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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 17 janvier 2008 à 15h00
Accord france-suriname sur la coopération transfrontalière en matière policière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Madame la secrétaire d'État, monsieur le président, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur de ce texte, pour son travail et sa contribution, rapporteur excellemment représenté par M. Jean-Jacques Guillet.

Le 19 décembre dernier, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre la France et le Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni, le 26 juin 2006. Cet accord vise à renforcer les moyens mis au service de la lutte contre la délinquance transfrontalière dans une zone ou la France et le Suriname partagent, vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, plus de 500 kilomètres de frontières le long du fleuve Maroni.

C'est à nous, députés, de voter aujourd'hui ce texte. En tant qu'orateur du groupe UMP, je me félicite de la venue à l'ordre du jour de ce projet de loi, qui va permettre de limiter l'économie transfrontalière clandestine et le pillage des ressources, tout en favorisant les échanges commerciaux entre la France et le Suriname. Permettez-moi un bref retour sur l'histoire, après lequel j'exposerai les raisons fortes qui doivent nous amener à voter pour la ratification de cet accord.

Ancienne colonie des Pays-Bas, le Suriname a gardé des liens denses avec ce pays, mais n'a longtemps pas eu de relations nourries avec la France, avec qui pourtant il partage 520 kilomètres de frontières. Les relations bilatérales entre les deux pays ont longtemps été limitées, gelées notamment par la guerre civile dans l'est du Suriname en 1986.

L'intensification des relations entre nos deux pays s'est faite progressivement depuis le début des années 1990. Si la coopération bilatérale entre la France et le Suriname s'est intensifiée dans plusieurs domaines, elle n'en reste pas moins insuffisante quant à la question des problèmes frontaliers.

En effet, si le Suriname est engagé dans un processus démocratique, la différence de situation économique et sociale entre ce pays et la France explique que la population surinamaise soit logiquement tentée par l'immigration clandestine en Guyane. On estime ainsi à 40 000 le nombre d'étrangers en situation irrégulière sur le sol guyanais.

De plus, la faiblesse de l'État surinamais et de ses institutions, ne lui permet pas d'assurer le plein contrôle de la population immigrée, au niveau tant des mouvements transfrontaliers que des activités économiques.

Notons enfin que la géographie de la Guyane, marquée par de longues frontières fluviales difficilement contrôlables et la richesse de son sous-sol, expose ce département à des formes particulières de criminalité transfrontalière, comme l'orpaillage clandestin. Quinze mille clandestins s'adonneraient ainsi à l'orpaillage à l'intérieur du département et 25 000 seraient présents sur le littoral. La valeur de ce trafic est estimée entre 100 millions et 200 millions d'euros par an. Cette activité clandestine alimente insécurité, pollution et risques sanitaires. Ce département d'outre-mer connaît déjà des difficultés sociales et économiques importantes : nous ne pouvons pas laisser ces difficultés s'amplifier du fait d'une activité illégale et clandestine de surcroît. Si les moyens juridiques de la coopération policière aux frontières ont été renforcés par la signature, le 25 octobre 2000, d'un accord visant à la répression des infractions douanières, il restait encore beaucoup à faire.

Lors du conseil des ministres du mercredi 31 janvier 2007, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a présenté un bilan de la politique de lutte contre l'immigration irrégulière outre-mer. En effet, depuis 2002, une action résolue a été menée pour lutter contre ce phénomène, avec des résultats encourageants. Ainsi, en 2006, près de 24 000 étrangers en situation irrégulière ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement depuis l'outre-mer. Ces résultats sont le fruit d'une politique engagée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, dans trois directions.

D'abord, le renforcement des moyens, avec une augmentation de près de 45 % des effectifs de police en Guyane, 30 % en Guadeloupe. L'implantation de vedettes supplémentaires à Mayotte et l'installation de radars de surveillance maritime ont montré leur efficacité. Enfin, le renforcement des moyens de la gendarmerie nationale et la participation accrue des forces armées, en particulier en Guyane et à Mayotte, ont également contribué aux bons résultats obtenus en 2006.

Ensuite, l'adaptation du droit : le titre VI de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a prévu dans certaines collectivités d'outre-mer des mesures spécifiques de nature à renforcer l'efficacité des services de police et de gendarmerie et à dissuader ainsi l'immigration irrégulière. Ces dispositions amplifient les résultats obtenus grâce à l'application des lois du 26 novembre 2003 et du 10 décembre 2003 sur l'immigration, à la mobilisation des services et au renforcement des moyens opérationnels.

Enfin, l'action internationale : en vue d'obtenir la coopération des principaux pays d'origine des migrants, une action diplomatique s'est concrétisée par la signature d'un accord de réadmission avec la Dominique notamment.

Aujourd'hui, après ces actions qui ont porté leurs fruits en matière de lutte contre l'immigration outre-mer, l'objectif affirmé tant par notre pays que par le Suriname est de compléter ce dispositif : limiter l'économie transfrontalière clandestine tout en favorisant les échanges commerciaux.

Venons-en au texte lui-même. La France est déjà liée à plus de 20 États par des accords de coopération en matière d'affaires intérieures ou de sécurité intérieure. L'accord concerné par le présent projet de loi a un champ plus limité que ces accords puisqu'il est strictement réservé à la coopération policière. Trois formes de coopération sont ainsi à distinguer : les patrouilles conjointes, le détachement d'agents et la coopération directe.

Il convient de souligner que la souveraineté nationale de chaque État est préservée. L'article 2 de l'accord stipule en effet que la coopération s'exerce « dans le respect de la souveraineté respective et du rôle des autorités administratives et judiciaires territorialement compétences », et par ailleurs « sans préjudice [...] du droit interne des États parties ». L'article 9, quant à lui, comprend une clause de refus, qui permettra à la France ou au Suriname de refuser sa coopération si celle-ci est susceptible de « nuire à sa souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public, aux règles d'organisation ou de fonctionnement de l'autorité judiciaire ou à d'autres intérêts essentiels de l'État ou de restreindre son droit national ».

Soulignons aussi que si l'article 3 permet à un agent étranger de participer sur le sol français à une patrouille conjointe, il n'y participera qu'en tant qu'« observateur ». Ces agents ne seront donc pas autorisés à effectuer des actes de police qui impliqueraient l'usage de la contrainte et pourraient conduire à une privation de liberté.

Enfin, le présent projet de loi définit que le régime de responsabilité des agents participant à la coopération transfrontalière est celui du territoire sur lequel l'opération se déroule, sauf si le régime de la partie d'origine offre plus de garanties. Cette exception profitera donc aux agents français détachés au Suriname.

En conclusion, cet accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname offre ainsi un cadre juridique aux besoins quotidiens de coopération très concrète entre les forces de sécurité de part et d'autre du fleuve Maroni. Il s'inscrit dans un contexte de renforcement des moyens de lutte contre une criminalité transfrontalière spécifique.

C'est pourquoi, chers collègues, je vous invite, au nom de l'UMP, à adopter le présent projet de loi.

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