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Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 17 janvier 2008 à 15h00
Grenelle de l'insertion — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Joyandet :

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous sommes au coeur d'un sujet qui passionne toutes les personnes présentes aujourd'hui ; j'espère que d'autres, qui ne sont pas là, le sont tout autant.

Monsieur le haut-commissaire, je profiterai de ces quelques minutes qui me sont allouées pour faire part de mon expérience sur le terrain et insister sur quelques points.

Nous agissons déjà en matière d'insertion dans nos villes, dans nos collectivités, dans nos hôpitaux. À titre personnel, j'ai voulu jouer le jeu de l'insertion et tout particulièrement de l'insertion par le travail dans la ville que j'ai l'honneur d'administrer et dans l'hôpital actuellement en construction. Il n'y a pas de combat perdu d'avance, même s'agissant de personnes dont on pourrait penser qu'elles sont sur le bord de la route pour très longtemps. Lorsqu'on s'en occupe bien, nombre d'entre elles montrent la ferme volonté de se réinsérer et de reprendre le bon chemin. Je l'ai remarqué dans ma bonne ville de Vesoul où nous avons fait le pari de créer quarante contrats d'avenir – soit 10 % du nombre total des salariés de la collectivité. Nous avons offert, dans l'hôpital actuellement en construction, 70 000 heures d'insertion par le travail à des personnes dont on pensait qu'elles ne pourraient plus travailler. Cela a été un très grand succès. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs été engagées par les entreprises de travaux publics et ne rencontrent plus de difficulté. Donc, je le répète, le succès est au bout du chemin si on s'occupe convenablement de ces personnes.

Pourquoi réussit-on ou échoue-t-on ? Chaque fois que l'on s'est vraiment bien occupé de ces personnes en difficulté, qu'elles ont pu s'adresser à un référent – et non à quelqu'un de différent chaque jour – et que s'est donc instaurée une relation de confiance entre elles et leur « tuteur », cela s'est bien passé. Il en va de même lorsque les procédures mises en place sont simples, comme le prouve l'exemple des chantiers d'insertion. Mais dès que les systèmes sont compliqués, c'est l'échec. Je me suis ainsi heurté au conseil général de la Haute-Saône, lorsque j'ai voulu proroger les contrats d'avenir. Il m'a alors été répondu que c'était impossible parce que trop cher et qu'il était donc préférable que les gens entrent à nouveau sur le marché du travail parce qu'ils n'étaient alors plus pris en charge par le département ou par l'État, mais par les Assedic. En effet, la loi Borloo de 2005, dont j'étais le corapporteur au nom de la commission des finances, s'est avérée inapplicable de par son côté « usine à gaz », d'ailleurs dénoncé à l'époque.

Tel est donc le constat : il n'y a pas de combat perdu d'avance. Donnons-nous les moyens de la simplification, de la globalisation de l'action et surtout de la souplesse.

Puisque vous nous faites le plaisir de discuter d'un texte qui sera ultérieurement examiné – les uns et les autres nous devons saluer cette initiative –, je tiens à vous adresser ces quelques messages du terrain de l'expérience. Il est impératif que nous offrions aux bénéficiaires des différentes procédures l'attention d'un interlocuteur permanent. Dans les périodes les plus difficiles, notre « usine à gaz » ne doit pas être impersonnelle. La personne en difficulté doit pouvoir créer ce lien de confiance et de respect qui lui permettra de franchir les premières étapes, souvent les plus difficiles. Les fonctionnaires de nos différents services publics ne doivent plus prendre en charge autant de personnes. Cela ne se passe pas ainsi dans les autres pays. Ainsi, en France, chaque salarié du service public de l'emploi est parfois responsable de 100 ou 150 chômeurs, contre trente au Danemark ! Cela change tout dans le relationnel. De ce point de vue, le grand service public de l'emploi que nous appelons de nos voeux et que nous sommes en train de créer est une nécessité.

En outre, notre action doit être globale. Il n'y a pas, d'un côté, les chômeurs « normaux » et, de l'autre, ceux qui sont beaucoup plus éloignés dans l'emploi. Pour moi, c'est une seule et même problématique et il n'existe qu'une différence de degré dans la difficulté entre les chômeurs. Vous devez donc absolument fusionner les moyens et vous rapprocher des autres ministères. Je suis en effet persuadé, contrairement à ce que j'ai entendu ici ou là, que ce n'est pas en consacrant beaucoup plus d'argent que l'on obtiendra des résultats, mais en mutualisant et en utilisant avec beaucoup plus d'efficacité et d'attention les crédits disponibles.

Enfin, il est essentiel de simplifier cette usine à gaz qu'est la loi « Borloo », monsieur le haut-commissaire. L'État déconcentré doit jouer un grand rôle dans l'application des dispositifs d'insertion, y compris le RSA. Il doit être en relation directe avec ceux qui mettent en oeuvre ces politiques sur le terrain. Nous n'avons pas besoin d'intermédiaires. Je le dis à ceux qui ne sont pas forcément de cet avis : je ne suis pas persuadé que le conseil général, le département, soit le bon échelon pour appliquer toutes ces politiques. Une relation directe entre l'État, qui fournit les moyens, ses services déconcentrés, le futur grand service de l'emploi et nos collectivités, permettant de contractualiser directement, améliorait notablement l'efficacité du système.

Telles sont les quelques pistes que je souhaitais vous soumettre.

Je vous remercie à nouveau, monsieur le haut-commissaire, de nous avoir accordé ce temps de dialogue et de réflexion sur un sujet qui nous tient à coeur. Si nous nous réunissons tous, à droite comme à gauche, nous obtiendrons des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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