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Intervention de Francis Vercamer

Réunion du 17 janvier 2008 à 15h00
Grenelle de l'insertion — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Il peut y avoir des abus et ceux-ci doivent être sanctionnés. Nous sommes néanmoins clairement opposés à toute démarche de stigmatisation des personnes vulnérables, qui le sont déjà suffisamment par ailleurs, ne serait-ce que par les parcours d'insertion qu'elles empruntent.

Le RMI est depuis longtemps devenu synonyme d'exclusion alors qu'il aurait dû être un outil de réinsertion : quel paradoxe ! On ne peut dans ce contexte qu'approuver l'action des conseils généraux de toutes tendances, qui se mobilisent pour redonner au RMI sa dimension d'insertion.

Dans son rapport sur les minima sociaux, Valérie Létard avait soulevé, à juste titre, la difficile question de la réforme des droits connexes. Elle avait mis en évidence leur multiplicité, leur diversité et leur opacité, y compris pour celles et ceux qui en bénéficient. Elle avait également montré que c'est à la fois la difficulté d'y voir clair sur les droits liés au statut de demandeur d'emploi, et la peur de perdre un ou plusieurs de ces droits en reprenant un travail, qui pouvaient constituer un frein au retour à l'emploi. Les dispositifs d'intéressement imaginés depuis pour inciter à la reprise d'un emploi sont intéressants, mais resteront insuffisants s'ils ne sont pas accompagnés d'une réforme des droits connexes. Et c'est évidemment l'un des objets de l'expérimentation du revenu de solidarité active. Nous souhaitons, dans l'esprit de ce rapport, que les droits connexes soient désormais liés à un niveau de revenu plutôt qu'à un statut, ce qui permettrait également aux travailleurs pauvres de bénéficier d'un certain nombre de droits, alors qu'ils ne peuvent aujourd'hui y prétendre parce qu'ils ont un emploi. Ce n'est bien sûr pas la solution pour réduire le nombre des travailleurs vivant en dessous du seuil de pauvreté, mais c'est en tout cas, une piste pour apporter quelques améliorations à certaines situations difficiles.

L'expérimentation du revenu de solidarité active doit permettre de mieux apprécier l'efficacité des mécanismes d'intéressement au retour à l'emploi en contournant les effets de seuil. Cependant, nous craignons que ceux-ci ne perdurent sous d'autres formes. Il en est ainsi de la couverture maladie universelle, dont le retour à l'emploi fait perdre le bénéfice. De même, le fait que certaines allocations – je pense notamment aux APL – soient calculées en fonction du revenu fiscal de l'année précédente, pose problème en cas de reprise temporaire d'activité suivie d'un retour au chômage. Une personne bénéficiant de ces allocations, qui retrouve un travail, mais retourne ensuite au chômage, risque de ne plus en bénéficier, alors qu'elle en a évidemment besoin. La question des effets de seuil reste donc d'une réelle acuité.

Quant au RSA lui-même, nous constatons aujourd'hui qu'il ne s'applique qu'à un nombre limité de minima sociaux : le RMI et l'allocation de parent isolé. Qu'en sera-t-il des autres minima sociaux : l'allocation de solidarité spécifique, l'allocation aux adultes handicapés ou l'allocation d'insertion ? Pour être véritablement efficaces, il nous faut envisager l'application du RSA à tous les publics éloignés de l'emploi.

En outre, compte tenu de la diversité des dispositifs expérimentés, selon quel schéma le RSA sera-t-il généralisé ? Si la diversité perdure, comment assurer l'équité entre les départements qui disposent de moyens importants et les autres ? De ce point de vue, le montant de l'apport financier de l'État est essentiel.

Au-delà de ces questions, le groupe Nouveau Centre reste particulièrement intéressé par ce dispositif innovant qui sécurise le retour à l'emploi des chômeurs. Le RSA sera une réussite s'il permet à ces personnes de percevoir rapidement que leur situation s'améliore durablement parce qu'elles ont retrouvé un travail.

La réforme des contrats aidés constitue le deuxième enjeu du Grenelle de l'insertion.

Dans un document de travail très précis, rendu public le 13 décembre dernier, le collectif ALERTE et les partenaires sociaux ont identifié les multiples freins à l'accès des personnes en situation de précarité à un emploi permettant de vivre dignement. Tous recommandent le maintien du nombre des contrats aidés, notamment dans le secteur non marchand, parce qu'ils sont nécessaires aux personnes les plus éloignées de l'emploi. Nous en sommes d'accord ; j'avais d'ailleurs insisté sur ce point lors du dernier débat budgétaire. Je pense en particulier aux bassins d'emploi industriels fragilisés par les restructurations et les délocalisations, où il est nécessaire d'accompagner les anciens salariés touchés par le chômage grâce à ce genre de contrat. Ici, politique de l'insertion et réflexion sur la sécurisation des parcours professionnels se retrouvent liées.

Les structures d'insertion s'accordent également pour reconnaître la nécessité de simplifier les contrats aidés. En effet, ils obéissent davantage à une logique de statut, voire parfois à une logique comptable, qu'à une logique fondée sur la singularité de la situation de la personne exclue et ses besoins réels. Ils doivent donc gagner en souplesse, tant en termes de durée que de temps de travail hebdomadaire, pour mieux prendre en compte les spécificités de chacun.

D'une façon générale, il s'agit d'inscrire la démarche d'insertion professionnelle dans une logique plus qualitative que quantitative.

Faut-il instaurer dans ce cadre un contrat unique d'insertion ? La question est posée et devra être tranchée à l'aune des résultats des expérimentations. Ce qui est impératif pour le Nouveau Centre, c'est que la réforme des contrats aidés prenne mieux en compte la nécessité d'un accès à la formation des salariés sous contrat. On ne peut en effet se satisfaire de situations où l'obligation de formation, quand elle existe, n'est pas respectée.

Chacun ici est conscient qu'en matière de formation professionnelle, ce sont les salariés déjà les plus qualifiés qui ont accès la formation, alors que les moins qualifiés en restent éloignés – vous-même l'avez rappelé tout à l'heure. Or le paradoxe selon lequel les salariés ayant le plus besoin de formation s'en trouvent écartés vaut également pour les salariés en contrat aidé. Le Nouveau Centre propose donc de réfléchir à un contrat aidé dans la logique des contrats en alternance, qui permette au salarié d'effectuer un temps au sein d'une association, articulé à un temps en entreprise et à un temps en formation. On pourrait imaginer que le parcours d'insertion soit établi en trois phases, chacune en alternance – association et formation, association et entreprise et enfin entreprise et formation – afin que la transition vers un emploi pérenne puisse se dérouler dans les meilleures conditions.

L'idée d'accorder une place à la formation qualifiante dans le cadre des contrats aidés était déjà présente dans le plan de cohésion sociale, mais il convient d'amplifier cette dimension dans le cadre des contrats aidés simplifiés. Bilan de compétences, acquisition des savoir-faire professionnels, validation des acquis et formation qualifiante doivent être au coeur de l'insertion professionnelle et au centre de la démarche qu'entame une personne en contrat aidé : le contrat d'insertion devient ainsi un facteur de qualification et de professionnalisation.

Enfin, l'objectif du retour à l'emploi ne doit pas nous faire ignorer le sort des personnes en très grande difficulté d'insertion. Cumulant les handicaps, elles ne parviennent pas à retrouver le chemin de l'insertion professionnelle, tant il est difficile pour elles de se maintenir sur la voie de l'insertion sociale. Elles doivent pouvoir être accompagnées pour structurer un projet personnel bâti autour d'une activité sociale, qui puisse ensuite servir de fondement aux prémices d'une démarche d'insertion professionnelle. Il nous faut donc réfléchir à la création d'un contrat d'utilité sociale qui permette de prendre en compte ces situations dramatiques.

Le troisième enjeu consiste à impliquer les entreprises dans une démarche d'insertion.

Les entreprises sont ou devraient être les partenaires naturels des acteurs de l'insertion, parce que c'est vers elles que les personnes qui se sont engagées dans un parcours d'insertion doivent être orientées pour trouver un emploi pérenne. L'objectif n'est pas, en effet, de maintenir ces personnes dans le processus d'insertion, en les faisant indéfiniment passer de contrat en contrat et de structure en structure. La crédibilité même de la démarche d'insertion risque d'être remise en cause, si elle ne permet pas, après un parcours réussi, de trouver un emploi. À cet égard, le rôle du service public de l'emploi est fondamental. Et j'ai pris bonne note de vos propos, monsieur le haut-commissaire. Vous me permettrez de les reprendre la semaine prochaine lorsque j'interviendrai dans la discussion générale du projet de loi sur la réforme de ce service public. Au niveau local, les maisons de l'emploi ou les structures locales de l'emploi doivent être capables de discerner les offres d'emplois susceptibles de constituer un débouché adapté à la personne en insertion, en vue de réussir le deuxième et le troisième temps du parcours.

C'est aussi par un travail plus en amont avec les entreprises du bassin d'emploi que le service public de l'emploi et ses partenaires pourront définir les besoins en main-d'oeuvre et adapter les parcours proposés aux personnes issues de l'insertion. Je relève d'ailleurs que l'une des propositions du Conseil national de l'insertion par l'activité économique va dans ce sens : dans son rapport rendu public en juin dernier, il souhaite faciliter les transitions entre contrat en insertion et contrat en entreprise classique. Le salarié en structure d'insertion doit en effet pouvoir suspendre son contrat de travail pour effectuer une période d'essai en entreprise s'il trouve un emploi – ce que ne permet pas la législation actuelle. Cela constituerait un élément de sécurité autant pour le salarié concerné que pour l'entreprise susceptible de l'embaucher.

Réfléchissons également à l'impact du changement de convention collective sur le salarié qui entre dans une entreprise classique. Il passe de la convention collective applicable aux structures d'insertion à la convention collective du secteur dans lequel il a trouvé un emploi durable, avec des garanties sociales parfois moindres, ce qui peut, là encore, constituer un obstacle au retour à l'emploi pérenne. Il faudrait donc faire en sorte que le salarié en insertion dépende directement, dès son passage dans la structure d'insertion, de la convention collective du secteur d'activité dans lequel il va travailler.

Il importe également d'explorer toutes les pistes de nature à inciter les entreprises à embaucher des salariés en insertion. Le rapport du Conseil national de l'insertion par l'activité économique évoque ainsi la possibilité d'instaurer des avantages fiscaux pour les entreprises qui s'engagent dans une démarche d'insertion : exonération de l'impôt sur les sociétés ou allégement de charges tenant compte du coût généré par de telles embauches. En tout état de cause, les entreprises ont à l'égard du territoire où elles sont implantées une responsabilité sociale dont elles doivent avoir conscience et qui doit les conduire à s'engager. Au Grenelle de l'insertion de trouver, là aussi, les outils pour les aider. Vous avez fait des propositions allant dans ce sens, monsieur le haut-commissaire.

Le dernier enjeu est de renforcer l'accompagnement des personnes en difficulté.

La personne en insertion qui s'est inscrite dans un parcours professionnel reste une personne fragile, qu'il faut accompagner. Il s'agit de mieux l'écouter et de répondre à ses besoins, de détecter les éventuelles difficultés qu'elle rencontre avant qu'elles ne posent un problème réel et n'interrompent son parcours. Aussi est-il nécessaire de prendre en compte tout l'environnement social de la personne en insertion. Il ne s'agit pas seulement des implications professionnelles de sa démarche, mais également des difficultés liées au logement, à la situation familiale, à la santé. En effet, si le chômage dérègle tout, l'emploi ne règle pas tout : il faut contribuer à stabiliser durablement la personne concernée.

Nous devons aller vers une plus grande professionnalisation des structures d'accompagnement et des associations d'insertion. Il importe que l'accompagnement soit en prise avec les réalités du monde de l'entreprise, de manière à mieux assurer les transitions vers l'emploi pérenne, en fin de contrat d'insertion. Il nous faut donc déterminer la nature de cet accompagnement, son financement et sa durée, et établir qui, du service public de l'emploi ou des associations labellisées, en est responsable.

Nous attirons également l'attention sur la diversité des structures d'insertion : leur multiplicité, lorsqu'elle s'accompagne d'un cloisonnement excessif, peut nuire à la qualité du service rendu à la personne qui fait l'objet d'un suivi. Le passage d'une structure à une autre implique un changement d'interlocuteur et donc une double rupture pour la personne suivie, qui peut être mal vécue dans un contexte de fragilité.

Pour conclure, je souhaite attirer votre attention sur un point qui n'est que peu évoqué, même si vous l'avez effleuré. Élu de l'agglomération roubaisienne et d'un territoire fortement concerné par la question des discriminations à l'embauche et dans l'emploi, j'insiste pour que cette question ne soit pas négligée dans le cadre du Grenelle de l'insertion. Il est impératif de briser ce plafond de verre qui prive, souvent durablement, un certain nombre de nos concitoyens de l'accès à l'emploi, en raison de critères qui n'ont rien à voir avec leur qualification, leurs compétences ou leur expérience.

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