de proposer un maillage territorial performant. Ils devront ensuite, dans un souci d'équité, rendre compte de l'efficacité de leur action à l'État.

Un tel rassemblement des acteurs du service public de l'emploi autour des collectivités locales a commencé à se faire avec les maisons de l'emploi. Pourquoi dès lors ne pas l'amplifier pour réussir ce défi d'une politique de solidarité active ?

Cette action volontariste doit déboucher sur une offre d'insertion qui prenne en compte les réalités rencontrées sur chacun des territoires, et il n'y a pas que l'insertion professionnelle. Il nous faut mener un travail transversal intégrant aussi bien le projet dynamique pour la ville porté par le Gouvernement que la rénovation des équipements commerciaux, l'amélioration de l'accueil en crèche ou encore le désenclavement de certains territoires, qu'ils soient ruraux ou urbains.

Certes, tout cela nécessite de gros moyens, nous en sommes tous conscients, mais l'installation durable dans la précarité, gâchis humain, a aussi un coût.

Dans les entreprises, par exemple, pourquoi ne pas réduire les charges sociales sur les heures consacrées par un tuteur à l'encadrement d'une personne en voie d'insertion ou concentrer davantage sur ces personnes les crédits de formation ?

Il faut également fixer des rendez-vous réguliers d'évaluation. Nous sommes plusieurs à l'avoir dit, sans évaluation, on ne peut pas rendre compte, et, si l'on ne rend pas compte, on ne peut pas mener de politiques lisibles.

Réussir le parcours d'insertion, c'est aider jusqu'au bout ceux qui ont besoin d'un tremplin pour rejoindre le marché classique du travail et suivre, grâce à un interlocuteur unique dans la durée, ceux qui ont besoin d'un accompagnement long.

Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie pour ce débat, en regrettant que nous n'ayons pas été plus nombreux à y participer. Vous êtes sur la bonne voie et nous vous suivrons jusqu'au bout. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Mesdames, messieurs les députés, chacune de vos interventions contient des éléments qui nous seront utiles au cours de ce processus de quelques mois.

Il y a tout de même des choses surprenantes. Ce matin, au Sénat, des parlementaires de gauche ont conclu que je tenais un discours de gauche et, cet après-midi, alors que j'ai dit à peu près la même chose – j'essaie d'être cohérent, je n'ai pas changé de l'année dernière à cette année ni de ce matin à cet après-midi –, on prétend que je tiens un discours ultra-libéral. Cela montre qu'on doit pouvoir arriver à un équilibre entre le social et l'activité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Attention, a dit M. Sirugue, le revenu de solidarité active est porteur d'un certain nombre de risques. Nous le savons. C'est un compromis entre différents acteurs pour pouvoir avancer. Dès le départ, ceux qui l'ont conçu ont expliqué qu'il devrait être mis en oeuvre dans le cadre d'une négociation sociale. Cette négociation est en train d'être lancée. Pour la première fois, les partenaires sociaux au plus haut niveau se penchent sur les questions de précarité et de RMI. On n'avait jamais parlé du RMI dans une négociation sociale avec la présidente du MEDEF jusqu'au mois de décembre dernier. C'est bien pour qu'il y ait un certain nombre de garanties.

M. Sirugue nous reproche ensuite d'aller trop vite. Si l'on ne veut pas laisser subsister des inégalités entre travailleurs pauvres et allocataires de minima sociaux, il faut franchir les étapes suivantes le plus rapidement possible, tout en donnant aux départements la possibilité d'adapter leurs propres dispositifs. Il ne s'agit pas de mettre un carcan sans tirer les leçons d'un processus évolutif expérimental mais bien au contraire de continuer à accroître les marges de manoeuvre des uns et des autres.

Mme Bello voudrait qu'on maintienne le RMI et le RSA. Je ne crois pas qu'on puisse aller ainsi vers la simplification. Je serai à la Réunion dans quinze jours, où est organisé un Grenelle local de l'insertion. J'espère la convaincre qu'on peut remplacer le RMI par le RSA, même s'il y a de nombreux allocataires du RMI.

M. Vercamer, au nom de son groupe, a fait de nombreuses propositions sur ce que pourrait être le contrat unique d'insertion. Il nous a donné une esquisse qui sera certainement très précieuse pour l'évolution de la réforme des contrats aidés. Pierre Cardo, lui, a su insister sur le lien, qu'il connaît bien, entre les entreprises d'insertion et les entreprises du secteur classique. Ce sera certainement utile au groupe qui travaille sur les obligations des employeurs.

Le président Méhaignerie a rappelé que les dépenses sociales, et pas simplement les 30 millions d'euros prévus pour l'expérimentation du RSA, représentaient un certain nombre de milliards, et qu'il était possible de les réorienter de façon plus efficace vers l'insertion. Nous en sommes convaincus. Il faut pour cela avoir une démarche d'objectifs. C'est ce que nous ferons dans un cadre contractuel avec l'agglomération de Vitré, qui veut essayer de réduire d'un tiers la pauvreté en deux ou trois ans, au lieu des cinq ans prévus par l'État, pour donner l'exemple aux autres.

M. Cuvillier s'est demandé s'il y avait une cohérence dans notre démarche. Quand on travaille sur l'insertion, se posent évidemment des questions de logement ou de santé, mais qui trop embrasse mal étreint. Si nous faisons un Grenelle de l'insertion, ce n'est pas par plaisir, c'est parce que les acteurs de l'insertion l'ont demandé. Nous nous sommes alors demandé si l'on allait tout traiter à la fois ou prendre un ensemble cohérent autour de l'insertion professionnelle et de l'accompagnement social. De deux choses l'une, leur ai-je dit. Si, au bout de six mois de Grenelle, vous trouvez que ça ne sert à rien, ce ne sera pas la peine d'aller plus loin. Si vous trouvez que, sur ces sujets, on a pu faire avancer les choses, on pourra peut-être continuer sur d'autres thèmes, sachant qu'ils avancent parallèlement, comme vous le savez.

Noël Mamère nous a demandé où était le lien entre le Grenelle de l'environnement et le Grenelle de l'insertion. C'est simple. À eux deux, ils font le Grenelle du développement durable, dont on dit toujours que c'est l'environnement et l'insertion. Ce n'est pas une figure de style puisque nous avions déjà instillé un certain nombre de thèmes dans le Grenelle de l'environnement et que nous travaillons avec leurs instigateurs à faire le lien. Vous savez très bien que les emplois d'insertion sont très souvent créés dans le secteur de l'environnement et qu'il y a là des choses à faire.

Monsieur Soisson, vous avez rappelé les enjeux de la formation professionnelle, que vous connaissez fort bien. Vous avez été nombreux à souligner qu'on devrait consacrer une grande partie des 26 ou 27 milliards d'euros consacrés à la formation professionnelle aux personnes qui en ont besoin.

Roland Muzeau a repris l'antienne que j'entends depuis quelques mois – il faudrait être sourd pour ne pas l'entendre ! – opposant les quelques dizaines de millions d'euros consacrés au RSA aux milliards qui auraient été dépensés ailleurs. On ne peut pas affirmer cela et dire dans le même temps qu'il faut avancer lentement en la matière. Je répondrai très simplement que ces dizaines de millions d'euros permettront de lancer le dispositif. S'il fonctionne, on trouvera les sommes nécessaires pour généraliser le RSA parce tout le monde sera convaincu qu'il s'agit d'un investissement rentable. En effet, il aura permis à un plus grand nombre de personnes de retrouver un emploi, ce qui diminuera les dépenses sociales des sommes aujourd'hui versées comme revenu de substitution à des personnes qui pourraient pourtant travailler. Nous verrons si la suite nous donne raison.

Laurent Hénart, vous nous avez dit qu'au-delà du contenu de telle ou telle mesure, c'est la manière dont la gouvernance de la politique d'insertion sera organisée qui est essentielle : on ne peut pas réduire les collectivités territoriales au rôle de simples exécutantes, comme s'il s'agissait de services extérieurs de l'État auxquels on sous-traiterait cette politique. Vous qui coprésidez, avec Christophe Sirugue, le groupe de travail consacré au thème de la gouvernance de la politique publique d'insertion, vous avez dans ce domaine une responsabilité toute particulière. Le débat a mis en évidence la nécessité de modifier les équilibres existant entre les différentes collectivités en matière d'insertion. Il arrivera un moment où les agglomérations manifesteront la volonté de devenir l'épicentre du système, les départements le barycentre, et les régions le centre, et où l'État prétendra consentir à leur déléguer ces missions tout en les gardant en réalité dans son périmètre. Ce sera donc une responsabilité très lourde que de faire émerger la nouvelle gouvernance des politiques d'insertion qui nous permettra de sortir du saucissonnage et de l'émiettement qui font perdre toute crédibilité à cette politique.

Alain Joyandet a eu raison de nous rappeler que les préoccupations de terrain devaient présider à l'instauration des nouveaux dispositifs, de même qu'il a eu raison de nous rappeler qu'on pouvait faire jouer des clauses d'insertion à l'hôpital et dans les administrations.

Vous avez souligné, madame Branget, l'importance du dispositif deuxième chance. L'établissement public chargé de ce dispositif participant au Grenelle, il pourra nous faire bénéficier de son expérience et nous aider à comprendre pourquoi on ne parvient pas à passer à la vitesse supérieure.

Madame Hostalier, vous avez bien fait d'insister sur l'importance de la prévention. Entre autres points, Valérie Rosso-Debord, vous avez évoqué la notion d'employabilité et souligné l'importance de l'évaluation dans la mise en place de politiques efficaces et globales.

Au-delà des nombreux messages que vous nous avez fait passer et que nous décrypterons, la tonalité générale qui se dégage de l'ensemble de vos interventions montre qu'il s'agit de gérer la contradiction entre la nécessité pour les politiques d'insertion d'évoluer, en dépit de certains conservatismes paradoxaux, et une demande de stabilité : si les règles changent tous les ans, cela ne fonctionnera pas.

C'est pourquoi nous proposons de construire, dans le cadre du Grenelle, un changement d'une autre nature. Il ne s'agira plus de substituer à un dispositif A un dispositif B, comportant un autre contrat, sous un autre sigle, nécessitant un autre formulaire CERFA – centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs – et une nouvelle formation, mais de donner les moyens de construire, à partir des dispositifs existants, des outils sur mesure, adaptés aux besoins locaux. C'est en cela que les changements sont légitimes.

Ainsi, ce n'est pas pour faire de la nouveauté à tout prix que nous nous efforçons de bâtir le contrat unique d'insertion, mais parce que les acteurs du terrain, dans les entreprises d'insertion, les syndicats et parmi les employeurs nous disent dit qu'ils en ont besoin.

Si vous aviez eu besoin de nous convaincre que le chemin était difficile, vous auriez réussi, mais nous en étions convaincus d'avance ; si vous aviez eu besoin de nous convaincre de l'étendue de votre implication, de votre vigilance et de votre esprit constructif dans ce débat, notamment de ceux qui, parmi vous, participent très activement à nos groupes de travail, j'en serais plus convaincu que jamais. J'espère que nous serons à la hauteur de vos attentes, et je vous remercie d'avoir donné de votre temps à ce sujet qui nous est cher. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière (nos 522, 564).

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.

Debut de section - PermalienRama Yade, secrétaire d'état chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la Guyane française est un territoire d'outre-mer qui présente des singularités que nous ne pouvons ignorer, et qui nous amènent à la présentation de cet accord aujourd'hui.

Tout d'abord, ouverte sur 450 kilomètres sur le front atlantique, la Guyane possède 1 250 kilomètres de frontières, dont 520 avec le Suriname. Les échanges frontaliers sont donc nombreux avec ce pays.

Par ailleurs, bénéficiant du niveau de vie le plus élevé du continent, la Guyane exerce un pouvoir d'attraction important pour les populations du continent sud-américain.

Enfin, composée de nombreux fleuves, forêts et côtes, le territoire de la Guyane est particulièrement perméable et propice à une immigration clandestine d'envergure ainsi qu'aux trafics les plus divers – orpaillage illégal, trafics d'espèces protégées, transferts de valeurs, trafics d'armes et de stupéfiants, prostitution.

Dans ces conditions, une délinquance importante s'est développée en Guyane mettant en cause notamment, mais non exclusivement, des ressortissants du Suriname. Ce pays est en effet une plaque tournante pour des flux migratoires, essentiellement en provenance du Guyana, d'Haïti, de République dominicaine, du Brésil et de Chine, avec pour destination finale les États-Unis, l'Europe et la Guyane.

La mise en oeuvre d'une coopération régionale transfrontalière dans les collectivités d'outre-mer est donc plus que nécessaire. C'est précisément ce que prévoit l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.

L'inscription en 1999 du Suriname dans notre zone de solidarité prioritaire avait déjà permis de développer une coopération dans le domaine de la sécurité intérieure. L'ouverture d'une délégation du service de coopération technique internationale policière en octobre 2006 a encore renforcé notre dispositif. Mais, pour répondre aux besoins exprimés par les autorités du Suriname comme dans notre propre intérêt, il était nécessaire de recentrer nos efforts sur les problématiques transfrontalières. C'est tout le sens de l'accord franco-surinamien relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni, le 29 juin 2006.

Cet accord organise la coopération policière transfrontalière sous forme de patrouilles conjointes, de détachements d'agents de liaison et de mise en oeuvre d'une coopération directe. En revanche, et dans la mesure où le Suriname ne dispose pas d'une législation suffisamment protectrice s'agissant des données personnelles, il ne prévoit pas de modalités d'échanges d'informations nominatives.

Le domaine d'application du présent accord comprend le fleuve Maroni ainsi qu'une bande de deux kilomètres sur chaque rive du fleuve. Son objectif est de développer une coopération policière visant à prévenir les faits punissables et à faciliter la lutte contre la criminalité et la délinquance transfrontalière, notamment la coordination de mesures conjointes de surveillance sur la zone frontalière et sur le fleuve. Il vise également la préparation et l'exécution d'opérations de remise d'étrangers en situation irrégulière prévues par l'accord franco-surinamien de réadmission de personnes en situation irrégulière signé à Paris le 30 novembre 2004.

Ces objectifs seront mis en oeuvre par des patrouilles conjointes, des détachements d'agents et une coopération directe des chefs d'unités concernés. Cette coopération directe visera l'échange de données statistiques et de données non personnelles, ainsi que l'élaboration de modes communs d'interventions opérationnelles complétés par des échanges de savoir-faire.

La mise en oeuvre de cet accord conférera une base juridique indispensable au renforcement d'une coopération transfrontalière essentielle à la sécurité intérieure de la Guyane.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La parole est à M. Jean-Jacques Guillet, suppléant M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Guillet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser notre collègue Jean-Marc Roubaud, rapporteur du présent projet de loi, que des raisons urgentes ont malheureusement retenu dans sa circonscription.

Le 19 décembre dernier, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre la France et le Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni, le 29 juin 2006. C'est un texte important pour notre département ultramarin, étant donné les problèmes que vous venez de rappeler, madame la secrétaire d'État, notamment l'importance des flux migratoires entre ce pays et notre département de Guyane, dus en grande partie à la situation politique au Suriname.

Situé tout au nord du Brésil, le Suriname, État indépendant depuis 1975 après avoir été une colonie néerlandaise, est limité à l'ouest par le Guyana, ex-colonie britannique, à l'est par la Guyane française et au nord par l'océan Atlantique. Il partage avec la Guyane une frontière terrestre de 520 kilomètres, le long du fleuve Maroni.

Si la coopération entre la France et le Suriname comporte différents volets, parmi lesquels des actions importantes dans le domaine de la santé, la sécurité, au sens large du terme, reste la pierre angulaire de nos relations. Il est indispensable de mieux maîtriser les mouvements migratoires et les flux de marchandises diverses, licites ou non, qui traversent cette frontière. De part et d'autre du Maroni vit en effet une même population, qui s'est toujours refusé à voir dans le fleuve autre chose qu'une voie de circulation, tandis que la faiblesse de l'État surinamais et de ses institutions ne lui permet pas d'en assurer le plein contrôle. Je vous rappelle que la Guyane compte environ 200 000 habitants et le Surinam, État particulièrement pauvre, 500 000.

La France et le Suriname ont signé un accord de réadmission le 30 novembre 2004 à Paris, que la France a ratifié en décembre 2005, mais que les autorités surinamaises, notamment un parti de la coalition au pouvoir, se refusent à approuver pour des raisons de politique intérieure. L'absence d'application de cet accord n'a toutefois pas empêché 3 599 éloignements de ressortissants surinamais en situation irrégulière en Guyane en 2006 et 2 457 de janvier à juin 2007.

Alors que le volet institutionnel de la coopération bilatérale en matière de sécurité contribue à la modernisation de l'administration de la justice, des services chargés de la prévention et de la lutte contre la criminalité et les fraudes, dans le respect des libertés publiques, l'accord de coopération transfrontalière en matière de police vise à renforcer le volet opérationnel de la coopération bilatérale dans ce domaine.

Cet accord a un champ d'application limité : en application de son article 1er, ses stipulations concernent exclusivement les forces de police et, pour la France, de gendarmerie, compétentes dans l'arrondissement de Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane française, et dans les districts de Marowijne et Sipaliwini, au Suriname, c'est-à-dire les circonscriptions administratives situées le long du fleuve, la première le long de la côte et la seconde dans la jungle. Elles ne sont en outre applicables que dans la zone frontalière, composée du fleuve Maroni lui-même et d'une bande de deux kilomètres de largeur de part et d'autre des rives de celui-ci.

L'article 2 précise le but de cette coopération transfrontalière, qui vise à « prévenir les faits punissables et faciliter la lutte contre la criminalité et la délinquance transfrontalières ».

Trois formes de coopération sont distinguées : les patrouilles conjointes, le détachement d'agents et la coopération directe. Dans tous les cas, ne sont autorisés à procéder aux actes de police que les agents de l'État sur le territoire duquel ils se trouvent, tandis que ceux de l'autre État remplissent exclusivement le rôle d'observateurs ou des fonctions de coordination.

La coopération directe peut consister en échanges d'informations statistiques, mais pas de données nominatives, car le Suriname ne possède pas de législation de protection des données personnelles.

L'accord met aussi l'accent sur la nécessité, pour les services concernés, de favoriser une formation linguistique appropriée au bénéfice des agents susceptibles de participer à des opérations transfrontalières. Ce point est essentiel car la barrière majeure à toute coopération directe entre les services de police français et surinamais reste la langue. Si des agents de la police militaire et de la police judiciaire du Suriname suivent des cours à l'Alliance française de Paramaribo et que la plupart d'entre eux sont capables de travailler en anglais, tel n'est que rarement le cas des agents français. Il serait dans notre intérêt de renforcer les formations linguistiques à destination de nos fonctionnaires de police et des douanes en poste en Guyane.

Cette coopération se déroulera dans le respect de la souveraineté des États, l'article 2 de l'accord soulignant que la coopération s'exerce sans préjudice des conventions internationales liant les États parties et de leur droit interne, et son article 9 permettant à un État de refuser sa coopération ou de la soumettre à certaines conditions lorsqu'il estime qu'elle pourrait nuire « à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public, aux règles d'organisation ou de fonctionnement de l'autorité judiciaire ou à d'autres intérêts essentiels de l'État ou de restreindre son droit national ».

Étant donné l'ampleur des mouvements migratoires illégaux entre la Guyane et le Suriname, le renforcement de la coopération policière et la mise en oeuvre de l'accord de réadmission sont absolument nécessaires pour l'équilibre même de notre département de Guyane. La France a ratifié le second, elle pourra approuver l'accord de coopération transfrontalière dès que le présent projet de loi aura été adopté par notre assemblée.

Mais la partie surinamaise, il faut le souligner, ne semble pas prête à faire de même. Je souhaite que la prochaine visite du Président de la République en Guyane soit l'occasion d'insister sur l'importance de ces deux accords et d'obtenir que ce blocage soit surmonté.

La commission des affaires étrangères a adopté le présent projet de loi et je ne peux que recommander à notre assemblée de faire de même.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Mariani.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Madame la secrétaire d'État, monsieur le président, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur de ce texte, pour son travail et sa contribution, rapporteur excellemment représenté par M. Jean-Jacques Guillet.

Le 19 décembre dernier, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre la France et le Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni, le 26 juin 2006. Cet accord vise à renforcer les moyens mis au service de la lutte contre la délinquance transfrontalière dans une zone ou la France et le Suriname partagent, vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, plus de 500 kilomètres de frontières le long du fleuve Maroni.

C'est à nous, députés, de voter aujourd'hui ce texte. En tant qu'orateur du groupe UMP, je me félicite de la venue à l'ordre du jour de ce projet de loi, qui va permettre de limiter l'économie transfrontalière clandestine et le pillage des ressources, tout en favorisant les échanges commerciaux entre la France et le Suriname. Permettez-moi un bref retour sur l'histoire, après lequel j'exposerai les raisons fortes qui doivent nous amener à voter pour la ratification de cet accord.

Ancienne colonie des Pays-Bas, le Suriname a gardé des liens denses avec ce pays, mais n'a longtemps pas eu de relations nourries avec la France, avec qui pourtant il partage 520 kilomètres de frontières. Les relations bilatérales entre les deux pays ont longtemps été limitées, gelées notamment par la guerre civile dans l'est du Suriname en 1986.

L'intensification des relations entre nos deux pays s'est faite progressivement depuis le début des années 1990. Si la coopération bilatérale entre la France et le Suriname s'est intensifiée dans plusieurs domaines, elle n'en reste pas moins insuffisante quant à la question des problèmes frontaliers.

En effet, si le Suriname est engagé dans un processus démocratique, la différence de situation économique et sociale entre ce pays et la France explique que la population surinamaise soit logiquement tentée par l'immigration clandestine en Guyane. On estime ainsi à 40 000 le nombre d'étrangers en situation irrégulière sur le sol guyanais.

De plus, la faiblesse de l'État surinamais et de ses institutions, ne lui permet pas d'assurer le plein contrôle de la population immigrée, au niveau tant des mouvements transfrontaliers que des activités économiques.

Notons enfin que la géographie de la Guyane, marquée par de longues frontières fluviales difficilement contrôlables et la richesse de son sous-sol, expose ce département à des formes particulières de criminalité transfrontalière, comme l'orpaillage clandestin. Quinze mille clandestins s'adonneraient ainsi à l'orpaillage à l'intérieur du département et 25 000 seraient présents sur le littoral. La valeur de ce trafic est estimée entre 100 millions et 200 millions d'euros par an. Cette activité clandestine alimente insécurité, pollution et risques sanitaires. Ce département d'outre-mer connaît déjà des difficultés sociales et économiques importantes : nous ne pouvons pas laisser ces difficultés s'amplifier du fait d'une activité illégale et clandestine de surcroît. Si les moyens juridiques de la coopération policière aux frontières ont été renforcés par la signature, le 25 octobre 2000, d'un accord visant à la répression des infractions douanières, il restait encore beaucoup à faire.

Lors du conseil des ministres du mercredi 31 janvier 2007, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a présenté un bilan de la politique de lutte contre l'immigration irrégulière outre-mer. En effet, depuis 2002, une action résolue a été menée pour lutter contre ce phénomène, avec des résultats encourageants. Ainsi, en 2006, près de 24 000 étrangers en situation irrégulière ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement depuis l'outre-mer. Ces résultats sont le fruit d'une politique engagée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, dans trois directions.

D'abord, le renforcement des moyens, avec une augmentation de près de 45 % des effectifs de police en Guyane, 30 % en Guadeloupe. L'implantation de vedettes supplémentaires à Mayotte et l'installation de radars de surveillance maritime ont montré leur efficacité. Enfin, le renforcement des moyens de la gendarmerie nationale et la participation accrue des forces armées, en particulier en Guyane et à Mayotte, ont également contribué aux bons résultats obtenus en 2006.

Ensuite, l'adaptation du droit : le titre VI de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a prévu dans certaines collectivités d'outre-mer des mesures spécifiques de nature à renforcer l'efficacité des services de police et de gendarmerie et à dissuader ainsi l'immigration irrégulière. Ces dispositions amplifient les résultats obtenus grâce à l'application des lois du 26 novembre 2003 et du 10 décembre 2003 sur l'immigration, à la mobilisation des services et au renforcement des moyens opérationnels.

Enfin, l'action internationale : en vue d'obtenir la coopération des principaux pays d'origine des migrants, une action diplomatique s'est concrétisée par la signature d'un accord de réadmission avec la Dominique notamment.

Aujourd'hui, après ces actions qui ont porté leurs fruits en matière de lutte contre l'immigration outre-mer, l'objectif affirmé tant par notre pays que par le Suriname est de compléter ce dispositif : limiter l'économie transfrontalière clandestine tout en favorisant les échanges commerciaux.

Venons-en au texte lui-même. La France est déjà liée à plus de 20 États par des accords de coopération en matière d'affaires intérieures ou de sécurité intérieure. L'accord concerné par le présent projet de loi a un champ plus limité que ces accords puisqu'il est strictement réservé à la coopération policière. Trois formes de coopération sont ainsi à distinguer : les patrouilles conjointes, le détachement d'agents et la coopération directe.

Il convient de souligner que la souveraineté nationale de chaque État est préservée. L'article 2 de l'accord stipule en effet que la coopération s'exerce « dans le respect de la souveraineté respective et du rôle des autorités administratives et judiciaires territorialement compétences », et par ailleurs « sans préjudice [...] du droit interne des États parties ». L'article 9, quant à lui, comprend une clause de refus, qui permettra à la France ou au Suriname de refuser sa coopération si celle-ci est susceptible de « nuire à sa souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public, aux règles d'organisation ou de fonctionnement de l'autorité judiciaire ou à d'autres intérêts essentiels de l'État ou de restreindre son droit national ».

Soulignons aussi que si l'article 3 permet à un agent étranger de participer sur le sol français à une patrouille conjointe, il n'y participera qu'en tant qu'« observateur ». Ces agents ne seront donc pas autorisés à effectuer des actes de police qui impliqueraient l'usage de la contrainte et pourraient conduire à une privation de liberté.

Enfin, le présent projet de loi définit que le régime de responsabilité des agents participant à la coopération transfrontalière est celui du territoire sur lequel l'opération se déroule, sauf si le régime de la partie d'origine offre plus de garanties. Cette exception profitera donc aux agents français détachés au Suriname.

En conclusion, cet accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname offre ainsi un cadre juridique aux besoins quotidiens de coopération très concrète entre les forces de sécurité de part et d'autre du fleuve Maroni. Il s'inscrit dans un contexte de renforcement des moyens de lutte contre une criminalité transfrontalière spécifique.

C'est pourquoi, chers collègues, je vous invite, au nom de l'UMP, à adopter le présent projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Berthelot

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l'indique son intitulé, cet accord franco-surinamien de coopération transfrontalière en matière policière se donne un objectif limité. Il s'agit, grâce à des patrouilles conjointes des forces de sécurité des deux États dans la zone frontalière comprenant le fleuve Maroni et une bande de deux kilomètres sur chaque rive du fleuve, de lutter contre la criminalité et la délinquance.

Un cadre juridique est ainsi fourni aux besoins quotidiens de coopération concrète entre les services concernés. J'en prends acte. Cependant, l'efficacité de cet accord, face à l'importance du phénomène des trafics en tous genres et du banditisme, dépendra beaucoup de la volonté politique et des moyens nécessaires qui seront réellement mis en oeuvre. Il a été rappelé en effet que nous avons la charge d'une frontière naturelle de 520 kilomètres le long du fleuve Maroni, où la drogue, les armes et la contrebande, entre autres, circulent en toute impunité.

C'est également le cas pour les orpailleurs illégaux, qui empruntent le fleuve Maroni comme voie de passage obligatoire après s'être ravitaillés dans la ville d'Albina, située en face de Saint-Laurent-du-Maroni. Madame la secrétaire d'État, j'aurais souhaité que la lutte contre l'orpaillage illégal figure spécifiquement dans les objectifs de cet accord, au même titre que la lutte contre la criminalité et la délinquance.

Il s'agit en effet d'un fléau qui doit absolument être éradiqué. Il a provoqué une catastrophe humaine – cause à laquelle, en tant que secrétaire d'État aux affaires étrangères et aux droits des hommes, vous êtes sensible – et écologique liée à l'utilisation du mercure sur les sites d'orpaillage. C'est une source d'insécurité, de pollution et de problèmes sanitaires graves pour les populations, notamment du Haut Maroni. Le Président doit, semble-t-il, se rendre en Guyane au mois de février. Il aurait été souhaitable qu'il vienne, comme je l'ai fait la semaine dernière dans cette circonscription dont je suis l'élue, visiter les villageois des villages d'Elahé et Caoydé, constamment aux prises avec les orpailleurs clandestins, qui, ces dernières semaines, en sont venus à faire usage des armes.

Effet pervers de l'absence de la République dans cette zone, les villageois ont imposé un droit de passage aux orpailleurs pour se construire un centre de santé dont leur village est dépourvu. Les femmes enceintes et les enfants doivent consulter le médecin, au su de tous, dans un simple carbet. Vous êtes, en tant que secrétaire d'État aux affaires étrangères et aux droits des hommes, l'interlocuteur concerné. J'ai déjà alerté la ministre de l'intérieur sur la gravité de la situation et l'étendue du problème des zones de non-droit existant en Guyane. Cette défaillance de l'État, qui n'assume pas son rôle premier de protection des biens et des personnes, n'est pas une fatalité ; la preuve en est le déploiement des moyens efficaces pour assurer la sécurité du centre spatial européen de Kourou. Or l'accord franco-surinamien ne répond pas à cette exigence d'éradiquer l'orpaillage illégal. Il est grandement temps de le faire, de passer aux actes ! Il y a eu trop de déclarations non suivies d'effet sur cette question essentielle dont dépendent la cohésion et la survie de la Guyane.

Par ailleurs, les mêmes groupes ethniques, implantés historiquement de part et d'autre de la frontière, traversent en permanence le fleuve Maroni. Ces flux de personnes peuvent d'autant moins être contrôlés que le problème de l'état-civil sur le Maroni n'est pas encore réglé. La solution n'est pas de les traiter en clandestins et de « faire du chiffre » en matière de reconduites à la frontière. C'est d'autant plus inopérant que 60 % des reconduits sont déjà connus des forces de police et il n'est pas rare qu'une même personne soit reconduite huit fois en un an. Il serait plus réaliste et plus pragmatique – puisque telle est la marque du Gouvernement – de réfléchir à l'établissement d'un statut frontalier pour ces populations, à l'instar de ce qui se fait en France continentale.

Face à ces enjeux, si une réponse sécuritaire adéquate demeure indispensable, elle restera toujours insuffisante si elle n'est pas accompagnée d'une approche globale prenant en compte les données géopolitiques de l'environnement régional guyanais.

Il est vrai, monsieur Mariani, que la Guyane française bénéficie d'une relative prospérité comparée à ses voisins, même si, à bien des égards, elle reste sous-développée et souffre de difficultés socio-économiques chroniques. On ne pourra mettre définitivement fin aux divers fléaux sans une action multiforme en amont en direction de nos voisins, le Surinam et les États du Nord du Brésil. Cela implique la mise en place d'une véritable politique de coopération avec eux dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la formation, de l'économie.

Bref, madame la secrétaire d'État, j'envisage cet accord de coopération policière comme un tout petit pas vers une politique de coopération d'envergure, et autrement ambitieuse.

Pour terminer, je voudrais évoquer le problème du litige frontalier franco-surinamien. J'ai interrogé le ministre des affaires étrangères par courrier et par question écrite à ce sujet, sans aucune réponse de sa part. Je profite de ce débat pour vous interpeller parce que le litige concerne une zone située dans le sud-ouest de la Guyane, le long du fleuve Litani. Il dure depuis plusieurs décennies ; les pourparlers avec le Suriname ont été interrompus en 1981 et, récemment, plusieurs incidents dans la zone contestée ont ravivé la question. Le président surinamien a alors proposé la reprise des discussions pour le règlement définitif de ce litige. Qu'attend le Gouvernement pour donner une suite favorable à sa demande ? De même que l'accord de réadmission de 2004 n'a pas été ratifié par le Suriname, je me demande si celui que nous allons approuver aujourd'hui le sera. En effet, vous savez qu'il y a un an cet accord signé en juin 2006 est passé au parlement surinamien, et qu'il a été rejeté à l'unanimité ! La coopération avec ce pays doit se faire de manière très globale, et non en pensant que c'est un pays sous-développé, en marge de la démocratie. La coopération française devrait peut-être accompagner le Suriname sur ce plan.

Les enjeux sont considérables : il ne s'agit pas seulement du droit frontalier et de la coopération transfrontalière entre les populations des deux rives du Maroni, mais aussi de l'avenir des liens socio-économiques et culturels entre la Guyane française et le Suriname. À travers la Guyane, seule région française située en Amérique du Sud ayant des frontières terrestres avec des États tiers, il y va de la crédibilité de la politique étrangère de la France dans cette partie du monde.

Je compte sur vous, madame la secrétaire d'État, pour transmettre ce message au ministre des affaires étrangères et au Président de la République, qui devrait séjourner en Guyane en février 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais conforter l'argumentaire de ma collègue. Cette convention est de facture tout à fait classique, et son intérêt majeur réside dans le fait qu'elle établit un cadre d'intervention coordonnée pour des opérations de police, ce qui permettra de remplacer des actions ponctuelles par des missions systématiques, avec l'avantage non négligeable d'un suivi et d'une possible évaluation. Le deuxième intérêt de cet accord est qu'il permet d'aborder la question de la contestation frontalière, en espérant que le risque évoqué dans les articles 2 et 9 – risque que je qualifie de chance – rendra nécessaire de se pencher à nouveau sur le litige fluvial pour le régler une fois pour toutes, même s'il n'est pas conflictuel. Le troisième intérêt de ce texte, c'est l'importance que prendra, de fait, la lutte contre l'orpaillage clandestin. Car, sans le viser nommément, il contribuera à lutter contre l'orpaillage clandestin, le reste de la criminalité étant indirectement stimulée par les désordres qui découle de l'exploitation illégale de l'or.

Mais d'abord, dans les relations internationales, l'état d'esprit me semble concourir à la fois à la qualité des rapports et à l'efficacité des actes. Or, dans le rapport de la commission, lorsque, dès les premières lignes, le Suriname est présenté comme un « petit pays », je crois qu'il y a là un réflexe de condescendance qui peut nuire, même si l'intention n'y est pas. Parce que ce « petit pays » s'étend tout de même sur une superficie quatre fois supérieure à celle de son ancienne métropole, les Pays-Bas, que personne n'a l'idée de traiter ainsi ; et même si le Suriname n'est que quatre-vingt-sixième selon l'indice de développement humain, son taux d'alphabétisation est équivalent à celui de la Guyane, qui est réputée, elle, appartenir à ce grand pays qu'est la France. Au passage, je voudrais souligner qu'il est temps de renoncer à la mythologie selon laquelle la Guyane disposerait du niveau de vie le plus élevé du continent. Si on regarde le Brésil et ses 170 millions d'habitants, pays industriel, notamment dans ses États du sud, qui s'étend sur 40 % du continent, le Venezuela ou l'Argentine, il est difficile de considérer sans se livrer à des rodomontades que le niveau de vie le plus élevé se trouve en Guyane.

Je disais que l'un des intérêts majeurs de cet accord, c'est d'établir un cadre systématique d'intervention coordonnée des forces de police et de gendarmerie. Même si ces activités ne vont se développer que sur une bande de 2 kilomètres de chaque côté des rives du Maroni, il est évident que ces actions ne pourront pas se limiter à la criminalité en milieu urbain et péri-urbain, ne serait-ce que parce que cette criminalité subit la pression exercée par les activités illégales sur le Haut-Maroni et sur la ceinture du Paramaca, côté guyanais, mais également sur les vallées du Maroni, côté surinamien, à Gross Rosebel et Benz-Dorp. J'entends bien la difficulté de couvrir une si vaste zone, mais il est absolument impossible, parce que inconcevable, que la criminalité et la délinquance aurifères échappent à ces missions. Je veux évidemment parler des délits de droit commun qui sont liés à l'économie interlope, celle du trafic de médicaments, de la prostitution, du trafic de stupéfiants et de psychotropes, du trafic d'armes, mais également la délinquance économique qui lui est associée, à savoir les transactions au noir, l'importation de mercure – malgré l'interdiction de son usage en Guyane depuis janvier 2006 –, le trafic de carburants, l'importation clandestine de matériels et d'équipements, le convoyage illégal de fonds et l'importation hors douane de biens de consommation.

La Guyane et le Suriname partagent ces terres de circulation que constituent les vallées du Maroni, et ils ont intérêt à additionner leurs efforts. Voilà une dizaine d'années que je plaide pour que les dossiers sensibles des flux migratoires et de l'orpaillage clandestin soient confiés non seulement au ministère de l'intérieur mais également au vôtre, le ministère des affaires étrangères, parce que la chasse à l'homme et au garimpero, même accompagnée de rodomontades, ne peut être ni efficace, ni acceptable.

Le présent accord lève l'obstacle qu'a constitué pendant longtemps la convention de Vienne du 18 avril 1961. Elle ne dissout pas pour autant toutes les difficultés, qui sont mesurables. Prenons l'exemple d'un trafic qui paraît indolent, celui de carburant : ce trafic prive les collectivités guyanaises de ressources fiscales, mais il contribue aussi à déséquilibrer la balance des paiements du Suriname. En effet, ce pays est producteur de pétrole, mais il s'agit de pétrole lourd, utilisé seulement pour les équipements industriels, et qui est raffiné au Venezuela et à Trinidad. Le Suriname réimporte donc son carburant, lequel alimente les circuits de contrebande, échappant ainsi à la fiscalité surinamienne, ce qui obère le budget public de ce pays, le prive de capacités d'intervention pour ses politiques publiques et, bien entendu, aggrave sa dette envers les compagnies pétrolières.

S'agissant de la ressource aurifère, la difficulté est la même et elle est, elle aussi, partagée par les deux territoires : au Suriname, la banque centrale est privée de ressources – malgré une législation contraignante puisque la vente au comptoir est obligatoire –, tandis que la Guyane est privée d'une ressource non renouvelable, du fait d'une législation laxiste – puisque la vente au comptoir peut y être anonyme. Le record atteint par le cours de l'or ne va qu'exercer une pression productiviste sur cette activité puisque l'once d'or, vous le savez, a atteint 900 dollars la semaine dernière ; et cela va continuer car, à cause de la crise des subprimes, le métal jaune est en train de redevenir la valeur-refuge par excellence.

Concernant la santé publique, nous sommes devant la même situation puisque, du fait de l'utilisation du mercure par l'orpaillage clandestin, le mercure métallique est inhalé par les ouvriers des chantiers mais aussi par ceux des métiers de transformation. De surcroît, le méthyl-mercure imprègne les poissons, les prédateurs, et donc remonte la chaîne alimentaire jusqu'à l'homme à cause de la pollution de la chaîne trophique. De ce fait, une pression s'exerce sur les centres de santé et sur les équipements hospitaliers.

Il ne sert donc à rien de courir seulement après les délinquants et les malades. Il faut s'attaquer aux causes. C'est la condition pour mettre un terme au pillage de la ressource, au saccage de la forêt – qui continue malgré la création du parc national amazonien –, à la détérioration du réseau hydrographique et aux désordres sociaux fondés sur la loi du plus fort.

Par ailleurs, les articles 7 et 8 prévoient une formation générale et spécialisée ainsi qu'une formation linguistique. Mais il convient de rappeler que les deux systèmes administratifs sont fondés et édifiés à partir de cultures juridiques différentes, et qu'il faudra former réciproquement ces agents de police et de gendarmerie à la culture de l'autre pays. Il est évident que ces problèmes ne peuvent pas être réglés par de simples patrouilles conjointes. Certes, les mesures que je préconise n'ont pas leur place dans une convention internationale, mais elles devraient constituer l'armature de l'action du Gouvernement. Il lui appartient de nous indiquer quels objectifs il se fixe, quels moyens il va y consacrer, quel calendrier de résultats il s'impose. Faute de quoi, nous n'aurons fait qu'adopter un texte supplémentaire, l'empiler sur les précédents, contribuer à l'impression d'un État impuissant et favoriser un sentiment d'impunité lucrative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur suppléant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Guillet

Pour répondre à Mme Taubira, qui a interpellé – quoique de façon très aimable – le rapporteur en évoquant la condescendance dont ferait preuve le rapport à l'égard du Suriname, je voudrais apporter une précision : le rapport relève seulement que le Suriname est le plus petit État d'Amérique du sud. Ce n'est qu'un simple constat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

La parole est à Mme Christiane Taubira, à titre tout à fait dérogatoire, pour une réponse brève.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Au tout premier paragraphe de la page 7, il est écrit, à la dernière ligne : « […] qui ont conduit la France à apporter son aide à ce petit pays. » Je trouve que les mots « aide » et « petit pays » sont toujours aussi condescendants !

Debut de section - PermalienRama Yade, secrétaire d'état chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme

Je vais d'abord répondre à propos de la condescendance, madame Taubira. Vous imaginez bien que nous n'en éprouvons pas. Nous avons beaucoup de respect pour le Suriname ; le travail de collaboration que nous menons d'égal à égal, d'État à État, en est la preuve.

S'agissant des orpailleurs clandestins, les actions de lutte contre l'orpaillage menées par la gendarmerie, les opérations Anaconda, démontrent notre volonté de lutter fermement contre ce type d'infractions. C'est d'ailleurs pour améliorer le dispositif actuel, en étroite collaboration avec nos voisins, que nous souhaitons que soit ratifié l'accord de coopération policière transfrontalière de juin 2006, qui prévoit notamment la mise en place de patrouilles conjointes dans la zone frontalière.

Quant aux litiges frontaliers, ils sont de plusieurs natures : maritime, terrestre ou fluviale ; je vais répondre en référence à la question que vous aviez posée à Bernard Kouchner. Depuis 1978, la France a fait des propositions au Suriname, tout juste indépendant depuis 1975,…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

A-t-on vraiment un litige frontalier avec le Suriname ?

Debut de section - PermalienRama Yade, secrétaire d'état chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme

…en vue de régler ce dossier. Sans résultat, il est vrai. Néanmoins, cet État a exprimé récemment des inquiétudes devant les actions de vive force que nous avons été contraints de conduire pour mettre fin à des activités d'orpaillage illégal. Nous avons décidé de mettre à profit cette réaction surinamienne pour relancer le dialogue relatif à la frontière. Notre ambassadeur à Paramaribo, actuellement à Paris, a reçu pour instruction de reprendre dès son retour au Suriname l'attache des autorités locales afin de leur proposer d'organiser à la date qui leur conviendrait une réunion de travail visant à régler la question de notre frontière maritime. À cette occasion, les aspects terrestres du dossier pourraient être évoqués, étant entendu que nous rejetons la mise en cause de notre souveraineté sur la portion du territoire concernée par le litige terrestre.

Ce dialogue doit nous aider à mieux prendre en compte, au-delà des seuls aspects techniques et juridiques, la réalité des liens humains et socio-économiques entre la Guyane et le Suriname. Nous sommes donc particulièrement attachés à la préservation de ces liens. C'est dans cet esprit constructif que nous souhaitons voir le Suriname ratifier les accords que nous avons signés en matière de réadmission et de coopération policière transfrontalière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Jean-Pierre Carton